Les Requins à la CICTA - Oceana

Source: Régistre CICTA des navires 2012-12-11. (b) Informations sur les flottes de pêche des CPCs. Des différents engins de pêche qui capturent des requins, ...
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Les Requins à la CICTA Non gérés, non protégés et non déclarés La demande mondiale pour les ailerons et la viande de requin a changé la donne pour les pêcheries de grands migrateurs. Traditionnellement considérés par la CICTA comme des prises accessoires indésirables, les requins sont maintenant directement ciblés ou, pour le moins, appréciés comme des prises secondaires désirables. Il en résulte que les requins se classent désormais parmi les espèces clés prises dans les pêcheries de la CICTA. Ils constituent actuellement 11%, en poids, de toutes les prises déclarées en 20121.

Pour la 23eme Réunion Ordinaire de la Commission, Oceana demande instamment que les Parties Contractantes de la CICTA agissent par quatre mesures pour améliorer la gestion des requins: 1. Evaluation et pénalisation de la violation du devoir de déclaration de données sur les requins. 2. Obligation de débarquement des requins avec leurs ailerons naturellement attachés afin de combler un vide juridique de longue durée dans l’interdiction du “finning” de la CICTA. 3. Fixation de limites de captures fondées sur des données scientifiques et compatible avec le principe de précaution pour les principales espèces de requins des pêcheries de la CICTA: le requin-taupe bleu et le requin peau-bleue. 4. Interdiction de la rétention, du transbordement, du débarquement et du commerce d’espèces hautement menacées tels que le requin-taupe commun.

Il est largement reconnu que le cycle vital des requins les rend particulièrement vulnérables à la surexploitation. Les requins pélagiques, qui sont les requins principalement pêchés dans la zone de la CICTA, sont particulièrement en danger avec 63% des espèces évaluées considérées comme menacées2. L’évaluation des stocks et des risques écologiques (ERAs) sur les requins a mis en évidence leurs vulnérabilités et a aussi souligné l’incertitude sur le statut des stocks de requins à l’intérieur de la CICTA. En conséquence, le Comité Permanent pour la Recherche et les Statistiques (SCRS) a recommandé une approche de précaution pour la gestion de quelques requins dont des mesures visant à soutenir le recouvrement d’espèces menacées et à limiter la mortalité d’espèces commercialement pêchées. Malgré ces recommandations, la gestion des requins dans la CICTA est loin d’être en accord avec le principe de précaution. En effet, la majorité des espèces de requins échappent à toute gestion. Sur 350 espèces de requins capturées au sein de la zone de la CICTA, seulement huit espèces sont concernées par une mesure de gestion de la CICTA. De plus, quatre des cinq espèces les plus vulnérables à la surpêche ne font l’objet d’aucune mesure. Certaines des espèces les plus menacées, telles que le requin-taupe commun, continuent d’être péchées et commercialisées. De même, des espèces continuent de faire l’objet d’une pêche commerciale comme le requin-taupe bleu ou le requin peau-bleue sans aucune limite, en dépit de l’immense incertitude liée à l’état de leurs stocks respectifs. Afin d’atteindre une gestion des pêcheries de la CICTA sur de solides bases scientifiques, il est indispensable que les Parties Contractantes de la Convention (CPCs) remplissent leur devoir de produire les données sur les prises de requins, les rejets et sur les efforts de pêche. Après plus d’une décennie de

Les Requins à la CICTA: non gérés, non protégés et non déclarés



Recommandations et Décisions répétant à multiples reprises ce besoin d’avoir de meilleurs rapports de données au sujet des requins, la CICTA arrive à un tournant décisif. Les recommandations 10-06 et 11-15 fixent clairement des pénalités pour les manquements au devoir de soumission de données tandis que la Recommandation 12-05 rappelle aux CPCs qu’ils doivent rendre compte de l’application et de la conformité des mesures de conservation et de gestion. Les données sur le commerce de requins et des pêcheries suscitent des inquiétudes sur des cas spécifiques de prises de requins non déclarées. La CICTA doit maintenant démontrer que le non-respect des règles est pris sérieusement. 1. Évaluation et pénalisation de la violation du devoir de déclaration de données sur les requins. 2013 marque la première année durant laquelle le Comité d’application de la CICTA (COC) va mettre en œuvre la Rec. 11-15, selon laquelle, les CPCs qui n’ont pas soumis les données du “Task 1” (les prises) pour une ou plusieurs espèces auront l’interdiction de retenir ces mêmes espèces l’année suivante. Pour les requins, cela représente un moment charnière après tant d’années caractérisées par “des niveaux endémiques de non-collecte de données.3” La mise en œuvre de la recommandation va aussi constituer un défi de taille pour le COC, particulièrement pour ce qui concerne le respect des interdictions de rétention. Lorsqu’on examine le respect de l’obligation de déclarer les données sur les requins, il est indispensable d’aller au-delà des simples données selon CICTA « Task1 ». Deux types d’informations, en particulier, donnent à penser que des cas spécifiques ne sont pas déclarés. (a)

Données du « Task 1 » vs données de commerce des ailerons de requins.

Hong Kong est un centre mondial du commerce d’ailerons de requins et les données concernant les importations obtenues du département du Recensement et des Statistiques fournissent de précieux renseignements sur la dynamique de ce commerce. Une simple comparaison de ces données avec celles du Task 1 de la CICTA révèlent que plusieurs CPCs ont exportés des ailerons de requins à Hong Kong sans déclarer la moindre prise à la CICTA. Pour la seule année 2012, on recense 15 cas de ce type (cf. Tableau 1) qui incluent des CPCs tels que la République de Guinée, qui a exporté près de 50 tonnes d’ailerons de requins à Hong Kong sans déclarer la moindre prise à la CICTA. Bien qu’il soit possible que certaines divergences soient dues au fait que les requins aient été péchés en dehors des pêcheries de la CICTA ou par des flottes étrangères pêchant en vertu d’accords d’accès, il parait peu probable que cela puisse expliquer entièrement ces différences. Tableau 1. Importations d’ailerons de requins à Hong Kong en 2012 de la part de CPCs qui n’ont pas déclaré de données sur les requins pour le Task 1 de 2012. Les quantités ci-dessous sont en poids total (kg) d’ailerons séchés et congelés. République de Guinée Mauritanie Philippines Panama Guatemala Angola

49 707

Nicaragua

8 480

28 386 24 521 21 895 21 445 18 744

Tunisie Sierra Leone Gabon Nigeria Croatie

5 057 3 200 1 221 540 400

Egypte Colombie

10 583 8 765

Islande

184

Source: Données d’importation d’ailerons de requins. Census and Statistics Department, Hong Kong

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(b) Informations sur les flottes de pêche des CPCs Des différents engins de pêche qui capturent des requins, la palangre est en particulier associée à des prises importantes de requins. En effet, en 2012, quatre-vingt-huit pourcent des prises de requins répertoriées par la CICTA ont été attrapées par des palangres4. La comparaison des informations sur les flottes des CPCs de la CICTA avec les informations du Task 1 sur les requins indiquent des cas méritant un examen plus approfondi. Le tableau 2 énumère 13 CPCs qui n’ont pas déclaré de prises de requins au Task 1 mais qui ont pourtant des palangriers ayant vraisemblablement attrapé des requins. Tableau 2. CPCs avec des flottes de palangriers n’ayant pas déclaré de données sur les requins au Task 1 pour 2012. Le nombre de palangriers est montré ci-dessous. UE.Italie UE.Grèce Tunisie Panama Philippines

7322 653 411 68 25

UE.Chypre Algérie Libye République de Guinée Cap-Vert

20 6 6 2 1

St. Vincent et les Grenadines Turquie

22 22

France (St. Pierre et Miquelon)

1

Source: Régistre CICTA des navires 2012-12-11.

Oceana demande à la CICTA d’examiner attentivement la violation du devoir de déclaration des données sur les requins et d’appliquer pleinement les sanctions prévues par la Recommandation 11-15.

2. Obligation de débarquement des requins avec leurs ailerons naturellement attachés afin de combler un vide juridique de longue durée dans l’interdiction du “finning” de la CICTA. En 2004, la CICTA a tenté, par la Rec. 04-10, d’interdire la pratique du “finning” d’ailerons de requins (c’est-à-dire la découpe des ailerons à bord du navire et le rejet de la carcasse par-dessus bord). Cette recommandation est restée largement sans effet en raison de vides juridiques qui facilitent la pratique illégale du « finning ». Ainsi, par exemple, l’application de cette règle se fonde sur un ratio maximum de 5% entre le poids des ailerons et celui de la carcasse, mais elle ne définit pas si cette limite s’applique au poids entier ou au poids de la carcasse traitée et vidée ni si elle s’applique au poids sec ou mouillé des ailerons (les ailerons séchés étant plus légers cela permet de retenir plus d’ailerons). Une autre faille majeure dans cette recommandation est que les ailerons peuvent être débarqués séparément des carcasses ce qui rend le contrôle et l’application de ces règles quasi impossible. Ces problèmes ne sont d’ailleurs pas spécifiques à la CICTA ; ils ont également été soulignés par différentes ORGPs thonières5. Pour les experts halieutiques, la mesure la plus simple et la plus efficace pour interdire le “finning” serait d’obliger de débarquer les requins avec leurs ailerons encore naturellement attachés, comme recommandé par l’Assemblé Générale des Nations Unies, l’UICN et par la Convention des Nations Unies sur les Espèces Migratoires. De plus en plus de CPCs de la CICTA, dont certains ayant de grandes pêcheries de requins, ont déjà adopté de telles politiques (voir tableau ci-joint).

Exemples de grands CPCs pêcheurs de requins qui ont adopté une politique d’ailerons naturellement attachés Brésil Taipei Chinois Union Européenne Etats-Unis

En exigeant de débarquer les requins avec leurs ailerons attachés, la CICTA ne ferait pas que combler les vides juridiques de la Rec. 04-10. Cette recommandation permettrait aussi d’améliorer la collecte de données car il est beaucoup plus évident d’identifier les requins lorsqu’ils ont encore leurs ailerons.

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Comme relevé par le SCRS, le besoin d’une meilleure collecte de données sur les prises de requins est une priorité fondamentale pour l’évaluation de ces stocks et pour leur gestion. Oceana demande instamment que les CPCs adoptent une interdiction efficace contre le “finning” de requins en rendant obligatoire le débarquement des requins avec leurs ailerons encore naturellement attachés. 3. Fixation de limites de captures fondées sur des données scientifiques et compatible avec le principe de précaution pour les espèces de requins majeures des pêcheries de la CICTA: le requin-taupe bleu et le requin peau-bleue. (a) Le requin-taupe bleu (Isurus oxyrinchus) est inscrit sur la liste rouge de l’UICN comme « Vulnérable » dans l’Atlantique et comme « En Danger Critique d’Extinction» en mer Méditerranée où sa capture, sa rétention et son commerce sont interdits par la Convention de Barcelone et par la Commission Générale des Pêches pour la Méditerranée (CGPM). Bien que le requin-taupe bleu ait été identifié comme la deuxième espèce de requin la plus vulnérable à la surpêche par les palangriers dans l’Atlantique, aucune mesure de gestion n’a été prise par la CICTA. Le requin-taupe bleu est pêché commercialement et 20 CPCs déclarent des prises totalisant 7277 tonnes en 2012 pour la CICTA. L’évaluation des stocks de requins-taupes bleus de 2012 a produit des résultats très incertains et aucune mesure de gestion n’a pu être prise. Le SCRS a donc recommandé de prendre des mesures de précaution en empêchant les taux de mortalité par pêche d’augmenter jusqu'à ce qu’une meilleure évaluation des stocks de requins-taupes bleus soit disponible. Oceana demande instamment que les CPCs suivent les conseils du SCRS en adoptant le principe de précaution pour établir des limites de captures de requins-taupes bleus basées sur la moyenne des prises de ces dernières années. (b) Le requin peau-bleue (Prionace glauca) est considéré globalement comme une espèce « Quasi Menacée » par l’UICN et comme « Vulnérable » dans l’Atlantique Nord-Ouest6 et en Méditerranée7. Bien que cette espèce semble mieux résister que d’autres requins à la surpêche, elle reste vulnérable et un net déclin a été observé en Atlantique Nord-Ouest et dans la Méditerranée8. La dernière évaluation des stocks de requins peau-bleue effectuée en 2008 par la CICTA a donné des résultats très incertains. Les résultats des modèles de population étaient, en effet, extrêmement dépendants des postulats formulés.9 Les prises de requins peau-bleue ont pratiquement doublées dans la zone de la convention CICTA ces 10 dernières années, soulevant des inquiétudes sur les impacts potentiels sur l’écosystème d’une telle exploitation. En 2012, les prises déclarées de requins peau-bleue étaient proches de 61'000 tonnes ce qui en fait la quatrième espèce commerciale la plus importante des pêcheries de la CICTA après le thon listao, le thon albacore et le thon obèse10. Malgré cela, et au contraire des thons, le requin peau-bleue est toujours pêché sans être soumis à la moindre mesure de gestion de la part de la CICTA. De ce fait, il n’y a ni limite sur les prises, ou sur la taille des captures, ni restriction spatiale ou temporelle ni aucune autre mesure technique réglementant la pêche de cette espèce de requin. Oceana appelle les CPCs à remplir leur devoir de gestion des requins peau-bleue en commençant par appliquer le principe de précaution pour établir des quotas sur cette espèce.

4. Interdiction de la rétention, du transbordement, du débarquement et du commerce d’espèces hautement menacées tels que le requin-taupe commun.

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Le requin-taupe commun (Lamna nasus) est considéré comme « En Danger Critique » en mer Méditerranée et dans l’Atlantique Nord-Est, et comme « En Danger » dans l’Atlantique Nord-Ouest. Dans l’Atlantique Nord, des pêcheries ciblées ont contribué à l’effondrement des stocks de requins-taupes communs; En moins de 50 ans, les débarquements annuels ont chuté de plusieurs milliers de tonnes à seulement quelques centaines de tonnes. L’évaluation du requin-taupe commun conduite conjointement par la CICTA et le CIEM en 2009 a conclu que même sous un scenario avec zéro prise, le rétablissement des stocks serait de l’ordre de plusieurs décennies11. L’ERA de 2012 a aussi confirmé que le requin-taupe commun reste parmi les requins les plus vulnérables à la surpêche. En reconnaissance de leur statut extrêmement dégradé, quelques mesures de gestion ont été prises dans l’Atlantique et la Méditerranée. Par exemple, la rétention, le débarquement et/ou les pêcheries ciblées de requins-taupes communs ont été interdits par l’Union Européenne, l’Uruguay et la Commission des pêches de l'Atlantique du Nord-Est (CPANE). Dans la Méditerranée, cette espèce est strictement protégée par la Convention de Barcelone et par la CGPM, avec interdiction de toute rétention, tout débarquement ou tout commerce. Cette année a aussi vu le requin-taupe commun ajouté à l’Annexe II de la Convention sur le Commerce International des Espèces de Faune et de Flore Sauvages Menacées d'Extinction (CITES), contrôlant ainsi le commerce international de cette espèce. Malgré ces avancées, la CICTA n’a adopté aucune mesure de protection pour le requin-taupe commun. Le SCRS a souligné le besoin d’appliquer le principe de précaution pour la gestion des espèces les plus vulnérables et dont les états de préservation sont les plus préoccupants. Cela fait maintenant quatre ans que l’évaluation du requin-taupe commun a eu lieu et la CICTA n’a que trop tardé à assumer sa responsabilité de gestion de cette espèce menacée. Oceana demande instamment aux CPCs de la CICTA de mettre en œuvre le principe de précaution pour la gestion du requin-taupe commun en interdisant la rétention, le transbordement, le débarquement ainsi que le commerce de cette espèce dans toute la zone de la convention de la CICTA.

Références 1

ICCAT Task 1 data on nominal annual catches. Total reported shark catches for 2012: 79 598 T. Dulvy, N.K. et al. 2008. Aquatic Conserv.: Mar. Freshw. Ecosyst. 18: 459-482. 3 ICCAT. 2009. Report of the Independent Performance Review of ICCAT. Madrid. 4 ICCAT Task 1 data. 5 Reviewed in: Fowler, S. and Séret, B. 2010. Shark fins in Europe: Implications for reforming the EU finning ban. EEA and UICN SSG. 6 Simpfendorfer, et al. 2002. Fish. Res. 55: 175-192; Baum, J.K. et al. 2003. Science 299: 389-392. 7 Stevens, J. 2009. Prionace glauca. In: UICN 2013. www.UICNredlist.org; 8 Baum et al. 2003; Ferretti, F. 2008. Conserv. Biol. 22: 952-964. 9 ICCAT. 2009. Report of the 2008 shark stock assessment meeting. Collect. Vol. Sci. Pap. ICCAT 64: 1343-1491. 10 ICCAT Task 1 data on nominal annual catches, 2012. 11 ICCAT, 2010. Report of the 2009 porbeagle stock assessments meeting. Collect. Vol. Sci. Pap. ICCAT 65: 1909-2005. 2

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