note au bureau du parti - IEV

Les négociations sur les services : listes d'engagements négatives . ... l'accord entre l'Union européenne et le Canada – le CETA. C'est la capacité ... services publics et d'un haut niveau de protection des normes sociales, .... international. ..... services soient intégrés dans la libéralisation des télécommunications ou du.
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LE PARTENARIAT TRANSATLANTIQUE DE COMMERCE ET D’INVESTISSEMENT PTCI - TTIP

Ariane FONTENELLE

MARS

2015

Introduction ............................................................................................ 2 A.

La position du PS ............................................................................ 2

B. L’évolution des négociations entre la Commission européenne et les Etats-Unis .......................................................................................... 3 1.

Le contexte des négociations ..................................................... 3

2.

Les objectifs des négociations .................................................... 5

3.

Les grands enjeux des négociations ............................................ 6 3.1. La question du règlement des différends investisseur - Etat (RDIE ou investor-state dispute settlement – ISDS en anglais) : .... 6 3.2. Les négociations sur les services : listes d’engagements négatives .............................................................................. 10 3.3.

Le développement durable .............................................. 10

3.4.

Les marchés publics aux Etats-Unis .................................. 10

3.5.

La diversité culturelle ..................................................... 11

3.6.

La protection des données privées .................................... 11

3.7.

L’énergie ....................................................................... 12

3.8.

L’agriculture .................................................................. 12

1 Institut Emile Vandervelde – www.iev.be - [email protected]

Introduction Le partenariat transatlantique de commerce et investissement (PTCI) ou Transatlantic Trade and Investment Partnership (TTIP), en anglais, est un sujet de grande préoccupation en Belgique et en Europe. La question de la clause de règlement des différends entre les investisseurs et l’Etat (l’ISDS) est au cœur de la contestation contre le TTIP mais aussi contre l’accord entre l’Union européenne et le Canada – le CETA. C’est la capacité même des Etats à réglementer qui pourrait être mise en danger par cette clause. Le nombre record de réponses (150.000) à la consultation publique de la Commission européenne sur l’ISDS dans le TTIP montre à quel point ce projet d’accord et le manque de transparence des négociations engendrent une vive inquiétude auprès des citoyens européens. D’autres enjeux sont au cœur des négociations tels que la préservation des services publics et d’un haut niveau de protection des normes sociales, environnementales et des consommateurs ou la diversité culturelle. Mais le TTIP pourrait également avoir des impacts potentiels sur l’agriculture ou l’énergie. Le TTIP pourrait remettre en cause nos acquis sociaux et menacer notre modèle social européen.

A. La position du PS Pour le PS, s’interroger au sujet du TTIP ne relève nullement de l’Euroscepticisme, il s’agit au contraire d’éviter que ce type d’accords de libreéchange détruise nos standards sociaux, sanitaires, environnementaux et économiques qui constituent les fondements de l’Europe que nous appelons de nos vœux. Si l’on peut estimer important d’encourager et de renforcer les échanges économiques, notamment commerciaux, entre les économies européenne et américaine avec un objectif fort de croissance et de création d’emplois décents, il ne s’agit pas d’autoriser en catimini en Europe, via la conclusion de tels accords, certaines pratiques en vigueur dans un pays partenaire que les Européens s’interdisent eux-mêmes de pratiquer. Nous sommes dès lors conscients des dangers face à la négociation de cet accord qui concerne moins la baisse des barrières tarifaires, dont le niveau est déjà très faible, que l’harmonisation des normes et des réglementations non tarifaires. Or ces normes renvoient à des sujets très sensibles comme l’exploitation du gaz de schiste, les OGM, le bœuf aux hormones, etc. Ce partenariat est présenté par certains comme l’antidote à la crise, en postulant que le libre-échange est la clé de la croissance mais les risques éventuels d’un tel accord semblent minimisés. Nous refusons que cet accord soit l’occasion d’obtenir une dérégulation sociale, environnementale ou sanitaire qui remettrait en cause tous nos acquis sociaux, et notre modèle de société. L’opacité avec laquelle les négociations ont été menées jusqu’à présent a engendré une vive inquiétude auprès des citoyens européens. Nous partageons

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cette inquiétude, c’est pourquoi le PS demande de suspendre provisoirement les négociations pour procéder à une évaluation stricte de l’état d’avancement des négociations dans la plus grande transparence. Pour reprendre les négociations, le PS demande de procéder à une redéfinition du mandat de négociation pour qu’il respecte les balises suivantes :  Le respect des clauses sociales et environnementales européennes => il ne doit y avoir la moindre suspicion de dumping pour mettre à mal l'emploi européen. Il faut maintenir le niveau de nos normes européennes et de nos lois pour protéger les Européens.  Le maintien de notre sécurité alimentaire. Nous sommes le continent avec les normes sanitaires et agro-alimentaires les plus hautes au monde, cette qualité ne doit pas baisser (via des OGM américains ou des hormones dans la nourriture).  L’exclusion des services publics et d’intérêt général de toute marchandisation (éducation, santé, culturel, eau etc.).  La culture et l'audiovisuel ne doivent pas faire partie des négociations, car la culture n’est pas une simple marchandise.  On ne peut pas admettre de clause de règlement des différends («ISDS») entre les investisseurs et l’Etat. Cette clause porterait atteinte au droit à réguler des Etats. Toutes les entreprises doivent se conformer aux lois de nos Etats.  Un respect absolu de la protection des données: pas d'espionnage, pas de fouille dans les emails des citoyens européens ou dans les documents confidentiels de nos entreprises.  Le rejet des listes d’engagement négatives pour les négociations sur les services.  L’exigence d’une totale transparence des négociations. Si ces balises ne sont pas respectées et que cet accord continue de menacer nos acquis européens en matière de sécurité sociale, de santé, de service public, de protection des consommateurs, de l’environnement et des droits des travailleurs, le PS s’opposera à la ratification de cet accord.

B. L’évolution des négociations entre Commission européenne et les Etats-Unis

la

1. Le contexte des négociations Le Conseil a adopté le mandat de négociation avec les États-Unis au sujet du partenariat transatlantique de commerce et d'investissement (PTCI-TTIP) en juin 2013. Le Parlement européen a adopté une résolution1 le 23 mai 2013 accueillant favorablement l’ouverture de ces négociations. Marc Tarabella et Frédéric Daerden avaient voté contre l’ouverture de ces négociations et Véronique de Keyser s’était abstenue.

1

http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP//TEXT+TA+P7-TA-20130227+0+DOC+XML+V0//FR

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Compte tenu de l'importance du volume des échanges commerciaux entre l'Union-européenne et les USA, cet accord établirait la plus grande zone de libre échange du monde. Cet accord ne veut pas seulement couvrir les thèmes traditionnellement liés à l'accès aux marchés mais aussi les conditions de la protection des investissements, les services publics, les marchés publics, les barrières non tarifaires et les règles concernant le commerce. Le TTIP est présenté par la Commission européenne comme un remède à la crise et un instrument pour stimuler la croissance et créer des emplois en Europe. 7 rounds de négociation depuis juillet 2013. Le 8ème round a lieu la semaine du 2 février au 6 février 2015. Selon les conclusions du Conseil européen de décembre 20142 : « l'UE et les États-Unis devraient faire tous les efforts nécessaires pour conclure, d'ici la fin de 2015, les négociations sur un partenariat transatlantique de commerce et d'investissement (PTCI) qui soit ambitieux, global et mutuellement bénéfique ». Il est à ce stade impossible de prévoir une date de fin des négociations car elles achoppent sur plusieurs thèmes notamment sur l’accès aux marchés publics américains ou la convergence réglementaire. La situation politique aux Etats-Unis a également une influence sur les négociations : les élections de mi-mandat de novembre 2014 ont vu la victoire des Républicains, qui offre à ces derniers le contrôle du Congrès des Etats-Unis. Le Congrès joue un rôle non négligeable dans la politique commerciale des EtatsUnis, vu sa compétence pour délivrer au gouvernement fédéral la « Trade Promotion Authority » (TPA) lui permettant de conclure des accords commerciaux sans que ceux-ci puissent être amendés par le Congrès. Lorsqu’il accorde la TPA à l’administration présidentielle, le Congrès se limite à approuver ou rejeter l’intégralité du texte obtenu par les négociateurs (comme le fait le Parlement européen pour chaque accord commercial depuis l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne). Concrètement, on imagine mal comment les Etats-Unis pourraient conclure un accord commercial si le Congrès n’accordait pas la TPA au gouvernement. La TPA pour le TTIP pourrait être obtenue entre janvier et juin 2015. Après ce délai, les premières manœuvres concernant la prochaine élection présidentielle devraient empêcher l’expression de positions favorables au Traité parmi les députés démocrates, tandis que les Républicains ne souhaiteraient pas être les seuls à « se mouiller » sur la TPA. L’agenda de la politique commerciale des Etats-Unis doit par ailleurs tenir compte d’un autre paramètre important : les travaux concernant le Partenariat Transpacifique (TPP), accord commercial que les Etats-Unis négocient avec 11 Etats des deux rives du Pacifique. Les négociations du TPP étant plus avancées que celles du TTIP, la priorité du gouvernement des Etats-Unis est d’obtenir la TPA pour le TPP en premier lieu. Pour essayer de faire avancer les négociations plus vite, la Présidence italienne avait proposé de négocier d’abord un Traité plus modeste, sans les aspects polémiques. Cette proposition a été rejetée par les autorités américaines et par 2

http://www.consilium.europa.eu/uedocs/cms_data/docs/pressdata/fr/ec/146417.pdf

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la Commission européenne. Le dernier G20 et le Conseil européen du 19 décembre 2014 ont réaffirmé leur appui à un Traité « ambitieux et global ». Parmi les trois priorités principales de la Présidence lettone3 figurent une Europe compétitive, une Europe numérique et une Europe engagée sur le plan international. La politique commerciale de l’Union européenne sera un des axes majeurs de cette troisième priorité et la question du TTIP au cœur de la Présidence.

2. Les objectifs des négociations L’objectif des négociateurs est d’éliminer les barrières commerciales dans de nombreux secteurs économiques afin de faciliter l’achat et la vente de biens et de services entre l’Union européenne et les États-Unis. Il vise trois domaines principaux :  l’accès au marché (tarifs douaniers inclus) ;  les questions réglementaires et les barrières non tarifaires (BNT) (par exemple, les interdictions d’importations et les normes sanitaires) ;  les règles (droits de propriété intellectuelle, douane et facilitation du commerce, développement commercial et durable). Dans les faits, les tarifs douaniers appliqués entre les deux partenaires sont déjà assez bas. Les négociations porteront donc principalement sur la réduction des barrières non tarifaires. Les négociations sur le TTIP doivent également aborder l’ouverture des deux marchés en ce qui concerne les services, l’investissement et les marchés publics. Elles pourraient également mener à l’établissement de règles mondiales sur le commerce. Suite aux nombreuses pressions, notamment du Premier ministre, Elio di Rupo, les conclusions du Conseil européen de juin 2014 ont acté une demande de transparence pour les négociations d’accords commerciaux, y compris pour le TTIP4, et le Conseil européen a décidé dans la foulée de publier le mandat de négociation5. La nouvelle Commission affiche également une volonté d’améliorer la transparence des négociations. Elle a notamment mis plusieurs documents en ligne mais cette question de la transparence doit être globalement améliorée surtout en ce qui concerne la partie américaine des négociations (des salles de lecture sont maintenant ouvertes dans les ambassades américaines mais l’accès direct à ces documents est demandé par plusieurs Etats membres). Un Groupe consultatif TTIP a été constitué auprès du négociateur en chef de l’Union européenne, Ignacio Garcia Bercero. Il est composé principalement de représentants d’entreprises et la CES en fait partie. Cependant, ce groupe 3

http://www.europarl.europa.eu/news/fr/newsroom/content/20150119IPR10104/html/Les-commissions-parlementairesd%C3%A9battent-des-priorit%C3%A9s-de-la-pr%C3%A9sidence-lettone 4 http://www.senat.fr/fileadmin/Fichiers/Images/commission/affaires_europeennes/Conclus ions_CE/bruxelles_juin2014.pdf 5 http://www.consilium.europa.eu/uedocs/cms_data/docs/pressdata/EN/foraff/145014.pdf

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n’aurait eu jusqu’à présent de « consultatif » que le nom : les propositions de l’Union européenne ne seraient souvent transmises « qu’à titre d’information » lorsqu’elles ont déjà fait l’objet d’une décision définitive.

3. Les grands enjeux des négociations Une réunion aurait été organisée entre la Commission européenne et le Représentant permanent adjoint américain pour les questions commerciales, l’Ambassadeur Michael Punke, mi-janvier pour définir les objectifs politiques des deux camps pour 2015. La stratégie qui aurait été décidée serait une approche en deux temps afin de « maximiser les négociations dans les domaines où des progrès sont possibles ». Trois cycles de négociation sont prévus d’ici l’été 2015. Le cycle de négociation de février 2015 devrait porter sur des discussions autour d’un texte consolidé sur les barrières sanitaires et phytosanitaires (SPS). La convergence réglementaire pourrait également être abordée.

3.1. La question du règlement des différends investisseur - Etat (RDIE ou investor-state dispute settlement – ISDS en anglais) : L’ISDS est l’un des sujets ayant généré le plus de débats autour du TTIP. L’ISDS est un mécanisme permettant à un investisseur se considérant lésé par l’un des Etats parties au traité de faire appel à une procédure d’arbitrage international en vue d’obtenir un dédommagement de la part de l’Etat visé par la procédure. Historiquement, les Etats membres de l’Union européenne ont conclu plusieurs centaines d’accords de protection de l’investissement (dont certains entre eux) permettant aux investisseurs d’un Etat partie d’attaquer l’autre Etat partie via une procédure arbitrale. Ce fait est d’ailleurs l’un des arguments des défenseurs de l’inclusion d’une clause ISDS dans le TTIP, dont la Commission européenne. La nécessité de l’inclusion d’un mécanisme de l’ISDS dans le TTIP est peu évidente. Il semble en effet raisonnable de considérer que tant les Etats-Unis que l’Union européenne présentent des cadres juridiques stables et prévisibles, permettant aux investisseurs qui s’estimeraient lésés par une mesure des autorités publiques de les contester ou de demander à être dédommagés devant les cours et tribunaux européens ou américains. Si la Commission tient tant à insérer une clause ISDS dans le TTIP, c’est probablement parce qu’elle anticipe les négociations en cours ou à venir sur ce volet avec d’autres Etats. Ainsi, alors qu’elle négocie un accord bilatéral sur l’investissement avec la Chine, la Commission imagine sans doute difficilement demander à la Chine d’inclure une clause ISDS tout en faisant l’impasse sur cette clause avec les Etats-Unis. En intra-belge, personne ne conteste qu’un mécanisme ISDS n’apporterait aucune valeur ajoutée au TTIP. La Belgique a fait valoir ce point dans les discussions entre Etats membres sur le mandat de négociation, qui ont débouché sur un texte prudent concernant l’ISDS. La question de l’inclusion ou non d’une clause ISDS n’est en fait pas tranchée dans le mandat de négociation, dont l’article 22 énonce ceci: « After prior

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consultation with Member States and in accordance with the EU Treaties the inclusion of investment protection and investor-to-state dispute settlement (ISDS) will depend on whether a satisfactory solution, meeting the EU interests concerning the issues covered by paragraph 23, is achieved ». A ce stade, il est difficile d’anticiper de quel côté pencheront les discussions entre Etats membres. Le fait que l’Allemagne se soit, sous l’impulsion de la composante SPD de son gouvernement fédéral, nettement positionnée contre l’ISDS est évidemment un fait important. Mais un certain nombre d’Etats membres (dont l’Espagne, le Portugal et le Royaume-Uni, par exemple) plaident dans une direction opposée. En ce qui concerne la position du gouvernement fédéral, l’accord de gouvernement mentionne un soutien au TTIP mais ne se positionne pas sur l’ISDS6. A l’heure actuelle, il est extrêmement difficile de prévoir comment le Parlement européen se prononcerait sur un accord TTIP contenant un ISDS. Les différents acteurs institutionnels sont eux-mêmes influencés sur cette question par la société civile, dont certains secteurs se sont mobilisés massivement contre l’ISDS. La Commission européenne avait d’ailleurs lancé une consultation publique sur l’ISDS dans le TTIP au printemps 2014. La société civile y a participé massivement (150.000 réponses reçues). La Commission européenne a présenté un rapport7 sur cette consultation en ligne le 13 janvier dernier. Les principaux résultats de la consultation :  Une majorité de répondants (associations professionnelles, syndicats, organisations de consommateurs, bureaux d’avocats, universitaires, etc.) ont utilisé cette consultation sur l’ISDS pour exprimer leur rejet du TTIP (97% des répondants). Les autres ont exprimé leur souhait de ne pas voir d’ISDS dans le TTIP et enfin, une minorité a fait des suggestions sur l’approche que la Commission devrait avoir pour définir un nouveau régime européen pour les ISDS.  Parmi les réponses sur la proposition de la Commission européenne sur un régime européen pour l’ISDS, nombreux sont ceux qui reconnaissent les efforts déployés par l’Union européenne pour améliorer le système de protection des investissements, mais estiment que l’approche est insuffisante. Un grand nombre de syndicats et d’ONG soulignent la nécessité de renforcer le droit de réglementer dans l’intérêt général. Certains demandent un renforcement des obligations des investisseurs, en particulier en ce qui concerne les droits de l’homme, la réglementation dans les domaines sociaux et environnementaux ou, de manière plus générale, la responsabilité sociale des entreprises.  Dans le monde des entreprises, malgré le soutien général en faveur d'un système ISDS qui soit plus intégré, plus cohérent et ancré sur des principes de transparence et d’éthique, certains craignent que 6

http://www.premier.be/sites/default/files/articles/Accord_de_Gouvernement__Regeerakkoord.pdf 7 http://trade.ec.europa.eu/doclib/docs/2015/january/tradoc_153044.pdf

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l'approche de l'Union européenne puisse réduire le niveau de protection des investisseurs par rapport aux accords d’investissement existants et que cela pourrait rendre l’Europe moins attractive pour les investissements étrangers. D’autres estiment qu'il n’y a pas de contradiction entre les règles internationales en matière d'investissements et le droit des États à réglementer.  Vaste débat sur le rapport entre l’ISDS et les tribunaux nationaux et sur l’approche de l’Union européenne concernant la nomination et les qualifications des arbitres. De même, le projet de création d’une instance d’appel est généralement salué, en tant que moyen d’améliorer la cohérence et la légitimité de l’ISDS, mais l'incertitude quant à sa création est considérée comme un problème. Il est indiqué dans de nombreuses contributions que seuls les tribunaux nationaux devraient intervenir pour régler des différends entre les États et les investisseurs étrangers.  Préoccupations exprimées quant au fait que l’accessibilité au mécanisme de l’ISDS risque de rester de facto essentiellement une prérogative des grandes entreprises, vu que ses coûts et sa complexité pourraient s'avérer prohibitifs pour les petits investisseurs privés. En réponse à cette consultation, la Commission rappelle que cette question de la négociation d’un ISDS dans TTIP est prévue dans le mandat octroyé par les Etats membres (avec comme on l’a vu ci-dessus plusieurs conditions) et que la décision sur la question d’inclure ou non d’un ISDS dans le TTIP sera prise dans la phase finale des négociations. Pour rappel, le Président Juncker avait de plus indiqué au Parlement européen que cette décision d’inclure un ISDS sera prise « en accord avec le Vice-président Timmermans ». La Commission européenne annonce qu’elle va continuer à travailler sur l’ISDS autour de quatre domaines :  la protection du droit de réglementer;  la surveillance et le fonctionnement des tribunaux d'arbitrage;  les rapports entre l'arbitrage du RDIE et les voies de recours nationales;  le contrôle de la régularité juridique des décisions du RDIE au moyen d’un mécanisme d’appel. Au cours du premier trimestre 2015, la Commission va consulter les stakeholders, les États membres et le Parlement européen sur ces 4 domaines. La Commission européenne prévoit de faire des propositions de recommandations au printemps 2015 et une proposition formelle de position de l’Union européenne au mois de juin 2015. La question la plus cruciale concernant l’ISDS est la protection du droit de réglementer pour les Etats. Les deux exemples suivants illustrent l’impact potentiellement négatif de l’ISDS pour les Etats :  La ville d’Hambourg a déjà subi des attaques sur base de l’ISDS par l’entreprise Vattenfall8. Elle avait octroyé à Vattenfall un permis de 8

http://www.iisd.org/pdf/2009/background_vattenfall_vs_germany.pdf

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construction d’une centrale au charbon, avec des conditions en matière de pollution de l’eau (basées sur une directive européenne). Vattenfall a attaqué l’Etat allemand pour la perte de profits attendus qui résulterait de ces conditions. L’entreprise réclamait une compensation de près de 1,4 milliards d’euros pour les dommages subis et un accord à l’amiable a dû être trouvé ;  L’entreprise Veolia9, qui avait un contrat de propreté publique avec la ville d’Alexandrie, a quitté le pays et initié un arbitrage contre l’Egypte après l’instauration d’un salaire minimum, qui augmentait ses coûts et diminuait sa marge. La question de l’ISDS dans le TTIP ne peut être dissociée de la question de l’ISDS dans l’accord entre l’UE et le Canada (l’accord économique et commercial global (AECG) ou Comprehensive Economic and Trade Agreement (CETA)). Les négociations du CETA entre le Canada et l'Union européenne ont été conclues en octobre 2014. L’accord couvre la plupart des aspects de la relation économique bilatérale, notamment les produits et les services, l’investissement et les achats gouvernementaux et un ISDS est également prévu dans le CETA. Cependant, le CETA n’a pas été paraphé en septembre 2014 comme c’était prévu. La large mobilisation contre l’ISDS du TTIP dans la consultation de la Commission et les déclarations du nouveau Président Juncker ont entrainé la Commission à une certaine prudence. L’objectif de la Commission européenne est aujourd’hui de parapher et signer l’accord fin 2015. Cependant, la question de l’ISDS dans CETA et TTIP devra être tranchée avant. Les débats au sein du Parlement européen seront orientés sur la question de l’ISDS dans les deux accords. Une résolution sur le sujet pourrait être déposée en mars 2015. L’attitude des gouvernements français et allemand sur cette question de l’ISDS pourrait être décisive. Une réunion bilatérale franco-allemande s’est tenue le 21 janvier 2015 dans la foulée de la publication par la Commission des résultats de la consultation publique sur l’ISDS. Le ministre allemand de l’Economie, Sigmar Gabriel, et le secrétaire aux affaires économiques et à l’énergie, Matthias Machnig, ont reçu le secrétaire d’Etat français chargé du Commerce extérieur, Matthias Fekl, à Berlin où ils ont discuté principalement des « enjeux de politique commerciale d’intérêt commun entre la France et l’Allemagne, en particulier les mécanismes de règlement des différends investisseur/Etat (ISDS) ». Dans une déclaration commune10, les ministres des deux pays saluent la publication des résultats de la consultation publique sur l’ISDS comme « une nouvelle étape pour échanger sur les améliorations à apporter à l’ISDS ». Les ministres évoquent un rapport « nourri de très nombreuses contributions substantielles » et soulignent la nécessité d’apporter des réponses aux préoccupations exprimées », en citant notamment le droit à réguler des Etats, le fonctionnement des instances arbitrales, les relations avec les juges nationaux ou encore le mécanisme d’appel. 9

http://ecesr.org/en/wp-content/uploads/2013/11/Investment-Report-English-WApnx.pdf 10 http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/politique-etrangere-de-la-france/diplomatieeconomique-et-commerce/actualites-liees-a-la-diplomatie23093/2015/article/negociations-commerciales-117484

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Les ministres allemands et français ont également abordé la question du CETA : « les quatre axes retenus par la Commission dans son rapport de consultation devraient inciter à apporter des modifications au CETA ». « Nous souhaitons examiner toutes les options de modifications avec eux et avec la Commission », annoncent les ministres.

3.2. Les négociations sur les services : listes d’engagements négatives Alors que la Belgique avait, conformément à sa position agréée en interne, plaidé pour l’utilisation de listes d’engagement positives dans les négociations sur les services, la Commission a opté pour des listes négatives. Le rapport de force au Conseil est nettement défavorable à la Belgique, aucun autre Etat membre ne s’étant opposé à l’emploi de listes négatives.

3.3. Le développement durable Comme c’est habituellement le cas pour les accords commerciaux de l’Union européenne, le mandat de négociation prévoit que le TTIP comportera un chapitre sur le développement durable, portant tant sur la dimension sociale que sur la dimension environnementale. Les négociations sur ce volet sont en cours et la Commission affiche un certain optimisme concernant leur évolution. La limitation de l’ambition de la Commission à l’obtention de mesures purement incitatives constitue un écart assez important par rapport à notre position qui consiste à plaider pour « la révision des textes-modèles utilisés pour leur négociation et en particulier pour le respect des droits de l’homme, du droit du travail et de normes humaines, sociales et environnementales contraignantes, accompagnées de sanctions financières ou commerciales »11. Vu la direction que prennent les négociations, le résultat final devrait être éloigné de normes contraignantes et de sanctions financières ou commerciales concernant les dispositions sur le développement durable. Au niveau du fond, des divergences relativement importantes existent entre les Etats-Unis et l’Union européenne. Ainsi, sur le volet social, la ratification des conventions fondamentales de l’OIT présente un contraste important : alors que les 28 Etats membres de l’Union européenne ont ratifié les 8 conventions fondamentales, les Etats-Unis n’ont ratifié que 2 de ces conventions.

3.4. Les marchés publics aux Etats-Unis L’ouverture à la concurrence des marchés publics dans les États fédérés américains est une question sensible pour les Américains. Il faudra que l’Union européenne obtienne ici des exemptions aux règles du « Buy American Act » qui privilégie exclusivement les produits et producteurs américains.

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Dans la Déclaration de politique régionale wallonne et dans la Déclaration de politique communautaire : http://gouvernement.wallonie.be/sites/default/files/nodes/story/6371dpr2014-2019.pdf

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3.5. La diversité culturelle L’enjeu de la diversité culturelle a été au cœur des discussions sur le mandat accordé par les Etats membres à la Commission européenne et il a été décidé que ce point ne serait pas abordé dans les négociations avec la précision suivante dans le mandat : « the Agreement shall not contain provisions that would risk prejudicing the Union's or its Member States' cultural and linguistic diversity, namely in the cultural sector nor limit the Union and its Member States from maintaining existing policies and measures in support of the cultural sector given its special status within the EU and its Member States. The Agreement will not affect the capacity of the Union and its Member States to implement policies and measures to take account of developments in this sector in particular in the digital environment ». Les Etats-Unis ont voté contre la Convention UNESCO sur la diversité culturelle et prônent une approche purement commerciale des biens et services culturels et audiovisuels. Ils tendent à considérer les politiques culturelles et audiovisuelles comme des barrières au libre-échange. Les politiques culturelles et audiovisuelles sont sous pression pour s’adapter à l’environnement numérique et développer et promouvoir la diversité culturelle notamment sur les réseaux. La Directive Services de médias audiovisuels (SMA) a déjà été adaptée en 2007 pour intégrer les services de vidéo à la demande dans son champ d’application et leur appliquer des mesures de promotion des œuvres européennes. Cependant, l’harmonisation de ces mesures n’est pas très poussée et de grandes disparités subsistent entre les Etats membres dans l’approche réglementaire de ces nouveaux services. Les Etats-Unis cherchent à définir les « services audiovisuels » afin de limiter l’exclusion européenne aux services traditionnels, pour que les nouveaux services soient intégrés dans la libéralisation des télécommunications ou du commerce électronique. Ils utilisent à cet égard la notion de « digital product » qui vise à contourner le système de défense européen basé sur les services. Il convient donc de veiller à ce que l’exclusion des services audiovisuels ne soit pas en partie anéantie par le biais des chapitres sur les télécommunications et le commerce électronique. De plus, l’ancien commissaire au commerce extérieur Karel De Gucht avait également déclaré qu’il était prêt à ouvrir des discussions sur l’audiovisuel si les américains le souhaitent.

3.6. La protection des données privées Les Etats-Unis ont des intérêts très offensifs en matière de libéralisation des données. Cette position très offensive est bien présente dans le TTIP, même si la protection des données est exclue du mandat de négociation du TTIP. En effet, le mandat du TTIP s'inscrit dans l'exception prévue par le GATS (art XIV) de l'OMC qui dit que les pays ne peuvent pas être empêchés d'adopter des législations pour la protection de la vie privée des individus. Mais l'offre américaine sur le chapitre de l’e-commerce contiendrait des éléments qui concernent directement la protection des données. Les USA veulent limiter l'exception prévue dans le GATS à seulement des cas exceptionnels. Le marché européen de l’e-commerce est très juteux pour les grandes entreprises

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américaines qui ont une position clairement dominante en Europe. Le marché européen de commerce digital représente 60% des exportations de services des Etats-Unis. A l'heure où l'Union européenne est en train de revoir sa législation en matière de protection des données cette pression des Etats-Unis est d'autant plus dangereuse. En effet, Michael Fromman, (homologue américain de C. Malmström) considère que des mesures prises au niveau de l’Union européenne comme le stockage de données privées au niveau local ("localisation rules") sont des barrières illégales au libre commerce. Pour l'Union européenne, la protection des données est un droit ancré dans la Charte européenne des droits fondamentaux (ce n'est pas le cas aux Etats-Unis). Toute négociation concernant la protection des données privées devrait se faire de manière transparente.

3.7. L’énergie Le développement récent de sources indigènes d’énergie aux Etats-Unis (gaz et pétrole de schiste) a entraîné une baisse importante du prix de l’énergie dans ce pays, avec des conséquences négatives en termes de compétitivité pour les entreprises européennes. Pour cette raison, l’accès sans restriction aux énergies fossiles produites aux Etats-Unis est une priorité affirmée de la Commission européenne, que la crise russo-ukrainienne n’a fait que renforcer. En Belgique, l’enjeu de l’énergie fait notamment partie des priorités identifiées par la Fédération des Entreprises de Belgique et par le SPF Economie. De leur côté, les Etats-Unis, dont les règles d’exportation des énergies fossiles sont très restrictives, ne montrent pas d’intérêt pour le souhait de la Commission de négocier un chapitre exclusivement dédié à l’énergie dans le TTIP. En plus de la question de l’impact environnemental des hydrocarbures de schiste, qui alimente la controverse sur ces sources d’énergie (au point que plusieurs Etats membres de l’UE ont interdit leur exploitation), il est nécessaire de tenir compte de la dimension logistique de l’importation de ces hydrocarbures en Europe. Ainsi, pour permettre l’exportation de gaz, de nouvelles infrastructures portuaires devraient être développées aux Etats-Unis. Par ailleurs, selon Karel De Gucht (lors de son audition par la Commission des Relations extérieures de la Chambre et du Sénat, le 12 mars dernier), le prix du gaz de schiste serait multiplié par deux entre le moment de son extraction aux Etats-Unis et son arrivée sur le marché européen.

3.8. L’agriculture Pour la région wallonne, les intérêts et préoccupations suivants sur le volet agricole ont été exprimés dès avant l’ouverture des négociations :  Questions tarifaires : existence d’une série de pics tarifaires du côté des Etats-Unis (lait et produits laitiers, fruits et légumes dont les pommes et poires, produits agricoles transformés du pois) et plusieurs produits sensibles (viande bovine, sucre et certains produits de la

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famille, biocarburants) pour lesquels des contingents tarifaires sont demandés.  Questions douanières, de traçabilité et d’étiquetage des produits : au niveau des règles d’origine et de cumul de l’origine ainsi que de certaines ouvraisons (entre autres par rapport au « wholly obtained » et à plusieurs ouvraisons qui ne peuvent conférer l’origine). Sont également mentionnées la problématique de la traçabilité des produits et l’émission de divers documents (par exemple les certificats d’abattage).  Règles sanitaires et phytosanitaires : embargo sur la viande bovine au nom de l’ESB (maladie de la vache folle), reconnaissance de nos normes et pratiques liées à des attentes sociétales (labels régionaux et sectoriels, OGM, hormones, traitements chimiques et/ou techniques de la viande, bien-être animal, mélanges de produits, etc.).  Barrières techniques au commerce : les règles générales appliquées aux Etats-Unis, dont l’application des contrôles (FDA, APHIS, sécurité alimentaire, bioterrorisme, limitation des ports d’entrée, …), est souvent plus sévère pour les produits étrangers, ce qui génère des coûts plus importants.

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