Loi sur la protection du territoire et des activités

Le but de la LPTAA est de protéger la zone verte (ou zone agricole), afin de ...... Notre combat est un combat contre les maisons et les commerces en zone ...
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Isabelle BLACKBURN 909 133 414

TRAVAIL DE RECHERCHE

LOI SUR LA PROTECTION DU TERRITOIRE ET DES ACTIVITÉS AGRICOLES (LPTAA) : DÉFINIR LA POSITION DE NATURE QUÉBEC PRÉSENTÉ À CHRISTIAN SIMARD, DIRECTEUR GÉNÉRAL DE NATURE QUÉBEC

Session automne 2011 Faculté de droit, Université Laval Le 16 décembre 2011

TABLE DES MATIÈRES Introduction ................................................................................................................................1 Contexte d’entrée en vigueur de la LPTAA ....................................................................................2 1. Origine, finalité et évolution législative de la LPTAA ............................................................ 2 2. Processus de mise en œuvre de la LPTAA ............................................................................. 3 3. Modifications législatives de la LPTAA .................................................................................. 3 Problématique en jeu...................................................................................................................5 Critiques des différents groupes d’acteurs ....................................................................................6 1. Ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ).......... 6 1.1 Le rapport Pronovost....................................................................................... 6 1.2 Le rapport Ouimet ........................................................................................... 7 2. Commission de protection du territoire agricole du Québec (CPTAQ) ................................. 9 3. Municipalités ......................................................................................................................... 9 4. Union des producteurs agricoles ........................................................................................11 5. Union paysanne...................................................................................................................13 6. Solidarité rurale ...................................................................................................................13 Réflexion ...................................................................................................................................15 1. Quels sont les plus grands avantages de la LPTAA ? ...........................................................15 2. Quels sont les plus grands désavantages de la LPTAA ? .....................................................15 3. Quel est le bilan de la LPTAA ? ............................................................................................16 4. Est-ce que cette loi a bien ou mal évolué ? Est-ce qu’elle répond aux besoins du Québec ? ............................................................17 5. Suis-je en faveur d’une modification législative de la LPTAA ?...........................................17 6. L’article 59 LPTAA est-il le moyen approprié pour favoriser les demandes à portée collective ? .....................................................................................................................18 7. Y aurait-il moyen de modifier la loi afin qu’elle soit plus souple en région et plus rigoureuse en milieu urbain ? Est-ce que ce serait discriminatoire ? ............................18 Conclusion .................................................................................................................................19 Annexes.....................................................................................................................................20 1. Entrevue auprès de l’interlocuteur A ..................................................................................21 2. Entrevue auprès de l’interlocuteur B ..................................................................................29 3. Entrevue auprès de l’interlocuteur C ..................................................................................33 4. Entrevue auprès de l’interlocuteur D ..................................................................................34 5. Entrevue auprès de l’interlocuteur E ..................................................................................37 6. Entrevue auprès de l’interlocuteur F ..................................................................................39 Bibliographie .............................................................................................................................42 Source législative.....................................................................................................................42 Autres sources.........................................................................................................................42

Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles (LPTAA) : définir la position de Nature Québec (décembre 2011)

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INTRODUCTION « Redéfinir la place de l’agriculture dans la société » 1. C’est cette phrase d’introduction du rapport Pronovost qui a inspiré mon projet. Comme le disent si bien les auteurs de ce même rapport, il y a un avenir en agriculture, nous avons simplement, ce qui n’est pourtant pas simple, atteint les limites du modèle actuel 2. Comment allons-nous maintenant diriger nos projets pour amener l’agriculture vers le futur ? Ce document fournit les résultats d’une recherche documentaire et les réponses fournies d’acteurs importants du milieu agricole, universitaire, gouvernemental et juridique qui connaissent bien le rôle et l’importance de la Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles (LPTAA). 3 Ces personnes ont généreusement accepté de contribuer à mon projet en répondant à mes questions. En aucun temps l’un d’eux n’a remis en question la nécessité de cette loi. C’est plutôt son application dans le contexte actuel qui est remise en doute par certains. Leur témoignage sera toutefois anonyme, à la demande de la majorité d’entre eux. Afin de faciliter la compréhension de ce travail, je le diviserai en quatre parties. D’abord, je décrirai le contexte de l’entrée en vigueur de la loi et son évolution législative. Ensuite, je présenterai la problématique qu’apporte la loi dans la société actuelle. Puis j’expliquerai les différentes critiques des groupes d’acteurs interrogés et, enfin, je ferai état de la position proposée à Nature Québec relativement à cet enjeu de protection des terres agricoles. Ainsi, à tout le moins, je tenterai de donner à Nature Québec les outils nécessaires pour prendre une décision éclairée. En annexe se trouve le détail des questions et réponses des entrevues réalisées.

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PRONOVOST, Jean (2008). Agriculture et agroalimentaire : assurer et bâtir l’avenir. [En ligne, consulté le 16 septembre 2011, p. 9]. http://www.caaaq.gouv.qc.ca/userfiles/File/Dossiers%2012%20fevrier/RapportFr_haute.pdf Préc. Note 1, p. 9. Les personnes rencontrées en entrevue étaient en fonction dans organismes suivants : Union des producteurs agricoles (2 personnes), Université Laval (1 personne), Commission de protection du territoire agricole du Québec (2 personnes), Solidarité rurale (1 personne), Union des municipalités du Québec (1 personne). S’y ajoutaient un étudiant dont la maîtrise portait sur la CPTAQ. Seules six entrevues sont détaillées en annexe.

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CONTEXTE D’ENTRÉE EN VIGUEUR DE LA LPTAA 1. Origine, finalité et évolution législative de la LPTAA Au Québec, peu de terres sont propices à l’agriculture. En effet, seulement 2 % des terres de la province peuvent être consacrées à cette fonction 4. Ces terres sont principalement concentrées dans les basses terres du Saint-Laurent, là où sont également situées les grandes régions habitées. À l’époque de l’entrée en vigueur de la loi, la perte des terres agricoles est causée par trois facteurs : la concurrence des activités autres que l’agriculture, l’urbanisation et la spéculation foncière. Ce dernier facteur est le fait de résidents agricoles et de non-résidents qui ont acheté des terres dans le but de les revendre aux municipalités voisines pour le développement futur de ces municipalités. L’origine de l’entrée en vigueur de la Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles (ci-après LPTAA) est en lien direct avec les grands projets de société de l’époque et le climat politique. Nouvellement entré au pouvoir en 1976, le Parti québécois fait une promesse politique de protéger les terres agricoles, avec comme arrière-pensée une idée d’autosuffisance alimentaire. Le but : que nos importations et nos exportations de produits agricoles s’équivalent et que la production de nos terres agricoles soit maximisée afin que les produits consommés soient davantage des produits du Québec. La tâche de ministre de l’Agriculture a été confiée à Me Jean Garon, avocat de 38 ans. Ainsi, « Le degré d’autosuffisance s’accroît de 50 % en 1977 à 77 % en 1985 » 5. La protection des terres agricoles est un défi de taille, puisque le développement urbain est à son comble. La main-d’œuvre quitte la campagne pour s’installer en ville vers de nouveaux emplois. On agrandit le périmètre urbain sans même disposer d’une réglementation ni de stratégie de développement. C’est le 9 novembre 1978 que Jean Garon dépose le projet de loi 90 et, le soir même, les terres sont gelées ; elles ne peuvent plus être vendues. Le 22 décembre 1978, la loi est officiellement adoptée, avec un effet rétroactif au 9 novembre de cette même année 6. L’UPA de l’époque, sous la présidence de Paul Couture, appuie la loi, mais pas de façon inconditionnelle. Elle précise que la loi doit prévoir également des programmes parallèles afin de développer l’agriculture 7. Cette nouvelle loi n’est pas chapeautée par la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme (LAU) 8. C’est plutôt la LPTAA, par son article 98 9, qui prévaut sur toute disposition inconciliable entre les deux lois. 4

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DÉCARY-GILARDEAU, François (2008, automne). « L’histoire récente de l’agriculture au Québec », FrancVert, le o webzine environnemental, vol. 5 n 3. [En ligne, consulté le 23 septembre 2011]. http://www.francvert.org/pages/53dossierlhistoirerecentedelagricul.asp VEILLETTE, Lucie, et Édith BOUDREAULT-BEAUSÉJOUR (2007). « Portrait de la contribution de l’agriculture au développement rural du Québec ». [En ligne, consulté le 7 octobre 2011]. http://www.ruralite.qc.ca/fichiers/u1/portrait_agriculture_quebec_SRQ07.pdf RADIO-CANADA (2007). Tout le monde en parlait, « Le zonage agricole ». Enregistrement vidéo, diffusion du 8 août 2007, saison 2, épisode 9, 21 min. 52 sec. Réalisé par Jean-François Woods. [En ligne, consulté le 7 octobre 2011]. http://www.tou.tv/tout-le-monde-en-parlait/s02e09 Préc. note 5. er Loi sur l’aménagement et l’urbanisme, L.R.Q., c. 19-1, Les Publications du Québec. [En ligne, consulté le 1 octobre 2011]. http://www2.publicationsduquebec.gouv.qc.ca/dynamicSearch/telecharge.php?type=2&file=/A_19_1/A19_1.html

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Le but de la LPTAA est de protéger la zone verte (ou zone agricole), afin de permettre de vaquer à des activités agricoles sans que ces dernières entrent en conflit avec les activités non agricoles. La loi est conçue pour éviter de morceler l’unité de production que constitue une exploitation agricole, protégeant ainsi les grandes exploitations agricoles. En effet, si on veut s’autosuffire au plan alimentaire, il faut encourager une agriculture de type industrielle, performante, et permettant d’accroître une production agroalimentaire. L’idée sous-jacente est de favoriser le remembrement des fermes et en éviter le morcellement. La loi met donc en place un processus d’élaboration de la zone agricole sur le territoire de la province. Elle ne prévoit pas de zone agricole précise, qui ne bouge pas dans le temps et qui soit permanente. La zone agricole est plutôt délimitée par le processus de mise en œuvre de la loi elle-même.

2. Processus de mise en œuvre de la LPTAA La LPTAA prévoit un processus de mise en œuvre qui permet à certains acteurs, notamment la Commission de protection du territoire agricole (ci-après CPTAQ, créée par la LPTAA pour mettre en œuvre cette dernière) et les municipalités concernées, de déterminer une zone agricole. On l’appelle la zone agricole permanente, même si, dans les faits, elle peut subir des modifications ponctuelles dans le temps, à la suite de l’inclusion ou de l’exclusion de lots. Dans cette zone agricole, la loi permet aussi des opérations qui sont contrôlées par la CPTAQ. Ainsi, la LPTAA prévoit d’abord comment sera déterminée la zone agricole, puis y adjoint des interdictions, aux articles 26 à 29 et 70 10. Ces interdictions ne sont pas absolues. Ce qui est interdit, c’est le morcellement d'un lot situé en zone agricole au moyen d’un lotissement ou d’une aliénation (articles 28 et 29). Mais il existe des exceptions qui en permettent l’application en zone agricole. C’est la CPTAQ qui peut autoriser des utilisations autres qu’agricoles dans cette zone. Certains acteurs, pour différentes raisons, sont enclins à retirer les terres agricoles de la zone protégée parce qu’elles peuvent ainsi répondre à leurs projets de construction ou de développement, et augmentent de valeur ou génèrent plus de taxes.

3. Modifications législatives de la LPTAA Bien que la loi ait été mise en vigueur en 1978, plusieurs modifications législatives y ont été apportées. La première génération de schémas d’aménagement et de développement a été élaborée entre 1985 et 1992, et plusieurs MRC les ont révisés. « La loi sur la protection du territoire agricole a été modifiée (en 1982, 1985, 1989, 1996 et 2001) et la protection des activités agricoles y a été intégrée » 11. Une des modifications apportées a été l’introduction de l’article 59 LPTAA 12 concernant les demandes à portées 9 10

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Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles, L.R.C., c. P-41.1, Les Publications du Québec, art. 98. Préc. note 7. OUIMET, Bernard (2009). Protection du territoire agricole et développement régional : une nouvelle dynamique mobilisatrice pour nos communautés, [En ligne, consulté le 26 septembre 2011], p. 11. http://www.mapaq.gouv.qc.ca/fr/publications/rapportOuimet_WEB.pdf Préc. note 6, art. 59 CPTAA. Une municipalité régionale de comté ou une communauté peut soumettre une demande à la commission aux fins de déterminer dans quels cas et à quelles conditions de nouvelles utilisations à des fins résidentielles pourraient être implantées en zone agricole.

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collectives. Cette disposition a été introduite dans la loi en 1996, puis remaniée en 2001 pour la rendre plus opérationnelle 13. Ce sont les municipalités, les MRC ou encore les communautés métropolitaines qui peuvent soumettre une demande de portée collective « pour régler de façon concrète, avec une vision d’ensemble et une perspective à long terme, le résidentiel agricole » 14. Cette demande est effectuée à la CPTAQ qui détermine les cas et les conditions où l’implantation de résidences en milieu agricole est possible. « En plus des critères usuels que la Commission doit considérer pour l'étude d'une demande d'autorisation, il est spécifié, pour la première fois dans la Loi, qu'elle doit également être satisfaite que l'autorisation recherchée traduise une vue d'ensemble de la zone agricole et s'inscrit [sic] dans une perspective de développement durable des activités agricoles » 15. Une autre modification législative intéressante pour la présente recherche concerne l’introduction de l’article 12 de la loi concernant les particularités régionales 16. La CPTAQ a publié en 2005 et remanié en 2008 un document très intéressant intitulé La prise en compte des particularités régionales dans l’application de la loi sur la protection du territoire 17. On comprend que le concept des particularités régionales a été introduit en 1996 à l’article 12 de la loi. « Ce concept invite la Commission à cadrer l’application de la loi en ayant comme toile de fond la multiplicité des réalités des régions du Québec » 18. Je reviendrai sur ces concepts tout au long de ma recherche.

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Outre la municipalité régionale de comté ou la communauté, la municipalité locale concernée et l'association accréditée sont les personnes intéressées à la demande. Une copie de cette demande doit leur être transmise par la municipalité régionale de comté ou la communauté qui soumet la demande. La demande porte : 1° sur un îlot déstructuré de la zone agricole. 2° sur des lots d'une superficie suffisante pour ne pas déstructurer la zone agricole, situés dans des secteurs identifiés au schéma d'aménagement et de développement, au plan métropolitain d'aménagement et de développement ou à un projet de modification ou de révision d'un tel schéma ou plan. Elle est accompagnée de tous les renseignements exigés par la commission, notamment ceux requis pour l'application des articles 61.1 et 62. Toutefois, une demande liée à un projet de modification ou de révision du schéma d'aménagement et de développement ou du plan métropolitain d'aménagement et de développement ne peut être soumise qu'à compter du jour où le projet peut être adopté en vertu, selon le cas, du deuxième alinéa de l'article 53.5 ou du deuxième alinéa de l'article 56.6 de la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme (chapitre A-19.1). La commission porte au registre toute demande recevable et en avise les personnes intéressées. Pour l'application du présent article, la municipalité de la Baie James est réputée être une municipalité régionale de comté. OUIMET, Bernard (2006, 9 mars). « Territoire zoné, le village peut-il encore se développer ? ». Conférence prononcée e dans le cadre de la 14 conférence nationale de Solidarité rurale du Québec. Atelier 3 : occupation et aménagement. [En ligne, consulté le 25 novembre 2011]. http://agora-2.org/colloque/solidariterurale.nsf/Conferences/Territoire_zone_le_village_peutil_encore_se_developper_Bernard_Ouimet Id. (Page consultée le 25 novembre 2011). Id. (Page consultée le 25 novembre 2011). Préc. Note 7, article 12. COMMISSION DE PROTECTION DU TERRITOIRE AGRICOLE (2005, révisé en 2008). La prise en compte des particularités régionales dans l’application de la loi sur la protection du territoire et des activités agricoles. [En ligne, consulté le 4 décembre 2011]. http://www.cptaq.gouv.qc.ca/fileadmin/fr/publications/publications/Part_reg_orientation_avril_2005.pdf Préc. Note 15.

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PROBLÉMATIQUE EN JEU Le présent document ne remet pas en doute la nécessité de la loi. Or, de graves problèmes surviennent lors de son application. La loi, telle qu’appliquée par la CPTAQ, n’est pas assez résistante aux pressions des métropoles que sont Montréal et Québec, lesquelles souhaitent utiliser la zone agricole pour un usage autre qu’agricole. Dans la région métropolitaine de Montréal principalement, où les terres agricoles sont les plus fertiles, le nombre de terres agricoles diminue constamment. À l’inverse, l’application de la loi est jugée trop sévère en région, car les contraintes d’une autorisation, même utile pour le milieu agricole, en découragent plus d’un. Ne favoriser que le remembrement apporte du poids en milieu urbain, mais nuit terriblement à l’initiative agricole en région. Les gens ne veulent pas reprendre les productions telles qu’elles sont. Elles sont trop grosses et empêchent l’installation de fermes artisanales voulant développer des petits produits du terroir. Comment modifier la LPTAA de façon à empêcher l’étalement urbain près de la métropole et réussir à accorder une certaine souplesse en région périphérique de manière à permettre l’émergence d’une nouvelle agriculture et faciliter l’initiative et la relève agricole ? Ce défi déjà énorme doit se faire en accordant un œil attentif aux municipalités, toujours prêtes à profiter d’une possibilité d’autorisation de la Commission de protection du territoire agricole (CPTAQ) pour empiéter sur la zone agricole. Une loi ne doit pourtant pas être discriminatoire. Elle ne peut pas être plus rigoureuse envers une population et plus souple envers une autre. L’article 12 19 de la loi va pourtant dans ce sens. Considérant le fait que la Commission « prend en considération le contexte des particularités régionales », peut-on penser que c’est suffisant pour protéger correctement le territoire et ne pas compromettre l’avenir de notre gardemanger collectif ?

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Préc. note 7, art. 12. Pour exercer sa compétence, la commission tient compte de l'intérêt général de protéger le territoire et les activités agricoles. À cette fin, elle prend en considération le contexte des particularités régionales. « Prise en considération. La commission peut prendre en considération tous les faits qui sont à sa connaissance ».

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CRITIQUES DES DIFFÉRENTS GROUPES D’ACTEURS 1. Ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ) 1.1 Le rapport Pronovost En 2006, Jean Pronovost était mandaté pour diriger la Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois (ci-après CAAAQ). Le rapport de cette commission a été déposé en 2008 auprès du ministre de l’Agriculture de l’époque, Laurent Lessard. Ce rapport tirait plusieurs conclusions au sujet de la protection du territoire et du développement régional. Par exemple, selon la municipalité régionale de comté (MRC) d’Acton, l’application de la LPTAA en région serait trop rigide et empêcherait donc une adaptation aux réalités régionales. Ainsi, l’exode des jeunes porte un coup dur aux municipalités rurales du Québec, et la CPTAQ ne permet pas assez de développer des entreprises à plus petite échelle, davantage régionale. La loi est trop bâtie sur un besoin de concurrence et de production en grandes cultures. Elle fait perdre beaucoup de membres en région. Un autre exemple est donné pour les producteurs biologiques. Ces producteurs ont besoin d’une surface moins grande et sont contraints, par le cadastre déjà établi et les règles de protection du territoire, de s’établir sur de grandes terres, sans possibilité de les morceler. « Ceci a comme effet pervers de limiter l’accès à des terres de bonne qualité et à un prix abordable pour les nouvelles petites entreprises20 ». Au sujet de la pression exercée par l’étalement urbain sur les terres agricoles, « Mme Julie McDermott rappelle que le territoire agricole est concentré dans la plaine du Saint-Laurent et décrit cette pression : Beaucoup de gens travaillant à Montréal habitent en milieu rural, soi-disant pour la tranquillité et la qualité de vie. Cela a évidemment des répercussions sur les zones agricoles ainsi que sur l’étalement urbain, et a comme conséquence l’augmentation des gaz à effet de serre, vu l’utilisation accrue des voitures » 21. Bernard Ouimet, ancien président de la CPTAQ, propose trois solutions pour diminuer une telle pression sur la zone agricole. D’abord, arrimer les décisions de la Commission avec la révision des schémas d’aménagement à partir d’une vision d’ensemble d’un « horizon d’une quinzaine d’années ». Ensuite, pour se dégager de la gestion au cas par cas, M. Ouimet recommande que les MRC utilisent un outil prévu dans la Loi : la demande à portée collective inscrite à l’article 59. Déjà quelques MRC s’en sont servi. Ces demandes peuvent être d’une grande utilité, car elles permettent des interventions ponctuelles inscrites dans une vision d’ensemble et une perspective de développement durable. Ces demandes peuvent porter sur des îlots déstructurés de la zone agricole ou sur des lots d’une superficie suffisante pour ne pas déstructurer la zone agricole, localisée dans des secteurs agricoles moins dynamiques, identifiés au schéma d’aménagement ou à un projet de modification ou de révision d’un tel schéma. La zone agricole du Québec représente 6,3 millions d’hectares, mais la moitié seulement serait occupée par des exploitations agricoles, nous dit M. Ouimet. Selon cet ancien administrateur, il faut être 20 21

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Préc. Note 1, p. 134. Préc. Note 1, p. 136.

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conscient du fait qu’avec le temps cette sous-utilisation entraîne inévitablement une certaine pression. « On peut être tenté de combler ce ‟videˮ par des changements d’usage ou par l’implantation d’autres activités – ce qui pourrait avoir pour effet à long terme de changer complètement la vocation d’un secteur ou de décourager toute tentative de mise en valeur pour des fins d’activités agricoles » 22. La troisième solution proposée par le rapport Pronovost est de travailler directement avec les élus locaux et régionaux afin de contrer les problèmes de communication entre le monde rural et le monde urbain.

1.2 Le rapport Ouimet À la suite du rapport Pronovost, le ministre de l’Agriculture mandatait Bernard Ouimet dans le but de recommander des changements à la Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles (LPTAA). Le rapport Ouimet a été remis en avril 2009. Pour accomplir ce mandat, M. Ouimet était assisté par un comité de travail formé de représentants de l’Union des producteurs agricoles (UPA), du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ), de la Fédération québécoise des municipalités (FQM), de l’Union des municipalités du Québec (UMQ) et de Solidarité rurale. Le rapport Ouimet explique en détail la pression exercée sur le territoire agricole. Premièrement, trop de moyens sont mis à la disposition du demandeur pour obtenir une réponse positive de la part de la Commission. Ainsi, après un premier refus, une nouvelle demande peut être formulée, invoquant des faits nouveaux. La décision peut également être contestée devant le tribunal administratif du Québec (TAQ) « si l’on prétend qu’elle est entachée d’une erreur de droit ou d’une erreur de fait déterminante » 23. De la sorte, trop de recours sont possibles afin que le demandeur obtienne la réponse souhaitée. Deuxièmement, la première pression qui est exercée sur les terres agricoles concerne l’orientation des réponses au cas par cas. Cela fait « porter l’attention sur des intérêts individuels plutôt que sur l’intérêt collectif ». Cette façon de faire fait perdre le fil de l’objectif de la loi. À ce propos, le premier interlocuteur rencontré (interlocuteur A) répond : « La loi est une loi d’intérêt public. Avec les années, elle a été dénaturée justement à cause des demandes au cas par cas. Plus les demandes vont être examinées globalement, mieux ça va être. Ça va être difficile pour les particuliers, parce que ça entraîne des cas injustes. La personne en dehors du lot sera brimée, mais à un moment donné il faut poser une limite ». Il est donc très difficile d’appliquer la loi entièrement dans l’intérêt général, car les demandes sont, la plupart du temps, au cas par cas. Or, il faut prioriser l’intérêt général afin de faire profiter la société entière, même si une telle décision peut parfois nuire au droit de propriété. Troisièmement, M. Ouimet explique que la pression vient également d’une sous utilisation de la zone agricole, seulement 53 % de sa superficie est occupée par des exploitations agricoles 24 . Comme l’interlocuteur A explique : « On ne peut pas forcer les gens à cultiver ou à entreprendre des activités agricoles. C’est pour cela que les espaces en friche sont inclus dans notre définition de l’agriculture. L’humain a peur du vide. C’est la politique du Livre vert du gouvernement. Il y a peut-être une façon d’encourager les gens à faire de l’agriculture. Peut-être que ça ne passe pas nécessairement par le 22 23 24

Préc. Note 1, p. 146. Préc. Note 9, p. 11. Préc. Note 9, p. 12.

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morcellement. Les gens pensent souvent que plus ça sera petit, plus il y aura de l’agriculture, mais pas nécessairement. Peut-être que ça passe par des programmes qui vont favoriser l’accès aux terres agricoles, aux sources de financement. Il faut aussi favoriser la relève […] Il ne devrait pas y avoir autant de terres en friche au Québec. J’espère que la solution n’est pas de les exclure de la zone agricole. Il faut savoir quelle sorte d’agriculture on peut faire sur ces terres-là. Parfois, c’est facile de donner une autorisation seulement parce que la terre est inculte ». Quatrièmement, une des plus grandes pressions demeure les demandes de déplacement des limites de la zone agricole dans les grandes municipalités, « particulièrement à l’intérieur du territoire de la Communauté métropolitaine de Montréal » 25. L’annonce d’un gel de 5 ans du développement sur les terres agricoles dans le Plan métropolitain d’aménagement de développement (PMAD) pourra sans doute diminuer cette pression et remettre le débat pour un temps. La couronne de développement urbain autour de Montréal est réellement l’endroit au Québec où la pression est la plus forte. C’est également le lieu où se trouvent des terres agricoles de qualité, les plus riches et fertiles de la province. Comme l’explique l’interlocuteur A, « Il faut savoir qu’une demande est recevable auprès de la Commission seulement si l’utilisation souhaitée est permise au niveau du règlement de zonage de la municipalité locale. Si ce n’est pas conforme au développement de zonage (article 58 [5] LPTAA), la demande est irrecevable ». Ainsi, si le gel est officialisé dans le PMAD, le nombre de demandes d’autorisation sur la zone agricole va considérablement diminuer puisqu’elles ne seront pas conformes au PMAD. En résumé, les orientations du rapport Ouimet 26 sont : 

Diminution des pressions sur la zone agricole. Le rapport Ouimet préconise le morcellement des terres afin de favoriser de nouvelles pratiques agricoles et reprend la proposition faite dans le rapport Pronovost concernant une gestion plus serrée de l’urbanisation par la révision des schémas d’aménagement.



Appui à l’occupation dynamique du territoire. Le rapport Ouimet rappelle la nécessité de tenir compte des particularités régionales et des caractéristiques de chaque milieu. 27



Évolution des façons de faire. En ce sens, M. Ouimet, reconnaît la nécessite que les acteurs se rencontrent pour discuter de l’utilisation de la zone agricole et en arriver à un consensus.

Le rapport Ouimet s’inscrit dans la même vision que la Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois (CAAAQ, le Livre vert présenté par le gouvernement). Il reprend les priorités du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ) « qui visent, entre autres choses, à moderniser les grands piliers de l’agriculture, dont fait partie le zonage agricole ». 28

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Préc. Note 9, p. 12. Préc. Note 9, p. 15. Préc. Note 9, p. 15. Préc. Note 9, p. 7.

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2. Commission de protection du territoire agricole du Québec (CPTAQ) La CPTAQ a été créée en 1978 avec la LPTAA. Elle est en fait l’organisme gouvernemental qui a pour fonction d’assurer la protection du territoire agricole et s’occupe de l’application de cette loi à travers le territoire québécois 29. L’article 3 de la LPTAA 30 explique les fonctions que doit assurer la Commission. Elle a la responsabilité de décider des demandes d'autorisation qui lui sont soumises en vertu de la loi, relativement à l'utilisation, au lotissement ou à l’aliénation d’un lot, de même que des demandes visant l’inclusion d’un lot dans une zone agricole ou l’exclusion d’un lot d’une zone agricole 31. La Commission s’occupe de délivrer les permis d’exploitation requis pour l’enlèvement du sol arable 32, de délimiter, en collaboration avec la municipalité locale, la zone agricole du territoire de celle-ci 33, d’émettre un avis sur toute autre affaire qui doit être référée en vertu de la loi 34. La Commission peut ester en justice 35 et donner son avis au ministre sur toute question qui lui est soumise 36. Enfin, elle peut donner des recommandations sur toute question relative à la protection du territoire agricole 37. L’interlocuteur A explique la position de la CPTAQ au moment de la modification d’un schéma ou d’un plan métropolitain : « Par rapport à l’adoption de ce plan, il y a des gens de la CPTAQ qui écoutent ce qui se dit et lisent tous les mémoires. Par la suite, la Commission fera ses représentations. La Commission n’a aucun pouvoir dans l’adoption du plan et n’y est qu’un simple intervenant. Elle peut toutefois exprimer ses volontés. Or, si les municipalités décident de geler la couronne, c’est certain que ça aiderait la CPTAQ dans sa mission parce qu’un nombre important de demandes ne pourront plus être reçues. »

3. Municipalités Les municipalités régionales de comté (ci-après MRC) ont des responsabilités à l’égard de la zone agricole. Lors des modifications législatives de la LPTAA en 1997, on a « reconnu et confirmé la responsabilité de la MRC en matière d’aménagement de la zone agricole comprise dans son territoire » 38. En vertu de la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme 39, une MRC doit s’occuper de l’aménagement de son territoire en élaborant un schéma d’aménagement. « Cette responsabilité doit s’exercer en considérant l’objectif de favoriser l’utilisation prioritaire du sol à des fins d’activités agricoles, d’assurer la pérennité d’une base territoriale pour la pratique de l’agriculture et, dans une perspective de développement durable, de favoriser la protection et le développement des activités et des exploitations agricoles. En 29 30 31 32 33 34 35 36 37 38

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COMMISSION DE PROTECTION DU TERRITOIRE AGRICOLE (2011). « Le zonage agricole a 30 ans ». [En ligne, consulté le 4 novembre 2011]. http://www.cptaq.gouv.qc.ca/index.php?id=28 Préc. Note 7, article 3. Id. Préc. Note 7, art. 3, al. 2b). Id. art. 3, al. 2c). Id. art. 3, al. 2d). Id. art. 3, al. 3. Id. art. 3, al. 4. Id. art. 3, al. 4. MINISTÈRE DE L’AGRICULTURE, DES PÊCHERIES ET DE L’ALIMENTATION DU QUÉBEC (2005). Les orientations du gouvernement en matière d’aménagement : la protection du territoire et des activités agricoles. [En ligne, consulté le er 1 octobre 2011]. http://www.mapaq.gouv.qc.ca/fr/publications/rapportOuimet_WEB.pdf er Loi sur l’aménagement et l’urbanisme, L.R.Q., c. 19-1, Les Publications du Québec. [En ligne, consulté le 1 octobre 2011]. http://www2.publicationsduquebec.gouv.qc.ca/dynamicSearch/telecharge.php?type=2&file=/A_19_1/A19_1.html

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vertu de la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme, la MRC a également la responsabilité de favoriser la cohabitation harmonieuse des utilisations agricoles et non agricoles. » 40 L’Union des municipalités du Québec (ci-après UMQ) représente les intérêts d’un regroupement de plus de 275 municipalités du Québec auprès des gouvernements 41. Elle soutient la prise en charge au niveau régional de son action par ses 17 caucus régionaux et permet à ses membres de travailler sur la base de leurs affinités et d’avoir une voix sur toutes les instances politiques et dirigeantes42. Parmi les membres de l’UMQ, on trouve des municipalités de différentes tailles, situées autant en milieu urbain qu'en rural. Parmi celles qui sont en milieu rural, plusieurs sont situées également en zone protégée du territoire agricole. L’UMQ est favorable au rapport Ouimet. Elle voudrait que le gouvernement suive les recommandations de ce rapport, les jugeant totalement en accord avec ses propres recommandations faites à la Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire au Québec. L’UMQ porte dans son discours le besoin de développement régional et d’une occupation plus dynamique du territoire. Elle croit qu’il faut confier aux municipalités le pouvoir d’atteindre cet objectif afin de faire évoluer le régime de protection du territoire agricole 43. L’UMQ est favorable à une modification législative de la LPTAA qui consacrerait plus de pouvoirs aux municipalités. Afin d’atteindre ses objectifs concernant la modification de la LPTAA, dans une perspective de développement régional et d’occupation du territoire, la CAAAQ préconise fortement la réalisation de plans de développement de la zone agricole à l’échelle des MRC du Québec 44. Ces plans seraient éventuellement inclus dans le schéma d’aménagement des MRC et viseraient à les compléter afin de mettre en valeur la zone agricole et d’assurer un développement en fonction du potentiel réel des terres, et non seulement de la qualité des sols. Ces plans seraient un moyen d’intervention guidant l’action en zone agricole. On veut ainsi diminuer les étapes, entre la requête auprès du Ministère d’une autorisation préalable pour la mise en vigueur du schéma et l’obtention auprès de la CPTAQ d’une seconde autorisation pour modifier la zone agricole, modification pourtant préalablement autorisée par le gouvernement. Les municipalités veulent davantage intégrer la participation du public dans le processus décisionnel de l’aménagement du territoire. L’UMQ se réfère aux travaux qui sont présentement en cours au sujet de la modification de la LAU, favorisant la participation du public au processus décisionnel en matière d’aménagement et d’urbanisme 45. On demande aussi « qu’une MRC puisse formuler une demande

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Préc. Note 10. er UNION DES MUNICIPALITÉS DU QUÉBEC (2011). À propos. [En ligne, consulté le 1 novembre 2011] http://www.umq.qc.ca/a-propos-de-lumq/a-propos/ UNION DES MUNICIPALITÉS DU QUÉBEC (2009, 9 mars). « Commentaire sur le document Protection du territoire agricole et développement régional : proposition pour discussion, déposé le 2 février 2009 par M. Bernard Ouimet, mandataire du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec, dans le cadre du Chantier sur la modernisation er de la Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles ».[En ligne, consulté le 1 novembre 2011]. http://www.umq.qc.ca/uploads/files/pub_memoires/M_commentaire_protection_territoire_agric_mars09.pdf UNION DES MUNICIPALITÉS DU QUÉBEC (2009, 15 mai). « L’UMQ réagit au rapport Ouimet », Le Bulletin des agriculteurs er [En ligne, consulté le 1 octobre 2011]. http://www.lebulletin.com/actualites/lumq-ragit-au-rapport-ouimet-2380 Préc. Note 38. Préc. Note 38, p. 6.

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d’exclusion, non seulement à l’intérieur d’un processus de révision du schéma d’aménagement et de développement, mais aussi dans le cadre d’un processus de modification » 46. En juin 2006, Clermont Dugas, professeur de géographie à l’Université du Québec à Rimouski (UQAR), a mené une enquête auprès des municipalités du Québec afin d’évaluer les impacts démographiques et socio-économiques de la loi 47. Le taux de participation à cette étude a été de 34 %, soit 235 municipalités ayant répondu sur 691 municipalités ayant une zone agricole sur leur territoire. Sans remettre en cause la pertinence de la loi, cette étude élabore les principaux avantages et désavantages de la loi pour les municipalités. Bien que la loi soit considérée comme un outil pour éviter l’étalement urbain, ce sont les désavantages qu’elle génère qui ressortent de l’étude. Le taux d’insatisfaction atteint les 78 %. On dénote entre autres que la loi englobe trop de sols, qu’elle défavorise l’occupation dynamique du territoire, et qu'elle contribue à des pertes fiscales. Parmi les changements proposés par les municipalités, il y a la demande de construire des logements près des routes, sur des terres boisées ou à faible potentiel agricole. On propose une révision de la zone agricole. On demande surtout que la loi soit modifiée de manière à tenir compte du contexte du milieu. Enfin, « on suggère que son application soit davantage décentralisée, laissant plus de latitude aux municipalités et aux MRC dans le processus décisionnel, et on souhaite que les décisions de la CPTAQ soient rendues plus rapidement » 48.

4. Union des producteurs agricoles L’Union des producteurs agricoles (ci-après UPA) est l’interlocuteur privilégié puisqu’il est le seul syndicat reconnu à l’intérieur de la LPTAA. Sur son site officiel, l’UPA se décrit comme : « L’Union des producteurs représente les quelque 43 000 producteurs et productrices agricoles du Québec. Avec ses 155 syndicats de base, ses 16 fédérations régionales, ses 222 syndicats et 25 groupes spécialisés, l’UPA est en fait l’interlocuteur unique, la voix officielle qui parle au nom de tous les agriculteurs et agricultrices du Québec. L’Union regroupe les producteurs et productrices agricoles suivant une double structure : selon le territoire géographique auquel ils appartiennent, c’est le ‟ secteur général ˮ et selon le type de production agricole qu’ils exercent, c’est le ‟ secteur spécialisé ˮ ». 49 Pour l’UPA, la loi comporte beaucoup d’avantages. En plus de protéger l’agriculture, elle évite aux municipalités de prendre possession de la zone afin d’augmenter le périmètre urbain. La CPTAQ consulte et transmet copie d’une demande d’autorisation à l’association accréditée qui, en l’espèce, est l’UPA (articles 13.1, 47, 58.4, 59, 69.1 LPTAA 50).

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Préc. Note 38, p. 7-8. DEVOUARD, Antoine (2006). « La loi sur la protection du territoire agricole cause des problèmes dans les régions rurales » UQAR info. [En ligne, consulté le 4 octobre 2011] http://www.uqar.ca/uqarinfo/01juin%202006/Loiprotectionagricole.asp DUGAS, Clermont (2010, 2 décembre). « Impacts de la Loi sur la protection du territoire agricole ». UQAR info. [En ligne, consulté le 4 octobre 2011]. http://www.uqar.ca/uqar-info/impacts-de-la-loi-de-protection-du-territoire-etdes-activites-agricoles/ UNION DES PRODUCTEURS AGRICOLES (2011). Qui sommes-nous ? [En ligne, consulté le 25 novembre 2011], http://www.upa.qc.ca/fr/Qui_sommes_nous/Qui_sommes_nous.html Préc. Note 7.

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L’UPA est en désaccord avec le rapport Ouimet. Le rapport favorise une délégation de pouvoirs aux municipalités pour gérer les plans de développement de la zone agricole. Selon l’UPA, c’est « mettre entre les mains du loup l’avenir de la bergerie ». On considère pourtant dans ce rapport que la cause principale des pressions sur le territoire agricole est l’aménagement municipal irrationnel du territoire et la gestion déficiente de l’urbanisation. On propose pourtant de céder plus de pouvoirs à ceux qui en sont la cause, les municipalités 51. Dans un article du journal Le Devoir, datant du 13 octobre dernier, Christian Lacasse, alors président de l’UPA, s’est prononcé quant à la zone agricole 52. L’article porte sur le plan métropolitain d’aménagement et de développement (ci-après PMAD). Le PMAD définit des orientations, des objectifs et des critères aux fins d’assurer la compétitivité et l’attractivité du Grand Montréal dans la perspective d’un aménagement et d’un développement durable du territoire métropolitain 53. Le PMAD est adopté par la Communauté métropolitaine de Montréal (ci-après CMM) qui a compétence en matière d'aménagement et de développement du territoire. Lors de la consultation publique afin d’adopter un nouveau PMAD, M. Lacasse, a fait valoir que, pour contrer l’étalement urbain, il faut protéger la zone agricole du territoire de Montréal pour 20 ans. « Au cours des dix dernières années, 3000 hectares de terres agricoles ont été dézonés sur le territoire de la CMM, ce qui équivaut à la perte d’une trentaine de fermes ». La CMM veut, quant à elle, décréter un gel du périmètre urbain pour une durée de 5 ans et ainsi favoriser une densification à proximité des grands axes de transport. Mais, pour Christian Lacasse, c’est trop peu. Selon ce dernier, les 16 000 hectares encore disponibles sont suffisants pour le développement domiciliaire et industriel à long terme. Il propose plutôt un gel de 20 ans. L’entrevue auprès de l’interlocuteur C a permis de saisir les orientations de l’UPA. Selon l’UPA, la loi n’est pas assez sévère. Si une modification législative devait être effectuée, elle devrait renforcir les critères d’autorisation sur la zone agricole. Toujours selon l’UPA, les commissaires à l’étude sont souvent trop souples et acceptent jusqu’à 80 % des demandes formulées 54. Ils appliquent fortement l’article 12 LPTAA 55 qui leur permet de tenir compte des particularités régionales. Selon cet interlocuteur, la CPTAQ serait déjà plus souple en région et plus contraignante près des métropoles. L’interlocuteur C insiste sur le fait que : « De nombreux hectares sont retranchés de la zone agricole chaque année. Plus on fait de compromis, plus c’est l’avenir de l’agriculture qui est compromis ». En ce qui concerne la protection des petits producteurs, l’opinion commune veut qu’il soit difficile d’assurer la pérennité d’une ferme de moins de 100 hectares. L'interlocuteur C est d’accord avec l’objectif de la loi qui est de protéger les terres agricoles en favorisant le remembrement, et non le morcellement. Pour l'UPA, une modification législative est donc envisageable si l’on renforce les critères pour empiéter plus difficilement sur la zone agricole. Et il ne faut surtout pas donner plus de pouvoirs aux municipalités. 51

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UNION DES PRODUCTEURS AGRICOLES DU QUÉBEC (2009, 15 mai). « Réaction de l’UPA au rapport Ouimet », Le Bulletin des agriculteurs [En ligne, consulté le 15 octobre 2011]. http://www.lebulletin.com/actualites/raction-delupa-au-rapport-ouimet-2378 CORRIVEAU, Jeanne (2011). « Les zones agricoles d’abord », Le Devoir, édition du 13 octobre 2011. COMMUNAUTÉ MÉTROPOLITAINE DE MONTRÉAL (2011, mai) Un grand Montréal attractif, compétitif et durable : er projet métropolitain d’aménagement et de développement. [En ligne, consulté le 1 novembre 2011]. http://pmad.ca/fileadmin/user_upload/pmad2011/documentation/20110428_projetPMAD_complet.pdf Préc. Note 46. Préc. Note 7, art. 12.

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5. Union paysanne L’Union paysanne (ci-après UP) est un regroupement d’agriculteurs et de citoyens des villes ou des campagnes qui est constitué en tant que syndicat agricole. L’UP rédige des mémoires et intercède auprès des autorités, des médias et dans l’opinion publique pour défendre les intérêts de la paysannerie 56. Puisque le seul syndicat reconnu officiellement, et ayant donc le monopole, est l’UPA, tout membre de l’UP doit également payer la cotisation syndicale obligatoire de 300 $ par agriculteur au syndicat officiel. L’UP revendique afin que le gouvernement cesse de ne reconnaître qu’un seul syndicat agricole, et l’adhésion obligatoire à ce syndicat. L’UP veut faire contrepoids au monopole de représentation syndicale : elle est donc un syndicat accrédité selon la loi des syndicats professionnels. Ce syndicat est favorable au principe de la souveraineté alimentaire, « en vue de procurer à notre population une nourriture saine et diversifiée, dans le respect de la nature, des sols, des animaux, de l’environnement et des communautés ; d’autre part, sur l’occupation du territoire, de façon à assurer le maintien de campagnes vivantes avec des paysans nombreux » 57. L’UP favorise davantage les petites productions à caractère familial, local, régional, et ainsi plus facilement transmissibles. Elle prône une pratique agricole priorisant l’environnement par l’élimination, entre autres, des produits de synthèse et des OGM.

6. Solidarité rurale « Créée en 1991 pour assurer le suivi des États généraux du monde rural, Solidarité rurale du Québec a pour mission de promouvoir la revitalisation et le développement du monde rural, de ses villages et de ses communautés, de manière à renverser le mouvement de déclin et de déstructuration des campagnes québécoises. Composée d’une vingtaine d’organismes nationaux, de quelque 100 membres corporatifs et de plusieurs dizaines de membres individuels, la Coalition agit, depuis juin 1997, à titre d’instance-conseil du gouvernement du Québec en matière de ruralité ». 58 En septembre 2011, Solidarité rurale (ci-après SRQ) a déposé un mémoire auprès de la Commission de l’agriculture, des pêcheries, de l’énergie et des ressources naturelles et de l’Assemblée nationale du Québec dans le cadre de la consultation générale sur le livre vert pour une politique bioalimentaire 59. Dans ce mémoire, grâce aux commentaires sur les rapports Pronovost et Ouimet, il est possible de définir la position de SRQ par rapport à la loi. De toute évidence, SRQ est favorable à une éventuelle modification législative. Elle salue les rapports Pronovost et Ouimet qui vont en ce sens. L’organisme considère la loi comme un outil devenu inefficace. Selon l’interlocuteur E : « Quand on voit l’ampleur du développement sur le territoire de Montréal, on constate un échec dans son application. La loi n’arrête pas l’étalement urbain sur les meilleures terres du Québec ».

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UNION PAYSANNE (2011). L’Union paysanne : une autre vision de l’agriculture. [En ligne, consulté le 1 novembre 2011]. http://www.unionpaysanne.com/a-propos Préc. Note 51. SOLIDARITÉ RURALE DU QUÉBEC (2011), Mémoire sur le livre vert pour une politique bioalimentaire : donner le goût du Québec. [En ligne, consulté le 26 novembre 2011], p. 5. http://www.ruralite.qc.ca/fr/dossiersruraux/Memoire/Memoire-sur-le-livre-vert-pour-une-politique-bioalimentaire-Donner-le-gou Préc. Note 49.

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SRQ propose deux conditions à remplir dans les modifications législatives pour appuyer le secteur dans une politique réelle d’occupation du territoire. « La première condition a trait au principe d’une modulation territoriale pour tenir compte de la diversité des territoires » 60. Selon SRQ, l’article 12 de la LPTAA, qui permet de prendre « en considération le contexte des particularités régionales » 61 n’est pas suffisant et la loi continue de s’appliquer uniformément dans tout le territoire. « SRQ a montré comment, dans de nombreux pays, différentes politiques différenciées sur le plan du territoire permettent de tenir compte de handicaps naturels ou de marché pour supporter de façon adaptée l’agriculture et contribuer de façon effective et concrète à l’occupation du territoire » 62 . « La seconde condition concerne l’accessibilité des mesures de soutien particulièrement pour les productions non conventionnelles et l’agriculture à temps partiel » 63. Par cette condition, SRQ démontre la nécessité de rendre plus accessible l’accès au soutien financier pour des projets agricoles.

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Préc. Note 49, p. 14. Préc. Note 13. Préc. Note 49, p. 14. Préc. Note 49, p. 14.

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RÉFLEXION En répondant moi-même aux questions soumises aux acteurs rencontrés, je fais un rapport de mon opinion. Celle-ci n’engage pas Nature Québec.

1. Quels sont les plus grands avantages de la LPTAA ? Le plus grand avantage de la loi, c’est qu’elle sert d’outil pour freiner le développement urbain sur les terres agricoles. Sur la zone déterminée « agricole », elle interdit un usage autre que l’agriculture et interdit la coupe des érables et l’enlèvement du sol arable. Mieux encore, elle fait réfléchir les municipalités sur leur développement urbain puisqu’elles ne peuvent pas occuper les terres agricoles comme bon leur semble. Elle fait prendre conscience de l’importance de protéger les terres agricoles et de la fragilité de cette ressource. Au Québec, sans une telle loi, il faut se demander si l’agriculture serait réellement pratiquée. Du moins, elle ne pourrait pas être aussi importante, car le nombre de terres disponibles aurait incommensurablement diminué. La pratique de l’agriculture est en danger et sans loi pour la protéger, elle n’aurait rien pour se défendre. La loi permet de protéger les terres contre les industries qui veulent venir s’établir sur la zone agricole. Elle protège les terres agricoles pour la population présente et les générations futures.

2. Quels sont les plus grands désavantages de la LPTAA ? La raison d’être de la LPTAA et de protéger notre richesse collective et de permettre une agriculture saine. Bien que la raison d’être de la loi soit tout à fait légitime et que, à mon avis il ne faut pas remettre en doute sa nécessité, c’est au sujet des désavantages de cette loi que j’ai reçu le plus de commentaires de la part des personnes rencontrées. Au niveau de la mise en œuvre de la LPTAA, plusieurs effets secondaires des dispositions qui se voulaient positives déstabilisent cet outil législatif. Premièrement, au niveau régional, le sentiment est que la loi entraîne en réalité plus de dommages que de bienfaits. Comme l’expliquait l’interlocuteur D : « La loi a été créée pour régler un problème qui se situait dans les grandes régions urbanisées ». Pour les régions dites éloignées, la loi est perçue comme un frein au développement. Bien sûr, elle protège les terres agricoles, mais, ce faisant, elle isole également les agriculteurs. Parce qu’on interdit le morcellement, il est très difficile, à moins de pouvoir acheter une entreprise de petite taille (de plus en plus rare), de repartir de zéro. Je ne crois pas qu’il faille mettre la faute de tous les problèmes agricoles sur la loi, mais elle participe, en rendant exclusives les terres agricoles, à l’éloignement de ceux qui la travaillent. Au cours du 20e siècle, les fermes se sont spécialisées et ont grossi. Ce sont aujourd’hui de véritables entreprises. Le métier est toutefois de moins en moins valorisé ; les conditions de travail étant l’un des facteurs de cette dévalorisation. Moins de jeunes en agriculture, ça les rend davantage seuls. La loi, en interdisant que des commerces ou une usine s’installent en zone agricole, empêche de créer de la vitalité et un milieu de vie sain autour des agriculteurs. Je comprends le danger d’autoriser l’activité industrielle en zone agricole, mais si on ne peut pas favoriser l’émergence de l’agriculture en interdisant le morcellement et qu’il faut avoir étudié en agriculture pour obtenir du financement, comment régler le problème ? Je rappelle bien sûr que le

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problème est bien au-delà de la loi, mais cette dernière demeure un facteur. Bien qu’il faille repousser l’étalement urbain près des grands centres, la loi paralyse donc l’émergence d’une vitalité certaine dans les régions. Deuxièmement, en interdisant le morcellement, cela décourage l’initiative agricole et le développement des produits du terroir. Le prix des terres étant élevé, difficile de se procurer 100 hectares si l’on juge n’en avoir besoin que de deux. La loi ne favorise pas les petites entreprises agricoles, donc l’émergence des produits du terroir. Elle ne tient pas compte que ce n’est pas la taille qui caractérise le succès d’une entreprise. L’interlocuteur A précise : « Peut-être qu’au lieu de voir l’autonomie du Québec à long terme, on ne voit que l’autonomie des entreprises agricoles à long terme. On défavorise les petits producteurs, on décourage la relève à reprendre les fermes. Car parfois la relève ne voudrait pas les reprendre en entier, ces fermes, mais les séparer et ce n’est pas possible ». Quand on place la loi dans son contexte historique, on comprend bien sûr ses besoins de favoriser une agriculture vouée à l’autosuffisance et rendre nos entreprises plus compétitives 64. Ce raisonnement est pourtant maintenant derrière nous. Troisièmement, les autorisations à requérir auprès de la Commission découragent souvent les projets originaux qui apporteraient d’autres produits sur nos tablettes. « Ça prend trop de moyens financiers et de temps pour engager un processus face à la CPTAQ », comme l’explique le cinquième interlocuteur. De plus, la nécessité de ces autorisations rend très difficile la transformation des produits d’une ferme. Par exemple, pour donner une valeur ajoutée au produit d’une ferme, une autorisation auprès de la Commission est nécessaire, mais les lourdes démarches entraînent parfois du découragement. En plus, vendre des produits qui ne sont pas directement de sa ferme complique de nouveau la tâche et diminue les chances de succès, comme l’explique l’interlocuteur D. « La loi n’est pas adaptée à cette lourde réalité et elle fait peur. Elle complique le développement des produits du terroir et empêche l’originalité ».

3. Quel est le bilan de la LPTAA ? Il y a deux façons de voir le bilan de la loi. Le bilan est positif quand on considère la sauvegarde des terres agricoles, la création d’un outil pour structurer le développement et aussi la mise en œuvre d’un but collectif de protection de la ressource agricole par la mise en évidence de sa fragilité. Tel que précisé en introduction, impossible d’imaginer ce qu’aurait été le Québec d’aujourd’hui sans la création de ce cadre législatif. Les municipalités ont été davantage encadrées, avec l’obligation de tenir compte des terres agricoles. Les villes se sont développées avec une préoccupation d’urbanisme. Elles ont reçu le devoir d’établir un schéma d’aménagement. Par contre, seulement 45 des 86 municipalités possédant un territoire agricole avaient mis en place un schéma d’aménagement révisé en date du 7 juin 2007 65. Toutefois, toutes ont l’obligation de respecter la zone agricole. Mais aussi un bilan négatif, si on calcule le nombre d’acres toujours décimés annuellement, la perte de vigueur du métier d’agriculteur, les problèmes pour assurer la relève et faire place à de nouvelles cultures, ainsi que les régions quasi abandonnées et les terres en friche. 64

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Préc. Note 3.. ALLARD, Samuel (2008, automne). « La gestion des terres agricoles au Québec ». FrancVert, le webzine o er environnemental, vol 5 n 3. [En ligne, consulté le 1 décembre 2011]. http://www.francvert.org/pages/53dosssierlagestiondesterritoiresagr.asp

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4. Est-ce que cette loi a bien ou mal évolué ? Est-ce qu’elle répond aux besoins du Québec ? La loi a été bien écrite pour les besoins d’une époque. Elle est respectable, mais elle est en danger, puisqu’elle ne répond plus aux besoins de la société actuelle. Ce danger fait en sorte que si elle n'est pas modifiée, elle sera plutôt retirée complètement, ses bienfaits n’étant plus reconnus.

5. Suis-je en faveur d’une modification législative de la LPTAA ? Je crois qu’une modification législative s’impose. Plusieurs besoins sont à combler par les modifications souhaitées, lesquelles doivent redéfinir les besoins de la zone agricole. D’abord, permettre d’affronter la pression métropolitaine en rendant plus rigides les critères, en fonction du taux de qualité de la terre plutôt que de l’emploi créé par la mesure (sauf pour certains milieux où les emplois permettraient la revitalisation d’un village). Il faudrait repenser au développement de la zone urbaine et en revoir les zones inoccupées avant de préférer prolonger la ville sur le territoire agricole. Ensuite, il faudrait permettre davantage le morcellement. Peut-être qu’il serait possible de morceler si on revenait au lotissement de base, celui de la première ferme, du premier lot. Ceux qui commencent en agriculture auraient donc le moyen de s’installer sur une terre sans devoir acheter tous les terrains acquis au fil des ans par les occupants successifs de l’exploitation. Cela permettrait l’accessibilité des terres à la relève en agriculture. Troisièmement, il faut redéfinir le concept des particularités régionales de l’article 12. Comme l’explique l’interlocuteur F : « Les particularités régionales vont bien au-delà des statistiques d’une région donnée. Les communautés s’identifient par rapport à leur milieu physique, à leur histoire et à leurs besoins propres. Les particularités régionales sont devenues la manifestation du territoire entre les gens et leur milieu. La CPTAQ doit se doter de moyens pour tenir compte des particularités régionales, le problème est comment le faire ». Il faut donc se donner des balises concrètes et intervenir davantage en lien avec les besoins du milieu pour bien mettre en œuvre le concept des particularités régionales. L’idée de disposer d’un analyste, un membre permanent dans chaque région, qui suivrait les dossiers de plus près, pourrait faire partir de la solution. La CPTAQ témoigne aller en ce sens, mais aucun de ses membres n’est en fonction directement sur le territoire de la région. Cette mesure demande davantage de fonds gouvernementaux, mais, surtout, il faut faire attention à la subjectivité des décisions prises. À mon avis personnel, le monopole de l’UPA doit demeurer, même s’il utilise un discours parfois très centralisateur. Les priorités de l’UPA sont valables et en lien avec la protection des terres. Par contre, une nuance serait à apporter au niveau de la viabilité d’une entreprise en dessous de 100 hectares. Les technologies actuelles et les nouvelles cultures biologiques permettent de rendre des entreprises rentables en dessous du nombre d’hectares considérés comme nécessaires. Surtout si on assouplissait la règle pour permettre les comptoirs de vente et ainsi donner une valeur ajoutée aux produits. Au fil des entrevues, j’ai senti à plusieurs reprises la peur générée par l’idée de déléguer plus de pouvoirs aux municipalités, justement parce que ces dernières ne partagent pas les objectifs de la loi. La Commission doit donc demeurer la seule instance décisionnelle. Pour désengorger les demandes à la CPTAQ, certaines opérations assujetties, qui nécessitent une autorisation, pourraient être déléguées aux municipalités. Ces dernières doivent être encadrées par un règlement et ne doivent pas être autorisées à

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repousser les limites de la zone agricole. Certaines autorisations ne nuiraient aucunement à la zone agricole et permettraient aux commissaires de concentrer leurs énergies sur les problèmes critiques.

6. L’article 59 LPTAA est-il le moyen approprié pour favoriser les demandes à portée collective ? Il est certain qu’il faut concentrer les énergies sur l’intérêt général, au détriment du droit de propriété, pour l’avenir de tous. L’article 59 est une voie en ce sens, mais il faut garder à l’esprit que les municipalités ne sont pas toujours prêtes à gérer ces autorisations. La formule doit être maintenue si on s’assure que la municipalité saura la mettre en œuvre.

7. Y aurait-il moyen de modifier la loi afin qu’elle soit plus souple en région et plus rigoureuse en milieu urbain ? Est-ce que ce serait discriminatoire ? La loi ne peut pas être discriminatoire. Il faut donc baliser davantage les critères des particularités régionales et participer activement et concrètement aux besoins des régions, lesquels sont très différents des combats de la métropole. La loi doit demeurer universelle, mais en s’appliquant pour permettre de sauver l’avenir des régions. C’est un peu ça, le « redéfinir la place de l’agriculture dans la société » de M. Pronovost. Il faut revoir nos priorités. Cela implique un consensus avec les élus municipaux, les agriculteurs, leur syndicat, les organismes intéressés, la participation du public et le gouvernement.

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CONCLUSION J’ai rédigé ce texte avec une sincère passion pour le projet qui le porte. En cours de route, mon opinion a beaucoup évolué. J’ai pris connaissance des enjeux d’autres milieux que le monde agricole et appris à voir plus large qu’une entreprise pour se pencher sur l’économie d’une région. Les rapports qui ont été rédigés par Jean Pronovost et Bernard Ouimet sont toujours d’une utilité certaine. Ces rapports exigeaient, à raison, la révision des schémas d’aménagement, une plus grande utilisation des demandes à portée collective et un travail direct avec les élus locaux, plus au fait des besoins de leur population. Ils présupposaient ainsi que plus les demandes seront examinées globalement dans une perspective de développement durable, plus justes seront les décisions prises et mieux se portera le milieu. En effet, même si une décision prise pour le bénéfice général brime directement un droit de propriété personnel, c’est l’intérêt de la société qui doit triompher. J’ai constaté au cours de cette recherche que plusieurs outils ont été insérés dans la loi pour aider à adapter celle-ci aux différentes réalités des municipalités du Québec. Or, ces modifications sont trop timides et trop peu utilisées pour me convaincre que la loi est réellement au fait des besoins réels. Bien que j’ai pu comprendre que des commissaires à la CPTAQ étaient spécialisés en regard des différentes « particularités régionales » du Québec, il me semble qu’il manque tout de même un suivi et que certaines autorisations seraient nécessaires pour éviter l’isolement des agriculteurs en région. Je demeure toutefois convaincu de la nécessité de la sévérité de la loi, mais il ne faut pas qu’elle vienne à nuire aux nouvelles formes de développement et d’émergence en agriculture. Il y a également toute la question des solutions à résoudre concernant la pression près des zones métropolitaines, notamment concernant le besoin d’être plus sévère près des villes et plus souple près des campagnes. Au risque de me répéter, cette loi ne peut être discriminatoire, mais l’intérêt demeure de la modifier afin de mettre en place des outils pour pouvoir davantage tenir compte des particularités régionales et favoriser l’émergence des demandes à portée collective. Enfin, malgré les opinions parfois divergentes des interlocuteurs rencontrés, ce qui me rassure, c’est que la passion pour l’agriculture existe encore. Elle est exprimée différemment dépendamment de la position de l’organisme, de ses valeurs et objectifs, mais tous croient à l’importance de cette ressource. J’ai été témoin de véritables cris du cœur émis par des gens soucieux et inquiets de l’avenir de cette ressource qui leur est chère. Je continue à croire qu’une modification législative s’impose si elle est menée dans l’intérêt de conserver ce bien commun, et ce, malgré la lourdeur de la tâche qui attend les personnes qui devront prendre ces décisions. Comme le disait Saint-Exupéry : « Nous n'héritons pas de la terre de nos ancêtres, mais nous l'empruntons à nos enfants » 66.

66

CHESNEAU, Isabelle et Marcel RONCAYOLO (2008). L'abécédaire de Marcel Roncayolo : introduction à une lecture de la ville. [En ligne, le 28 novembre 2011]. http://urbamet.documentation.developpementdurable.gouv.fr/documents/Urbamet/0299/Urbamet-0299170/pcaouv00111406.pdf [Note : proverbe africain cité dans « Terre des Hommes » de Saint-Exupéry (ouvrage paru en 1939)].

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ANNEXES Les annexes présentent les différentes entrevues réalisées pour rédiger ce travail. Avant de présenter mon questionnaire ou de réaliser les entrevues, j’ai pris le temps d’introduire le cours Service juridique, de décrire l’organisme Nature Québec et d’expliquer les objectifs poursuivis dans mon projet de recherche.

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Annexe 1 Entrevue auprès de l’interlocuteur A Vendredi 11 novembre 2011. Durée de l’entrevue : 1 heure, 2 minutes. Quels sont pour vous les plus grands avantages de la LPTAA ? Cette loi existe depuis 1978. Elle s’applique dans ce qu’on appelle la zone agricole permanente. De 1978 à 1991, le gouvernement a adopté six décrets. Il a ainsi décrété des zones agricoles pour chacune des municipalités du Québec. Cette zone permanente a été révisée à la fin des années 1980 et au début des années 1990 et, maintenant, les intervenants travaillent avec les cartes de la zone agricole révisée. Pour chacune des municipalités, les cartes permettent d’identifier les lots visés. Si le lot n’est pas situé en zone agricole, la loi ne s’applique pas. Si le lot est situé en zone agricole, la seule chose possible à faire sur ce lot, c’est de l’agriculture. Dans la loi, la définition de l’agriculture se retrouve à l’article 1. Cette définition est très large : elle va de laisser le sol en friche à posséder des animaux et des bâtiments, mais, sur un lot agricole, il faut pratiquer de l’agriculture. Il est interdit d’y faire autre chose que de l’agriculture, c’est la prohibition première. Pour faire autre chose que de l’agriculture (commerce, industrie, piste cyclable), ça prend une autorisation de la CPTAQ, par un formulaire à compléter. La deuxième prohibition est de couper des érables dans une érablière. La loi comprend aussi une définition de ce qu’est une érablière. La troisième prohibition est d’enlever le sol arable. Le sol arable est la ressource protégée. Si on enlève le sol arable, cette ressource est perdue. Elle est renouvelable, mais à très long terme seulement. La loi a été introduite pour protéger les lots agricoles. Les lots n’ont pas été analysés un à un lorsque la zone agricole a été déterminée. C’était un processus global. À l’article 1.1 LPTAA, on parle de la mission de la loi : assurer la pérennité de la zone territoriale (une vision globale) dans une perspective de développement durable. Or, il ne s’agit pas d’une perspective de développement durable comme on l’entend habituellement : ce n’est pas dans une perspective de recyclage ou de réutilisation des ressources. C’est une perspective de développement durable des activités agricoles et de l’agriculture. On veut s’assurer que si une terre de 100 hectares est morcelée en trois petits morceaux, il pourra y avoir des activités agricoles qui perdureront dans le temps sur les trois territoires. Aux articles 1, 12, 62 LPTAA, on retrouve des moyens de dézoner. Les avantages de la loi : s’assurer qu’à long terme, pour les générations futures, il y aura encore des terres à cultiver, qu’au fil des ans ces terres auront été utilisées à bon escient. On essaie de s’assurer que les entreprises agricoles qui viennent s’installer le feront dans une perspective à long terme. On veut donc protéger le territoire agricole pour qu’il n’y ait pas de développement sauvage, que les meilleures terres au Québec soient conservées. C’est un régime unique qui n’existe pas ailleurs au Canada. D’autres nations viennent s’inspirer de notre régime. C’est unique au Québec parce que le pourcentage de terres cultivables est faible (à peine 2 % du territoire), et aussi parce qu’au Québec nous avons peu de notions d’urbanisme. Nous développons un peu n’importe comment. Nous sommes très opportunistes. Nous avons peu de vision à long terme et l’agriculture est peu valorisée.

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Quels sont les plus grands désavantages de la LPTAA ? La loi actuelle ne favorise pas les petites entreprises agricoles. Le coût des terres agricoles a beaucoup augmenté. Comme nous ne favorisons pas le morcellement, mais plutôt le remembrement, ça devient difficile pour quelqu’un qui veut lancer une petite entreprise sur soixante hectares de trouver soixante hectares. Il faut qu’il trouve quelqu’un qui possède cette quantité précise, car il ne pourra pas morceler le lot. Cela met la loi, parce qu’elle favorise le remembrement, en désaccord avec le rapport Ouimet qui favorisait le morcellement des terres, entre autres. Oui, mais Ouimet dit aussi qu’il faudra éventuellement réfléchir à cela, permettre le morcellement. Il y a peut-être des cas où on devrait le permettre. Il y a peut-être des cas où on peut permettre à une entreprise de moins grande envergure de s’implanter sur un plus petit lot. C’est la tendance du jour de revenir aux produits du terroir, aux petites productions. Oui, je dirais que le plus grand désavantage de la loi, c’est qu’elle ne favorise pas cela. On veut beaucoup que les gens soient autonomes. Il y a eu une époque où avoir une ferme c’était avoir 20 poules, 10 cochons, 3 vaches et quelques veaux. Or, aujourd’hui, les gens veulent seulement une porcherie. Mais, pour avoir une porcherie, ça prend peut-être seulement 2 hectares. Et alors, où ira le lisier ? Même si tu as un contrat avec le cinquième voisin (à moins d’avoir un contrat notarié), il peut changer d’idée demain matin. On est dans une situation qui veut que si la Commission calcule qu’un tel producteur de porcs a besoin de 100 hectares, il devra l’avoir. Un autre des désavantages de la loi, c’est que bien qu’une ferme de 50 porcs ne puisse pas occuper 2 hectares de terres, pour une serre, ça fonctionnerait. Bien que 2 hectares de fines herbes soient rentables, notre loi ne le permet pas. Alors, des fois, la CPTAQ est consciente de cela et voudrait donner la chance aux gens, mais notre loi ne le permet pas. Il existe des critères d’autonomie à long terme. C’est peut-être cela notre problème. Peut-être qu’au lieu de voir l’autonomie du Québec à long terme, on ne voit que l’autonomie des entreprises agricoles à long terme. On défavorise les petits producteurs, on décourage la relève à reprendre les fermes. Car parfois la relève ne voudrait pas les rependre en entier, ces fermes, mais les séparer, et ce n’est pas possible. Ça va prendre des modifications, il y a des choses qui s’en viennent, mais ça va être long.

Est-ce que cette loi a bien ou mal évolué ? Est-ce qu’elle répond aux besoins du Québec ? Non, la loi est dépassée. Le démembrement a des limites. Il ne faut pas imiter les États-Unis et avoir de très gros élevage. Nous sommes à un tournant. Soit on évolue et la loi reste. Soit on n’évolue pas et, à un moment donné, la hache sera mise là-dedans et il arrivera quelque chose de très dramatique. Par exemple si la loi était appliquée par le MAPAQ. Ce serait la mort de notre régime.

Êtes-vous en faveur d’une modification législative de la LPTAA ? Définitivement.

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Si oui, que doit-on modifier et comment doit-on le faire ? Doit-on redéfinir les pouvoirs accordés par la LPTAA à la CPTAQ ? Par exemple en accordant plus de pouvoirs aux municipalités ? Il y a plusieurs choses dont j’ai appris à me méfier depuis deux ans, dont ce qui provient des municipalités. C’est bien d’avoir des pouvoirs. Mais, pour les appliquer, il faut des gens qui en intègrent les notions. Et cela manque cruellement. Il existe des tonnes de municipalités qui ne sont pas capables d’interpréter leurs propres règlements municipaux. C’est à eux de dire si cette utilisation peut-être faite sur leur territoire, mais cela, ils ne le font pas toujours. La solution n’est pas de leur attribuer plus de pouvoir, mais de faire en sorte qu’il y ait de petites demandes ponctuelles qui devraient faire partie des exceptions que l’on retrouve dans les règlements. L’article 59, qui permet de faire une demande globale ? L’article 59 représente une grosse révolution. Elle donne des pouvoirs à la municipalité. Mais elles ne sont pas toujours capables de les exercer. Une demande à portée collective, en vertu de l’article 59, c’est comme si la CPTAQ autorisait préalablement des résidences dans des secteurs et des lots donnés. Après, ce sont les municipalités qui doivent délivrer des permis. Dans les lots, avant de délivrer son permis, la municipalité doit s’assurer de beaucoup de choses (lot vacant, morcellement permis, etc.). Si la municipalité n’en est pas capable, la Commission ne peut plus rien faire parce qu’elle a délégué la responsabilité. Elle n’intervient plus. C’est dézoné complètement ? Non, ce sont les résidences qui sont autorisées. Pour faire autre chose que du résidentiel, il faut que continuer de s’adresser à la CPTAQ. N’empêche que ce sont les municipalités qui émettent le permis, parfois à tort. Donc, donner plus de pouvoirs aux municipalités n’est pas la solution. Ce serait plutôt de permettre que certains types de demandes n'aient pas besoin d’autorisation de la Commission. Qu’il y ait des exceptions écrites de manière très précise dans les règlements, comme ajouter une utilisation accessoire dans une résidence (développer un salon de coiffure dans le sous-sol d’une résidence de droit acquis, par exemple). La CPTAQ traite ce genre de cas, mais cela pourrait être remis aux municipalités. Cependant, si le nouveau commerce ajoute des distances séparatrices et vient repousser l’agriculture autour, dans ce cas, la Commission devrait intervenir. Par exemple, en ne faisant plus de l’UPA l’interlocuteur privilégié de la CPTAQ lors de la prise de décisions ? Je ne vois pas ce que ça donnerait de plus. C’est sûr que l’UPA est l’association reconnue au sens de notre loi. C’est l’association qui peut intervenir. Monsieur Tout-le-Monde qui fait une demande d’autorisation fait face à la municipalité qui peut intervenir, à la MRC ou à l’UPA. Si une autre association d’agriculteur veut intervenir, elle n’est pas reconnue. L’UPA est toujours un bon interlocuteur, mais il représente les plus gros. Il y a peu de place à un nouveau type d’agriculture au sein de l’UPA. Plus on élargit à plusieurs joueurs, plus on s’éloigne du débat.

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Êtes-vous d’accord avec le fait que l’UPA transmet mal son message ? L’UPA est le reflet de nos gros syndicats au Québec, je pense. Les moyens des gros syndicats sont souvent de sortir les gros canons, et parfois ça fait dur.

Doit-on mettre de côté le projet de l’autosuffisance alimentaire au Québec ? Je me rappelle que Me Garon a dit en entrevue que son idée, en adoptant la loi, était de l’orienter vers un but d’autosuffisance alimentaire. Pour lui, l’adoption de la loi représentait un outil pour arriver au vrai but, celui de l’autosuffisance. Je dois avouer que l’on a perdu de vue cette perspective-là. C’est quelque chose qui est sous-jacent. La façon dont on applique la loi, c’est beaucoup pour protéger la superficie des terres agricoles. La vision a changé. Bien que la loi ait changé de nom pour ajouter « et des activités agricoles », on ne s’occupe pas assez de cette partie-là. Il va falloir évoluer avec le temps et permettre à de plus petits producteurs de cultiver sur des plus petites superficies. Ce que la loi nous encourage à faire, c’est le remembrement des terres. Ça favorise donc surtout les grands producteurs, au détriment des producteurs locaux, biologiques ou non. À mon sens à moi, les grands producteurs ne vont pas vers l’autosuffisance du Québec, mais davantage vers la compétition, l’exportation. C’est mon avis personnel. L’objectif de la CPTAQ n’est plus le même : au quotidien, elle se bat surtout contre des promoteurs. Elle ne peut pas toujours accorder son attention à l’autosuffisance. Par exemple, si Ultramar veut passer un tuyau à travers le Québec, la CPTAQ passe énormément de temps sur ce dossier et, durant ce temps, ne s’attarde pas à sa mission. Les dossiers qui l’occupent énormément (Rabaska, la construction d’une autoroute, par exemple) ne sont souvent pas en lien direct avec la raison pour laquelle la loi a été créée. Même chose pour le gaz de schiste. Or, la mission de la CPTAQ est de s’assurer qu’une fois que les explorations seront terminées, les terres pourront être cultivées de nouveau. La CPTAQ est très limitée par son cadre. Elle a reçu un jugement critique concernant les 166 hectares de terres qu’il est maintenant permis de retirer de la zone agricole [Côté-de-Beaupré]. Or, il vaut peut-être mieux accepter ça aujourd’hui, sur une terre de faible superficie, qu’attendre demain qu’un tel jugement concerne un lot de terres encore plus important. Il faut faire des concessions. La CPTAQ est limitée par la loi qui est très complète, mais très rigide. Elle fait le mieux possible avec ce qui existe.

Est-ce que l’on peut encourager l’agriculture au Québec sans la LPTAA actuelle ? Définitivement, on peut le faire, mais il y aurait des chances que l’on encourage d’autres choses si la loi n’était pas là. Notre combat est un combat contre les maisons et les commerces en zone agricole. S’il n’y a plus de loi, ça n’empêche pas l’agriculture, au contraire, mais elle se fera avec d’autres contraintes, dont les gens ne sont peut-être pas conscients. Cela voudra dire que ton voisin immédiat pourra choisir de s’ouvrir un restaurant à côté de chez vous, ou que tu ne pourras plus ériger de bâtiments à moins de tant de mètres, etc. Quand on dessine toutes les distances qui peuvent être gérées, il reste moins de superficies sur lesquelles pratiquer l’agriculture. Le tout sera ainsi entre les mains de la municipalité. Or, la municipalité n’a pas que l’agriculture comme objectif : elle veut des taxes et des citoyens.

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L’adoption du PMAD peut-elle aider la CPTAQ à repousser le développement de la couronne nord de la CMM ? Définitivement. La couronne autour de Montréal est réellement l’endroit où la pression est la plus forte. C’est également là au Québec où les terres sont de la plus grande qualité. Le gros débat, c’est justement de savoir si on peut empêcher ce débat pour les vingt prochaines années. Ce n’est pas possible, c’est trop loin. C’est dans cinq ans qu’on révisera la question du gel et que la CPTAQ déterminera son intention de continuer dans ce sens-là ou non. Mais c’est certain que le PMAD va venir aider, parce qu’alors ce n’est pas seulement la Commission qui aura le rôle de frein au développement, mais que ce sera la volonté de plusieurs municipalités. Par rapport à l’adoption de ce plan, il y a des gens de la CPTAQ qui écoutent ce qui se dit et lisent tous les mémoires. Par la suite, la Commission fera ses représentations. La Commission n’a aucun pouvoir dans l’adoption du plan et n’y est qu’un simple intervenant. Elle peut toutefois exprimer ses volontés. Or, si les municipalités décident de geler la couronne, c’est certain que ça aiderait la CPTAQ dans sa mission parce qu’un nombre important de demandes ne pourront plus être reçues. Il faut savoir qu’une demande est recevable auprès de la Commission seulement si l’utilisation souhaitée est permise au niveau du règlement de zonage de la municipalité locale. Si ce n’est pas conforme au développement de zonage (article 58 [5] LPTAA), la demande est irrecevable.

Êtes-vous en accord avec la position de l’UPA, de Nature Québec et d’Équiterre, qui souhaitent un gel du périmètre d’urbanisation de 20 ans, ou en faveur de ce que le PMAD propose, soit un gel de 5 ans ? Un délai de vingt ans est un idéal. Le mieux serait de densifier là où on a déjà construit, mais il faut faire attention. Si on densifie en banlieue, ce n’est pas une bonne façon de densifier. Il faut densifier dans les grosses agglomérations urbaines. Densifier en banlieue génère plus de pressions à long terme. Les banlieusards vont vouloir plus de services, plus d’autoroutes, plus de commerces, etc. On voit par contre que, dans divers milieux, l’opinion publique comprend de plus en plus ces contraintes et accepte qu’on travaille pour densifier en ville et non en banlieue.

Le rapport Ouimet insiste sur le fait qu’il faut limiter le traitement au cas par cas parce qu’on « porte l’attention sur des intérêts individuels plutôt que sur l’intérêt collectif ». Êtes-vous d’accord avec le fait que c’est l’intérêt collectif qui doit continuer de prévaloir sur l’intérêt individuel, compte tenu de l’impact de l’acceptation de la demande sur le milieu agricole environnant ? Je pense que la loi doit absolument être vue dans un intérêt collectif. Sinon, à qui ça profite ? Quand on applique une loi dans un intérêt collectif, c’est toujours au détriment des particuliers et de leur droit de propriété. Là-dessus, la Commission, avec ses décisions à portée collective et l’application de l’article 59 LPTAA, montre bien que sa vision est globale. Le tribunal administratif suit en ce sens. Le tribunal dit que si une municipalité veut exclure un terrain d’une zone agricole alors que des espaces sont disponibles deux municipalités voisines plus loin, la CPTAQ peut l’obliger à aller voir dans les autres municipalités. Ce ne sera pas celui qui, au départ, aura fait la demande qui percevra la taxe, mais c’est sa région qui va se développer.

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À quel niveau se situe l’intérêt collectif lors de la formulation d’exclusion de la zone agricole ? Est-ce à un niveau national, régional ou local ? Maintenant, la CPTAQ a le droit d’analyser ce qui se fait dans d’autres MRC, ou dans un regroupement de MRC. C’est la preuve qu’elle examine plus que l’intérêt du particulier. Elle assure l’intérêt de la société. La loi est une loi d’intérêt public. Avec les années, elle a été dénaturée justement à cause des demandes au cas par cas. Plus les demandes vont être examinées globalement, mieux ça va être. Ça va être difficile pour les particuliers, parce que ça entraîne des cas injustes. La personne en dehors du lot sera brimée, mais à un moment donné il faut poser une limite. Si on peut rattacher l’effet d’entraînement à un critère de l’article 62, il sera possible de le plaider. Si la CPTAQ ajoute une autorisation pour une demande de plus, non prévue, elle recevra éventuellement la demande pour une autre autorisation, assurément. Je pense aux municipalités agricoles dynamiques [versus dévitalisées, agroforestières]. Lorsque l’on n’est pas dans un secteur dynamique, on peut permettre de construire une maison sur un lot de plus de 100 hectares. Sans faire du morcellement, on ouvre à de plus petites productions. On dit que 100 hectares c’est suffisant pour une production rentable, peu importe le type de sol. Dans les décisions à portée collective, la CPTAQ vient moduler cela. Parce que, dans ces moments, on évalue par MRC. On a une vision globale, par MRC. Dans une MRC, et même dans un endroit précis de la MRC, il y a une place où tu peux construire sur 10 hectares, 20 hectares ou plus. Tant que c’est vacant, tu peux mettre une maison dessus. Dans un sens, la CPTAQ n’a pas une approche globale, mais une approche adaptée à chacune des MRC. Ainsi, une décision à portée collective, c’est extrêmement bon, mais très difficile à appliquer. Une proposition d’Alain Marcoux a déjà été faite concernant la création de quelques commissions régionales de protection du territoire agricole avec pouvoirs décisionnels et d’une commission nationale de protection du territoire agricole du Québec comme instance d’appel. Cela permettrait de désengorger le système, de tenir compte plus facilement de normes régionales, d’augmenter la rapidité des décisions et de créer une instance d’appel qui accorderait un droit élémentaire aux citoyens qui se sentiraient lésés par la première décision. Une autre option est de créer une seule commission du territoire agricole, mais dont une partie serait composée de membres permanents et l’autre partie de membres de plein droit, participant aux décisions qui concerneraient uniquement leur région (pour assurer la coordination au niveau de tout le Québec et éviter des disparités d’application, lesquelles créeraient une confusion, mais en tenant compte des particularités des régions).

Êtes-vous d’accord avec l’une ou l’autre de ces propositions ? Je préfère la deuxième proposition, ça ressemble même un peu à ce que l’on fait déjà. Les commissaires qui sont membres de la CPTAQ sont nommés par le gouvernement. Ils peuvent siéger dans n’importe quelle région. Or, quand le dossier entre à la CPTAQ, il suit une série d’étapes jusqu’à l’étape des analystes (ouverture des dossiers, cartographie, juridique, analystes). Des analystes, il y en a pour chaque région, et eux connaissent les particularités des régions et les autres demandes faites dans cette région. Ils ont des contacts avec la MRC, ils connaissent l’aménagiste, les évaluateurs municipaux. Scinder la

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Commission dans les différentes petites régions, ça me fait peur, parce que là, la CPTAQ fonctionne déjà d’est en ouest (Québec et Longueuil), et des fois elle n’est même pas au courant de ce qui se fait de l’autre côté. Les deux unités n’ont pas la même façon de diriger les dossiers, et ont des divergences dans l’interprétation de la loi. Plus on va diviser, plus il va y avoir de disparité. Il y aura des disparités souhaitables, car favorables aux MRC, mais il y en aura d’autres qui seront défavorables. Il y a une seule loi à appliquer et il faut le faire de la même façon. Personnellement, je trouve cela correct, comment tout se fait présentement, car l’analyste connaît son milieu et prépare le dossier pour le commissaire qui aura à prendre la décision. La seule affaire qui n’existe pas, ce sont des membres qui sont spécialisés dans certaines régions. Ça pourrait peut-être être bien. Par contre, un commissaire qui entend toujours les causes de la même région, ça pourrait être mauvais. Ce sont des humains, et certains sont plus favorables à certaines causes que d’autres. Ça pourrait devenir trop discrétionnaire ? Oui. Ce qui pourrait se faire, ce serait d’avoir plus de ressources. Le gouvernement manque de ressources. Un seul agronome s’occupe de tout l’est du Québec, et un seul gère tout l’ouest.

Est-ce qu’il y aurait moyen de modifier la loi en faisant en sorte qu’elle soit plus souple en région et moins en milieu urbain ? Il faudrait.

Est-ce que ça serait discriminatoire ? Dans un monde idéal, oui, on pourrait traiter différemment les régions. Je ne sais pas comment on pourrait modifier la loi par contre. Par contre, on en est conscient. Il faut attendre les modifications législatives. Avec les décisions à portée collective, la Commission s’est elle-même dotée d’un outil pour examiner cela région par région. Sans avoir modifié l’application de la loi.

Êtes-vous en accord avec la solution de Bernard Ouimet pour diminuer la pression sur la zone agricole ? Sa solution : éviter les vides, donc les espaces non occupés sur le territoire agricole et occuper dynamiquement le territoire afin de faire taire les gens qui disent que les terres sont protégées pour rien. On ne peut pas forcer les gens à cultiver ou à entreprendre des activités agricoles. C’est pour cela que les espaces en friche sont inclus dans notre définition de l’agriculture. L’humain a peur du vide. C’est la politique du Livre vert du gouvernement. Il y a peut-être une façon d’encourager les gens à faire de l’agriculture. Peut-être que ça ne passe pas nécessairement par le morcellement. Les gens pensent souvent que plus ça sera petit, plus il y aura de l’agriculture, mais pas nécessairement. Peut-être que ça passe par des programmes qui vont favoriser l’accès aux terres agricoles, aux sources de financement. Il faut aussi favoriser la relève, mais ça, le MAPAQ le fait déjà un peu. Le problème, c’est que, pour pouvoir bénéficier des subventions du MAPAQ, il faut avoir étudié en agriculture, au cégep ou à université. Il faut avoir des qualifications. Je ne pense donc pas qu’encourager les activités agricoles et encourager les gens à utiliser leur lot passe par notre loi. Je pense qu’il faut revenir à la base. Parfois, les gens font des demandes. Par exemple, ils sont au Saguenay–Lac-Saint-Jean, et ils veulent faire pousser de la

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canneberge. La canneberge pousse dans tel type de sol et ils ne disposent pas de ce type de sol. Pour cultiver la canneberge, ils doivent enlever le sol arable. Ils engagent un paquet de contraintes parce que, ces temps-ci, ce qui est bon, c’est la canneberge. Peut-être qu’ils n’ont rien compris. Ça ne devrait pas être le devoir de la Commission de juger s’ils peuvent faire ce type de culture. Ça devrait peut-être être le devoir du MAPAQ. Il faut que les agriculteurs modifient aussi leurs façons de faire. Ce n’est pas parce que tel produit est en vogue que c’est bon pour leur terre. Parfois, sur une ferme qui a connu des générations de cultivateurs de patates, les gens ne veulent plus changer, car ils ont tout l’équipement. Or, la terre ne peut plus fournir. Il faut faire changer la vision des agriculteurs. Par rapport à ta question, il est vrai que l’humain a peur du vide. Il ne devrait pas y avoir autant de terres en friche au Québec. J’espère que la solution n’est pas de les exclure de la zone agricole. Il faut savoir quelle sorte d’agriculture on peut faire sur ces terres-là. Parfois, c’est facile de donner une autorisation seulement parce que la terre est inculte.

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Annexe 2 Entrevue auprès de l’interlocuteur B Mercredi 16 novembre 2011. Durée de l’entrevue : 32 minutes. Quels sont pour vous les plus grands avantages de la LPTAA ? D’abord, elle érige en principe l’importance capitale de la protection du territoire agricole, ainsi que le développement des activités agricoles pour notre société. Ensuite, la loi permet de mettre sur pied un organisme spécialisé, la Commission (CPTAQ), chargée d’assurer un territoire propice à l'exercice et au développement des activités agricoles.

Quels sont les plus grands désavantages de la LPTAA ? Il ne s’agit pas d’un désavantage lié directement à la rédaction et au contenu de la loi, mais plutôt à sa mise en œuvre : la mise en en œuvre difficile de l’administration de cette loi à travers les schémas d’aménagement, notamment compte tenu des tensions que peut créer chez les MRC et communautés métropolitaines le fait de devoir prendre compte de la protection et la préservation des terres et activités agricoles. Dans la façon de procéder, quand il est question d’accorder des exceptions ou d’exclure certaines terres. En réfléchissant au cas par cas, cela ne permet peut-être pas au décideur d’avoir une vision globale de la situation des enjeux.

Est-ce que vous trouvez que la CPTAQ est trop souple ? Ce n’est peut-être pas la Commission qui est trop souple, mais ce sont peut-être les règles sur lesquelles elle se base pour prendre ses décisions qui ne sont pas assez balisées. Une des choses que je vois, c’est le besoin qui se fait sentir de prendre un peu de recul et d’avoir une vision plus globale des enjeux. Peutêtre que la situation actuelle ne permet pas cela.

Quel est pour vous le bilan de la LPTAA ? Bien que tout puisse toujours être mieux, le bilan que je fais de la loi est positif. Il me semble évident, compte tenu de la propension qu’ont les municipalités et les villes à dézoner, que les terres et activités agricoles n’auraient jamais bénéficié d’une telle protection sans ce cadre législatif.

Est-ce que cette loi a bien ou mal évolué ? Est-ce qu’elle répond aux besoins du Québec ? Sa mise en œuvre est difficile en ce qui a trait aux schémas d’aménagement et à leur mise à jour laborieuse.

Êtes-vous en faveur d’une modification législative de la LPTAA ? C’est certain que je pense que la protection des terres agricoles est un élément fondamental dans la société et tout ce qui va dans la perspective d’une plus grande protection des terres agricoles me semble pertinent.

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Si oui, que doit-on modifier et comment doit-on le faire ? Doit-on redéfinir les pouvoirs accordés par la LPTAA à la CPTAQ ? Par exemple en accordant plus de pouvoirs aux municipalités ? Je trouve cette option très dangereuse et maintiens qu’il est nécessaire que ce soit la CPTAQ qui conserve l’expertise en la matière. S’il y doit y avoir une modification, c’est peut-être sous forme de partenariat, plutôt que de donner plus de pouvoirs aux municipalités. Les municipalités ne sont pas les organismes qui ont pour but ou pour mission de protéger les terres agricoles. Par exemple, en limitant l’étendue des opérations assujetties à la loi (ex. les transactions prohibées en l’absence d’une autorisation de la CPTAQ) ? Tout dépend de ce type d’autorisation. Je n’aime pas déléguer aux municipalités. Je préfère le partenariat. Pour déléguer, il faut certainement que ce soit très bien balisé et clairement établi dans des règlements. Par exemple, en ne faisant plus de l’UPA l’interlocuteur privilégié de la CPTAQ lors de la prise de décisions ? Je pense que l’UPA est un interlocuteur de poids et fait le travail qu’on lui demande. Je ne vois pas pourquoi il ne pourrait pas y avoir d’autres syndicats agricoles. Ce que l’on perd de vue dans ce sujet est que l’UPA est bien sûr un monopole, mais, en même temps, il donne une force de frappe aux producteurs agricoles. Cette force n’est pas négligeable, c’est une force de discussion et de négociation. C’est plutôt comment la loi est rédigée qui interdit le morcellement, non pas nécessairement l’UPA qui favorise seulement les grosses productions. En réponse à toutes ces questions, je pense que les modifications devraient viser de permettre une prise de décision plus globale par la CPTAQ, en ayant en tête non seulement l’utilisation actuelle du territoire, mais son utilisation optimale et multifonctionnelle à long terme. Ce qui semble néfaste est de prendre des décisions au cas par cas sans être en mesure de tenir compte de ce contexte global.

Êtes-vous en accord avec les conclusions des rapports Pronovost et Ouimet ? Dans l’ensemble.

Doit-on mettre de côté le projet de l’autosuffisance alimentaire au Québec ? Je pense qu’il ne faut pas réfléchir en termes d’autosuffisance, mais davantage en termes de sécurité alimentaire. C'est-à-dire que la LPTAA doit être en mesure d’assurer la pérennité des terres et des pratiques agricoles qui assurent la sécurité alimentaire des Québécois.

Comment peut-on encourager l’agriculture au Québec sans la LPTAA actuelle ? La LPTAA est essentielle pour ce faire.

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La LPTAA actuelle peut-elle encourager la multifonctionnalité de l’agriculture au Québec ? Elle le fait du moment qu’elle remplit ses objectifs. En protégeant les terres pour les différentes pratiques agricoles.

L’adoption du plan métropolitain d’aménagement et de développement (PMAD) peut-il aider la CPTAQ à repousser le développement de la couronne nord de la CMM ? Le PMAD serait un outil nécessaire pour aider la CPTAQ, mais la Commission ne peut pas dire qu’elle va ralentir le développement. Les commissaires appliquent la loi : ils ne peuvent pas décider de bloquer complètement le développement d’une zone. Ça doit être l’application de la loi qui empêche de l’autoriser. Le PMAD un outil supplémentaire parce que, si c’est gelé, ce n’est plus touchable. Mais, en même temps, la CPTAQ n’agit pas pour éviter le développement, elle peut seulement agir en appliquant les critères de la loi. Dans certaines circonstances, la loi permet le développement économique, si les dispositions et critères sont rencontrés et respectés. La CPTAQ se limite au texte. Elle ne peut pas empêcher de développer sans s’appuyer sur la loi. La CPTAQ n’est pas là pour bloquer le développement économique. La loi protège le territoire agricole, mais le développement économique est permis à certaines conditions. Si la loi ne permet pas de freiner le développement économique dans le but de protéger les terres agricoles, c’est la loi qu’il faut changer.

Le rapport Ouimet insiste sur le fait qu’il faut limiter le traitement au cas par cas parce qu’on « porte l’attention sur des intérêts individuels plutôt que sur l’intérêt collectif ». Êtes-vous d’accord avec le fait que c’est l’intérêt collectif qui doit continuer de prévaloir sur l’intérêt individuel, compte tenu de l’impact de l’acceptation de la demande sur le milieu agricole environnant ? Je suis tout à fait d’accord avec l’idée que c’est l’intérêt collectif qui doit continuer de prévaloir sur l’intérêt individuel, intérêt collectif qui s’exprime, selon moi, notamment à travers l’idée que la loi doit contribuer à assurer la sécurité alimentaire des Québécois.

Favoriser les demandes à portée collective par l’article 59 de la LPTAA est-il un moyen approprié ? Est-ce suffisant ? —

Une proposition d’Alain Marcoux a déjà été faite concernant la création de quelques commissions régionales de protection du territoire agricole avec pouvoirs décisionnels et d’une commission nationale de protection du territoire agricole du Québec comme instance d’appel. Cela permettrait de désengorger le système, de tenir compte plus facilement de normes régionales, d’augmenter la rapidité des décisions et de créer une instance d’appel qui accorderait un droit élémentaire aux citoyens qui se sentiraient lésés par la première décision.

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Une autre option est de créer une seule commission du territoire agricole, mais dont une partie serait composée de membres permanents et l’autre partie de membres de plein droit, participant aux décisions qui concerneraient uniquement leur région (pour assurer la coordination au niveau de tout le Québec et éviter des disparités d’application, lesquelles créeraient une confusion, mais en tenant compte des particularités des régions).

Êtes-vous d’accord avec l’une ou l’autre de ces propositions ? Je trouve la première idée lourde administrativement, et je trouve la seconde intéressante dans la mesure où elle pourrait permettre de mieux saisir l’intérêt collectif de chaque région.

Êtes-vous en accord avec la solution de Bernard Ouimet pour diminuer la pression sur la zone agricole ? Sa solution : éviter les vides, donc les espaces non occupés sur le territoire agricole et occuper dynamiquement le territoire afin de faire taire les gens qui disent que les terres sont protégées pour rien. Je n’ai pas réfléchi à cela, mais présenté de cette façon, je ne suis pas d’avis que l’on doive exploiter pour exploiter.

Sans être discriminatoire, est-ce que la loi pourrait être plus sévère en métropole et plus souple en région ? En principe, la loi doit être rédigée de la même façon pour tout le monde. Mais, en principe et dans les faits, les critères d’évaluation que les commissaires peuvent appliquer devraient permettre d’être plus sévères à certains endroits et moins à d’autres.

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Annexe 3 Entrevue auprès de l’interlocuteur C Vendredi 18 novembre 2011. Durée de l’entrevue : 12 minutes Quel serait pour vous le bilan de la LPTAA ? La loi n’est pas assez sévère. Il faut la renforcir si on veut procéder à une modification législative. Les commissaires à l’étude agissent de façon discrétionnaire, en fonction de la provenance de la demande. Ils sont déjà plus souples en région, à notre avis. De nombreux hectares sont retranchés de la zone agricole chaque année. Plus on fait de compromis, plus c’est l’avenir de l’agriculture qui est compromis. 80 % des demandes d’autorisation à la CPTAQ sont acceptées. L’UPA peut donner son opinion sur toutes les demandes qui sont formulées. La CPTAQ se doit d’écouter, mais n’a pas à suivre obligatoirement les recommandations de l’UPA.

Pour les plus petits producteurs, qui ont de la difficulté à débuter une ferme en région, croyez-vous qu’il serait possible de morceler les terres ? Nous sommes d’avis qu’il est difficile d’assurer la pérennité d’une ferme dont la superficie est de moins de 100 hectares. En dessous, ce n’est pas viable. Il faut favoriser l’objectif de la loi, qui est de protéger les terres agricoles. L’idée de morceler les terres n’est pas la solution. C’est une loi essentielle qui est un outil extraordinaire. Sans elle, je ne veux pas savoir ce que le Québec serait devenu. Il ne faut surtout pas la modifier pour donner plus de pouvoirs aux municipalités.

L’adoption du PMAD peut-elle aider la CPTAQ à repousser le développement de la couronne nord de la CMM ? Ce plan est une très bonne nouvelle. Ça pourrait nous permettre de repousser un peu. Or, si on fait de bons calculs, demander un gel du périmètre d’urbanisation pour une durée de 20 ans n’est pas exagéré, c’est très réaliste.

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Annexe 4 Entrevue auprès de l’interlocuteur D Dimanche 27 novembre 2011. Durée de l’entrevue : 50 minutes.

Propos de l’interlocuteur D avant le début de l’entrevue. Il y a eu des modifications législatives en 2000 dans la LPTAA. Ces modifications sont issues d’un compromis entre l’UPA et le gouvernement où, à condition de renforcir la loi pour rendre difficile une autorisation auprès de la CPTAQ, on a imposé des normes plus sévères au niveau environnemental pour les agriculteurs, entre autres pour la gestion des pesticides. C’est purement politique. Il est très difficile de convaincre une compagnie d’investir à même sa marge de profit pour une question environnementale. Ils ont souvent l’impression que ce sont des coûts qui ne rapporteront pas. L’argument pour les convaincre est souvent sur la question de l’image, car le public accorde beaucoup d’importance à l’environnement. C’est une question de marketing.

Quels sont pour vous les plus grands avantages de la LPTAA ? La plus grande qualité de la loi est de protéger le territoire agricole. Ce fut toutefois une loi très contestée, qui s’est rendue jusqu’en Cour suprême du Canada. En surface, tous les agriculteurs sont pour la loi. Ils croient que c’est le meilleur moyen pour assurer leur survie. Pourtant, individuellement, les agriculteurs ne sont pas d’accord. D’abord, la loi baisse la valeur de la terre, car il n’est pas possible d’utiliser la terre que pour autre chose que l’agriculture. La loi leur interdit donc de vendre une partie de leur terrain à un particulier, et ainsi d’en retirer un profit.

Quels sont les plus grands désavantages de la LPTAA ? La loi crée une pondération dans le développement, pour les régions. La loi a été créée pour régler un problème qui se situait dans les grandes régions urbanisées. À l’époque de l’entrée en vigueur de la loi, les meilleures terres près de Montréal, principalement sur le territoire de Laval, étaient constamment retirées du milieu agricole pour faire du développement urbain. La loi a été perçue comme ayant réglé une partie du problème de Montréal, mais elle a légué un frein au développement des régions. Par rapport à cette loi, les gens des régions vivent en effet avec plus d’inconvénients que d’avantages.

Quel est pour vous le bilan de la LPTAA ? Le bilan est tout de même positif. Il a eu pour effet d’obliger les planificateurs urbains à encadrer les municipalités en délimitant des zonages. Avant, le développement était anarchique. Les villes se sont donc mieux développées. La loi était également positive pour le gouvernement puisque, avant la loi, tant qu’on développait des maisons dans les campagnes, la municipalité s’engageait à fournir des services d’aqueducs et d’égout. L’encadrement du développement a donc été très bénéfique pour le gouvernement du point de vue économique.

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C’est donc un bilan positif pour l’agriculture, mais il y a principalement deux bémols dans la façon dont la loi a été appliquée. Premièrement, le problème en région est qu’on a de la misère à garder les jeunes. La LPTAA vient compliquer le problème parce qu’elle est trop sévère. Elle donne peu de latitude. Il n’y a plus moyen de construire de commerces ou de PME dans des secteurs agricoles. Les jeunes ne sont plus intéressés à vivre en campagne parce qu’ils n’ont plus de travail. Les jeunes ne veulent pas aller travailler sur les fermes, parce qu’ils se sentent isolés et que le milieu n’est pas attrayant de cette façon. La loi isole le milieu agricole et fait en sorte qu’il n’y a plus de vitalité économique dans un village. Le jeune qui travaille sur une terre, mais dont les amis habitent à plusieurs kilomètres, se désintéresse de ce milieu de vie. Il faudrait que la loi permette un commerce tout près, ou une PME, pour faire en sorte qu’il y ait des familles à proximité. Deuxièmement, la loi est trop sévère envers les entreprises commerciales. Les fermiers qui veulent donner une valeur ajoutée à leur produit ont besoin d’une autorisation de la Commission. Et, parfois, les lourdes démarches entraînent un découragement. De plus, si, dans ton comptoir, tu veux vendre des produits qui ne sont pas directement de ta ferme, tu diminues encore plus tes chances d’obtenir une autorisation. La loi n’est pas adaptée à cette lourde réalité et elle fait peur. Elle complique le développement des produits du terroir et empêche l’originalité.

Êtes-vous en faveur d’une modification législative de la LPTAA ? Oui, certainement.

Si oui, que doit-on modifier et comment doit-on le faire ? Doit-on redéfinir les pouvoirs accordés par la LPTAA à la CPTAQ ? Par exemple, en ne faisant plus de l’UPA l’interlocuteur privilégié de la CPTAQ lors de la prise de décisions ? L’UPA ne devrait plus être l’interlocuteur privilégié. Il tient un discours politique qui ne favorise que les gros producteurs. Dans les discussions avec le gouvernement, le petit joueur est oublié et est pénalisé par l’effet de la loi. Les gros vont toujours réussir à obtenir une autorisation, car ils créent des emplois et favorisent l’économie. Or, ils sont rarement situés dans les petites localités. Les municipalités ne sont pas assez outillées pour faire face à la CPTAQ. On a créé les MRC pour donner plus d’autonomie et des pouvoirs régionaux, mais cela fait que, souvent, on ne favorise qu’une ville au détriment des autres autour. C’est encore la petite localité qui passe en dernier. On fait des choix pour les gros joueurs : c’est une guerre de pouvoirs politiques. L’UPA est un trop gros joueur. Il donne une application généralisée. Au niveau de la Commission, elle n’aide pas les petites industries et les particularités régionales. En somme, la loi est un bon outil et c’est important qu’elle existe, mais elle sclérose l’économie, elle ne la développe pas. Son application est trop sévère. Au départ, l’utilité de la loi était d’assurer la pérennité agricole au Québec, mais là, l’industrie est malade, on perd nos industries agricoles et la loi met des bâtons dans les roues à ceux qui tentent de s’en sortir.

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La loi ne crée pas de problème aux gros producteurs. Or, quand vient le temps de la relève, personne ne peut reprendre ces industries-là, à moins d’être encore plus gros. On perd le côté familial. Si c’est cela que l’on veut, nous sommes bien partis. Mais la loi bloque l’évolution des petits producteurs qui se développent et tentent d’apporter une valeur ajoutée.

Dans un de vos textes, vous citiez deux propositions d’Alain Marcoux pour modifier la CPTAQ. Une de ces modifications est-elle encore envisageable en 2011 ? Une proposition d’Alain Marcoux a déjà été faite concernant la création de quelques commissions régionales de protection du territoire agricole avec pouvoirs décisionnels et d’une commission nationale de protection du territoire agricole du Québec comme instance d’appel. Cela permettrait de désengorger le système, de tenir compte plus facilement de normes régionales, d’augmenter la rapidité des décisions et de créer une instance d’appel qui accorderait un droit élémentaire aux citoyens qui se sentiraient lésés par la première décision. Une autre option est de créer une seule commission du territoire agricole, mais dont une partie serait composée de membres permanents et l’autre partie de membres de plein droit, participant aux décisions qui concerneraient uniquement leur région (pour assurer la coordination au niveau de tout le Québec et éviter des disparités d’application, lesquelles qui créeraient une confusion, mais en tenant compte des particularités des régions). Je crois qu’il devrait exister une gestion de la loi au niveau régional. Cela peut entraîner plus de coûts, mais cela permettrait de tenir compte des particularités régionales. Les commissaires ne viennent en région que deux fois par année. Ils ne sont pas au courant de tous les dossiers qui passent. Il serait intéressant de disposer d’un peu d’autonomie et de tenir compte de nos propres besoins et de notre volonté régionale.

Est-ce qu’il y aurait moyen de modifier la loi en faisant en sorte qu’elle soit plus souple en région et moins en milieu urbain ? Est-ce que ce serait discriminatoire ? Présentement les régions subissent plus de désavantages que d’avantages de la loi. Le but des régions et de garder ses jeunes et sa main-d'œuvre, et la loi empêche cela.

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Annexe 5 Entrevue auprès de l’interlocuteur E Lundi 28 novembre 2011. Durée de l’entrevue : 27 minutes Quels sont pour vous les plus grands avantages de la LPTAA ? Le plus grand avantage est le cadre qu’elle offre pour la protection du 2 % de nos terres qui sont arables. Nous ne remettons pas en question la nécessité de la loi, mais son application.

Quels sont les plus grands désavantages de la LPTAA ? D’abord, nous trouvons que la loi est inefficace. Quand on voit l’ampleur du développement sur le territoire de Montréal, on constate un échec dans son application. La loi n’arrête pas l’étalement urbain sur les meilleures terres du Québec. Ensuite, du côté des milieux ruraux, c’est l’inverse qui se passe, la loi nuit complètement au développement. Ça prend trop de moyens financiers et de temps pour engager un processus face à la CPTAQ. Il est ainsi très difficile de favoriser l’occupation du territoire. Elle est inégale et cause de sérieux problèmes en milieu rural. La loi nuit à la relève en interdisant complètement le morcellement. Nous comprenons le danger de morceler et qu’il faut orienter vers un remembrement. Or, des fois, il y a des limites à ne pas morceler du tout. Il faudrait moduler l’application de la loi. Un jeune ne peut reprendre une trop grosse ferme. Il faudrait avoir un regard plus près du terrain, et non pas seulement le regard d’une organisation gouvernementale qui gère toute la question.

Quel est pour vous le bilan de la LPTAA ? Bien que la mise en place de la loi ait été nécessaire et que c’est un outil utile pour certain, le bilan est négatif. Nous reconnaissons que l’intention était bonne au départ.

Êtes-vous en faveur d’une modification législative de la LPTAA ? Oui, complètement. Il faut permettre de moduler l’application de la loi en fonction du contexte. Il faut permettre d’occuper les régions et de donner une deuxième vie aux terres en friche.

Si oui, que doit-on modifier et comment doit-on le faire ? Doit-on redéfinir les pouvoirs accordés par la LPTAA à la CPTAQ ? Par exemple en accordant plus de pouvoirs aux municipalités ? Les détracteurs de la loi disent que non, car les municipalités ont seulement un but derrière chacune de leurs interventions. Ils disent que les municipalités encouragent les promoteurs de développement sans égard à l’agriculture. Or, dans notre organisme, nous sommes plutôt des fervents de la concertation. Nous croyons que donner le pouvoir à un seul intervenant n’est pas gagnant. Il faut plutôt asseoir les gens autour d’une même table et trouver une solution ensemble. Bien sûr, cela amène des compromis, mais on peut en arriver à des résultats étonnants. Les schémas d’aménagement sont souvent peu exploités pour l’utilisation d’un territoire.

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Par exemple, en modifiant les critères de décision de la CPTAQ ? C’est souvent le lieu de décision qui est problématique. Par exemple, en ne faisant plus de l’UPA l’interlocuteur privilégié de la CPTAQ lors de la prise de décisions ? Nous nous ne sommes pas prononcés sur cette question.

Êtes-vous en accord avec les conclusions des rapports Pronovost et Ouimet ? Nous sommes en total accord avec le rapport Pronovost. Notre réponse au rapport Ouimet est inscrite dans un rapport.

Est-ce qu’il y aurait moyen de modifier la loi en faisant en sorte qu’elle soit plus souple en région et moins en milieu urbain ? Est-ce que ce serait discriminatoire ? Notre organisme a un principe de base qui est la solidarité et l’équité. Les plus riches paient pour les plus pauvres. C’est une façon de permettre d’exploiter notre territoire dans le meilleur sens. Un milieu rural qui se déstructure, ce n’est pas avantageux pour personne. Il faut trouver une façon d’utiliser le bien commun de façon à le conserver pour les générations futures, favoriser la loi pour les régions, c’est de la discrimination positive.

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Annexe 6 Entrevue auprès de l’interlocuteur F Dimanche 4 décembre 2011. Durée de l’entrevue : 50 minutes.

Propos de l’interlocuteur E avant le début de l’entrevue. Les particularités régionales vont bien au-delà des statistiques d’une région donnée. Les communautés s’identifient par rapport à leur milieu physique, à leur histoire et à leurs besoins propres. Les particularités régionales sont devenues la manifestation du territoire entre les gens et leur milieu. La CPTAQ doit se doter de moyens pour tenir compte des particularités régionales, le problème est comment le faire.

Quels sont pour vous les plus grands avantages de la LPTAA ? Le plus grand avantage est sans doute la protection de base que la loi apporte. Ensuite, la loi est le seul mécanisme qui force les municipalités à réfléchir à leur développement. La loi sur l’aménagement le fait, mais en termes contraignants, c’est davantage la LPTAA. Enfin, je ne suis pas certain de l’impact de la LPTAA, mais le fait qu’elle existe, que la collectivité tienne compte de l’importance de protéger nos terres agricoles, mêmes si elles sont privées, cela a une importance. La loi permet d’atteindre un but collectif.

Quels sont les plus grands désavantages de la LPTAA ? Il y aurait peut-être l’aspect bureaucratie et les ressources investies pour la maintenir en place. C’est un coût dont il faut s’assurer qu’il en vaille la peine. Les mauvaises décisions prises par la CPTAQ, surtout celles qui empêchent les petites productions qui seraient rentables. Il y a d’autres agriculteurs que seulement ceux qui ont de grosses fermes, et la loi tient peu compte de cela. Il y a un discours dominant, qui passe par les grosses fermes. C’est difficile pour la relève.

Est-ce que cette loi a bien ou mal évolué ? Est-ce qu’elle répond aux besoins du Québec ? Oui, la loi a bien évolué, surtout par son article 59 qui traite des demandes à portées collectives. C’est positif dans la gestion d’une loi. L’article permet de réfléchir à long terme et on sait où on s’en va pour 20 ans. L’article permet d’identifier le secteur agricole dynamique et le secteur agroforestier. L’article permet d’identifier des secteurs où des petites entreprises pourraient s’installer. L’article représente aussi une évolution intéressante, car il permet aux petites productions de se regrouper ensemble dans un lieu logique et commun. Même si c’est déplorable de se voir refuser une autorisation pour morceler une terre afin de n’avoir que 5 hectares, c’est logique aussi que les grosses productions demeurent dans un secteur défini.

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Êtes-vous en faveur d’une modification législative de la LPTAA ? Si oui ou si non, pourquoi ? Oui, la loi doit s’adapter aux nouvelles réalités.

Si oui, que doit-on modifier et comment doit-on le faire ? Doit-on redéfinir les pouvoirs accordés par la LPTAA à la CPTAQ ? Par exemple en accordant plus de pouvoirs aux municipalités ? Non, ce n’est pas une question de pouvoirs. La loi est un objectif social qui doit appartenir à une identité indépendante qui soutient cet objectif. Les municipalités n’ont pas cet objectif. Par exemple, en limitant l’étendue des opérations assujetties à la loi ? (ex. les transactions prohibées en l’absence d’une autorisation de la CPTAQ, pistes cyclables, certains types de commerces) Le rapport Ouimet allait dans ce sens. Une piste cyclable n’a peut-être pas d’impact, mais ça dépend toujours. Si c’est en plein milieu d’une terre agricole, ça peut amener des contraintes importantes. On veut que la loi demeure un outil important afin de ne pas gaspiller nos ressources. La Commission réfléchit en ce sens. Elle élimine les contraintes et a une bonne raison d’être. Par exemple, en modifiant les critères de décision de la CPTAQ ? — Par exemple, en ne faisant plus de l’UPA l’interlocuteur privilégié de la CPTAQ lors de la prise de décisions ? L’UPA enlève l’équilibre dans la loi. Les municipalités sont autant concernées, on en tient compte, mais elles n’ont pas le même poids que l’UPA, qui est l’interlocuteur privilégié. L’UPA a trop de poids.

Êtes-vous en accord avec les conclusions des rapports Pronovost et Ouimet ? D’accord avec les rapports, mais ça fait un moment que je les ai lus.

Doit-on mettre de côté le projet de l’autosuffisance alimentaire au Québec ? Le projet de l’autosuffisance, ça fait longtemps qu’on l’a mis de côté. C’est un projet qui a guidé l’action des gens pendant quelques années, mais, en 1990, c’est l’exportation et la compétition qui ont pris le dessus. L’autosuffisance n’est plus un projet porteur. Ce n’est peut-être pas si mal, car ce qui compte c’est de protéger notre capacité de production. L’autosuffisance peut mener à des actions incohérentes : on peut augmenter la capacité de produire sans tenir compte de nos limites.

Comment peut-on encourager l’agriculture au Québec sans la LPTAA actuelle ? Il est important d’encourager l’agriculture, il est possible de le faire sans la loi, mais très difficilement. Il est essentiel d’avoir une loi.

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Comment peut-on encourager l’agriculture au Québec avec la LPTAA actuelle ? La LPTAA actuelle peut-elle encourager la multifonctionnalité de l’agriculture au Québec ? L’article 59 est un pas dans cette direction, mais on peut aller plus loin. Il faut une réflexion d’ensemble sur quel genre d’agriculture on veut. Une proposition d’Alain Marcoux a déjà été faite concernant la création de quelques commissions régionales de protection du territoire agricole avec pouvoirs décisionnels et d’une commission nationale de protection du territoire agricole du Québec comme instance d’appel. Cela permettrait de désengorger le système, de tenir compte plus facilement de normes régionales, d’augmenter la rapidité des décisions et de créer une instance d’appel qui accorderait un droit élémentaire aux citoyens qui se sentiraient lésés par la première décision. Une autre option est de créer une seule commission du territoire agricole, mais dont une partie serait composée de membres permanents et l’autre partie de membres de plein droit, participant aux décisions qui concerneraient uniquement leur région (pour assurer la coordination au niveau de tout le Québec et éviter des disparités d’application, lesquelles créeraient une confusion, mais en tenant compte des particularités des régions).

Êtes-vous d’accord avec l’une ou l’autre de ces propositions ? Les deux sont une bonne idée, mais j’irais plus avec la deuxième. Il serait bien de garder une Commission nationale qui est cohérente et qui dispose de commissaires indépendants qui connaissent bien chaque région. Ça prend en compte l’article 12. Par contre, ce n’est pas n’importe qui qui peut jouer le rôle de membre régional. Les particularités régionales, c’est plus que des statistiques, c’est comment les gens perçoivent leur milieu. Ça laisse place à la subjectivité, ça ne peut pas être discrétionnaire. Il faut quelqu’un qui représente une région, mais il faut des mécanismes pour s’assurer que ce n’est pas subjectif. On ouvre la loi à un manque de contrôle.

Est-ce qu’il y aurait moyen de modifier la loi en faisant en sorte qu’elle soit plus souple en région et moins en milieu urbain ? Non, je ne suis pas à l’aise avec cette idée. Il faut se demander où sera la ligne entre les régions urbaines et rurales. Elle est peut-être plus simple à tracer entre la Gaspésie et Montréal, mais que dit-on entre Charlevoix et Chaudière-Appalaches ? Cette ligne est difficile à tracer. Même en région éloignée, être plus souple peut mener à des projets qui n’ont pas leur place. La même loi doit s’appliquer partout, en tenant compte des particularités régionales plutôt que de se diviser. Il faut seulement disposer de bons mécanismes pour appliquer ces particularités régionales.

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BIBLIOGRAPHIE Source législative Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles, L.R.C., c. P-41.1, Les Publications du Québec Loi sur l’aménagement et l’urbanisme, L.R.Q., c. 19-1, Les Publications du Québec,

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Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles (LPTAA) : définir la position de Nature Québec (décembre 2011)

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