Lettres de guerre 1914-18 Lambrecht

26 mai 1972 - Attaque française sur l'Ailette juin - nov. Attaque anglaise dans les Flandres. 20 nov. Attaque anglaise avec chars sur Cambrai. 1918 mars - juil.
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Lettres de René et Maurice LAMBRECHT écrites pendant la guerre de 1914-1918 Brigitte Maraux – 2003

René et Maurice sont frères. Au début de la première guerre mondiale de 1914-1918, René a vingt-sept ans, Maurice en a vingt-quatre. René est engagé dans l’infanterie, Maurice dans l’artillerie. Un peu plus de quarante lettres ont été retrouvées, qu’ils ont échangées entre eux ou écrites à leurs parents pendant cette période. Les courriers de René sont interrompus par sa mort au cours de la bataille de la Somme en juillet 1916. Ceux de Maurice se poursuivent jusqu’à sa démobilisation au début de 1919. Ils avaient trois autres frères. Albert et Marius étaient décédés en bas âge de diphtérie en 1886. Charles est décédé le 29 avril 1918 à l’âge de 34 ans ; mais aucune des lettres recueillies ne fait allusion à ce dernier.

Lettres de René Lambrecht à son frère Maurice

Lettres de Maurice Lambrecht à son frère René

Lettres de René Lambrecht à ses parents

Lettres de Maurice Lambrecht à ses parents

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Quelques repères

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…/… (a)

LAMBRECHT Maurice Aimé

BITTEBIERRE Léonie Marie Catherine Amélie

N. Dunkerque 10 janvier 1890

N. Tourcoing 30 décembre 1889

Paris 15ème 19 décembre 1968

Paris 16ème 26 mai 1972

LAMBRECHT

LAMBRECHT

LAMBRECHT

LAMBRECHT

LAMBRECHT

LAMBRECHT

Geneviève Marie Albert

Monique Germaine Maria

Madeleine Andrée Germaine

Thérèse Renée Marguerite Paule

René Maurice

Edith Jeanne Ginette

N. Bully-les-mines 21 avril 1923

N. Bully-les-mines 30 juillet 1924

N. Mazingarbe 30 novembre 1925

N. Mazingarbe 26 avril 1927

N. Amiens 18 septembre 1929

N. Amiens 11 décembre 1931

Sarlat 20 avril 1994

Paris 16ème 27 septembre 1972

Dijon 7 février 2002

BRUCKERT

ROLLIN

THIBAULT

CONNETABLE

MARAUX

Henri Alfred Marie

Yves Edouard Alexandre

Jacques Pierre Emile Léon

Françoise Marie

Jacques Alfred Henri

Paris 13ème 10 octobre 1991

Vous pouvez préciser vos propres liens de parenté avec Maurice Lambrecht, sans oublier de mentionner votre nom .................................................................................................................................................................................. ......................................................................................................................................................................................... ......................................................................................................................................................................................... ......................................................................................................................................................................................... .........................................................................................................................................................................................

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Quelques repères généalogiques

LAMBRECHT

BECKANDT

DEVOGHEL

VERSMEE

Charles Albert

Justine Dorothée

Pierre Hyppolite

Anne Caroline

N. Esquelbecq 11 novembre 1826

N. Uxem 21 février 1820

N. Dunkerque 9 février 1811

N. Dunkerque 22 juin 1824

Dunkerque 1 octobre 1911

Gravelines 15 avril 1916

Dunkerque 4 août 1875

Dunkerque 7 juillet 1873

LAMBRECHT Constant Albert Désiré

DEVOGHEL Marie Caroline

N. Dunkerque 10 juin 1850

N. Dunkerque 25 juillet 1851

Dunkerque 2 mars 1927

Dunkerque 12 janvier 1920

LAMBRECHT

LAMBRECHT

LAMBRECHT

LAMBRECHT

LAMBRECHT

Albert Charles Jules Joseph

Marius Julien Pierre

Charles René Maurice

René Gustave

Maurice Aimé

N. Dunkerque 16 décembre 1878

N. Dunkerque 16 mai 1881

N. Dunkerque 1 octobre 1884

N. Dunkerque 10 septembre 1887

N. Dunkerque 12 janvier 1890

Dunkerque 10 octobre 1886

Dunkerque 11 octobre 1886

Bourbourg 29 avril 1918

Herleville 20 juillet 1916

Paris 15ème 19 décembre 1968

(à 7 ans)

(à 5 ans)

(à 33 ans)

(à 28 ans)

(à 78 ans) (a)

…/…

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Hommes politiques et militaires français, anglais, allemands

FRANCE 1913-20

17 janv.

1914 1915 1917 1917 1917

13 juin 29 oct. 20 mars 12 sept. 16 nov.

1914 1914 1915 1916 1916

août 29 oct 14 mars 7 déc.

1917 1917

mars

1915 1916 1917

2 déc. 12 déc. 15 mai

1918

14 avril

ALLEMAGNE

Président de la République Raymond Poincaré (1860-1934) Présidents du Conseil René Viviani (1863-1925) Aristide Briand (1862-1932) Alexandre Ribot (1842-1923) Paul Painlevé (1863-1933) Georges Clémenceau (1841-1929) Ministres de la guerre Adolphe Messimy (1869- ?) Alexandre Millerand (1859-1943) Joseph Gallieni (1849-1916) Pierre Auguste Roques Louis-Hubert Lyautey (1854-1934)

1888- 1918 1909 1917 1917 1918 1918

7 juil 3 juil 3 oct 10 nov

1906 1914 1916 1918

Paul Painlevé (1863-1933) Georges Clémenceau (1841-1929) Commandants en chef des armées Joseph Joffre (1852-1931) Robert Nivelle (1856-1924) Philippe Pétain (1856-1951) Commandant en chef des forces alliées Ferdinand Foch (1851-1929)

ANGLETERRE 1910-36 1908 1916-22

3 déc

1914 1916

juin

1913-15 1916-18

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Empereur Guillaume II (1859-1941) Chanceliers Theobald von Bethman-Hollweg (1856-1921) Georg Michaelis Georg von Hertling Max de Bade (1867-1929) Friedrich Ebert (1871-1925) Chefs d’état-major général Helmut Johannes von Moltke Erich von Falkenhayn Paul von Hindenburg Assisté de Erich Ludendorff Wilhelm Groener

Roi George V Premiers ministres Henry Asquith (1852-1928) David Lloyd George (1863-1945) Ministres de la guerre Herbert Kitchener (1850-1916) David Lloyd George (1863-1945) Chefs d’état major impérial John French (1852-1925) William Robert Robertson

Quelques repères historiques

La France dans la guerre de 1914 - 1918 1914

1915 1916

1er août

Mobilisation générale

3 août

L’Allemagne déclare la guerre à la France

août

Invasion de la Belgique et du Nord de la France (retraite française)

6 - 13 sept

Manœuvre et victoire de Joffre sur le Marne

sept - nov

Course à la mer et mêlée des Flandres : stabilisation d’un front continu de 750 km d’Ypres à la frontière suisse

avril

Emploi de gaz par les Allemands

mai - sept

Vaines tentatives françaises de percée en Champagne et en Artois

21 fév - 18 déc

Bataille de Verdun

er

1917

1918

1 juil - oct

Offensive alliée de la Somme (emploi de chars par les Britanniques)

29 août

Hindenburg et Ludendorff, chefs de la direction de guerre allemande

16 avril

Echec de l’offensive de Nivelle sur le Chemin des Dames

15 mai

Crise de l’armée française : Pétain généralissime

août

Attaque française devant Verdun

oct

Attaque française sur l’Ailette

juin - nov

Attaque anglaise dans les Flandres

20 nov

Attaque anglaise avec chars sur Cambrai

mars - juil

Offensive allemande en Picardie (21 mars), sur la Marne (27 mai), en Champagne (15 juil.)

juil - nov

Contre-offensive de Foch en Champagne (28 juil.), en Picardie (août) soutenue par l’aide américaine, de la Meuse à la mer (sept.) Retraite allemande sur la ligne Siegfried, sur Gand, Mons et Sedan

11 nov.

Armistice de Rethondes Source : Le petit Larousse 2001

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Le front ouest de la guerre Source : Le petit Larousse 2001

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Quelques repères géographiques

Somme

Champagne

Verdun

Marne

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Lettres de René et Maurice Lambrecht

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Les études de René et Maurice René Diplômé des Hautes Etudes Philosophiques Licencié ès-Lettres et ès-Sciences (Sorbonne) Maurice Ingénieur civil des Mines

R L am brecht

(études terminées après guerre ?) Doctorat d’économie (après guerre)

Sorbonne Paris A la mémoire des étudiants et anciens étudiants morts pour la France 1914-1918

Du 2 septembre à décembre 1914, le gouvernement français se réfugie à Bordeaux.

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Lettre du Mercredi 7 octobre 1914 de Maurice Lambrecht à son frère René

Maurice Lambrecht Sous-lieutenant 46ème Régiment d’Artillerie Echelon sur route N° 6 4ème section de parc Elément d’armée Sarrail Bureau central militaire de Bordeaux

à

René Lambrecht Sous-lieutenant 310ème Régiment d’Infanterie 17ème compagnie par Sarlat

7 octobre Mon cher René Voilà notre dernier mois de vacances bien commencé. Nous devrons bientôt songer à notre retour à Paris. Mais où sont nos préoccupations d’examens et les mines et la philosophie ? Je n’ai plus de toute cette vie qu’un souvenir confus comme d’un rêve. La vie de campagne me paraît de plus en plus la vie normale et ordinaire des peuples. Que sera-ce dans 5 ou 6 mois d’ici si nous sommes encore de ce monde et à la guerre. Je suis mon cher René en très bonne santé et certes d’un poste jusqu’ici sans danger comme sans gloire. Et toi ? J’ai des nouvelles de la maison du 20 septembre où l’on me parle de toi. Quelle vie mènes-tu dans cette arme dangereuse des pantalons rouges ? Sois toujours sûr mon cher René que je pense bien à toi, que mon meilleur souvenir t’accompagne et que le jour où je te reverrai sera un des plus heureux de ma vie. Dieu veuille qu’il ne se fasse pas trop attendre. Maurice

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L’uniforme des fantassins En avril 1915, de nouvelles tenues « bleu horizon » remplacent les « pantalons rouges » trop voyants et trop dangereux. La capote A partir septembre 1914, une nouvelle capote est dessinée par le couturier Paul Poiret : de couleur gris de fer bleuté, à collet montant, non plus croisée mais avec une seule bande de boutons (ce qui protège moins du froid), doublée de toile blanche. Décrite en décembre 1914, elle est massivement diffusée avant l’hiver 1915-16. Le pantalon Egalement décrit en décembre 1914, le pantalon culotte, en drap bleu clair remplace le pantalon garance du fantassin : emplacement du genou renforcé, bas rétréci, qui se prête mieux à l’utilisation de la bande molletière qui se substitue aux guêtrons. Le casque Le 21 mai 1915, la casque d’acier Adrian fait son apparition, remplaçant ainsi le képi. Les chaussures En 1915, un nouveau modèle de chaussures est distribué. Deux paires de chaussettes sont également fournies en dotation. Le masque à gaz Le masque à gaz est ajouté à la tenue du combattant. A la fin 1915, il s’agit encore d’un simple tampon associé à une paire de lunettes protectrices. Au printemps 1916, un nouveau masque est distribué : le M2, plus efficace, d’une seule pièce, avec un étui plus protecteur.

Source : 14-18, Le magazine de la Grande Guerre, n°16, oct./nov. 2003

Fête de Maurice : 22 septembre / 5 octobre

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Lettre du Lundi 19 octobre 1914 de Maurice Lambrecht à son frère René

Maurice Lambrecht Sous-lieutenant 4ème section de parc Echelon sur route N° 6 Grand parc d’artillerie N° 3 Armée Sarrail Bureau central militaire de Paris

à

René Lambrecht Sous-lieutenant 310ème Régiment d’Infanterie 17ème compagnie par Sarlat

19 octobre Mon cher René Je te jette ce tout petit mot à la hâte car le vaguemestre va bientôt s’en aller mais je t’écrirai plus longuement ce soir. Que j’ai été heureux de recevoir ces derniers jours trois cartes que tu m’écris de la tranchée ou du village où veille ta compagnie. Merci de tes bons souhaits de fête. Je pense chaque jour à toi, je voudrais être à tes côtés, te voir, marcher au feu avec toi. Mon lit me paraissait trop doux hier quand je songeais à la terre humide, au froid pénétrant du matin, au brouillard épais et puant de la nuit. Je demande chaque jour à Dieu qu’il te donne le courage et la santé, qu’il te protège et te conserve longtemps à mon affection. Je n’ai jamais eu de ma vie de perspective d’une joie aussi profonde que celle de te serrer encore dans mes bras comme au jour du départ. Dieu veuille que ce bonheur ne nous soit pas enlevé. Ton Maurice

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Source : Archives personnelles

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Lettre du Dimanche 11 avril 1915 de René Lambrecht à son frère Maurice

René Lambrecht Sous-lieutenant 310ème Régiment d’Infanterie 17ème compagnie Secteur postal 93

à

Maurice Lambrecht Sous-lieutenant 46ème Régiment d’Artillerie 4ème section de parc 2ème échelon du parc d’artillerie Secteur postal 30

Dimanche 11 avril Mon bien cher Maurice Je suis heureux que mon petit colis, livres et photos, te soit parvenu. Je suis toujours en excellente santé. Je pense à tout moment à nos chers parents et à toi et dans l’épreuve de cette longue séparation votre souvenir, le sentiment que votre pensée affectueuse me suit fidèlement à toute heure, l’espérance de retrouver un jour votre affection dans la plus douce intimité familiale, voilà mon meilleur réconfort ; ayons toujours confiance en Dieu et faisons courageusement notre devoir. Nous allons quitter nos tranchées et partir un de ces jours dans une nouvelle région. Ecris toujours au S.P. 93 en attendant que je te donne de nouvelles indications. Mille baisers affectueux de ton René

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Lettre du Lundi 3 mai 1915 de René Lambrecht à son frère Maurice

René Lambrecht Sous-lieutenant 310ème Régiment d’Infanterie 17ème compagnie Secteur postal 134

à

Maurice Lambrecht Sous-lieutenant 4ème section de parc 2ème échelon du parc d’artillerie Secteur postal 30

Lundi 3 mai 1915 Mon bien cher Maurice, Je pense toujours à toi et t’envoie mes affectueux baisers. J’ai rencontré il y a quelques temps Pierre Pépy ; il a même répondu à mon invitation et est venu passer la soirée et dîner avec moi. Son beau-frère Paul Breynaert a été tué dans les combats autour des Hurlus. Le père Breynaert le sait par une lettre du colonel mais il ne l’a pas encore dit à sa femme qui ne se trouve pas en ce moment à Dunkerque. Michel Legendre a été tué. Morts Henry du Roure, Anziani, Flachaire. Combien de nos amis et de nos camarades sont tombés ! Je prie Dieu qu’il te protège toujours jusqu’au bout et m’accorde le bonheur de te retrouver, s’il m’est donné de rentrer à la maison après la victoire finale. Je t’embrasse et suis de tout cœur avec toi. Ton René

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Le déplacement des troupes et la censure Le service de censure fut organisé dès le 30 juillet 1914 et exigea que ne figure aucun nom de lieu précis sur les cartes postales des zones de combats, comme dans les courriers des soldats. C’est ce qui explique l’étonnante approximation géographique qui entoure le déplacement des troupes et les multiples gommages et barbouillages des noms de villages qui rendent la localisation très difficile. La censure voulait ainsi rendre impossible de suivre les opérations militaires. Mais cette consigne allait bientôt devenir vœu pieu compte tenu du nombre croissant de cartes postales et de lettres envoyées durant le conflit.

Source : Images de Poilus, François Pairault, Tallandier, 2002

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Lettre du Dimanche de la Pentecôte 1915 de René Lambrecht à son frère Maurice

René Lambrecht Sous-lieutenant 310ème Régiment d’Infanterie 17ème compagnie Secteur postal 134

à

Maurice Lambrecht Sous-lieutenant 4ème section de parc 2ème échelon du parc d’artillerie Secteur postal 30

Dimanche de la Pentecôte Mon bien cher Maurice, Je pense toujours à toi. Je reçois régulièrement tes petites lettres qui me font toujours tant plaisir. Ce matin j’ai pu assister à une grand’messe militaire célébrée au cantonnement où nous prenons notre repos. J’ai bien prié pour toi et demandé à Dieu de te protéger et de te conserver à mon affection. Je te prodigue mes baisers fraternels. Ton René

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Maurice Lambrecht

Fête de Marie : 15 août

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Lettre du Jeudi 12 août 1915 de Maurice Lambrecht à ses parents

Maurice Lambrecht Sous-lieutenant 4ème section de parc 1er échelon du parc d’artillerie Secteur postal 36

à

Monsieur Lambrecht 75 rue d’Ecosse Dieppe Seine Inférieure

12 août Bien chers parents Je vous envoie mes très affectueux et mes plus tendres baisers. Je pense spécialement à cette chère muttre dont c’est la fête dans quelques jours et que je serre bien fort dans mes bras en lui envoyant mes meilleurs souhaits. Je prie Dieu de la bénir et de lui donner après bien des peines le bonheur de nous revoir. Je t’envoie ma chère Muttre le plus affectueux et le plus reconnaissant baiser que toute l’affection de mon cœur ait jamais formé. Ton petit Maurice

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Marguerite Lheureux Il se peut que Marguerite (évoquée dans la lettre ci-contre) soit la cousine germaine de René et Maurice Lambrecht, fille de François Martin Charles Lambrecht, lui-même frère de Constant Albert Lambrecht et oncle de René et Maurice. Marguerite Lambrecht (1876-1960) a épousé Julien Lheureux. Elle est inhumée à Dunkerque, dans le caveau de la famille de Constant Albert Lambrecht / Marie Caroline Devoghel.

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Lettre du Jeudi 19 août 1915 de René Lambrecht à son frère Maurice

René Lambrecht Sous-lieutenant 310ème Régiment d’Infanterie 17ème compagnie Secteur postal 134

à

Maurice Lambrecht Sous-lieutenant 4ème section de parc 1er échelon du parc d’artillerie Secteur postal 36

Jeudi 19 août Mon bien cher Maurice, Je reçois toujours régulièrement tes bonnes petites lettres qui sont mon meilleur réconfort aussi longtemps que je suis loin de toi. Maintenant qu’on a augmenté le nombre des permissionnaires j’espère que ton tour viendra plus tôt et que tu auras d’ici quelques semaines le bonheur d’aller passer quelques jours auprès de patche et moutre. Alfred doit aller à Dunkerque vers le 25, il y rencontrera sa mère, sa sœur et sa fiancée qui ira tout exprès le rejoindre à Dunkerque. J’ai envoyé une petite lettre à Marguerite dont la mère est morte récemment et qui demeure toujours dans notre maison de la rue des pierres. Je t’embrasse bien tendrement. Ton René

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Dunkerque Afin de protéger la ville, le gouverneur fait, dès le début des hostilités, ouvrir des écluses et inonder 8.000 hectares autour Dunkerque. A la fois arsenal et garde manger, le port de Dunkerque connaît une activité intensive. Les zones côtières constituent un enjeu stratégique d’une telle importance que les autorités militaires sont amenées en avril 1916 à créer un commandement supérieur de la Marine dans les zones armées du Nord. A côté du port, le potentiel industriel participe à la défense du territoire national. L’importance des activités suscite une intervention ennemie soutenue. Tête de pont pour le ravitaillement, cela vaut à Dunkerque de terribles bombardements en 1915 et 1917. La situation s’aggrave en 1915 quand la ville reçoit les premiers obus des canons à longue portée. Les habitants fuient l’agglomération : sur le 38.900 habitants de 1914, il n’en reste que 5.500 en mai 1915, 12 à 15.000 en juillet 1916 et 7.000 en octobre 1917. Dunkerque recevra la Croix de guerre le 18 octobre 1917, la Distinguished Service Cross britannique (croix anglaise du mérite) le 18 mars 1919 et la Légion d’Honneur le 10 août 1919.

Sources : Histoire de Dunkerque, Alain Cabartois, Edition Privat, 1983 Mémoire en images, Dunkerque, Jean-Lus Porhel et Catherine Lesage, Editions Alan Sutton, 1997 X siècles de vie quotidienne à Dunkerque, Léon Moreel et Michel Goetghebeur, Les éditions du beffroi, 1983

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Lettre du Mercredi 29 septembre 1915 de René Lambrecht à son frère Maurice

René Lambrecht Sous-lieutenant 310ème Régiment d’Infanterie 17ème compagnie Secteur postal 134

à

Maurice Lambrecht Sous-lieutenant 4ème section de parc 1er échelon du parc d’artillerie Secteur postal 36

Mercredi 29 septembre Mon bien cher petit Maurice, Je suis toujours en excellente santé et je pense bien à toi. J’espère que dans quelques mois, après la victoire, nous aurons avec la grâce de Dieu le bonheur de nous retrouver et de vivre ensemble dans une bien douce et fraternelle affection. Ces jours-ci nous nous reposons ; nous avons été ramenés avant-hier soir à une vingtaine de km en arrière des tranchées. Je te prodigue mes bons et affectueux baisers. Ton René

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Les déménagements : Dunkerque, Dieppe, Eu Les lettres échangées permettent de suivre les déménagements que les parents de René et Maurice ont entrepris après avoir quitté leur domicile de la rue des Pierres à Dunkerque : En août 1915, on les retrouve 75 rue d’Ecosse à Dieppe ; En mars - avril 1916, aux 5 - 6 - 1 rue d’Aumale à Eu ; En août 1916, 1 rue du Tréport à Eu. Après guerre, ils reviendront à Dunkerque. La rue des Pierres serait devenue quelques années plus tard, la rue du Maréchal French (1852-1925, commandant des troupes britanniques en France en 1914 et 1915). « Grand-mère » demeurait quant à elle à Gravelines. Maurice était né en 1890 au domicile de ses parents au 35 rue des Pierres à Dunkerque.

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Lettre du Dimanche 3 octobre 1915 de René Lambrecht à ses parents

René Lambrecht Sous-lieutenant 310ème Régiment d’Infanterie 17ème compagnie Secteur postal 134

à

Maurice Lambrecht 75 rue d’Ecosse Dieppe Seine Inférieure

Dimanche 3 octobre Bien chers Parents, Je suis de cœur et de pensée auprès de vous et je vous aime de tout cœur. Dans la longue et dure épreuve de cette séparation, au milieu des dangers et des risques de cette guerre ma pensée affectueuse va vers vous et vers mon cher petit Maurice. Votre souvenir me donne toujours le courage et l’espérance et je suis sûr que vous m’aidez de vos plus ferventes prières qui attireront sur nous la grâce du bon Dieu et la protection de la Sainte Vierge. Mille baisers affectueux de votre René

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René Lambrecht, au centre Maurice Lambrecht, à droite ( ?)

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Lettre du Lundi 4 octobre 1915 de René Lambrecht à ses parents

René Lambrecht Sous-lieutenant 310ème Régiment d’Infanterie 17ème compagnie Secteur postal 134

à

Monsieur Lambrecht 75 rue d’Ecosse Dieppe Seine Inférieure

Lundi 4 octobre Bien chers Parents, Mon cœur est toujours auprès de vous et je sens comme jamais combien je vous aime. Soyez sûrs qu’au milieu de tous les risques de la guerre mon affection pour vous aura toujours été se fortifiant et que votre souvenir et celui de mon cher petit Maurice aura toujours animé mon cœur. Espérons qu’après ces jours d’épreuves le bon Dieu nous réserve le bonheur de nous retrouver pour nous aimer bien tendrement. En tout cas aimons-Le et acceptons sa sainte volonté et que l’affection qui nous unit demeure toujours plus forte que toutes les vicissitudes de la vie. Mille baisers tendrement affectueux de votre René

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Les 310ème et 208ème régiments d’infanterie dans lesquels a servi René Lambrecht 310ème Régiment d’Infanterie (René y a servi de 1914 jusque vers avril 1916) 1914 Charleroi : Onhaye Les opérations de l’aile gauche : Voulpaix Bataille de la Marne (6-13 sept) : Marais de Saint-Gond 1915 Offensive de la 4ème Armée en Champagne : Mont Spin (mai), Tranchée du Vampire (7-9 mai) 1916 Bataille de Verdun : reprise des forts de Douaumont et Vaux Avocourt (26 juin-4 juil), Mort-Homme (août), Côte 304 (28-29 déc) 208ème Régiment d’Infanterie (René y a servi de mai 1916 environ jusqu’à sa mort en juillet 1916) Casernement en 1914 : Bastia 1914 Les opérations de l’aile gauche : Voulpaix Bataille de la Marne (6-13 sept) : Marais de Saint-Gond 1915 Bataille de Champagne : Souain (25-30 sept), Somme-Py 1916 Bataille de Verdun : Beaumont, Bezonveaux Bataille de la Somme : Bois étoilé, Vermandovillers (juil-août) 1917 Offensive de l’Aisne. Offensive de Flandres (juil-oct) 1918 Aisne : Le Sépulcre, offensive de l’Ourcq (18 juil) Au moment de la bataille de la Marne 5èmé Armée : Général Franche d’Esperey (3 sept 1914 au 31 mars 1916) 10ème Corps d’armée (CA) : Général Desforges, Chef d’Etat-Major Colonel Paulinier prêté à la 9ème Armée du Maréchal Foch pour la bataille de la Marne 51ème Division de Réserve (DR) : Général Boutegourd, Chef d’Etat-Major Lieutenant-Colonel Huguenot 102ème Brigade composée des 208ème, 273ème, 310ème Régiments d’Infanterie (RI) : Général Leleu Le 310ème RI est le régiment de réserve du 110ème RI

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Lettre du Mardi 5 octobre 1915 de René Lambrecht à son frère Maurice

René Lambrecht Sous-lieutenant 310ème Régiment d’Infanterie 17ème compagnie Secteur postal 134

à

Maurice Lambrecht Sous-lieutenant 4ème section de parc Secteur postal 149

Mardi 4 octobre Mon bien cher petit Maurice, Je t’envoie mes baisers affectueux et je te redis combien je t’aime. Prie bien pour moi afin que le bon Dieu me protège et m’accorde sa grâce au milieu de tous les périls de la guerre. Je suis, mon petit Maurice, maintenant comme par le passé et toujours Ton René qui t’aime plus que la vie.

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Les 46ème et 29ème régiments d’artillerie et le 2ème corps d’armée dans lesquels a servi Maurice Lambrecht 46ème Régiment d’Artillerie de Campagne (RAC) fait partie de la 3ème Armée (Généraux : Ruffey, Sarrail puis Humbert), 6ème Corps d’Armée 29ème Régiment d’Artillerie de Campagne (RAC) fait partie de la 4ème Armée (Généraux : de Langle de Cary, Gouraud, Fayolle, Roques, Anthoine puis Gouraud), 2ème Corps d’Armée (Général Philipot) 1915

Bataille de Champagne : Auberive (25-30 sept)

1916

Bataille de la Somme : Rancourt, Belloy-en-Santerre, Villers-Carbonnel (14 oct)

2ème Corps d’Armée (Amiens) Comprend les départements de l’Aisne, de l’Oise et de la Somme Troupes : 3ème et 4ème divisions d’infanterie (Amiens et Compiègne), 2ème brigade de cavalerie, 2ème brigade d’artillerie

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Lettre du Mardi 5 octobre 1915 de René Lambrecht à ses parents

René Lambrecht Sous-lieutenant 310ème Régiment d’Infanterie 17ème compagnie Secteur postal 134

à

Monsieur Lambrecht 75 rue d’Ecosse Dieppe Seine Inférieure

Mardi 5 octobre Bien chers Parents, Je vous envoie mes affectueux baisers et vous redis combien je vous aime. Priez bien pour moi que le bon Dieu me protège et m’accorde sa grâce au milieu de tous les périls de la guerre. Je suis de tout cœur maintenant comme par le passé lointain de l’enfance et toujours Votre petit René

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L’autre frère, Charles Jamais dans aucune lettre recueillie, il n’est fait allusion à l’autre frère, « Charles René Maurice », âgé de 30 ans au début de la guerre et décédé à Bourbourg (Nord) le 29 avril 1918 à l’âge de 34 ans (hospitalisé suite à un accident ?).

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Lettre du Samedi 9 octobre 1915 de René Lambrecht à ses parents

René Lambrecht

à

Monsieur Lambrecht

Samedi 9 octobre Bien chers Parents, Je suis toujours solide à mon poste et en bonne santé. Il faut remercier le bon Dieu de m’avoir protégé à toute heure pendant ces jours passés et prier pour que sa protection demeure sur nous et si telle est sa volonté, que nous ayons le bonheur de nous retrouver tous quatre après l’épreuve. Je vous aime de tout mon cœur et vous prodigue mes baisers affectueux. Votre René

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Franchise militaire et cartes postales La première guerre mondiale va constituer l’âge d’or de la carte postale en franchise militaire. Deux décrets d’août 1914 établissent la gratuité du service postal aux militaires mobilisés puis autorisent la fabrication de cartes spéciales. L’Imprimerie Nationale réalisa, tout au long du conflit, des modèles à grande diffusion répartis sur tout le front à raison de 450.000 exemplaires par jour. On imprima 132 types de cartes différents (sans compter les modèles privés) et à mesure que la guerre s’éternisait, on célébra l’arrivée de nouveaux alliés en accroissant le nombre de drapeaux figurant sur celles-ci.

Source : Images de Poilus, François Pairault, Tallandier, 2002

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Lettre du Mardi 12 octobre 1915 de René Lambrecht à ses parents

René Lambrecht Sous-lieutenant 310ème Régiment d’Infanterie 17ème compagnie Secteur postal 134

à

Monsieur Lambrecht 75 rue d’Ecosse Dieppe Seine Inférieure

Mardi 12 octobre Bien chers Parents, Je vous prodigue mes baisers tendrement affectueux. Ma santé est toujours bonne et je supporte courageusement toujours cette longue campagne avec confiance en Dieu et en demeurant de cœur avec vous et mon petit Maurice. Votre René

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Les permissions Les permissions sont décrétées par le Ministère de la Guerre au milieu de 1915 et laissées à l’appréciation des Chefs de Corps. Des cas spéciaux sont prévus pour convalescence des blessés et pour travaux agricoles, car la main d’œuvre des champs s’est rapidement révélée insuffisante, provoquant une chute des récoltes essentielles. En 1917, la rudesse des combats des premières années, les lourdes pertes humaines, la guerre qui se prolonge, l’échec de l’offensive de Nivelle en avril, les dissensions au sein de l’armée française, certains refus de permissions affaiblissent le moral et favorisent les révoltes et mutineries au sein des troupes, ainsi que de nombreux mouvements pacifistes et de grèves tant parmi les civils que les soldats. Des changements politiques et militaires s’en suivent : Aristide Briand démissionne, Robert Nivelle est limogé le 15 mai 1917, il est remplacé par Philippe Pétain qui devient commandant en chef des armées. Après une tournée des cantonnements, ce dernier assouplit les réglementations afin de soutenir le moral des soldats. Il veille à l’amélioration des conditions matérielles et de ravitaillement, au respect des périodes de repos et à la reprise des permissions avec un rythme plus soutenu, dès juin 1917. Cependant, leur organisation ne se fera pas sans difficultés, les trains et gares étant vite surchargés. Source : 14-18, Le magazine de la Grande Guerre, n°16, oct./nov. 2003

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Lettre du Jeudi 14 octobre 1915 de René Lambrecht à ses parents

René Lambrecht Sous-lieutenant 310ème Régiment d’Infanterie 17ème compagnie Secteur postal 134

à

Monsieur Lambrecht 75 rue d’Ecosse Dieppe Seine Inférieure

Jeudi 14 octobre Bien chers Parents, Je suis toujours en excellente santé et vous envoie mes baisers tendrement affectueux. Prions Dieu et la Sainte Vierge de veiller sur nous jusqu’au bout et j’espère bien dans quelques semaines, les permissions rétablies, avoir le bonheur de passer quelques jours avec vous. Votre René

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Lettre du Vendredi 22 octobre 1915 de Maurice Lambrecht à ses parents

Maurice Lambrecht

à

Monsieur Lambrecht

Vendredi 22 octobre Bien chers Parents, Je vous envoie mes bons baisers. J’ai reçu hier votre lettre et le Morning Post. Bien entendu je n’attends plus maintenant des nouvelles de René. J’espère aller le revoir demain ou après-demain. Vous avez probablement reçu notre lettre que nous avons écrite en commun après avoir déjeuné ensemble René parlait de repartir à nouveau en permission. J’espère que son désir va se réaliser et qu’il nous reviendra pour quelques jours en apportant les bons baisers dont je vais le charger. Bon courage. Je vous embrasse tous les deux du fond du cœur. Votre Maurice

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Maurice Lambrecht ( ?), devant au centre

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Lettre du Mercredi 17 novembre 1915 de Maurice Lambrecht à ses parents

Maurice Lambrecht Sous-lieutenant 2ème Batterie 29ème Régiment d’Artillerie Secteur postal 36

à

Monsieur Lambrecht 75 rue d’Ecosse Dieppe Seine Inférieure

17 novembre Bien chers parents J’ai été bien heureux d’apprendre aujourd’hui par un petit mot de René daté du 15 qu’il venait passer quelques jours avec vous. Je suis de cœur avec vous trois et de moitié dans le bon baiser que René vous donnera pour moi comme je prends ma part des bons baisers que vous donnerez à notre fantassin. Je vous écris presque tous les jours mais n’allez pas vous alarmer si j’en suis un jour empêché pour une raison ou une autre. Passez ensemble quelques bonnes journées. Ces jours de permission sont les plus doux souvenirs de la campagne et sûrement sont au nombre des beaux jours de notre vie. Je vous embrasse de toute mon âme. Votre Maurice

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Lettre du Mercredi 22 décembre 1915 de Maurice Lambrecht à son frère René

Maurice Lambrecht Sous-lieutenant 2ème Batterie 29ème Régiment d’Artillerie Secteur postal 36

à

René Lambrecht Sous-lieutenant 310ème Régiment d’Infanterie 17ème compagnie Secteur postal 134

Mercredi 22 Mon très cher René Bien sûr comme toi je me suis dit quel dommage que les circonstances nous aient été tout à coup défavorables quand nous aurions pu nous voir si facilement. Quels bons moments nous aurions passés ensemble. J’interprète le village que tu m’as donné xxxxxx le 17 comme étant celui du repos. Il y a intérêt à être toujours précis. Au groupe on parle de repos pour les premiers jours de janvier. Demain je vais aux tranchées ; jeudi je songerai à un moyen de nous voir. Malgré de fâcheux contre-temps gardons bon courage et espérons que Dieu nous protégera jusqu’au bout. Quoiqu’il arrive sois sûr que ton affection a été une des meilleures choses de ma vie passée et est encore le plus doux espoir de bonnes heures dans l’avenir. Je t’embrasse du fond du cœur. Maurice

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Lettre du Dimanche 26 décembre 1915 de Maurice Lambrecht à son frère René

Maurice Lambrecht Sous-lieutenant 2ème Batterie 29ème Régiment d’Artillerie Secteur postal 36

à

René Lambrecht Sous-lieutenant 310ème Régiment d’Infanterie 17ème compagnie Secteur postal 134

Dimanche 26 décembre Mon très cher René Tu te désoles peut-être en ne me voyant pas arriver ? Tu sais que les jours de fête, les périodes où il y a des fêtes ne sont pas toujours des jours de calme. Tu as du entendre du reste le tintamarre de la nuit de Noël. Le capitaine est parti ce matin pour 15 jours ce qui rendra peut-être mon excursion encore plus difficile. Mais l’idée de repos se confirme, ce serait pour le commencement de janvier et vers le Nord. Comptes-tu aller au repos régulièrement tous les 12 jours. Bon courage. Je t’embrasse et malgré les difficultés je n’ai pas encore perdu tout espoir pour cette période. Ton Maurice

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Verdun 21 février au 18 décembre 1916 La lettre ci-contre a été écrite après la première semaine de la bataille de Verdun. Extrait du livre de Pierre Miquel, Les Poilus « … Les bataillons, les compagnies attaquent dans le désordre. Le 310ème de Dunkerque marche toute la nuit pour prêter main-forte à un bataillon du 208ème de SaintOmer, très malmené. Un bataillon du 327ème de Valenciennes s’amalgame au débris du 208ème. Plus d’unités, de PC, d’ordres, de cartes de guerre… … Les Français se regroupent dans le plus grand désordre. Les officiers sont morts. Ceux qui survivent rassemblent à peine 15 compagnies au bois de Chaume, provenant de 4 régiments décimés, ceux des ch’timis qui ont subi les premiers assauts. » Source : Les Poilus, Pierre Miquel, Editions Plon, 2000

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Lettre du Mercredi 1er mars 1916 de René Lambrecht à son frère Maurice

René Lambrecht

à

Maurice Lambrecht

Mercredi 1er mars Mon bien cher Maurice, Je t’envoie mes tendres et fraternels baisers. J’ai bien pensé à toi en tous ces temps-ci et à nos chers parents. Je sens comme jamais combien je t’aime et que si la vie qui m’est laissée une fois de plus à pour moi quelque prix, c’est que j’y retrouve ta douce et forte affection. Nous sommes maintenant complètement hors de la fournaise où la semaine dernière nous avons senti le premier choc allemand, la plus formidable avalanche de grosse artillerie de toute la guerre. Nous avons du reculer de position en position jusqu’à l’arrivée de sérieux renforts. La division a été étrillée d’importance ; il ne reste plus assez d’hommes pour reconstituer les compagnies ; on en forme une seule avec plusieurs anciennes. Mais on est très content de la façon dont nous avons tenu et ( ??) à de gros renforts d’arriver de partout à la fin de la semaine et maintenant encore il en arrive toujours. Des officiers du régiment nous nous retrouvons quelques rescapés. Maintenant nous irons davantage encore vers l’intérieur et nous pourrons nous y reposer bien loin des champs de bataille. Ce qui m’attriste le plus, c’est d’avoir perdu de bons camarades et de bons soldats. Cette bataille qui continuera longue, je crois, et la plus formidable qu’on ait jamais vue restera j’en suis sûr un échec pour les allemands, peut-être même se changera-t-elle en une victoire offensive pour nous. Espérons en tout cas que la paix en sera hâtée et qu’après de telles journées il nous sera donné de retrouver le calme d’une vie douce et paisible, le jour de nous retrouver. Je prie Dieu et la bonne Vierge de te protéger. Qu’ils nous réunissent une jour au foyer familial retrouvé, bientôt je l’espère. Ton René. Je me demandais toujours ce qui se passait dans ton secteur. Maintenant je lis les journaux pour le savoir. Sois rassuré sur mon compte et envoie moi souvent un petit mot qui me rassure.

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Des petits surnoms Muttre

Maman

Patsche

Papa

Moriche

Maurice

Albertche

Albert

« Grand-mère » Justine Dorothée Beckandt tombe malade …Elle décèdera le 15 avril 1916 à l’âge de 96 ans. « Muttre et Patsche » Marie Caroline DEVOGHEL et Albert Constant LAMBRECHT, les parents de René et Maurice LAMBRECHT

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Lettre du Mardi 28 mars 1916 de Maurice Lambrecht à ses parents

Maurice Lambrecht Sous-lieutenant 2ème Batterie 29ème Régiment d’Artillerie Secteur postal 36

à

Monsieur Lambrecht Poste restante Gravelines 18 rue des pierres Dunkerque, Nord 5 rue d’Aumale Eu, Seine Inférieure

Mardi 27 Bien chers Parents, J’ai été très heureux de recevoir de vos nouvelles aujourd’hui, de vous savoir près de grand mère qui a dû être si heureuse de vous voir. Embrassez la bien pour moi, dites lui bien de moriche lui envoie ses bons baisers, qu’il pense bien à elle et qu’il a confiance en ses bonnes prières. Qu'elle m’envoie de loin sa bénédiction et qu’elle embrasse patsche pour moi et René. Quant à vous deux bon courage mais pas d’imprudence, pas de fatigue ou de surmenage. Etes-vous à peu près bien installés ? Surtout que mère se soigne bien. Je suis content de vous savoir près de cette bonne grand mère, de savoir qu’elle a vu son fils albertche. Comme elle devait être heureuse ! Mes bons baisers pour vous tous, pour ma chère muttre, mon brave patsche et ma bonne grand maman. Votre Maurice

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La santé de « Grand-mère » s’aggrave JMJ Monsieur et Madame Lambrecht, J’espérais vous voir Dimanche et ne vous voyant venir je suis un peu inquiète car depuis ce temps bien des choses se sont passées à Dunkerque. Je crains qu’il vous soit arrivé quelque chose de fâcheux ; ou bien auriez-vous repris la route de Dieppe. Quand à Mme votre mère il n’y a pas d’amélioration elle diminue chaque jour. J’espère que vos deux chers enfants donnent toujours de bonnes nouvelles. Mme Lambrecht a du avoir bien peur. Enfin prions afin que le bon Dieu daigne bientôt mettre fin à ce terrible fléau et dans l’attente de vous lire Recevez Mr et Mme Lambrecht l’assurance de mon parfait dévouement. Sr Ste Rose de Jésus Gravelines 6 avril 1916

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Lettre du Mercredi 29 mars 1916 de Maurice Lambrecht à son frère René

Maurice Lambrecht Sous-lieutenant 2ème Batterie 29ème Régiment d’Artillerie Secteur postal 36

à

René Lambrecht Sous-lieutenant 310ème Régiment d’Infanterie 17ème compagnie Secteur postal 134

29 mars Mon cher René Je t’envoie mes bons baisers. J’ai reçu des nouvelles de patsche et de muttre qui sont à Gravelines près de grand-mère. J’espère que cette bonne grand-maman va se remettre de ce malaise toujours grave à son âge et que bientôt nous la retrouverons au milieu de nous dans la joie et la paix. Je t’embrasse bien fort de tout mon cœur. Ton Maurice

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Le tabac Sur le front, le tabac (« perlot ») et l’alcool (« gnôle ») aident à tromper la peur et l’ennui, tout comme les cartes ou les dés. L’armée distribue du tabac à fumer appelé « Scaferlati », ou encore « caporal ordinaire », « gros cul » ou « perlot ». Chaque jour, 75 tonnes de tabac partent en fumée, soit 27 millions de tonnes par an. Une telle consommation conduit d’ailleurs à des difficultés d’approvisionnement. Peu à peu, la cigarette est supplantée par la pipe, moins fragile, continuant plus longtemps à fumer et permettant de se réchauffer les mains l’hiver. Dans les tranchées, un artisanat se développe autour du tabac : tabatières, pots à pipe, porte allumettes, cendriers…, fabriqués avec des douilles, cartouches découpées, boutons d’uniformes allemands, aluminium de fusée fondu… Source : 14-18, Le magazine de la Grande Guerre, n°16, oct./nov. 2003

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Lettre du Lundi 3 avril 1916 de Maurice Lambrecht à ses parents

Maurice Lambrecht Sous-lieutenant 2ème Batterie 29ème Régiment d’Artillerie Secteur postal 36

à

Monsieur Lambrecht 18 rue des pierres Dunkerque, Nord 5 rue d’Aumale Eu Seine Inférieure

Lundi 3 Bien chers Parents, J’ai reçu tous vos bons colis, les deux boîtes de cigares me sont arrivées hier. Nous fumerons les londxeites ( ??). Je suis heureux de pouvoir de temps en temps offrir un cigare aux hommes et aux officiers. Les nouvelles assez bonnes de grand-mère m’ont tant fait plaisir. Cette bonne grand-mère comme dit René qui a tellement vu, elle est d’un ciment tellement résistant que nous pouvons à la grâce de Dieu garder l’espoir de la revoir. Bon courage. Père me parle de ne pas rester à Dunkerque. Faites ce qui est le mieux mais je l’approuve complètement quand il parle d’assurer votre tranquillité. Tout va bien. J’ai passé hier un bon dimanche couché sur le dos dans l’herbe sous une voûte de jeunes feuilles naissantes avec le chant des oiseaux et la bonne chaleur des premiers rayons de soleil. Rôti, pommes frites, poulet, cigares voilà le repas d’un vrai poilu. Le jeune camarade arrivé à la batterie a apporté un joli fox qui est très amusant. Bon courage. Je vous embrasse de tout mon cœur. Votre Maurice

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Le Petit Parisien Journal fondé par Louis Andrieux dans les années 1870-80. Au moment de l’armistice du 11 novembre 1918, le journal « Le Petit Parisien » détient le record mondial de tirages, avec 3 millions d’exemplaires. A la veille de la seconde guerre mondiale, le tirage est de 1,5 million d’exemplaires.

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Lettre du Mercredi 5 avril 1916 de Maurice Lambrecht à ses parents

Maurice Lambrecht Sous-lieutenant 2ème Batterie 29ème Régiment d’Artillerie Secteur postal 36

à

Monsieur Lambrecht 18 rue des pierres Dunkerque, Nord 5 rue d’Aumale Eu Seine Inférieure

Mercredi 5 avril Bien chers Parents, Je vous envoie mes très affectueux baisers. Je ne sais pas si ma lettre vous arrivera directement car j’ai vu dans le Petit Parisien que ces sales Boches étaient venus jeter des bombes, ce qui vous a probablement décidé à avancer votre départ. Bon courage. J’espère que vous n’avez pas été trop saisis et que vous avez pris toutes les précautions. J’attends de vos bonnes nouvelles et de bonnes nouvelles de grand mère. Je vous embrasse de tout mon cœur. Votre Maurice

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« Grand-mère » meurt le 15 avril 1916 à l’âge de 96 ans Télégramme de Sr Ste Rose de Jésus Clé Monsieur Lambrecht Rue d’Aumale 1 Eu En Gravelines N° 23 Mots 15 Dépôt le 15 à 9 h Mère décédée lettre suit gravelines 15 avril Sr rose

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Lettre du Jeudi 6 avril 1916 de Maurice Lambrecht à ses parents

Maurice Lambrecht Sous-lieutenant 2ème Batterie 29ème Régiment d’Artillerie Secteur postal 36

à

Monsieur Lambrecht 18 rue des pierres Dunkerque, Nord 6 rue d’Aumale Eu Seine Inférieure

Jeudi 6 avril Bien chers Parents, Je vous envoie mes affectueux baisers en embrassant bien fort ce brave patsche dont c’est la fête aujourd’hui. J’espère que sa prochaine fête nous trouvera tous réunis et que je pourrai le serrer dans mes bras du même cœur et avec la même affection mais de plus près et avec une joie sans mélange. Ma santé est bonne. Je me suis fait enlever ma racine ancienne qui a un peu résisté mais le dentiste en a eu raison. J’ai reçu par Jonckere votre boîte de bons cigares. J’en ai maintenant pour quelques temps. Pour le prochain paquet attendez que je vous donne les indications. J’ai vu que Claude Beck avait été tué le 22 février. Et grand-mère ! Je crois et j’espère qu’elle continuera à se rétablir parfaitement. Bon courage. Je vous serre tous les deux contre mon cœur. Votre Maurice

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Lettre du Samedi 29 avril 1916 de Maurice Lambrecht à son frère René

Maurice Lambrecht Sous-lieutenant 2ème Batterie 29ème Régiment d’Artillerie Secteur postal 36

à

René Lambrecht Sous-lieutenant 310ème Régiment d’Infanterie 17ème compagnie Secteur postal 134

29 avril Très cher René Merci bien de tes belles cartes qui m’ont fait voir que tu n’étais pas trop mal ; du reste je ne peux me plaindre. Les bois en ce moment sont superbes, enchantés. Ton hamac pend auprès de ma cagna à deux branches bien souples et j’y vais rêver, fumer, lire… ; de petits sifflements me font parfois malheureusement descendre en vitesse dans la cave. Je t’embrasse de tout mon cœur. Ton Maurice

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René est mort… Fiches du Ministère de la Défense sur les morts pour la France

Source : Site Internet « Mémoire des hommes », http://www.memoiredeshommes.sga.defense.gouv.fr Morts pour la France de la Guerre 1914-1918 Edité le 12 novembre 2003

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Lettre du Samedi 29 juillet 1916 de Maurice Lambrecht à ses parents

Maurice Lambrecht

à

Monsieur Lambrecht

1 29 juillet Très chers Parents, Je viens de recevoir une lettre du major ( ??) du 208, un des camarades de René. Vous savez déjà la fatale nouvelle qu’elle m’apportait. Ma douleur est trop grande. Je ne puis que pleurer avec vous mon pauvre René qui fut mon meilleur et mon plus cher compagnon de toute ma jeunesse. Comme il n’était pas très loin de moi le commandant me permet d’aller reconnaître sa tombe. J’irai pour nous trois faire une bonne prière sur la terre qui le recouvre et lui dire un dernier adieu. Bon courage. Priez pour lui Dieu et la Vierge et faites dire une messe à sa mémoire. Mes pauvres parents du courage et de la résignation pour tout ce qui est arrivé et pour tout ce que l’avenir nous réserve. Je vous serre tous les deux contre mon cœur. Votre Maurice

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Les décorations : la Croix de guerre 1914-1918 La Croix de Guerre 1914-1918 a été créée par la loi du 8 avril 1915. Elle commémore les citations individuelles ou collectives pour faits de guerre et récompense les militaires mais également les civils. Ruban : vert avec liseré rouge à chaque bord et comptant 5 bandes rouges verticales. Médaille : croix en bronze florentin, à 4 branches avec entre elles 2 épées croisées. A l’avers, au centre, une tête de la République coiffée d’un bonnet phrygien ornée d’une couronne, avec la légende « République française ». Au revers, à l’origine mention « 1914-1915 », puis la guerre se prolongeant, ce millésime fut successivement modifié et remplacé par « 19141916 » « 1914-1917 » « 1914-1918 ». Le 18 octobre 1917, elle fut attribuée pour le première fois à une ville, à l’initiative du ministre de la guerre, Paul Painlevé. Il s’agit de la ville de Dunkerque. Source : Site Internet www.defense.gouv.fr

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Lettre du Lundi 31 juillet 1916 de Maurice Lambrecht à ses parents

Maurice Lambrecht

à

Monsieur Lambrecht

3 Lundi 31 Mes très chers Parents, C’est pour moi une douce consolation d’avoir vu hier les camarades de René ; tous m’en ont tellement dit du bien, ils partageaient réellement tous un peu ma peine que cette pénible journée m’a apporté une lueur de réconfort. Tous ses amis et son commandant m’ont dit combien ils l’aimaient et la part qu’ils prenaient à ma peine et à la vôtre ; chaque fois que je ne serai pas trop loin d’eux j’irai les voir pour parler de mon cher René. Ils l’appelaient le philosophe et avaient du plaisir à voir la moitié de sa cantine occupée par des bouquins. Tous disent que c’était un saint, un véritable croyant sans ambition d’honneur et de fortune ; il allait souvent aux églises ou à la messe avec son camarade Brouta. J’ai pris hier avec moi un de ses livres de prière et sa croix de guerre. J’ai vu dans sa cantine toutes ses photographies, ses livres, ses lettres qui seront les plus chers souvenirs de ma vie tant que Dieu me la laissera ; cette cantine sera je crois expédiée à Dunkerque. Tout a été recueilli et rangé avec soin par ses camarades qui m’ont dit avoir fait la besogne la plus pénible pour eux de cette guerre. Dieu malgré nos prières l’a retiré de la lutte, l’a délivré des misères et des angoisses de cette rude vie qu’il menait depuis deux ans ; pleurons notre cher René mais ne maudissons pas sa volonté. …/…

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René est mort… Le Nord Maritime du lundi 21 juillet 1916 Le Nord Maritime « Journal de Dunkerque et des Ports du Littoral » DUNKERQUE Mort pour la Patrie Le lieutenant René Lambrecht C’est avec émotion que nous avons appris que notre concitoyen René Lambrecht, lieutenant au …ème d’infanterie est mort glorieusement sur le front de la Somme, le 20 juillet 1916. C’était un officier aussi vaillant que modeste. Parti, depuis le début des hostilités, avec un de nos régiments d’élite, ce jeune chef avait su, par sa bravoure, son affabilité, sa bonté, acquérir aussitôt l’admiration de ses supérieurs, l’affection de ses camarades et de ses soldats. Pour tous c’était un ami qui, dans les moments les plus difficiles et aux heures les plus périlleuses, savait, par son calme, sa confiance et sa bonne humeur, soutenir le courage de ceux qui l’entouraient… En récompense de sa belle conduite sur les champs de bataille de Belgique, de Champagne, de Verdun, il était décoré de la Croix de guerre. Atteint par un obus, il est mort en héros, au moment de partir à l’attaque, dans le secteur de X… Ce jeune homme, à l’intelligence haute, au cœur loyal et bon, était, avant la guerre un des brillants lauréats de la Sorbonne : diplômé des Hautes-Etudes philosophiques, licencié ès-lettres et ès-sciences, ses professeurs, qui l’affectionnaient particulièrement, avaient mis en lui leurs plus grandes espérances. Comme beaucoup de ses compagnons d’études il a fait courageusement le sacrifice de sa vie pour soutenir les belles idées de Droit, de Justice et de Liberté. Son nom, entouré de l’auréole de la gloire, restera à jamais gravé dans le Livre d’or de l’Université de France. Que les témoignages de sympathie de ses nombreux amis adoucissent la douleur de ses bons parents et de son frère, autre vaillant officier, qui, lui aussi, est sur le front depuis les premiers jours de la guerre. Nous prions M. et Mme Albert Lambrecht, si estimés en notre ville, ainsi que M. Maurice Lambrecht, lieutenant au 29° régiment d’artillerie, d’agréer l’assurance de nos sincères condoléances. – Amicus.

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…/… J’ai une lettre, une petite carte du 20 qu’il doit avoir écrit la nuit qui a précédé l’attaque du 19 au 20. Ses camarades m’ont dit que la veille de l’attaque il avait lu et écrit ; qu’il ne s’était pas beaucoup couché ; ils avaient ri et plaisanté comme de coutume. Cependant René leur avait dit à eux qui étaient plus jeunes dans le métier j’ai bonne confiance mais à force de monter à l’assaut on finit par y être touché ; toujours il a conservé son calme. Le matin avant l’attaque à 7 heures ses camarades me disent qu’il était admirable et qu’il a trouvé non peut être pas la mort des héros dont on parle dans les journaux mais la mort du juste ; celle de l’homme droit qui a fait son devoir. Je vous embrasse tous les deux, je vous serre contre ma poitrine que la douleur oppresse depuis deux jours, je pleure avec vous mon René qui était ce que j’avais de plus cher au monde mais je ne voudrais pas cependant que vous vous découragiez. Priez bien Dieu et la Vierge dont il me parle dans sa dernière lettre et qui lui ont déjà donné le repos et la tranquillité qu’il souhaitait tant. Bon courage mes chers parents, cher patsche et chère muttre que j’aime et que je bénis et qui restent toute mon affection sur la terre. Votre Maurice

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René est mort… Rapport sur la façon de servir du Lieutenant Lambrecht 1er Corps d’Armée 2ème Division 110ème Régt d’Infanterie

Dunkerque, le 11 avril 1920 Rapport du chef de Bataillon LUSSIEZ du 110ème Régiment d’Infanterie sur la façon de servir du Lieutenant Lambrecht, tué le 20 juillet 1916

Le Chef de Bataillon LUSSIEZ a eu sous ses ordres directs le Lieutenant LAMBRECHT, au 310ème et au 208ème R.I. C’était un des officiers de la Compagnie, au départ en campagne le 2 août 1914 : il a donc pu l’apprécier complètement. Le Lieutenant LAMBRECHT était un excellent officier, d’un caractère toujours égal, toujours prêt à marcher, d’un calme extraordinaire sous le feu, ne songeant jamais au danger, s’occupant de ses hommes avec la plus grande sollicitude, estimé de ses Chefs, adoré de ses inférieurs. Le Lieutenant LAMBRECHT a pris part à la défense de la Meuse en Belgique, à HENAGIMONT le 24 août 1914, à la bataille de VOULPAIX (GUISE) le 30 août, à la bataille de la MARNE, à la défense de VILLERS-FRANQUEUX (près de REIMS) à la fin de septembre au affaires d’HEBUTERNE, en juin 15, à l’attaque des 2èmes positions de CHAMPAGNE près de Souain le 6 octobre, à la défense de Verdun du 21 au 27 février 16, et enfin à l’attaque du 20 juillet 16 sur SONECOURT-VERMANDOVILLIERS dans la Somme. C’est au début de cette attaque, dans la parallèle de départ, que le Lieutenant LAMBRECHT fut atteint d’un éclat d’obus qui lui emporta le bras. Avec son calme habituel, il se dirigea sur le poste de secours, lorsqu’un obus éclata à ses pieds, le tua net. Le Lieutenant LAMBRECHT a pendant ses deux ans de présence au front toujours donné le plus bel exemple de sacrifice et de dévouement. En maintes occasions, il a fait preuve du plus grand courage. Le Chef de Bataillon estime qu’il a bien mérité la Croix de la Légion d’Honneur. Signé : LUSSIEZ

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Lettre du Mardi 1er août 1916 de Maurice Lambrecht à ses parents

Maurice Lambrecht

à

Monsieur Lambrecht

4 1er août Mes bien chers Parents, Nous continuons à mener ici cette même vie de sauvage depuis notre arrivée. Je me demande bien souvent si tout ce qui se passe est une réalité ou un mauvais rêve. Je me demande s’il est vrai que mon cher René ait été enlevé dans cette tourmente. Je ne puis me mettre ça dans la tête et je vais, je viens, je dors bien, je mange je suis au milieu de mes hommes et je ne pense à rien au milieu de l’agitation. Vous n’avez pas comme moi la ressource de vous étourdir et de vivre dans une atmosphère surchauffée. Bon courage. J’attends de vos nouvelles. Je dis pas de vos bonnes nouvelles puisque ce que nous redoutions tant vient d’arriver. Soyez bien courageux et mettez toute votre confiance en Dieu. Je vous embrasse tous les deux du fond du cœur, je vous serre dans mes bras et vous demande d’être toujours vaillants, jusqu’au bout. Votre Maurice

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Lexique Poilu : Au 19ème siècle, le mot est employé au sens de « fort, courageux ». Passé dans l’argot militaire, il désigne un « homme brave ». dès l’été 1914, il qualifie les combattants français. Boche : Allemand Selon le linguiste Albert Dauzat, Allemand fut altéré en Allemoche, puis Alleboche ou Alboche, abrégé en Boche. Cagna : Abri, maison Origine annamite (Vietnam) : canha, paillote Cantonnement : Etablissement temporaire de troupes dans des lieux habités Ordonnance : Militaire mis à la disposition d’un officier pour son service personnel.

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Lettre du Samedi 5 août 1916 de Maurice Lambrecht à ses parents

Maurice Lambrecht

à

Monsieur Lambrecht

Samedi 5 Bien chers Parents, J’ai toujours de vos bonnes nouvelles qui heureusement arrivent plus vite que les miennes. Je suis aujourd’hui un peu fatigué mais je ferai sûrement ce soir une bonne nuit. Hier je me suis promené un peu plus que d’habitude et la température était assez tiède ; d’autant plus qu’il faut porter la bricole avec jumelle, sacoche, porte cartes, revolver, masque contre les gaz. Vous voyez que c’est déjà un joli barda. Bien entendu ce n’est pas encore le sac du fantassin. J’ai pu faire la photo de quelques têtes de Boches qui venaient de se faire choper. Je suis toujours content de mon appareil ; j’ai vu patsche au stéréotype il est très bien, très vivant ; vous avez sûrement gardé la plaque comme je vous l’avais demandé. Vous devez avoir reçu les indications que je vous ai données pour ma montre. J’ai presque envie de me faire faire un complet par le tailleur d’Eu qui a mes mesures, quelque chose d’assez léger pour l’été, un drap uni ou de la gabardine. Demandez lui de m’envoyer des échantillons avec les prix. Je lui enverrai ensuite toutes les indications avec la commande. Qu’il me les envoie le plus vite possible. Bon courage. Je suis heureux que les souvenirs de mon cher René ne se soient pas égarés. Je vous embrasse tous les deux de tout mon cœur. Votre Maurice

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« Muttre et Patsche » Caroline DEVOGHEL et Constant Albert LAMBRECHT, les parents de René et Maurice LAMBRECHT

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Lettre du Mercredi 9 août 1916 de Maurice Lambrecht à ses parents

Maurice Lambrecht Lieutenant 2ème Batterie 29ème Régiment d’Artillerie Secteur postal 36

à

Monsieur Lambrecht 1 rue du Tréport Eu Seine Inférieure

9 août Bien chers Parents, Je vous envoie mes bons baisers. Vos lettres m’arrivent régulièrement vous me demandez différentes choses mais la journée a été un peu chaude aujourd’hui et je vous écrirai plus longuement demain. Pour cette bonne femme de Caix je lui écrirai moi-même ; je compte du reste envoyer si tout va bien mon ordonnance qui m’a accompagné. La mort de Vanparys m’a fait bien de la peine ; j’avais pensé lui écrire et parler avec lui de son grand camarade, de son ami intime. Mais voilà qu’il est parti le rejoindre et qu’ils m’ont quitté tous les deux. Encore quelques temps et tous mes camarades auront disparu. Je prie Dieu de vous protéger et de vous consoler. Bon courage. Soyez toujours vaillants quoiqu’il arrive et jusqu’au bout. Gardons bonne confiance et que notre meilleur espoir soit de nous retrouver tous un jour là-haut. Je vous embrasse de tout mon cœur en demandant à Dieu de me donner le bonheur de pouvoir un jour vous serrer dans mes bras Votre Maurice

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Maurice Lambrecht, au fond, 2ème à partir de la gauche

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Lettre du Lundi 15 xx 19xx de Maurice Lambrecht à ses parents

Maurice Lambrecht

à

Monsieur Lambrecht

Lundi 15 Bien chers Parents, Mes lettres semblent maintenant vous arriver bien régulièrement. Les vôtres comme vos paquets me parviennent très rapidement, quelques jours, parfois même trois jours seulement. Dans les paquets j’ai comme je vous le disais trouvé tout à mon goût ; la montre se comporte bien, les cigarettes et cigares se dissipent en fumées. Au fond je trouve ces cigares-là meilleurs que ceux que j’avais emportés dans une même boîte « Le lieutenant » et qui portaient des bagues. J’attends les échantillons de notre tailleur pour lui commander une vareuse assez légère, un vêtement d’été. Je vous envoie dans cette lettre un mandat de 300 frs afin de ne pas garder trop d’argent en portefeuille. Bon courage. Je prie toujours bien Dieu de vous protéger et de vous consoler dans toutes les épreuves. Ma santé est bonne et j’attends les événements avec beaucoup de patience. Mes meilleurs et mes plus affectueux baisers. Votre Maurice

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Lettre du Mardi 22 août 1916 de Maurice Lambrecht à ses parents

Maurice Lambrecht Lieutenant 2ème Batterie 29ème Régiment d’Artillerie Secteur postal 36

à

Monsieur Lambrecht 1 rue du Tréport Eu Seine Inférieure

22 août Bien chers Parents, J’ai reçu votre paquet. Tout y était très bien ; (…) et flanelles me conviennent tout à fait. Je suis heureux des témoignages d’amitié et de sympathie qui vous arrivent de tous côtés ; je regrette de ne pouvoir écrire plus en ce moment ; bien souvent je vous envoie de mes nouvelles et puis c’est tout. Je vous embrasse tous les deux en vous serrant bien fort dans mes bras. Je demande à Dieu le bonheur de vous revoir et je me confie tout entier à lui pour tout ce qui peut arriver. Bon courage toujours et continuez bien à prier la bonne Vierge. Votre Maurice

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Lettre du Mercredi 30 août 1916 de Maurice Lambrecht à ses parents

Maurice Lambrecht Lieutenant 2ème Batterie 29ème Régiment d’Artillerie Secteur postal 36

à

Monsieur Lambrecht 1 rue du Tréport Eu Seine Inférieure

30 août Bien chers Parents, Je suis toujours grâce à Dieu en bonne santé. Je viens de recevoir une lettre très affectueuse de Marie Joseph ; il n’y avait rien de vous. J’attends avec patience pour demain. Dites moi si vous avez reçu les affaires de notre cher René ; ses livres et ce qu’il avait sur lui. Ce sont des reliques que je conserverai toute ma vie si je reviens. Soyez toujours bien confiants et bien courageux. Quand nous irons nous reposer un peu, mon tour de permission arrivera assez vite. Quelle joie de retrouver dans vos bras cette affection qui nous unissait tous les quatre et qui nous unit encore par delà la tombe. Votre Maurice

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Les aumôniers La loi du 5 mai 1913, qui avait organisé avec beaucoup de parcimonie l’existence des aumôniers militaires est vite dépassée : les 150 ministres du culte d’août 1914 sont très insuffisants pour l’immense tâche qui les attend. A la suite d’un appel au volontariat lancé par Albert Le Mun, personnalité catholique, leur nombre est décuplé. La plupart des aumôniers se rendent régulièrement aux tranchées, partagent le quotidien des combattants, célèbrent la messe, administrent les sacrements (eucharistie, confession, extrême onction). Ils disposent de valises chapelles, offertes par les fidèles. Certains sont devenus de véritables figures de légende comme l’abbé Thellier de Poncheville, aumônier de Verdun.

Source : La première guerre mondiale, Jean-Noël Grandhomme, Editions Ouest-France, 2002

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Lettre du Dimanche 8 octobre 1916 de Maurice Lambrecht à ses parents

Maurice Lambrecht Lieutenant 2ème Batterie 29ème Régiment d’Artillerie Secteur postal 36

à

Monsieur Lambrecht 1 rue du Tréport Eu Seine Inférieure

Dimanche 8 Bien chers Parents, Je vous envoie mes affectueux baisers. Vos lettres m’apportent toujours vos nouvelles ; je n’ai pas reçu confirmation de l’aumônier du 208 que ce que j’avais arrangé était fait. J’ai écrit au docteur Lefevre et attends des nouvelles. Bon courage. On ne peut plus rien dire du point de vue permissions. Attendons les événements avec confiance. Je vous embrasse de tout mon cœur. Votre Maurice

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Lettre du Mardi 24 octobre 1916 de Maurice Lambrecht à ses parents

Maurice Lambrecht Lieutenant 2ème Batterie 29ème Régiment d’Artillerie Secteur postal 36

à

Monsieur Lambrecht 1 rue du Tréport Eu Seine Inférieure

Mardi 24 Bien chers Parents, Je vous envoie de mes bonnes nouvelles. Je me suis sans trop de mal réhabitué à mon ancienne vie qui n’est pas trop dure pour le moment. Continuez à mener à Eu votre existence bien calme supportant avec patience et résignation votre chagrin et vos inquiétudes. Comme moi remettez tout entre les mains du bon Dieu et ne vous inquiétez plus davantage. Je n’ai aucune nouvelle du 208 aussi j’enverrai mon ordonnance voir au cimetière ; vous pouvez être tout à fait tranquilles tout sera arrangé aussi bien que possible. Bon courage. Je vous serre affectueusement dans mes bras. Votre Maurice

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Le courrier Tous les soldats écrivaient et le faisaient presque tous les jours quand ils le pouvaient. Ils écrivaient aux parents, aux amis, à l’épouse, sans toujours être sûrs que les lettres leur parviendraient ou qu’ils seraient encore vivants à ce moment. On était assoiffé de nouvelles, on voulait rassurer les siens sans trop raconter les dangers encourus et on désirait surtout ne pas être oublié. Il faut dire qu’avec la franchise militaire, cette correspondance avait l’avantage d’être gratuite. Le Bureau central de la poste militaire (BCM), situé au Conservatoire national de musique de Paris, recevait 4 millions de plis par jour et triait le courrier par division, à chacune desquelles était attribué un numéro particulier. Les officiers chargés de la censure procédaient par sondage pour dépister les indiscrétions. Il fallait donc écrire au crayon. Le courrier était « monté » et « descendu » par la vaguemestre.

Source : Images de Poilus, François Pairault, Tallandier, 2002

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Lettre du Jeudi 21 décembre 1916 de Maurice Lambrecht à ses parents

Maurice Lambrecht

à

Monsieur Lambrecht

Jeudi 21 décembre Bien chers Parents, Je regrette bien que la poste vous laisse parfois trois et quatre jours dans l’inquiétude. Mais en général soyez bien calmes. Il est inutile de s’agiter pour un jour ou deux sans nouvelles. Gardons bonne confiance jusqu’au bout en se disant bien que la mort n’est pas le plus grand de tous les maux. Je vous écrirai comme je vous écris toujours le plus souvent possible. Il pourrait se faire qu’il y ait quelques petits retards n’en soyez pas inquiets ; le vent qui souffle semble bon pour nous. Je suis toujours de cœur avec vous dans votre espérance et dans votre douleur et je vous serre bien fort entre mes bras en vous embrassant avec tout mon cœur. Votre Maurice

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Maurice Lambrecht, à droite

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Lettre du xx 4 janvier 19xx de Maurice Lambrecht à ses parents

Maurice Lambrecht

à

Monsieur Lambrecht

4 janvier Bien chers Parents, J’ai reçu votre lettre hier où vous me montrez que vous avez compris la chose telle qu’elle est. Tout le groupe c’est-à-dire les 3 batteries sont installées ici comme moi d’une façon princière. Les habitants sont très aimables et le pays est assez joli mais nous avons un temps détestable. Il ne pleut pas beaucoup mais toute la journée sans discontinuer tombe une petite pluie fine, froide et pénétrante. Heureusement nous avons pour nous protéger de bonnes habitations avec du feu. Ce matin j’ai tout de même fait une bonne promenade à cheval pour me détendre un peu les muscles. Je vous souhaite bon courage. J’espère pour vous aussi que ce sera en quelque sorte une détente et un repos de l’esprit. Ah si mon cher René pouvait me dire je suis dans un cantonnement à 30, 40 km de chez toi. Comme à son retour de Champagne, à son arrivée à Verdun que le cheval serait vite sellé ! Mais Dieu en a décidé autrement. Que pensez vous de l’augmentation du tabac ! C’est un coup dur dit le poilu. En ce moment je ne fume pas énormément c’est une période calme une dizaine de cigarettes par jour. Je vous embrasse tous les deux de tout mon cœur. Votre Maurice

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Carte d’identité militaire de Maurice Lambrecht

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Lettre du xx 5 janvier 1917 ou 18 de Maurice Lambrecht à ses parents

Maurice Lambrecht

à

Monsieur Lambrecht

5 janvier Bien chers Parents, Je vous envoie mes bons et affectueux baisers. Vous aviez parlé il y a quelques jours d’un changement de poste ; sans que je m’y attende un petit changement est survenu. De nouveaux officiers sont arrivés au groupe et le colonel a fait différents changements dans les affectations. Le chef d’escadron étant rentré le capitaine a repris la deuxième batterie ; quant à moi je suis nommé au groupe des échelons je ne suis plus aux batteries de tir je compte à l’état major et j’ai le commandement du personnel s’occupant des chevaux et des transports de munitions. Bien entendu je ne quitte pas le groupe, je reste avec tous mes camarades et des sous-officiers et des hommes que je connais déjà. Pour mon adresse vous pouvez continuer à mettre la même adresse. J’ai fait une belle promenade à cheval cet après-midi il a fait beau. Je vous embrasse tous les deux bien affectueusement de tout mon cœur. Votre Maurice

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« Patsche » Constant Albert LAMBRECHT, père de René et Maurice LAMBRECHT

Fête de Constant : 23 septembre Fête de Constance : 8 avril

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Lettre du Mardi 4 avril 1917 de Maurice Lambrecht à ses parents

Maurice Lambrecht Lieutenant EM de l’AC² (Etat major du 2ème Corps d’Armée) Secteur postal 36

à

Monsieur Lambrecht 1 rue du Tréport Eu Seine Inférieure

4 Avril Bien chers Parents, Vous n’avez sans doute pas été inquiets ; j’ai oublié de vous écrire hier matin avant de partir en excursion. Nous avons fait plus de 100 km en auto et quand je suis rentré le soir le courrier était déjà parti. (Dites moi si vous recevez mes lettres mes cartes du 30 etc.). Je vous souhaite une bonne fête de Pâques ; je souhaite à Patsche une bonne fête puisque c’est en même temps le 8 avril ; je sais bien que pour nous ces fêtes sont toutes empreintes de tristesse et de deuil ; qu’elles vous rappellent comme à moi un temps qui ne reviendra plus où nous venions vous embrasser avec les bras chargés de biscuits, de bouquets, de tabac. Les fleurs nous les portions déjà au cimetière ; maintenant que la tombe renferme encore plus d’affections et surtout pour moi de bien plus vives nous irons ensemble de toute notre pensée et de tout notre cœur y dire une petite prière. J’embrasse ce brave patsche pour René et pour moi et vous serre bien fort dans mes bras.

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Les affaires Bolo, Turmel… Le début de l’année 1917 est marqué par des dissensions politiques, qui conduisent à différents remaniements et marquent la fin de l’Union sacrée. En mars, le cabinet Ribot avait remplacé le cabinet Briand. Le 31 août, le ministre de l’Intérieur Malvy est conduit à la démission et le 7 septembre, Painlevé succède à Ribot. Le cabinet Painlevé durera peu de temps ; dès novembre, celui-ci sera remplacé par Clémenceau. C’est dans ce contexte que surgissent des scandales et affaires de trahison : L’aventurier Bolo Pacha (nommé pacha par le khédive d’Egypte, Abbas Hilmi) est accusé d’avoir acheté « Le Journal » avec de l’argent allemand. Condamné à mort, il est exécuté le 14 février 1918. Son arrestation est le prélude de l’affaire Caillaux. Le député Turmel est accusé d’avoir touché en Suisse des fonds dont il ne peut justifier l’origine. L’anarchiste Miguel Almereyda (de son vrai nom Eugène Bonnaventure Vigo) fonde le journal pacifiste « Le Bonnet Rouge », dans lequel il compromet un certain nombre d’hommes politiques, notamment le ministre de l’intérieur Malvy. Arrêté, il est retrouvé mort dans sa cellule en août 1917 Mata Hari, courtisane manipulée par les services secrets allemands et français est fusillée le 15 octobre 1917.

Sources : Histoire de la France, Pierre Miquel, Fayard,1976 La grande guerre illustrée, Pierre Miquel, Tallandier Historia, 1998

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Lettre du xx xx xx 1917 ( ?) de Maurice Lambrecht à ses parents

Maurice Lambrecht

à

Monsieur Lambrecht

(début manquant) … sa place de fourgonnier à l’état major du régiment. Il se peut que ma permission soit légèrement retardée ; du reste j’ai dit que ce n’était pas à quelques jours ou même à quelques semaines près. En tous cas ce ne sera guère plus tard qu’à la Noël. Bon courage toujours ; continuez à vivre et à laisser aller les événements avec pleine confiance en la Providence. Vivre un jour de plus ou de moins ne dépend pas de nous. Les gens s’agitent souvent bien inutilement et se donnent bien du tracas à amonceler des projets et des ambitions au lieu de vivre en paix. Patsche a peut être le temps de suivre les affaires Bolo, Turmel etc c’est un roman un peu compliqué qu’il faut lire attentivement pour comprendre et qui n’a pas grand intérêt. Voyez vous ce matin je n’ai pas grand chose à faire ; ce soir j’irai probablement faire une ballade aux batteries et aux observatoires car il va faire très beau. Ce matin il y avait un petit brouillard qui fait prévoir du beau temps. Je vous embrasse tous les deux en vous serrant bien fort dans mes bras. Votre Maurice

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Cimetières de Caix et de Dunkerque Enterrée au cimetière de Caix (80-Somme), la dépouille de René Lambrecht a sans doute été transférée à Dunkerque. Son nom figure en effet sur le caveau de la famille Constant Albert Lambrecht / Marie Caroline Devoghel au cimetière de Dunkerque. La loi du 28 septembre 1920 permet le rapatriement de 3000.000 de morts des ossuaires militaires dans les cimetières civils. Au fond du cimetière municipal de Caix reposent actuellement 140 soldats français ainsi qu’un soldat inconnu britannique.

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Lettre du Samedi 2 Novembre 1918 de Maurice Lambrecht à ses parents

Maurice Lambrecht Lieutenant

à

Monsieur Lambrecht 1 rue du Tréport Eu Seine Inférieure

2 Novembre Bien chers Parents, Je suis de cœur avec vous, auprès de vous dans le souvenir de tous ceux qui nous ont quittés et surtout de notre cher René ; je suis de cœur avec vous dans le petit cimetière de Caix où j’ai laissé la meilleure affection de ma jeunesse. Alors qu’on pense à un retour chez soi, à une reprise de la vie d’avant guerre cette perte paraît plus cruelle encore. Il faut se résigner. Dieu n’a pas voulu nous donner la joie de tous nous retrouver. Bon courage. Je vous serre bien fort dans mes bras. Maurice Je vous envoie un mandat de 300-. A partir du 12 au matin jusqu’au 19 je ne serai pas ici mais au cours des gaz. Vous pouvez m’écrire ce temps là Lieutenant Lambrecht, Ecole des Mines, Boulevard St Michel. Je vous fixerai si possible une adresse pour ce temps-là. En tous cas çà n’a pas grande importance. Vous pouvez Je vous embrasse. Votre Maurice

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Maurice Lambrecht

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Lettre du Samedi 14 décembre 1918 de Maurice Lambrecht à ses parents

Maurice Lambrecht

à

Monsieur Lambrecht

3/ 14 / 12 Samedi Bien chers Parents, J’ai reçu hier de vos bonnes nouvelles ; votre lettre était datée du 8. Je crois que petit à petit le service postal va se remettre de ses émotions et que nous aurons nos lettres régulièrement même en pays occupé. Je vous ai tous ces jours-ci envoyé des cartes de la région. Je vous en enverrai deci delà au hasard de mes excursions. J’ai profité de notre inaction, de nos loisirs qui sont longs comme vous pouvez l’imaginer, longs comme des jours d’ennui pour envoyer de mes nouvelles (oh quelques cartes) à des amis et connaissances. J’ai écrit à M. Leleu, au 29ème, à Bossuet, à Morel etc. Pourriez-vous me donner l’adresse de Busiau le docteur, de Couvreur ex colocataire. Que patsche s’occupe des maisons mais sans se faire une minute de bile. Je suis sûr que petit à petit le 18 doit prendre meilleure tournure. Dites moi un peu comme vous êtes installés ou comment vous compter vous organiser dans votre nouveau logement. Enfin d’ici quelques temps je viendrai revoir Dunkerque, surtout vous revoir car 4 ans de vie nomade nous a donné l’esprit bohême ; aujourd’hui ici demain ailleurs sans s’attacher nulle part. Je vous serre dans mes bras. Votre Maurice

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La démobilisation Le retour des soldats est une entreprise de grande ampleur, plus complexe que la mobilisation de 1914. Il faut réintégrer 5 millions de Français, alors que les forces mobilisées en 1914 étaient de 3,6 millions d’hommes. Les chemins de fer sont surchargés. Des tonnes de matériel militaire sont stockées et redistribuées alors qu’il faut prévoir la reconstruction des régions dévastées et équiper les armées d’occupation en Rhénanie. Différents tactiques de démobilisation sont adoptées selon les pays : En Allemagne, on assiste à une auto-démobilisation des soldats qui rentrent chez eux sans ordre. Aux Etats-Unis, les hommes sont libérés unité par unité, privilégiant ainsi les besoins de l’armée. Les Britanniques renvoient les soldats en fonction de l’offre d’emploi, privilégiant ainsi la reconstruction économique. Les Français et les Italiens choisissent une démobilisation à l’ancienneté, privilégiant un principe égalitaire. L’inconvénient de ce système est qu’il n’existe plus de régiments homogènes constitués d’hommes de même âge et qu’il faut donc reconstituer en permanence des unités, parfois pour quelques mois seulement. Il faudra attendre le printemps 1921 pour que l’ensemble des 5 millions de militaires français soient démobilisés. Le retour à la vie civile ne se fait pas sans difficultés, avec pour les soldats des blessures physiques ou des troubles psychiques, un retour dans des familles dont ils ont été éloignés pendant plusieurs années sans partager les mêmes souvenirs et le même quotidien, dans une France traumatisée par les deuils. Chacun s’inquiète de retrouver sa place dans la société civile. En France, une loi du 22 novembre 1918 oblige l’ancien employeur à reprendre les soldats démobilisés. Mais beaucoup d’eux oublient de faire valoir ce droit dans le délai légal de 15 jours. Des entreprises ont changé ou disparu. Dans ce contexte, les associations d’anciens combattants sont pour beaucoup l’occasion de se retrouver et de pouvoir parler. Source : Les collections de l’histoire N° 21- Oct /Déc 2003

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Lettre du Samedi 11 janvier 1919 de Maurice Lambrecht à ses parents

Maurice Lambrecht

à

Monsieur Lambrecht

11 janvier Bien chers Parents, Les journées passent plus vite ici dans la ville de Landau qu’à Menkoben. Du reste nous avons au cours de la journée des promenades forcées. Ma chambre est à une extrémité de la ville et le bureau de l’autre ce qui me fait une vingtaine de minutes de promenade. Le soir je vais quelquefois au cinéma ou au circuit organisés par l’Armée ; nous jouons au bridge. Dans la journée il y a le travail et puis la lecture. Nous parlons aussi de démobilisation d’après guerre. Pas mal de mobilisés avec des diplômes ou non, se demandent ce qu’ils vont faire quand ils auront repris le faux col. Dans quelques jours sans doute je serai à côté de vous ; ça dépendra de la rapidité du courrier auquel je confie cette lettre et de mon départ en permission. Un des officiers de l’EM a déjà été démobilisé ; un autre va l’être ; un troisième part en Algérie. Enfin une solution interviendra ces jours-ci. En tous cas je compte à coup sûr partir ce mois-ci. Bon courage. Mes plus affectueux baisers. Votre Maurice

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Bibliographie, Index et Table des matières

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Bibliographie

14-18, Le magazine de la Grande Guerre, n°16, oct./nov. 2003 Histoire de Dunkerque, Alain Cabartois, Edition Privat, 1983 Histoire de la France, Pierre Miquel, Fayard,1976 Images de Poilus, François Pairault, Tallandier, 2002 La grande guerre illustrée, Pierre Miquel, Tallandier Historia, 1998 La première guerre mondiale, Jean-Noël Grandhomme, Editions Ouest-France, 2002 Le petit Larousse 2001 Les collections de l’histoire N° 21- Oct /Déc 2003 Les Poilus, Pierre Miquel, Editions Plon, 2000 Mémoire en images, Dunkerque, Jean-Louis Porhel et Catherine Lesage, Editions Alan Sutton, 1997 X siècles de vie quotidienne à Dunkerque, Léon Moreel et Michel Goetghebeur, Les éditions du beffroi, 1983 Site Internet, « Mémoire des hommes », www.memoiredeshommes.sga.defense.gouv.fr, Morts pour la France de la Guerre 1914-1918 Edité le 12 novembre 2003 Site Internet, www.defense.gouv.fr Archives personnelles

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Index

Les études de René et Maurice ............................................................................................................. 12 L’uniforme des fantassins ..................................................................................................................... 14 Le déplacement des troupes et la censure ............................................................................................ 20 Marguerite Lheureux ............................................................................................................................ 24 Dunkerque ............................................................................................................................................ 26 Les déménagements : Dunkerque, Dieppe, Eu ..................................................................................... 28 Les 310ème et 208ème régiments d’infanterie .......................................................................................... 32 Les 46ème et 29ème régiments d’artillerie et le 2ème corps d’armée ...................................................... 34 L’autre frère, Charles ........................................................................................................................... 36 Franchise militaire et cartes postales................................................................................................... 38 Les permissions .................................................................................................................................... 40 Verdun .................................................................................................................................................. 50 Des petits surnoms ................................................................................................................................ 52 « Grand-mère » Justine Dorothée Beckandt tombe malade ................................................................. 52 La santé de « Grand-mère » s’aggrave ................................................................................................ 54 Le tabac ................................................................................................................................................ 56 Le Petit Parisien ................................................................................................................................... 58 « Grand-mère » meurt le 15 avril 1916 à l’âge de 96 ans.................................................................... 60 René est mort… Fiches du Ministère de la Défense sur les morts pour la France ............................... 64 Les décorations : la Croix de guerre 1914-1918 .................................................................................. 66 René est mort… Le Nord Maritime du lundi 21 juillet 1916 ................................................................ 68 René est mort… Rapport sur la façon de servir du Lieutenant Lambrecht .......................................... 70 Lexique ................................................................................................................................................. 72 Les aumôniers ....................................................................................................................................... 82 Le courrier ............................................................................................................................................ 86 Carte d’identité militaire de Maurice Lambrecht ................................................................................. 90 Les affaires Bolo, Turmel… .................................................................................................................. 94 Cimetières de Caix et de Dunkerque ................................................................................................... 96 La démobilisation ............................................................................................................................... 100

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Table des matières

Quelques repères ........................................................................................................ 3 Quelques repères généalogiques ......................................................................................... 5 Quelques repères historiques............................................................................................... 7 Quelques repères géographiques ......................................................................................... 9

Lettres de René et Maurice Lambrecht.................................................................. 11 Lettre du Mercredi 7 octobre 1914 de Maurice Lambrecht à son frère René .................. 13 Lettre du Lundi 19 octobre 1914 de Maurice Lambrecht à son frère René ..................... 15 Lettre du Dimanche 11 avril 1915 de René Lambrecht à son frère Maurice ................... 17 Lettre du Lundi 3 mai 1915 de René Lambrecht à son frère Maurice ............................. 19 Lettre du Dimanche de la Pentecôte 1915 de René Lambrecht à son frère Maurice ....... 21 Lettre du Jeudi 12 août 1915 de Maurice Lambrecht à ses parents ................................. 23 Lettre du Jeudi 19 août 1915 de René Lambrecht à son frère Maurice............................ 25 Lettre du Mercredi 29 septembre 1915 de René Lambrecht à son frère Maurice ............ 27 Lettre du Dimanche 3 octobre 1915 de René Lambrecht à ses parents ........................... 29 Lettre du Lundi 4 octobre 1915 de René Lambrecht à ses parents .................................. 31 Lettre du Mardi 5 octobre 1915 de René Lambrecht à son frère Maurice ....................... 33 Lettre du Mardi 5 octobre 1915 de René Lambrecht à ses parents .................................. 35 Lettre du Samedi 9 octobre 1915 de René Lambrecht à ses parents ................................ 37 Lettre du Mardi 12 octobre 1915 de René Lambrecht à ses parents ................................ 39 Lettre du Jeudi 14 octobre 1915 de René Lambrecht à ses parents ................................. 41 Lettre du Vendredi 22 octobre 1915 de Maurice Lambrecht à ses parents ...................... 43 Lettre du Mercredi 17 novembre 1915 de Maurice Lambrecht à ses parents .................. 45 Lettre du Mercredi 22 décembre 1915 de Maurice Lambrecht à son frère René ............. 47

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Lettre du Dimanche 26 décembre 1915 de Maurice Lambrecht à son frère René ............49 Lettre du Mercredi 1er mars 1916 de René Lambrecht à son frère Maurice .....................51 Lettre du Mardi 28 mars 1916 de Maurice Lambrecht à ses parents ................................53 Lettre du Mercredi 29 mars 1916 de Maurice Lambrecht à son frère René .....................55 Lettre du Lundi 3 avril 1916 de Maurice Lambrecht à ses parents...................................57 Lettre du Mercredi 5 avril 1916 de Maurice Lambrecht à ses parents..............................59 Lettre du Jeudi 6 avril 1916 de Maurice Lambrecht à ses parents ....................................61 Lettre du Samedi 29 avril 1916 de Maurice Lambrecht à son frère René ........................63 Lettre du Samedi 29 juillet 1916 de Maurice Lambrecht à ses parents ............................65 Lettre du Lundi 31 juillet 1916 de Maurice Lambrecht à ses parents...............................67 Lettre du Mardi 1er août 1916 de Maurice Lambrecht à ses parents .................................71 Lettre du Samedi 5 août 1916 de Maurice Lambrecht à ses parents.................................73 Lettre du Mercredi 9 août 1916 de Maurice Lambrecht à ses parents ..............................75 Lettre du Lundi 15 xx 19xx de Maurice Lambrecht à ses parents .....................................77 Lettre du Mardi 22 août 1916 de Maurice Lambrecht à ses parents .................................79 Lettre du Mercredi 30 août 1916 de Maurice Lambrecht à ses parents ............................81 Lettre du Dimanche 8 octobre 1916 de Maurice Lambrecht à ses parents .......................83 Lettre du Mardi 24 octobre 1916 de Maurice Lambrecht à ses parents ............................85 Lettre du Jeudi 21 décembre 1916 de Maurice Lambrecht à ses parents..........................87 Lettre du xx 4 janvier 19xx de Maurice Lambrecht à ses parents .....................................89 Lettre du xx 5 janvier 1917 ou 18 de Maurice Lambrecht à ses parents ...........................91 Lettre du Mardi 4 avril 1917 de Maurice Lambrecht à ses parents ..................................93 Lettre du xx xx xx 1917 ( ?) de Maurice Lambrecht à ses parents ....................................95 Lettre du Samedi 2 Novembre 1918 de Maurice Lambrecht à ses parents.......................97 Lettre du Samedi 14 décembre 1918 de Maurice Lambrecht à ses parents ......................99 Lettre du Samedi 11 janvier 1919 de Maurice Lambrecht à ses parents ........................101

Bibliographie, Index et Table des matières ........................................................ 103

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