Les rôle des anticorps monoclonaux dans la transplantation d

[15]. Traitement. CD80/86 Cellules. Belatacept. –. Protéine de. Chimérique. Non. Rein (phase III). [9] d'entretien présentatrices. (LEA29Y) fusion: CTLA4 muté avec. huIgG1. CD154. Cellules T. Hu5c8. –. IgG2a. Humanisé. Non. Rein (stop phase I). [16]. (CD40L) activées. Traitement. CD3. CellulesT. Muronomab. Orthoclone.
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Le rôle des anticorps monoclonaux dans la transplantation d’organes Thomas Fehr, Rudolf P. Wüthrich Klinik für Nephrologie, Universitätsspital Zürich

Quintessence ( En raison de l’amélioration constante de la survie à un an dans tous les types de greffes, les spécialistes de la transplantation d’organes sont de plus en plus souvent confrontés à la morbidité et à la mortalité associées à l’immunosuppression de longue durée. ( Grâce à leur grande spécificité, les anticorps monoclonaux ont un fort potentiel de réduction de la toxicité non spécifique de l’immunosuppression tout en préservant l’effet primaire de celle-ci. Ils prennent ainsi une importance croissante dans différentes indications lors de la greffe d’organes. ( En Suisse, nous disposons actuellement, au niveau clinique, de deux anticorps du récepteur de l’interleukine-2, le daclizumab et le basiliximab pour le traitement d’induction, de l’anticorps OKT3 déplétant les cellules T pour le traitement du rejet aigu résistant aux corticostéroïdes, ainsi que du rituximab, un anticorps déplétant les cellules B et ayant des indications variées (induction dans la transplantation rénale ABO-incompatible, traitement du lymphome post-transplantation et du rejet humoral, prévention/thérapie de la glomérulonéphrite récurrente). ( L’établissement d’une tolérance spécifique au donneur reste l’objectif ultime de la médecine de transplantation, car elle seule permettrait de renoncer complètement à l’immunosuppression non spécifique. C’est dans cette démarche que s’inscrit le développement de nouveaux anticorps monoclonaux hautement spécifiques – en particulier des anticorps pour le blocage de la costimulation des cellules T.

Summary

Monoclonal antibody therapy in organ transplantation ( With the continual improvement in 1-year survival in all organs, transplantation teams are increasingly confronted with morbidity and mortality induced by long-term immunosuppression. ( Due to their high degree of specificity, monoclonal antibodies have major potential for reducing the toxicity of unspecific immunosuppression while simultaneously retaining their primary effect, and are thus assuming evergrowing importance for organ transplantation in various spheres of application. ( In clinical use in Switzerland are the two interleukin-2-receptor antibodies daclizumab and basiliximab for induction therapy, the T-cell-depleting antibody OKT3 for the treatment of steroid-resistant rejection episodes, and the B-celldepleting antibody rituximab for various indications (induction in AB0-incompatible renal transplantation, therapy of post-transplantation lymphoma and humoral rejection, and prevention/therapy of recurrent glomerulonephritis). ( Establishment of donor-specific tolerance remains the ultimate goal of transplantation medicine, since only in this way would it be possible to dispense entirely with antigen-unspecific immunosuppression. In the work to this end the development of new, highly specific monoclonal antibodies – in particular antibodies for blockade of T-cell costimulation – also plays a central role.

Situation actuelle: dans quel but les anticorps monoclonaux sont-ils utilisés lors de transplantations d’organes? Depuis la première greffe de rein réussie chez l’homme en 1954, la transplantation d’organes solides est devenue le mode de traitement privilégié chez les patients atteints d’une insuffisance rénale, cardiaque, pulmonaire ou hépatique terminale. La transplantation du pancréas ou des cellules d’îlots du pancréas ouvre en outre la porte à une véritable guérison de la maladie de base chez les patients souffrant d’un diabète de type 1. Il n’en reste pas moins que la transplantation d’organes ne peut pas vraiment être considérée à l’heure actuelle comme une intervention curative, dans la mesure où elle implique obligatoirement un traitement immunosuppresseur à vie. Or, ce traitement suppressif est associé à des effets indésirables importants qui influencent directement la morbidité et la mortalité des patients greffés ainsi que la survie du greffon [1]: – complications directes de l’immunosuppression: augmentation de la fréquence des infections et des tumeurs malignes (surtout cutanées et tumeurs lympho-hématopoïétiques) – effets indésirables des médicaments: augmentation du risque cardiovasculaire (hypertension artérielle, diabète, hyperlipidémie), ostéoporose et néphrotoxicité. La médecine des transplantations tente de résoudre ce problème de trois façons. Par ordre de complexité: – une minimisation et une personnalisation du traitement d’entretien [2]: l’immunosuppression de base englobe, dans la majorité des protocoles standards de greffes d’organes, une trithérapie combinant un inhibiteur de la calcineurine (CNI; cyclosporine ou tacrolimus), un anti-métabolite (mycophénolate ou azathioprine) et un corticostéroïde. Un inhibiteur du mTOR (sirolimus ou éverolimus) peut être utilisé en lieu et place de la CNI ou de l’anti-métabolite. De nombreuses études sur la réduction ou même l’arrêt complet de ces différentes classes de médicaments (surtout des corticostéroïdes ou de la CNI) ont montré qu’une réduction par étapes de l’immunosuppression au

Vous trouverez les questions à choix multiple concernant cet article à la page 201 ou sur internet sous www.smf-cme.ch.

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cours des années est possible de manière personnalisée, avec une amélioration correspondante du profil de risque chez nombre de patients. – le développement de nouveaux immunosuppresseurs hautement spécifiques de certaines lignées cellulaires [3]: si l’azathioprine et les corticostéroïdes agissent pratiquement sur toutes les cellules du système immunitaire, le mycophénolate développe une activité spécifique sur les lymphocytes, et la CNI sur les cellules T. Cette spécificité ne doit cependant pas être confondue avec une spécificité antigénique! – le développement de protocoles thérapeutiques visant à induire une tolérance immunologique [4]: l’établissement d’une tolérance spécifique au donneur serait le but ultime visé, car elle seule est spécifique de l’antigène et permettrait de complètement abandonner l’immunosuppression à vie. Dans le contexte clinique, une seule étude est parvenue jusqu’ici à ce résultat avec l’induction simultanée d’un chimérisme mixte par une greffe de moelle osseuse non myéloablative. Le recours aux anticorps joue un rôle de plus en plus important dans cette approche: – le traitement d’induction par anticorps monoclonaux ou polyclonaux autorise une réduction de l’immunosuppression à suivre et/ou rend possible une transplantation d’organe chez des patients à haut risque immunologique; – les anticorps monoclonaux permettent un blocage encore plus spécifique des cellules T (par ex. belatacept pour le blocage de la costimulation) ou encore la déplétion d’autres populations de cellules cibles (par ex. le rituximab pour les cellules B); – enfin les anticorps monoclonaux forment une base solide dans pratiquement tous les protocoles de tolérance ayant fait leurs preuves dans les modèles expérimentaux chez la souris et jusque chez les primates.

durant la phase péri-transplantation, ensuite dans le traitement d’entretien au cours de l’immunosuppression à long terme et enfin dans le traitement des crises de rejet résistant à la corticothérapie. Les traitements d’induction et les traitements des rejets sont limités dans le temps et constituent donc un terrain privilégié pour les anticorps monoclonaux. Leur utilisation dans le traitement au long cours paraît en revanche moins évidente, puisque les anticorps monoclonaux ne peuvent être administrés que par voie intraveineuse, ce qui nécessiterait l’administration répétée de perfusions durant des mois, voire des années. La plupart des anticorps monoclonaux utilisés en médecine des transplantations sont dirigés contre les cellules T. Les cellules T ont besoin de trois signaux pour être entièrement activées (fig. 1 x [4]): – le signal 1 passe par le récepteur des cellules T, capable de reconnaître certaines molécules MHC et par conséquent de transmettre la spécificité antigénique. – le signal 2 est le signal dit de costimulation. Une cellule T qui capte le signal 1 sans le signal 2 est mise au repos (anergie), alors que la réception combinée des signaux 1 et 2 active la cellule. Le CD28 et le CD154 sont les molécules costimulatrices classiques des cellules T, mais des molécules d’adhésion, par ex. le LFA-1, peuvent également remplir une telle fonction. – le signal 3 est transmis par des facteurs solubles (cytokines) permettant l’activation complète et la prolifération d’un clone spécifique de cellules T. Le principal facteur soluble est l’interleukine-2.

APC IL-2 MHC/pep

1

TCR CD3

Les domaines d’utilisation des anticorps monoclonaux dans la greffe d’organe Cet article se limite à traiter des anticorps monoclonaux testés chez des patients transplantés dans le cadre d’études cliniques. En général, la première utilisation d’un anticorps se fait dans le cadre de protocoles pour la greffe de rein, dans la mesure où il existe toujours la possibilité de recourir à une méthode thérapeutique de remplacement efficace (dialyse), et que l’on peut par conséquent accepter un risque légèrement plus élevé, inhérent à l’introduction de nouvelles substances. Le tableau 1 p donne un aperçu des anticorps monoclonaux ayant passé cet obstacle. Ils sont globalement utilisés dans trois types d’indications: d’abord dans le traitement d’induction



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CD80

3

CD40

2

IL-2R

CD154

CD28

T cell NFAT

TOR

Cell cycle

Figure 1 Schéma de l’activation des cellules T. L’activation des cellules T nécessite 3 signaux, désignés par des numéros: le signal 1 est spécifique de l’antigène et est transmis par le récepteur spécifique des cellules T, capable de reconnaître des molécules MHC chargées de peptides; les signaux 2 et 3 n’ont pas de spécificité antigénique, le signal 2 étant déclenché par contacts cellulaires directs et le signal 3 étant transmis par des facteurs solubles. APC MHC NFAT IL-2R TOR

= = = = =

cellule présentatrice d’antigène, major histocompatibility complex, pep = peptide, nuclear factor of activated T cells, récepteur de l’interleukine-2, target of rapamycin.

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Tableau 1. Aperçu des anticorps monoclonaux utilisés en clinique dans la transplantation d’organes. Principe d’utilisation

Traitement d’induction

Traitement d’entretien

Traitement du rejet

Molécule Expression cible cellulaire

CD25

Cellules T activées

Anticorps

Action

Champ d’applications

Réf.

Nom générique

Nom commercial

Isotype

Provenance

Déplétion

Daclizumab

Zenapax®

IgG1

Humanisé

Non

Rein, foie, cœur, pou- [11] mon, cellules des îlots

Basiliximab

Simulect®

IgG1

Chimérique

Non

Rein, foie, cœur, poumon

IgG1

Humanisé

Oui

Rein, foie, cœur, poumon , pancréas

CD52

Cellules T, cellules B, monocytes, cellules NK, granulocytes

Alemtuzumab

MabCampath®

CD4

Cellules T helper

OKT4

Orthomune®

IgG2b

Souris

Non

Rein (stop phase I)

[12]

ICAM-1

Endothéliums

Enlimomab



IgG2a

Souris

Non

Rein (stop phase I)

[13]

LFA1a

Cellules T

Odulimomab



IgG1

Souris

Non

Rein (stop phase I/II)

[14]

Efalizumab

Raptiva®

IgG2a

Humanisé

Non

Rein (phase I/II)

[15]

CD80/86 Cellules présentatrices

Belatacept (LEA29Y)



Protéine de fusion: CTLA4 muté avec huIgG1

Chimérique

Non

Rein (phase III)

[9]

CD154 (CD40L)

Cellules T activées

Hu5c8



IgG2a

Humanisé

Non

Rein (stop phase I)

[16]

CD3

Cellules T

Muronomab (OKT3)

Orthoclone OKT3®

IgG2a

Souris

Oui

Rejet cellulaire résistant aux stéroïdes: rein, foie, cœur, poumon

[17–20]

CD20

Cellules B

Rituximab

MabThera®

IgG1

Chimérique

Oui

Rejet humoral: cœur, rein

[21, 22]

TCRab

Cellules T

T10B9.1A



IgM

Souris

Oui

Rejet résistant au OKT3: rein (phase II)

[23]

TNFa

Facteur soluble

Infliximab

Remicade®

IgG1

Chimérique

NA

Rejet résistant au OKT3: intestin

[24]

Seulement deux anticorps monoclonaux non spécifiques des cellules T sont utilisés dans la greffe d’organes: le rituximab, un anticorps spécifique des cellules B dirigé contre le CD20, et l’infliximab, qui fixe le facteur soluble TNF-a et qui n’a été utilisé jusqu’ici que contre le rejet aigu résistant à la corticothérapie dans la greffe d’intestin grêle. Le tableau 2 p donne un aperçu des anticorps utilisés en clinique, classés en fonction de leur spécificité. Le chapitre suivant va commenter un peu plus en détail les anticorps figurant en caractères gras dans le tableau 1. Pour les autres, le lecteur voudra bien consulter les références auxquelles renvoie ce même tableau.

Utilisation en pratique clinique de certains anticorps lors de greffes d’organes Les anticorps monoclonaux dans le traitement d’induction Lors de la transplantation d’organes allogènes, le risque de rejet aigu grave est maximal dans la phase immédiatement postopératoire. Cela

[8]

tient au fait que la greffe de l’organe s’accompagne forcément du transfert simultané d’un certain nombre de leucocytes du donneur – les passenger leukocytes –, qui peuvent parvenir jusqu’aux organes lymphatiques secondaires et activer directement les cellules T alloréactives du receveur. Pour prévenir ce rejet, on recourt souvent à une thérapie d’induction péri-transplantation, dans certains centres dans le cadre de protocoles standards, dans d’autres uniquement dans les cas de transplantations à haut risque immunologique (par ex. greffes secondaires ou transplantations chez un receveur sensibilisé). Aux EtatsUnis, une induction a été mise en route en 2003 dans 70–80% des greffes de rein, de pancréas et d’intestin grêle, dans 40–50% des greffes de cœur et de poumon et dans 20% des greffes de foie [5]. En Europe, ces chiffres sont nettement plus bas. Un anticorps murin, puissant et très efficace, l’OKT3 (anti-CD3), qui était utilisé initialement, a été remplacé entre-temps par une préparation polyclonale nettement mieux tolérée, la globuline anti-thymocytes (ATG). Aujourd’hui, ce traitement n’est plus seulement utilisé dans la prévention du rejet aigu, mais aussi dans le cadre du développement de protocoles de base destinés à réduire

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Tableau 2. Spécificité des anticorps monoclonaux utilisés en clinique dans la transplantation d’organes. Cellules cibles

Blocage

Cible

Exemples

CellulesT

Signal 1

Récepteur des cellules T (toutes les cellules T)

Anti-CD3 (OKT3), anti-TCRab (T10B9.1A)

CD4 (uniquement les cellules helper)

Anti-CD4 (OKT4)

CD28-CD80/86 pathway (costimulation classique)

CTLA4-Ig (belatacept)

CD154-CD40 pathway (costimulation classique)

Anti-CD154 (Hu5c8)

ICAM1-LFA1 pathway (adhésion)

Anti-ICAM1 (enlimomab) Anti-LFA1 (odulimomab, efalizumab)

Signal 3

CD25 (chaîne a du récepteur de l’interleukine-2)

Anti-CD25 (basiliximab, daclizumab)

(Déplétion)

Signal 2

CD52 (fonction inconnue)

Anti-CD52 (alemtuzumab)

Cellules B

CD20

Anti-CD20 (rituximab)

Facteurs solubles

TNF-a

Anti-TNF-a (infliximab)

la corticothérapie ou à épargner les inhibiteurs de la calcineurine pour minimiser les effets indésirables de ces médicaments. Deux anticorps monoclonaux dirigés contre la chaîne a du CD25, un récepteur de l’interleukine-2 à forte affinité, sont arrivés sur le marché dans les années 90. L’expression de ce récepteur est particulièrement élevée à la surface des cellules T activées. Le daclizumab, un anticorps entièrement humanisé, et le basiliximab, un anticorps chimérique, ont été les premiers anticorps monoclonaux humanisés utilisés dans la transplantation d’organes. Si ces substances sont inefficaces dans le traitement du rejet résistant à la corticothérapie, ils se sont par contre solidement établis dans le traitement d’induction. Deux grandes métaanalyses de la greffe de rein, dont l’une a été publiée par le Cochrane Renal Group, ont mis en évidence une réduction consistante et significative des rejets aigus durant la première année, mais aucune différence en ce qui concerne l’incidence des pertes de greffons, des infections (en particulier par le CMV) et des tumeurs malignes, par rapport au traitement standard sans induction [6]. De plus, leur efficacité était comparable à l’anticorps polyclonal ATG. Ce dernier, comme d’ailleurs l’OKT3, augmente cependant le risque de lymphomes post-transplantation. Dans une étude parue récemment, le basiliximab a été comparé à l’ATG faiblement dosée (5 doses aux jours 0–4): l’incidence de rejet aigu a été plus faible dans le groupe ATG, mais cela au prix d’une augmentation significative du taux d’infections [7]. La question de savoir quel médicament entraîne une induction optimale dans chaque cas pris individuellement lors d’une greffe de rein reste ainsi ouverte. Toutefois, les anticorps du récepteur de l’interleukine-2 ont ici clairement leur place, surtout en raison de leur très bonne tolérance. Dans la transplantation d’autres organes, la situation est moins claire: l’induction avec les anticorps du récepteur de l’interleukine-2 dans la trans-

plantation de poumon semble revêtir un certain intérêt, mais ces substances paraissent moins efficaces que l’ATG. Aucun bénéfice évident n’a en revanche pu être mis en évidence lors de transplantations cardiaques, et l’expérience est encore extrêmement mince dans la greffe de foie, car le nombre de patients sous induction est très faible. L’alemtuzumab est un autre anticorps monoclonal utilisé de préférence dans le cadre du traitement d’induction. Il est dirigé contre la molécule CD52 – une glycoprotéine exprimée non seulement sur les cellules T, mais aussi sur les cellules B, les monocytes, les macrophages et les granulocytes, et dont la fonction n’est pas clairement établie. Contrairement aux anticorps anti-CD25, l’alemtuzumab entraîne une déplétion massive durant plusieurs mois des cellules T du sang périphérique [8]. R. Calne a été le premier à publier son expérience dans la greffe rénale chez 31 patients traités par alemtuzumab et cyclosporine faiblement dosée avec un excellent résultat sur le plan de l’évolution (seulement six rejets, tous sensibles aux corticostéroïdes; fonction rénale normale chez 29/31 patients 21 mois après la greffe). Cet état a été qualifié par Calne de «prope tolerance», car l’immunosuppression a pu être réduite à un minimum, soit à une monothérapie de cyclosporine. Ces résultats qui laissaient espérer que l’alemtuzumab allait pouvoir entraîner une tolérance immunologique, seul ou en association avec la désoxyspergualine, n’ont malheureusement pas été confirmés. S. Knechtle a par la suite publié les résultats d’une série rétrospective comportant plus de 1200 transplantés rénaux traités selon un schéma standard basé sur la cyclosporine. Le traitement d’induction par alemtuzumab y était comparé aux anticorps anti-récepteur de l’interleukine-2, à l’ATG et à l’absence d’induction. Dans cette étude, le taux des rejets a été le plus faible sous alemtuzumab, et ce sont les patients dont la fonction rénale a repris le plus tardivement qui en ont le plus profité. Compte tenu de ces bons

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résultats, l’alemtuzumab a été par la suite également utilisé dans les greffes de poumon et du foie. Dans la greffe de poumon, on a pu démontrer la supériorité de l’alemtuzumab versus ATG en combinaison avec une immunosuppression standard (taux de rejet inférieur et meilleure survie du greffon). Dans deux grandes études sur la greffe du foie, on a trouvé un taux de rejet plus bas lorsque l’alemtuzumab, combiné à une immunosuppression réduite constituée de tacrolimus et d’une corticothérapie, était comparé à une immunosuppression standard, mais cela uniquement dans les cas HCV négatifs. Malgré ces bons résultats, de nombreux centres hésitent encore à appliquer systématiquement l’alemtuzumab par crainte d’infections graves suite à la déplétion de longue durée des cellules T. Un travail paru récemment, consacré à l’analyse systématique des infections chez plus de 500 patients sous alemtuzumab, n’a cependant pas confirmé le bien-fondé de ces craintes. En Suisse, l’alemtuzumab est, pour l’instant, admis dans le traitement des lymphomes mais pas dans le traitement d’induction lors de transplantations. Les anticorps monoclonaux dans le traitement d’entretien L’utilisation des anticorps monoclonaux dans le traitement immunosuppresseur d’entretien est difficile, car ils doivent être administrés par des perfusions intraveineuses régulières. Une substance a cependant été testée dans cette indication dans le cadre d’essais cliniques de phase III lors de greffe rénale. Il s’agit du belatacept, qui n’est pas un anticorps monoclonal dans le sens classique du terme, mais une protéine de fusion comprenant une variante mutante de la molécule de costimulation CTLA4 et un fragment Fc d’IgG1 humaine, appelé CTLA4-Ig. Lié au CD80/CD86, le belatacept est capable de bloquer le signal 2 d’activation des cellules T émis par les cellules présentatrices d’antigène (fig. 1). R. Schwartz a montré en 1990 que le blocage de la costimulation des cellules T entraîne une inhibition antigénique spécifique des cellules T, autrement dit une anergie. Après plus de quinze ans de recherches chez les rongeurs et les primates, le belatacept est le premier agent bloquant classique de costimulation utilisé avec succès dans la pratique clinique de la transplantation. Une étude de phase II portant sur la greffe rénale a comparé le belatacept en combinaison avec le mycophénolate et les corticostéroïdes au traitement standard cyclosporine, mycophénolate plus corticostéroïdes. Il n’y avait aucune différence entre les deux groupes en termes de survie des patients et/ou des greffons, ni d’incidence des rejets aigus. En revanche, la fonction rénale était meilleure à un an, et l’importance de la néphropathie chronique de l’allogreffe, prouvée par biopsie, était significativement moindre dans le groupe belatacept [9]. Cette molécule prometteuse est actuellement testée dans des essais

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cliniques de phase III, qui examinent notamment un avantage éventuel par rapport au régime thérapeutique basé sur un inhibiteur de la calcineurine dans la greffe de reins marginaux. Les anticorps monoclonaux dans le traitement des rejets L’anticorps monoclonal murin OKT3 (muronomab) a été le premier anticorps monoclonal à trouver une application dans la médecine des transplantations. Il est très efficace dans le traitement primaire de la réaction cellulaire du rejet aigu après greffe de rein et dans le traitement d’induction lors de greffe rénale, de greffe du foie et de transplantation cardiaque, mais il a aussi de nombreux effets indésirables graves, tels que le «systemic inflammatory response syndrome» (SIRS), les infections par des germes opportunistes et le développement de tumeurs malignes (surtout des lymphomes post-transplantation). C’est la raison pour laquelle l’OKT3 n’est plus du tout utilisé aujourd’hui dans le traitement d’induction. Les anticorps anti-récepteur de l’interleukine-2 sont en effet très efficaces et présentent des taux d’effets indésirables nettement plus faibles. L’OKT3 est actuellement encore utilisé principalement dans le traitement des rejets sévères résistant aux corticostéroïdes, lorsque l’ATG a également échoué, ou en cas de contre-indication pour d’autres raisons (par ex. allergie). Concernant l’efficacité du traitement en cas de rejet de la greffe rénale résistant à la corticothérapie, l’OKT3 et l’ATG se valent plus ou moins. L’OKT3 peut également être utilisé dans la même indication, que ce soit après transplantation cardiaque, pulmonaire ou hépatique. Après sa première description par P. Halloran, le rejet humoral associé à certains anticorps HLA, en plus du rejet cellulaire, est devenu un sujet d’intérêt primordial en immunologie de la transplantation durant ces quinze dernières années. De nouvelles méthodes diagnostiques de cette entité ont de plus été développées: mise en évidence des dépôts de C4d dans le matériel de biopsie par immunofluorescence et immunohistochimie; nouvelles techniques très sensibles pour la recherche d’anticorps spécifiques du donneur (FACS crossmatch et technologie Luminex). La classification de Banff du rejet aigu des greffons rénaux a été adaptée en conséquence. Les anticorps sont produits par des plasmocytes qui constituent la dernière étape de la cascade du développement des lymphocytes B. Avec l’anticorps monoclonal rituximab, qui reconnaît le CD20, on dispose actuellement d’une alternative pour la déplétion des cellules B – analogue au OKT3 du côté des cellules T. Le CD20 est exprimé à la surface des cellules B dans la plupart de leurs stades de développement, sauf à leurs stades tout à fait initiaux et à l’exception des plasmocytes. Le rituximab a d’abord été admis en pratique clinique dans le traitement des lymphomes à cellules B. Sa première utilisa-

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tion en médecine de transplantation a été le traitement du rejet humoral des transplants cardiaques, puis plus tard celui des greffons rénaux. Comme le rituximab n’exerce toutefois pas d’action directe sur les plasmocytes sécrétant des anticorps, il doit être combiné avec des techniques visant à éliminer des allo-anticorps (plasmaphérèse, immuno-adsorption) et nécessite une adaptation de l’immunosuppression (en règle générale, passage à l’association tacrolimus, mycophénolate et corticostéroïdes). Dans cette application, le traitement du rejet aigu humoral est efficace à 70–80%. En plus de son utilisation dans le rejet humoral, le rituximab trouve actuellement un domaine d’application dans de nombreuses autres indications de la médecine de transplantation [10]: traitement d’induction en cas de transplantation rénale ABO-

Références

Correspondance: PD DrThomas Fehr Klinik für Nephrologie Universitätsspital Rämistrasse 100 CH-8091 Zürich [email protected]

1 Pascual M, Theruvath T, Kawai T, Tolkoff-Rubin N, Cosimi AB. Strategies to improve long-term outcomes after renal transplantation. N Engl J Med. 2002;346(8):580–90. 2 Yang H. Maintenance immunosuppression regimens: conversion, minimization, withdrawal, and avoidance. Am J Kidney Dis. 2006;47(4 Suppl 2):S37–S51. 3 Yabu JM, Vincenti F. Novel immunosuppression: small molecules and biologics. Semin Nephrol. 2007;27(4):479–86. 4 Fehr T, Sykes M. Tolerance induction in clinical transplantation. Transpl Immunol. 2004;13(2):117–30. 5 Kirk AD. Induction immunosuppression. Transplantation. 2006;82(5):593–602. 6 Webster AC, Playford EG, Higgins G, Chapman JR, Craig JC. Interleukin 2 receptor antagonists for renal transplant recipients: a meta-analysis of randomized trials. Transplantation. 2004;77(2):166–76. 7 Brennan DC, Daller JA, Lake KD, Cibrik D, Del Castillo D. Rabbit antithymocyte globulin versus basiliximab in renal transplantation. N Engl J Med. 2006;355(19):1967–77. 8 Magliocca JF, Knechtle SJ. The evolving role of alemtuzumab (Campath-1H) for immunosuppressive therapy in organ transplantation. Transpl Int. 2006;19(9):705–14. 9 Vincenti F, Larsen C, Durrbach A, Wekerle T, Nashan B, Blancho G, et al. Costimulation blockade with belatacept in renal transplantation. N Engl J Med. 2005;353(8):770–81. 10 Becker YT, Samaniego-Picota M, Sollinger HW. The emerging role of rituximab in organ transplantation. Transpl Int. 2006;19(8):621–8. 11 Vincenti F, de Andres A, Becker T, Choukroun G, Cole E, Gonzalez-Posada JM, et al. Interleukin-2 receptor antagonist induction in modern immunosuppression regimens for renal transplant recipients. Transpl Int. 2006;19(6):446–57. 12 Dantal J, Ninin E, Hourmant M, Boeffard F, Cantarovich D, Giral M, et al. Anti-CD4 MoAb therapy in kidney transplantation – a pilot study in early prophylaxis of rejection. Transplantation. 1996;62(10):1502–6. 13 Salmela K, Wramner L, Ekberg H, Hauser I, Bentdal O, Lins LE, et al. A randomized multicenter trial of the anti-ICAM1 monoclonal antibody (enlimomab) for the prevention of acute rejection and delayed onset of graft function in cadaveric renal transplantation: a report of the European AntiICAM-1 Renal Transplant Study Group. Transplantation. 1999;67(5):729–36.

Forum Med Suisse 2008;8(11):204–209



incompatible, élément des protocoles de désensibilisation après transplantation chez des patients hautement sensibilisés aux HLA, traitement des lymphomes post-transplantation EBV-positifs et traitement des gloméruloscléroses focales segmentaires récurrentes du greffon rénal. Comme c’est le cas de l’alemtuzumab pour les cellules T, le rituximab entraîne une déplétion périphérique presque complète des cellules B durant plusieurs mois. La tolérance est bonne, mais on ne sait encore que très peu de choses sur les problèmes liés au traitement au long cours, notamment les infections. Les premières publications indiquent que le risque d’infections pourrait être augmenté. La prudence est par conséquent de mise, jusqu’à ce que nous disposions de séries plus grandes sur les effets indésirables du rituximab dans cette population de patients.

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