Les marketplaces dans le collimateur de l'ACPR - Kramer Levin

19 nov. 2014 - changé de métier, elles ne font plus seulement du .... CMF, art. L. 314-1, II, 5° et 3°, c. 4. Cf. P. Storrer, «L'encaissement de fonds pour le ...
3MB taille 42 téléchargements 308 vues
Analyses

Analyses

droit bancaire

Les marketplaces dans le collimateur de l’ACPR L’Autorité de contrôle prudentiel et de supervision (ACPR) a officialisé sa position lors d’une conférence qu’elle a tenue le 4 novembre dernier («Services de paiement et de monnaie électronique : nouveaux enjeux»). Les places de marché sont menacées d’exercice illégal d’une activité réglementée, celle de fourniture de services de paiement.

L

Par Pierre Storrer, counsel, Kramer Levin Naftalis & Frankel

8

e droit des paiements est conquérant, du moins changé de métier, elles ne font plus seulement du l’interprétation qu’en fait l’ACPR : après les plate- commerce, de l’intermédiation commerciale, mais formes de crowdfunding1 (par dons ou par prêts)  ; du paiement, de l’intermédiation financière. Cela après les plateformes de conversion de bitcoins2, n’est pas rien. c’est au tour des marketplaces de violer, sans le Ce faisant, le régulateur français procède à une intersavoir, le monopole de l’offre de services de paie- prétation particulièrement large et audacieuse du ment, réservé aux prestataires du même nom Code monétaire et financier et de la directive sur les (PSP  : établissements de crédit, établissements de services de paiement (DSP) dont il est issu. Son intermonnaie électronique, établissements de paiement). prétation est contestable faute, tout bonnement, Les principaux acteurs du marché reçurent en effet, de fondement légal4. Que nous sachions, l’encaisà compter de fin 2013, quelques courriers, commi- sement de fonds pour le compte de tiers n’est pas natoires de l’ACPR leur exposant en substance  : l’un des sept services de paiement listés par l’article L.  314-1, II, du Code monévous exploitez une platetaire et financier, pas davanforme de mise en relation N’oublions pas que la tage qu’il ne l’était dans la de vendeurs professionnels DSP. Or, n’oublions pas que et d’acheteurs de produits réglementation d’une la réglementation d’une divers  ; vous encaissez activité est une exception le prix des commandes activité est une exception à payé par l’acheteur, puis le la liberté du commerce et de à la liberté du commerce et de l’industrie, par conséreversez au vendeur moyenquent d’interprétation (très) nant commission ; une telle l’industrie, par conséquent stricte. Certes, le projet activité d’encaissement de d’interprétation (très) stricte. de deuxième directive sur fonds pour le compte de les services de paiement tiers caractérise la fourniture de deux services de paiement que sont, aux (DSP 2) envisage d’inclure dans son champ d’applitermes du Code monétaire et financier, l’acquisition cation les plateformes de commerce électronique d’ordres de paiement et l’exécution d’opérations agissant en qualité d’intermédiaire pour le compte à de virement associées à la gestion d’un compte de la fois d’acheteurs et de vendeurs. Certes… mais ce n’est pas de droit positif et l’on ne voit pas en vertu paiement3. La conséquence ? Elle n’est pas négligeable, puisque de quoi l’ACPR s’arrogerait la faculté de devancer les les places de marché sont sommées de prendre textes. sans plus tarder statut de PSP (agrément par l’ACPR, L’Autorité poursuit sans conteste un objectif légitime soumission à un lourd régime prudentiel, mise en de protection des fonds circulant par l’intermédiaire place d’un dispositif de lutte contre le blanchiment des places de marché. Mais leur protection au détour des capitaux et le financement du terrorisme) ou à de la réglementation des services de paiement (de exercer en qualité d’agent d’un PSP après enregistre- leur prestation même) ne tombe pas sous le sens. ment auprès de l’ACPR. A défaut de mise en confor- Car «il n’est nullement nécessaire de les soumettre mité, la saisine du procureur de la République pour à des règles prudentielles et à la réglementation de exercice illégal d’une profession réglementée (trois lutte contre le blanchiment de capitaux et de finanans d’emprisonnement et 375 000 € d’amende) est cement du terrorisme. Le statut d’établissement de fulminée. Il s’avère ainsi que les marketplaces ont paiement (pourtant le plus léger des prestataires de

Mercredi 19 novembre 2014

paiement) est non seulement disproportionné, mais tout bonnement inadapté  ; l’imposer revient à ne laisser survivre que les plus gros opérateurs. Il suffirait de prévoir le recours à un compte de cantonnement ou à des garanties bancaires pour limiter le risque – en réalité minime – qu’une procédure collective ne se répercute sur les acheteurs et/ou vendeurs qui seront passés par son intermédiaire […]  5». Précisons, pour conclure sur ce terrain, que, dans son dernier état (Revue de l’ACPR n° 19, sept.oct. 2014, p.  6), la doctrine de cette dernière s’est ainsi affinée : «La partie “réelle” de la transaction, qui porte sur un bien ou un service, n’est pas concernée par la réglementation sur les services de paiement. Par contre, la partie monétaire de la transaction en relève totalement.» Seule «une jambe» de l’activité des places de marché serait donc concernée par le droit des services de paiement. Une jambe, et non les deux, au risque de les faire boiter. En attendant, on ne peut négliger le fait que le modèle économique des marketplaces va se trouver bouleversé et, avec elles, l’équilibre général du e-commerce6. M.  Marc Lolivier, délégué général de la FEVAD (Fédération de l’e-commerce et de la vente à distance), déclarait ainsi récemment  : «Les marketplaces sont très importantes dans le modèle français du commerce électronique. Importantes pour les sites qui les abritent et en tirent une part très significative de leur rentabilité, pour les clients qui ont accès à une offre large et la garantie d’un tiers de confiance en cas de pépin, et pour les petits vendeurs qui y trouvent une audience importante et une véritable alternative à de coûteuses campagnes Adwords7.» «Le volume d’affaires des places de marché s’élève à 2 milliards d’euros selon la Fevad et 2,5  milliards selon Xerfi.» De fait, dans le baromètre trimestriel de l’audience du e-commerce en France, établi par la Fevad et Médiamétrie, figurent bon nombre (et en bonnes places) de marketplaces. Dans le «collimateur» de l’ACPR, les places de marché seraient en outre dans le «viseur» de Bercy, qui envisage de «muscler la lutte contre la fraude

&

DROIT AFFAIRES

Directeur de la publication : Jean-Guillaume d’Ornano 01 53 63 55 55 Rédactrice en chef : Ondine Delaunay Chambaud 01 53 63 55 61 [email protected] Rédaction : Florent Le Quintrec 01 53 63 55 73 [email protected] Delphine Iweins [email protected]

dans le domaine de la vente en ligne et spécialement dans les marketplaces8». L’article 13 du projet de loi de finances rectificative pour 2014 (déposé à l’Assemblée nationale le 12  novembre dernier) prévoit en effet la modernisation du droit de communication de l’administration fiscale, notamment pour renforcer la lutte contre la fraude via Internet. C’est là une mesure phare du projet de loi, ainsi présentée dans le dossier de presse qui l’accompagne  : «Le caractère dématérialisé du commerce en ligne facilite certaines fraudes et les rend plus complexes à détecter et à combattre. A titre illustratif, le recours aux sites Internet d’échanges de biens ou de services permet aisément de dissimuler une activité d’achatrevente ou par exemple de location saisonnière, les acteurs étant plus difficilement identifiables (utilisation de “pseudo”, lien entre une adresse de serveur informatique et personne physique ou morale réalisant l’activité). Le volume de leur activité peut aussi être éclaté sur plusieurs sites internet. Il est ainsi devenu nécessaire de disposer d’un outil de détection plus efficace et réactif.» «Collimateur», «viseur», il est indéniable que les marketplaces sont au cœur de l’actualité. n 1. Cf. ACPR et AMF, Guide du financement participatif (crowdfunding) à destination des plates-formes et des porteurs de projet, 14 mai 2013. Et, en dernier lieu, ACPR et AMF, S’informer sur le nouveau cadre applicable au financement participatif (crowdfunding), 30 sept. 2014. 2. Cf. Banque de France, Les dangers liés au développement des monnaies virtuelles : l’exemple du bitcoin, Focus n° 10, 5 déc. 2013. Et ACPR, Position n° 2014-P-01 relative aux opérations sur Bitcoins en France, 29 janv. 2014. 3. CMF, art. L. 314-1, II, 5° et 3°, c. 4. Cf. P. Storrer, «L’encaissement de fonds pour le compte de tiers vaut-il fourniture de services de paiement ?», Revue Banque n° 777, nov. 2014, p. 86. 5. M. Roussille, «Marketplaces et services de paiement : jusqu’où ira l’impérialisme de l’ACPR», Revue de droit bancaire et financier 2014, alerte 23 6. Cf. Ph. Corrot et A. Nussenbaum, «Marketplace : l’ecommerce de demain», mars 2014, pour qui elles «sont la réponse aux enjeux du e-commerce d’aujourd’hui et de demain». 7. «Les marketplaces françaises mises en péril par les autorités bancaires», JDN 4 nov. 2014. 8. «Bercy s’attaque aux marketplaces», Next INpact, 13 nov. 2014. Voir encore «Fraude à la TVA : Bercy a les marketplaces dans son viseur», JDN, 14 nov. 2014.

Editeur & Responsable Commerciale: Lucy Letellier 01 53 63 55 56 [email protected] Assistante : Sylvie Alinc 01 53 63 55 55 [email protected] Conception graphique : Florence Rougier 01 53 63 55 68 Maquettiste : Gilles Fonteny (55 69) Secrétaire générale : Laurence Fontaine 01 53 63 55 54 Responsable des abonnements : Magali Viette 01 53 63 55 58 [email protected]

10 rue Pergolèse • 75016 Paris • Tél. 01 53 63 55 55

Administration, abonnements Service abonnements : 10 rue pergolèse 75016 Paris Tél 01 44 84 80 45 - Fax 01 53 63 55 60 optionfinance : [email protected] Impression : Ambiance graphique - Hôtel d’Entreprises, rue Aristide Bergès, Local D1 - 17180 Périgny N° de commission paritaire : 0117 I 90179 N° ISSN : 2105-1909 Editeur : Option Droit & Affaires est édité par Option Finance SAS au capital de 2 043 312 euros. Siège social : 10 rue Pergolèse 75016 PARIS - RCS Paris B 342 256 327 Fondateur : François Fahys Option Finance édite : Option Finance, Option Finance à 18 heures, Option Droit & Affaires, Funds, Family Finance, AOF, Option Finance Expertise.

Mercredi 19 novembre 2014

9