MS MM 2011 Pillage des Terroirs - Intelligence Economique - Infoguerre

of the terroir and their important role in the economical, social, cultural and .... éléments d'ordre culturel (histoire, réputation), technique (aire de diffusion ...... à la globalisation mondiale et à une communication simplifiée autour des cépages.
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Mastère Marketing Management 2010 - 2011

Intelligence Economique

Le pillage des terroirs : ses différentes formes, pistes de réflexion pour les enrayer … Auteurs : Sabine Legrand Michael Bourgeois Karine Blanc Joëlle Guerra

Déc. 2010

Sommaire Fiche de synthèse.........................................................................................................................3 Executive Summary......................................................................................................................4 Introduction.................................................................................................................................5 1

2

Définition de la problématique du pillage des terroirs ...........................................................6 1.1

Définition du mot « terroir ».............................................................................................................. 6

1.2

Protection des terroirs : ..................................................................................................................... 6

1.3

Intérêts économiques des terroirs :................................................................................................. 10

1.4

Le pillage des Terroirs ...................................................................................................................... 12

Pillage par la contrefaçon, recommandations ......................................................................12 2.1

Le Pillage des terroirs par la contrefaçon : ...................................................................................... 12

2.2 L’application de la réglementation européenne pour lutter contre le pillage des terroirs : l’exemple de la Feta....................................................................................................................................... 13 2.3

3

4

Les enjeux internationaux des indications géographiques.............................................................. 15

Pillage par la divulgation de techniques de fabrication, recommandations...........................19 3.1

Etude de cas : les vins français ......................................................................................................... 19

3.2

La stratégie du terroir : .................................................................................................................... 20

3.3

La stratégie de l’étranger : ............................................................................................................... 21

3.4

Les risques de l’expatriation / délocalisation :................................................................................. 22

Pillage causé par des lobbyings étrangers, recommandations ..............................................23 4.1

Cas du Sel de Guérande ................................................................................................................... 24

4.2

Cas du Roquefort Français ............................................................................................................... 25

4.3

Leviers pour la protection de nos produits du terroir contre les lobbyings étrangers:................... 26

Conclusion .................................................................................................................................28 Annexes

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Fiche de synthèse La problématique du pillage des terroirs doit s’envisager de manière globale et s’inscrire dans des logiques de conflits d’intérêts entre grandes puissances. De nouveaux facteurs d’affrontement au niveau agroalimentaire sont nés comme le durcissement de la compétition entre produits alimentaires, les délocalisations de productions, les tentatives de standardisation des modes de vie et des goûts, qui font qu’au-delà de la protection de la propriété intellectuelle, les pays cherchent à présent à protéger leurs productions locales, leurs marchés, et adopter des stratégies offensives de conquête à l’international. Des courants de pensée nouveaux ont émergé comme « l’éducation au goût », « l’économie solidaire », « solidarité versus capitalisme » et ne peuvent que soutenir les états dans la protection de leurs terroirs. Malheureusement, tous ces courants ne peuvent fonctionner qu’en modèle fermé. Comment un état peut il alors positionner le curseur de la «fermeture ou de l’ouverture au monde » permettant de laisser les producteurs conquérir l’international tout en protégeant l’économie locale ? L’Europe a choisi de se doter des AOP (Appellation d’Origine Protégée) et des IGP (Indication Géographique Protégée), appellations qui confèrent des droits de protection aux produits labellisés qui sont en théorie reconnus dans 150 pays, conformément à un accord sur les aspects de droit de propriété intellectuelle conclu dans le cadre de l’OMC. En France, c’est l'INAO qui est chargé de la mise en œuvre de la politique française relative aux produits sous appellation. Etablissement public administratif sous tutelle de Ministère de l’agriculture et de la pêche dont l’organisation est structurée et institutionnelle, son intervention juridique et son efficacité ne peuvent qu’être limitées sur un échiquier économique mondial incluant à présent un nombre beaucoup plus élevé de pays montants comme la Chine. Ce sont donc tous les acteurs de la filière des produits du terroir (petits producteurs, industriels, élus locaux et représentants nationaux) qui doivent aujourd’hui se mobiliser, pour mettre en avant, tout en les protégeant, les qualités des produits du terroir et leur rôle primordial dans le développement économique, social, culturel et environnemental. Ces actions peuvent prendre diverses formes : -

Des négociations internationales menées dans le cadre de l’Organisation Mondiale du Commerce ou d’accord bilatéraux, Des Actions d’influences des ONG, Une refonte de la communication et du marketing autour des produits visant à influencer les modes de consommation dans l’intérêt des produits « vrais » issus de tradition, Des expatriations et délocalisations qui permettent de mieux s’implanter à l’international tout en protégeant les savoir-faire, Des actions collectives pour aller à la conquête de nouveaux marchés en dehors des zones traditionnelles d’échange, Autre forme enfin : le protectionnisme.

Cela ne peut se faire sans une volonté des Etats d’ avoir une vision à long terme et de définir des priorités d’action qui permettront d’arbitrer les rapports de force entre les producteurs et les industriels, les industriels entre eux et les pays faisant partie d’une même union. Reste à savoir quels seront les Etats capables de s’engager dans cette démarche et d’y réussir.

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Executive Summary The “terroir looting” problematic must be perceived and treated as a global problematic, and come within the area of conflicts of interests between great Powers. New confrontation factors within the food processing industry have emerged, such as higher competition between food products, production relocation, tastes and lifestyles standardization, the result being that not only intellectual property is at stake, countries are now trying to protect their local products, their markets, and are adopting offensive strategies to conquer international markets. New ideologies have emerged such as “taste education”, “fair trade”, “solidarity vs. capitalism” and can only support states to protect their “terroir”. Unfortunately all those ideologies can only work in a closed system. How can a state position its pointer and decide wether to close or open itself to the world in order to conquer international markets while protecting its local economy? The European Union decided to develop the AOP (Label of Origin Protected) and IGP (Geographic Indication Protected), concepts giving protection rights to labeled products which are in theory recognized in 150 countries, following an agreement on intellectual property rights made through the WTO. In France the “INAO” (Label of Origin National institute) trusted by the Agriculture Ministry which organization is structured and institutional, his legal intervention and efficiency can only be limited on a worldwide economic chessboard including nowadays much more emerging countries such as China. Therefore, it is the responsibility of all actors of the sector (small producers, industrials, local and national representatives) to mobilize now, in order to emphasize on, while protecting them, the qualities of products of the terroir and their important role in the economical, social, cultural and environmental development. These actions may take different forms: -

International negotiations lead in the frame of the World Health Organization or bilateral treaties, Influential actions by Non Governmental Organizations, Reworking of Communication and Marketing around products in order to influence consumption modes in the interest of “real” products, Relocations to allow a better establishment abroad of while keeping knowhow’s, Collective actions to conquer new markets outside of traditional exchange zones, Protectionism.

All these actions can be lead without the Governments’ will to have a long term vision and to define priorities for actions which will allow settlement of the balance of power between producers and industrials, industrials among themselves and countries belonging to the same union. A question is remaining: Which Countries will be able to engage in this approach and succeed?

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Introduction Au carrefour de multiples sollicitations, les terroirs et leurs ressources continuent de faire recette. Les produits du Terroir sont aujourd’hui très convoités dans la mesure où la mise en avant de leur origine peut apporter une plus value réelle. Il n’est pas de pays au monde où l’origine géographique ne soit associée à des produits et la mise en place de dispositifs de protection à l’échelle européenne n’a fait que renforcer l’attention portée aujourd’hui aux productions localisées. La formalisation juridique au niveau européen offre un cadre qui permet d’établir et de protéger une relation entre un produit et un lieu à travers la réservation d’un nom, sur le territoire de l’UE. Mais de nouveaux facteurs d’affrontement au niveau agro-alimentaire sont nés et se manifestent en particulier par l’accentuation des asymétries existantes entre le développement local, macro-régional et mondial. Par ailleurs, la globalisation des marchés conduit, par l’industrialisation de la chaîne agroalimentaire, à une massification et à une standardisation des produits et, par conséquent, à une perte de diversité à la fois au niveau des matières premières agricoles utilisées et des processus de fabrication. Suite au durcissement de la compétition entre produits, certaines filières sont intéressées par la standardisation des modes de vie et des goûts ainsi que par la délocalisation des productions agricoles, alors que dans le même temps, le nouveau régime de concurrence met la qualité et la signalisation des produits au centre des préoccupations. Les questions d’origine, de typicité, de culture et d’histoire, deviennent un nouvel enjeu de segmentation et d’élargissement des marchés, mais aussi sociétal et environnemental, dans la dynamique d’une aspiration planétaire à un retour aux sources, au vrai et à un développement plus durable. Les appellations protégées sont également porteuses de création de valeurs et d’emplois au profit des territoires. Les pays cherchent donc à présent à protéger leurs productions locales, leurs marchés, et adopter des stratégies offensives de conquête à l’international dans lesquelles la défense des terroirs devient donc un dénominateur commun à l’ensemble des nations. Après avoir défini dans une première partie la notion de terroir nous développerons le concept des « appellations d’origine » qui a d’abord été mis en place au niveau français, puis adopté au niveau européen. Nous évoquerons ensuite au travers d’exemples concrets différents types de pillage des terroirs et les différents moyens qui peuvent être envisagés pour y remédier.

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1 Définition de la problématique du pillage des terroirs 1.1

Définition du mot « terroir »

« Terroir » un nom masculin venant du mot « terre » (déf

du Petit Larousse illustré)

:

- Terre considérée sous l’angle de la production ou d’une production agricole caractéristique. - Ensemble du sol et du climat correspondant à un vignoble délimité, donnant un caractère spécifique au vin qu’il produit. - Territoire exploité par un village, une communauté rurale. - Province, campagne considérée sous le rapport de certaines habitudes spécifiques, ainsi que de la relation au passé, aux morts. Une autre définition est proposée par un groupe de travail INRA/INAO (nov 2005) : « Un Terroir est un espace géographique délimité défini à partir d’une communauté humaine qui construit au cours de son histoire un ensemble de traits culturels distinctifs, de savoirs et de pratiques fondés sur un système d’interactions entre le milieu naturel et les facteurs humains. Les savoir-faire mis en jeu révèlent une originalité, confèrent une typicité et permettent une reconnaissance pour les produits ou services originaires de cet espace et donc pour les hommes qui y vivent. Les terroirs sont des espaces vivants et innovants qui ne peuvent être assimilés à la seule tradition. » Un peu d’histoire Les terroirs résultent de l’exploitation par une société humaine des potentialités d’un espace physique. Leur définition dépend étroitement des caractères de la civilisation qui occupe les terres. Ainsi, dans un même espace, avec des potentialités et des contraintes physiques identiques, des sociétés humaines différentes sont susceptibles de développer des terroirs distincts. Le terroir est donc un espace concret, tangible et cartographiable à travers de multiples facteurs géographiques. Il possède également une dimension culturelle qui reflète directement la société humaine qui l’exploite. Terroir et territoire Bien que de même origine étymologique, un territoire n’équivaut pas à un terroir : le territoire regroupe généralement des terroirs différents, ce qui permet de varier ses ressources. Au-delà des savoirs et des pratiques sur lesquels elles reposent, des relations qu’elles entretiennent avec l’environnement naturel, des usages alimentaires qu’elles mettent en œuvre, de la variabilité qu’elles expriment, les productions de terroir comportent une dimension identitaire et patrimoniale qui leur est tout à fait spécifique et joue un rôle capital dans leur caractérisation. Ces dimensions anthropologiques renvoient à l’organisation même des sociétés qui ont vu naître ces produits, à la place qu’elles leur accordent, au statut qu’elles leur donnent : on peut alors parler d’une véritable construction sociale.

1.2

Protection des terroirs :

La délimitation des zones est une phase essentielle de la mise en place d’une protection. Les critères doivent prendre en compte à la fois des éléments d’ordre culturel (histoire, réputation), technique (aire de diffusion des pratiques, bassin de savoir-faire), économique mais aussi politique et enfin environnemental (le fameux « terroir notamment). La difficulté est de savoir comment harmoniser autant de facteurs si différents dans leur nature et leurs objectifs. Plus spécifiquement, c’est aussi le débat sur l’origine des matières qui est ici engagé.

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Néanmoins, la réservation d’un nom de lieu qu’entraîne la règlementation européenne peut conduire à des exclusions contestables. L’un des effets pervers majeurs de la protection de l’usage des noms géographiques se traduit, pour de multiples petites productions, par un risque de désappropriation, ce qui est paradoxal dans le contexte et compte tenu des intentions de départ. Le début des AOC La notion de "terroir" est garantie par le signe « AOC » ou « Appellation d’Origine Contrôlée ». Mis en place en 1935 pour garantir la qualité des vins vis-à-vis des importations de mauvaise qualité, ce concept s’est étendu depuis 1990 aux produits laitiers et autres denrées agro-alimentaires. Ainsi sont devenus produits "du terroir", garantis par le sigle AOC, le poulet de Bresse "élevé en plein air" ou encore le Camembert au lait cru "moulé à la louche", mais aussi le miel de Corse ou les pommes de terre de l’Ile de Ré. La mention AOC est donc surtout un certificat d’origine, en plus d’une preuve de qualité supérieure qui, elle, peut être garantie par d’autres labels (Label Rouge, AB etc…) n’impliquant pas la notion de terroir. L’Institut national de l’origine et de la qualité (INAO) L’Institut national de l’origine et de la qualité est un établissement public administratif sous tutelle de Ministère de l’agriculture et de la pêche. L'INAO est chargé de la mise en œuvre de la politique française relative aux produits sous appellation d'origine (AOC / AOP), IGP (Identification Géographique protégée), label rouge, STG et agriculture biologique (Loi d'orientation agricole du 5 janvier 2006). A ce jour, elle gère environ 1 000 signes et avec l’agriculture biologique, c’est un agriculteur sur trois qui est concerné par au moins un signe. Les agents de l'INAO (260 environ) accompagnent les producteurs dans leurs démarches pour l'obtention d'un signe officiel de l'origine et de la qualité. Après obtention du signe, ils poursuivent cet accompagnement, notamment dans le cadre de leur mission de contrôle, tout au long de la vie du produit. Le budget de l'INAO en 2009 est de l'ordre de 20,5 millions €. Les recettes sont constituées d'une dotation ministérielle à hauteur d'environ 75%, des droits perçus sur les productions qui représentent environ 20 % des recettes, et de diverses ressources propres, essentiellement des redevances, notamment pour le traitement des dossiers de demandes de plantations de vignes en appellation d'origine. Les missions de l’INAO Elles sont diverses : Promotion des concepts et information : il informe le grand public et divers organismes sur la politique de l’origine et de la qualité en France et à l’étranger, Reconnaissance des signes d’identification de la qualité et de l’origine : il instruit toute demande d’obtention ou de révision de signe d’identification d’origine et de qualité et délimite les aires géographiques de production, Connaissance et suivi : il assure un suivi des dossiers adoptés, demande des expertises scientifiques et effectue une veille technique et réglementaire sur la politique d’origine et de qualité Contrôle et respect du cahier des charges et du texte officiel : avant toute délivrance d’un signe d’identification, les produits sont obligatoirement soumis à une procédure de contrôle par des organismes agréés par l’INAO, Protection des terroirs d’appellations : le terroir étant une entité unique et limitée, il a en charge la préservation du patrimoine collectif, notamment à travers la sauvegarde des appellations et de la pérennité des exploitations agricoles, MS MM 2010 / 2011 – INTELLIGENCE ECONOMIQUE – Pillage des terroirs

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Protection internationale : le droit des appellations d’origine est reconnu en tant qu’élément de la propriété intellectuelle au plan européen et au plan mondial, cette protection se met en place, notamment dans le cadre des négociations OMC, Coopération internationale : l’INAO met à profit son expérience pour aider les pays tiers à valoriser leur patrimoine agricole et alimentaire et à protéger des produits traditionnels mis à mal par des imitations et des usurpations. Les signes officiels de l’origine et de la qualité

Appellation d’Origine Contrôlée (AOC) L'Appellation d'Origine Contrôlée désigne un produit originaire d'une région ou d'un lieu déterminé dont la qualité ou les caractères sont dus essentiellement à ce milieu géographique. Elle résulte de la combinaison d'une production et d'un terroir qui s'exprime par le savoir-faire des hommes. L'INAO vérifie la notoriété des appellations, détermine les aires géographiques concernées et fixe les règles de production.

Appellation d’Origine Protégée (AOP) Depuis 1992, il existe un signe européen équivalent à notre AOC : Appellation d'Origine Protégée. Elle est décernée à certains produits agricoles et alimentaires autres que les vins et les spiritueux. L'AOC/AOP est un droit de propriété intellectuelle reconnu dans 150 pays, conformément à un accord sur les aspects de droit de propriété intellectuelle conclu dans le cadre de l'organisation mondiale du commerce. A Bruxelles, depuis juillet 2008, le Parlement Européen qui réglemente tous les secteurs économiques de la CEE, a légiféré afin que, dans tous les pays membres, les anciennes AOC réservées aux seuls produits agricoles alimentaires soient, dans un souci d’harmonisation et de reconnaissance internationale, remplacées par l’unique logo AOP. Depuis le 1er mai 2009 Il est obligatoire sur tous les emballages des produits agroalimentaires et laitiers qui en bénéficient. La CEE assure désormais l’attribution des nouvelles AOP qui se distinguent par un logo européen unique aux couleurs rouge et jaune. Immense privilège, la France conserve la possibilité, pour les produits qui en bénéficient de continuer à utiliser les deux sigles AOC et l’AOP, un combat unique pour la qualité.

Indication Géographique Protégée (IGP) En vigueur depuis 1992, l’Indication Géographique Protégée est un concept lié au nom d'une région, d'un lieu déterminé ou, dans des cas exceptionnels, d'un pays, qui sert à désigner un produit agricole ou une denrée alimentaire : originaire de cette région, de ce lieu déterminé ou de ce pays, et dont une qualité déterminée, la réputation ou d'autres caractéristiques peuvent être attribuées à cette origine géographique, et dont la production et/ou la transformation et/ou l’élaboration ont lieu dans l’aire géographique délimitée. MS MM 2010 / 2011 – INTELLIGENCE ECONOMIQUE – Pillage des terroirs

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Schématiquement, on peut dire que dans le cas d'une AOP, la typicité du produit est essentiellement due à son origine alors que pour une IGP, le lien entre typicité et origine n'est que partiel. Pour pouvoir bénéficier d’une AOP ou d’une IGP, un produit agricole ou une denrée alimentaire doit être conforme au cahier des charges, comportant une liste d’éléments très précis comme la délimitation de l’aire géographique, les éléments pouvant que le produit est originaire de cette aire, les exigences éventuelles à respecter en vertu de dispositions communautaires ou nationales. Les dénominations enregistrées sont protégées contre toute : usurpation, imitation ou évocation, même si l'origine véritable du produit est indiquée ou si la dénomination protégée est traduite ou accompagnée d'une expression telle que "genre", "type", "méthode", "façon", "imitation" ou d'une expression similaire autre indication fausse ou fallacieuse quant à la provenance, l'origine, la nature ou les qualités substantielles du produit figurant sur le conditionnement ou l'emballage, sur la publicité ou sur des documents afférents au produit concerné, ainsi que contre l'utilisation pour le conditionnement d'un récipient de nature à créer une impression erronée sur l'origine autre pratique susceptible d'induire le consommateur en erreur quant à la véritable origine du produit; utilisation commerciale d'une dénomination enregistrée pour des produits non couverts par l'enregistrement s’ils sont comparables à ceux enregistrés ou si cette utilisation permet de profiter de la réputation de la dénomination protégée. L'apparition de ces deux signes européens d'identification de l'origine (AOP et IGP) a eu des conséquences sur nos signes nationaux. En effet, le dispositif européen mis en place impose que tout signe national d'identification de l'origine doit être enregistré comme AOP ou comme IGP. Hormis les vins et spiritueux qui font l'objet de règlements particuliers, nos appellations d'origine contrôlée (AOC) font donc désormais l'objet d'un enregistrement comme AOP. Les labels et les certifications de conformité comportant dans leur dénomination une indication géographique (par exemple Volailles de Bretagne) doivent être enregistrés comme IGP. En ce qui concerne les vins, l’enjeu se situe dans l’ampleur du déplacement du curseur entre AOP et IGP dans les nombreux vignobles mixtes : chaque année avant le 31 janvier, les vignerons devront décider d’arbitrer entre les deux signes de qualité, et non plus au moment de la récolte. Cette décision sera en grande partie imposée par le marché, et surtout parce que les vins de pays sont souvent des vins de cépage, catégorie en vogue. De ces décisions pourraient découler une modification de la physionomie des grandes appellations régionales, qui sont à la fois les appellations les plus larges et situées le plus bas dans la hiérarchie des AOP, donc les plus proches des IGP de bassin. En découlera-t-il des fusions dans certains cas, ou tout simplement des délaissements de la part des viticulteurs, par le jeu de la demande des consommateurs, de l’attitude des acheteurs en fonction des ventes, (sous la pression éventuelle des vins de cépage sans IG), et de l’économie des exploitations (les IGP permettant des rendements plus importants) ? Quelle sera la conséquence sur la distinction entre territoire et terroir, si les producteurs peuvent à volonté arbitrer entre les deux noms en fonction du marché, et si donc les appellations ont des géométries très variables d’une année sur l’autre ? La protection juridique garantie par le sigle AOP sera-t-elle alors toujours aussi solide ? Au regard de ces enjeux, il appartiendra aussi aux comités des deux signes de qualité de décider si la possibilité d’arbitrer entre IGP et AOP sera ouverte annuellement, ou portera une obligation pluriannuelle. Chiffres clés Janvier 2010 MS MM 2010 / 2011 – INTELLIGENCE ECONOMIQUE – Pillage des terroirs

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49% de la récolte française de vins est sous AOC, ce qui représente 394 appellations. Dans la filière laitière, il y a 49 appellations reconnues (dont 46 fromages), ce qui représente 18 à 21 000 producteurs. D’autres produits agro-alimentaires, comme par exemple des olives, du miel ou des condiments, bénéficient aussi d’AOC (40 AOC / 11 000 producteurs). 88 IGP ont été enregistrées pour des produits agro-alimentaires (dont plus de la moitié en produits carnés) et 29% de la récolte française de vins est sous IGP. Au niveau Européen, la France et l’Italie se distinguent par le nombre d’Indications Géographiques enregistrées, comme l’ensemble des pays méditerranéens : Liste des AOP / IGP / STG enregistrées par secteurs (mise à jour mars 10)

ETATS Allemagne Espagne France Grèce Italie Portugal Royaume-Uni Total des 7 Etats membres Total tous Etats membres

Total ViandesAOP/IGP volailles /STG

68 130 171 86 202 116 34 807 912

3 14 53 0 3 27 9 109 112

Fromages

Fruits et légumes

Produits de la mer

Huiles et M.G.

Charcuteries et salaisons

4 24 45 20 37 12 12 154 180

7 37 38 33 74 24 1 214 229

3 3 3 1 2 0 5 17 20

1 22 9 26 39 6 0 103 108

8 11 4 0 32 36 1 92 102

Le rôle de l’Union Européenne Les produits du terroir se situent aujourd’hui à l’intersection d’un certain nombre de préoccupations en relation étroite avec l’évolution de notre société. Ces productions à forte valeur ajoutée occupent un créneau particulier dans l’univers agro-alimentaire. Elles répondent aux orientations données à la Politique Agricole Commune dès 1992, encourageant une diversification des productions et une extensification des pratiques techniques. Plus largement, elles ont à voir avec l’aménagement du territoire, le micro développement local des zones défavorisées ou la gestion des paysages et des ressources de l’environnement.

1.3 Intérêts économiques des terroirs : L’engouement des produits du terroir Les terroirs constituent une alternative à la standardisation et à l’uniformisation des produits alimentaires, de certains produits d’origine artisanale ou de services ainsi que des paysages. L’origine géographique et la typicité caractérisent les produits de terroirs et constituent les fondements d’une grande diversité de productions de qualité identifiée et de plus en plus souvent certifiée. Depuis la décentralisation administrative des régions dans les années 1980, la notion de terroir est revenue en force dans la cuisine gastronomique. Contrastant avec la vie urbaine, le terroir attire les gens des villes nostalgiques de leurs racines. Ainsi l’engouement pour les produits du terroir a pris une ampleur certaine depuis une quinzaine d’années, allant de pair avec les goûters à la ferme, les gîtes ruraux et le tourisme vert MS MM 2010 / 2011 – INTELLIGENCE ECONOMIQUE – Pillage des terroirs

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en général. Des opérations de vente par des producteurs-artisans, fermiers et petites entreprises se sont développées, puis les chaînes de grandes distributions ont pris le relais, accompagnées de chaînes de restauration. On trouve donc maintenant partout des " produits du terroir " à des prix abordables au grand public. La méfiance des consommateurs vis-à-vis des produits alimentaires industrialisés repose d’une part sur les problèmes de sécurité alimentaire générés par les crises récentes, mais aussi sur un problème d’identité des produits. Les consommateurs, qui réclament de plus en plus de "savoir ce qu’ils mangent" sont en quête d’aliments "vrais", "naturels", "authentiques", "traditionnels", "comme autrefois", tout ce que recouvre l’expression rassurante de "produits du terroir". Une étude menée en 1995 auprès de 1 000 consommateurs a montré que "les produits du terroir" étaient chargés d’une connotation très affective mélangeant tradition et idéalisation du passé, en plus du plaisir et de la convivialité. La force des Terroirs Au-delà des cultures alimentaires, les terroirs sont porteurs d’une grande diversité culturelle : histoire, lien au lieu, savoirs et pratiques font sens localement, identifient et distinguent chaque terroir. Les terroirs constituent également des lieux de gestion responsable de la diversité biologique. Le maintien et le respect de savoir-faire, ainsi que la grande diversité de ceux-ci, permettent d’entretenir une diversité biologique tant sur le plan des composants de l’espace naturel (facteurs biologiques du milieu, paysages,…) que sur celui des intrants agricoles (semences et variétés, races animales, fertilisation, lutte contre les parasites,…). Chaque facteur naturel, rendu actif par le savoir des hommes, est acteur du terroir et participe ainsi aux caractéristiques des produits de terroir. Les terroirs montrent qu’on ne peut pas réduire un milieu à quelques caractères physiques ou chimiques (une terre pauvre peut aussi donner des produits riches). Les terroirs et produits de terroirs sont des outils de développement durable. Les modes ou processus de production des produits de terroirs s’appuient sur des milieux physiques, biologiques et humains spécifiques ainsi que sur des savoirs, savoir-faire et qualifications des hommes tout aussi localisés. Ils contribuent à la fois au développement économique par la valorisation des produits et services, à l’amélioration de l’environnement écologique et à la vie sociale des territoires, à travers les dynamiques collectives qu’elles impulsent. Cet ensemble est étroitement lié à un territoire défini et ne peut donc pas être délocalisé. Dans la mesure où les productions concernées ont accès à des marchés rémunérateurs et où leurs apports à la collectivité sont reconnus, les terroirs sont les supports d’un développement viable, localisé et ouverts sur le monde, qui s’inscrit pleinement dans une perspective de durabilité. Une stratégie d’entreprise Dans certaines circonstances, des entreprises de production agricole, de transformation agro-alimentaire, de distribution vont coopérer dans la mise en place d’une démarche volontaire de qualification par l’origine d’un produit et dans une démarche de protection d’une réputation. « Dans l’économie globale, les avantages compétitifs pérennes reposent de plus en plus sur des données locales (savoirs, relations, motivation) que des rivaux distants ne peuvent pas égaler. » (Paradoxe de Porter Harvard B J 1998). Pour les entreprises qui construisent leur stratégie sur des données locales, l’accès et la préservation des ces ressources locales sont fondamentaux. Ces ressources locales sont : Spécifiques : Richesses naturelles, humaines, savoir-faire, organisation sociale propre, tradition culturelle, spécificité de l’espace,… o Ancrées dans un territoire MS MM 2010 / 2011 – INTELLIGENCE ECONOMIQUE – Pillage des terroirs

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o Intrinsèques au territoire (géothermie, pâturages) et construites (réputation) o Interdépendantes et complémentaires Matérielles ou immatérielles (savoir-faire, réputation) Non transférables (délocalisables).

1.4 Le pillage des Terroirs Le terroir n’est pas juste une notion à la mode, brandie par des « Bobos » en quête de naturel. Il englobe les individus, leur identité, leur culture, leur savoir-faire et représente un enjeu de survie pour l'activité économique de milliers de petits producteurs. L’histoire des dispositifs de qualification par l’origine est d’abord une histoire de lutte, de conflit contre : - Des fraudes (usurpations, imitations, contrefaçons) au niveau commercial - Des appropriations individuelles d’un bien collectif au niveau de la production – concurrence déloyale. Les qualifications sont aussi de fabuleux outils marketing permettant la différenciation commerciale de produits « locaux » sur des produits de masse sur le marché international dans un contexte de mondialisation représentant une opportunité mais également un risque majeur : celui de voir ses propres produits fabriqués dans des contrées lointaines et inonder le marché local et international à des prix bien plus compétitifs. Aujourd’hui, tout le monde est conscient que la contrefaçon existe, nous verrons dans la partie 2. comment elle touche les produits du terroir. En revanche, les entreprises, et plus spécifiquement les PME, ne se rendent pas compte qu’elles se font piller leurs savoir-faire par les pays d’Asie, notamment la Chine : o Soit en délocalisant une partie de leurs productions (nous traiterons des exemples dans la filière du vin dans la partie 3.) o soit en accueillant chez elles, dans un esprit collaboratif, des entreprises étrangères qui ne manqueront pas de noter les secrets de fabrication. Se monteront ensuite de puissants lobbyings spécifiques et efficaces car liés directement à « l’ADN » des terroirs visés: certains exemples sont flagrants comme le sel de Guérande, le roquefort (que nous détaillerons dans la partie 4.), et le foie gras.

2

Pillage par la contrefaçon, recommandations 2.1 Le Pillage des terroirs par la contrefaçon :

Du fait de leur réputation et de leur valeur sur le marché, les produits de qualité liée à l’origine géographique, peuvent être contrefaits ou leurs noms usurpés et utilisés pour tromper le consommateur. Dans la définition de la contrefaçon donnée par le CNAC (Comité National Anti-contrefaçon) les Indications Géographiques sont mentionnées au même titre que les autres produits manufacturés : « la contrefaçon c’est en particulier, le droit de reproduire ou d’imiter une œuvre littéraire, artistique ou industrielle sans avoir l’autorisation de son propriétaire, le titulaire de droits. La contrefaçon suppose donc qu’il y ait au préalable atteinte à un droit de propriété intellectuelle, tels que les droits de propriété industrielle, les droits d’auteur et droits connexes ou encore les nouveaux droits entrant dans le champ de la propriété intellectuelle telles que les obtentions végétales, les indications géographiques ». Dans cet esprit, les producteurs de produits du terroir s’assimilent collectivement à des créateurs de produits et de savoir-faire. Malheureusement ce statut ne les protège pas forcément dans un contexte international, des stratégies

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d’imitation menées par des concurrents, qui usurpent le nom, en contournant les contraintes des modes de production tels que définis dans les cahiers des charges des AOP. Longtemps, l’appellation d’origine est apparue comme une consécration permettant de défendre un territoire ou un savoir-faire. Tout du moins en France, ou avec la loi de 1919 a émergé la notion d’appellation d’origine en l’associant à un droit collectif de propriété, consolidé par le décret loi de 1935 avec la création d’un comité, qui deviendra l’INAO en 1947, et qui constitue le fondement des appellations d’Origine contrôlée. Cette protection s’est ensuite étendue au niveau de l’ Europe, avec la mise en place du marché unique, ou depuis 1992 deux règlements relatifs, l’un à la protection des indications géographiques et des appellations d’origine, l’autre aux attestations de spécificité des produits agricoles et des denrées alimentaires, définissent un cadre juridique permettant de protéger, à travers un nom, la relation à un lieu, rendant le produit unique et non reproductible dans un autre terroir, ce qui signifie qu’en dehors de la zone définie, l’usage du nom pour le produit est interdit. Mais sortie du territoire communautaire l’appellation est nue… Détournés, usurpés, imités, les noms des produits d’origine figurent sur l’emballage de copie en tous genres. Cette usurpation peut prendre plusieurs formes : La contrefaçon à l’identique, le produit du terroir est imité dans sa forme, son goût, son nom est usurpé, par contre toutes les caractéristiques qui font de ce produit « un produit du terroir » (son origine géographique, sa fabrication respectant des savoirs faires et traditions, son lien à une communauté humaine qui a construit son histoire) et lui confèrent son originalité et sa typicité ne sont pas respectées, puisqu’il est élaboré en dehors de son territoire d’origine, on peut citer pour illustrer ce cas, l’exemple du « jambon de Parme » fabriqué au Canada par une société qui en a déposé la marque obligeant les producteurs italiens à ré-étiqueter leur produit comme « Jambon numéro « 1 » » La contrefaçon peut également consister en une usurpation du nom, en un « détournement de notoriété » : le produit n’est pas imité mais son nom est utilisé de manière abusive. ainsi trouve-t-on en Australie du vin qui s’appelle « Bress » avec une poule sur l’étiquette et qui bien sur n’a aucun lien avec le pays de Bresse ! Tout ceci constitue une mise en péril à terme, non seulement de l’image de qualité des appellations et de leur valeur marchande, mais également des territoires où elles s’ancrent. Dans un contexte de mondialisation, cette contrefaçon des produits de terroir a bien sur des conséquences importantes pour les exploitants locaux : perte de chiffre d’affaires, pillage des savoir- faire collectifs, atteinte à l’image et à la réputation de ces produits notamment par la diffusion de produit d’imitation qui ne remplissent pas les cahiers des charges rigoureux définis par les producteurs, voir même mise en danger de la santé et de la sécurité des consommateurs.

2.2 L’application de la réglementation européenne pour lutter contre le pillage des terroirs : l’exemple de la Feta Dans le cadre de la réglementation mise en place depuis 1992 au niveau européen, les appellations d’origine sont, comme nous l’avons évoqué, protégées. La philosophie de la réglementation sur les AOP est de protéger, à travers un nom, un produit unique, dont l’ensemble du processus doit se faire dans une seule et même zone, dont il faut démontrer la cohérence et l’influence vis-à-vis des caractéristiques du produit. L’exemple de la bataille juridique autour de l’appellation Feta illustre de manière concrète l’intérêt de cette réglementation pour protéger les produits du terroir. C’est donc cette bataille juridique que nous allons retracer. La féta est un fromage caillé en saumure produit à partir de lait de chèvre et de brebis originaire de Grèce. Son origine est très ancienne et remonterait à l’antiquité. Ce mot « feta » est un emprunt à l’italien « fetta » MS MM 2010 / 2011 – INTELLIGENCE ECONOMIQUE – Pillage des terroirs

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(tranche) et sa première mention écrite remonte au XIX e siècle dans le magasin d’un usurier grec originaire de l’île de Syros. A partir des années 30, une production de fromages se nommant également « feta » commence à se développer en dehors de Grèce, et plus particulièrement après les années 60, avec l’apparition de l’industrie de la Feta au Danemark, en France (où la feta est produite par le premier groupe laitier français LACTALIS sous la marque « feta Salakis ») et en Allemagne. Entre 1987 et 1994, la Grèce adopte des lois à portée nationale permettant de réguler la production et la vente de la feta, excluant par exemple le recours au lait de vache et définissant des zones géographiques protégées de production. Le 21 janvier 1994, la Grèce transmet à la commission des Communautés Européennes une demande d’enregistrement de la dénomination Feta relativement à un fromage, conformément à l’article 17, paragraphe 1, du règlement CEE 2081/92. La commission décide le 12 juin 1996 d’enregistrer la dénomination feta en tant qu’appellation d’origine protégée. En réaction, le Danemark, la République Fédérale d’Allemagne et la France , qui sont des producteurs importants de fromage de ce type sous le nom de feta, forment un recours en annulation de cet enregistrement au titre de l’article 230 du traité, prétendant que la feta ne satisfait pas les conditions nécessaires établies par le règlement européen de 1992 sur les AOP et que le nom de feta est devenu générique. Le 16 mars 1999, la cour européenne de Justice répond favorablement à ce recours et décide d’annuler l’AOP « feta » sous prétexte que la commission n’aurait pas suffisamment examiné les conditions requises par le règlement européen. A partir de cette décision de justice, l’appellation « feta »redevient donc libre en Europe. La commission européenne ordonne alors l’ouverture d’une nouvelle enquête scientifique. Chaque état membre est ainsi invité à faire un état des lieux de la production et de la consommation de fromage de type « feta ». Cette étude conclut que production et consommation sont massivement concentrées en République hellénique. L’enquête met également en évidence que les producteurs dans les états membres hors Grèce, font référence dans leur communication commerciale sur leur fromage « feta », au territoire, aux traditions culturelles ou à la civilisation helléniques, ce qui constitue un argument de vente inhérent à la réputation du produit d’origine et qui engendre des risques de confusion pour le consommateur. Dans la perception du consommateur européen, le nom « feta » évoque toujours une origine grecque et n’est donc pas devenu un nom commun et générique dans la communauté. Le 14 octobre 2002 la Commission décide donc de réintégrer la feta dans le tableau des AOP en tant que produit grec. Les industriels laitiers des pays membres des communautés européennes utilisant le terme « feta » ont alors jusqu’à octobre 2007 pour éliminer totalement le mot « feta » de leur étiquetage. Cet exemple européen met en évidence l’intérêt d’une réglementation précise sur les Appellations d’origine, permettant aux producteurs de défendre leurs droits, la réputation et la spécificité de leur produit face à des contrefaçons ou à des utilisations détournées de la notoriété. La réglementation européenne prévoit ainsi de protéger les dénominations enregistrées, contre toute usurpation, imitation ou évocation, même si l’origine véritable du produit est précisée ou accompagnée d’une expression telle que « genre », « type », « façon », « imitation » etc... La réglementation prévoit également de protéger les produits de toute utilisation commerciale d’une dénomination enregistrée pour des produits non couverts si cette utilisation permet de profiter de la réputation de la dénomination protégée. Yves Saint Laurent en a ainsi fait les frais en décembre 1993, obligé de retirer du marché européen sa marque de parfum « Champagne », la cour d’appel de Paris ayant jugé que la maison de luxe « avait voulu créer un effet attractif emprunté au prestige de l’appellation Champagne … détournant ainsi la notoriété dont seuls les acteurs et négociants en champagne peuvent se prévaloir ». Cependant ce règlement européen n’a une portée que sur le territoire européen, ce qui signifie très simplement qu’hors d’Europe la « feta » devient générique et que le nom peut donc être utilisé par les industriels, voir même déposé comme marque commerciale ce qui obligerait les producteurs grecs à ne plus utiliser cette appellation à l’exportation dans les pays où la marque aurait été déposée. C’est aussi le cas des producteurs italiens, qui n’ont pas le droit de vendre leur Parmesan sous ce nom aux Etats-Unis, la marque MS MM 2010 / 2011 – INTELLIGENCE ECONOMIQUE – Pillage des terroirs

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Parmesan y ayant été déposée. De même, Yves Saint Laurent continue à distribuer son parfum sous la marque « Champagne » aux Etats-Unis, puisque la réputation de l’appellation n’y est pas protégée. Il est donc aujourd’hui indispensable de renforcer la protection des Indications Géographiques au niveau des accords internationaux dans le cadre de l’OMC, ce qui est engagé depuis plusieurs années mais qui est loin d’être abouti.

2.3 Les enjeux internationaux des indications géographiques Négociations menées dans le cadre de l’Organisation Mondiale du Commerce Au niveau international, les appellations d’origine protégées et indications géographiques protégées sont regroupées sous le terme plus général d’Indications Géographiques (IG). Ce principe des IG a été repris dans le cadre des Accords sur les aspects des droits de propriété intellectuelle, signés en 1995, qui touchent au commerce, dit accords ADPIC négociés dans le cadre de l’Organisation Mondiale du Commerce. Il est mentionné dans les accords ADPIC de l’OMC que les indications géographiques « servent à identifier un produit comme étant originaire du territoire d’un membre, ou d’une région ou d’une localité de ce territoire, dans le cas où une qualité, une réputation ou autre caractéristique déterminée du produit peut être attribuée essentiellement à cette origine géographique » ( Annexe 1C – Article 22). L’accord de l’OMC prévoit deux niveaux de protection. D’abord une protection de base pour toutes les IG qui est définie par l’Article 22 et qui impose l’obligation de protéger les IG afin de ne pas induire le public en erreur et d’empêcher la concurrence déloyale. A cette protection de base s’ajoute la protection dite « additionnelle », plus élevée et renforcée pour les indications géographiques concernant les vins et spiritueux : à certaines exceptions près, ces indications doivent être protégées même si une utilisation abusive ne risque pas d’induire le public en erreur (Article 23). Dans certains cas il n’y a pas lieu de protéger les indications géographiques ou la protection peut être limitée. L’accord prévoit par exemple des exceptions dans le cas où une indication est devenue un nom commun dit « générique » ou dans le cas où un nom a déjà été enregistré en tant que marque de fabrique ou de commerce (Article 24). Seule la protection additionnelle des IG pour les vins et spiritueux constitue donc un véritable progrès, puisqu’elle protège les IG contre tout usage abusif, indépendamment d’une tromperie du public ou d’une concurrence déloyale. Deux questions sont débattues dans le cadre du mandat de Doha, toutes deux se rapportant, quoique de manière différente, au niveau de protection plus élevé prévu par l'article 23: ces questions sont l'établissement d'un registre multilatéral pour les vins et les spiritueux et l'extension du niveau plus élevé de protection (article 23) à des produits autres que les vins et spiritueux. Elles font toutes deux l'objet de vives discussions dans le Programme de Doha. Ainsi, un certain nombre de pays (108 au total) souhaitent aujourd’hui étendre cette protection additionnelle à l’ensemble des IG, parmi lesquels on trouve bien sur l’Union Européenne mais aussi la Suisse, et divers pays en développement dont les pays du Maghreb, l’Inde, la Turquie ou encore le Sri Lanka. Ces pays en développement sont en effet préoccupés par le comportement de certaines multinationales qui n’hésitent pas à faire breveter des noms d’IG et à vendre des produits sous ces marques en usurpant leur réputation : Ainsi 30 millions de kg de Thé Darjeeling sont vendus dans le monde ( les bureaux de la commission européenne ont reconnu le 14 octobre 2009 cette appellation) , alors que cette région de l’Inde n’en produit que 10 millions ou encore 50 millions de livres de café sont vendues sous le nom « Antigua » alors que seulement 6 millions de livre sont produites dans cette région du Guatemala. Les opposants à l’extension sont composés essentiellement des pays du « nouveau monde » (11 pays et non des moindres : Etats-Unis, Australie, Canada, Argentine etc…). Ils font eux valoir que le niveau de protection existant est suffisant et qu’une protection accrue induirait de nouveaux coûts issus par exemple du chevauchement avec le droit des marques (coûts relatifs notamment à la tenue d’un registre des appellations d’origine).

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L’UE poursuit aujourd’hui trois objectifs dans le cadre des négociations relatives aux IG menées dans le cadre du programme de DOHA pour le développement : -

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La création d’un registre multilatéral des IG (ADPIC), afin de les enregistrer au niveau mondial. Pour l’UE et ses « amis » l’établissement de ce registre au niveau mondial, présumerait que l’enregistrement de l’IG protège le produit dans tous les autres pays. Ce caractère obligatoire donnerait du poids au régime de droits par IG, puisqu’un nom protégé par les IG bénéficierait d’un système de reconnaissance internationale. l’extension de la protection additionnelle accordée aux vins et spiritueux aux fromages riz et thés, afin d’empêcher leur imitation par les producteurs d’autres pays par l’ajout des simples mentions par exemple « fabriqué aux Etats Unis » ou « de type roquefort » de garantir l’accès au marché pour les produits de l’UE portant une indication géographique, en demandant aux membres de l’OMC de supprimer les marques existantes sur un nombre restreint d’IG (41 au total) qui ont une valeur économique et commerciale significative ou de protéger les IG communautaires qui sont aujourd’hui devenues génériques « claw back list ».

L'échéance fixée par la Déclaration de Doha pour l'achèvement des négociations était la cinquième Conférence ministérielle de Cancún, en 2003. Les travaux n'ayant pas été terminés à temps, les négociations s'inscrivent maintenant dans le calendrier général prévu pour le cycle de négociations. Il est aujourd’hui possible de classifier les pays bénéficiant d’un système de protection des IG selon deux catégories : protection par le biais de marques de certification, d’appellations d’origine, de marques collectives, de marques de fabrique d’une part et par le biais de systèmes spéciaux d’autre part comme des décisions administratives, des registres... En annexe 1, on trouvera une carte illustrant cette classification à l’échelle mondiale À l’heure où la France et l’Europe se cherchent des alliés à l’OMC pour défendre les Indications Géographiques, la Chine présente un intérêt stratégique certain. Aidée par des experts français, elle a commencé à mettre en place ce type d’appellation pour ses propres produits, mais le système américain de marques est assez influent dans l’Empire du Milieu. L’Europe doit donc continuer ses actions de lobbying auprès de la Chine et d’autres pays émergeants comme l’Inde afin de peser et d’influencer dans le cadre des négociations à l’OMC (voir en annexe 2 l’interview de Marie Papaix dans le cadre des Cafés-débats de Marciac). Les négociations bilatérales Parallèlement à ces discussions longues et laborieuses engagées dans le cadre de l’OMC, l’autre solution est de négocier des accords bilatéraux individuellement avec chaque état. Ainsi le 1er septembre dernier est entré en vigueur un accord régissant le commerce des vins entre l’Australie et l’UE (Australie pourtant opposante de l’UE dans le cadre des négociations de l’OMC). Cet accord prévoit la protection des indications géographiques et des mentions traditionnelles des vins de l’UE en Australie. Les producteurs de vin australiens vont ainsi progressivement cesser d’employer des noms d’IG ou de mentions traditionnelles de l’UE pour leurs vins. Au 1er septembre 2011, les producteurs australiens ne pourront plus utiliser certaines grandes appellations comme « champagne », « porto » ou « cherry ». Le nouvel accord établit également les conditions dans lesquelles les producteurs australiens peuvent continuer à utiliser certains termes relatifs aux vins de qualité. On pourrait s’interroger sur les raisons qui ont amené l’Australie à reconnaître les droits des IG des vins et spiritueux de l’UE sur leur territoire : l’intérêt est purement économique, quand l’Australie exporte 643 M€ de vin vers l’UE, celle-ci n’en exporte que 68 M€ vers l’Australie ! Autre illustration de ces négociations bilatérales, le 18 décembre 2009, après 15 ans de négociations, l’UE obtenait pour la première fois, la reconnaissance d’une appellation d’origine non chinoise par la Chine : le MS MM 2010 / 2011 – INTELLIGENCE ECONOMIQUE – Pillage des terroirs

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Cognac. Désormais, les 5 000 viticulteurs et 276 négociants de la région de Cognac pourront se retourner contre les autorités chinoises en cas de contrefaçon ou d’usurpation de notoriété. Cette victoire est symbolique mais présente des enjeux économiques importants : 94% de la production de cognac est exportée générant en 2009 un CA de 1,43 Md€ et selon Jean Marc Girardeau, Secrétaire Général des Cognacs Camus «dans certaines villes côtières du Sud de la Chine, on trouve jusqu’à 80% de contrefaçons, ce chiffre est évalué à 5 ou 10% dans les provinces en général ». Dans la continuité de cet accord, la Chine demandait la reconnaissance par l’UE de 10 produits, notamment pour ses vermicelles Longkou Fen Si (dont l’enregistrement est paru au JOUE du 30/10/2010) et pour son thé Long Jing Cha, en échange de la reconnaissance de 10 appellations européennes. Ces accords bilatéraux permettent ainsi petit à petit d’étendre le champ de protection des IG à travers le monde. Cette protection bien sûr est fragile, en aucun cas elle n’empêche la contrefaçon, mais elle donne au moins les moyens juridiques aux agriculteurs et intervenants de la filière de se défendre et de faire appel aux juridictions locales pour l’enrayer. Les Actions d’ information et d’influences des Organisations Intergouvernementales et des Organisations non gouvernementales Un certain nombre d’organisations ou d’associations se sont créées autour de la promotion et de la défense des terroirs, certaines sont issues de la société civile, d’autres des pouvoirs publics ou encore à l’initiative d’élus locaux. Ces acteurs ont tous compris l’intérêt de la promotion et de la défense des terroirs dans ses différentes dimensions : économique, culturelle, patrimoniale, sociétale et environnementale. Elles peuvent jouer un rôle de lobbying important au niveau international, en assurant la notoriété des terroirs et surtout en agissant pour leur développement et leur protection dans les pays en développement ou émergeants mais aussi dans les pays opposants au principe de protection des IG comme les Etats Unis. La FAO : Food and Agriculture Organization (United Nations) La FAO a engagé un programme traitant des questions liées à la qualité spécifique liée à l'origine afin de répondre aux besoins des producteurs et des consommateurs. L'objectif global est d'appuyer les Etats membres et les parties prenantes dans la mise en œuvre de systèmes de qualité liée à l'origine, tant au niveau institutionnel que local, qui soient adaptés aux contextes économique, social et culturel, et qui contribuent au développement rural, au travers de la préservation et valorisation des produits de qualité liée à l'origine et leurs ressources locales associées. Il s'agit donc de capitaliser l'information et les connaissances relatives aux expériences des Pays, de manière à appuyer une politique et une stratégie de la FAO dans le domaine de la qualité liée à l'origine et fournir des recommandations pour répondre aux besoins des Etats membres. La FAO a donc mis en place différentes actions, comme des séminaires régionaux, des réunions d'experts, la mise en réseau des acteurs ou encore des études de cas avec des exemples concrets, prenant en compte l'analyse des avantages et contraintes et les facteurs de succès des démarches. Ces actions assurent donc la promotion des IGs à travers le monde et peuvent donc permettre de valoriser leur intérêt dans une démarche de développement durable, tout en prenant en compte les acteurs et les contextes socio-économiques que ce soit au niveau institutionnel ou local dans les Pays. L’Association SLOW FOOD Cette association occupe une place à part dans la valorisation des productions locales. Cette association internationale, née en 1989 prône l’hédonisme, l’oeno-gastronomie et le tourisme afin d’attirer l’attention sur l’importance du goût et de la culture alimentaire. En réaction au « fast food », son objectif est d’enrayer la disparition des traditions gastronomiques locales et le manque d’intérêt des gens pour leur nourriture, ses origines, ses saveurs et les conséquences pour le reste du monde de nos choix alimentaires. Elle compte aujourd’hui 80 000 adhérents dans 129 pays du monde et organise des campagnes et salons pour défendre les produits du terroir. Des salons sont organisés comme le plus célèbre le « salone del gusto» créé en 1996 MS MM 2010 / 2011 – INTELLIGENCE ECONOMIQUE – Pillage des terroirs

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et qui rassemble désormais à Turin tous les 2 ans les petits producteurs du monde entier, le concept de ce salon a fait école, un salon « Aux origines du goût » se tient désormais à Montpellier depuis 2003 . En assurant la promotion des produits du terroir au niveau international, cette association contribue à les faire connaître et à valoriser leurs qualités et spécificités. Ainsi, les actions initiées pour la défense des fromages au lait cru dans le cadre de journées de dégustation, en collaboration avec des syndicats de fromagers locaux, permettent de faire connaître ces produits et de valoriser leur qualité gustative et leur typicité au regard des fromages pasteurisés. L’association «OriGIn» (Organisation pour un réseau international des producteurs sous indications Géographiques) est née de l’initiative de professionnels européens en 2003 à Genève. Elle s'est donné trois objectifs essentiels : développer dans les pays intéressés le concept des Indications Géographiques (IG), aider les producteurs à s'organiser et à défendre leur production à l'intérieur et à l'extérieur de leur pays et fédérer les positions pour définir et défendre une attitude commune vis à vis de l'OMC ou de n'importe quelle instance internationale. Une des activités de ce réseau mondial est d'apporter une assistance technique aux pays en développement en favorisant notamment la mise en place d'une législation sur les Indications Géographiques dans leur pays. Elle encourage en particulier la création de partenariats sous la forme de binômes entre une IG européenne et une IG du reste du monde : grâce à des producteurs d’aquitaine (Pruneau d’Agen), des agriculteurs marocains ont ainsi pu mettre en place une IGP pour leur huile d’Argan. Le réseau regroupe aujourd’hui 150 organisations dans 40 pays. Elle a également publié en mars dernier, un manuel « American Origin Products (AOPs) : protecting a legacy » qui s’intéresse aux implications juridiques et économiques des indications géographiques aux Etats Unis. Un séminaire sur ce thème a également été organisé à Washington DC le 3 juin 2010, qui a rassemblé une cinquantaine de spécialistes des IGs, producteurs américains, avocats, représentants du gouvernement et lobbyistes (représentants du bureau américain des marques et brevets, et du département de l’agriculture américain). Ce type d’action contribue à développer la connaissance des IGs et de leur impact économique, social et environnemental dans le monde et en particulier dans les pays opposants dans le cadre des négociations de l’OMC. L’association AREPO Une autre association s’est créée en 2004 à l’initiative d’élus locaux des collectivités territoriales : 3 régions européennes l’Aquitaine, la Toscane et l’Emilia Romagne ont fondé l’association AREPO (Association des Régions Européennes des Produits d'Origine). Cette association regroupe aujourd’hui 30 régions européennes unies pour la défense et la promotion de l’agriculture de qualité. Parmi les 958 Indications Géographiques européennes 356 sont issues des Régions membres de l’AREPO. Les objectifs poursuivis par l’AREPO sont : -

de renforcer la politique européenne pour les produits de qualité et les IGs en particulier dans le cadre de la PAC (Politique Agricole Commune), de développer et de promouvoir les logos des produits AOP et IGP auprès des consommateurs européens, de renforcer la protection internationale des IGs pour la rendre efficace de favoriser la prise en compte des conditions de production durable et de l’impact positif des politiques de qualité sur l’environnement.

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Pillage par la divulgation de techniques de fabrication, recommandations 3.1 Etude de cas : les vins français Introduction :

En ce qui concerne le vin, tous les spécialistes s’accordent sur le fait que la qualité de la matière première, c'est à dire le cépage, est primordiale : la naissance d'un grand vin se fait d'abord par la vigne, ET sur de grands terroirs définis par leur sol, leur climat et les pratiques culturales qui leur sont associés, résultantes du savoir-faire, des traditions locales et de la morphologie du territoire. Certains remplaceront le ET par un PUIS, en particulier les partisans des vins du Nouveau Monde dans le cadre du débat Vin traditionnel, Noble, « du terroir » versus. Vins du nouveau monde, « de cépage ». Mais la problématique du marché mondial du vin repose-t-elle encore sur ce débat ? Le vin doit relever un grand défi actuellement en tant que culture, en tant qu’expression supérieure d’une manière de jouir des plaisirs de la vie, en tant que boisson quotidienne et salutaire, mais aussi, en tant que modèle de l’industrie artisanale, parfois même artistique. Dans ce cadre, les producteurs français ont-ils intérêt à répondre au marketing de l’offre ? C'est-à-dire relever du terroir et de la typicité, sous entendu de luxe élitiste… ou répondre au marketing de la demande avec des vins de pays, de table, identifiés principalement par leur marque et par un cépage ? Opérationnellement parlant, les producteurs de vin français doivent ils insister sur l’importance des terroirs français et chercher à plus / mieux exporter ? En prenant le risque de ne plus être lisibles dans un marché de consommation empreint à la globalisation mondiale et à une communication simplifiée autour des cépages «Cabernet, Merlot, Chardonnay, etc» Ou bien doivent ils chercher à « mettre un pied hors de France », en suivant une des options suivantes : Création / Exploitation de nouveaux terroirs pour produire près du consommateur Répondre par un cépage au marketing de la demande, en s’appuyant sur un savoir faire et pratiques culturales françaises délocalisées ? Avec d’autres types de risques : divulgation de secrets de production, du savoir faire vulgarisation du métier de viticulteur (tout le monde peut produire du vin n’importe où finalement) et incitation des populations locales à produire du vin destruction de l’image des vins français Après avoir fait un tour d’horizon du marché mondial du vin en insistant sur ses enjeux financiers, puis donné des exemples de positionnement actuel de certains acteurs du vin français, nous tenterons de faire des recommandations de différentes stratégies que les producteurs français peuvent adopter et dresser un tableau des avantages et inconvénients de chacune d’entre elles. Marché mondial du vin et enjeux économiques : Avec la complexification de l’offre de boissons, la consommation de vin ne représente plus aujourd’hui qu’environ 3,5 litre par habitant par an, et tout comme les spiritueux traditionnels, il perd du terrain par rapport aux autres boissons. Selon la FAO, la production mondiale de vin a chuté en 1971-1975 puis est remontée à partir de 2004 : l’augmentation principale de la production mondiale et des exportations ont leurs origines dans les pays du « nouveau » monde, ce qui n’arrange pas les producteurs français. MS MM 2010 / 2011 – INTELLIGENCE ECONOMIQUE – Pillage des terroirs

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En ce qui concerne la consommation, d’un côté il y a une diminution permanente de la consommation de vin dans les pays où les marchés sont les plus traditionnels (cf tableau ci contre) et, de l’autre, l’augmentation de la consommation de vin dans les pays qui ne sont pas considérés comme des consommateurs historiques, notamment l’Amérique du Nord, l’Europe du Nord et l’Asie du Nord-Est et même quelques pays de l’Amérique latine comme le Brésil et le Mexique. Quelles sont donc les options de positionnement pour la France dont la viticulture, 3ème poste des exportations françaises, est confrontée à une double crise, importante et probablement durable. A une crise de l'offre (émergence d'une offre très concurrentielle en provenance d'autres pays producteurs) s'ajoute une crise de la demande des pays « du Nord » traditionnellement très consommateurs de vins français.

3.2 La stratégie du terroir : Une partie importante de l'offre française est basée sur la production de produits bénéficiant d'une AOC sensée conférer au produit une "typicité" liée au terroir d'origine. Cependant, l'essentiel de l'offre de vins, qu'ils soient ou non issus d'une AOC, fait allégation de l'origine. L'identité des vins d'AOC s'en trouve d'autant plus affaiblie. L'Organisation internationale de la vigne et du vin (OIV) a adopté une résolution officielle du concept de terroir lors de son congrès annuel en juin 2010 à Tbilissi en Géorgie. «Le terroir vitivinicole est un concept qui se réfère à un espace sur lequel se développe un savoir collectif des interactions entre un milieu physique et biologique identifiable et les pratiques vitivinicoles appliquées, qui confèrent des caractéristiques distinctives aux produits originaires de cet espace». Stratégiquement, la France a aujourd’hui une belle opportunité de se doter des outils pour mettre en évidence les caractéristiques et les savoirs permettant de définir la typicité d'un vin (sous ses différentes formes), et d'étudier avec les acteurs eux-mêmes (syndicats de producteurs, vignerons indépendants, coopérateurs, INAO) la façon dont se construit un produit typique et la manière dont les innovations sont intégrées dans la réflexion. Nous sommes d’accord avec les recommandations de l’INRA qui aimerait s’engager à : • Mettre à disposition de la filière vitivinicole des diagnostics objectifs et des outils permettant de décider d'une évolution du cahier des charges et de sa mise en place auprès des divers acteurs de la filière. • Valider certaines pratiques agroviticoles et oenologiques qui semblent déterminantes dans l'élaboration d'un produit typique. • Proposer des outils permettant aux acteurs de la production de gérer les processus d'élaboration des vins en fonction des typicités attendues. • Proposer une méthode intégrée, innovante, à forte généricité permettant la définition/redéfinition d'AOC et d'IGP dans le cadre d'une véritable co-construction avec les acteurs. • Aider à la construction d'une segmentation des vins et à un meilleur positionnement sur le marché grâce à une meilleure prise en compte de l'attente des consommateurs et à une communication adaptée au produit

En relation avec ce dernier point et au-delà d’une stratégie de protectionnisme du terroir, la France a aujourd’hui une autre opportunité à explorer : celles des IGP. La renaissance des vins de fruit et de plaisir est une nécessité pour la rentabilité des vins régionaux de volume, un besoin des consommateurs. Vouloir imposer les contraintes des vins de terroir à des productions régionales qui ont besoin de plus de libertés, de rendements, sur des terroirs aptes à produire des vins de volume, est un contre sens économique et humain, et ne permet pas de sortir de la crise. Les consommateurs cherchent des vins MS MM 2010 / 2011 – INTELLIGENCE ECONOMIQUE – Pillage des terroirs

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simples et bons, à des prix abordables, qui tout en étant porteurs d’une empreinte régionale, ne revendiquent pas forcément l’expression d’un terroir précis. C’est là aussi une piste de réflexion, qui doit s’inscrire dans une stratégie globale, au risque pour la France de continuer à avoir une communication non adaptée au produit. Au-delà de ces recommandations, au niveau de la production, il nous semble également essentiel que les acteurs français se positionnent en tant que leader d’opinion dans le cadre d’un lobbying mondial visant à : Introduire la consommation de vin, de façon systématique, dans les principaux repas des grandes tables et cuisines du monde qui n’ont pas besoin des boissons alcooliques déterminées pour accompagner la nourriture. Il s’agirait en premier lieu des cuisines de Chine, de l’Inde, de la Thaïlande, du Brésil, du Mexique et de la Russie. Continuer à travailler sur les marchés stratégiques pour le vin pour empêcher la chute de la consommation et si possible, l’augmenter en étant vigilants sur la qualité moyenne des vins. Entreprendre une campagne mondiale d’éducation sur le vin et sa culture, destinée à introduire partout le vin comme boisson agréable et salutaire pour la consommation quotidienne.

3.3 La stratégie de l’étranger : On peut se demander si de nouveaux grands terroirs peuvent encore être découverts. En dehors de l'Europe, les vignobles sont extrêmement jeunes et les repérages balbutiants. On commence seulement à saisir la potentialité de certaines régions comme la Californie. En Europe aussi, étonnamment, on pourrait en découvrir ou en révéler de nouveaux. L'Espagne s'est donné l'ambition et les moyens de le faire. En France, toutes les régions viticoles réputées sont situées à proximité de grandes voies de communication. Mais qu'en est-il dans les coteaux plus reculés et qui n'ont peut-être jamais été planté de vignes? Certains vignerons se sont lancés dans l'aventure en replantant des vignobles oubliés, ou en s'excluant volontairement de leur AOC pour vinifier des Vins de Pays ou vin de table dont les prix peuvent parfois égaler ceux d'excellents Bordeaux ou Bourgognes. Mais qu’en est-il des autres régions du Monde ? Tout comme les centres d'appels de téléphonie ou les chaînes de montage, le vin français peut-il être délocalisé ? Un certain nombre d'acteurs tentent leur chance dans le nouveau farwest du vignoble, avec des motivations très différentes : Surproduction pour certains, difficultés à se vendre et notamment à l'étranger pour d'autres, quelques producteurs n'hésitent pas à acheter des terrains en Amérique du sud, Australie, Nouvelle-Zélande et même en Afrique du Nord. On arrache en France, on replante à l'étranger ? Présent au Chili depuis 2001 et en Afrique du Sud depuis 2006, le groupe Laroche cite des coûts de production quatre fois moins chers que dans le Languedoc. "C'est la main d'œuvre surtout qui est meilleur marché car les machines sont tout aussi chères", explique le PDG Michel Laroche. "Les économies dégagées nous permettent d'avoir un budget communication et marketing plus important et donc de mieux promouvoir nos vins sur le marché international". Pour le moment, le groupe, surtout connu pour son Chablis et ses vins de Languedoc, réalise 5% de son chiffre d'affaires avec les vins du nouveau monde. Mais après avoir investi près de 7 millions d'euros dans ces deux pays, il espère que chacun représentera 25% de son chiffre d'affaires d'ici 5 ans. S'implanter sur de nouveaux marchés : "Pas besoin d'aller si loin pour produire des vins exotiques qui correspondent au nouveau goût des consommateurs", selon Franck Crouzet, directeur de la communication de Castel. La première entreprise de négoce française est présente au Maroc (1500 hectares et 7 millions de bouteilles), en Tunisie, en Azerbaïdjan et en Chine. D'ailleurs, les deux vins étrangers les plus vendus en France viennent du Maroc ou d'Algérie, le Boulaouane et le Sidi Brahim, soit 6 millions de bouteilles vendus dans l'Hexagone chaque MS MM 2010 / 2011 – INTELLIGENCE ECONOMIQUE – Pillage des terroirs

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année. Ils appartiennent tous deux au groupe Castel. "C'est moins une affaire de coûts que de goût", estime le responsable communication. "Nous n'y faisons que des vins de cépage, Cabernet, Sauvignon, Merlot". Autre argument plaidant en faveur d'une expatriation : mettre un pied dans la porte. C'est le cas notamment de Castel qui avoue s'être implanté en Chine et en Russie pour des raisons politiques et économiques : au Maroc, il s'agissait d'une demande du pouvoir pour aider un secteur en difficulté. En échange, la marque pouvait entrer sur le marché. En Russie et en Chine, marchés jugés prometteurs, Castel s'est associé avec deux pointures locales : le Français apporte le savoir-faire, leurs partenaires, les financements. Et en ligne de mire, le marché local. Des prix de 1 à 5 : "Pour moi, soit on va à l'étranger pour produire moins cher, soit pour pouvoir planter des vignes quand on veut et où on veut en échappant à l'acharnement paperassier français", estime quant à lui Jean-Marie Bourgeois, ex-PDG du groupe Henri Bourgeois, producteur de Sancerre. Car en France, la plantation de nouvelles vignes est encadrée. "On ne peut planter que 25 à 30 arrhes supplémentaires par an. Or nous manquons toujours de vin", explique le viticulteur. C'est donc à l'étranger qu'il est allé planter son drapeau en 2000 : en Nouvelle-Zélande. "Alors qu'il faut plusieurs années pour avoir l'autorisation de planter en France, en Nouvelle-Zélande, l'affaire est pliée en quelques mois". Depuis, un nouveau vin est né : le Clos Henry, vendu autour de 14 euros la bouteille, soit presque aussi cher que les meilleures cuvées de son Sancerre. La plus grande élasticité des prix est un argument que citent plusieurs professionnels français. "Un chablis, c'est une marque commune à tous les producteurs et le prix oscille très peu : entre 10 et 15 euros la bouteille", explique Michel Laroche. "Le prix d'une bouteille de Chardonnay produite dans le nouveau monde varie de 10 à 50 dollars. Le spectre est beaucoup plus large". Les consommateurs lassés des vins de cépage ? La philosophie est différente chez Jean-Marie Bourgeois mais le constat identique. La notoriété de son vin néo-zélandais a accru les ventes de ses crus français. "Les négociants internationaux veulent des gammes dans le même esprit : Clos Henry a boosté nos ventes françaises". Des bémols ? "Oui, la production de vins par des Français à l'étranger ne représente quasiment rien en volume", estime Hervé Pons, sous-directeur de l'interprofession Viniflore. "Une délocalisation, c'est quand on ferme en France pour relancer une activité à l'étranger. Là, ce n'est pas le cas", poursuit-il. "Le mouvement se calme", renchérit Hervé Henrotte, chef de projet vins et spiritueux chez Ubifrance. "Il n'y a pas d'eldorado à l'étranger. Les vins français ont des efforts à faire mais il ne faut pas jeter le système des appellations pour des effets de mode". Selon ce spécialiste qui conseille les entreprises, les consommateurs anglo-saxons commencent à se lasser du Chardonnay à toutes les sauces. D'où l'intérêt des vins français et de leur immense diversité.

3.4 Les risques de l’expatriation / délocalisation : Un exemple de dérive : Un château français copie conforme à Beijing ? Le groupe Dynasty a érigé un château, copie conforme d'un château renaissance que l’on pourrait trouver en France. Pour marquer plus le côté culturel de l’entreprise, Dynasty s’est offert le luxe de mettre sa pyramide du Louvre (pas en miniature, grandeur réelle), dans la municipalité de Tianjin. Près de Pékin, un domaine viticole de 53 hectares avec château et dégustation : le château Laffitte, un vrai château français (enfin presque), est maintenant ouvert. L'environnement a été particulièrement soigné « à la française » avec parterres de buis très stylisés, fontaines ornées de statues en bronze imitées de

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Versailles, statues hiératiques. Près du château, pousse aussi une vigne exploitée par des ouvriers et artisans formés directement sur place par des conseillers et spécialistes chevronnés venus de France. On peut se demander si d’autres Chinois, voulant copier ce « Château Laffitte » vont faire ensuite pousser d’autres châteaux dans toute la Chine… Quelle sera alors l’image de la France et du vin français auprès des chinois ? D’autres diront qu’une émulsion autour de la France ne pourra qu’encourager les Chinois à venir visiter le pays « en vrai » et déguster des vins français par la même occasion. Une autre dérive ? Un groupe chinois achète un château dans le Bordelais : Un groupe chinois, "Longhai international trading Co Ltd", a acquis le château Latour-Laguens, une propriété viticole du Bordelais comprenant 60 ha dont 30 plantés en vignes. Les groupes étrangers qui achètent des châteaux français seront-ils enclin à suivre un lobbying franco français ? Les contrats chinois, toujours empreints à des revers de fortune ? : Le groupe Castel, numéro un pour le vin français et 3e groupe mondial du secteur, a signé le 16 juillet en Chine un contrat important avec un de ses distributeurs, la société chinoise Beijing Hengyi Shengsi. Par ce contrat, elle s’engage à développer sur 12 ans l’activité de vente des vins du groupe français. Castel pense vendre cette année 20 millions de bouteilles en Chine. Après s’être allié avec le groupe chinois Changyu pour ses débuts en Chine, Castel a décidé de se doter de son propre réseau de distribution en s’appuyant sur des distributeurs qui maillent tout le pays. Le vin Castel est vendu dans de nombreux points de vente dans la République populaire. Le cœur du marché est constitué des petites boutiques, des cafés-hôtels-restaurants, des karaokés et des revendeurs. Le groupe français doit cependant faire face à des problèmes de contrefaçon avec des détournements de ses marques. L’une porte sur la marque Castel en chinois, qui a été déposée par un homme d’affaires chinois et est l’objet d’une procédure judiciaire en cours, l’autre sur la marque Nicolas (caviste, filiale de Castel), dont des magasins copiés ont été ouverts dans l’est de la Chine. Une femme d'affaires du Sud a déposé le nom en caractère latin et ouvert des magasins à Wenzhou et Suzhou, copies conformes de ceux de Paris... « Avant de lancer Nicolas en Chine, il nous faut récupérer la marque qui nous appartient », soupire Alain Castel. Une procédure a donc été engagée pour « enregistrement de mauvaise foi ». Au-delà des recommandations que nous avons pu faire précédemment, nous voudrions insister sur le fait que : Les acteurs du vin français devraient avoir une approche beaucoup plus stratégique dans la conquête d’opportunités politiques et économiques liées au marché du vin à l’étranger. Adopter une stratégie globale pour l’ensemble des acteurs français de la filière vinicole. Comme nous avons pu le voir, parmi les différentes menaces pesant sur les Produits du Terroir, la contrefaçon et la délocalisation sont certainement parmi les plus évidentes. Le lobbying de pays étrangers en fait également partie comme nous allons le montrer dans la prochaine partie.

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Pillage causé par des lobbyings étrangers, recommandations

Parmi les différentes menaces pesant sur les Produits du Terroir, la contrefaçon est certainement l’une des plus évidentes. Pourtant, ces produits sont parfois la cible d’autres types d’atteintes, plus insidieuses. Ils font parfois l’objet de divers embargos visant à en limiter voire empêcher la circulation. Ces pratiques, véritables MS MM 2010 / 2011 – INTELLIGENCE ECONOMIQUE – Pillage des terroirs

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mesures protectionnistes sont souvent orchestrées par les gouvernements eux-mêmes selon des procédures et logiques souvent complexes. Les méthodes employées sont diverses, comme le boycott, accompagné éventuellement de campagnes de désinformation, le lobbying, ou l’interdiction pure et simple de l’importation de certains produits. Ainsi nous évoquerons le cas du Sel de Guérande, bonne illustration de ce type d’attaque en envisageant d’éventuelles parades, pour s’intéresser ensuite plus en détails au cas du Roquefort français, littéralement « pris en otage » par les Etats-Unis en mesure de représailles contre l’interdiction par l’Union Européenne d’importer du bœuf américain aux hormones. L’enjeu est sans nul doute d’ordre national et il convient d’envisager par quels leviers, au niveau international, il est possible d’actionner pour répondre à la problématique de sauvegarde de nos richesses.

4.1 Cas du Sel de Guérande Ce cas a été étudié en détails par les étudiants de l’Ecole de Guerre Economique de Paris, tant ce type d’attaque révèle un problème très préoccupant pour la sauvegarde de nos terroirs. L’étude a en effet montré que les petits producteurs peuvent être très vulnérables face aux intentions peu scrupuleuses et bien organisées d’entités étrangères. Historique du cas En 1993, à Guérande en Loire-Atlantique, les exploitants du sel de Guérande, flattés de l’intérêt que plusieurs délégations sud-coréennes pouvaient porter à leur produit, mais également alléchés par les perspectives économiques brandies par leurs visiteurs, ont fait preuve d’une grande solidarité en faisant généreusement visiter leurs paludiers et leur coopérative et en partageant leurs secrets e fabrication avec à ces délégations. L’innocence apparente des visiteurs sud-coréens s’inscrivaient en réalité dans un processus bien organisé de collecte d’information qui a permis la mise en place en Corée du Sud d’un réel embargo sur le sel de Guérande. Alors que le Sel de Guérande est un produit complètement bio, naturel et présentant des qualités nutritives avérées grâce à sa forte teneur en fer, son exportation en Corée du Sud est aujourd’hui impossible grâce à l’introduction de normes, et le déploiement d’une véritable campagne de désinformation mettant en cause sa qualité jusqu’à dénoncer un risque sanitaire. En parallèle, la Corée du Sud tente de conquérir les marchés du sel français avec son propre sel, c’est ainsi tout le potentiel économique du Sel de Guérande qui est en péril, et par là-même notre identité culturelle, la vie de nos producteurs et le futur de nos territoires. Recours possibles Dans un tel cas, quels moyens les producteurs de Guérande ont-ils pour se défendre ? Existe-t-il des recours ? Au niveau local, les petits artisans semblent bien démunis, mais des actions sont pourtant possibles ! Tout d’abord, la prudence est de mise. La grande confiance avec laquelle les paludiers ont accueilli les délégations sud-coréennes a très certainement joué un facteur déterminant dans la fuite d’informations dont on s’est par la suite servi contre le Sel de Guérande. Ces pratiques ne sont plus une exception et les Français doivent y être sensibilisés. De telles précautions certes indispensables sont certainement insuffisantes face aux stratagèmes mis en jeu, et l’intervention de l’Etat semble incontournable. A ce propos, le député-maire de Guérande, Christophe Priou, déplore « l’incapacité de l’Union Europe à prendre des décisions pour protéger les produits de terroir qui font la renommée de la France » (propos rapporté par Hermine Mauzé). Il est à remarquer cependant que « le sel de Guérande ne bénéficie pas d’une AOC, ce label ne peut être délivré qu’à un produit alimentaire et non à un produit minier ! » comme le souligne Jean-Louis Buër directeur de l’INAO, invité de l’émission d’Hermine Mauzé [3]. Mais il assure néanmoins que le Sel de Guérande recevra bientôt la norme IGP. Reste à se demander dans quelle mesure une telle « protection » pourrait aider les paludiers de Guérande dans la guerre qui les oppose aux Sud-Coréens. Sans une action de l’Europe pour faire reconnaître ces appellations, sur la scène internationale, l’impact des labels de protection ne saurait être suffisant pour dissuader l’entreprise de telles attaques. MS MM 2010 / 2011 – INTELLIGENCE ECONOMIQUE – Pillage des terroirs

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4.2 Cas du Roquefort Français Le type d’attaque « protectionniste » dont a été victime le Sel de Guérande et qui peut nuire gravement à l’activité de nos artisans, n’est pas seulement l’apanage des pays asiatiques, comme en témoigne le cas du Roquefort français et les mesures protectionnistes dont il a fait l’objet aux Etats-Unis en 1999 puis en 2009. Il est intéressant de constater que le statut-même du Roquefort lui a valu d’être littéralement « pris en otage » dans des conflits commerciaux internationaux. Ce cas est en effet assez emblématique puisqu’il touche à l’un de nos symboles nationaux, véritable fleuron de nos produits du terroir puisqu’avec le Champagne, le Roquefort est le premier produit à avoir bénéficié d’une AOC en 1925. Le Roquefort, un produit du terroir Comme de nombreux fromages français (annexe 3), le Roquefort un produit du terroir à part entière, bénéficiant à la fois d’une AOC depuis 1925 (voir répartition géographique des AOC fromagères en France sur la carte ci-contre), et d’un label de la marque confédérale de la « Brebis Rouge ». D’une part le Roquefort doit obéir à un cahier des charges très précis (fabrications à base de lait cru de brebis de race Lacaune provenant d’une zone géographique déterminée), durée d’affinage de 3 mois minimum dont 14 jours dans les caves naturelles de Roquefort, et fabrication autorisée seulement dans 6 départements autour de l’Aveyron. D’autre part le savoir-faire et ses techniques de fabrication contribuent à lui donner sa spécificité. Lorsque maître Carles, un des derniers artisans utilisant les techniques ancestrales, parle de son art, c’est avec poésie qu’il mentionne moules en étain, pain pulvérisé préalablement moisi dans sa cave du Cambalou, dans laquelle l’air humide, provenant du fin fond des montagnes et y pénétrant par les « fleurines » permet à la nature d’œuvrer patiemment pour donner au Roquefort sa saveur incomparable. Les attaques protectionnistes contre le Roquefort Le conflit débute dans les années 80 avec notamment l’interdiction par le gouvernement français de la commercialisation de la viande aux hormones, provenant essentiellement des Etats-Unis. En 1985, l’Europe étendra cette mesure à l’ensemble des pays européens pour motif de « risques sanitaires ». Le conflit avec les Etats-Unis est alors engagé : en 1995, date de création de l’OMC, ces derniers portent plainte auprès de cette organisation contre l’UE. L’OMC se rallie tout d’abord à la cause des Etats-Unis au nom des règles de libre échange du commerce international. L’Union Européenne résistant et ne revenant sur sa décision, l’OMC tranche en 1999 en autorisant les Etats-Unis à surtaxer 60 produits européens, dont le Roquefort, pour compenser leur manque à gagner. Accessoirement, les Etats-Unis accusent le Roquefort de présenter également des risques pour la santé. Ceci constitue la première attaque des Etats-Unis contre le Roquefort, puisqu’il est dès 1999 surtaxé à 100%. Cette attaque constitue une réelle prise d’otage de l’un des fleurons de nos produits du terroir. C’est en effet aux pratiques locales les plus anciennes que les Etats-Unis ont porté atteinte. Le Roquefort devient alors le véritable symbole de la lutte contre l’agriculture intensive industrielle et la nourriture de mauvaise qualité, illustrées par divers évènements médiatiques comme l’arrivée José Bové avec un pain de Roquefort au sommet de l’OMC à Seattle en 1999, ou encore le démontage du Mac Do de Millau en 2000. Après 10 ans de maintien très ferme de l’Europe de son interdiction de commercialisation de viande aux hormones américaine, les Etats-Unis décident de faire à nouveau pression en annonçant en Janvier 2009 leur volonté d’augmenter la taxe de certains produits européens. La taxe sur le Roquefort passerait alors de 100% à 300% ! Il s’agit ici clairement de mesures de représailles, les intentions des Etats-Unis sont d’ailleurs très claires comme l’indique ce communiqué envoyé par les services du commerce extérieur à Washington : « La représentante américaine au Commerce extérieur (USTR [United States Trade Représentative]) modifie MS MM 2010 / 2011 – INTELLIGENCE ECONOMIQUE – Pillage des terroirs

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la liste des produits de l'UE sujets à des droits de douane supplémentaires en lien avec le conflit du bœuf aux hormones devant l'Organisation mondiale du Commerce (OMC) ». Cette annonce spectaculaire, intervenant juste avant le départ de la maison blanche de Georges W. Bush, renforce ainsi encore la figure symbolique de notre Roquefort national. Du côté des producteurs de l’Aveyron, déjà sanctionnés en 1999 par une surtaxation de leur produit à 100%, la nouvelle est accueillie comme un véritable coup de massue comme le fait remarquer leur porte parole et le président de la Confédération générale du Roquefort, Robert Glandières : « [les producteurs ont l’impression d’être] prisonniers d’un conflit entre les Etats-Unis et l’Union Européenne, qui ne les concerne pas ». Ils considèrent, à juste titre, qu’une telle mesure marquerait la fin d’un marché d’exportation pour le Roquefort. En France comme à la Commission Européenne où l’on menace de saisir l’OMC, on regrette vivement cette attaque par les Etats-Unis comme l’exprime le ministre de l'Agriculture Michel Barnier dans un communiqué : « Cette sanction, prise en rétorsion à la poursuite de l'interdiction par Bruxelles du bœuf aux hormones américain, est injustifiée ». Après quelques mois d’échanges de communiqués, cette longue lutte sera enfin soldée par un accord puisque les Etats-Unis renoncent en mai 2009 à exporter en Europe de la viande aux hormones, en contrepartie de la concession par l’Union Européenne d’une hausse des quotas des importations annuelles de viande de bœuf américaines (sans hormones) de 5,000 à 20,000 tonnes. La taxe sur le Roquefort quant à elle restera à 100%. Ce cas révèle une vulnérabilité des produits du terroir directement liée à leur caractère symbolique : ils constituent une cible idéale dans le cadre de conflits commerciaux internationaux, comme l’a déploré Béatrice Weirich, porte-parole de la Fédération régionale du syndicat des éleveurs de brebis (membre de la FNSEA) : « Le Roquefort est un symbole français et on paie sa notoriété ». Ces conflits, dont les enjeux sont souvent politiques, peuvent gravement nuire à la vie de nos petits producteurs souvent démunis devant de telles atteintes. L’Union Européenne reconnait clairement cet aspect comme le souligne cette communication : « Il est clair que les exportateurs vont faire face à une incertitude accrue, leurs produits pouvant être sujets à des droits de douane sévères avec un préavis court. »

4.3 Leviers pour la protection de nos produits du terroir contre les lobbyings étrangers: Rôle des politiques Les cas du sel de Guérande et du Roquefort français relèvent tous deux de mesures économiques protectionnistes prises à l’encontre de produits du terroir. Ces produits ont la particularité de porter l’image de marque de la France à travers des valeurs du terroir, si bien que leur protection devient un enjeu national qui devrait être une vraie préoccupation pour les politiques de notre pays, mais pas seulement : l’Europe a un rôle primordial à jouer. Une piste à explorer serait notamment de faire reconnaître plus largement les AOC et autres IG par le reste du monde, et plus généralement de développer des accords de libre-échange entre l’Union Européenne et ses concurrents, dont le fondement serait de s’opposer fermement à toute tendance protectionniste. La signature d’accords bilatéraux est également possible, comme par exemple l’accord très récent signé entre l’UE et l’Australie et portant sur le respect des IGs sur le vin. Il est intéressant de constater que cette prise de conscience commence à animer les discussions au parlement européen. C’est dans ce cadre que s’inscrit le débat sur le libre échange entre l’UE et la Corée du Sud signé le 15 octobre 2009, un accord très ambitieux, et également le premier de ce type entre l’Europe et un pays d’Asie. Même si l’enjeu principal de ce type d’accord concerne les avantages de la suppression des barrières non tarifaires pour les industries les plus influentes (automobile, industries pharmaceutique et chimique…), il existe un intérêt certain pour une meilleures circulation des pays du terroir. Le marché coréen lui-même souhaite clairement accéder aux spécialités agricoles européennes, qui comprennent les vins, spiritueux, les viandes, les fromages, tous protégés par des indications géographiques. Ce qui laisse supposer que ce type MS MM 2010 / 2011 – INTELLIGENCE ECONOMIQUE – Pillage des terroirs

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de traité aura une incidence positive sur la reconnaissance et la meilleure pénétration de nos produits du Terroir sur ces marchés, à condition que les appellations d’origine et indications de territoires soient bien reconnues dans ces pays. L’union Européenne a ici un rôle important à jouer. David Martin du Groupe de l'Alliance Progressiste des Socialistes et Démocrates au Parlement européen (S&D) prône justement cet accès plus large au marché agricole coréen. Il insiste qu’avec ce nouvel accord, « les droits de douane coréens sur les produits agricoles seront réduits de 75 % au cours des sept premières années de cet accord. Nous voulions par ailleurs que nos indications géographiques soient protégées. Notre whisky, nos champagnes, nos vins, nos jambons et autres seront protégés en Corée des suites de cet accord » et d’ajouter que les exportations annuelles de whisky écossais en direction de la Corée devraient augmenter significativement avec déjà 137 millions de livres sterling en 2009. L’OMC, vecteur d’évolution vers une meilleure protection des Produits du Terroir ? Plus globalement, dans un contexte de mondialisation, la caractéristique d’ancrage à un territoire peut-elle constituer un avantage concurrentiel pour les petits producteurs organisés en PME ? Dans quel cadre l’Union Européenne peut-elle actionner les leviers dont elle dispose ? Quel rôle l’OMC peut-elle jouer dans le cadre de cette problématique ? En 1999 déjà, à l’occasion de la réunion de l’OMC à Seattle, certaines affaires de concurrence déloyale envers des produits européens étaient déjà débattues, avec par exemple la plainte de la Communauté Européenne, du Canada et des Etats-Unis contre le Japon pour discrimination à l’encontre du whisky (en particulier écossais, un pays du terroir), du cognac et des eaux-de-vie blanches exportées vers le Japon, surtaxés par rapport au « shochu » local. Dans le cas du Roquefort français traité plus haut, on constate que les pratiques de surtaxation n’ont pas disparu puisque même les Etats-Unis y ont recours. Comment faire converger les volontés globales pour un meilleur respect et une valorisation des Produits du Terroir, pas seulement français ou européens, mais provenant de n’importe quelle région du monde souhaitant adhérer à ce projet ? Le Rapport d’information sur la réforme de l’OMC et son lien avec l’architecture des Nations Unies conclut à la nécessité, pour réconcilier le monde avec cette mondialisation, de concentrer les efforts vers l’émergence d’une démocratie planétaire fondée sur une cohérence décisionnelle, un ordre juridique reconnu, un contrôle démocratique accepté. Un objectif bien ambitieux mais sans lequel l’avenir de nos pays du terroir, sur le plan international, est pour le moins incertain !

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Conclusion A travers des valeurs de qualité, de savoir faire et de variété, les Produits du Terroir sont porteurs d’une image de marque forte et ils représentent un réel potentiel de développement économique pour les territoires desquels ils sont issus. Ce statut particulier en fait la cible privilégiée d’atteintes diverses. Cette analyse a montré que la problématique de défense des produits du terroir est multiple : du point de vue des différentes formes d’attaque mais également de celui des différentes pistes de solutions à envisager. A travers les différents exemples traités, il a été montré que le « pillage » des produits du terroir peut prendre des visages variés et plus ou moins insidieux avec l’usurpation, l’imitation, la contrefaçon mais également la divulgation ou les mesures protectionnistes déployées par des lobbyings étrangers. La volonté même de pouvoir jouir du potentiel économique et culturel porté par nos produits du terroir, en les exportant à l’étranger et en les exposant à la convoitise du monde entier, les rend très vulnérables. Dans le contexte de la mondialisation, l’enjeu économique est fort et il est national. Les tentatives de promotion et de protection sont nombreuses, avec en premier lieu le déploiement d’un vaste panel d’Indications Géographiques, doublé d’une reconnaissance internationale de ces labels. Cette stratégie, perçue avec le recul comme longue et laborieuse, est depuis plusieurs années l’un des principaux chevaux de bataille de l’Union Européenne, aussi bien au niveau local que global. L’OMC joue un rôle important dans cette reconnaissance même si les discussions y sont souvent longues et peu fructueuses. Des accords bilatéraux particuliers comme dans le cas de la France et de l’Australie pour le vin peuvent également servir la cause de nos produits du Terroirs, souvent de manière plus rapide et efficace, mais également moins globale. L’intervention d’organisations et d’associations diverses comme la FAO ou l’association Slow Food œuvrent également, sous forme d’actions de lobbying, pour la reconnaissance et la protection de nos produits. Enfin, des initiatives plus locales voient ici et là le jour pour défendre les produits du Terroir. Ces initiatives, qui peuvent parfois s’inscrire dans de réelles stratégies de développement par les communautés de producteurs eux-mêmes, comme dans le cas du vin largement développé dans cette analyse, semble être une voie très prometteuse pour le développement responsable des Produits du Terroir dans une démarche plus raisonnée et globale.

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Annexe 1 : Carte des différents systèmes de protection des IG dans le monde (extraite du Guide des Indications Géographiques. Faire le lien entre les produits et leurs origines, D. Giovannucci – T. Josling – W. Kerr – B ? O’Connor – M. T. Yeung, Genève, Septembre 2009)

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Annexe 3 : Cafés-débats des produits made in China sans Contrefaçon ?

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Annexe 3 : Répartition géographique des AOC fromagères en France

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Annexe 4 : Sources documentaires

Date de consultation

Auteur

Titre

Juil. 2010

Philippe Gallard

Sept. 2010

L. Bérard,P Marchenay, F Savoirs, terroirs, produits : un Casabianca patrimoine biologique et culturel

Juil. 2010

Le Processus de Mondialisation dans la Valorisation des produits F. Fort et H. agroalimentaires à travers le Remaud concept du Terroir

Nov. 2010

Marc Laffineur (présentate ur)

Roquefort, un goût d’industrie

Date de parution

Source

URL

11/10/01

L’Expansion.com

http://www.lexpansion.com/economie/roquefort-un-gout-d-industrie_17627.html?p=3

17-18 11/2005

Actes du colloque international INRA/INAO,

http://www.ethno-terroirs.cnrs.fr/IMG/pdf/SavoirsTerroirsProduitsInraInao2008.pdf

Agro-Montpellier – UMR MOISA,

http://gis-syal.agropolis.fr/Syal2002/FR/Atelier1.1/REMAUD%20FORT.pdf

08/06/05

assembleenationale.fr

http://www.assemblee-nationale.fr/12/pdf/europe/rap-info/i2363.pdf

Sept. 2010

Rapport d’information sur la réforme de l’Organisation Site de mondiale du commerce et son l’Assemblée lien avec l’architecture des Nationale Nations Unies

15/06/00

assembleenationale.fr

http://www.assemblee-nationale.fr/europe/rap-info/i2477.pdf

Sept. 2010

Bérard L., de Sainte Marie C

27/06/05

Cirad, Iddri, IFB, Inra, 2005

http://www.ethno-terroirs.cnrs.fr/IMG/pdf/tapBrardStMarie.pdf

Rapport d'information de l'Assemblée nationale sur la Lutte de l'Union européenne contre le contrefaçon.

Comment les savoirs locaux sontils pris en compte dans l’AOC ?

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Date de consultation

Auteur

Titre

Date de parution

Sept. 2010

L. Bérard,P Marchenay

Indications géographiques et marques : des outils en devenir ?

29/06/05

CNRS

http://www.ethno-terroirs.cnrs.fr/IMG/pdf/Courrier_Planete_LBPM.pdf

Sept. 2010

L. Bérard,P Marchenay

Produits de terroir. Comprendre et agir

29/06/05

CNRS

http://www.ethno-terroirs.cnrs.fr/IMG/pdf/CNRSTerroirComprendreAgir.pdf

Juil. 2010

Charles Pomerol

Terroirs et vins de France. Itinéraires œnologiques et géologiques.

12/06/05

Éd. du BRGM, Orléans

Nov. 2010

JeanRobert Pitte

Bordeaux Bourgogne, les passions rivales de Jean-Robert Pitte

27/06/05

Éd. Hachette

Aout 2010

ouvrage collectif 165 pages

Le Goût de l'origine

01/10/05

Éd. Hachette et INAO

Hélène Ilbert

Produits du Terroir Méditerranéen : Conditions d'émergence, d'efficacité et modes de gouvernance (PTM : CEE et MG)

01/06/05

foodqualityorigin.org

http://www.foodqualityorigin.org/documents/produits%20du%20terroir%20mediterraneen.pdf

internaute

Forum sur le pillage du patrimoine,

01/03/10

France2.com (forum)

http://forums.france2.fr/france2/patrimoine/dupatrimoine-pillage-sujet_962_1.htm

Aout 2010

internaute

Problématique de sauvegarde du patrimoine

France2.fr

http://forums.france2.fr/france2/patrimoine/dupatrimoine-pillage-sujet_962_1.htm

Aout 2010

Hermine Mauzé,

Compétition : faut-il protéger le terroir français?

France24.com

http://www.france24.com/fr/20100710-guerande-sel-competition-agriculture-europecoree-du-sud

Nov. 2010

Aout 2010

Source

MS MM 2010 / 2011 – INTELLIGENCE ECONOMIQUE – Pillage des terroirs

URL

Page 41

Date de consultation

Auteur

Titre

Aout 2010

Tim Josling - William Kerr Bernard O’Connor May T. Yeung,

Guide des Indications . Faire le lien entre les produits et leurs origines, Daniele Giovannucci Genève,

Nov. 2010

Véronique Fouks

Indications géographiques aspects internationaux

Juin. 2010

Christian Harbulot

Edito : La défense des terroirs

Juin. 2010

Antoine T.

Les produits traditionnels français en Asie ou le protectionnisme asiatique

Sept. 2010

internaute

Défendons nos terroirs contre la mondialisation

Juin. 2010

inconnu

Juil. 2010

Date de parution

Source

URL

Géographiques

http://www.intracen.org/publications/Freepublications/Geographical_Indications_French.pdf

INAO

http://www.foodquality-origin.org/Projects/voyageEtude/INAOinternationale.pdf

infoguerre.fr

http://www.infoguerre.fr/edito/edito-defense-terroirs-europe-france/

Lepost.com

http://www.lepost.fr/article/2010/03/26/2006029_les-produits-traditionnels-francaisen-asie-ou-le-protectionnisme-asiatique.html

26/03/10

lepost.fr

http://www.lepost.fr/article/2010/03/26/2005923_defendons-nos-terroirs-contre-lamondialisation.html

Le roquefort ne sera pas surtaxé aux Etats-Unis

06/05/09

Libération.fr

http://www.liberation.fr/economie/0101565845-le-roquefort-ne-sera-pas-surtaxe-auxetats-unis

Philippe Brochen

Bové: «Le roquefort est pris en otage !»

16/01/09

Libération.fr

http://www.liberation.fr/economie/0101312475-bove-le-roquefort-est-pris-en-otage

Nov. 2010

AFP

S’en est fini du Roquefort aux Etats-Unis

Libération.fr

http://www.liberation.fr/economie/0101312221-c-en-est-fini-du-roquefort-aux-etatsunis

Juil. 2010

inconnu Terroirs et vins de France guide des

Liste des 100 terroirs

01/09/09

02/04/10

http://www.terroirs-france.com/vin/terroir.htm

MS MM 2010 / 2011 – INTELLIGENCE ECONOMIQUE – Pillage des terroirs

Page 42

terroirs

Date de consultation

Auteur

de France

Titre

Date de parution

Source

URL

2005/2004

Mission Agrobiosciences et Communauté de Communes Bastides et Vallons du Gers.

http://www.agrobiosciences.org/IMG/pdf/06017-MPunivMaaCHINA.pdf http://mobile.agoravox.fr/actualites/economie/article/contrefacon-du-foie-grasperigord-72268

Oct. 2010

Marie Papaix

Des produits made in China sans contrefaçon

Juil. 2010

internaute

Contrefaçon : du foie gras Périgord… chinois !

25/03/10

mobile.agoravox.fr

Sept. 2010

CEPDT

CEDPT : Qui sommes nous ?

26/03/10

mylifeinguerande.wo rdpress.com http://mylifeinguerande.wordpress.com/

Nov. 2010

Envoyé spécial

Reportage : Foie gras / champagne et contrefaçons : Un noel a tout prix

30/06/05

Reportage Envoyé Spécial

http://video.google.com/videoplay?docid=5477593715882306620#

L. Bérard,P Marchenay

Productions localisées et indications géographiques : prendre en compte les savoirs locaux et la biodiversité

28/06/05

Revue internationale des sciences sociales

http://www.ethno-terroirs.cnrs.fr/IMG/pdf/ISSJ_IG_biodiversiteFr.pdf

José Bové

Le boeuf aux hormones et le Roquefort AOC

10/05/09

Site d’Europe Ecologie Les Verts

http://lesvertsderouen.zeblog.com/408890-le-boeuf-aux-hormones-et-le-roquefort-aocpar-jose-bove/

ITCSD

Passerelles Synthèse, Bimensuelle africain pour une nouvelle perspective du développement durable, le Vol.10 N°2

11/02/09

Site de l’ITCSD

http://ictsd.org/downloads/passerellessynthese/pass10-2.pdf

Sept. 2010

Nov. 2010

Juil. 2010

MS MM 2010 / 2011 – INTELLIGENCE ECONOMIQUE – Pillage des terroirs

Page 43

Date de consultation

Auteur

Titre

Date de parution

Source

URL

Sept. 2010

divers auteurs

Protectionnisme et roquefort, Les éditoriaux de la presse française

17/01/09

Site du Nouvel Obs

http://tempsreel.nouvelobs.com/article/20090117.OBS0041/protectionnisme-etroquefort.html

Aout 2010

Site du Parlement européen

Accord de libre-échange UE-Corée du Sud (débat), à Strasbourg

10/02/10

site du parlement européen

http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=//EP//TEXT+CRE+20100210+ITEM-019+DOC+XML+V0//FR

Nov. 2010

Dominique Chaillouet

Premier produit chinois à être enregistré en IGP

30/10/10

SOCOPAG

http://www.socopag.fr/index.php?option=com_content&view=article&id=774:premiere -igp-chinoise-a-etre-enregistree-en-igp&catid=17:origines-et-qualites&Itemid=38

Nov. 2010

Dominique Chaillouet

Cognac Première IG enregistrée en Chine

SOCOPAG

http://www.socopag.fr/index.php?option=com_content&view=article&id=377:l-cognacr-premiere-indication-geographique-non-chinoise-reconnue-enchine&catid=25:produits&Itemid=95

Dominique Chaillouet

Les 906 AOP et IGP enregistrées par la Commission européenneInventaire complet, classements, répartitions par produit et par Etat.

SOCOPAG

http://www.socopag.fr/index.php?option=com_content&view=article&id=415:les-911aop-et-igp-enregistrees-a-ce-jour-dans-le-monde-par-la-commissioneuropeenne&catid=25:produits&Itemid=95

Nov. 2010

Véronique Fouks

Agence de presse Socopag informations et reportages sur les activités des filières agricoles, agro-alimentaires, de l’alimentation, de la gastronomie, de l’environnement et du tourisme

SOCOPAG

http://www.socopag.fr

Nov. 2010

Michel Alfonso

Une garantie pour la qualité des terroirs

sudest.europarl.fr

http://sudest.europarl.fr/view/fr/Nos_activites/dossier_elections2009/jeu_concours/art icles_jeu/temoignage_Michel_afonso.html;jsessionid=0E01DC442CEA237E1B58D660E0 4285BE

Nov. 2010

27/12/09

28/01/10

16/04/09

MS MM 2010 / 2011 – INTELLIGENCE ECONOMIQUE – Pillage des terroirs

Page 44

Date de consultation

Juin. 2010

Auteur

Union des Métiers et des Industries de l'Hôtellerie, Communiqué de Presse

Source

URL

22/01/09

umig.fr

http://www.umih.fr/pdf/compress710.pdf

Oct. 2010

Haute Ecole des terroirs Séminaire international : les 2 et 3 Méditerran juillet 2009 au CIRAD (Paris, néeens France)

02-03 07/2009

Vidéos des conférences La signalisation des terroirs. Pourquoi ? Comment faire ? Concepts, méthodes, pratiques et témoignages

http://www.iamm.fr/ress_doc/multimedia/conferences/

Aout 2010

Patrick Baudion Layon

La segmentation, Enjeu du lien au terroir.

01/01/10

vigneronsdeseve.org

http://vigneronsdeseve.org/IMG/pdf/LA_SEGMENTATION_ENJEU_DU_LIEN_AU_TERROI R_COMMUNIQUE_SEVE_JANVIER_2010.pdf

Nov. 2010

inconnu

Sel de Guérande

23/03/10

Youtube.com (video)

http://www.youtube.com/watch?v=r3_y4d3Tr2A

Juin. 2010

site web

Site institutionnel de l'INAO Institut national de l’origine et de la qualité

site de l'INAO

http://www.inao.gouv.fr/

Juin. 2010

site web

Définition de l'IGP Indication géographique protégée

wikipedia

http://fr.wikipedia.org/wiki/Indication_g%C3%A9ographique_prot%C3%A9g%C3%A9e

site web

Définitions des différents labels de protection

vertsde lyonne.free.fr http://vertsdelyonne.free.fr/labels.htm#e3

Oct. 2010

inconnu

Titre

Date de parution

MS MM 2010 / 2011 – INTELLIGENCE ECONOMIQUE – Pillage des terroirs

Page 45

Date de consultation

Auteur

Titre

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Source

URL

site web

Protection des indications géographiques et des appellations d'origine

site sur l'Union Européenne

http://europa.eu/legislation_summaries/agriculture/food/l66044_fr.htm

Nov. 2010

site web

Geographical Indications, information about the protection of regional product names

geographicindication s.com

http://www.geographicindications.com/

Juil. 2010

site web

Organisation for an International Geographical Indications Network

origin-food.org

http://www.origin-food.org/2005/index.php?r=1&Largeur=1280&Hauteur=800

Nov. 2010

site web

LE MANS - UREQUA Unité de recherche sur l'économie des qualifications agro-alimentaires

inra.fr

http://www.inra.fr/Internet/Departements/ESR/UR/lemans/

Juil. 2010

site web

Les produits (AOP / IGP / STG)

site de l'Union Européenne

http://europa.eu.int/comm/agriculture/qual/fr/prod_fr.htm

Nov. 2010

site web

Intellectual property, Quelle est pour nous l'importance des indications géographiques? UE

site de l'Union Européenne

http://europa.eu.int/comm/trade/issues/sectoral/intell_property/argu_fr.htm

Nov. 2010

site web

Intellectual property, UE Contributions to the WTO

site de l'Union Européenne

http://europa.eu.int/comm/trade/issues/sectoral/intell_property/wto_nego/index_en. htm

Nov. 2010

site web

Site pour la défense de l'aganier

argan.de

http://www.argane.de

Juil. 2010

site web

Argan Oil Company

arganoilco.com

http://www.arganoilco.com/

Publication dans le Journal officiel des Communautés européennes des demandes d'enregistrement en tant que AOP ou IGP et en tant

site de l'Union Européenne

http://europa.eu.int/comm/agriculture/foodqual/protec/firstpub/index_fr.htm

Oct. 2010

Juil. 2010

site web

MS MM 2010 / 2011 – INTELLIGENCE ECONOMIQUE – Pillage des terroirs

Page 46

que STG

Juil. 2010

site web

Site institutionnel Slowfood

slowfood.com

http://www.slowfood.com

Juil. 2010

site web

Intellex : actualité; juridique, information, droit – DPI

en-droit.com

http://www.en-droit.com/intellex/breves_intellex.php3?rubrique=breves_prop_int

Sept. 2010

site web

Centre d’information et de documentation sur les signes officiels de qualité et d’origine en région pays de la Loire

qualite-pdl.com

http://www.qualite-pdl.com/

Sept. 2010

site web

Free trade mark links

mayalllk.freeserve.co .uk http://www.mayallj.freeserve.co.uk/tradem.htm

Sept. 2010

site web

Organic Europe

organic-europe.net

http://www.organic-europe.net/

site web

Moroccan Office for industrial and commercial property

ompic.org.ma

http://www.ompic.org.ma/english/services/rech_marques.html

site web

Geographic indication and international trade

american.edu

http://www.american.edu/ted/giant/

Juil. 2010

site web

Législation de l'Union européenne concernant la politique de qualité des produits agricoles

02/07/05

Commission Européenne

http://ec.europa.eu/agriculture/quality/schemes/legislation/index_fr.htm

Juil. 2010

site web

Article sur la FETA

02/07/05

wikipedia

http://fr.wikipedia.org/wiki/Feta

Commission Européenne

http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=CELEX:32002R1829:FR:HTML

Aout 2010

Aout 2010

Juil. 2010

site web

Décision CE protection de la FETA

24/06/05

Juil. 2010

site web

arrêt CE sur la Féta

27/06/05

http://ec.europa.eu/dgs/legal_service/arrets/02c465_fr.pdf Commission

MS MM 2010 / 2011 – INTELLIGENCE ECONOMIQUE – Pillage des terroirs

Page 47

Européenne

Date de consultation

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Titre

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Source

URL

site web

Appui de la FAO aux négociations de l'OMC

FAO

http://www.fao.org/docrep/005/y4852f/y4852f10.htm#TopOfPage

site web

Site de la FAO "Qualité et Origine" Promotion des IG au travers de Séminaires, réunions publications

FAO

http://www.foodquality-origin.org/index.html

site web

Site d'OriGIn, l'Organisation pour un Réseau International d'Indications Géographiques ONG basée en Suisse représentant 200 organisations et plus de deux millions de producteurs d'IG, de quelques 40 pays.

OriGin

http://www.origin-gi.com

Nov. 2010

site web

Site de l'association des Régions Européennes et des Produits d'Origine (A.R.E.P.O.)

AREPO

http://www.arepoquality.eu/arepo/url/default/fr/

Nov. 2010

site web

Site de l'association SlowFood

SlowFood

http://www.slowfood.fr

Oct. 2010

site web

Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes

DGCCRF

http://www.economie.gouv.fr/directions_services/dgccrf/documentation/fiches_pratiq ues/fiches/c11.htm

Nov. 2010

site web

Les accords Adpic

OMC

http://www.wto.org/french/tratop_f/trips_f/trips_f.htm

Oct. 2010

Oct. 2010

Nov. 2010

Oct. 2010

site web

Conférences Débats Café de Marciac

02/07/05

2005/2004

Mission Agrobiosciences et Communauté de Communes Bastides

MS MM 2010 / 2011 – INTELLIGENCE ECONOMIQUE – Pillage des terroirs

http://www.agrobiosciences.org

Page 48

et Vallons du Gers.

MS MM 2010 / 2011 – INTELLIGENCE ECONOMIQUE – Pillage des terroirs

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