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Réflexion sur la diversité culturelle au sein des écoles francophones du Canada. Document élaboré dans la foulée du 60e congrès de l'Association canadienne ...
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Réflexion sur la diversité culturelle au sein des écoles francophones du Canada

Document élaboré dans la foulée du 60e congrès de l’Association canadienne d’éducation de langue française

Réflexion sur la diversité culturelle au sein des écoles francophones du Canada

Document élaboré dans la foulée du 60e congrès de l’Association canadienne d’éducation de langue française

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10/03/08

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Coordination Richard Lacombe Adjointe à la coordination Chantal Lainey Rédaction Michèle Matteau Supervision de l’édition Anne-Marie Bergeron Graphisme Martine Desrochers, conception et infographie Révision Le Graphe, révision et édition Impression J.B. Deschamps Photos 60e congrès de l’ACELF Présidence du congrès Dominic Giroux Sous-ministre adjoint Ministère de l’Éducation de l’Ontario Comité de la thématique Roukya Abdi Adena Abdourahman Abdillahi Suzanne Benoit Saveria Caruso Farhan Hassan Chantal Lainey Charles Lamarche Vanessa Lee Darlyn Mentor Body Ngoy Noémi Paquette Ricky G. Richard Cynthia Roveda Oumou Soulake-Abou Paul Taillefer Léonie Tchatat Claire Thibideau Comité de la synthèse Ronald Bisson André Jean Eddy Lukuna Michèle Matteau Body Ngoy Rita Tremblay Carole Trudel

Par des actions efficaces et novatrices, l’Association canadienne d’éducation de langue française offre aux intervenants en éducation francophone une vision, du perfectionnement et des outils en construction identitaire.

Ce document a été produit avec la collaboration financière du ministère du Patrimoine canadien et du ministère de l’Éducation de l’Ontario. © Association canadienne d’éducation de langue française Dépôt légal : 2008 Bibliothèque et Archives Canada Bibliothèque et Archives nationales du Québec ISBN 978-2-920095-91-5 Imprimé au Canada Tous droits réservés

268, rue Marie-de-l’Incarnation, Québec (Québec) G1N 3G4 Téléphone : 418 681-4661 • Télécopieur : 418 681-3389 Courriel : [email protected] • Site Internet : www.acelf.ca

Avant-propos Les 27, 28 et 29 septembre 2007 s’est déroulé à Toronto, en Ontario, le 60e congrès de l’Association canadienne d’éducation de langue française (ACELF). Sous le thème « La francophonie dans tous ses éclats : l’épanouissement de la diversité linguistique et culturelle », ce rassemblement a offert à plus de 800 participants et participantes des ateliers, conférences et témoignages invitant aux échanges, faisant état de recherches et témoignant d’expériences réussies en milieu éducatif1. L’urgence de la situation, qui est celle des défis soulevés par une diversité linguistique et culturelle grandissante au sein des milieux éducatifs, a été solidement démontrée au cours de cette rencontre. Les membres participants, aussi bien que les institutions représentées, ont clairement manifesté leur intention de passer rapidement à l’action. Ce rassemblement pancanadien s’est donc avéré plus que la somme de ses composantes. L’actualité de son thème tout autant que la richesse de son contenu demandaient plus qu’un compte rendu. En conséquence, le présent document ne constitue pas les actes du congrès. Il s’inscrit plutôt dans une approche proposée par l’ACELF pour guider ceux et celles qui désirent pousser plus avant leur réflexion sur la diversité. Il retient toutefois les idées saillantes exprimées à l’intérieur des ateliers, conférences et témoignages et établit des liens clairs entre elles. La réflexion présentée dans les pages qui suivent est structurée en fonction des principes directeurs que s’est donnés l’ACELF pour poursuivre sa mission d’intervention éducative en construction identitaire. Ces principes, qui correspondent aux grands enjeux actuels, sont au nombre de huit. Chaque section du document est greffée à l’un d’eux : 1. S’inscrire dans la francophonie contemporaine 2. Valoriser la diversité 3. Favoriser l’action concertée de la famille, de la communauté et de l’école 4. Développer un rapport positif à la langue française 5. Miser sur la créativité et l’innovation 6. Créer des liens au sein de la francophonie canadienne 7. Encourager la mobilisation 8. Viser des effets durables À la fin de chaque section sont présentées des pistes de réflexion ciblées pouvant servir de déclencheurs de discussions entre membres du personnel enseignant d’une école, entre direction et membres du conseil d’école, entre parents, entre membres du conseil ou de la commission scolaire, de même qu’au sein de diverses associations communautaires. Ces pistes peuvent aussi servir de balises à leurs interventions éducatives et communautaires et de critères d’évaluation aux diverses étapes de leur cheminement. Bien qu’il soit enraciné dans le thème du 60e congrès, le présent document s’en distancie sur le plan strictement pratique, laissant à chaque milieu le soin de concrétiser ses approches en tenant compte des conditions et des besoins propres à sa situation.

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Le contenu de plusieurs de ces communications est diffusé dans les actes du 60e congrès sur le site Internet de l’ACELF (www.acelf.ca).

Le présent document est également publié sur notre site Internet (www.acelf.ca).

Table des matières

1 2 3 4 5 6 7 8

Introduction

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S’inscrire dans la francophonie contemporaine

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Valoriser la diversité

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Favoriser l’action concertée de la famille, de la communauté et de l’école

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Développer un rapport positif à la langue française

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Miser sur la créativité et l’innovation

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Créer des liens au sein de la francophonie canadienne

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Encourager la mobilisation

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Viser des effets durables

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Conclusion

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Introduction

En pleine mouvance La diversité ne se réfère pas uniquement au lieu de naissance, à la couleur de la peau, à une langue maternelle différente. À l’intérieur de nous, aussi, la diversité existe2.

Les communautés changent, se diversifient à un rythme rapide, non seulement celles des régions urbaines, mais aussi celles des régions rurales. Un Cadre stratégique pour favoriser l’immigration au sein des communautés francophones en situation minoritaire a été rendu public en novembre 2003 par Immigration et Citoyenneté Canada. Dans le plan stratégique qui en a découlé, on estime qu’environ 15 000 immigrants d’expression française s’établiront à l’extérieur du Québec d’ici à 2011. Des chiffres équivalents sont visés par les autorités québécoises. Plusieurs régions situées en dehors des grands centres urbains sont ciblées. C’est donc un paysage humain mouvant qui s’esquisse et qui prend forme. Or, un grand nombre de ces communautés francophones canadiennes qui accueilleront de nouveaux arrivants répondent aux caractéristiques précisées par les chercheurs internationaux lorsqu’ils décrivent les communautés « fragiles3 ». Cette appellation s’applique aux communautés qui entretiennent un rapport ambigu et délicat avec la majorité. Ce sont des communautés qui s’inquiètent de l’érosion démographique, qui possèdent une culture de survivance et qui ont une mémoire historique distincte. Hypersensibles, les communautés dites fragiles ont tendance au repli et conservent une conscience aiguë d’avoir été ou d’être encore victimes de l’histoire. Par ailleurs, ces communautés jouissent habituellement d’une grande cohésion de leurs membres et de leurs institutions. Elles associent étroitement langue, culture, religion et appartenance, souvent dans un climat de crispation. En conséquence, chez elles, le pluralisme tend à s’implanter avec plus de difficultés qu’ailleurs. Les inquiétudes liées aux divisions de sa propre société ne sont pas le propre des communautés dites fragiles, mais le défi s’avère hautement complexe pour elles. C’est donc avec lucidité qu’une réflexion doit être faite sur la diversité culturelle et linguistique ainsi que sur la diversité pédagogique qui en découle. Et cette réflexion doit être fertile, car les membres de la francophonie canadienne, anciens et récents, sont urgemment appelés à construire ensemble.

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Nicole Gallant, professeure, Université de Moncton, table ronde. Marie Mc Andrew, titulaire de la Chaire en relations ethniques, Université de Montréal, conférence d’ouverture.

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S’inscrire dans la francophonie contemporaine

La diversité peut être vue comme un ensemble de caractéristiques ayant trait à la personnalité, à la façon de travailler, à la perception et aux attitudes, aux connaissances, à la formation, aux valeurs et au mode de vie, à l’éthique, à la vision du monde, à la façon de communiquer avec autrui, à l’accent et même à la manière de se vêtir…4 Le XXIe siècle impose une redéfinition constante de l’ethnicité. Les identités se diversifient et se présentent comme des réalités dynamiques et multiples. Cette nouvelle donne oblige les communautés à relever des défis de plus en plus complexes : contrôler leurs institutions sans basculer dans le repli identitaire, concilier mémoire, savoirs et compétences citoyennes, intégrer la diversité en mettant en place des cadres d’adaptation efficaces, produire et reproduire l’identité culturelle et linguistique, réduire les inégalités interethniques, socialiser à des valeurs et à des identités partagées, redéfinir les relations entre mémoire et histoire à une époque où les récits historiques se multiplient et se déconstruisent, etc. Or, la définition d’un « nous » a besoin d’une histoire commune pour se justifier, et l’histoire doit contribuer à l’éducation citoyenne, ce qui implique une histoire non conflictuelle de nature à favoriser le vivre-ensemble. L’immigration Les Canadiennes et Canadiens issus d’une immigration récente représentent 20 % de la population de langue anglaise et 5 % de la population de langue française. Une Canadienne ou un Canadien sur cinq fait partie d’une minorité visible. Sous l’effet du taux de natalité à la baisse (1,5 enfant par couple) et de la retraite imminente des baby-boomers, le déclin de la main-d’œuvre canadienne s’accentuera significativement au cours des prochaines années. Actuellement, 70 % de la croissance démographique canadienne découle de l’immigration. Le Canada a besoin de l’immigration et doit par conséquent accueillir des personnes venant de divers horizons et les intégrer à la société.

Il faut donc redéfinir les espaces communs, moderniser les cadres en place et accepter le changement continu. Ouverture et dialogue s’imposent. Les institutions francophones, et tout particulièrement les écoles, ne sont pas pour autant appelées à devenir des institutions vidées de leur culture identitaire. La présente tâche des intervenantes et des intervenants en éducation consiste à créer une communauté pluraliste, pédagogiquement riche, dans laquelle s’équilibrent modernité, dignité et patrimoine. L’exogamie Les statistiques récentes révèlent que 63 % des enfants qui fréquentent les écoles de langue française en dehors du Québec sont issus d’un foyer exogame, c’est-à-dire d’un foyer dont l’un des parents n’est pas francophone. Voilà une autre forme de diversité que les écoles francophones doivent considérer. Cette diversité-là doit être perçue comme une composante de la francophonie contemporaine. Il faut donc créer avec ces familles un attachement à la francophonie, sans dénigrer leur appartenance à une ou plusieurs autres cultures, car l’exogamie ne se structurera plus, dorénavant, uniquement autour de la seule culture anglophone. Cela exige une sensibilité aux défis particuliers de la construction identitaire chez les enfants. Pour assurer la rétention de l’élève à l’école française, en particulier lors du passage du primaire au secondaire, il faut préconiser une approche « parents partenaires », c’est-à-dire deux parents – l’un francophone et l’autre non francophone – soucieux de participer à l’éducation en français de leur enfant.

Pistes de réflexion

NOS INTERVENTIONS ÉDUCATIVES OU COMMUNAUTAIRES… encouragent-elles une perception actuelle de la francophonie? incitent-elles à un dialogue authentique avec les familles exogames? cherchent-elles à créer avec les familles exogames un attachement réel à la francophonie? s’intéressent-elles aux familles issues de communautés ethniques de manière active et inclusive? préconisent-elles une approche « parents partenaires »? 4

Idée émise dans l’atelier Diversité en milieu de travail et dans les communautés francophones minoritaires.

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Valoriser la diversité

Si tu tournes le dos à ta culture d’origine, toute assimilation d’une autre culture est compromise5. Que l’on agisse à l’égard de l’individu ou vis-à-vis de la communauté, la valorisation de l’autre passe d’abord par le respect de soi, de son héritage, de son appartenance, de son vécu et de sa propre diversité intérieure. Cette estime de soi légitime est essentielle à la construction identitaire. Un individu, comme une communauté, doit être conscient de ses forces et de la richesse de ses expériences pour être en mesure d’intégrer l’autre et de s’adapter à la nouvelle dynamique ainsi créée. Vient alors la possible valorisation de l’autre dans la rencontre et le dialogue, un dialogue qui n’est pas synonyme d’aplanissement des différences, mais qui signifie aller au-delà de la curiosité et de l’engouement candide, dépasser la confusion, la frustration et le choc des cultures pour s’épanouir ensemble, les uns grâce aux autres. Pour que la diversité devienne un élément pleinement positif et que les individus et les communautés puissent se développer dans un climat d’harmonie et de compréhension, il faut répondre à certaines exigences. Parmi celles-ci, notons le besoin de clarifier les rôles sociaux, les politiques des institutions, les relations avec l’autorité et le pouvoir, les relations entre individus, ainsi que les interactions tant verbales que non verbales.

Valoriser la différence peut toutefois mener à un dérapage vers la folklorisation de la culture d’origine ou au renvoi continuel de l’individu à sa différence, à son origine, à son passé, ce qui ne facilite pas son inclusion dans son pays ou sa région d’adoption. Par ailleurs, le vocabulaire employé pour engager le dialogue pose problème actuellement. Une langue de bois s’est peu à peu forgée, mettant en usage des mots que chacun ou chacune définit à sa manière, selon ses besoins, ce qui engendre de la confusion et donne lieu à des débats souvent stériles. Ainsi en est-il de la notion de diversité culturelle et de termes tels que accueil, intégration, inclusion. Il est urgent de définir ces mots afin que tous s’assurent de parler non seulement la même langue, mais aussi le même langage. Une fois les définitions essentielles précisées, il sera nécessaire, pour permettre aux milieux éducatifs de poser des diagnostics pédagogiques justes, que des critères communs d’évaluation des équivalences entre systèmes éducatifs de la francophonie soient établis et que des tests permettant de juger du niveau de compétence en français soient élaborés.

Pistes de réflexion NOS INTERVENTIONS ÉDUCATIVES OU COMMUNAUTAIRES... s’appuient-elles sur une définition claire de la diversité : diversité des origines, diversité des contextes sociaux, linguistiques, culturels et religieux? utilisent-elles un vocabulaire compris de tous grâce à la définition préalable de termes tels que accueil, intégration, inclusion, etc.? s’appuient-elles sur une clarification préalable des rôles sociaux, des politiques des institutions, des modes d’interactions verbales et non verbales du milieu d’accueil? évitent-elles la folklorisation et la stigmatisation de l’autre par le renvoi insistant à ses origines ou à sa différence comme seul lieu de construction identitaire? présentent-elles notre héritage historique, nos traditions culturelles et nos valeurs de manière ouverte et avec une légitime fierté? reposent-elles sur des critères objectifs d’évaluation du français parlé et écrit et d’évaluation des systèmes éducatifs d’autres régions francophones du monde ou du pays? 5

Proverbe wolof cité dans l’atelier Diversité en milieu de travail et dans les communautés francophones minoritaires.

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Favoriser l’action concertée de la famille, de la communauté et de l’école Pour être égale, l’école ne peut être uniforme6.

Dans son discours, le milieu éducatif reconnaît l’obligation qui est sienne d’adapter l’école aux besoins des élèves dans toutes leurs diversités. Mais il semble exister un écart important entre la conscience de ce qui devrait être accompli et ce qui se passe vraiment sur le terrain. Le Canada pluriel ne se vit pas encore partout. Les pratiques pédagogiques n’évoluent pas au rythme qu’exige la multiplication de plus en plus rapide des différences dans les niveaux langagiers, les situations familiales, les origines culturelles et les problèmes d’apprentissage. Les enseignantes et les enseignants disent manquer de moyens pour répondre à ces changements. Par ailleurs, de récentes études universitaires révèlent que ces derniers connaissent peu ou mal ce qui existe déjà. Parmi les raisons pouvant expliquer cet état de fait, on pourrait relever la prolifération des documents et trousses, le manque de temps pour en faire une étude adéquate, de même que des lacunes dans la formation initiale et continue des enseignantes et des enseignants qui font en sorte que ceux-ci ne possèdent pas toujours les meilleures méthodes d’analyse et d’adaptation de ces documents aux besoins du milieu. À l’école, l’accent est généralement mis sur la transmission de la langue et de la culture françaises; trop souvent, les différences entre élèves sont ignorées jusqu’au moment où des problèmes surviennent. Tous sont maintenant appelés à aller davantage vers chaque individu avec sa spécificité personnelle, familiale, culturelle et avec ses besoins individuels tant émotifs, sociaux, intellectuels que strictement pédagogiques. Qu’il s’agisse d’un enfant d’une famille exogame ou d’un enfant d’une famille de nouveaux arrivants issus de l’immigration intérieure ou internationale, l’école ne peut tenir pour acquis que les parents et les élèves savent comment s’articule le système éducatif au Canada ou dans la province, qu’ils connaissent les lieux d’intervention de chacun des paliers gouvernementaux et comprennent les responsabilités respectives des commissions, conseils et établissements scolaires. 6

Dans cette perspective, le moment est vraisemblablement opportun pour les ministères de l’Éducation et conseils/commissions scolaires des provinces et des territoires de travailler de concert avec les milieux communautaires à établir des partenariats avec d’autres ministères fédéraux et provinciaux, avec des entreprises privées et avec des programmes publics en vue de faciliter la recherche d’emploi pour les adultes et de favoriser le passage du monde scolaire au monde du travail pour les jeunes. Un emploi relativement rémunérateur et qui répond aux besoins et aux compétences de l’individu est souvent la clé d’une intégration réussie dans la société. L’accueil de la diversité à l’école ne doit pas se restreindre aux activités du matin de la rentrée, mais il doit devenir pendant toute l’année une mentalité d’ouverture aux autres, parents comme élèves, et à leurs besoins. Cet accueil peut prendre la forme d’informations sur le système éducatif, la législation scolaire, le fonctionnement des services de transport pour les élèves, l’achat des fournitures scolaires, la routine des repas à l’école, la mixité des classes, la nature des devoirs et des travaux de recherche, les sorties éducatives, les activités parascolaires, etc. À ces renseignements de base s’ajouteront, selon la clientèle, une explication du rôle des parents dans la vie scolaire de leurs enfants, une invitation à l’engagement et la mise sur pied de services d’aide qui permettront aux parents surchargés de mieux participer à la vie scolaire. L’école et la communauté francophones doivent tisser, avec les familles, des liens capables d’engendrer un dialogue authentique, confiant, apte à faire naître dès les premiers contacts un embryon de sentiment d’appartenance à la communauté et à l’école francophones. Qu’il s’agisse de parents parlant une autre langue que le français (anglais ou autre), de parents d’une autre origine culturelle ou de parents d’enfants nécessitant des conditions particulières d’apprentissage, ces contacts ouverts permettront à tous, dès le début de l’année scolaire, de se dégager mutuellement des perceptions stéréotypées. Ils jetteront ainsi les bases d’une interaction humaine inclusive.

Nicole Gallant, professeure à l’Université de Moncton, table ronde.

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Les directions d’école Les directions d’école doivent s’affirmer comme leaders. Elles doivent penser et parler pédagogie. Elles doivent mettre l’accent sur les relations interpersonnelles plutôt que sur l’administration, consulter et valoriser les personnes autour d’elles, communiquer avec transparence avec les enseignantes et les enseignants, les élèves et les parents, car le leadership s’exerce avant tout par le contact individuel et la communication. Tout en étant informées des grandes pratiques pédagogiques, les directions d’école doivent connaître les fondements des diversités culturelles. Elles doivent être capables de conciliation, d’ajustement, d’empathie et de rigueur. Elles doivent devenir des modèles sur le plan de la langue et de la culture. La formation initiale Les lacunes de la formation initiale se font fortement sentir dans le milieu éducatif, car les jeunes enseignantes et enseignants ne sont pas suffisamment préparés aux exigences et à la complexité de l’éducation actuelle : conditions particulières de l’éducation en milieu minoritaire, diversité culturelle et pédagogique des écoles et des classes. Pour préparer adéquatement les futurs enseignants et enseignantes à des situations aussi variées que variantes, la formation doit porter sur le phénomène de la diversité culturelle et sur le développement psychopédagogique des jeunes. Elle doit aussi leur apprendre à adapter leur enseignement aux besoins fondamentaux de leurs élèves.

Les écoles ont besoin de spécialistes de l’enseignement, de professionnels responsables capables de travailler en collaboration avec leurs collègues, avec la direction et avec les parents, capables de diagnostiquer, de réfléchir, de créer ou d’adapter les outils disponibles, capables de se positionner, de s’affirmer et de se remettre en question. La formation continue Les enseignantes et les enseignants sont des points d’appui importants de la communication culturelle et de l’engagement communautaire. Pour remplir ce rôle essentiel, ils doivent être en mesure de penser pédagogie et animation culturelle et, notamment, d’enrichir l’expérience de leurs élèves grâce à la présence de référents culturels dans les ressources et les programmes-cadres, mais aussi dans leur pratique pédagogique. La formation continue doit encourager l’autoréflexion et l’autocritique sur les pratiques actuelles, offrir des activités de formation qui favorisent l’intégration, recenser les pratiques qui se font ailleurs au pays, assurer le partage d’expertises culturelles et de situations vécues par les familles (exogames ou immigrantes), développer des pratiques d’accueil et de socialisation envers les individus et les groupes, encourager une exécution moins étroite et rigide du programme d’études, mettre l’accent sur les progrès individuels, faire valoir la participation aux activités parascolaires comme moyen pour les élèves de s’affirmer aussi, et non uniquement, par leur différence.

Pistes de réflexion NOS INTERVENTIONS ÉDUCATIVES OU COMMUNAUTAIRES… promeuvent-elles une action concertée de la famille, de la communauté et de l’école? assurent-elles la convergence et la cohésion des efforts de ces trois groupes? sont-elles basées sur une véritable connaissance des recherches existantes? s’enrichissent-elles d’une formation continue des enseignantes et des enseignants ou des responsables communautaires? expliquent-elles aux parents comment s’articule le système éducatif au Canada et ce qui est attendu des parents, ici, dans la vie scolaire de leurs enfants? comprennent-elles la mise sur pied de services d’aide qui favorisent l’engagement des parents? s’appuient-elles sur la notion d’accueil continu?

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Développer un rapport positif à la langue française

La langue est le point de ralliement d’une communauté, le lieu autour duquel se construisent l’identité et l’appartenance7. La réussite éducationnelle passe par la maîtrise de la langue et le développement d’une culture francophone commune. Mais cette culture francophone doit être perçue comme plurielle et métissée, car le français a, dans son expression verbale, des accents et des vocabulaires divers, des expressions variées. Cette langue, comme les individus qui la parlent, est multiple. En premier lieu, il est nécessaire de créer un climat de respect et d’écoute de l’autre dans son individualité langagière, quelle que soit la raison de cette différence : lieu d’origine, connaissance lacunaire de la langue, problèmes d’expression ou d’apprentissage. L’individu se construit à partir de ses acquis, et l’ouverture favorise la confiance en soi, l’entraide et la collaboration dans le groupe. En second lieu, il est important de former certains parents pour les rendre, d’une part, désireux de s’engager dans le processus d’apprentissage et de compréhension en lecture de leurs enfants et, d’autre part, aptes à faire le lien entre la langue parlée à la maison et la langue de l’école et du milieu social grâce à une formation de base en littératie.

Pistes de réflexion

Un rapport positif à la langue française ne signifie pas la crainte d’autres langues. Le fait de militer en faveur du français renvoie à l’usage et à la vitalité de la langue, non à la méfiance à l’égard des autres langues. Le bilinguisme additif La dualité linguistique canadienne traditionnelle et l’isolement qu’elle sous-entendait ne sont plus ni actuels ni réalistes dans un monde de diversité culturelle. On se doit maintenant de valoriser toutes les langues parlées et d’encourager les jeunes à en apprendre plusieurs. On ne perd pas une langue parce qu’on en apprend une autre. Toutefois, si l’on veut conserver la valeur ajoutée que peut être la connaissance de plusieurs langues, il faut savoir utiliser le balancier compensatoire, c’est-à-dire compenser selon le contexte linguistique. Ainsi, en milieux majoritairement anglophones, on compensera en écoutant davantage la radio ou la télévision en français, en lisant en français et en conversant en français chaque fois que cela est possible pour maintenir à égalité la fluidité linguistique. Dans ces milieux, il est important de favoriser le plus possible la communication orale en français, puisque la langue est au cœur de toute construction identitaire.

NOS INTERVENTIONS ÉDUCATIVES OU COMMUNAUTAIRES… offrent-elles des témoignages de contemporains qui se définissent, s’expriment et s’imposent en français dans les sphères sociale, économique, culturelle, littéraire, médiatique? mettent-elles en relief l’action de modèles accessibles qui sont issus autant que possible de l’environnement immédiat des jeunes et qui reflètent la diversité? mettent-elles l’accent sur la modernité de la langue française, sur sa pertinence et son utilité? permettent-elles aux parents de s’engager activement dans le processus d’apprentissage de leurs enfants? incitent-elles à la célébration du français comme moyen de réfléchir, de vouloir, d’agir, de s’épanouir et de se divertir? valorisent-elles d’autres langues et encouragent-elles le multilinguisme chez les jeunes? expliquent-elles aux jeunes et aux adultes l’importance du « balancier compensatoire »?

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Idée émise dans l’atelier Initiative de collaboration Ontario-Québec : l’intégration de la culture dans la pratique pédagogique.

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Miser sur la créativité et l’innovation Les communautés minoritaires sont condamnées à l’excellence8.

Dans la francophonie canadienne, des structures, des institutions et des services sont en place, qu’il faut maintenant ouvrir et adapter aux besoins nouveaux des communautés. D’autres sont à concrétiser par des interventions ciblées. Pour mener à bien ce travail, il faut miser sur l’engagement des individus, des communautés d’accueil et des communautés ethniques, ainsi que sur leur sens de l’innovation et leur créativité. L’engagement des individus En éducation, nous connaissons la puissance que peuvent avoir des relations de personne à personne bien adaptées aux besoins et aux circonstances. Un individu peut décider d’être une personne accueillante et, par une écoute attentive, des échanges proactifs et des mises en commun participatives, entraîner ainsi un changement profond chez d’autres individus. En effet, c’est la personne qui influence, qui amène l’agir et le réagir; toute évolution part d’une personne qui inspire, allant à une autre qui décide de s’inscrire dans un nouveau contexte d’apprentissage. Quand une personne accueille un élève ayant des problèmes d’apprentissage ou de comportement, un membre d’une famille exogame ou un nouvel arrivant, elle permet à un individu en besoin de retrouver un point de contact, un lieu de compréhension réelle, une bulle de réconfort. Seule une personne accueillante peut nourrir une autre de force intérieure. La force ainsi acquise permettra à l’élève en besoin – et à son entourage familial – de prendre conscience de sa propre puissance de résilience et fortifiera sa décision de s’intégrer au groupe qui l’entoure. Ce sont les personnes qui croient en la valeur de l’autre, avec sa différence et sa ressemblance, qui permettent à cet autre de jouer un rôle actif dans la société qui lui ouvre les bras et de devenir un modèle à son tour. La transmission de cette force épanouissante naît de « l’accompagnement adapté », centré sur l’individu.

L’engagement de la communauté d’accueil Tout comme un individu décide ou non d’être une personne accueillante, une communauté peut décider ou non d’être une communauté d’accueil. Si elle choisit la voie de l’accueil, elle doit bien comprendre et mesurer les défis à relever. En effet, une telle décision doit amener les institutions communautaires à s’engager dans des interventions cohérentes et convergentes. C’est en particulier le cas de l’école, qui doit devenir l’axe principal de cette action concertée de la communauté puisqu’elle est le lieu des premiers pas de socialisation et le passage obligé de chaque individu. Cet engagement est un processus d’accompagnement prolongé, organisé, structuré qui se préoccupe aussi de la différence dans la différence. En effet, au-delà de certains critères généraux, les foyers exogames ne vivent pas tous les mêmes difficultés, les nouveaux arrivants ne se ressemblent pas, les élèves ayant des problèmes d’apprentissage ne sont pas identiques. Chaque individu, chaque famille a son histoire propre, et c’est sur celle-ci que l’on doit mouler l’accompagnement communautaire. Cet accompagnement inspirera confiance par son ouverture authentique et par un dialogue qui ose la vérité dans le respect de soi et de l’autre. L’intégration doit se faire sans perte d’un temps précieux, notamment pour les jeunes. En ce sens, on pourrait élaborer des normes communes de classement, faire en sorte que les classes d’accueil côtoient les autres classes, permettre l’intégration par matière et maintenir des mesures de soutien qui se dénouent graduellement afin d’éviter des retards scolaires accentués et d’empêcher que la classe d’accueil soit perçue comme une perte de temps. L’engagement des communautés ethniques

Si l’engagement d’une personne est fondamental dans le soutien de l’individu en besoin, cet engagement personnel doit toutefois être soutenu par les institutions et les structures communautaires.

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Graham Fraser, commissaire aux langues officielles, conférence.

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Dans le cas de l’accompagnement des familles nouvellement arrivées au pays, la communauté d’accueil et l’école ne peuvent être les seules à assumer cette responsabilité. La communauté d’accueil a besoin de l’aide et du soutien des communautés ethniques.

L’immigrant qui s’installe avec sa famille dans une communauté francophone vit souvent une période déstabilisante : sa vie entière est à repenser, à refaire, à remettre sur les rails. Il a peut-être vécu des moments terribles et catastrophiques, notamment s’il est un réfugié. Un sentiment d’insécurité l’habite : il doit trouver un logement et un travail, inscrire ses enfants à l’école, interpréter le milieu et les structures dans lesquels il devra évoluer dorénavant. Tout est à apprendre, des codes sociaux jusqu’au mode de fonctionnement des moyens de transport et des institutions scolaires. De plus, dans les premiers mois, il peut se sentir complètement désorienté par l’accent, les expressions et le vocabulaire du milieu, qui diffèrent parfois grandement de ceux de son milieu d’origine. Durant cette période, une des choses qui peuvent le réconforter et lui fournir un ancrage est de retrouver des gens de sa communauté ethnique. Les communautés ethniques peuvent donc jouer un rôle important de deux manières : d’abord auprès des nouveaux arrivants en assurant le premier lien entre eux et la communauté locale, puis auprès de la communauté locale en la renseignant sur l’histoire politique récente de leur pays, sur leurs institutions et leur culture, ce qui permettra à celle-ci d’offrir un accompagnement adéquat aux nouveaux arrivants.

Ensemble Grâce au sens de l’innovation et à la créativité des individus, de la communauté d’accueil et des communautés ethniques, l’accompagnement peut prendre différents visages : un comité des sages formé de représentantes et de représentants des communautés ethniques, dont la mission est la concertation avec l’école pour aider les familles immigrantes, le tutorat de jeune à jeune dans les écoles ou de famille à famille dans la communauté, les services d’orientation pour les adultes, la télécollaboration qui crée une communauté d’apprentissage virtuelle inter-écoles, les réalisations culturelles comme les radios étudiantes, les spectacles communautaires et interculturels, etc. Ces pairages adaptés permettent une action conjuguée de la personne en besoin et des accompagnateurs, des communautés ethniques et de la communauté d’accueil. Chaque milieu est différent, chaque groupe humain possède ses forces et ses lacunes. Il importe donc d’ouvrir les pratiques, d’appliquer une culture du respect et de maintenir une communication tout en nourrissant la fierté de l’identité communautaire. Quand naît une volonté commune de cohabitation harmonieuse, les différences entrevues deviennent des forces complémentaires. S’ouvre ainsi la voie à de nouvelles façons de saisir les situations et d’innover.

Pistes de réflexion NOS INTERVENTIONS ÉDUCATIVES OU COMMUNAUTAIRES… sont-elles basées sur une démarche innovatrice fondée sur une connaissance des ressources et des pratiques existantes chez soi et ailleurs et sur une évaluation des besoins réels sur le terrain? encouragent-elles la créativité des individus, celle de la communauté d’accueil et celle des communautés ethniques? favorisent-elles les projets et les actions qui mettent en évidence l’ensemble des groupes de la communauté? s’appuient-elles sur l’expérience et l’expertise des membres de toutes les communautés? reflètent-elles une volonté commune de cohabitation et de complémentarité?

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Créer des liens au sein de la francophonie canadienne La francophonie doit se distinguer en devançant les enjeux9.

Il est important de maintenir des liens féconds au sein de la francophonie canadienne dans « tous ses éclats » en incluant dans cette francophonie aussi bien les communautés francophones historiques que les familles exogames et les membres des communautés ethniques en démarche active d’intégration. Pour assurer une ouverture réussie à l’égard de cette diversité, il faut d’abord que la communauté d’accueil puisse contrôler la nature et le rythme du changement afin de pouvoir maintenir efficacement ses possibilités d’intégration. Il faut par la suite qu’elle se distancie des choix éducatifs hérités du passé qui ne répondent plus ou qui répondent mal aux besoins actuels. Appelée à avoir une vision à la fois positive et réaliste des défis associés à la transformation en cours, elle doit consentir au fait que le changement permet l’acquisition de nouvelles richesses humaines et sociales, mais engage aussi la perte de quelque chose de soi. Créer des liens au sein de la francophonie canadienne demande un partage du patrimoine et de l’histoire. L’histoire, la littérature et les arts ont toujours été utilisés comme trait d’union entre les groupes humains, car ils favorisent l’émergence de ressemblances entre communautés. Le fait de mettre tous les élèves en contact avec l’histoire, l’art et la littérature des Canadiennes et des Canadiens de langue française inspire chez les élèves issus d’autres milieux culturels la fierté d’appartenance à la communauté

d’accueil et favorise chez eux une meilleure connaissance du passé et du présent de cette communauté. De même, le contact avec les cultures d’origine des élèves peut s’avérer une manière efficace pour la communauté d’accueil de connaître le contexte historique, les codes culturels et les habitudes sociales d’autres communautés, puis de se les approprier un peu sans pour autant renier sa propre culture. Toutefois, pour que cet échange soit positif, il est avantageux d’adopter une attitude de vigilance par rapport aux écueils inhérents à certaines façons de faire. Parmi ces écueils, soulignons la transmission des cultures dans un esprit hiérarchique ou par des éléments simplistes qui ne feraient que maintenir les stéréotypes ou encourager une identification de soi rigide et fermée. Il faut trouver des voies de conciliation entre mémoire et objectifs actuels de vie citoyenne. Ce qui importe pour un parent de famille exogame, pour une famille canadienne nouvellement arrivée dans la région et, à plus forte raison, pour les familles immigrantes, c’est de trouver un lieu où l’inclusion est organisée dans le sens d’une approche ouverte, respectueuse et activement souhaitée par les membres de la communauté, une communauté capable de redéfinir un « nous » de manière à ce qu’il soit englobant, convaincu et convaincant.

Pistes de réflexion

NOS INTERVENTIONS ÉDUCATIVES OU COMMUNAUTAIRES… favorisent-elles l’établissement de réseaux pertinents et efficaces entre les communautés francophones du pays? permettent-elles des échanges susceptibles d’engendrer une meilleure connaissance des réalités vécues et des pratiques réussies ailleurs? mettent-elles l’accent sur ce que les communautés partagent, sur ce qui les rassemble et sur les avenues qu’elles peuvent explorer pour bâtir ensemble? transmettent-elles la culture artistique des francophones canadiens d’une manière qui appelle la participation et l’inclusion? encouragent-elles une ouverture aux autres cultures sans encourager les stéréotypes culturels? reflètent-elles une définition ouverte, flexible et évolutive du « nous »? 9

Séverin Ndéma-Moussa, président de l’Union provinciale des minorités raciales et ethnoculturelles francophones de l’Ontario, table ronde.

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Encourager la mobilisation

Vous m’avez traitée comme une leader : je le suis devenue10 ! Toutes les instances dirigeantes – dans les conseils et commissions scolaires ainsi qu’aux niveaux municipal, provincial et fédéral – ont beaucoup à faire dans la réforme des structures d’accueil actuelles ou dans la mise en place de nouvelles structures. La division des responsabilités entre le provincial et le fédéral rend le système lourd et difficilement compréhensible pour le citoyen moyen, à plus forte raison pour les nouveaux arrivants. Il est donc important de renforcer la collaboration entre les différentes instances. Mais les citoyens doivent aussi faire leur part, choisir leurs axes de combat et se mobiliser. Ils doivent par exemple reconnaître que le transfert linguistique existe en dépit des efforts et de la qualité des écoles francophones. Il leur faut tout mettre en œuvre pour favoriser le recrutement et la rétention, travailler dans le sens de l’appartenance et de l’ouverture avec tous les membres de la communauté francophone, et demeurer authentiques et respectueux de tous les individus dans une perspective citoyenne.

Pistes de réflexion

Sur le terrain, la prise en main est essentielle. La mobilisation des citoyens demeure l’élément clé d’une action efficace. Elle encourage la cohésion et pousse à l’affirmation des communautés qui se sentent vulnérables et fragiles. Toutefois, cette mobilisation doit s’appuyer sur des définitions claires et partagées de ce que l’on entend par patrimoine, diversité culturelle, intégration. Elle doit inclure les adultes aussi bien que les jeunes de la communauté, toutes origines et cultures confondues. Elle doit respecter le passé des uns et des autres, lui donner la place qui lui revient dans le savoir collectif tout en le distinguant de la culture actuelle, à laquelle chacun et chacune peut participer pour assurer l’avenir commun. L’école demeure l’agent principal de la construction d’une modernité partagée, juste et agissante. La francophonie doit anticiper, plutôt que subir, et former des leaders chez les jeunes pour obtenir un regard neuf sur les problèmes anciens et présents. De surcroît, l’apprentissage du leadership et la mobilisation participative resteront des voies privilégiées de construction identitaire et d’intégration.

NOS INTERVENTIONS ÉDUCATIVES OU COMMUNAUTAIRES… favorisent-elles une approche participative, mobilisatrice du milieu dans sa diversité? encouragent-elles un dialogue proactif entre les individus et entre les groupes communautaires? poussent-elles la communauté à prendre en main son propre avenir, en anticipant plutôt qu’en subissant? mettent-elles l’accent sur les solutions plutôt que sur les problèmes? forment-elles des leaders ayant une attitude libre de stéréotypes? mettent-elles en valeur la solidarité, la concertation et la vraie communication? 10

Azza Youssef, jeune congressiste, témoignage.

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Viser des effets durables

Il faut avoir une approche globale pour permettre la durabilité11. Volonté et passion vers l’épanouissement : tel est l’enjeu de la continuité de la francophonie canadienne actuelle, à la lumière de la diversité culturelle. Pour favoriser cette volonté et cette passion, les établissements de haut savoir et les écoles doivent former des êtres pensants, promouvoir des pratiques réflexives, inciter le personnel enseignant et les élèves à la prise de conscience. En effet, si la recherche identitaire est cruciale pour le développement des individus, elle l’est aussi pour le développement dynamique des communautés. Pour que ce développement ait des effets durables, il faut considérer la multiplicité des identités, aussi bien chez l’individu que dans la communauté, sans établir de hiérarchie entre elles. Dans la vie scolaire, une telle visée nécessite la flexibilité du régime pédagogique, des ressources mieux ciblées, des pratiques pédagogiques différenciées et une juste approche qui va de l’affirmation personnelle, linguistique et culturelle des individus à la rencontre d’autres cultures, d’autres langues, d’autres besoins personnels et pédagogiques. Les parents et la communauté doivent aussi fournir à la nouvelle génération des modèles signifiants, former des leaders capables de rassembler, de déterminer les tâches à accomplir et de mobiliser les énergies dans un dynamisme constructif. Dans un milieu sociétal diversifié, les familles ont

besoin de compréhension par rapport à leur situation particulière souvent délicate (famille monoparentale, double emploi, travail de soir, problèmes de transport ou de gardiennage, etc.), d’un soutien approprié et d’un accompagnement individualisé. L’école, la communauté d’accueil et les communautés ethniques doivent s’entendre entre elles pour que ne soient pas perdues l’énergie et les compétences des individus. Il faut établir une véritable communication entre la société d’accueil et les communautés ethniques ainsi qu’entre communautés ethniques. Il faut aussi engager un dialogue authentique entre conseils/commissions scolaires, directions d’école, directions et personnel enseignant, ainsi qu’entre membres du personnel enseignant. Enfin, il faut veiller à pallier le manque de représentativité des familles issues de l’immigration et de l’exogamie au sein des structures scolaires en encourageant leur participation active aux conseils d’écoles et leur représentativité dans les conseils/commissions scolaires. Au-delà de l’établissement de structures d’aide et de communication efficaces, dans tous les rapports et les liens entretenus, il faut prendre soin de regarder l’autre en fonction de ce qu’il est comme personne pour lui permettre de se révéler avec ses talents, sa formation, ses compétences et ses expériences et de donner, le temps venu, le meilleur de lui-même dans la construction d’un « nous » cohérent.

Pistes de réflexion NOS INTERVENTIONS ÉDUCATIVES OU COMMUNAUTAIRES… favorisent-elles la participation de tous les groupes de la communauté? sont-elles axées sur la durabilité et la pérennité des pratiques? permettent-elles de réfléchir sur le long terme et d’agir en conséquence? contribuent-elles à former des agents de changement et une relève qui assurera un effet multiplicateur et prolongé? contribuent-elles à l’éclosion d’un leadership communautaire? tiennent-elles compte des répercussions de leurs applications dans le milieu, savent-elles identifier les causes de la réussite, les points à améliorer? s’inscrivent-elles dans un esprit de changement durable en encourageant des actions qui peuvent être réinvesties?

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Graham Fraser, commissaire aux langues officielles, conférence.

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Conclusion

Une responsabilité partagée Il faut accepter que la diversité… soit diverse, que les besoins de chaque humain – parent, élève, enseignant – diffèrent. Il faut aussi se rappeler que, lorsqu’il est question d’exogamie et d’immigration, il ne s’agit jamais de blocs monolithiques. Ce sont toujours des personnes qui font la vraie différence et les institutions sont là pour les inspirer et pour soutenir leurs efforts. Après les constats, les réflexions et les improvisations, le moment est venu d’élaborer une vision commune, flexible et ouverte, d’engager un dialogue authentique qui n’en est pas un de rectitude politique, mais de dignité humaine, de respect, de franchise et d’action. Vivre harmonieusement ensemble est un engagement qui se prend de part et d’autre et qui entraîne des obligations à court et à long termes. Cette décision exige de chacun qu’il aille au-delà de la perception première et qu’il lève la barrière des stéréotypes et des clichés. Elle demande que l’on s’enrichisse de la réalité vécue par chacun. À l’ouverture de la communauté d’accueil doit répondre la décision claire des nouveaux arrivants de construire avec elle. Et si la communauté d’accueil doit comprendre et accepter que l’immigrant sera toute sa vie partagé entre deux mondes et deux cultures, l’immigrant doit, de son côté, chercher à comprendre le milieu d’accueil, s’intéresser au passé de celui-ci et travailler avec lui à son avenir en toute solidarité. Car c’est en travaillant coude à coude que tous apprendront à vivre véritablement ensemble.

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Le présent document est également publié sur notre site Internet (www.acelf.ca).

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