Les Etudes entrepreneuriales dans l'enseignement supérieur; Higher ...

dans l'enseignement supérieur, tenue à l'Université de sciences appliquées de .... économiques de Cracovie, la question de l'introduction d'études entrepreneuriales ...... L'Institut pour la promotion de l'entrepreneuriat et l'Incubateur d'affaires.
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UNESCO

UNESCO-CEPES CENTRE EUROPÉEN POUR L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR

L’Enseignement Supérieur en Europe

Dans ce numéro:

Les études entrepreneuriales dans l’enseignement supérieur Vol. XXIX, No. 2, 2004

L’Enseignement Supérieur en Europe Volume XXIX Numéro 2 2004

TABLE DES MATIERES

Editorial............................................................................................................................ 173 Les études entrepreneuriales dans l’enseignement supérieur

Les études entrepreneuriales – une discipline académique en ascension au Vingt-etunième siècle ............................................................................................................................ 177 Christine Volkmann L’université entrepreneuriale: une stratégie de développement institutionnel ...................... 187 Peter Schulte L’entrepreneuriat institutionnel et académique: ses conséquences pour la gouvernance et la gestion universitaires............................................................................................................ 193 Klaus Anderseck Les conséquences de l’entrepreneuriat académique sur l’administration universitaire ........ 201 Janusz Teczke et Remigiusz Gawlik Les dimensions sociales et intellectuelles de l’entrepreneuriat.............................................. 205 Stefan Kwiatkowski « Apprendre à faire » comme pilier de l’enseignement et ses rapports avec les études entrepreneuriales dans l’enseignement supérieur. Le contexte européen et ses approches .. 221 Mircea Miclea La KfW et la promotion de la formation à l’entrepreneuriat en Allemagne.......................... 233 Margarita Tchouvakhina Le Conservatoire National des Arts et Métiers....................................................................... 237 Gérard Kuhn La Déclaration de Gelsenkirchen sur la gestion entrepreneuriale des établissements et les études entrepreneuriales dans l’enseignement supérieur en Europe ...................................... 241 4

Tribune Les universités privées: une modalité de développer l’accès à l’enseignement universitaire à Ontario.............................................................................................................. 243 Billroy Powell La contribution de l’enseignement supérieur au développement de jugements objectifs et subjectifs dans le cadre du processus courant de prise de décision........................................ 255 Joseph Klein La mondialisation et la liberté du savoir ................................................................................. 269 Sylvia van de Bunt-Kokhuis Comptes-rendus et études bibliographiques ...................................................................... 285 Notes sur les auteurs .............................................................................................................. 293

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Editorial Il y a cinq ans, cette revue a dédié un de ses numéros (Volume 24, Numéro 1, 1999) à « L’université entrepreneuriale : comment survivre et prospérer à l’époque de la compétition mondiale ». Les dix articles qui composaient la thématique consistaient en deux analyses générales de la question de l’entrepreneuriat et de l’adaptabilité dans l’enseignement supérieur, six études de cas institutionnels, et deux études thématiques, toutes très inspirées par le paradigme quadrilatéral d’Ernest Boyer du savoir dans l’enseignement supérieur : le « savoir de la découverte », le « savoir de l’intégration », le « savoir de l’application » et le « savoir de l’instruction ». La question fondamentale posée et poursuivie par la thématique était de savoir comment l’enseignement supérieur pouvait le mieux entreprendre et accomplir les devoirs résultant du paradigme de Boyer, y inclus l’ensemble des devoirs classiques des universités, pour satisfaire toutes les parties impliquées, tout en s’assurant un rôle et une place permanents dans le cadre de la société, étant donné l’accroissement des coûts subis par les universités classiques dans un milieu où les gouvernements, les financeurs principaux de l’enseignement supérieur, réduisent leurs contributions. Afin de survivre, concluait-on, les universités doivent devenir de plus en plus entrepreneuriales et flexibles. Ce numéro de l’Enseignement supérieur en Europe, qui traite aussi de « l’université entrepreneuriale », vient après cinq ans, dans un contexte encore plus concurrentiel de l’enseignement supérieur européen, qui doit désormais tenir compte du Processus de Bologne, menant à la création de l’Espace européen de l’enseignement supérieur et de l’Espace européen de la recherche et de l’innovation, en plus des permanentes baisses des allocations gouvernementales et de la nécessité croissante pour les diplômés de se montrer flexibles devant un marché du travail incertain. Il se concentre ensuite sur l’enseignement de l’entrepreneuriat dans des établissements d’enseignement supérieur et présuppose que les universités enseignant l’entrepreneuriat seront ellesmêmes entrepreneuriales, au moins à un certain degré. Les huit articles - plus la « Déclaration de Gelsenkirchen » - qui forment la thématique sont issus d’interventions qui ont été présentées à la Réunion institutionnelle des experts sur la gestion entrepreneuriale des institutions et les études entrepreneuriales dans l’enseignement supérieur, tenue à l’Université de sciences appliquées de Gelsenkirchen (Fachhochschule Gelsenkirchen), en Allemagne, les 4-7 décembre 2003. La conférence, qui a été organisée en coopération par la Fachhochschule Gelsenkirchen et l’UNESCO-CEPES, a bénéficié du soutien de l’Association des universités et d’autres établissements d’enseignement supérieur d’Allemagne (Hochschulrektorenkonferenz HRK) et de la Commission de l’Allemagne pour l’UNESCO. Le but de cette conférence a été de stimuler l’entrepreneuriat dans les universités comme un moyen de mieux satisfaire les objectifs du Processus de Bologne. Les deux premiers articles introduisent le sujet de l’entrepreneuriat de différents points de vue. Le premier article du professeur Christine Volkmann de la Fachhochschule Gelsenkirchen retrace les origines des études entrepreneuriales dans les établissements d’enseignement supérieur dès leurs origines aux Etats-Unis, et présente ensuite leur fleurissement dans les années 1990, d’abord aux Etats-Unis et ensuite au Royaume-Uni, en Belgique, aux Pays-Bas et en Allemagne. Même si une partie du processus par lequel une université enseigne l’entrepreneuriat devrait la déterminer à devenir un établissement entrepreneurial, l’auteur se concentre sur les types et le fonctionnement de programmes d’enseignement en entrepreneuriat. Ceux-ci, affirme-telle, peuvent être « concentrés » - si ils se limitent aux départements de commerce ou

d’ingénierie des établissements d’enseignement supérieur donnés – ou « étendus », si ils touchent à des étudiants d’autres disciplines. Dans ce cas, ils peuvent être des programmes « aimants » ou « radiants », les premiers attirant des étudiants de différentes disciplines à suivre des cours dans les départements de commerce et d’ingénierie, et les autres représentant une situation où les cours d’entrepreneuriat sont dispensés dans les autres facultés et départements de l’établissement d’enseignement supérieur en question. L’article suivant, du professeur Peter Schulte, le recteur de la Fachhochschule Gelsenkirchen, est en effet une étude de cas sur l’établissement d’enseignement supérieur en question. Il souligne l’importance pour tout établissement d’enseignement supérieur qui veut prospérer de l’adoption de structures entrepreneuriales et d’une culture entrepreneuriale. Schulte cite l’exemple de son propre établissement, qui a créé un incubateur d’affaires, un centre entrepreneurial et un parc technologique, qui servent au perfectionnement de l’éducation entrepreneuriale des étudiants et à obtenir des revenus pour l’université à travers la création de petites compagnies. Même si la plupart des diplômés ne deviennent pas des entrepreneurs indépendants, ils sont tous censés avoir développé leurs attitudes entrepreneuriales, indifféremment des disciplines étudiées. Les deux articles suivants, le premier du professeur Klaus Anderseck de la FernUniversität de Hagen, Allemagne, et le deuxième du professeur Janusz Teczke, vicerecteur de l’Université de sciences économiques de Cracovie, et de Remigiusz Gawlik, se concentrent sur des réformes administratives et relatives à la gouvernance qu’une université doit entreprendre si elle veut être elle-même entrepreneuriale et offrir une formation en entrepreneuriat. L’article du professeur Anderseck reflète la situation d’une université allemande typique gérée par l’Etat, autonome en termes de gouvernance, et qui pratique la liberté académique selon le paradigme de Humboldt. Etant donné que les structures et les mentalités traditionnelles peuvent constituer des obstacles à l’entrepreneuriat, il examine les meilleures modalités d’introduire des programmes d’entrepreneuriat et une vraie mentalité entrepreneuriale dans un tel contexte. Dans la perspective d’Anderseck, les aspects académiques des études entrepreneuriales n’auront pas trop de mal à être introduites dans des disciplines académiques comme les sciences économiques, même si les publications dans le domaine ont été critiquées pour leur manque de qualité intellectuelle. L’introduction du côté pratique du domaine – les stages, les incubateurs d’affaires, les compagnies en développement, et ainsi de suite – a été acceptée moins rapidement, en effet, et presque rejetée en tant qu’activité d’un département d’université classique. Cependant, les activités pratiques sont d’une importance capitale dans l’enseignement en entrepreneuriat. Anderseck met en évidence trois modèles où les structures et les activités pratiques d’entrepreneuriat peuvent être liés à l’instruction formelle dans le domaine : le « modèle intégratif basé sur le campus » ; le « modèle indépendant de campus » ; et le « modèle double basé sur le campus ». Le premier, suivant l’exemple de l’Université de Wupperthal, intègre toutes les activités dans un cadre académique et peut rejeter tout criticisme académique du côté pratique de l’opération en vertu des réputations académiques impeccables des deux enseignants principaux. Ainsi, le bon fonctionnement de ce modèle dépend des réputations d’enseignants spécifiques. Les deux autres modèles mettent en évidence, de manière plus ou moins évidente, la distinction faite entre l’activité académique, d’un côté – faisant partie pour la plupart du programme d’enseignement universitaire classique – et les activités pratiques de formation, de l’autre côté – dispensées, selon le deuxième modèle – 8

par des organisations non-académiques reliées de différents types ou, selon le troisième modèle, par différents subsidiaires non-académiques de l’université dispensant le programme académique. Ce dernier modèle est préféré aux Etats-Unis, comme il est le cas des programmes d’entrepreneuriat de la Case Western Reserve University de l’Ohio et de l’Université de Texas d’Austin. Pour Janusz Teczke et Remigiusz Gawlik de l’Université de sciences économiques de Cracovie, la question de l’introduction d’études entrepreneuriales dans leur université est une simple question de répondre, d’un côté, à la demande des étudiants que les diplômés soient doués avec des « instruments » nécessaires afin de réussir sur le marché du travail, et de l’autre, à l’évidence que l’entrepreneuriat, en tant que discipline d’enseignement et attitude générale affectant l’établissement, sera profitable pour l’université. La question concerne donc la désignation d’équipements et l’embauche de personnel. Dans le cas spécifique de l’Université de sciences économiques de Cracovie, la création d’un programme spécial d’entrepreneuriat pour les étudiants handicapés, le Centre international de formation pour les étudiants avec des handicaps moteurs, lui offre la possibilité de desservir un segment négligé de la communauté étudiante, en préparant ses membres pour des carrières spécialisées dans le commerce. Les deux articles qui suivent quittent les considérations faites sur des programmes concrets d’entrepreneuriat dans des établissements d’enseignement supérieur pour effectuer une analyse de l’esprit de l’entrepreneuriat – surtout dans le cas du premier article du professeur Stefan Kwiatkowski, président de la Chaire UNESCOEOLSS d’entrepreneuriat intellectuel dans le monde du travail et de l’enseignement supérieur pour le développement durable de l’Académie d’entrepreneuriat et de gestion « Leon Koźmiński » de Varsovie. A partir d’une analyse de plusieurs études de cas qu’il présente dans son article et de certains écrits pertinents de Joseph Schumpeter et de Peter Drucker, Kwiatkowski affirme que l’entrepreneuriat de succès est moins le nouvel usage de ressources inutilisées, et plutôt l’usage innovateur de ressources déjà utilisées, censé répondre à une opportunité perçue et démontrable. Des ingrédients importants du succès sont l’injection de capital social qui doit être accumulé sur une longue période, avant tout moment entrepreneurial, et la capacité de percevoir des opportunités, indifféremment de leur aspect insignifiant à la première vue. L’idée la plus importante est que les qualités entrepreneuriales de l’esprit et de la personnalité ne dépendent pas de la disponibilité de ressources matérielles, mais plutôt du développement d’attitudes et de comportements appropriés – des qualités qui peuvent être apprises dans plusieurs milieux. Selon le deuxième auteur, le professeur Mircea Miclea de l’Université « BabeşBolyai » de Cluj-Napoca, Roumanie, et président de la Chaire UNESCO de gouvernance et gestion de l’enseignement supérieur de cette université, l’enseignement supérieur est et devrait être un endroit crucial pour l’acquisition de qualités entrepreneuriales. Une bonne partie des articles de l’ancien numéro de l’Enseignement supérieur en Europe sur « L’université entrepreneuriale… » étaient liées au susmentionné paradigme quadrilatéral d’Ernest Boyer du savoir dans l’enseignement supérieur, et le professeur Miclea relie son discours aux quatre piliers de l’apprentissage du Rapport de Jacques Delors, Learning: The Treasure Within (1996): (i) « apprendre à savoir »; (ii) « apprendre à faire »; (iii) « apprendre à être »; et (iv) « apprendre à vivre ensemble » - et en particulier au pilier « apprendre à faire », et à ses trois aspects : l’acquisition de compétences professionnelles pertinentes ; l’apprentissage de compétences sociales ; et l’évolution en tant qu’agent du changement. Ce pilier et ses aspects sont tous liés aux qualités de l’esprit nécessaires à tout entrepreneur futur et devraient être enseignés et pratiqués en tant que tels dans les 9

établissements d’enseignement supérieur. Le professeur Miclea explique ensuite les modalités par lesquelles l’enseignement entrepreneurial peut être appliqué au niveau universitaire et comment celles-ci répondent aux différentes directives de l’Union Européenne dans le domaine de l’enseignement supérieur et aux critères du Processus de Bologne. D’une importance particulière est ici la promotion de l’entrepreneuriat intellectuel. Une des caractéristiques de l’enseignement entrepreneurial, y inclus de la nécessité de développer les compétences entrepreneuriales des diplômés dans toutes les disciplines, est le besoin de soutien externe, à la fois matériel et de formation, et de rapports réciproques entre des programmes et des instituts donnés, y inclus leurs diplômés, et les fournisseurs de soutien. Les deux articles qui suivent offrent des exemples d’un tel soutien : financier, dans le premier cas, et éducationnel, dans le deuxième. Dans le premier article, Margarita Tchouvakhina présente les modalités par lesquelles l’importante banque allemande d’investissements où elle travaille, Kreditanstalt für Wiederaufbau – KfW – a financé et soutenu, depuis 1998, la création d’un nombre de chaires dans différents établissements allemands d’enseignement supérieur. Cet effort a été couronné par le succès, de manière qu’au moment de la rédaction de l’article (avril 2004) quarante chaires d’entrepreneuriat, qui ont bénéficié des allocations du KfW, fonctionnaient dans des universités allemandes, et dix autres étaient en train d’être créées. Le financement par la banque est limité à cinq ou dix ans, les chaires ayant après à survivre par leurs propres pouvoirs, ce qu’elles feront en étant partiellement soutenues par leurs propres établissements hôtes, mais en spécial par les activités de l’incubateur et du réseau qui ont été initiées. Dans le deuxième article, le professeur Gérard Kuhn, directeur pour la recherche et les relations internationales du Conservatoire National des Arts et Métiers de Paris, France, présente les manières par lesquelles son organisation nationale aide des entreprises françaises à travers des programmes de formation permanente, la recherche technologique, et la dissémination de la culture scientifique et technique. Le Conservatoire régit en particulier un Centre national de l’entrepreneuriat, qui offre des possibilités de formation et de reformation à des petits entrepreneurs, ainsi que des services de consultation pour les petites et très petites entreprises. La « thématique » finit par la « Déclaration de Gelsenkirchen sur la gestion entrepreneuriale des établissements et les études entrepreneuriales dans l’enseignement supérieur en Europe », qui a été adoptée le 6 décembre 2003 par les participants à la conférence où les articles de la section thématique ont été originairement présentés. La Déclaration appelle à un accroissement de l’entrepreneuriat dans la gestion des universités européennes et à un développement de l’introduction des études entrepreneuriales, afin de les aider à accomplir les buts du Processus de Bologne et la création de l’Espace européen de l’enseignement supérieur en 2010. La déclaration appelle aussi au soutien de l’UNESCO-CEPES pour la création de Chaires UNESCO d’entrepreneuriat dans les universités de la Région Europe de l’UNESCO. Les trois articles de la section « Tribune » qui suit traitent des sujets différents mais font référence, même obliquement, à l’entrepreneuriat, aux manières dont il est enseigné dans les établissements d’enseignement supérieur et pratiqué par les établissements d’enseignement supérieur et leurs diplômés. Le premier article, de Billroy Powell du Canada, présente des arguments pour et contre la création et le fonctionnement d’universités privées ayant le droit de délivrer des 10

diplômes dans la Province d’Ontario. Son argument est que les autorités publiques sont incapables, du fait des ressources financières insuffisantes, de fournir un nombre suffisant de places dans les universités publiques de la province afin de satisfaire la demande d’enseignement supérieur. Les universités privées, une fois autorisées, devront être innovatrices – entrepreneuriales – afin d’attirer des étudiants, et devront fournir de la valeur pour l’argent investi, en dispensant des programmes d’études nouveaux et innovateurs. Joseph Klein de l’Israël étudie la question de savoir combien l’enseignement supérieur arrive à inculquer aux diplômés la capacité de faire de bons jugements objectifs et subjectifs dans le cadre du processus quotidien de prise de décisions. Cette capacité représente une partie importante de l’entrepreneuriat. Finalement, Sylvia van de Bunt-Kokhuis, dans son étude sur les effets de la mondialisation sur la liberté des connaissances, attire néanmoins l’attention sur les risques de la sur-commercialisation de la production de connaissances, y inclus celle entreprise dans les universités. Elle avertit que trop d’entrepreneuriat peut déterminer l’université à dévier de sa mission humaniste, culturelle et scientifique – un danger qui a été également relevé par plusieurs des auteurs qui écrivent dans la section thématique. Nous concluons ce numéro par des études bibliographiques des professeurs Eric Gilder et Laura Savage de l’Université « Lucian Blaga » de Sibiu, Roumanie. Le prochain numéro de l’Enseignement supérieur en Europe aura comme thème « La fuite de cerveaux et le marché du travail académique et intellectuel en Europe du Sud-Est ».

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Les études entrepreneuriales - une discipline académique en ascension au Vingt-et-unième siècle CHRISTINE VOLKMANN L’entrepreneuriat est une discipline relativement nouvelle d’étude dans les universités. Son introduction dans l’enseignement a commencé en 1947. Depuis, la discipline d’est développée continuellement, et dans les années 1980 et 1990 il y a eu une véritable explosion de l’offre de telles études dans les universités des Etats-Unis. La discipline est arrivée en Europe assez tard, mais ici aussi les programmes deviennent de plus en plus nombreux, surtout au Royaume-Uni mais aussi, désormais, en Belgique et en Allemagne. Les programmes universitaires en entrepreneuriat peuvent être « concentrés » ou « étendus ». Les programmes étendus peuvent être des « programmes aimant » ou des « programmes radiant ». L’auteur présente et décrit ces différents types de programmes et offre des exemples de leur application dans différentes universités d’Allemagne et de l’étranger. Cet enseignement, soutient-elle, gagnera en importance au Vingt-et-unième siècle; cependant, les cours requerront des méthodes innovatrices de financement et surtout une bonne partie de financement privé.

INTRODUCTION Par comparaison à d’autres disciplines universitaires, les études entrepreneuriales représentent - surtout en Europe – une discipline relativement jeune. Néanmoins, cette discipline s’est rapidement développée au cours des dernières années. Déjà au début des années 1990, Alan Grant (1998), un des pionniers de la formation entrepreneuriale à Babson College, au Massachusetts, la définissait comme « la plus importante discipline universitaire pour l’enseignement des affaires au Vingt-etunième siècle ». Certainement, aucune autre discipline économique et des affaires n’a connu une telle évolution dynamique dans les universités au cours de la dernière décennie qu’il a été le cas de l’entrepreneuriat. Cependant, une discipline dynamique comme l’entrepreneuriat universitaire est censée rencontrer certains défis et problèmes. Partant du principe que l’entrepreneuriat peut être enseigné et appris à un certain degré, il s’impose conséquemment de déterminer quels sont les approches et les modèles d’enseignement qui sont appropriés pour les universités. Il est également nécessaire de définir les critères d’évaluation et de notation des programmes d’entrepreneuriat. Dans ce contexte, un sujet fréquent de discussion est celui de savoir qui est effectivement capable d’enseigner les sciences entrepreneuriales. S’agit-il de professeurs ou d’entrepreneurs ou d’une équipe de professeurs et d’entrepreneurs ? Enfin, il y a la question de la légitimité et de la réputation de l’entrepreneuriat en tant que domaine d’enseignement et de recherche dans les universités. Tenant compte de ces questions, cet article traite des aspects essentiels du développement, du status quo, et des futures directions de l’enseignement entrepreneurial dans les universités et comporte une analyse du cadre conceptuel, ainsi que différents exemples. Basé majoritairement sur l’approche américaine, l’article se concentre en particulier sur l’enseignement entrepreneurial dans les universités européennes, avec une perspective particulière sur les universités

allemandes. L’article fera aussi mention de certaines tendances et de certains défis agissant dans le domaine. LE DEVELOPPEMENT ET LE STATUS QUO DE L’ENSEIGNEMENT ENTREPRENEURIAL DANS LES UNIVERSITES On reconnaît généralement le fait que les universités américaines ont été les pionniers dans le domaine de l’enseignement de l’entrepreneuriat dans les universités. Déjà en 1947 on avait posé les fondements de l’enseignement entrepreneurial par l’introduction des premiers cours MBA en « Gestion des nouvelles entreprises » (J. A. Katz, 2003) à l’Ecole de Commerce de Harvard. En 1953, Peter Drucker a donné un cours de « Entrepreneuriat et innovation » à l’Université de New York. Il a publié ensuite un ouvrage portant le même titre qui gagnera une importance mondiale dans les années à suivre. Le Collège Babson a introduit son premiers cours d’entrepreneuriat en 1967. Une explosion entrepreneuriale a eu lieu aux Etats-Unis à compter des années 1970 et s’est poursuivie dans les années 1980 et 1990, et jusqu’à présent. En 1970, une enquête nationale effectuée sur les écoles de commerce a découvert qu’il y avait seulement un nombre de seize cours d’entrepreneuriat donnés dans le pays. Selon une étude de 1997 de Vesper et Gartner, plus de 400 écoles et universités de commerce dispensaient au moins un cours en entrepreneuriat, et plus de cinquante écoles dispensaient quatre cours ou plus. A la fin de l’année 2002, plus de 700 programmes d’entrepreneuriat étaient dispensés dans les écoles et les universités de commerce . Qu’en est-il de l’Europe ? Ici on peut trouver un paysage très hétérogène de l’évolution, une situation que pourrait être reliée en particulier aux conditions politiques, économiques, sociales et linguistiques-culturels des différents pays européens. Burton Clark (1998) a été un des premiers universitaires à commencer, très tôt, à analyser l’état et les perspectives d’évolution des universités européennes en train de devenir des universités entrepreneuriales. Dans son ouvrage Creating Entrepreneurial Universities - Organizational Pathways of Transformation (Créer des universités entrepreneuriales – les chemins organisationnels de transformation), Clark présente les défis affrontés par les universités européennes sur le chemin vers un statut d’«universités entreprenauriales ». Son explication des processus de transformation entrepreneuriale basée sur cinq études de cas est impressionnante. Les universités inclues dans les études de cas sont l’Université de Warwick (RoyaumeUni, l’Université de Twente (Pays-Bas), l’Université de Strathclyde (Royaume-Uni), l’Université de Technologie de Chalmers (Suède), et l’Université de Joensuu (Finlande). A partir des résultats obtenus par Clark, on peut tirer la conclusion que les « chemins organisationnels de transformation universitaire » ont été introduites entre 1980 et 1995 principalement en Europe du Nord, même si des cours isolés d’entrepreneuriat ont également été dispensés en Europe Centrale et du Sud à cette même époque. Ces cinq universités doivent être distingués en tant que des pionniers exemplaires de l’enseignement entrepreneurial en Europe. Cinq ans sont passés depuis la publication de l’ouvrage de Clark en 1998 et le monde de l’enseignement entrepreneurial dans les universités a changé de manière fondamentale en Europe continentale. 14

En Allemagne, par exemple, la première chaire d’entrepreneuriat n’a été créée qu’en 1998, mais la discipline et le nombre de chaires ont évolué depuis de manière dynamique. Aujourd’hui il y a cinquante et un chaires et postes d’enseignant en entrepreneuriat en Allemagne, dont un nombre de quarante-trois fonctionnent activement. Ces chiffres montrent – au moins au niveau du nombre de chaires – que les efforts allemands de rattrapage en matière d’enseignement universitaire en entrepreneuriat ont été jusqu’ici réussis. Cela semble également vrai pour la Suisse, l’Autriche et la France. Afin de mesurer la qualité de l’enseignement entrepreneurial dans les universités allemandes on a établi en 2001 un classement. Un deuxième classement a eu lieu en 2003 et vient récemment d’être publié. L’étude From Student to Entrepreneur (De l’étudiant à l’entrepreneur) (Schmude et Uebelacker, 2003) analyse et conclut quelles universités offrent les meilleures opportunités dans l’enseignement entrepreneurial. Le classement général a été basé sur huit composantes ayant chacune un degré différent d’importance. Tableau 1. Les critères de classement Module de classement

Facteur de poids

Cours d’entrepreneuriat dispensés Marketing et communication

30 pour cent (ou 120 points) 20 pour cent (ou 80 points)

Stimulation et développement de programmes 15 pour cent (ou 60 points) (par ex. compétition entre les projets d’affaires) Activités de start-up et de spin-off et leurs milieux Activités de transfert (surtout de transfert de technologies) Motivation du groupe-cible Réseaux Coopération et communication internes

10 pour cent (ou 40 points) 10 pour cent (ou 40 points) 5 pour cent (ou 20 points) 5 pour cent (ou 20 points) 5 pour cent (ou 20 points)

Source: L’auteur. Le classement ne comprend que les soixante-quinze universités « classiques » d’Allemagne. Les Fachhochschulen allemandes, c’est-à-dire les universités de sciences appliquées, ne sont pas incluses. En relation avec cette étude, le Tableau 2 présente le classement des plus importantes universités en 2003. Tableau 2. Le classement des universités allemandes en 2003 en termes d’études entrepreneuriales. Position Universités Points Bergische Universität GH Wuppertal 1

Technische Universität Dresden

288

3

RWTH Aachen

279

4 5

RWTH Aachen Universität Stuttgart

270 248 15

6 7

Universität Kaiserslautern Universität Karlsruhe (TH) Universität GH Siegen

244 240

Source: L’auteur. Même si de tels classements doivent être questionnés de façon critique, surtout pour ce qui est du choix de critères relevants ainsi que de leurs informations spécifiques, ils révèlent néanmoins les faits essentiels. Par exemple, le classement montre que les universités qui se trouvent près du sommet ont élaboré une idée compréhensive et logique d’entrepreneuriat, avec une série d’offres de cours bien conçue et que ces universités ont également appliqué avec succès leurs idées d’entrepreneuriat. En outre, un marketing et une communication efficaces sont des facteurs essentiels et décisifs de la réussite dans l’évaluation. Un grand nombre de centres d’entrepreneuriat peuvent être trouvés dans les universités. Ceux-ci viennent compléter l’offre de cours et les activités de recherche des chaires. Il y a à présent environ 200 centre d’entrepreneuriat aux Etats-Unis, dont certains ont acquis une renommée internationale, comme le Centre d’entrepreneuriat du MIT et le Centre d’entrepreneuriat Arthur M. Blank du Collège Babson. Pour ce qui est de l’Europe, un centre important est le Centre d’entrepreneuriat Hunter de l’Université de Strathclyde, en Ecosse. Il est impressionnant de savoir que l’entrepreneur écossais Tom Hunter a donné cinq millions de livres à l’Université de Strathclyde afin de créer son centre d’entrepreneuriat. Et cela dans un contexte où au Vingt-et-unième siècle le financement semble constituer un défi majeur pour les universités qui souhaitent développer des programmes de formation entrepreneuriale de haute qualité. A part la création de centres individuels d’entrepreneuriat, certaines universités oeuvrent très étroitement en collaboration avec des incubateurs d’affaires et des centres d’innovation dans leurs régions. Ainsi, la Fachhochschule de Gelsenkirchen coopère étroitement avec le Centre d’incubation Emscher Lippe. UN CADRE CONCEPTUEL ET DIFFERENTS EXEMPLES D’ENSEIGNEMENT EN ENTREPRENEURIAT A ce jour il y a un manque de recherches compréhensives sur les différentes acceptions et approches de l’enseignement entrepreneurial dans les universités. Presque aucune publication récente ne systématise de tels exemples dans le contexte comparatif des différentes universités nationales ou même internationales. La question ne concerne pas seulement la création de classements d’universités en fonction de critères bien choisis. La question est plutôt d’établir une analyse comparative des concepts et des modèles qui distingue leurs atouts et leurs faiblesses spécifiques. Il est également important d’identifier les bénéfices apportés par certains programmes à leurs groupes-cibles relevants. Et il faut enfin tenir compte des coûts généraux de ces programmes entrepreneuriaux. Dans ce contexte on peut citer une étude entreprise en 2002 à l’Université Cornell (Etats-Unis) (Streeter et al., 2002). A partir du cadre conceptuel, trente-huit programmes d’entrepreneuriat d’universités des Etats-Unis ont été systématiquement comparés et classés. L’étude fait la distinction entre deux catégories principales de programmes: 16

« concentrés » et « étendus ». « Un programme est concentré si ses enseignants, ses étudiants et son personnel sont situés exclusivement dans la sphère académique du commerce ou dans les sphères combinées du commerce et de l’ingénierie. Des exemples de programmes concentrés aux [Etats-Unis sont ceux de] Columbia, de Harvard, et de [l’] Université de Maryland. Parmi les programmes concentrés on peut également faire des distinctions par rapport au positionnement du centre d’intérêt ». Au niveau des programmes étendus, qui ciblent des étudiants au-delà de la sphère du commerce et de l’ingénierie, il y a deux catégories: les « programmes aimants » et les « programmes radiants ». Les « programmes aimants » attirent les étudiants vers des cours d’entrepreneuriat dispensés par une école de commerce, et les « programmes radiants » comportent des cours d’entrepreneuriat à l’extérieur d’une école de commerce, axés sur le contexte spécifique des étudiants qui ne suivent pas le commerce. Comme exemples de programmes étendus on peut citer ceux du Collège Babson, de l’Université Cornell, du MIT et de l’Université Stanford. Les chercheurs de l’Université Cornell ont découvert qu’aux Etats-Unis environ 74 pour cent des universités ont des programmes étendus, dont la plupart suivent le modèle de l’aimant. En outre, certaines universités proposent des modèles mixtes. La question de savoir si on doit appliquer ou pas une approche concentrée ou étendue, avec les deux spécifications, le « modèle aimant » et le « modèle radiant », ne peut pas trouver une réponse généralisatrice. Dans la vie réelle on peut identifier plusieurs versions de ces deux modèles. Figure 1. Types de programmes de cours en entrepreneuriat MBA seulement 5 (50%) Concentrés 10 (26%) MBA & UGB 4 (40%) Concentrés ou étendus? 38 (100%)

MBA & UGB & ENG 1 (10%) Unique 16 (86%) Etendus 28 (74%)

Aimant 18 (65%)

Radiant 2 (7%)

MBA = Master of Business Administration UGB = undergraduate business programs

Mixte 8 (28%)

Multiple 2 (14%) Etendu, niv. univ. seulement 6 (75%) Etendu, niv. pré-univ. 2 (25%)

Source: L’auteur. A partir de l’approche de l’Université Cornell, l’auteur a découvert que les universités allemandes offrent également des programmes « concentrés » et « étendus ». Cependant, on ne dispose pas d’informations détaillées concernant les différents 17

modèles offerts par toutes les universités allemandes. Par exemple, l’Université de Wuppertal se concentre actuellement sur l’enseignement entrepreneurial dans les domaines des sciences économiques et de la gestion des affaires.

Le Tableau 3 présente l’architecture spécifique du programme de qualifications entrepreneuriales de l’Université de Wuppertal. Tableau 3. Les qualifications entrepreneuriales à l’Université de Wuppertal. Architecture du programme

Module 1

Contenu

Intérêt principal de l’acquisition des compétences

Module 2

Module 3

Aspects de gestion et Aspects juridiques de Aspects économiques (socio)économiques de l’entrepreneuriat et de de l’entrepreneuriat et l’entrepreneuriat et de son son développement de son développement milieu Compétence

Compétence

Compétence

Compétence des pratiques

Compétence des pratiques

Compétence des pratiques

Soft skills Groupe cible

Les économistes qui sont intéressés dans l’entrepreneuriat et la création de nouvelles opportunités

Intégration curriculaire

Dans le cadre de la discipline principale « Entrepreneuriat et développement économique », sous la forme d’un cours structuré de licence et de mastaire

Durée

Trois semestres durant la période principale d’étude (les différents modules peuvent être suivis en parallèle).

Source: L’auteur. Pour ce qui est de l’enseignement entrepreneurial, la Fachhochschule de Gelsenkirchen a adopté une approche étendue. L’enseignement entrepreneurial est dispensé dans différents domaines d’étude en plus du domaine des sciences économiques. Ainsi, l’enseignement entrepreneurial est dispensé dans la Faculté d’informatique et dans plusieurs facultés de sciences de l’ingénieur ainsi que dans d’autres facultés. Ce qui rend le programme étendu est le fait que les étudiants qui proviennent de sections autres que le commerce peuvent également suivre des cours d’entrepreneuriat. Il faut mentionner dans ce contexte un modèle de processus d’enseignement entrepreneurial développé par l’Université de Limerick d’Irlande. Celui-ci est en accord avec l’approche de la Fachhochschule de Gelsenkirchen. « Sur le campus de l’Université de Limerick, les enseignants d’entrepreneuriat ont fait des expériences durant plusieurs années afin d’identifier la meilleure structure de cours ainsi qu’une méthodologie d’enseignement et d’instruction censée encourager les étudiants à réfléchir et à agir de manière entreprenante. Le but est de produire des diplômés qui 18

sont capables d’être innovateurs et qui peuvent reconnaître et créer des opportunités, prendre des risques, décider, analyser et résoudre des problèmes, et communiquer clairement et efficacement ». Ce modèle illustre en particulier les objectifs, le contenu, les méthodes d’instruction et les résultats du programme entrepreneurial. Tableau. Le modèle de l’Université de Limerick Entrées

Base de connaissances antérieures Nécessités de la personnalité Intérêts Motivation Habilités d’orientation de rôle Expérience de travail Effort Ressources

Processus But du contenu

Résultats

Définition de l’entrepreneuriat

But de l’instruction Méthodes didactiques Cours magistraux

Milieu

Livrets scolaires

Accomplissements

Innovation Créativité

Lectures Séminaires

Compétences/savoir Confiance

Développement de nouveaux produits Recherche du marché Planification des affaires Gestion Finances Questions juridiques Travail en équipe Gestion de la croissance Entrepreneuriat

Intangibles Objectifs

Prise de décisions Création de compétences Etudes de cas Discussions en groupe Brainstorming Travail en équipe Projets Méthodes de découverte Résolution de problèmes Travail en réseau Consultance Planification de la carrière

Résolution de problèmes Communications Tangibles Devoirs Présentations Rapports Schémas Prototypes Produits Exposition

Source: L’auteur. Les exemples susmentionnés montrent qu’il est recommandable pour toutes les universités axées sur l’entrepreneuriat de développer un modèle spécifique, surtout en rapport avec les groupes cibles, les contenus d’étude et les méthodes relevantes, ainsi qu’avec les buts qui doivent être atteints. Il est essentiel que le modèle d’entrepreneuriat soit en accord avec le concept stratégique de l’université. Même si, selon les conclusions de l’Université Cornell (Streeter et al., 2002), il y a une tendance croissante à appliquer un modèle étendu dans l’enseignement entrepreneurial aux Etats-Unis, il se peut qu’une approche concentrée représente un avantage dans des cas spécifiques, en particulier dans le cas des universités qui se concentrent sur des activités de recherche. En effet, le choix du modèle pertinent dépend et varie selon l’université donnée et ses équipements. Toutefois, afin de desservir la réputation et la marque d’une université entrepreneuriale, il est important que l’université choisisse délibérément un concept qui n’est pas seulement en accord avec toutes ses politiques et prévisions universitaires mais qui est également soutenue par tous ses acteurs pertinents. Dans le cas contraire, l’enseignement entrepreneurial 19

ne sera pas mis en œuvre et pratiqué d’une manière efficace et ciblée. Tenant compte des modèles d’enseignement mentionnés ci-dessus, la question qui se pose est de savoir qui devrait enseigner l’entrepreneuriat ? La plupart des enseignants qui enseignent cette discipline en Allemagne proviennent d’écoles de commerce ou d’universités de sciences économiques et d’administration des affaires. Leurs formations éducationnelles spécifiques leur permettent de dispenser les cours et les méthodes nécessaires de sciences économiques et de gestion des affaires. Cependant, une partie des plus importantes universités ont employé des entrepreneurs qui ont des ambitions académiques et didactiques. Par exemple, Steve Spinelli, professeur au Collège Babson, provenant du milieu entrepreneurial, a développé une étude de cas sur son ancienne compagnie de franchise, Jeffrey Lube. Cette étude de cas est utilisée avec succès en classe non seulement pour son contenu, mais aussi pour ses aspects méthodiques. Cette approche de l’enseignement entrepreneurial est très originale. En outre – par comparaison aux formes classiques d’enseignement universitaire – l’enseignement en équipe en tant que modèle (par exemple, en combinant un enseignant et un entrepreneur ou un investisseur) doit être encouragé comme approche innovatrice. Cette méthode d’enseignement a déjà été employée avec succès aux Etats-Unis au Collège Babson et au MIT. Dans ce contexte, la question de la forme pertinente d’enseignement entrepreneurial est également importante. L’approche classique de l’enseignement présentiel, par laquelle les connaissances sont transmises aux étudiants, ne semble pas être pertinente dans le cas de l’enseignement entrepreneurial. Ils sont préférables à cette approche des méthodes interactives, créatives, comme par exemple des études de cas et des jeux entrepreneuriaux de commerce. LES DIRECTIONS FUTURES ET LES DEFIS MAJEURS DE L’ENSEIGNEMENT ENTREPRENEURIAL DANS LES UNIVERSITES Enfin mais pas en dernier lieu, pour ce qui est des exigences d’évaluation et de classement, la clarté et la communicabilité active des concepts de l’enseignement entrepreneurial avec des contenus et des méthodes d’instruction spécifiques par groupe seront des facteurs décisifs de réussite pour les université entrepreneuriales du Vingt-et-unième siècle. Les processus par lesquels les universités se transformeront afin de devenir des universités entrepreneuriales dispensant des programmes d’entrepreneuriat seront néanmoins influencés par différents facteurs externes qui sont difficilement contrôlables. Le spectre des « forces directrices » va des stratégies de croissance internationales ou même globales d’universités individuelles à travers des changements technologiques aux modifications démographiques. En outre, de manière générale, la dérégulation, qui ne peut avoir lieu sans encourir des répercussions sur l’enseignement entrepreneurial, jouera un rôle important sur la scène universitaire des Etats-Unis – et possiblement aussi en Europe. Du fait de l’internationalisation croissante, le MIT, par exemple, suit une stratégie de croissance centrée sur des marchés à l’extérieur des Etats-Unis. En collaboration avec l’Université de Cambridge du Royaume-Uni, le MIT a créé un programme d’entrepreneuriat dans le domaine de la biotechnologie et a commencé à l’appliquer à l’Université de Cambridge, il y a trois ans. Le MIT envisage la création d’autres sites internationaux pour ses Centres d’entrepreneuriat. Jusqu’ici, le MIT n’a pas pu créer un centre en Allemagne à cause du manque d’investisseurs. Les changements technologiques fondamentaux dus aux différentes possibilités offertes par l’Internet et 20

par les technologies basées sur l’ordinateur fourniront de nouvelles possibilités de mise en œuvre de l’enseignement entrepreneurial. Pour ce qui est de la démographie, la question de la diversité, surtout en matière d’âge, de sexe, de race et de nationalité doit être mise en évidence dans le cadre de l’enseignement entrepreneurial. En rapport avec ces conditions de milieu, il se pose la question de savoir quels seront les possibles défis et tendances qui affecteront l’enseignement entrepreneurial au Vingt-et-unième siècle. L’enseignement entrepreneurial se trouve toujours en une période d’évolution et de changements rapides. Tout en évoluant et en changeant, l’offre de programmes d’entrepreneuriat s’étendra encore plus sur le marché international. Une évolution rapide atteindra les autres marchés. A cet égard, il est très important de développer les échanges interculturelles dans le domaine de l’entrepreneuriat afin d’accroître l’efficacité et l’efficience des programmes dispensés. Suivant les phases de croissance rapide de l’enseignement entrepreneurial, il y aura probablement des processus de renforcement, avec les meilleurs programmes prévalant et restant sur le marché et d’autres programmes disparaissant du marché, du fait du manque de demande. Ainsi, l’importance croissante de l’évaluation et de l’évaluation comparative des diplômes pour le succès de programmes d’entrepreneuriat régionaux, nationaux et internationaux deviendra évidente. Pour ce qui est du fondement théorique et du cadre conceptuel de l’enseignement entrepreneurial, il y aura de nouvelles approches et de nouvelles écoles émergeront. Un exemple est celui de l’approche entrepreneuriale intellectuelle de l’Université de Texas d’Austin, aux Etats-Unis. Agissant selon la maxime « d’abord réfléchir, ensuite interagir et agir », le Programme d’entrepreneuriat intellectuel de l’Université de Texas d’Austin suit une approche distinctement académique avec son programme de diplôme étendu. L’expansion de l’entrepreneuriat dans la communauté universitaire demeure un défi majeur. La justification de l’entrepreneuriat devant le doyen d’une faculté peut être un défi. Dans certaines universités, il est difficile d’obtenir l’accord des enseignants. Certains collègues peuvent ne pas voir les cours d’entrepreneuriat comme « suffisamment académiques ». Ainsi, la question clé est comment abattre ces murs. L’objectif est de créer une acceptation étendue au niveau de l’université des programmes d’entrepreneuriat. Le but est d’encourager les autres facultés à penser à l’avantage d’introduire une discipline sur l’entrepreneuriat destinée à leurs propres étudiants. Du fait de l’accroissement de l’utilisation de l’Internet et des technologies informatiques, l’importance des formes virtuelles d’enseignement continuera à augmenter. La formation à distance devient de plus en plus étendue dans le domaine de l’entrepreneuriat. A l’université Northeastern des Etats-Unis, des investissements nouveaux ont conduit à la création d’une école virtuelle d’études entrepreneuriales reliant le commerce, l’ingénierie et les sciences informatiques. Une autre tendance fondamentale provient de la nécessité grandissante de fonds privés censés garantir l’enseignement entrepreneurial étendu. Il est essentiel d’identifier des modalités innovatrices de financement. En Allemagne, le soutien financier offert par les chaires d’entrepreneuriat et aux Centres d’entrepreneuriat est encore bien inférieur à celui disponible aux Etats-Unis et au Royaume-Uni. Il faut mentionner ici le cas de la SAP, une compagnie allemande de logiciels qui finance déjà trois chaires dans ce domaine. Il y a également des personnes privées nanties qui 21

soutiennent activement l’enseignement entrepreneurial, surtout Falk Strascheg, qui finance non seulement deux chaires à la Fachhochschule de Munich, mais aussi un Centre d’entrepreneuriat situé à Munich. Il s’impose de souligner dans ce contexte le soutien aux activités entrepreneuriales offert par le groupe KfW (Kreditanstalt für Wiederaufbau). CONCLUSION Les Etats-Unis, suivis par le Royaume-Uni et les Pays-Bas en Europe, sont les pionniers de l’introduction de l’entrepreneuriat comme domaine académique d’enseignement et de recherche. Néanmoins, d’autres pays de l’Europe de l’Ouest, comme la Belgique et l’Allemagne, rejoignent rapidement ce groupe. Ainsi, à l’aube du Vingt-et-unième siècle, l’entrepreneuriat est en train de devenir une importante discipline académique dans les universités non seulement aux Etats-Unis, mais aussi en Europe. La qualité croissante de la recherche et de l’enseignement entrepreneuriaux arrivera sans doute à convaincre les critiques internes et externes de l’importance de cette discipline académique dans les universités. L’entrepreneuriat fait partie du monde international de l’enseignement, en rapide évolution. L’entrepreneuriat, enseigné et appris dans les universités sur la base d’une approche interdisciplinaire, introduit de nouvelles formes de savoir et de méthodes d’enseignement ainsi que de nouvelles compétences de résolution des problèmes pour les étudiants. De cette manière, l’enseignement entrepreneurial est important pour la santé de toute université et de toute économie, ainsi que de toute région. Ce qui est clair est qu’on ne devient pas entrepreneur par la naissance, mais par l’éducation et par l’expérience. Pour cette raison, les concepts innovateurs d’un enseignement entrepreneurial académique sont d’une importance vitale pour les universités. A cet égard, les méthodes d’enseignement et d’instruction doivent être développées encore plus à l’avenir. Des formes virtuelles d’enseignement et des formes innovatrices d’instruction se manifesteront et seront adaptées et adoptées. Toute personne responsable de toute université s’intéressant à l’entrepreneuriat doit apporter sa contribution au développement d’un modèle d’enseignement individuel et adapté qui respecte le concept stratégique de l’université. Le financement des activités de l’enseignement entrepreneurial doit être assuré. Pour cette raison, la collecte de fonds gagnera certainement en importance. Le soutien financier accordé par le KfW aux chaires des universités allemandes centrées sur l’entrepreneuriat peut être cité en tant qu’exemple de pratique positive.

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Wirtschaft des 21. Jahrhunderts”, in, Gunter FALTIN, Sven RIPSAS, et Jürgen ZIMMER. Entrepreneurship – Wie aus Ideen Unternehmen Werden. Munich, 1998, pp. 235-244 [Traduction allemande]. KATZ, Jerome A. “The Chronology and Intellectual Trajectory of American Entrepreneurship Education, 1876-1999”, Journal of Business Venturing 18 2 (2003): 282-300. SCHMUDE, Jürgen, et UEBELACKER, Stefan. Ranking 2003: Vom Studenten zum Unternehmer: Welche Universität bietet die besten Chancen?. Regensburg, 2003. STREETER, Deborah H., JAQUETTE, JOHN P. Jr., et HOVIS, Kathrin. University-Wide Entrepreneurship Education: Alternative Models and Current Trends. Working Paper Cornell University. Ithaca: Cornell University Press, 2002. VESPER, Karl H., et GARTNER, William B. “Measuring Progress in Entrepreneruship Education”, Journal of Business Venturing 12 5 (1997): 403-421.

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L’université entrepreneuriale: une stratégie de développement institutionnel PETER SCHULTE

Une université entrepreneuriale doit assumer deux tâches: former de futurs entrepreneurs, des personnes qui établiront leur propre entreprise, et développer l’esprit d’entreprise des étudiants dans toutes les disciplines. Deuxièmement, elle doit opérer elle-même dans un esprit entrepreneurial, organiser des incubateurs d’entreprises, des parcs technologiques et autres, impliquant des étudiants dans ces organisations et assistant, à travers celles-ci, les étudiants et les diplômés d’université dans la création d’entreprises. L’assistance financière pour démarrer une entreprise sera remboursée à l’université en question sur les profits enregistrés par les sociétés arrivées à leur maturité et réinvestie ensuite dans de nouvelles entreprises. Ainsi, l’université entrepreneuriale contribuera au développement de sa région et, à travers la coopération avec d’autres entités, au développement économique en général.

POURQUOI DES UNIVERSITIES ET DES ÉTUDES ENTREPRENEURIALES? Au début de leurs études universitaires, une large proportion des étudiants des universités allemandes espère démarrer ensuite leur propre entreprise, c'est-à-dire fonder une société à la fin de leurs études. La volonté de créer une entreprise et de devenir indépendant décroît à mesure que progressent les études. Quelques uns seulement des diplômés fonderont en réalité leur propre entreprise à la fin de leurs études et deviendront professionnellement indépendants. On estime qu’en Allemagne seulement 5 pourcent des diplômés d’université sont capable de devenir des entrepreneurs à succès sans d’autres qualifications et soutien. Avec la promotion adéquate lors des études, ce nombre pourrait augmenter jusqu’à 30 ou 40 pourcent. L’esprit d’entreprise en tant que discipline d’enseignement et de recherche, ainsi que la promotion de l’esprit d’entreprise étaient pendant longtemps des « mot étrangers » dans les universités allemandes. C’est seulement assez récemment que ce sujet devint une matière formelle pour l’enseignement universitaire et la recherche et une discipline spéciale de technologie et de transfert de savoir. Cette situation peut ne pas être tellement différente de celle qui domine les universités des autres pays européens, même si les apparences et les chiffres peuvent sembler différents en quelque sorte. Tout manque d’intérêt envers l’esprit d’entreprise causerait des problèmes. Les universités doivent contribuer au développement économique de l’ensemble de la société ainsi que de leurs régions à travers l’enseignement et la recherche. La fondation d’entreprises par les jeunes diplômés est un instrument efficace de développement économique des régions. Si les résultats des recherches peuvent être transformés par les entreprises fondées par les universités en de nouveaux produits, procédures et services, le résultat peut souvent être la création d’entreprises à grand potentiel de croissance. Un fait positif est que sur les cinq dernières années ont été créé dans les

universités allemandes environ cinquante postes de professeur dans le domaine de l’entrepreneuriat. Le nombre d’entreprises créées par les universités a augmenté lui aussi. Les universités allemandes et leurs professeurs sont de plus en plus intéressés par l’exploitation des connaissances obtenues à travers la recherche. Les universités peuvent obtenir le droit d’exploiter les résultats de leurs recherches en changeant les conditions légales de base. Jusqu’à présent, le développement économique en Allemagne a surtout été le résultat d’engagements individuels. Il est important de créer systématiquement dans les universités des structures et des cadres institutionnels pour faciliter et promouvoir les actions et l’esprit d’entreprise des diplômés. Que doit faire une université pour devenir une université entrepreneuriale ? Le présent article présente certaines thèses dérivées des quatre points suivants: -

Les objectifs d’une université entrepreneuriale Des instruments pour atteindre ces objectifs Des structures organisationnelles et décisionnelles dans les universités entrepreneuriales Les conditions et les structures de base.

Ces thèses peuvent être partiellement liées à l’exemple de la Fachhochschule Gelsenkirchen d’Allemagne. LES OBJECTIFS DE L’UNIVERSITE ENTREPRENEURIALE Une université entrepreneuriale doit atteindre les objectifs suivants: -

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A travers l’étude et l’éducation, un diplômé d’université doit devenir non seulement un candidat à la recherche d’un travail, mais aussi et surtout un créateur d’emploi. Le management entrepreneurial et surtout la façon de dépasser les difficultés qui peuvent apparaître pendant les périodes de croissance des nouvelles entreprises, devraient faire de plus en plus l’objet de recherches multidisciplinaires. La recherche et ses résultats ne devrait pas seulement conduire à des publications, mais devrait être aussi source d’innovations dans l’économie et la société et un point de départ pour développer des idées d’affaires pour de nouvelles entreprises.

LES INSTRUMENTS POUR ATTEINDRE CES OBJECTIFS Comment concevoir l’enseignement et la recherche pour attendre les objectifs cidessus mentionnés en ce qui concerne leur contenu et leurs sujets ? Comment réaliser concrètement la promotion des actions entrepreneuriales ? PREMIEREMENT – EN CE QUI CONCERNE L’ENSEIGNEMENT Les étudiants doivent être motivés à croire que devenir entrepreneur représente une 26

véritable perspective professionnelle pour eux. Pour accomplir cette tâche, des entrepreneurs persuasifs peuvent être intégrés avec succès dans le corps enseignant. Les étudiants doivent aussi être formés à l’esprit d’entreprise en apprenant les techniques adéquates de travail. Les techniques de négociation, la gestion du temps, la gestion du processus, le management du projet et les techniques de la créativité sont quelques unes des disciplines qui devraient être comprises dans le programme d’enseignement. La discipline de management entrepreneurial doit devenir une partie importante du programme d’enseignement, comprenant aussi la création de plans d’affaires. Tous les étudiants ne peuvent et ne devraient pas être intéressés par les disciplines mentionnées, mais la motivation est l’objectif de la première étape. Les étudiants doivent avoir une chance d’expérimenter réellement les avantages, mais aussi les difficultés et les problèmes de l’entrepreneuriat. Ils devraient se voir offrir la chance de contrôler et d’utiliser les techniques entrepreneuriales. Même si la plupart d’entre eux ne développeront jamais une activité entrepreneuriale dans le futur, ils sont certains de gagner une éducation orientée vers la pratique. Les employés des entreprises, des départements administratifs et d’autres organisations doivent apprendre à penser et à agir avec une indépendance accrue. Il est important pour ces personnes d’agir indépendamment et d’assumer la responsabilité de leurs actions. La concurrence des idées, le travail dans des entreprises collégiales et les cours de management entrepreneurial sont conçus surtout pour les étudiants qui ont des intentions entrepreneuriales concrètes. EN CE QUI CONCERNE LA RECHERCHE Ces dernières années le « management entrepreneurial » est devenu un nouveau secteur de recherche dans les universités allemandes du fait de la présence des postes de professeurs en entrepreneuriat mentionnés ci-dessus. Cependant, il existe toujours quelques activités de recherche en cours sur le sujet, « Les processus de croissance des jeunes entreprises ». La recherche dans ce domaine est très importante pour acquérir les connaissances nécessaires pour assurer une longue vie aux entreprises. Cependant, après quelques années d’existence, nombreuses sont les nouvelles sociétés qui doivent faire face à des situations critiques souvent causées par une croissance qui a été exagérément rapide ou par une diminution sérieuse de la croissance. Ces situations provoquent souvent la chute des sociétés. C’est pour cette double raison que la Fachhochshule Gelsenkirchen a effectué une recherche dans ce domaine « Les processus de croissance des entreprises ». La recherche devrait non seulement transformer l’action entrepreneuriale en un sujet de recherche, mais elle et ses résultats, notamment dans le domaine de l’ingénierie, des sciences naturelles et de l’informatique devraient être une source d’innovation pouvant conduire à des idées d’affaires pour démarrer une entreprise. Pour cette raison, il est nécessaire d’inclure comme sujet de recherche les nouvelles idées d’affaires pour la création d’entreprises ainsi que d’utiliser les résultats des recherches dans la structure organisationnelle de la recherche académique. Au-delà de l’enseignement et de la recherche, il est important d’offrir un soutien aux étudiants et aux diplômés qui ont l’intention de démarrer leurs propres entreprises de manière concrète. Ainsi, il est nécessaire d’identifier les idées d’affaires et les étudiants désirant devenir des entrepreneurs. De nombreuses années d’expérience on montré que pour réussir à établir une ou deux bonnes entreprises il 27

faut 100 jusqu’à 200 idées d’affaires et étudiants ayant la volonté de les mettre en pratique. L’un des premiers et des plus importants objectifs de la promotion entrepreneuriale est d’identifier les idées d’affaires qui promettent et qui ont du potentiel. Etant donné que certaines idées d’affaire semblent avoir du potentiel, on peut prendre en compte les thèmes suivants d’entrepreneuriat: -

comment élaborer un plan d’affaire; les services de consultance pour soutenir les plans d’affaires; le soutien aux activités de marketing comme par exemple l’étude de marché et le développement du marché; le développement de l’esprit entrepreneurial, la promotion d’entreprises d’équipes (par exemple l’ingénierie et les spécialistes en marketing); le fait d’offrir des espaces bureaux et des terrains à louer à de bas prix; de la consultance sur différentes questions et problèmes concernant la fondation de sociétés, mais aussi la période de croissance de la société; le soutien financier, à la fois pour le venture capital et pour le financement externe.

L’ORGANISATION DE L’UNIVERSITE ENTREPRENEURIALE Les objectifs d’une université entrepreneuriale devraient êtres atteints à travers une structure organisationnelle adéquate et une configuration pour l’enseignement et la recherche bien préparée. En comparant les différentes universités, il est possible de voir les différents systèmes juridiques des différents pays, mais aussi leur différents profiles, les caractéristiques régionales et les développements historiques. En effet, il n’existe pas de structure organisationnelle idéale. A la Fachhochschule (Université des sciences appliquées) Gelsenkirchen, a été créé un Institut pour la promotion de l’innovation et de l’entrepreneuriat, comme institution centrale de l’université. L’institut assume toutes les tâches d’enseignement et de recherche mentionnées ci-dessus, ainsi que certaines tâches liées à la promotion de la création d’entreprises et de l’entrepreneuriat. L’Institut aide les étudiants à se familiariser avec le sujet de l’entrepreneuriat dans toutes les facultés et tous les cours. La plupart des programmes d’études offrent des cours adéquats dans ce domaine, comme par exemple l’Administration des affaires dans l’enseignement de l’ingénierie. Les tâches ci-dessus mentionnées concernant la promotion de l’esprit d’entreprise ne sont pas normalement considérées comme des tâches revenant aux universités en Allemagne. Ainsi, la Fachhochschule Gelsenkirchen a créé un incubateur d’affaires comme société indépendante pour réaliser ces tâches. De nombreux diplômés ou étudiants avec des idées d’affaires devraient se développer comme des entrepreneurs à succès. L’incubateur d’affaires vise à « élever » des personnalités à l’esprit d’entreprise capable d’obtenir les qualifications nécessaires et de se développer par eux-mêmes. Un centre d’entrepreneuriat est affilié à l’incubateur d’affaires. Le Centre d’entrepreneuriat offre des bas prix pour louer les espaces ainsi que des opportunités pour les entrepreneurs qui promettent afin de développer les affaires dans la région. Le Centre d’entrepreneuriat en soi n’est pas un espace à long terme pour les 28

entrepreneurs à succès. Ainsi, il est nécessaire de supplémenter l’incubateur d’affaires et le centre d’entrepreneuriat par un parc technologique et un parc d’innovation afin de garder les entrepreneurs à succès dans la région. Etant donné le contexte, il est important de développer l’incubateur d’affaires, le centre d’entrepreneuriat et le parc technologique comme unité stratégique. Le parc technologique tire avantage de l’existence des incubateurs d’affaires et du centre d’entrepreneuriat. L’incubateur d’affaires et le centre d’entrepreneuriat obtiennent des avantages financiers à la suite du parc technologique. Les trois institutions sont organisées sous la forme de sociétés privées, dans lesquelles la Fachhochschule Gelsenkirchen détient la majorité des actions. L’Institut pour la promotion de l’entrepreneuriat et l’Incubateur d’affaires effectuent toutes les tâches importantes liées à la création de nouvelles entreprises par les universités et à leur développement entrepreneurial. En travaillant ensemble, les établissements offrent un programme de mastère dans l’enseignement entrepreneurial récemment mis en place, intitulé « Management général et management de l’innovation ». Le programme est dirigé par l’Incubateur d’affaires. Les diplômés qui ont le mieux réussi leurs études se voient conférer le diplôme de Mastère en administration des affaires par la Fachhochschule Gelsenkirchen. D’autres instituts interdisciplinaires ont été établis à la Fachhochschule Gelsenkirchen. Ces établissements visent tout d’abord à assurer l’interdisciplinarité de la recherche applicable aux disciplines telles que « Les techniques des systèmes d’énergies », « Les techniques de soin des malades » et « La logistique ». D’autre part, on s’attend à ce que ces établissements facilitent le développement des idées d’affaires en partant de la recherche. De même, la Fachhochschule Gelsenkirchen a fondé certaines entreprises pour commercialiser les résultats des recherches. Fachhochschule Gelsenkirchen détient la majorité dans ces entreprises, dont on s’attend qu’elles génèrent de nouvelles entreprises dans le futur. LES STRUCTURES DES UNIVERSITES ENTREPRENEURIALES Les dirigeants des universités sont responsables du succès des sociétés établies et de la promotion de l’esprit d’entreprise. Les membres de l’équipe managériale doivent concentrer tous leurs efforts en faveur de la promotion entrepreneuriale en créant et en assurant une organisation adéquate. Comme il a déjà été indiqué, il existe de nombreuses possibilités différentes. Selon le profile de l’université, selon le spectre des disciplines, mais aussi selon le cadre juridique des universités de différents pays européens, on peut dériver différents modèles d’organisation. Il est important de combiner les différentes tâches et les différents instruments de la promotion de l’entrepreneuriat et de ne pas les isoler. C’est aussi la tâche de la direction d’une université de s’assurer que les disciplines « Entrepreneuriat » et « Création d’entreprises dans l’université » ne soient pas négligées dans l’université. Il ne suffit pas d’atteindre quelques étudiants ou de fonder des chaires singulières d’entrepreneuriat. Le sujet doit atteindre tous les étudiants et les motiver, les encourager à apprendre et stimuler leur capacité à penser et à agir indépendamment. La principale tâche est de créer une « culture entrepreneuriale » dans l’université. Ainsi, on doit encourager cette activité dans toutes les universités. Le financement devrait jouer un rôle essentiel dans la promotion de l’entrepreneuriat. Le financement de la promotion de l’entrepreneuriat est aussi très important. Pour assurer de bons départs aux jeunes entreprises, les étudiants et les diplômés ont 29

besoin de conseils afin de promouvoir leurs activités même si ils n’ont peut-être pas les moyens de payer ces services. Ainsi, les incubateurs d’affaires, les centres d’entrepreneuriat et les universités doivent pouvoir obtenir les ressources financières nécessaires aux activités entrepreneuriales réussies. La participation aux profits, la participation dans les sociétés et d’autres possibilités doivent assurer pour plus tard le retour des revenus des entreprises à succès à l’incubateur d’affaires et à l’université elle-même. Les universités peuvent réussir une promotion durable de l’entrepreneuriat seulement si elles reçoivent des financements à long terme des entreprises à succès afin de réinvestir dans l’établissement de nouvelles business ventures. Pour que les universités entrepreneuriales puissent promouvoir le financement des entreprises à succès, la rotation des fonds est nécessaire. Il s’agit d’un outil important et indispensable à la promotion durable de l’entrepreneuriat. Il y a aussi un autre aspect très important. Même si les sociétés et les universités aussi à présent se font concurrence les unes aux autres, l’accentuation du phénomène de mondialisation et d’internationalisation nécessite une coopération stratégique, surtout une coopération entre les universités, mais aussi une coopération entre les universités et l’économie. L’université entrepreneuriale doit se développer de manière stratégique et soutenir une telle coopération. L’éducation entrepreneuriale offre une coopération internationale avec les universités; la coopération doit cependant inclure une coopération avec les incubateurs d’affaires et les centres d’entreprise. Fachhochschule Gelsenkirchen a commencé à construire un réseau de coopération pour l’éducation entrepreneuriale dans le cadre duquel devrait se développer un MBA. CONCLUSION Dans le futur, les universités doivent augmenter leur contribution au développement de la société et de leurs régions. Les universités sont les futurs ateliers de la société. Elles sont à l’origine de nouvelles connaissances dérivées de la recherche et les transmettent à travers l’enseignement. La promotion de l’établissement d’entreprises est très importante pour le développement de la société dans son ensemble, ainsi que des régions spécifiques. Les universités font leur devoir en mettant en place l’entrepreneuriat comme discipline d’étude et en établissant les chaires correspondantes. Il est important non seulement de créer des sites entrepreneuriaux dans les universités, mais aussi de promouvoir l’esprit d’entreprise parmi les diplômés. Les diplômés d’université qui ne désirent pas démarrer leur propre affaire doivent pouvoir apporter des contributions importantes à la génération de nouvelles opportunités d’emploi à travers les innovations pratiques dérivées des résultats des activités de recherche. Ils doivent nourrir l’esprit et l’action entrepreneuriaux. Pour cette raison, il est nécessaire de développer une culture entrepreneuriale dans les universités. Les universités doivent devenir des universités entrepreneuriales dans leur ensemble et agir comme des entreprises, sans oublier qu’elles représentent aussi des sites de la culture et de la science.

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L’entrepreneuriat institutionnel et académique: ses conséquences pour la gouvernance et la gestion universitaires KLAUS ANDERSECK

L’enseignement de l’entrepreneuriat dans les universités, surtout dans les pays de langue allemande, a commencé à se développer dans les années 1990. Une fois l’idée acceptée, l’introduction de nouvelles chaires et de programmes d’études n’a pas spécialement posé de difficultés. Certains universitaires plus traditionalistes se sont posé des questions quant à la rigueur académique de cette discipline, surtout lorsque les aspects pratiques de la formation nécessitaient plus d’attention que les aspects de la recherche. L’auteur indique les meilleures façons d’introduire des programmes d’entrepreneuriat dans les universités, selon trois modèles : le modèle intégrateur établit sur le campus ; le modèle du campus indépendant et le modèle dual établit sur le campus. On présente deux exemples américains du dernier modèle.

LA MANIERE DONT L’ENTREPRENEURIAT A FAIT SON APPARITION DANS LES UNIVERSITES Le présent article porte sur les problèmes de l’introduction de l’entrepreneuriat comme nouveau sujet de recherche et matière d’enseignement dans les universités. Les conséquences de l’introduction d’une nouvelle discipline pour la gouvernance et la gestion universitaires sont influencées par plusieurs facteurs spécifiques à la constitution politique et académique du secteur universitaire des pays respectifs. Du fait que ces conditions peuvent varier, il est difficile de lancer une affirmation généralisée correcte. Les informations ci-dessous se fondent sur la situation des pays de langue allemande. On devrait vérifier si oui ou non la relation existant entre ces pays peut être transférée à d’autres pays, selon les conditions des pays en question. Un examen de l’introduction de l’entrepreneuriat dans l’arène universitaire révèle deux tendances. Depuis qu’Adam Smith a écrit La richesse des Nations, presque tous les principaux économistes ont salué l’entrepreneur comme le promoteur de la société capitaliste. Ils ont formulé des définitions et des typologies du terme « entrepreneur » et ont relié celui-ci à l’élaboration de théories sur l’impact des différents types d’entrepreneurs sur la fonctionnalité d’une économie donnée. Plus tard, les philosophes, les sociologues, les psychologues et les représentants d’autres disciplines ont rejoint la communauté de l’entrepreneuriat scientifique. Ainsi fut produit un grand volume de connaissances théoriques sur les entrepreneurs provenant de différents points de vue. Mais le savoir qui fut généré était du type de celui que l’on peut appeler « connaissances générales universitaires », sans impact réel sur la politique économique ou sociale. Il y a à peu près trente ans, certaines universités aux Etats-Unis sont passées de la production de connaissances scientifiques sur l’entrepreneuriat à la formation des entrepreneurs mêmes. Les objectifs traditionnels universitaires, la recherche de base et l’enseignement des connaissances générales ont été mis au défi par les nouveaux objectifs tels que l’enseignement de l’entrepreneuriat et le soutien à l’entrepreneuriat. Par la suite, le nombre des universités américaines qui offraient des cours d’entrepreneuriat a beaucoup augmenté. Vers la moitié des années 1990, une grande vague d’idées sur

l’entrepreneuriat a déferlé sur l’Europe. L’une des causes de ce changement dans l’orientation académique résidait en les efforts des universités à transformer les connaissances scientifiques dans des idées productives pouvant être commercialisées. Dans certaines disciplines, comme l’informatique par exemple, les connaissances scientifiques et celles appliquées sont pratiquement identiques. Une telle situation a été considérée comme offrant de bonnes bases pour créer des spin offs des universités en question. En même temps, il est devenu évident que les personnes qui planifient des spin offs devraient être qualifiées d’entrepreneurs dans leurs universités et qu’elles devraient être soutenues lorsqu’elles font les premiers pas dans la direction d’un start-up. Une autre raison pour l’avènement de l’entrepreneuriat comme discipline universitaire peut être trouvée dans la politique. Devant le développement manifeste de la nouvelle économie et en examinant les statistiques sur l’emploi dans les petites et moyennes entreprises, les politiciens de nombreux pays ont reconnu l’entrepreneuriat comme un outil puissant pour résoudre certains problèmes économiques et sociaux graves. Cette entreprise a conduit à une demande de soutien extensif de l’entrepreneuriat dans les universités. L’introduction de plus de trente chaires d’entrepreneuriat dans les universités allemandes, dont la plupart étaient sponsorisées, a été une conséquence de cette demande. En dehors des motifs économiques et sociaux cités ci-dessus, certains voient l’entrepreneuriat comme une philosophie de vie. Selon ce point de vue, l’indépendance devrait être un nouvel objectif : les enseignants et les professeurs devraient avoir la tâche « missionnaire » de prêcher une culture de l’entrepreneuriat dans les écoles et les universités. Même si nous ne développerons pas ce dernier point dans le présent article, car la philosophie de vie de certains n’entre pas dans le domaine de la gouvernance et de la gestion de l’université, nous discuterons tout d’abord des deux orientations différentes mais de base, à savoir la recherche et l’enseignement académique. Ensuite, nous nous concentrerons sur la question des structures alternatives de soutien de l’entrepreneuriat dans les universités. LES HORIZONS DE L’ENTREPRENEURIAT ACADEMIQUE Les conditions générales pour l’introduction de l’entrepreneuriat dans les universités : le cadre constitutionnel La question de savoir si l’entrepreneuriat devrait ou non devenir une discipline dans les universités de certains pays est déterminée par le cadre constitutionnel et la structure de la prise des décisions dans ces universités. Une distinction primaire est de savoir si la gouvernance d’une université donnée se fonde ou non sur le principe de la liberté et de l’autonomie académiques dans le processus de la prise de décision ou si elle est opérée directement par le gouvernement. Cette distinction détermine le rôle de la définition du gouvernement dans la gouvernance d’une certaine université. Dans un système basé sur le « principe de la liberté de la recherche et de l’enseignement » et sur l’autonomie des universités, la fonction de gestion centrale est assumée par les facultés et les comités. Toutes les décisions concernant le profile de l’université et les problèmes scientifiques sont prises par les membres de la communauté universitaire / scientifique. Dans un tel système, il n’existe pas de voie hiérarchique pour introduire de nouvelles disciplines telles que l’entrepreneuriat dans certaines universités. La fonction de gouvernance représentée par le recteur ou le 32

président et son conseil, peuvent seulement se rapporter aux décisions des facultés en ce qui concerne la conformité au profile de l’université et aux réglementations officielles. Les fonctions de gestion de l’administration centrale sont subordonnées aux décisions des comités scientifiques. Les principales attributions de l’administration centrale dans une telle situation sont de contrôler les budgets et de fournir les ressources. Les termes « gouvernance » et « gestion » doivent être compris en relation avec cette situation. Deuxièmement, il est nécessaire d’opérer des distinctions parmi trois conditions générales : (i) une université entièrement financée par l’Etat ; (ii) une université partiellement financée par l’Etat ; et (iii) une université privée. Dans les universités d’Etat, comme celles d’Allemagne par exemple, il existe trois façons pour qu’une nouvelle discipline, comme l’entrepreneuriat, puisse se voir accordée une importance académique : •

Si le gouvernement désire introduire une nouvelle discipline dans une certaine université, il peut mettre en place une nouvelle chaire, ou bien il peut demander à l’université de déterminer la chaire correspondante. Puisque l’élargissement des disciplines scientifiques et la détermination des chaires sont des aspects fondamentaux pour les facultés, c’est la faculté en question qui répondra à la demande du gouvernement. La décision de la faculté sera influencée par des considérations tenant à l’adéquation du nouveau sujet par rapport à la structure des disciplines en question, la qualité scientifique du nouveau sujet, le marché pour les diplômés, ainsi que les dispositions financières et autres conditions importantes.



Une chaire est sponsorisée et définie par un établissement privé ou public. Puisque la faculté n’est pas obligée d’accepter l’offre, le processus de la prise de décisions à l’intérieur de la faculté se passe comme dans le cas mentionné ci-dessus. Mais là, il y aura un paramètre supplémentaire, à savoir si le sponsor est ou n’est pas altruiste ou bien si il désire influencer les activités du président de la chaire.



Une troisième façon d’introduire l’entrepreneuriat dans une université est de suivre quelque chose comme la voie « indienne ». Du fait du principe de la liberté de la recherche et de l’enseignement, chaque professeur d’une université allemande peut s’engager dans la recherche et l’enseignement de n’importe quel sujet scientifique en dehors de ses tâches habituelles. A cause de cela, de nombreux professeurs qui n’ont pas une chaire d’entrepreneuriat sont engagés dans des questions d’entrepreneuriat. Si ils n’ont pas besoin de ressources supplémentaires, ils n’ont pas besoin d’une décision de la faculté. Une université privée peut normalement avoir une plus grande flexibilité dans la prise des décisions, mais si elle désire se gagner une meilleure réputation académique, ses décisions d’enseigner de nouvelles disciplines seront soumises aux mêmes lois que dans le cas des établissements publics d’enseignement supérieur. ORIENTATIONS DE BASE DANS LA RECHERCHE ET L’ENSEIGNEMENT UNIVERSITAIRES L’introduction de l’entrepreneuriat dans les universités en tant que sujet de recherche et d’enseignement académique dépend des décisions générales concernant les 33

objectifs de l’enseignement académique, le type de recherche devant être entreprise, les disciplines qui sont enseignées, les destinataires etc. Les enquêtes ont démontré que ces décisions suivent deux directions générales : celle de la recherche et celle de l’enseignement. Les décisions concernant l’introduction de l’entrepreneuriat comme discipline académique doivent se confronter à certaines différences entre la recherche et les directions d’enseignement (voir la figure 1 ci-dessous). Figure 1. Les deux orientations de l’entrepreneuriat dans le cadre d’une université

Horizons d’entreprenariat académique

Décisions générales: Les objectifs généraux de l’enseignement universitaire: Les objectifs de la recherche Les objectifs de l’enseignement Les disciplines enseignées Focus sur la recherche Récipiendaire

aaa L’orientation de la recherche

aaa L’orientation de l’enseignement

L’analyste du problème scientifique

L’entrepreneur à succès

La priorité

Dérivé des objectifs éducationnels

Dérivé de la recherche

La priorité

Les connaissances générales / la capacité à résoudre les problèmes

Les connaissances pratiques / les compétences de gestion des start-up

L’entreprenariat en tant que discipline à multiples perspectives

Problèmes et stratégies de l’éducation entrepreneuriale

Des hommes de différentes disciplines et intérêts

Entrepreneurs et intrapreneurs potentiels

Source : l’auteur Les implications des différentes orientations pour la gouvernance et la gestion des universités La distinction entre l’orientation de la recherche et l’orientation de l’enseignement correspond à la description dans la littérature académique de deux écoles d’enseignement entrepreneurial. Ces écoles sont décrites comme « (une) ancienne école d’éducation entrepreneuriale » et comme « (une) nouvelle école d’éducation entrepreneuriale » (Walterscheid, 1998). L’orientation de la recherche est identique aux vues traditionnelles des universités. C’est la marque de l’« ancienne école » et la question qui se pose est de savoir si elle est ou non obsolète. Les importantes décisions présentées ci-dessus soutiennent fermement la réponse que 34

l’orientation de la recherche dans l’entrepreneuriat constitue une base importante pour acquérir des connaissances étendues sur plusieurs aspects de l’entrepreneuriat. L’attention accordée à la recherche conduit à voir l’entrepreneuriat comme une discipline à multiples perspectives (ainsi par exemple, l’entrepreneuriat dans la société, dans les domaines non profit et dans le développement régional, les barrières économiques et le soutien à l’entrepreneuriat, etc.). Les sujets enseignés sont les suivants : -

des connaissances générales et des qualifications universitaires dans le domaine des disciplines scientifiques; la capacité de résoudre les problèmes

Les destinataires sont des gens de différentes disciplines et intérêts qui acquièrent des connaissances d’entrepreneuriat. Il s’agit d’universitaires, de politiciens, de conseillers, de sponsors, de membres d’institutions publiques, etc. Les bénéfices de l’approche de la recherche peuvent être plus indirects pour un entrepreneur puisque les connaissances scientifiques sont générales et ne peuvent pas être directement transférées à des situations spécifiques, comme celles typiques des start-ups. Du point de vue de l’orientation de la recherche, l’éducation des entrepreneurs est une discipline distincte. L’orientation de la recherche n’implique pas de services particuliers de l’administration et des dirigeants de l’université, car une telle orientation est « normale » pour une université. Si l’on prend la littérature sur l’entrepreneuriat et les documents présentés lors de différentes réunions, on peut conclure qu’en ce moment l’orientation de l’éducation est très importante. Les causes de sa popularité sont très variées. Comme il a déjà été mentionné, une augmentation du nombre de start-ups est considérée comme étant une solution universelle pour un certain nombre de problèmes économiques et sociaux. Les interventions politiques et sociales et la sponsorisation des chaires d’entrepreneuriat sont les résultats de cette présomption. Une autre raison peut résider dans l’idée que les universités pourraient participer au succès de la recherche dans la technologie et les sciences naturelles en commercialisant le savoir et la technologie y résultant et en obtenant ainsi des bénéfices financiers. Les réalisations les plus concrètes de cette idée sont les start-ups1 en provenance des campus. La décision d’adopter une orientation de l’enseignement implique un enseignement professionnel pour « entrepreneurs à succès » qui mette l’accent sur les objectifs éducationnels. Les disciplines enseignées sont les suivantes : -

la prise de décisions et savoir actionner; les compétences de gestion des start-ups.

Cette orientation soulève la question de savoir si le fait d’éduquer des entrepreneurs devrait être l’objectif principal de toutes les activités académiques dans une université ou une faculté ou s’il devrait constituer un objectif secondaire et avoir un statut 1

La plupart des présomptions résidant sous ces idées se fondent sur la plausibilité plutôt que sur des hypothèses vérifiées. Mais une discussion sur ce thème dépasse les limites du présent article. La question ici est de savoir quelles sont les conséquences des différentes orientations pour la gouvernance et la gestion d’une université. 35

différent. Une partie de la littérature sur l’entrepreneuriat favorise l’option de la première alternative. Certains auteurs demandent même que les universités soient réorganisées selon les besoins de l’éducation et des qualifications entrepreneuriales (par exemple, ce que certains ont appelé la « fiction » de l’université entrepreneuriale) (Grant, 1998; Luynes et Clarke, 1993; Schoten, 1987). Une décision en faveur d’une orientation dans l’enseignement a des conséquences aussi bien structurelles que pratiques. Du point de vue structurel, les discussions sur la légitimité des gens qui présentent des arguments en faveur de cet objectif et sur la validité et la fiabilité des présomptions accompagnant ces affirmations seraient très intéressantes, mais dépasseraient les limites du présent article. Cependant, en dehors de cette discussion, il existe quelques réserves sérieuses dans la littérature sur la décision que l’éducation entrepreneuriale soit un objectif primordial. L’un des problèmes perçus est le faible niveau scientifique de l’entrepreneuriat. Les résultats d’une enquête récemment publiée par Robert Hisrich (2003) sur l’étendue et la qualité des articles sur l’entrepreneuriat et sur les petites entreprises dans les pays européens peuvent servir d’indicateur. Un « petit nombre » seulement des 641 articles publiés dans 18 journaux « étaient construits sur des théories établies » (p. 245 ff.). Comme Hisrich résumait la question : En général, la recherche était surtout normative et dirigée vers les praticiens et les décideurs ; la majorité des chercheurs utilisait des approches exploratrices à partir d’approches inductives et non-hypothétiques de recherche d’essai. Les articles étaient qualitatifs et descriptifs dans leur nature même et apparaissaient le plus souvent en dehors des principaux journaux et des documents des conférences (p. 248). Cette remarque est confirmée par une autre enquête prouvant que la proportion d’articles sur l’entrepreneuriat dans les meilleurs journaux est de seulement 2 pourcent. D’autres sources indiquent les craintes de la communauté scientifique envers un clerus minor qui tente de faire son apparition dans les universités (Achleitner, 2003). La prise des décisions dans une université doit prendre en compte les effets de signaux de cette position sur le marché pour les facultés de juniors. Elle peut conduire à de la partialité. Si les jeunes professeurs d’entrepreneuriat ont des problèmes à être complètement acceptés par la communauté universitaire, les meilleurs d’entre eux ne voudront pas d’une carrière scientifique dans cette discipline. Une orientation de l’enseignement aurait certaines conséquences en ce qui concerne l’incidence des expériences pratiques. Est-ce qu’elle impliquerait le fait d’offrir un enseignement et des services orientés vers la pratique ? Est-ce que les étudiants en entrepreneuriat devraient obtenir des informations directes de la pratique ? Les membres de la faculté ont-ils les compétences nécessaires pour enseigner les connaissances pratiques et accompagner les start-ups ? L’expérience pratique normale d’un scientifique dans le domaine de l’entrepreneuriat est de faire de la recherche et non l’expérience pratique de l’ingénierie des start-ups. Les cours tenus aux étudiants par les conseillers ou par les entrepreneurs à succès peuvent ouvrir certaines fenêtres vers la pratique,2 mais celles2

« Le Texas sait que les dirigeants d’entreprises à succès font les meilleurs 36

ci sont-elles suffisantes pour un enseignement réussi ? On doit aussi déterminer si le soutien des start-ups devrait incomber aux universités ou à d’autres institutions. Ces questions seront débattues en prenant pour référence trois modèles d’organisation de structures d’enseignement de l’entrepreneuriat dans le cadre d’une université. Des moyens d’éviter les problèmes évoqués seront proposés. la mise en place d’une orientation vers l’enseignement de l’entrepreneuriat dans les universites TROIS MODELES D’ORGANISATION La formation et la qualification des entrepreneurs a deux aspects. Le premier tient au domaine universitaire et il est définit par l’enseignement de disciplines théoriques alignées sur les utilisations pratiques comme par exemple les plans d’affaires, les réseaux, les financements, etc. Le deuxième aspect vise à offrir des expériences pratiques aux entrepreneurs potentiels et à assister les start-ups. Les deux aspects peuvent être intégrés et proposés par une université, ou ils peuvent être traités séparément et proposés par différentes institutions. Le modèle intégrateur établit sur le campus est définit par l’intégration des deux aspects et par l’offre d’enseignement de connaissances supplémentaires et de soutien pratique pour les entrepreneurs. L’enseignement universitaire, la formation pratique, le tutorat, les services d’orientation, le fait de fournir les ressources, etc. devraient être organisés sous le toit de l’université. L’université en détient la responsabilité formelle. La direction est assumée par les personnes et les comités de l’université. Un exemple allemand est le Programme d’entrepreneuriat de l’Université de Wuppertal. Il a de nombreuses caractéristiques de la nouvelle école d’enseignement de l’entrepreneuriat. Ici, tout le programme de cours de la Faculté des sciences économiques et sociales a été identifié comme étant de l’éducation entrepreneuriale. La majeure partie de la responsabilité pour le programme revient aux deux professeurs qui occupent les chaires d’entrepreneuriat. L’une des chaires offre un programme spécial d’enseignement pour motiver les potentiels entrepreneurs. L’offre universitaire est combinée avec des ateliers d’entrepreneuriat, des conseils et la formation des comportements et de la performance. L’Université de Wuppertal ne détient pas d’institutions spéciales pour le soutien de l’entrepreneuriat comme des incubateurs ou un centre technologique par exemple, en complément des chaires. Certaines tâches peuvent être déléguées à un réseau appelé Bizeps. Les ressources habituelles sont liées aux contrats de travail des deux professeurs d’entrepreneuriat. L’expérience de Wuppertal se trouve à un stage avancé. En ce moment, on ne peut pas être certain du degré de succès dans le recrutement de nouveaux entrepreneurs – qui représente son objectif explicite. Le problème du manque de confiance des académiques est éliminé par la double qualification des deux professeurs d’entrepreneuriat.

enseignants d’entrepreneuriat », au . 37

Le modèle du campus indépendant En contrepartie du modèle intégrateur établit sur le campus se trouve l’organisation du campus indépendant avec des structures décentralisées qui sont élaborées sous la forme d’un réseau. Ce réseau peut avoir le statut d’une organisation non profit basée sur le sponsorat ou il peut être établit sous la forme d’une entreprise commerciale. Le Ministère allemand de l’éducation a favorisé ce modèle à travers un programme appelé EXIST – Existenzgründer aus Hochschulen [spin offs des universités]. La philosophie de ce modèle est que les établissements académiques ainsi que les établissements en dehors du domaine académique rassemblent leurs compétences et leurs ressources professionnelles pour former une association efficace. Les meilleurs exemples de ce modèle sont les projets EXIST « KEIM » à Karlsruhe et « PUSH » à Stuttgart, à travers lesquels plusieurs universités coopèrent avec des institutions engagées dans la pratique. Puisque la gestion centrale du réseau est indépendante, aucune université ou établissement privé ne peut dominer. Les liens entre les partenaires du réseau se fondent sur des contrats qui définissent les entrées des différentes institutions. Chaque partenaire répond de sa contribution. Le contrôle est entrepris par un comité consultatif. Les entrées à base de compétence doivent assurer un niveau optimum de professionnalisme. Du fait que les projets EXIST se trouvent dans une phase de développement, une évaluation de leurs effets à long terme n’existe pas pour le moment ; cependant, la structure décentralisée et les bases contractuelles des projets EXIST les protégent contre le sort des établissements universitaires publics. Le modèle dual établit sur le campus Un modèle actuellement préféré par certaines universités des Etats-Unis, qui peut être défini comme « le modèle dual établit sur le campus ». En dépit du fait que l’orientation de l’enseignement demeure un critère important, mais non dominant en ce qui concerne l’entrepreneuriat universitaire dans ces universités, celles-ci ont expédié à l’extérieur ces activités pratiques, y compris l’approvisionnement en matériaux et services, pour séparer les établissements « filles », et dégrever de cette manière leurs administration de ces responsabilités. Ces établissements « filles » sont soit économiquement indépendantes, soit des organisations non profit, vivant de sponsorat. La responsabilité générale revient à l’université. Mais le soutien aux potentiels entrepreneurs se fonde sur le principe de la division du travail. Tout « approvisionnement » universitaire est un devoir du personnel de l’université. L’enseignement des connaissances orientées vers la pratique et la formation dans ce domaine sont dépensés par les professionnels des entreprises filles de l’université. On offre aux étudiants des opportunités sous la forme de stages dans les nouvelles entreprises. Les entrepreneurs qui proviennent de différentes facultés peuvent recevoir des connaissances pratiques supplémentaires ou des conseils et ils peuvent se joindre à un incubateur dans le cadre de l’établissement ou en dehors de celui-ci. La gestion des entreprises filles est relativement indépendante de celle de l’université, mais l’université place certains de ses cadres dans un comité consultatif. Le modèle dual établi sur le campus a l’avantage d’une part, de faire une connexion étroite entre les problèmes entrepreneuriaux et l’université et d’autre part, 38

la division basée sur la compétence entre le soutien pratique et académique accordé aux entrepreneurs. Il évite le problème de l’indifférence académique. DEUX EXEMPLES AMERICAINS Le Programme d’entrepreneuriat à l’Université Case Western Réserve de Cleveland, Ohio Le Programme d’entrepreneuriat à l’Université Case Western Réserve de Cleveland, Ohio fait partie de l’Ecole de gestion de Wheatherhead. Il est divisé en un domaine de recherche et d’enseignement universitaire et en un domaine de soutien à l’entrepreneuriat. Dans le domaine universitaire, l’entrepreneuriat peut être un centre d’intérêt dans le cadre de plusieurs programmes d’étude. La majeure partie du soutien sous la forme de la pratique est dispensée par Enterprise Development Inc. (EDI), une organisation non profit qui a sa propre direction. Le premier objectif d’EDI est de soutenir les start-ups. Elle offre toutes les formes de soutien, de la formation jusqu’à l’avancement des incubateurs. EDI coopère avec un certain nombre d’institutions en dehors de l’université, dans le but de promouvoir les processus de développements régional. Le Programme d’entrepreneuriat de l’Université de Texas à Austin Le Programme d’entrepreneuriat de l’Université de Texas à Austin est similaire à celui de Cleveland. Le rôle principal est joué par l’Institut IC2 (où “IC2” représente l’innovation, la créativité et le capital). Cet institut offre des cours d’enseignement post-universitaire et il coordonne différentes connexions avec des institutions en dehors de l’université. Un puissant partenaire de l’IC2 est l’Incubateur de Technologie d’Austin qui offre une large gamme de formation, conseils et autres services. L’accent est mis sur la commercialisation des résultats scientifiques et de la technologie. RESUME Le sujet du présent article, « L’entrepreneuriat institutionnel et académique: ses conséquences pour la gouvernance et la gestion universitaires » touche à plusieurs constellations de base, qui peuvent diverger non seulement entre différents pays, mais aussi dans le cadre des universités d’un certain pays, du fait des constitutions fédérales des systèmes éducationnels, comme c’est le cas ici. La qualité et l’étendue des implications de la formation à l’entrepreneuriat et de l’enseignement de la gouvernance et de la gestion des universités dépendront étroitement de ces constellations. La mise en place de la formation et de l’enseignement de l’entrepreneuriat dans une université peut suivre deux orientations différentes. L’orientation de la recherche est identique à l’approche universitaire habituelle dans d’autres disciplines. Il n’y a pas de constellations particulières pour la gouvernance et la gestion ou pour l’administration. Si l’on préfère une orientation vers l’enseignement, il est possible que l’on doive élargir ou créer une structure supplémentaire pour un public relativement peu nombreux. Au cas où l’enseignement universitaire était combiné à la formation pratique et au soutien à l’entrepreneuriat, l’université devra gérer un certain nombre d’activité qui ne sont pas académiques. Un moyen populaire d’établir l’entrepreneuriat dans le contexte universitaire est de l’asseoir sur une construction duale qui a des directions scientifiques et orientées vers 39

la pratique, avec de nombreuses connections. Ainsi, on peut éviter beaucoup des problèmes mentionnés ci-dessus.

REFERENCES ACHLEITNER, Ann-Kristin. “Brauchen wir eigentlich Entreprenership-Lehrstühle?” Die Betriebswirtschaft 63 4 (2003). GRANT, Alan. “Entrepreneurship - die grundlegende wissenschaftliche Dsziplin für das Fach Wirtschaft des 21 Jahrhunderts”, in, Günter FALTIN, Sevn RIPSAS, et Jürgen ZIMMER, éd. Entrepreneneurship. 1998. HISRICH, Robert D. “A Model for Effective Entrepreneurship Education and Research”, in, Klaus WALTERSCHEID, éd. Entrepreneurship in Forschung und Lehre: Festschrift für Klaus Anderseck. Frankfürt-am-Maine, 2003, p. 241-254. LUYTJES, Jan B., et CLARKE, Linda. “Teaching Entrepreneurship: An Empirical Approach”, in, Heinz KLAND, Josef MUGGLER et MÜLLER-BÖLING, éd. Internationalizing Entrepreneurship Education and Training. Eul-Verlag, 1994. SCHOEN, Donald. Educating the Reflective Practitioner: Towards a New Design for Teaching and Learning in the Professions. 1987. WALTERSCHEID, Klaus. “Entrepreneurship Education als universitäre Lehre, discussionsbeiträge fachbereich wirtschaftswissen schaft”, Der Dekan 261 (1998).

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Les conséquences de l’entrepreneuriat l’administration universitaire

académique

sur

JANUSZ TECZKE et REMIGIUSZ GAWLIK

Les auteurs considèrent que les universités devraient dispenser de la formation et de l’instruction en entrepreneuriat à tous les étudiants, mais surtout à ceux qui souhaitent devenir des entrepreneurs. Certains changements institutionnels favorisant l’entrepreneuriat s’imposent au niveau de la gouvernance. Une fois démarrés, les programmes d’entrepreneuriat peuvent rembourser les investissements initiaux à mesure que les entreprises spin-off se multiplient et que leurs fondateurs collaborent avec leurs alma maters. Il est donné ici l’exemple du « Centre international d’enseignement pour les étudiants avec des handicaps moteurs » de l’Université de sciences économiques de Cracovie. Celui-ci forme des étudiants handicapés en télémarketing et en d’autres formes d’entreprises commerciales à distance à travers les nouvelles technologies.

INTRODUCTION En vertu des changements rapides que connaît le monde, il existe un besoin de reformuler les principales politiques des systèmes actuels d’enseignement. Cet article présente des brèves descriptions des directions principales que les auteurs considèrent comme étant pertinentes pour les systèmes d’enseignement modernes. Une présentation des idées clé concernant les nouveaux rôles de l’université sera suivie par un exemple de compréhension plus étendue des responsabilités des universités. Le projet du Centre international d’enseignement pour les étudiants avec des handicaps moteurs, créé dans le cadre de l’Université de sciences économiques de Cracovie, est présenté ici comme un exemple d’une initiative prise comme partie des activités éducationnelles d’une université qui est sensible aux besoins du milieu social dans lequel elle agit. LE ROLE DE LA GOUVERNANCE UNIVERSITAIRE DANS LA CREATION D’ACTIVITES ETUDIANTES Traditionnellement, une université doit remplir deux devoirs principaux: • •

stimuler l’activité intellectuelle des étudiants en leur offrant des connaissances théoriques qui soient profondes ainsi que précises; effectuer des recherches scientifiques dans les disciplines couvertes par le corps enseignant.

Néanmoins, lorsqu’on considère les changements constants et dynamiques qui ont lieu sur le marché du travail, on peut arriver à la conclusion qu’il s’impose d’élargir ce spectre avec une dose de connaissances pratiques. Ces connaissances seraient développées ensuite sur une base individuelle au long des carrières professionnelles, en fonction des besoins professionnels spécifiques des individus. Une telle approche requiert des traits individuels spécifiques comme l’autodiscipline et une compréhension de la nécessité d’approfondir constamment les

compétences et les connaissances professionnelles. En même temps, la pratique montre que les compétences interpersonnelles sont plus susceptibles de se développer dans le cadre de processus « apprendre en faisant » efficacement organisés plutôt que par l’étude isolée. Les auteurs considèrent que le fait d’offrir aux étudiants les instruments qui peuvent être employés afin de stimuler leurs initiatives personnelles devrait être rajouté en tant que troisième objectif principal d’une université moderne. Dans le cas de l’Université de sciences économiques de Cracovie, l’accomplissement de ce troisième objectif devrait être assuré par une concentration considérable sur le développement de modules d’enseignement axés sur l’entrepreneuriat. L’élargissement du processus d’instruction qui sera obtenu à travers ce nouveau devoir requiert que l’Université crée un cadre institutionnel approprié. Sa forme peut faire l’objet de discussions ultérieures, mais il est impératif que la structure éducationnelle créée couvre en principal la partie pratique des connaissances de gestion. Les caractéristiques clé qu’un module de formation pratique devrait comporter sont les suivantes: La capacité de donner un élan. Le premier pas vers l’acquisition d’une attitude efficace au sujet de l’entrepreneuriat sera celui que l’étudiant fera dans son université. A ce niveau, le programme institutionnel devrait se concentrer sur l’idée d’offrir à l’étudiant les informations nécessaires pour savoir comment démarrer sa propre affaire, avec un accent particulier sur la dimension psychologique du processus de création d’entreprises. L’étudiant devrait avoir accompli cette étape de son éducation avec le fort sentiment que même s’il rencontrera des obstacles, ceux-ci peuvent être – et doivent être – éliminés ou dépassés. La capacité d’offrir une spécialisation en entrepreneuriat. Afin de fournir des connaissances précises et hautement pratiques il s’impose de créer une spécialisation spécifique dédiée uniquement à l’entrepreneuriat. Dans le cas de l’Université de sciences économiques de Cracovie, l’entrepreneuriat pourrait être rajouté aux cursus du profile économique actuel en tant que module de spécialisation que l’étudiant pourra choisir une fois qu’il acquiert les connaissances fondamentales requises en sciences économiques (c.à.d. après quatre semestres). La volonté d’organiser les institutions (les bureaux). Puisque les équipements de beaucoup d’universités ne répondent pas aux besoins d’un département moderne d’entrepreneuriat, il devra être établie une infrastructure dédiée. Des équipements comme des salles d’ordinateurs avec accès à l’Internet ne requièrent pas de précisions supplémentaires. On devra prévoir également certains équipements plus sophistiqués, comme les réseaux trilatéraux mondiaux (reliant les entreprises privées, les employés et l’université). Les auteurs veulent mettre ici l’accent sur les immenses opportunités offertes par les domaines en évolution du télétravail et du travail à distance. La capacité de créer des incubateurs académiques. Il y a des équipements physiques qui offrent l’infrastructure nécessaire aux étudiants-entrepreneurs afin de dérouler leurs affaires. En plus des services normaux de secrétariat, l’incubateur devrait fournir aux étudiants une assistance constante par des experts en gestion et en droit. Les premières phases de la création d’entreprises sont plus particulièrement caractérisées 42

par un manque constant de capital et sont hautement sensibles à tous les coûts. L’établissement d’un bureau commun permettra une baisse considérable des coûts fixes. Une fois que l’entreprise commence à devenir indépendante, sa place dans l’incubateur académique devra être prise par un jeune entrepreneur de la génération suivante. LES OBSTACLES AUXQUELS SE CONFRONTE L’ACTIVITE ETABLSSEMENTS D’ENTREPRENEURIAT ACADEMIQUE

DES

Lorsqu’on crée l’infrastructure et les établissements censés développer l’entrepreneuriat on doit tenir compte du fait que certains étudiants peuvent avoir des problèmes à y avoir accès. Ces obstacles résultent principalement de deux causes: Le manque d’un sentiment d’indépendance – l’étudiant n’a pas encore acquis les compétences psychologiques requises par l’entrepreneuriat. Etant dépendant plutôt des types de caractères et des compétences personnelles, cet obstacle est difficilement surmontable au niveau de l’université, du fait de la nécessité d’une approche psychologique spécifique et complexe. Le manque d’indépendance physique. Cet obstacle est caractéristique pour un groupe important de personnes présentant des handicapes physiques (moteurs). Il existe une tendance à exclure cet important groupe d’individus de la société. La justification pour cela est généralement basée sur les difficultés motrices de ces gens. Une telle approche interdit l’accès au marché du travail d’un groupe étendu d’entrepreneurs ou d’employés potentiellement utiles. Il est essentiellement dans l’intérêt d’une université moderne de proposer aux étudiants ayant des difficultés physiques des programmes d’enseignement adaptés à leurs besoins. Les affaires de télétravail et basées sur l’Internet représentent également des options pertinentes et intéressantes. Toute université devrait se préoccuper à ne pas exclure des étudiants qui cherchent à acquérir des connaissances, en particulier pour des raisons d’ordre social, racial, religieux ou de milieu. LES CONSEQUENCES DE L’ENTREPRENEURIAT ETUDIANT L’engagement d’une université dans le processus l’entrepreneuriat engendre deux types de conséquences:

de

développement

de

Les efforts organisationnels et financiers de la part de l’université. La création du type d’infrastructure qu’on vient de présenter, ainsi que des programmes d’enseignement, représente un effort organisationnel et financier important de la part de l’université. Le projet de développement de l’entrepreneuriat devrait disposer d’un budget approprié, qui soit financé – au moins en partie – par les budgets des universités. Les divers revenus potentiels à long terme. Les initiatives présentées ci-dessus devraient être perçus en tant qu’investissements à long terme dans plusieurs domaines d’activité des universités. Il est très probable que les compagnies de succès qui se sont développées initialement dans des incubateurs académiques montrent leur gratitude 43

dans l’avenir en « remboursant » leurs Alma Maters de plusieurs manières. Le remboursement peut prendre la forme d’un soutien financier, mais aussi, par exemple, l’offre de stages pour les étudiants ou d’opportunités de travail dans l’avenir. Les diplômés actifs peuvent aussi accroître l’image de leur université dans le cadre du secteur public et privé. Lé résultat positif attendu n’est qu’une partie des conséquences positives possibles pour l’université. Afin d’atteindre les buts décrits, une université impliquée dans la formation entrepreneuriale devrait jouer un rôle d’assistance aux étudiants concernant les suivantes responsabilités entrepreneuriales difficiles: La planification. Avant de passer au stade de réalisation, chaque projet doit être planifié pertinemment. L’étudiant doit pouvoir bénéficier d’assistance dans l’élaboration de projets d’affaires ainsi qu’au cours des étapes préparatoires de la phase de planification stratégique. La coordination. Une supervision discrète du projet devrait être assurée au cours de la phase de développement. Des connaissances en gestion stratégique devraient toujours être disponibles aux étudiants à travers leurs enseignants lorsqu’il est le cas. Le financement. Le financement est toujours un problème majeur pour les jeunes entrepreneurs qui créent de nouveaux projets. Des formes différentes de financement indirect (par ex. un secrétariat commun), ainsi que de financement direct devraient être rendues disponibles. Les étudiants ne devraient pas seulement être stimulés à chercher du financement, mais aussi instruits pour savoir où le chercher. LE CENTRE INTERNATIONAL D’ENSEIGNEMENT POUR LES ETUDIANTS AVEC DES HANDICAPS MOTEURS On présente ici en tant qu’exemple d’une approche moderne des responsabilités éducationnelles d’une université de sciences économiques, le Centre international d’enseignement pour les étudiants avec des handicaps moteurs. Il s’agit d’un projet qui offre des opportunités d’encadrement dans l’enseignement supérieur pour les jeunes gens avec des handicaps moteurs. A travers un processus d’enseignement complexe de développement entrepreneurial, leurs chances sur le marché agressif du travail devraient être égales à celles des autres étudiants d’université. Au cours de trois semestres d’études post-universitaires et d’un semestre de pratique dans l’Incubateur académique de l’Université de sciences économiques de Cracovie, les étudiants apprennent les méthodes et les possibilités du télétravail dans les affaires à distance et basées sur l’Internet. Des cours plurilingues sont délivrés par des enseignants provenant d’universités associées, en partie sous la forme de téléconférences. En plus des équipements normaux de l’établissement et de l’incubateur académique, l’infrastructure du Centre offrira des méthodes de communication et des systèmes d’information modernes, nécessaires à l’organisation de l’entrepreneuriat moderne de pointe. En plus des résultats attendus, les auteurs anticipent une augmentation de la compétitivité des diplômés sur le marché du travail, grâce au fait que ceux-ci auraient acquis les instruments nécessaires à l’entrepreneuriat ou à toute autre activité professionnelle. Pour les personnes avec des handicaps moteurs, le travail avec les connaissances à distance peut accroître la probabilité d’atteindre des chances 44

professionnelles égales.

CONCLUSION A l’époque d’un accroissement de la concurrence sur les marchés mondiaux du travail, une université moderne devrait pouvoir offrir à ses étudiants non seulement des connaissances théoriques, mais aussi des connaissances pratiques de la plus haute qualité. Une conséquence importante de l’accumulation de ces connaissances devrait consister en une augmentation des capacités des étudiants à agir en tant qu’entrepreneurs indépendants. En même temps, aucun étudiant ne devrait être exclu des opportunités offertes par les technologies modernes. Une combinaison équilibrée de nouvelles technologies de l’information et de capacités entrepreneuriales fortes représente une série de valeurs nécessaires pour une existence efficace, réussie et indépendante dans la société. Ces valeurs sont particulièrement importantes pour ceux qui veulent faire partie de ce groupe spécifique connu sous le nom d’entrepreneurs.

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Les dimensions sociales et intellectuelles de l’entrepreneuriat3 STEFAN KWIATKOWSKI

L’entrepreneuriat est avant tout la capacité de saisir des opportunités et d’utiliser les ressources nécessaires pour les exploiter. En définissant l’entrepreneuriat comme une capacité, on souligne le fait qu’elle ne doit pas être distribuée de manière égale à tout le monde. Elle peut être à la fois apprise et enseignée. Cependant, elle devrait être apprise et enseignée parce que l’objectif est une capacité spéciale. Il en ressort non seulement la capacité d’apercevoir des opportunités (autrement dit de reconnaître des possibilités inaperçues par d’autres), mais aussi une compétence (ou un pouvoir) d’utiliser des ressources nécessaires à leur exploitation. Un entrepreneur de succès ne requiert pas uniquement des compétences suffisantes pour reconnaître des modèles émergeants (l’essence de la détection d’opportunités), mais aussi l’aptitude de saisir si et comment il ou elle peut utiliser les ressources nécessaires. Aucun de ces facteurs ne peut manquer – ni les opportunités ni les ressources. Ils doivent être examinés et analysés simultanément.

« Lorsqu’il y a un changement de perception, ce ne sont pas les faits qui changent. C’est leur signification ». - Peter Drucker « Le hasard favorise les esprits préparés ». - Louis Pasteur DU ROLE DE L’ENTREPRENEUR ET DE L’ENTREPRENEURIAT D’un point de vue macroéconomique étendu à l’échelle historique, tout peut paraître très simple. Jean Baptiste Say a été le premier à remarquer que l’essence du rôle économique de l’entrepreneur est celle de retirer les ressources économiques des activités moins productives et les investir dans des activités hautement productives et génératrices de hauts revenus. Ses observations ont été développées par la suite par Joseph Schumpeter, qui a appelé la pratique du réarrangement des moyens de production « l’entreprise » et les individus responsables de sa mise en œuvre « les entrepreneurs » (Schumpeter, 1995, p. 74). Il a également considéré la pratique de nouvelles combinaisons comme étant synonyme à l’introduction d’une nouvelle fonction de production (Schumpeter, 1939, p. 87). Un entrepreneur n’est un entrepreneur que lorsqu’il « entreprend de nouvelles combinaisons » et perd son caractère lorsqu’il finit de construire son affaire, lorsqu’il ne fait que gérer cette dernière comme d’autres personnes gèrent leurs affaires (Schumpeter, 1939, p. 78). Afin de comprendre le rôle clé de l’entrepreneur dans la formation des courants de destruction créative qui influencent le développement économique, on doit se rappeler une importante idée: « On ne doit jamais présumer que l’organisation de nouvelles combinaisons s’effectue à travers des moyens de production qui ne sont pas utilisés » (Schumpeter, 1955, p. 67). « Dans la vie réelle - rajoute Schumpeter – ce cas est très fréquent ». Mais « … le développement consiste premièrement en 3

Ce texte est une version modifiée du chapitre publié par l’auteur dans l’ouvrage de Stefan Kwiatkowski et Patrice Houdayer, éd. Knowledge Café for Intellectual Entrepreneurship THROUGH or AGAINST Institutions (2004).

l’utilisation de différentes manières des ressources existantes, en leur application à de nouveaux buts, indifféremment si ces ressources augmentent ou pas » (Schumpeter, 1955, p. 68). Dans les notes de bas de page du même ouvrage, Schumpeter fait deux observations cruciales: (i) « ‘l’entrepreneur’ est seulement le porteur du mécanisme du changement »; et (ii) « … Il reçoit des biens du courant social – en principe, une fois de plus – avant qu’il ait pu apporter sa contribution personnelle. Dans ce sens il est, pour ainsi dire, un débiteur de la société. Des biens lui parviennent auxquels il n’a pas ce doit qui à lui seul offre l’accès aux dividendes nationales dans d’autres cas » (p. 102, p. 1). La deuxième des ces observations est élucidée plus en détail dans le texte: A travers le crédit, les entrepreneurs accèdent au courant social des biens avant qu’ils aient acquis le droit normal à faire ainsi. Il remplace temporairement une fiction de cette demande par la demande elle-même. Le crédit fonctionne dans ce sens comme un ordre donné au système économique de s’accommoder aux buts de l’entrepreneur, en tant qu’ordre sur les biens qu’il requiert: cela équivaut à lui accorder des forces productrices. C’est seulement ainsi que le développement économique peut évoluer du courant circulaire en équilibre parfait… Néanmoins, la « nouvelle demande » devient possible dans un sens très évident. Cela détermine la montée des prix des services de production. De cela ressort le « retrait de biens » de leur utilisation antérieure… Dans un sens, aucun bien et certainement aucun bien nouveau ne correspond au pouvoir d’achat nouvellement créé. Mais sa place est évacuée aux coûts du pouvoir d’achat précédent (pp. 107-109). L’entrepreneuriat est donc premièrement une idée, deuxièmement des ressources financières censées couvrir les coûts de son application, et enfin l’innovation sans risques – puisque les fonds ne sont pas fournis par l’entrepreneur lui-même. Il conduit finalement à une élimination des anciens produits et méthodes de production et l’introduction de nouveautés. Comme l’affirme Peter Drucker (1985, p. 87), la contribution de Schumpeter à la compréhension de la nouvelle économie a été révolutionnaire, et cependant simple et convaincante. « Il a postulé que le déséquilibre dynamique apporté par l’entrepreneur innovateur, plutôt que l’équilibre et l’optimisation, est la ‘norme’ d’une économie saine et la réalité centrale de la théorie économique et de la pratique économique ». Les théories de Schumpeter étaient basées sur des observations faites sur l’économie capitaliste du début du Vingtième siècle. Dans la préface de son ouvrage qu’on vient de citer il met en évidence que: Certaines des idées présentées dans cet ouvrage remontent jusqu’à 1907; toutes ont été élaborées en 1909, lorsque le cadre général de cette analyse des caractéristiques purement économiques de la société capitaliste a pris la forme qui este restée depuis substantiellement inchangée (1955, p. IX). Cette introduction a été écrite en 1934, il y a exactement soixante-dix ans. Seulement cinq ans après, en 1939, aux Etats-Unis, Peter Drucker publiait son ouvrage intitulé The End of Economic Man: A Study of the New Totalitarianism (La fin de l’homme économique: une étude sur le nouveau totalitarisme); cependant, 1939 a été le commencement de la fin de beaucoup plus de phénomènes que du concept de « l’homme économique ». Au-delà des conséquences politiques, militaires et purement humanitaires du développement de la technologie, il a complètement changé les manières dont les économies contemporaines sont organisées et 48

fonctionnent. Les diligences, les chemins de fer, et finalement les automobiles motorisés et les avions, qui ont largement contribué à l’intégration et à l’unification des Etats-Unis d’Amérique à travers la facilitation de la mobilité des individus, ont laissé la place aux ordinateurs personnels et aux moyens de télécommunication qui contribuent à la mondialisation et à l’unification du monde contemporain en supplémentant la mobilité des individus par l’accès instantané à l’information, qui réduit naturellement les besoins de mouvement physique. Este-ce que les « caractéristiques fondamentales de la société capitaliste » peuvent rester « substantiellement inchangées » ? Pour ce qui est de l’entrepreneuriat, Drucker, probablement l’avocat le plus verbal des idées de Schumpeter, n’a pas de doutes ou d’hésitations. Dans l’ouvrage cité ci-dessus, il affirme que « … tous ceux qui peuvent accepter la prise de décisions peuvent apprendre à être un entrepreneur et à se comporter de manière entrepreneuriale ». L’entreprenariat est donc un comportement plutôt qu’un trait de personnalité. Et sa base réside dans l’idée et la théorie plutôt que dans l’intuition… Les entrepreneurs voient le changement comme étant la norme et l’approche saine. D’habitude, ils ne provoquent pas le changement par eux-mêmes. Mais – et cela définit l’entrepreneur et l’entrepreneuriat – l’entrepreneur cherche toujours le changement, lui répond, et l’exploite en tant qu’opportunité » (Drucker, 1985, pp. 2628). Avec tout le respect pour l’importante contribution de Drucker à l’expansion d’idées entrepreneuriales dans le monde, et avec la même admiration pour son style de présentation, il est difficile d’ignorer certaines erreurs importantes qu’il fait dans son interprétation de Schumpeter. Premièrement, Drucker soutient que les entrepreneurs ne suscitent pas (habituellement) le changement par eux-mêmes. Cette idée est en nette contradiction avec l’affirmation de Schumpeter qui dit que l’entrepreneur est le porteur du changement. Il est vrai que le langage de Schumpeter est parfois vague, et qu’il se contredit bien souvent. Son dernier ouvrage en particulier présente une vision relativement modifiée du processus d’innovation, qui devient largement intégré dans le développement de la grande corporation (Schumpeter, 1950). Mais même cet ouvrage ne renie pas l’idée de l’entrepreneur comme porteur du changement. Deuxièmement, et probablement plus essentiellement, Drucker semble être trompé par le style fleuri de Schumpeter. « Destructeur créatif », « capitaine d’industrie » ou « directeur du changement » sont des termes qui dénotent toujours un rôle social théoriquement conçu, ou une fonction économique qui est exsangue et écharnée, bien que nécessaire dans le corps de la théorie de Schumpeter sur le développement économique. Le comportement, les traits de la personnalité, l’intuition et les chances égales n’appartiennent pas au système schumpetérien de raisonnement économique inhibé par des performeurs de quatre rôles ou fonctions différents: l’entrepreneur, le manager, le capitaliste et l’inventeur, mais d’une perspective pédestre, les opportunités sont au coeur de l’entrepreneuriat, et ici Drucker a certainement raison ! La définition la plus connue et probablement la plus controversée de l’entrepreneuriat présente ce dernier comme « la poursuite de l’opportunité sans égards aux ressources actuellement contrôlées » (Stevenson et al., 1989). Heureusement, les opportunités n’ont pas une identité objective. Si tel était le cas et si celles-ci seraient vraiment poursuivies sans égards aux ressources actuellement 49

contrôlées, tous les acteurs économiques pourraient agir de la même manière. Et il va sans dire que cela provoquerait un désastre. Ainsi, les auteurs rassemblés autour de Howard Stevenson ont légèrement « domestiqué » leur définition en expliquant que même si la poursuite des opportunités a lieu sans égards aux ressources actuellement contrôlées, elle se trouve contrainte par les choix antérieurs des fondateurs et par l’expérience dans le domaine de l’industrie (Hart et al., 1995). Cette définition est beaucoup plus spécifique et rigide parce qu’elle inclut le facteur d’instruction (l’expérience dans le domaine de l’industrie) et des limites imposées par les choix antérieurs des fondateurs. Relativement similaire, quoique toujours controversée, est la définition donnée par Jeffrey Timmons, qui mentionne Howard Stevenson et d’autres collègues de l’Ecole de commerce de Harvard et du Babson College de Massachusetts comme étant des partenaires intellectuels de son développement. L’entrepreneuriat est défini par Timmons (1994) comme « … créant et construisant une chose de valeur à partir de pratiquement rien. L’entrepreneuriat est donc le processus de créer ou de saisir une opportunité et la poursuivre indifféremment des ressources actuellement contrôlées… » Les opportunités sont certaines perceptions d’états futurs désirés qui différent de ceux actuels et sont censés être réalisables. Elles sont spécifiques selon les individus (ce que je vois tu ne veux pas voir, ou tu ne comptes pas voir, ou tu ne peux pas voir), les situations (ce que je vois maintenant je peux ne pas voir demain) et les ressources (ce qui est financièrement attrayant pour moi peut ne pas être attrayant pour toi). Leur conceptualisation (ce qui peut et doit être fait, où, jusqu’à quand, et comment) peut nécessiter un effort et des ressources spéciaux, mais surtout du temps. Ils demeurent rarement sur place afin d’être observés. Les soi-disant « fenêtres d’opportunité » s’ouvrent assez rarement, et se referment très rapidement. Donc le temps disponible pour observer les « ouvertures » et d’en saisir une peut être très court. De telles ouvertures sont comme les clients dans un magasin vide. Ils n’arrivent pas à tour de rôle, lorsqu’on a le temps pour les servir. Si cinq arrivent au même instant, et il n’y a qu’un employé de libre pour le moment, celui ou celle-ci devrait essayer de ne pas les manquer tous. Il se peut qu’ils ne reviennent plus jamais. Le directeur ou l’employeur devrait penser d’avance comment ils pourraient être persuadés à rester sur place avant d’être proprement servis. Ainsi, si on recherche les opportunités, on doit être obsédé par les opportunités et préparé à réagir lorsque l’opportunité se présente. En bref, la capacité de reconnaître les opportunités n’est pas également partagée parmi les individus. Les opportunités devraient être anticipées, découvertes et conceptualisées afin de devenir fonctionnelles. Si on attend une opportunité sans être sûr de ce qu’elle devrait être, alors on doit mobiliser tous les sens afin de la saisir. L’opportunité peut arriver à l’improviste, parfois dans des étranges circonstances. UN EXEMPLE D’OPPORTUNITE SAISIE Un jeune et doué ingénieur travaille dans une compagnie de taille moyenne spécialisée dans l’installation de systèmes de sécurité sur des sites commerciaux. La direction de la compagnie ne s’intéresse qu’aux bénéfices. L’ingénieur est obsédé par la qualité, la ponctualité et les bonnes relations avec les clients. Dans ce contexte, il a beaucoup d’amis qu’il a connu en tant qu’étudiant et en tant que sportif. Bien par hasard, il rencontre un ancien ami don la compagnie construit un nouvel hôpital. En 50

prenant amicalement un café, il apprend que la compagnie de son ami a fait une soumission pour l’installation de systèmes de sécurité mais qu’il n’y a pas de chance pour qu’elle gagne le contrat. « Nous savons, dit l’ami, que tu seras le plus probablement responsable de l’exécution du travail. Et cela nous va très bien. Cependant, nous détestons tes supérieurs, qui ne s’intéressent qu’à l’argent. Donc, même si cela me fait de la peine, nous ne travaillerons probablement pas ensemble sur cette affaire intéressante – à moins que – à moins que, murmure l’ami, tu ne crées ta propre compagnie ». Le jeune ingénieur est totalement pris par surprise: « Comment puis-je faire cela? Je n’ai pas d’argent, je n’ai pas de personnel, je n’ai pas de l’expérience pour gérer ma propre compagnie. Je n’ai même pas de bureau ». « Aucun problème », répond son ami. « Tu connais les gens, et tu sais comment travailler avec eux. Tu peux commencer en tant que commerçant indépendant. Tu feras toutes les formalités de suite. Tu connais les gens, et ils te connaissent. Et tu n’auras pas de mal à embaucher quelques ouvriers avec lesquels tu travailles actuellement. Tout le monde aime travailler avec toi. Et l’argent ne devrait pas constituer un problème non plus. Aussitôt que tu enregistres ta compagnie, nous signerons un contrat avec toi et nous t’accorderons un payement préliminaire. Incidemment, nous disposons aussi d’un peu d’espace libre dans les locaux de notre compagnie, et il n’ay aura pas de problème pour te le louer pour une période donnée de temps. Ce qui je suggère est que tu digères mon idée et viens me voir demain. Tu pourras rencontrer mon patron, et nous t’informerons au sujet des buts et des modalités du travail nécessaire, ainsi qu’au sujet des termes financiers. Mon patron te connaît et t’apprécie. Vous pourrez facilement vous comprendre ». Après avoir passé une nuit blanche, le jeune ingénieur se décide d’accepter l’offre. En effet, il avait rêvé depuis longtemps de fonder une compagnie. Cependant, il n’avait jamais su se créer une opportunité, et maintenant, d’une façon ou d’une autre, celle-ci se présentait par elle-même. Au cours de la réunion arrangée par son ami, l’ingénieur apprend les objectifs et les conditions financières. Il n’y a pas de problème pour obtenir un acompte pour une partie du travail. Il y a assez de temps pour faire tout le travail préparatoire. Il y a un espace suffisant qu’il peut louer. Le contrat formel et toute la documentation nécessaire peuvent être complétés après l’enregistrement officiel de la compagnie. Notre héros est près de passer à l’action désormais, mais il décide premièrement de faire une visite à la compagnie qui fournit l’équipement et les outils nécessaires. Une fois de plus, le directeur est un bon ami. Ils passent très rapidement en revue les besoins et ensuite les coûts. Et en apprenant le projet de son ami de créer sa propre compagnie, le fournisseur lui propose un payement différé. « Ah bon, lui dit-il avec le sourire, ils t’ont accordé un acompte ? Bien alors, je t’accorderai un payement différé. Il sera tellement bien de travailler directement avec un vieux copain ». LE ROLE DU CAPITAL HUMAIN ET SOCIAL Cette situation est exceptionnelle, mais elle est réelle. Et celui qui pense qu’on a affaire ici à une simple exemplification de l’idée de Timmons de « créer et construire quelque chose de valeur de pratiquement rien », celui-là se trompe. Le jeune ingénieur et ses amis on beaucoup investi dans cette affaire. Ils ont investi de longues années d’amitié, basés sur l’appréciation réciproque, la compréhension professionnelle, la confiance et la solidarité. Tous ces éléments sont des composants importants de ce 51

qu’on appelle le capital social prenant la forme d’un réseau personnel étroit. Ce réseau est une institution extrêmement importante, quoique informelle. Son existence réduit le temps et l’effort requis par la négociation d’accords officiels. Dans ce cas, il convient aux intérêts officiels des trois établissements impliqués (dont un est encore en cours de formation). Il est certain que ce résultat ne convient aucunement aux intérêts de la compagnie qui emploie le jeune ingénieur. Il est néanmoins trop tard pour qu’elle puisse faire quelque chose. Pour le moment, elle perd un contrat lucratif, un employé extraordinaire et probablement d’autres ouvriers qui peuvent aller rejoindre le jeune ingénieur. L’opportunité rencontrée ne peut pas être poursuivie seulement à travers les ressources qu’il avait contrôlées à l’époque. La plus importante d’entre elles a été représentée par les travailleurs compétents. Ainsi, il a du parler à ceux avec lesquels il aimait le plus travailler. Et, de manière logique, ceux-ci l’ont suivi pour le bien de sa nouvelle compagnie, et au désavantage de l’ancienne. De cette manière, tout en démarrant son affaire, il s’est assuré des employés fiables et compétents. Mais afin de pouvoir les attirer vers de nouveaux emplois dans sa compagnie, il a dû leur prouver ses qualités professionnelles (y inclus ses qualités de chef) durant la période préalable. En bref, il a dû construire son capital humain et prouver avec succès sa valeur pratique à ses partenaires d’affaires et à ses employés. Selon Schumpeter et Drucker, le système capitaliste offre aux entrepreneurs beaucoup d’opportunités de recevoir les moyens financiers nécessaires à la mise en œuvre de nouvelles combinaisons de moyens de production. En même temps, il offre plusieurs cadres de développement du capital humain et social. Mais à la différence du développement du capital financier, le développement du capital humain et social doit être entrepris bien en avance par rapport au besoin immédiat et concret. Lorsqu’il est vraiment requis, il est soit en place soit inexistant. Et si la dernière situation prévaut, alors il est vraiment trop tard pour penser à sa création. Cependant – il faut le souligner – le développement du capital social et humain n’est jamais gratuit et ne devrait jamais être négligé. Il n’est jamais déconseillé d’avoir de bons amis, même si leur aide n’est pas nécessaire à l’instant. UN AUTRE EXEMPLE La situation semble désespérée. La femme semble avoir dans les cinquante ans ou plus. Elle est veuve. Son seul enfant est malade et au chômage. Elle reçoit une pension de veuvage, mais celle-ci arrive à peine à couvrir le loyer pour l’appartement et les utilités. Son frère beaucoup plus âgé a été mon camarade de classe à l’école primaire. Il a vu mon nom quelque part dans les journaux et l’a conseillée de venir me voir et de demander mon aide. Elle est venue, et ma femme l’a laissée entrer. Il est assez tard dans la soirée, et je me demande pourquoi je dois vraiment écouter tout cela. Pourquoi est-ce que ma femme l’a laissée entrer sans me demander si j’ai le temps pour la recevoir ? Mais comment ma femme pouvait-elle refuser ? Après tout, cette femme est notre voisine. Elle vit près de chez nous, elle me parle timidement de certains amis et connaissances que je devrais connaître personnellement. Elle en a même parlé de moi avec certains. Elle peut apporter son frère aîné me voir. Il vit dans un autre quartier de la ville. Il est retraité, et ne peut pas l’aider financièrement. En outre, sa femme est aussi malade. Elle a quelques parents ici et là, dans cette ville et ailleurs. Une grande famille. Mais pas de travail, et donc pas d’aide. J’arrive à peine à suivre son histoire. Elle est assise dans mon bureau confortable et toujours 52

désordonné. Mais comment est-ce arrivé, et pour combien de temps ? Ma femme vient apporter du thé. La femme boit une gorgée et soupire. Elle s’appelle Natalia. Je commence par lui poser quelques questions auxquelles elle me donne des réponses assez précises. J’apprends qu’elle vit à cinq blocs de ma maison. Elle a un téléphone ainsi qu’un ancien poste de télévision qui est son unique luxe. Elle ne fait que recevoir des appels d’autres personnes, elle n’appelle que très rarement – uniquement quand elle est malade et a besoin d’aide. C’est trop cher pour elle. Ma femme rentre à nouveau dans le bureau. Elle écoute les soupirs de Natalia, et j’essaie d’imaginer ce que nous pouvons faire pour elle. Elle me donne son numéro de téléphone pendant que je m’excuse de ne pas pouvoir lui promettre rien pour l’instant. La visite est près de se terminer lorsque, soudainement, ma femme demande: « Mais qu’est-ce que vous aimeriez faire, Natalia ? », et parce qu’elle ne reçoit pas de réponse, elle continue: « vous pouvez peut-être nous dire ce que vous aimez faire, allez… ne soyez pas timide ». « Bien, dit Natalia, j’aime… nettoyer ». « Nettoyer, mais quoi ? », j’interviens. « Tout » répond Natalia tout en se ranimant « Tout ! Vous devriez voir mon petit appartement, il est vraiment sans tache, je ne supporte pas la poussière. » « Bien, alors vous pourriez venir et nettoyer notre appartement, pouvez-vous le faire cette semaine ? », demande et suggère en même temps ma femme. « C’est magnifique, je vous remercie infiniment », dit Natalia, « Je viendrai demain, à quelle heure voulez-vous que je sois là ? Six, sept, huit ? » Ma femme sourit pendant que je fais une grimace. « Non, Natalia, il serait mieux si vous venez après-demain. Vers neuf heures. Mon mari ne sera pas alors en ville. Il sera de retour le soir. Vous aurez le temps de nettoyer tout l’appartement. Je serai là à votre arrivée, et je vous montrerai les lieux et je vous expliquerai aussi ce qu’on attend de vous. Je sortirai ensuite un peu et je rentrerai manger avec vous. N’apportez donc rien à manger. Vous trouverez tout dans le frigidaire. Aussi, il y a assez de balais, de chiffons, de détergents, de liquides, tout ce que vous voulez. Venez donc comme vous êtes. Tout ce dont vous avez besoin est déjà là ». J’ai eu pas mal de doutes lorsque j’ai quitté ma maison le jour où Natalia était censée venir travailler pour nous. Je m’inquiétais en particulier au sujet de mes livres, mes notes et mes documents, et de tout ce qui était dans mon bureau, et aussi des armoires et des tiroirs laissés ouverts. Je me suis tellement inquiété à ce sujet que nous n’avons jamais pensé laisser quelqu’un nettoyer notre appartement. Ma femme s’occupait de cela elle-même. Et maintenant, soudainement, nous avons Natalia qu’on a vu pour la première et unique fois il y a deux jours ! J’ai appelé ma femme tout au long de la journée afin de me rassurer que tout allait bien. A mon retour, je n’ai pas pu reconnaître ma maison. Tout brillait et scintillait, et toutes mes notes et tous mes livres étaient exactement au même endroit où je les avais laissés. Rien ne manquait. J’ai également appris que Natalia avait aussi passé le soir chez nous, mais qu’elle n’avait accepté un seul centime pour son travail, disant qu’il ne s’agissait que d’une « répétition ». D’une manière ou d’une autre, ma femme est arrivée la convaincre d’accepter un peu d’argent « au prix courant du marché ». Ma femme était tellement heureuse et satisfaite qu’elle a demandé à Natalia de revenir dans quatre jours, avant une grande fête qui allait avoir lieu chez nous. Les invités ont été très surpris de voir combien notre appartement avait changé. Il va sans dire que certains d’entre eux ont voulu embaucher Natalia pour nettoyer leurs maisons. Depuis, nous avons décidé avec Natalia qu’elle vienne travailler chez nous une journée entière par semaine. Nous avons bientôt appris qu’elle ne travaillait pas moins 53

de six jours à plein temps par semaine. Et après seulement quelques semaines elle m’a dit qu’elle s’inquiétait parce qu’elle n’arrivait pas à satisfaire tous ses clients potentiels. « Voyez-vous, mon téléphone n’arrête pas de sonner. Je ne suis pas chez moi. Et mon fils ne peut pas savoir quand je suis disponible. Tout le monde a besoin de moi. Et je suis très épuisée. Je ne peux vraiment pas travailler plus de douze heures par jour ». J’ai pris ses mots comme une manière de me demander une hausse de salaire. Je lui ai donc posé directement la question si tel était le cas. J’ai appris que la situation était plus sérieuse que cela et je lui ai suggéré les choses suivantes: Envisagez arrêter de faire tout ce travail vous-mêmes, à l’exception, peut-être, de certains clients très spéciaux comme moi. Pensez aux membres de votre famille et aux amis proches auxquels vous vous fiez absolument, et qui peuvent faire ce travail pour vous. Vous devriez avoir toute la confiance en ces personnes. Elles devraient être comme vous – honnêtes, propres, travailleuses, et voulant gagner de l’argent. Ensuite, enregistrez votre affaire en tant que commerçant indépendant. Votre rôle à partir de là sera de recevoir les commandes, probablement à travers le téléphone, et de trouver le personne appropriée pour faire un travail spécifique. Vous ouvrirez un compte bancaire où vos clients pourront transférer les payements pour le travail entrepris chez eux. Jamais d’acomptes. Seulement « la paie issue du travail effectué ». Certains de vos clients peuvent faire des payements par téléphone. Ne vous inquiétez donc pas, il ne sera pas difficile pour eux de transférer cet argent. Ouvrez un compte dans la banque qui est la plus proche, et qui offre des services téléphoniques. Vous paierez vos travailleurs mensuellement, en fonction de ce qu’ils ont gagné. Une fois de plus, l’instrument le plus facile et le plus sûr serait le transfert bancaire, donc vous devriez leur suggérer d’ouvrir des comptes bancaires personnels. Vous devrez calculer le pourcentage du payement du client que vous garderez pour vous-même. Appelons cela une marge. Ce n’est pas votre bénéfice. Vous devrez couvrir à partir de cette marge vos coûts – les appels téléphoniques, les transferts bancaires et les coûts de communication, tout en incluant les visites sur place, les services de comptabilité, l’assurance, et une partie du loyer de votre appartement, puisque c’est là que vous déroulerez votre activité. Votre bénéfice sera ce qui va rester après le payement de ces coûts. A partir de celui-ci (après taxes) vous couvrirez les coûts de l’investissement (peut-être un ordinateur, peut-être, avec le temps, une voiture), et vous vous accorderez un salaire. J’essaierai de vous trouver un bureau de comptabilité sérieux et proche. Il vous aidera à vous former et développer. Il vous montrera le chemin à travers des détails délicats comme les assurances personnelles de santé ou les assurances des obligations. S’il ne connaît pas une réponse, il vous mettra en contact avec des gens qui s’y connaissent. La chose la plus importante dès le début est la transparence et l’ordre de vos livres de comptabilité. Vous achèterez un ordinateur seulement après avoir accumulé assez d’argent pour faire cet investissement. On pourra peut-être vous trouver un ordinateur d’occasion. Mais dès le début essayez de répertorier tout ce que vous faites. Vous devrez avoir une « base de données » de vos clients – des listes bien rangées avec leurs noms, leurs adresses, leurs numéros de téléphone, les appels effectués des deux parts, les versements, etc.; évidemment, cela va pour vos employés aussi. Vous devriez avoir un contrat signé avec chacun d’entre eux, spécifiant ce que celui ou celle-ci est censé(e) faire, ainsi que le montant de la rémunération ». Natalia m’a écouté très attentivement, en prenant des notes détaillées. A la fin 54

de mon « cours » elle m’a dit : « Bien, monsieur le professeur, certaines choses semblent simples, et d’autres plus difficiles. Je suis sûre que j’aurai toujours besoin d’un peu d’aide. Dites-moi, je vous en prie, combien coûte une heure de consultations avec vous ? » J’ai voulu lui dire que pour elle c’était gratuit, mais ma femme, qui avait entendu notre conversation, en rentrant d’une autre chambre, lui a dit que c’était exactement quatre heures de nettoyage assuré par Natalia. Ainsi, par la suite, pendant que Natalia établissait avec succès sa firme elle venait aussi nettoyer notre maison seulement lorsqu’elle cherchait conseil. Autrement, nous étions servi professionnellement par un des ses différents employés, qui étaient le plus souvent des membres de la famille de Natalia. Un jour, Natalia este venue me visiter sans prévenir. J’ai immédiatement senti qu’elle avait un problème sérieux. Comme il avait été le cas autrefois, elle pleurait et soupirait. J’ai appris qu’elle avait un parent très proche qui habitait une ville lointaine de la Pologne, qui est tombé fatalement malade après le décès de sa femme. Natalia était le seul membre de la famille qui croyait que c’était son obligation de quitter son appartement et déménager dans cette ville lointaine. De manière assez surprenante, son fils n’avait pas eu d’objections à cela et avait décidé de l’accompagner. Ce qu’elle regrettait le plus était son affaire fleurissante J’étais très désolé de perdre Natalia. Je m’étais habitué à ses visites inattendues et à ses problèmes qui me permettaient de rester en contact avec les réalités des vies de gens qui sont loin d’être prospères. Je me suis rendu compte du fait que Natalia était pressée par le temps et qu’elle avait vraiment besoin de mes conseils. Je suis donc entré au cœur de la question, en lui disant: « Natalia, vous ne devez pas vous faire des soucis. Vous avez fait des merveilles. Vous n’avez pas seulement rendu heureux des gens comme moi et ma femme, vous n’avez pas seulement offert des emplois bien rémunérés à d’autres, mais vous avez aussi créé un établissement, une organisation si vous voulez, qui est si importante et si stable qu’elle peut fonctionner encore pas mal d’années ». « Mais je ne pourrai pas gérer ma compagnie à distance, intervient Natalia, et je n’aurai probablement pas assez d’argent pour pouvoir vivre moi-même, mon fils et mon parent malade ». « Natalia, dis-je, ce que vous avez créé existe indépendamment de vous. Vous pouvez le vendre pour une somme importante ». « Et pourquoi voudrait-on acheter ma firme ? » demande-t-elle. « Parce qu’elle a un nom reconnu, un fichier de clients potentiels et un autre fichier d’ouvriers potentiels. Et aussi parce qu’elle est établie sur le principe de la transparence et de la confiance réciproque. Elle a un compte bancaire et des pratiques organisationnelles qui se sont prouvées efficaces et cohérentes. Vous serez surprise de savoir combien d’argent vous pouvez obtenir pour elle ». Il a fallu à Natalia moins d’un mois pour vendre sa firme à son jeune cousin, pour un bon prix. Le nouveau propriétaire a emménagé dans l’ancien appartement loué par Natalia, et même le numéro de téléphone est resté le même. Le contrat a été élaboré par un conseiller financier et par un avocat qui étaient tous les deux des clients de Natalia. La somme était censée être payée par versements partiels, mais il n’y a jamais eu de problèmes avec le recouvrement. Natalia a trouvé une aide permanente pour assister son parent, et a fondé assez vite une compagnie de nettoyage identique dans sa nouvelle ville. 55

RESSEMBLANCES ET DIFFERENCES Les ressemblances entre les deux cas sont nombreuses. Tous les deux arrivent très bien à mettre en évidence le rôle du capital social et humain. Ils montrent l’importance de la confiance en tant qu’élément fondamental du capital social. Et, pour ce qui est des opportunités, ils soutiennent tous les deux l’idée que des contributions importantes (pas nécessairement d’ordre financier) sont nécessaires afin de créer et de construire quelque chose de valeur et de durable. Enfin, ils offrent des alternatives au crédit bancaire en tant que possible source de financement de nouvelles affaires. Dans le premier exemple, il est question d’un acompte payé pour des services à livrer et de quelque chose d’inverse – un payement différé pour des biens fournis. On ne peut cependant pas ignorer le fait que ces deux formes de financement ne différent pas comme forme économique du crédit bancaire, comme il est mis en évidence par la suivante citation de Schumpeter: A travers le crédit, les entrepreneurs accèdent au flux social des biens avant d’avoir gagné normalement le droit d’exiger cela. Celui-ci remplace temporairement l’exigence en elle-même par une fiction de cette exigence. L’offre de crédit agit dans ce sens comme un ordre donné au système de s’ajuster aux buts de l’entrepreneur, comme un ordre donné aux biens qu’il requiert: cela équivaut à lui confier des forces de production (1995, p. 102, n. 1). Néanmoins, confier à quelqu’un des forces de production peut avoir lieu de différentes manières, comme l’illustre notre deuxième exemple. Ici, « l’entrepreneur en herbe » ne nécessite aucun moyen financier afin de procurer ses outils et son matériel. Ils sont fournis par le consommateur, en des quantités et des qualités définies par le consommateur. Il est vrai que notre « entrepreneur en herbe » commence par accomplir un simple rôle d’employé. Mais déjà, en tant que « simple entrepreneur », elle ne s’occupe pas des outils et du matériel qui sont spécifiques aux clients, acquis et fournis par les clients. Il est vrai qu’elle doit couvrir les coûts de certains appels téléphoniques et éventuellement de visites sur place, mais les coûts en question sont vraiment marginaux. De cette manière, les deux exemples illustrent différents arrangements financiers censés faciliter le démarrage d’un entrepreneur. Ils montrent que parfois l’argent n’est pas vraiment indispensable, parce que les moyens de production peuvent être fournis par le client, et que lorsqu’ils sont vraiment nécessaires ils peuvent ne pas provenir d’une banque. On devrait mentionner ici les deux formes de capital informel et formel, mais il suffirait probablement de mettre en évidence que ses activités illustrent encore plus l’observation faite au sujet de la diversification des méthodes et des sources potentielles de financement de nouvelles initiatives entrepreneuriales. Les différences entre les deux exemples semblent être au moins d’importance égale. Dans le premier exemple, un athlète bien établi et bien entouré, professionnellement accompli, affamé de succès, et probablement assez prospère est émotionnellement prêt à accepter l’idée de Schumpeter que le développement ne devrait jamais résulter de « l’utilisation de moyens de productions qui se trouvent inutilisés », mais qu’il « consiste premièrement en l’utilisation des ressources existantes d’une manière différente ». Ce héros schumpétérien n’a pas de problèmes à 56

reconnaître une opportunité naissante. Il n’a pas non plus d’hésitations morales concernant le fait de quitter la compagnie qui l’emploie et de demander à certains de ses employés de le rejoindre. Mais, en même temps, il fait tout ce qu’il peut pour minimiser les risques impliqués par la décision entrepreneuriale. Avant de prendre sa décision finale, il étudie tous les aspects et essaie de rassembler toutes les informations nécessaires. Et une telle conduite est hautement récompensée par l’offre de payement différé pour le matériel nécessaire. Cette offre, qui n’est pas vitale pour lui, est néanmoins avantageuse et facilite sa réussite future. « L’entrepreneuriat », écrit Drucker (1995, p. 29), « est ‘risqué’ parce que très peu des soi-disant entrepreneurs savent ce qu’ils font. Ils manquent de méthodologie. Ils violent des règles élémentaires et reconnues ». Le jeune ingénieur sait certainement ce qu’il fait, et il ne viole aucune des règles reconnues de conduite en affaires. De ce fait (et pas seulement grâce à l’amitié) il reçoit une offre que très peu de gens peuvent refuser, et qu’encore moins de gens peuvent mettre en œuvre. En tant que « porteur de changement » schumpétérien il nage dans des eaux rapides, mais puisqu’il connaît les courants les risques impliqués sont négligeables. Natalia est totalement différente. Elle est simplement malheureuse et vraisemblablement condamnée à vivre dans la misère. Elle n’a pas de formation ni d’expérience professionnelle. Elle est âgée, pauvre, entourée par des personnes qui sont aussi malades et démunies qu’elle-même. Cependant, elle a un sentiment puissant d’obligation envers son milieu immédiat. Elle n’abandonne pas son fils malade, et elle est vraiment prête à sacrifier son affaire de succès simplement pour venir en aide à son parent malade d’une ville lointaine. Elle a un certain sens inné de la réciprocité, et elle attend de manière sousconsciente que son milieu lui vienne en aide. Alors elle continue à chercher quelque chose qu’elle n’arrive pas vraiment à articuler. La recherche signifie pour elle connaître des individus et parler avec eux. Mais avec le temps elle apprend qu’il est assez difficile de transmettre ses sentiments à des personnes encore plus tourmentées, qui appartiennent à un monde différent de celui où elle vit. C’est la raison pour laquelle elle pleure tout en essayant de me parler durant notre première rencontre. Elle est toutefois vaillante dans sa volonté de rencontrer des gens provenant de milieux tellement différents. Son intelligence émotionnelle est élevée, aussi. C’est pourquoi elle arrive initialement beaucoup mieux à communiquer avec ma femme qu’avec moi. En tant que femme d’affaires, Natalia mûrit à une vitesse incroyable - peutêtre à cause de sa bonne volonté, de son empressement et de sa capacité d’écouter, et aussi à cause de sa confiance dans les autres personnes. Une affirmation faite par le fameux cavalier solitaire du monde du ski et du tennis, Howard Head, qui avait reconnu que « Dieu m’a souri par deux fois », est pertinente dans son cas aussi. Pour ses bonnes actions, Dieu a également souri à Natalia. De ses inquiétudes concernant sa simple vie et son empressement à exécuter tout genre de travail, même rude et apparemment humiliant, Natalia a avancé rapidement vers la situation d’avoir sa propre affaire de succès, grandissante et innovatrice. En évoluant, elle a naturellement déplacé son attention de sa simple vie pour s’inquiéter de son projet. Dans sa perpétuelle mission d’assistance aux autres, elle a vendu son affaire existante et en a créé une autre. Elle a prouvé ainsi qu’elle était devenue une vraie entrepreneuse en série. Il est vrai que pour la plupart de sa carrière dans les affaires elle a été 57

étroitement formée et conseillée par des experts dans le domaine du commerce. Mais son vrai accomplissement a été celui d’attirer cette attention des experts sur sa mission apparemment modeste et de suivre avec succès leurs conseils à ses risques et périls personnels. Et même là Natalia a été extraordinaire en tant qu’entrepreneuse innovatrice. Elle a compris parfaitement bien que les biens les plus importants de ses deux firmes étaient les fichiers de clients réels et potentiels et les informations similaires concernant les employés réels et potentiels. Toutes ces informations ont été méticuleusement collectées et rangées par son fils, d’abord sur papier et ensuite en version électronique. Cela ne l’a pas seulement aidé à gérer avec succès les deux affaires, mais a également facilité leur revente à un prix élevé.4 Une autre particularité de ses deux firmes a été le fait qu’elles avaient comme personnel non des personnes issues de firmes déjà existantes, mais plutôt des personnes antérieurement au chômage, malades et privés de l’espoir de trouver une possibilité de se faire utiles et nécessaires. Ce choix de personnel a contribué au développement non seulement dans un sens économique, mais aussi dans un sens social. L’ENTREPRENEURIAT DEFINI DANS UNE PERSPECTIVE BEHAVIORISTE On ne pourrait pas, et on ne devrait pas, poursuivre des opportunités sans tenir compte des ressources disponibles. Cette leçon est apprise aux étudiants lorsqu’on leur demande de formuler et d’écrire des projets d’affaires. Le rôle principal d’un projet d’affaires est d’assurer les entrepreneurs (et les potentiels décideurs aussi !) que les futurs entrepreneurs savent ce qu’ils veulent et de les aider à évaluer les probabilités de réussite de l’affaire prévue. Aussi, afin d’apprécier ces probabilités, l’entrepreneur doit tenir compte des ressources disponibles aussitôt que possible. Celui ou celle-ci pourrait ne pas avoir toutes les ressources nécessaires sous son contrôle immédiat. On ne devrait évaluer que celles dont on doit tenir compte dans le contexte d’une opportunité très concrète. Le fait que Howard Head était millionnaire lorsqu’il a décidé d’investir « seulement » 27.000 dollars (USD) dans l’inconnue à l’époque Compagnie de fabrication Prince a été absolument sans importance. Ce qui a été important cependant a été son astuce en ingénierie et commerce, d’un côté, et son aspiration vers un cadre institutionnel où il pouvait œuvrer afin d’adapter les équipements sportifs à des utilisateurs individuels comme lui-même. Ces 27.000 dollars (USD) lui ont acheté seulement un billet d’entrée pour expérimenter sur des produits déjà fabriqués et sur ceux qu’il inventera et vendra par la suite. Afin de s’enrichir une nouvelle fois il a dû investir son temps, son talent technologique et une compréhension extraordinaire du comportement des consommateurs. Ce qu’on peut comprendre de cet exemple est le fait que les ressources ainsi que les opportunités n’ont pas un caractère « objectif ». La somme de 27.000 dollars est exactement trois fois le multiple de 9.000 dollars et 27 fois le multiple de 1.000. Mais cette information ne révèle pas grande chose. On apprend beaucoup plus en sachant qu’avec les 27.000 dollars Head a acquis 27 pour cent du stock de Prince, ce qui, du fait de sa renommée en tant que géant de l’équipement sportif, lui a donné le plein contrôle de la compagnie qu’il a finalement vendu pour 60 millions de dollars, 2

Plus tard, Natalia est tombée elle-même fatalement malade et a du prendre sa retraite, accompagnée par son fils invalide. Après avoir vendu sa deuxième firme, les deux se sont retirés dans un asile. 58

détenant 66 pour cent du stock de la compagnie ! Disons que quelqu’un d’autre aurait voulu faire la même chose que Head. Il est assez improbable qu’on lui permette d’acquérir la même proportion du stock pour le même prix. Mais il est simplement impossible d’imaginer que cette personne mènerait Prince et elle-même là où Head est arrivé. Ces 27.000 dollars auraient pu éventuellement doubler, ou tripler, voir même quadrupler. Mais même si la valeur de la compagnie aurait augmenté par dix fois, ce qui est hautement improbable de la perspective des tendances prévalentes du marché, cet accomplissement ne susciterait toujours pas la renommée de la compagnie et même sa présence dans cette analyse. Si l’idée présentée ci-dessus que les ressources n’ont pas un caractère objectif est correcte, le même devrait s’appliquer au manque de ressources ! On ne peut pas manquer quelque chose dont on n’a pas besoin ! Le même est valable pour l’argent. Le fait d’avoir 1.000 dollars ne veut pas dire qu’on requiert encore 26.000. Probablement, si on vit aux Etats-Unis et on a zéro dollars et zéro cents, on pourrait avoir besoin de quelques dollars et de quelques cents. Mais combien de ces dollars et cents sont nécessaires reste discutable. Si on est hospitalisé, inconscient, après avoir été heurté dans un accident de voiture provoqué par un chauffeur bien assuré, on ne requiert pas d’argent (au moins, pas immédiatement) ! L’observation précédente, concernant le caractère clairement subjectif de la privation de ressources, n’est pas censée avoir un simple caractère philosophique. Bien au contraire, elle a clairement des conséquences pratiques. Dans une même situation, deux personnes différentes peuvent agir différemment. Une d’entre elles peut se sentir complètement impuissante. L’autre peut prendre l’initiative et prospérer. L’exemple de Natalia peut être assez instructif à cet égard. Combien de personnes qui lui ressemblent avons-nous déjà rencontré dans nos vies ? Et combien ont-il été privilégiées par la joie d’avoir créé deux entreprises et d’être rémunérées en les revendant ! Les facteurs les plus importants qui se trouvent derrière le remarquable succès de Natalia comportent un évident caractère non matériel. Ils font partie du capital social et intellectuel dont elle a été à la fois le bénéficiaire et l’exploiteur. Du fait de son statut social modeste, Natalia a su très bien comment interagir avec des gens bénéficiant de connaissances commerciales pertinentes et prêts à partager ces connaissances avec elle. Mais l’exemple de Natalia n’est aucunement unique. Encore plus représentatifs sont les deux exemples qui suivent. DEUX MODELES EXEMPLAIRES – DE L’ECHEC DE GAGNER SA VIE A LA REUSSITE D’UNE VIE POUR GAGNER Il n’a pas pris plus de cinq ans pour qu’un couple de jeunes pionniers qui essayait de gagner une vie tranquille et paisible dans un endroit appelé Wall, au South Dakota, réalise qu’il était voué à l’échec. En 1931, après avoir attentivement visité plusieurs endroits au South Dakota et au Nebraska, ils investissent tous leurs avoirs, 3.000 dollars (USD), pour acheter un petit magazin de vente au détail dans un endroit qui répondait à leurs exigences – petit (une population d’environ 300 personnes, dont la quasi-unanimité des fermiers), et ayant une église Romano-catholique. Leur commerce était une baraque simple, sinon primitive, où ils vivaient, entreposaient leur marchandises et vendaient. Cependant, même si la ville et le magasin, et même l’église, pour ne pas parler du chiffre d’affaires et des bénéfices, étaient tous très petits, les deux n’avaient point 59

atteint la tranquillité voulue. Le magasin était sur la rue principale et des centaines de voitures passaient littéralement sous leurs fenêtres, jour et nuit, allant vers l’Ouest et faisant un bruit intolérable. Des centaines de voitures transportant des gens qui ne pensaient jamais s’arrêter dans un endroit appelé Wall, au milieu de nulle part, à maintes lieues de quelque part . Avant de faire l’investissement initial, le couple s’était accordé seulement cinq ans pour réussir. Après presque cinq ans, ils se sont rendus compte que la sécheresse de l’été les privait du fruit de leur travail et faisait tout ce qui leur restait comme argent fondre comme de la glace. Ils s’appelaient Dorothy et Ted Hustead. Ils étaient encore jeunes, dans leur trentaine, et ils se sont dits qu’ils pouvaient faire une autre tentative, peut-être dans un endroit plus peuplé, et certainement pas tout seuls. Et ensuite, soudainement, après presque 2000 heures d’inactivité et d’infélicité continue passées à regarder passer autant de clients potentiels, n’y laissant que du bruit et des fumées malodorantes de gaz d’échappement, ils ont découvert l’idée géniale d’offrir gratuitement de l’eau glacée aux clients assoiffés voyageant dans les autos sans climatisation de l’époque. Il est certain que l’idée a bien marché, et les chauffeurs qui acceptaient l’eau fraîche offerte gratuitement achetaient aussi des cafés, des glaces, des hamburgers, et tout ce qui était alors disponible. Aujourd’hui, le commerce, qui est toujours une affaire de famille grandissante et fleurissante, est géré par une troisième génération d’entrepreneurs. La population de la ville a augmenté à environ 1000 personnes, et son magasin principal est le Wall Drug, qui n’est pas qu’un magasin, mais aussi un musée, un centre d’art et de représentations, un établissement social, et un des vingt objectifs considérés comme « une visite nécessaire » par le Bureau de tourisme du South Dakota. Des panneaux sur toute la I-90 vous invitent à… Wall, où le magasin vous offre, en plus de l’eau, des galeries d’art, de la poterie indienne, un Orchestra de cowboys animé grandeur nature, un cheval mécanique, un jackalope géant5, un lièvre haut de six pieds, un dinosaure haut de quatre-vingt pieds, un repas et beaucoup de divertissements. Aujourd’hui, les panneaux du Wall Drug s’étendent au-delà des limites des autoroutes américaines, puisque des automobilistes curieux peuvent les apercevoir à Shanghai, à Amsterdam, à Paris, et à Londres (22 Reasons..., n. d.). On estime à 20.000 par jour le nombre de personnes qui visitent en été le Wall Drug. Il y a d’autres magasins ainsi qu’un nombre d’hôtels et de restaurants. L’endroit n’est plus « au centre de nulle part ». Il n’est qu’à cinquante-trois lieues au Sud-Est de Rapid City, et à l’Est du Parc national des Badlands. Le Wall Drug est là comme un jalon et un témoignage de l’évolution rapide de l’entrepreneuriat dans l’Ouest du South Dakota. En suivant le conseil de sa femme et en posant le premier panneau présentant l’offre gratuite d’eau glacée sur le côté de la route principale, Ted Hastead, un revendeur presque raté et pessimiste, ne faisait pas un investissement financier important. Il a dû donc être étonné en rentrant de voir déjà des clients « accrochés » garés devant son magasin, buvant de l’eau et examinant la marchandise. Il a du ensuite se rendre compte que « gagner sa vie », une chose qu’il avait essayé à faire passivement depuis près de cinq ans, peut être beaucoup plus compliqué que de vivre 5

Le jackalope est un animal mythique de l’Ouest américain, une sorte de lièvre à cornes. Même si certains prétendent régulièrement en avoir aperçu la trace, le jackalope demeure plutôt une sympathique mascotte populaire des communautés rurales du Colorado, du Wyoming et du Nebraska (N.D.L.R..). 60

en gagnant, en surprenant les gens à travers l’offre gratuite de quelque chose de valeur apparemment réduite. Ce pas a clairement requis un important investissement intellectuel. Peut-être qu’une autre personne, ayant une plus grande expérience du marché, aurait saisi la possibilité plus tôt. Mais il est certain que la plupart des gens n’auraient pas pensé comme sa femme, et encore plus n’auraient pas suivi son conseil. De cette manière, Ted et sa femme, Dorothy, ont réalisé que les investissements peuvent et doivent avoir plus qu’un caractère financier. Et ils ont probablement également appris – et ce service est beaucoup plus important – que les ressources disponibles peuvent être plus abondantes que la plupart des gens imaginent. Enfin, ils ont aussi compris que l’entrepreneuriat n’est pas que la vente profitable, mais qu’il suppose en premier lieu la création d’une relation avec les clients. Et le capital de clients créé de cette manière est simplement un autre élément du capital intellectuel ! Cette dernière idée sera illustrée davantage par un autre exemple. La scène est maintenant en Pologne, et l’action a lieu dans les montagnes polonaises Tatra, dans un petit – encore plus petit que Wall – village de montagne appelé Murzasichle, qu’on peut traduire par Le-mur-avec-de-l’énergie. En fait, les montagnards polonais ou slovaques appellent assez fréquemment cet endroit Le Mur (Wall), tout simplement. Comme le Wall du South Dakota, le Wall polonais a été longtemps caractérisé par la pauvreté. Il n’est pas étonnant qu’un grand nombre de personnes ait décidé d’émigrer, la plupart vers l’Amérique, mais aussi vers l’Europe de l’Ouest. Un des émigrants a été une jeune fille blonde et jolie qui est partie dans les années 1970 en Italie. Ne sachant pas trop que faire, elle a réussi à trouver un emploi en tant que lave-vaisselle dans un grand restaurant. Elle est devenue l’amie d’un jeune Italien qui travaillait dans le même endroit comme aide du chef cuisinier. Ils sont tombés amoureux et se sont bientôt mariés. A la mort des parents polonais de la fille elle a hérité un petit morceau de terre et une maison, et le couple italo-polonais a décidé d’aller s’installer en Pologne, en espérant qu’ils pourront résister à la xénophobie locale. Mais la seule chose qu’ils savaient bien faire était la cuisine italienne. Et une chose était certaine à la fin des années 1980, que les montagnards ignoraient tout au sujet de la cuisine italienne et n’en voulaient rien savoir. Leur propre régime alimentaire était complètement différent. En outre, à la différence des habitants urbains polonais typiques, ils n’acceptaient certainement pas très volontiers le changement. La grande maison, qui pouvait être facilement transformée dans un restaurant, se trouvait au centre du village, un emplacement idéal pour une auberge - mais pas pour un restaurant italien. Mais le jeune couple était résolu! Ils ont fait ce qu’ils voulaient faire dès le début: un restaurant italien au coeur des montagnes Tatra! Un coup sérieux donné à l’esprit de la communauté locale. Il était condamné à échouer dès le début. Comment pouvait-on présumer que des montagnards iraient visiter un tel endroit! Mais notre couple n’était certainement pas parmi ceux qui pensaient de cette manière. Ils (ou plutôt elle) savaient très bien ce à quoi on pouvait s’attendre de la communauté locale: un certain manque de soutien sinon de l’hostilité ouverte. Ainsi, ils ont décidé à cuisiner pour les touristes, en particulier pour ceux ayant déjà voyagé à l’étranger. Le restaurant, qui était propre, rapide, avec des prix modérés et extrêmement bienveillant, a bénéficié d’une intense promotion « bouche à l’oreille » dans des villes polonaises comme Varsovie ou Cracovie, dont les citoyens sont reconnus pour leur prédilection spéciale à passer leurs vacances dans les montagnes Tatra. Pour ces raisons, le restaurant faisait naturellement de la publicité à travers des 61

panneaux de signalisation placés dans des lieux tout à fait éloignés de Murzasichle. La fin de l’histoire est similaire à celui de l’exemple du Wall Drug. La différence la plus importante consiste probablement dans l’étendue et l’impact. Logiquement, l’impact d’un petit restaurant « alternatif » ne peut pas être aussi grand que celui du Wall Drug. En outre, il y avait d’autres restaurants offrant de la cuisine traditionnelle polonaise à Murzasichle. Mais le restaurant italien a été une grande réussite. Et ce qui est les plus intéressant est le fait que les habitants locaux n’ont pas fait que l’accepter, mais ils ont même commencé à le fréquenter. De cette manière, cet établissement contribue aussi au développement social et culturel du petit « Le-muravec-de-l’énergie ». Dans le contexte de ces délibérations, une chose est néanmoins de grande importance: l’emplacement, jadis considéré comme la vache sacrée de l’avantage compétitif, ne peut pas être simplement considéré en termes de bien et de mal. Ses aspects apparemment nuisibles peuvent être dépassés en tant que facteurs contribuant à la réussite d’une initiative donnée. On doit cependant souligner le fait que la réussite ou l’échec concernant l’emplacement dépendent des actions conscientes et délibérées entreprises par l’entrepreneur. Et celles-ci dépendent de sa capacité de voir, de raisonner et d’agir. Une fois de plus, il est question ici d’aspects humains du capital intellectuel. DISCUSSION L’entrepreneuriat est plusieurs choses à la fois mais il est avant tout la capacité de percevoir des opportunités et d’employer les ressources nécessaires pour les exploiter. En définissant l’entrepreneuriat comme une capacité on met en évidence le fait qu’il n’est pas tenu d’être également distribué parmi les individus. Mais on reconnaît en même temps que cette capacité peut être à la fois apprise et enseignée. Et elle devrait être apprise et même enseignée parce qu’il en ressort une capacité spéciale. Il ne s’agit pas que d’un talent de percevoir des possibilités (autrement dit de reconnaître les possibilités inaperçues par d’autres), mais aussi d’une compétence (voir même d’un pouvoir) d’employer les ressources nécessaires afin d’exploiter ces opportunités. Tout comme Timmons, Stevenson, ou Drucker, l’auteur reconnaît le rôle décisif de la reconnaissance des opportunités. Pour cette raison, il considère que les opportunités sont au cœur de l’entrepreneuriat. Néanmoins, le fait d’apercevoir les opportunités et de les reconnaître, même difficile pour beaucoup d’individus aveuglés par la prémisse que les affaires requièrent de l’argent, ne sera pas suffisant pour s’assurer le succès. Le succès est contingent à un autre genre d’aptitude, ce qu’on appelle la capacité d’employer les ressources nécessaires afin d’exploiter les opportunités déjà perçues. A la différence de Stevenson, l’auteur ne soutient pas que l’essence de l’entrepreneuriat soit la poursuite des opportunités sans tenir compte des ressources déjà contrôlées. Bien au contraire, la capacité de reconnaître les opportunités tout en jugeant s’il existe une possibilité d’employer les ressources nécessaires afin de l’exploiter est le plus important facteur qui se trouve derrière la réduction de risques, si fréquemment soulignée par Schumpeter et Drucker. Les entrepreneurs ne requièrent pas seulement la capacité de reconnaître des modèles futurs émergeants (ce qui fait l’essence de la détection d’opportunités), mais aussi l’aptitude d’imaginer si et comment ils peuvent employer les ressources nécessaires. Aucun de ces facteurs ne peut manquer – ni l’opportunité ni les ressources nécessaires. Ils doivent être perçus et analysés simultanément (il est très difficile de 62

dire qui arrive en premier lieu, comme dans le cas de la poule et de l’œuf). Sur ce sujet l’auteur contredit Stevenson et al. (1989), qui affirme que les opportunités sont beaucoup plus importantes que les ressources. Il affirme simplement que les ressources sont en effet pertinentes et nécessaires, même si elles ne doivent être considérées que dans le contexte d’une opportunité donnée. Alors, est-elle faisable et possible ? Cette question concerne la viabilité de la reconnaissance de l’opportunité de manière simultanée avec la possibilité d’employer les ressources nécessaires pour l’exploiter. Cette question présente deux aspects – l’un intellectuel, lié à l’esprit entrepreneurial, et l’autre pratique, lié à la dotation en ressources de l’entrepreneur donné. Et ici aussi, une fois de plus, de manière étrange, ces deux aspects sont étroitement liés. Beaucoup d’opportunités ne peuvent pas être perçues parce que les individus qui ne sont pas conscients de leur existence voient le milieu en termes de « noir et blanc », existant « ici et maintenant », « d’ici jusqu’à là », et clairement défini comme disposant de certaines caractéristiques bine connues. Cependant, le monde contemporain est différent. Il est en perpétuelle évolution, plein de discontinuités, apportant de nouvelles surprises, des défis. Il offre beaucoup de réponses simples à des questions difficiles, tout en présentant simultanément encore plus de doutes concernant des problèmes apparemment non-existants. Ceux qui disposent des connaissances et du courage nécessaires pour accepter le monde comme il est réellement, et pour vivre dans ses différentes sphères, tout en contribuant à l’évolution de plus d’une d’entre elles, a de manière évidente plus de chances de rencontrer de nouvelles opportunités. Devant ces opportunités, ils reconnaissent assez souvent que les ressources nécessaires sont facilement accessibles. Le monde environnant les enrichit en opportunités, mais puisqu’il dépend d’eux d’enrichir le monde à travers l’exploitation de ces opportunités, ce même monde est également généreux afin de rendre les ressources nécessaires vraiment disponibles. Cependant, ce texte porte le message explicite que les récompenses n’arrivent pas à coûts zéro. Ceux qui sont récompensés aujourd’hui sont payés pour ce qu’ils ont fait auparavant. Ici il n’y a pas de différences en termes de capital financier, social ou intellectuel. Comme l’avait montré Schumpeter, c’est à travers le crédit que les entrepreneurs bénéficient d’accès au flux social des biens avant d’avoir acquis le droit d’émettre des prétentions. Néanmoins, les potentiels fournisseurs de crédits (pour ne pas parler tout simplement de toute forme de capital financier) ne sont pas exclusivement des banques, ni même des établissements financiers. Il faut remarquer le rôle de plus en plus croissant des ressources non-financières dans la facilitation ou l’empêchement de la création et de l’évolution de nouvelles entreprises. Tous ces facteurs devraient nous sensibiliser envers le milieu économique largement changé et toujours en changement, qui rend les observations macroéconomiques de Schumpeter moins appropriées pour le milieu microéconomique actuel. Mais même du temps de Schumpeter on ne pouvait pas accorder un crédit à n’importe qui pour faire n’importe quoi, n’importe quand, et n’importe où. Sa disponibilité devait être fonction de la haute probabilité du remboursement prévu, non seulement du capital, mais aussi de la participation du fournisseur du crédit au bénéfice et à son rendement élevé (Knight, 1921). On doit se rappeler que les étoiles sont très loin. Afin de les apercevoir, et de reconnaître les opportunités existantes, on doit s’armer de connaissances. On n’atteint que très rarement le succès si on agit en coureur solitaire. Il est mieux, plus sûr, plus rapide et donc plus prudent d’établir des rapports avec différents individus motivés 63

mais bien informés et d’agir à travers des réseaux qu’on doit établir d’avance. D’où il résulte la dimension institutionnelle – les réseaux. Et celle intellectuelle – le savoir.

REFERENCES DRUCKER, Peter. The End of Economic Man: A Study of the New Totalitarianism. New York: The John Day Company, 1939. DRUCKER, Peter. Innovation and Entrepreneurship. New York: Harper and Row, 1985. HART, M., STEVENSON, H., et DIAL, J. Entrepreneurship: A Definition Revisited. Babson Park, Massachusetts: Babson Frontiers of Entrepreneurship Research, 1995. KNIGHT, Frank H. Risk, Uncertainty, and Profit. London School of Economics and Political Science, Series of Reprints of Scarce Tracts, No. 16. Londres: University of London, 1921. KWIATOWSKI, Stefan, et HOUDAYER, Patrice. “Social and Intellectual Dimensions of Entrepreneurship”, in, S. KWIATOWSKI. Knowledge Café for Intellectual Entrepreneurship : THROUGH or AGAINST Institutions? Varsovie: WSPiZ, 2004. SCHUMPETER, Joseph. Capitalism, Socialism, and Democracy. 3e éd. New York: Harper and Row, 1950. SCHUMPETER, Joseph. The Theory of Economic Development. Cambridge: Harvard University Press, 1955. SCHUMPETER, Joseph. Business Cycles. New York et Londres: McGraw-Hill, 1939. STEVENSON, H. H., ROBERTS, M. J., et GROUSBECK, H. I. New Business Ventures and the Entrepreneur. Homewood, Illinois: Irwin, 1989. TIMMONS, J. F. New Venture Creation. Burr Ridge, Illinois: Irwin, 1994. Twenty Reasons Why We Are the Best Route in the West. Pierre: South Dakota Tourism n.d.

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« Apprendre à faire » comme pilier de l’enseignement et ses rapports avec les études entrepreneuriales dans l’enseignement supérieur. Le contexte européen et ses approches MIRCEA MICLEA

L’auteur fait le lien entre le pilier « apprendre à faire », l’un des quatre piliers du Rapport Delors de 1996 « L’éducation: un trésor est caché dedans » et les principes et les objectifs d’une université entrepreneuriale ainsi que les objectifs de la Commission Européenne et du Processus de Bologne d’augmenter les chances des diplômés d’université d’obtenir un emploi. Une université entrepreneuriale remplirait la fonction de ce pilier, particulièrement si elle offre la formation continue, des services d’orientation professionnelle, si elle instruit et forme des compétences sociales en vue d’un emploi et si elle se dédie à éduquer et à former les diplômés d’université qui deviendront des agents du changement. Les universités doivent aussi promouvoir l’entrepreneuriat intellectuel comme moyen de réaliser des objectifs importants, y compris des emplois et des valeurs humaines durables. Dans l’important rapport soumis à l’UNESCO par la Commission internationale de l’éducation pour le vingt-et-unième siècle, L’éducation: un trésor est caché dedans (1996), J. Delors a souligné l’importance cruciale des quatre piliers, proposés et décrits à maintes reprises comme étant à la base de l’éducation en général. Ces piliers sont: (i) apprendre à connaître; (ii) apprendre à faire; (iii) apprendre à être et (iv) apprendre à vivre ensemble. Suit une brève description de chacun de ces piliers. « Apprendre à vivre ensemble » commence par la prise de conscience de l’extraordinaire potentiel d’autodestruction qui caractérise la race humaine au vingtième siècle d’une part et d’autre part la capacité fantastique des médias à saturer l’opinion publique avec des informations et des rapports non vérifiables. Ainsi, l’opinion publique devient un « observateur impuissant, voire même un otage de ceux qui initient ou entretiennent les conflits » , p. 1>. Afin de réduire les conflits sociaux ou de les résoudre de manière pacifique, afin d’enrichir la capacité des hommes à vivre ensemble, la Commission Delors a suggéré deux approches complémentaires et subséquentes: découvrir la diversité humaine (en étudiant l’histoire, la langue, la culture et la façon de vivre d’autres peuples) et promouvoir leur participation dans des projets communs. L’une des principales affirmations du rapport était qu’ « une nouvelle forme d’identité est créée par ces projets, qui permet aux gens de transcender les routines de leurs vies personnelles et d’attacher de la valeur à ce qu’ils ont en commun contre ce qui les divisent , p. 2>. Le pilier « apprendre à être » remet l’accent sur la principale présomption du Rapport Faure de 1972 concernant le fait que le but de tout développement socioéconomique est l’épanouissement de la race humaine. Par conséquent, l’un des principaux défis de l’enseignement au vingt-etunième siècle sera de s’ « assurer que tout le monde détienne les ressources personnelles et les outils intellectuels nécessaires pour comprendre le monde et se comporter comme personne équitable et responsable » , p. 1>.

Le pilier « apprendre à connaître » décrit le savoir comme moyen mais aussi comme aboutissement de l’existence humaine. En tant que moyen, le savoir est une condition préalable à l’accomplissement personnel, au développement des compétences adéquates à un emploi et des compétences de communication. En tant qu’objectif, le savoir implique le plaisir unique qui peut dériver de la compréhension et de la découverte. La Commission s’engage à une combinaison créative de l’éducation générale et de la spécialisation dans une discipline d’enseignement. Elle met aussi l’accent sur le fait qu’apprendre à connaître implique apprendre la manière d’apprendre en développant les capacités cognitives, que ce soit la mémoire, l’attention, la pensée ou l’imagination. En ce qui concerne le pilier « apprendre à faire », qui est au centre du présent article, il comprend trois aspects qui sont brièvement décrits ci-dessous. Premièrement, apprendre à faire signifie acquérir des compétences spécifiques. Le principal défi de tout établissement d’enseignement supérieur est la manière de former les gens aujourd’hui pour les emplois d’aujourd’hui et de demain et la manière de structurer l’enseignement et l’apprentissage pour que les gens acquièrent les compétences adéquates aux types d’emplois demandés dans un futur envisageable. Ainsi, augmenter les chances de ses diplômés d’obtenir un emploi devrait être l’une des principales priorités de toute université responsable. Le second aspect du pilier apprendre à faire, celui d’acquérir des compétences sociales requises par l’emploi est de plus en plus pertinent en ce qui concerne la sphère du marché du travail, du fait du développement du secteur des services et de l’augmentation de son importance dans le système des économies post-industrielles. De nombreux services sont définis en fonction des relations personnelles développées entre le fournisseur et le consommateur, et non pas à travers le traitement des matériaux opéré par l’entreprise en question. Dans ces conditions, les compétences interpersonnelles deviennent hautement pertinentes dans la quête d’un emploi et les performances au travail. Des qualités telles que le travail en équipe, la capacité à résoudre les problèmes, à communiquer et les initiatives personnelles ne sont plus des « soft skills », des compétences désirables mais accessoires et sans importance pour le marché du travail, elles sont devenues des facteurs déterminants sur le marché des services. Le troisième aspect du pilier apprendre à faire se porte sur la capacité des gens à modeler le futur, à devenir des agents du changement, à vouloir prendre des risques : Nous devons alors répondre à la question qui s’applique aussi bien aux pays développés qu’à ceux en voie de développement : comment les gens apprennent-ils à agir correctement dans une situation incertaine, comment s’impliquent-ils dans le fait de modeler le futur ? , p. 2. Pour résumer, le fait de pourvoir les étudiants avec des compétences utiles à l’emploi, des qualités sociales et le goût du risque, représentent les trois facettes du même pilier – apprendre à faire. APPRENDRE A FAIRE ET ENTREPRENEURIAT ACADEMIQUE Cette section se concentre sur les relations entre les quatre piliers de l’éducation, en 66

particulier - apprendre à faire et l’entrepreneuriat académique, ainsi qu’il est exprimé dans l’Espace européen de l’enseignement supérieur. Plus précisément, les questions suivantes ont fait l’objet de l’enquête : -

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De quelle manière ont les initiatives européennes modelé les trois facettes du pilier apprendre à faire, identifiées ci-dessus, tant au niveau institutionnel qu’au niveau du système ? De quelle manière a l’entrepreneuriat affecté les quatre piliers (et plus particulièrement le pilier apprendre à faire), ainsi que leurs connexions réciproques ? Comment peut-on aborder ce qui se passe dans les universités entrepreneuriales du point de vue des quatre piliers irréductibles du système de l’éducation nationale ?

Autrement dit, il est nécessaire d’une part d’essayer de circonscrire l’impact des politiques au niveau macroéconomique et des développements entrepreneuriaux (institutionnels) au niveau microéconomique autour du pilier apprendre à faire. D’autre part, il est nécessaire d’utiliser le « paradigme des quatre piliers » comme une sorte de paire de lunettes pour les nouveaux développements institutionnels. APPRENDRE DES COMPETENCES PROFESSIONNELLES En dépit du fait que jusqu’à récemment la formation professionnelle n’était pas l’une des principales préoccupations des universités, de plus en plus de preuves témoignent en faveur de l’augmentation de son importance. La revue de l’Association des universités européennes, Trends 2003: Progress Towards the European Higher Education Area offre la preuve incontestable que 91 pourcent d’un échantillon de 1800 dirigeants d’établissements européens d’enseignement supérieur considèrent les chances d’obtenir un emploi de leurs étudiants comme un objectif important, voire de très important (56 pourcent) lorsqu’ils mettent au point le programme d’enseignement (p. 27). On doit souligner le fait que l’augmentation du nombre de diplômés d’université obtenant un emploi était l’une des plus puissantes forces gouvernant la Déclaration de Bologne, le Communiqué de Prague et le Communiqué de Berlin, qui tous soulignent l’importance des compétences professionnelles et de la formation : « ... créer un espace européen de l’enseignement supérieur, comme moyen privilégié pour encourager la mobilité des citoyens, favoriser leur intégration sur le marché du travail européen et promouvoir le développement global de notre continent » … « Objectifs : adoption d’un système de diplômes facilement lisibles et comparables, afin de favoriser l’intégration des citoyens européens sur le marché du travail… » (Bologne, 1999). Les ministres ont exprimé leur appréciation pour les contributions (des établissements d’enseignement supérieur) dans le développement des programmes valorisant les compétences académiques et la professionnalisation durable … (Prague, 2001). L’augmentation de l’importance accordée aux compétences requises sur le marché dans la conception des programmes apparaît comme le résultat d’au moins trois facteurs complémentaires. 67

D’une part, il existe une pression croissante des décideurs des universités à fournir une formation adéquate au marché. Les étudiants ont commencé à payer d’importants frais d’études. Ils s’attendent à présent à tirer des avantages de l’argent dépensé et à accroître leurs chances sur le marché du travail. Les gouvernements nationaux ont réalisé que pour baisser le taux de chômage et pour obtenir un développement durable, l’économie doit être « nourrie » avec des gens hautement qualifiés, capable de répondre aux besoins du marché. Qui plus est, afin d’accroître leur avantage comparatif sur des marchés de plus en plus compétitifs, les entreprises, qu’elles soient publiques ou privées, demandent encore plus de qualités adaptées au marché. D’un autre côté, l’ère post-industrielle laisse la place à une économie basée sur le savoir, qui ne demande plus certaines qualités physiques, mais des capacités très sophistiquées, liés au savoir. Autrement dit, le genre de compétences professionnelles qui peuvent se développer dans des universités sont devenues de plus en plus compatibles avec le genre de compétences demandées par le processus économique – situation sans précédent jusqu’ici. Finalement, les universités elles-mêmes, à mesure qu’elles deviennent plus entrepreneuriales, militent encore plus en faveur de l’enseignement et de l’apprentissage orienté vers les besoins du marché. Si, d’une part, un diplômé d’université bien formé et ayant de fortes chances de trouver un emploi est l’un des meilleurs véhicules pour transférer la science technique de l’université à l’économie, un important taux de professionnalisation des diplômés d’université contribue d’autre part substantiellement au prestige et à la compétitivité d’une université. Les développements récents les plus importants qui témoignent de la préoccupation des établissements européens d’enseignement supérieur à augmenter les compétences professionnelles de leurs diplômés concernent la modification des diplômes présents et l’expansion des programmes de formation continue. La modification des diplômes présents par l’introduction du système d’enseignement supérieur à deux tiers se trouve au centre de la Déclaration de Bologne. Le fait de préparer les diplômés d’université pour le marché européen du travail est considéré l’une des principales lignes directrices du processus de Bologne. Il existe toujours des disputes pour savoir quel devrait être le degré d’utilité sur le marché du travail des compétences acquises avec chaque diplôme. Il y a un progrès lent dans le suivi des emplois obtenus par les diplômés d’université et les réactions des décideurs, mais le progrès est constant et les engagements sont fermes (Trends, 2003; Miclea, 2003). Qui plus est, étant donné le climat de changement dans les diplômes présents, les universités devraient fermement appuyer le rôle des centres d’orientation professionnelle. On ne doit pas oublier le fait que l’un des effets de base de l’instruction est la manipulation des aspirations (Bourdieu, 1993, p. 97-98). En dépit des efforts des universités, les aspirations créées par les nouveaux diplômes et les différentes voies offertes par les systèmes d’enseignement supérieur ne correspondent pas automatiquement aux opportunités réelles du marché du travail. Les centres d’orientation professionnelle peuvent assister les étudiants à prendre des décisions informées et à éviter les impasses dans le labyrinthe professionnel et le piège des qualifications qui perdent de la valeur. Autrement dit, les centres d’orientation professionnelle peuvent aider les étudiants à exploiter pleinement les opportunités créées par l’introduction du système de diplômes à deux tiers. L’auteur ne connaît aucune initiative au niveau européen dans le domaine des centres d’orientation 68

professionnelle. La présence de tels centres dans les universités européennes est plus une exception que la règle. Toutes les agences de recrutement locales poursuivent le même objectif que les universités : augmenter le taux de professionnalisation et faire un usage extensif des services d’orientation professionnelle. Néanmoins, les étudiants européens ne trouvent que rarement de tels services sur leur campus. Il est temps pour les universités européennes de prendre exemple sur ces agences et aussi sur les universités américaines qui ont des réseaux importants de services d’orientation professionnelle sur leur campus. Pour conclure, les établissements d’enseignement supérieur devraient compléter l’introduction des diplômes à deux tiers avec le développement de centres d’orientation professionnelle pour assister les étudiants à exploiter entièrement et de la meilleure manière les nouvelles opportunités. La formation continue n’est plus un terme savant sans contenu des enseignants et des politiciens, mais une nouvelle réalité institutionnelle. C’est l’un des principaux moyens à travers lesquels les universités répondent aux exigences du marché. En 1996 déjà, l’étude Euro - baromètre indiquait que 70 pourcent des personnes interviewées désiraient continuer à apprendre et suivre des cours tout au long de leurs vies; 80 pourcent considéraient que la formation continue peut améliorer leur vie professionnelle et 72 pourcent considéraient qu’elle pouvait aussi améliorer leur vie personnelle (Osborne et Thomas, 2003). Dans une économie basée sur le savoir, la mise à jour constante des connaissances est devenue une nécessité imposée par les exigences professionnelles et par la volatilité du marché du travail. De plus, dans une période de rapides changements économiques, le statut des références offertes par les universités est devenu de plus en plus problématique. Le « ticket » obtenu à la sortie de l’université ne suffit plus pour traverser la vie. Obtenir un diplôme universitaire est plutôt similaire à souscrire à une police d’assurance. Cela minimise le spectre du chômage et réduit la mobilité sociale (Kivinen, 1997). Il est ainsi conseillé à chaque personne de s’engager dans des programmes de formation continue comme un moyen de minimiser les risques personnels. Pour répondre à la demande croissante, la formation continue a été ajoutée à la liste des lignes d’actions du Processus de Bologne à Prague (2001). Le besoin de politiques nationales dans ce domaine a été souligné dans le contexte du Mémorandum sur l’éducation et la formation tout au long de la vie de la Commission Européenne (2000) et de la consultation concernant ce mémorandum qui a eu lieu en 2001 avec 12.000 citoyens de tous les pays candidats à l’Union Européenne. Ont été identifiés plusieurs éléments importants d’une stratégie viable et complète de formation continue. Ils comprenaient des partenariats entre les universités, le gouvernement et les entreprises privées, l’orientation de la demande pour la formation et une redéfinition des qualifications de base (voir mais aussi la revue thématique de l’OCDE : Beyond Rhetoric: Adult Learning Policies and Practices, 2003). L’engagement de l’Union Européenne à promouvoir la formation continue est devenu encore plus ferme à la suite de la publication du Classement thématique des innovations [Thematic Innovation Scoreboard] (Commission Européenne, 2002), qui a confirmé une très forte corrélation entre la participation dans des programmes de formation continue et la capacité innovatrice des pays en question. Cependant, l’idée d’un Espace européen de la formation continue propagée par la Commission Européenne reste un objectif éloigné, derrière celui de l’Espace européen de la recherche et de l’Espace européen de l’enseignement supérieur. 69

Au niveau institutionnel, la montée des programmes de formation continue a été perçue comme une opportunité par les uns et comme un danger par les autres. Les établissements les plus orientés vers l’entrepreneuriat, surtout ceux qui déroulaient des activités dans le domaine des affaires/économie ou de la technologie et de l’ingénierie ont mieux agi que la moyenne. Trends 2003 a révélé qu’à travers l’Europe, 49 pourcent des établissements universitaires d’affaires et 40 pourcent de ceux spécialisés dans la technologie et l’ingénierie avaient élaboré des stratégies de formation continue, par rapport à seulement 33 pourcent en moyenne des établissements d’enseignement supérieur (p. 95). Autrement dit, les établissements qui entretiennent des rapports plus serrés avec les décideurs sont aussi des partisans décidés des schémas de formation continue. Une part active des universités dans la formation continue représente un indice clair de leur caractère entrepreneur. Cela signifie qu’elles: • • • • •

se préoccupent des besoins du marché du travail; produisent et offrent des paquets de savoir orientés vers la demande; considèrent les étudiants comme des consommateurs; mettent en place des procédures d’assurance de la qualité pour les programmes de formation continue; revoient les récompenses ou les stimulants (de nature financière ou l’avancement professionnel) pour les universitaires qui offrent des cours de formation continue.

La contribution des programmes de formation continue à l’acquisition des compétences nécessaires à l’emploi et la consolidation du pilier apprendre à faire sont importantes. Cependant, elles sont loin encore de montrer tout leur potentiel. Le développement de la culture entrepreneuriale à l’intérieur des établissements d’enseignement supérieur peut devenir un catalyseur puissant pour les programmes de formation continue. LES COMPETENCES SOCIALES REQUISES PAR L’EMPLOI Le deuxième aspect du pilier apprendre à faire – acquérir des compétences sociales requises par l’emploi – est beaucoup moins abordé au niveau institutionnel et à celui du système que les autres aspects. En dépit de leur importance croissante pour les entreprises post-industrielles à base de services, les compétences sociales telles que le travail en équipe, la résolution des conflits, la communication et les contacts psychologiques entre les personnes et les institutions, etc. ne figurent pas parmi les priorités des établissements d’enseignement supérieur. Elles sont considérées comme des soft skills et traitées comme des sous-produits de la mobilité et des programmes de diplômes conjoints promus par l’Union Européenne. Au niveau institutionnel, le développement des compétences sociales ou du travail en équipe sont encore plus marginalisés qu’au niveau du système. Toute la culture d’une université est construite sur les performances individuelles (exceptionnelles). Les étudiants sont évalués à travers leurs performances individuelles ou leurs résultats aux examens. C’est la personne et non l’équipe qui est à l’avantage lorsque des promotions sont en vue. Les articles publiés par un auteur sont considérés plus significatifs en termes de compétences individuelles que les 70

articles publiés par une équipe de recherche. Chaque département représente d’habitude une collection d’universitaires où chacun se concentre sur une discipline ou un domaine de recherche, non pas une équipe animée par un seul projet. Lorsqu’on demande leur affiliation, la plupart des cadres universitaires d’Europe mentionnent en premier lieu leur discipline (leur domaine d’expertise). Quelques uns seulement mentionnent leur département et encore moins leurs université (Dillemans, 1996). Ainsi, la culture, le système des récompenses et même l’organisation institutionnelle interne favorisent les performances individuelles, les solo voces à la place des orchestres. Cette pratique n’est ni bonne ni mauvaise; simplement, elle ne favorise pas la formation et le développement des compétences sociales requises par l’emploi. Un argument indirect que les établissements d’enseignement supérieur (y compris les universités entrepreneuriales) sont moins en mesure de pourvoir leurs étudiants avec des compétences professionnelles tenant des relations avec les gens (des compétences sociales) peut être tiré de l’examen des pratiques de recrutement et les types de cours sollicité par les entreprises qui s’occupe de la formation du personnel. En dehors des cours pour la mise à jour des connaissances professionnelles, les cours les plus demandés sont ceux de formation d’une équipe [team-building], de résolution des conflits et de communication. Lorsqu’elles recrutent, les entreprises attachent beaucoup d’importance aux caractéristiques de la personnalité des candidats à l’emploi et à leur capacité de travailler en équipe. Les analyses récentes indiquent que les services publics et les compagnies privées en particulier sont de moins en moins intéressés à embaucher des « personnalités bureaucratiques », qui sont perçues comme excessivement attachées aux règles. A la place, ils préfèrent travailler avec des « personnalités charismatiques », capables de dresser des projets, d’innover et de motiver toute une équipe à travailler dans le sens d’une idée innovatrice. Malheureusement, même les études entrepreneuriales, contrairement à ce que semble indiquer leurs programmes, ne comprennent pas ces compétences comme part de la formation entrepreneuriale. Pour résumer, le fait de pourvoir les diplômés d’université avec des compétences sociales requises par l’emploi, même si celles-ci sont recherchées par les entreprises et l’industrie des services, représente malheureusement une préoccupation marginale des établissements d’enseignement supérieur, y compris de ceux entrepreneurs. La formation dans ce domaine devrait être sérieusement révisée tant par les universités entrepreneuriales que par la Commission Européenne. L’ENGAGEMENT A DEVENIR UN AGENT DU CHANGEMENT Le troisième aspect du pilier apprendre à faire porte sur le développement des compétences innovatrices des personnes, sur l’engagement des gens envers le changement, l’engagement à prendre des risques et à construire le futur. Je cite du Rapport Delors : « Paradoxalement, les pays les plus riches sont quelques fois limités dans ce domaine par la façon exclusivement codée et formelle dont ils sont organisés, particulièrement en ce qui concerne leur système d’enseignement et par une certaine crainte de prendre des risques, qui peut être engendrée par la rationalisation de leur modèle économique. Sans doute, les sports, l’appartenance à des clubs et les activités artistiques et culturelles ont plus de succès que les systèmes traditionnels d’enseignement dans le fait d’offrir cette 71

sorte de formation » , p. 2-3. Les études entrepreneuriales contribuent plus ou moins délibérément au développement des capacités des étudiants à prendre des risques et à dessiner leur futur. Pour citer D. Audretsch (2002), l’entrepreneuriat porte sur le changement, tout comme les entrepreneurs sont des agents du changement; l’entrepreneuriat porte alors sur le processus du changement (p. 3). En fait, cette remarque s’inscrit dans la ligne de la définition de l’entrepreneuriat proposée par l’OCDE : « les entrepreneurs sont des agents du changement et de la croissance dans une économie de marché, ils peuvent faire en sorte d’accélérer la production, la dissémination et l’application des idées innovatrices … Les entrepreneurs ne font pas que chercher et identifier les opportunités potentiellement profitables du point de vue économique, mais ils acceptent aussi volontiers de prendre des risques pour vérifier si leurs intuition est correcte » (OCDE, 1996, p.11). Une large variété d’initiatives a été analysée par les universités et la Commission Européenne pour accroître l’esprit et les compétences entrepreneuriales : des programmes de formation à l’entrepreneuriat, des stages pour que les étudiants travaillent avec les entrepreneurs, des entrepreneurs invités aux cours, une augmentation du nombre de programmes de MBA (Commission Européenne, 2003, p. 27). Plus qu’un programme spécifiquement universitaire, l’entrepreneuriat intellectuel devient pour les universités les plus dynamiques une philosophie d’enseignement et un cadre pour conceptualiser les façons dont les universités devraient travailler, en collaborant d’avantage avec le monde, au-delà des établissements d’enseignement supérieur. On doit aussi mentionner le fait que le contexte d’embauche des diplômés d’université a changé au cours de la dernière décennie. Au cours des années précédentes, après la Deuxième guerre mondiale, les établissements d’enseignement supérieur se sont développés surtout grâce aux offres d’emplois pour les diplômés d’université, aussi bien dans le secteur public que dans les grandes entreprises. La voie professionnelle évidente pour tout diplômé serait de travailler dans une grande compagnie ou dans une institution publique. Le secteur public et celui des grandes entreprises sont maintenant en plein changement (Kivinen, 1997; Brown et Scase, 1997). La diminution du nombre d’emplois dans le secteur public et l’horizontalisation des structures organisationnelles pourraient modifier substantiellement les perspectives d’emploi des diplômés. On s’attend à ce que les emplois dans les services publics ou en tant que salariés dérivent de plus en plus vers l’auto-emploi. Ainsi, l’une des plus fréquentes initiatives des universités entrepreneuriales est d’encourager ses étudiants à prendre en compte l’auto-emploi, ou le fait de travailler pour de petites entreprises comme alternative viable. Certaines universités, notamment dans le Royaume Uni, ont introduit des centres de placement pour les petites entreprises dans le processus éducationnel. Elles ont aussi souligné les avantages de l’auto-emploi aux étudiants et les ont encouragé à développer des idées d’affaires à travers des cours sur la production d’idées et de marketing. L’éducation entrepreneuriale, qui couvre le troisième aspect du pilier apprendre à faire, semble être une nécessité dans la mesure où l’on s’attend à ce que les diplômés ne soient pas seulement à la recherche d’un emploi, mais qu’ils soient aussi et surtout des créateurs d’emplois. 72

Pour résumer, cette analyse du pilier apprendre à faire, basé sur le Rapport Delors, a identifié trois aspects ou composantes : apprendre les compétences utiles à l’emploi, apprendre des compétences sociales liées au travail et apprendre à devenir [un] agent du changement. Les principales approches européennes, tant au niveau institutionnel qu’au niveau du système européen, indiquent une série d’initiatives, qui consistent notamment en : •

la mise en place de diplômes selon une structure à deux tiers afin d’augmenter les chances de placement des diplômés;



le développement de programmes de formation continue;



le fait d’encourager la mobilité des étudiants et les diplômes conjoints comme moyen de promouvoir les compétences dans le sens des relations humaines;



un puissant engagement en faveur des études entrepreneuriales et d’entrepreneuriat de la part des universités entrepreneuriales

Bien que l’importance du point de vue professionnel des compétences sociales requises par l’emploi est en train d’augmenter, cet aspect reçoit moins de soutien que les deux autres. Si l’on prend en compte la description de Brown et Scase (1997), il s’est produit un changement sur le marché du travail pour les diplômés d’université (surtout dans le secteur privé), allant d’une demande de personnalités bureaucratiques vers la préférence de personnalités charismatiques, capables de démontrer des compétences pour des relations humaines sophistiquées, telles que la communication, la négociation, le travail en équipe, etc. Une possibilité pour enseigner des compétences sociales adaptées à la vie professionnelle des diplômés serait de les inclure dans un paquet distinct dans le programme des études entrepreneuriales. Un aperçu du programme de ces études à travers l’Europe a montré qu’elles sont très instrumentales. Elles se concentrent sur le fait d’enseigner aux étudiants la manière de démarrer une nouvelle entreprise, mais se préoccupent peu sinon pas du tout, de les former au travail en équipe. Comme il a déjà été mentionné, toute la culture à l’intérieur d’une université est surtout concentrée sur l’individu, elle n’est pas orientée vers le travail en équipe. Tout compte fait, depuis la publication du Rapport Delors en 1996, des progrès importants ont été enregistrés dans la promotion du pilier « apprendre à faire ». On peut en même temps attribuer ce progrès au Processus de Bologne et à l’expansion de la culture entrepreneuriale dans les universités européennes. Il ne fait pas de doute que l’entrepreneuriat intellectuel et ses idéologies et pratiques (nouveau management, capitalisme universitaire, universités entrepreneuriales) ont nourrit l’aspect apprendre à faire à l’intérieur des universités. LES QUATRE PILIERS ET L’ENTREPRENEURIAT INTELLECTUEL L’entrepreneuriat intellectuel, en tant que vision d’éducation des diplômés d’université, mais aussi comme moyen de conceptualiser la réponse d’une université à son environnement extérieur, a eu différents effets sur les quatre piliers. Il a fourni un cadre qui favorise : -

les initiatives politiques et l’allocation préférentielle des ressources pour 73

le pilier apprendre à faire; -

une axiologie dans laquelle les compétences adaptées aux marché sont plus importantes qu’apprendre à vivre ensemble, à exprimer tout le potentiel d’une personne en tant qu’être humain, ou poursuivre le savoir en tant que valeur en soi.

Si l’on ne prend pas de mesures de protection, le résultat pourrait être un déséquilibre entre les quatre piliers de l’éducation qui pourrait mettre en péril l’ « utopie nécessaire » - comme Delors appelait l’éducation dans son rapport. Dans ce qui suit sont présentées quelques réflexions sur l’entrepreneuriat intellectuel vu de la perspective des quatre piliers. On devrait beaucoup promouvoir l’entrepreneuriat intellectuel aussi bien en tant que moyen qu’en tant qu’objectif en soi La réponse entrepreneuriale des universités (Clark, 2001) est imposée par le nouveau contexte dans lequel elles opèrent. Parmi les plus importantes caractéristiques de ce contexte, on peut citer les suivantes : o une compétition accrue autour des étudiants et des fonds pour la recherche dans le cadre de l’économie globale; o la massification de l’enseignement supérieur; o une réduction substantielle des allocations provenant de fonds publics pour les universités; o une pression accrue de la part des décideurs (surtout du domaine des affaires et du gouvernement) pour que les diplômés détiennent des compétences utiles sur le marché; o les opportunités et la demande provenant de l’économie basé sur le savoir (Braun et Merrien, 1999; Massen et van Vught, 1996). Étant donné ces circonstances, une approche entrepreneuriale semble conférer de meilleures chances de survie et en même temps améliorer et consolider la position d’une personne sur le marché universitaire. Qui plus est, une injection d’entrepreneuriat dans les universités européennes serait très bien reçue. Du fait de leur éducation et de leur statut de fonctionnaires publics avec des salaires fixes, la plupart des universitaires européens n’aiment pas prendre de risques et ils se concentrent surtout tout au plus sur le développement de leur discipline, plutôt que sur le chapitre de l’emploi. Les universitaires ont tendance à enseigner ce qu’ils savent et non ce dont les étudiants (ou les décideurs) ont besoin ! Ainsi, il ne fait pas de doute quant à l’opportunité de pousser fermement en avant les approches entrepreneuriales à tous les niveaux des établissements d’enseignement supérieur. Cependant, cet effort ne signifie pas que l’entrepreneuriat doit devenir un but en soi, le dernier rêve d’or des universités. Comme premier argument, il est intéressant de remarquer que d’une façon plutôt étrange, au cours les dernières décennies, alors que les universités commençaient à adopter le model corporatif de management, les entreprises privées devenaient plus collégiales. Les hiérarchies grandes et rigides des directeurs alignés ont laissé la place à des réseaux plus flexibles de dirigeants d’équipes (de Boer, 1999). Ainsi, il serait mieux pour les universités de regarder la fonction de dirigeant plutôt comme une option importante que comme un fétiche omnipotent. Supposons alors que par diverses stratégies les universités réussiront à 74

produire des diplômés avec d’excellentes compétences pour le marché. Est-ce que ces « produits » deviendront aussi des citoyens actifs qui seront sceptiques quant aux messages des médias et qui se sentiront moins aliénés à leur travail ? Est-ce qu’ils poursuivront la vérité pour elle-même et seront mieux équipés pour prévenir et résoudre les conflits ou pour éviter un autre holocauste ? Probablement pas. Cependant, toutes ces compétences sont nécessaires pour avoir un futur. Apprendre à connaître, à être et à vivre ensemble sont des valeurs fondamentales et les universités devraient réaliser qu’elles sont les meilleurs réceptacles de valeurs humaines. Aucune autre institution à l’intérieur de la société n’est d’avantage investie – capable – que les universités à nourrir et à promouvoir les valeurs humaines. Qui d’autre pourrait être un meilleur supporter de la vérité, de la pensée critique et de la liberté de la pensée que l’université ? Qui d’autre pourrait mieux accommoder les nouveaux développements de la science technique (comme par ex. le clonage) avec les valeurs humaines essentielles ? Ce dont ont a besoin c’est une université réactive dans la même mesure envers le marché et les valeurs, pas simplement aux valeurs du marché. L’entrepreneuriat intellectuel est une façon de produire un développement adéquat, à la fois à l’intérieur et à l’extérieur des universités, mais tout développement est dirigé par les valeurs. Le fait de promouvoir seulement les développements qui maintiennent et augmentent les valeurs humaines est une responsabilité cruciale des universités. Et le fait de promouvoir des valeurs est simplement une autre façon de dire de quelqu’un qu’il ne réagit pas seulement aux besoins présents des gens, mais aussi aux besoins des générations futures. Apprendre à faire n’a pas, du point de vue du rôle axiologique de l’université, une priorité légitime sur apprendre à être, apprendre à connaître ou apprendre à vivre ensemble. Une véritable université entrepreneuriale devrait allouer au moins une partie des ressources obtenues à travers les pratiques entrepreneuriales pour soutenir les valeurs humaines ainsi que les autres piliers de l’ « utopie nécessaire » appelé éducation. Autrement, même si l’institution restera une entreprise à succès, elle cessera d’être une université. Promouvoir des chances durables de trouver un emploi et non répondre aux problèmes à court terme du marché du travail Il existe un consensus général pour affirmer que les chances de trouver un emploi des diplômés d’université représentent un objectif essentiel pour n’importe qu’elle université; le consensus cesse cependant, lorsque l’on tente de détailler le sens de « chances de trouver un emploi ». Des craintes sont exprimées, surtout dans les pays où la législation sur l’enseignement supérieur fait le lien entre les chances de trouver un emploi et la demande du moment sur le marché du travail (comme l’Italie), que les chances de trouver un emploi sont trop étroitement associées à l’idée de se mouler à un certain domaine professionnel, fait qui pourrait entraîner la relégation des universités à « des établissements d’enseignement seulement » et qui saperait la qualité académique (EUA 2003, p.28). Des craintes similaires ont été exprimées par les participants au projet de l’Association européenne de l’université (EUA) Quality Culture Project (Implementing Bologna Reforms, March, 2003). Le débat quant à la proportion des « compétences professionnelles» versus « compétences académiques » qu’un étudiant devrait posséder lorsqu’il a fini ses études continue. Créer des structures hybrides – largeur et complexité à l’intérieur de l’université 75

Une université désirant promouvoir et mettre en pratique le pilier apprendre à faire dans le contexte actuel doit tenir compte de certains changements dans la périodicité des pratiques comme il suit: La promotion de nombreux systèmes de récompenses à l’intérieur des établissements. Des augmentations de salaires et même des promotions, par exemple, devraient être accordées non seulement à ceux qui ont publié dans des revues spécialisées, mais aussi à ceux qui ont créé des produits à succès du point de vue commercial. Des systèmes motivants devraient s’adresser non seulement aux individus, mais aussi aux équipes. Encourager les universitaires à opérer sur différents marchés et tirer profit de leurs avantages comparatifs. Certains universitaires pourraient concourir sur le marché de la recherche de pointe en soumettant leurs projets de recherche à des agences de financement. D’autres pourraient lancer des programmes de formation continue. D’autres encore pourraient être encouragés à établir des entreprises de type spin-off. Mais il ne serait pas réaliste de demander à un individu de faire tout ce qui a été dit ci-dessus ou de demander à une université d’opérer sur un seul marché. Encourager une plus grande différentiation des activités à l’intérieur des universités; Cultiver de nombreux styles d’enseignement tout en gardant ce qu’il y a de meilleur dans chacun. En résumé, un établissement agile d’enseignement supérieur cultivera des structures hybrides et deviendra un établissement large et complexe en tant qu’université.

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La KfW et la promotion de la formation à l’entrepreneuriat en Allemagne MARGARITA TCHOUVAKHINA L’auteur, qui est la porte-parole du KfW (Kreditanstalt für Wiederaufbau), une importante banque allemande d’investissements, présente les initiatives prises par son établissement afin de stimuler le développement des études entrepreneuriales dans les universités allemandes. Ces initiatives ont commencé en 1998, lorsque le KfW a financé la création d’une chaire professionnelle de création de nouvelles compagnies dans le cadre de l’Ecole européenne de commerce d’Oestrich-Winkel. D’autres chaires ont été ensuite établies dans d’autres universités allemandes. L’auteur met en évidence les défis de ces programmes universitaires en Allemagne et soumet un nombre de recommandations censées assurer la réussite du processus d’instruction dans cette discipline. Le KfW encourage la généralisation de la culture entrepreneuriale, sans laquelle l’Allemagne sera exclue des évolutions économiques majeures.

INTRODUCTION Il n’y a pas longtemps, on disait pour s’amuser en Allemagne que l’université était un établissement qui permettait aux entreprises de garder leurs fils et leurs filles loin des affaires appartenant à leurs parents, pour quelque temps. Les universités ont apparemment pris cette mission très au sérieux. La plupart des diplômés allemands restent permanemment à l’écart de toute activité commerciale indépendante, qu’il s’agisse de leur propre affaire ou de celle de leurs parents. Ils préfèrent plutôt de travailler en tant qu’employés ou fonctionnaires publics. Telle est pour le moins la situation en Allemagne aujourd’hui. LA NECESSITE DE FORMATION ENTREPRENEURIALE Il y a seulement quelques années, à la fin des années 1990, le boom de la nouvelle économie a fait connaître un nombre d’affaires de succès. Beaucoup d’étudiants et de diplômés d’écoles secondaires ont saisi une opportunité de réussite rapide en tant qu’entrepreneurs, surtout dans les industries du savoir intensif, comme la biotechnologie et la technologie de l’information. Un grand nombre d’entreprises ont été créées près d’universités ou d’établissements publics de recherche. Cependant, peu d’années après, cette culture entrepreneuriale encore très jeune a reçu un sévère coup. Beaucoup de jeunes entrepreneurs ont dû reconnaître que l’inventivité et les compétences techniques n’assurent pas par elles-mêmes la réussite d’une entreprise. Ce que ces jeunes gens requerraient était plutôt une formation systématique et professionnelle en savoir-faire entrepreneurial, censée les aider à être bien préparés au moment de démarrer leurs affaires. COMMENT LES UNIVERSITES ALLEMANDES FORMENT-ELLES LES INDIVIDUS A DEVENIR DES ENTREPRENEURS ? En 1998, lorsque le Kreditanstalt für Wiederaufbau (KfW) a pris la décision de cofinancer, avec le Bundesministerium für Wirtschaft und Arbeit [Ministère de

l’économie et du travail] (BMWA), une chaire professorale de création de nouvelles compagnies à l’Ecole européenne de commerce d’Oestrich-Winkel, il n’y avait point d’autre chaire similaire en Allemagne. Il fallait à cette époque s’efforcer à convaincre les universités de créer des chaires professorales de ce type. La direction des universités s’est fortement opposée et a eu d’importantes réserves à ce sujet. Il a fallu trois ans pour que le KfW puisse trouver des universités partenaires pour l’accompagner sur ce chemin. Finalement, celles qui ont été prêtes à faire ainsi ont été l’Ecole européenne de commerce d’Oestrich-Winkel, l’Université technique de Munich, la Handelshochschule Leipzig (HHL), et l’Université de Magdeburg. La première chaire d’entrepreneuriat soutenue par le KfW à l’Ecole européenne de commerce d’Oestrich-Winkel a été présidée par le professeur Heinz Klandt, un des pioniers de la recherche sur la création de compagnies. A compter des années 1980, cet économiste a organisé des conférences mondiales sur le thème de l’entrepreneuriat, largement ignorées par la communauté académique d’Allemagne. Il a particulièrement concentré ses efforts sur la théorie et la pratique du travail en réseaux. Avec l’appuis du KfW, il a créé l’incubateur de projets d’affaires de l’Ecole de commerce. Celui-ci est connu comme l’«ebscubateur ». Prof. Ann-Kristin Achleitner, qui préside la Chaire de finances entrepreneuriales à l’Université technique de Munich, ne se concentre pas seulement sur la formation entrepreneuriale fondamentale, mais aussi sur les aspects financiers de l’activité entrepreneuriale quotidienne. Sa chaire attire l’attention sur les structures de capital financier où le capital d’entreprise joue un rôle prédominant. Ses cours sont dispensés aux étudiants en sciences économiques des affaires et mathématiques financières et à ceux inscrits dans le cadre du programme de MBA. La Chaire de Prof. Matthias Raith de l’Université de Magdeburg est censée, dans ses propres mots, « transmettre des compétences entrepreneuriales pratiques en tant que qualifications clés sur des lignes thématiques ». Un des sujets centraux de son instruction est l’analyse des décisions. Il propose aux décideurs des recommandations sur des décisions à partir de théories normatives. En février 2002 on a inauguré le « Centre interactif d’entrepreneuriat », avec le soutien du KfW. Cet établissement est un centre de compétences et de formation à l’intérieur et à l’extérieur de l’université pour des créateurs de nouvelles compagnies et des jeunes entrepreneurs. La chaire professorale de Leipzig offre uax étudiants la possibilité de se familiariser dans le cadre de la formation avec l’ensemble du processus de création d’une nouvelle entreprise. Les cours varient de l’identification d’idées et leur évaluation jusqu’à la gestion de l’innovation, la création d’une nouvelle entreprise et le financement des jeunes entreprises. Les rassemblements qui ont lieu sous la dévise « la théorie rencontre la pratique » sont très populaires. Le soutien financier offert par le KfW aux chaires professorales représente une sorte de financement initial qui est limité à cinq ou dix ans. Au cours de cette période, le KfW finance la création et le fonctionnement de la chaire donnée. A la fin de cette période, la chaire doit continuer à œuvrer sans le soutien de la banque. Ils ont été signés des accords fermes par lesquels les universités données s’engagent à reprendre les chaires respectives. Ils ont ainsi été établies de bonnes conditions pour l’établissement à long terme de chaires professorales de création d’entreprises dans les universités. L’ambition de donner une impulsion au domaine de l’enseignement en 80

entrepreneuriat a représenté la motivation initiale du KfW Bankengruppe. Ce qui a été inattendu a été le grand succès de cette initiative. En seulement cinq ans, d’autres chaires ont été créées à un rythme impressionant. Aujourd’hui il y a quarante chaires d’entrepreneuriat à l’oeuvre. Un nombre de dix autres chaires sont ouvertes aux candidatures ou sont au stade de projet. Ce résultat est dû principalement à la haute implication des entreprises et des fondations, mais aussi au Ministère fédéral de l’économie, qui a fortement soutenu la formation entrepreneuriale dans les universités. Le KfW veut poursuivre le renforcement de cette tendance dans le futur. Son intérêt principal est d’encourager la création de réseaux d’enseignants dans le domaine de la création de nouvelles compagnies et de la recherche sur ce thème. Dans ce but, le KfW soutient la recherche sur l’entrepreneuriat du Förderkreis GründungsForschung e.V. (FGF), l’Association pour la promotion de la recherche sur la création de nouvelles compagnies. LES DEFIS DE L’ENSEIGNEMENT ENTREPRENEURIAL EN ALLEMAGNE Il y a une une évolution importante dans le domaine de l’enseignement entrepreneurial durant peu d’années. Il reste néanmoins beaucoup à faire. Certains des défis majeurs sont présentés en ce qui suit. Selon le Global Entrepreneurship Monitor (GEM), l’Allemagne occupe une position inférieure à l’échelle mondiale en termes de transmission de connaissances et de compétences concernant la création de nouvelles entreprises. L’index GEM, qui mesure l’enseignement des disciplines économiques et commerciales dans les écoles, est très bas. Il ne suffira plus dans le futur de commencer les études entrepreneuriales au niveau universitaire. Les écoles devront intégrer les cours correspondants dans leurs programmes d’étude. La discipline ne sera pas limitée à la compréhension de la comptabilité commerciale, mais inclura aussi une compréhension fondamentale de correlations économiques et une présentation réaliste de l’importance des start-up et de l’entrepreneuriat. Le pas vers une activité entrepreneuriale indépendante devrait être fait comme une alternative valide à d’autres formes d’activité profitable. Comment est-ce qu’on pratique la formation entrepreneuriale dans les universités ? Il y a un an, le KfW a initié une évaluation censée étudier cette même question. Les auteurs, Prof. Jürgen Schmude et M. Stefan Uebelacker, ont étudié en particulier les professorats en formation entrepreneuriale et les ont comparés avec les professorats aux Etats-Unis. Une analyse générale de la situation aux Etats-Unis a montré que la culture entrepreneuriale est beaucoup plus en avance par rapport à la situation de l’Allemagne. On a constaté une évolution d’attitudes claires et de manière typiques de penser. La plupart des centres de formation sont gérés par des universités – ce qui signifie que les conditions de la formation entrepreneuriale dans les universités sont complètement différentes aux Etats-Unis par rapport à celles d’Allemagne, une situation dont il faut tenir compte lorsqu’on veut importer des méthodes d’enseignement en Allemagne. RECOMMANDATIONS POUR L’ALLEMAGNE 1) Les pré-conditions fondamentales nécessaires pour un professorat efficace en formation entrepreneuriale consistent en un minimum d’équipement et de personnel, dont il faudra certainement faire mention. On requiert au moins quelques salles pour les réunions et un(e) secrétaire censé(e) assister l’enseignant. 81

Les enseignant devraient créer autant que possible les conditions par leurs propres moyens: par exemple, à travers des financements extrabudgétaires, des contrats de recherche et la collecte de fonds. 2) La formation entrepreneuriale qui se limite uniquement aux aspects économiques ne satisfera ni les besoins de la recherche entrepreneuriale ni ceux de la pratique entrepreneuriale. La coopération interdisciplinaire entre des instructeurs de plusieurs disciplines est également recommandée, tout comme les discussions générales sur la planification et le contenu optimaux de la formation entrepreneuriale dans le cadre de l’université. 3) Il est indispensable, non seulement pour l’organisation des programmes d’étude (la planification et l’enchaînement des cours), mais aussi pour une plus grande interdisciplinarité, de structurer la formation entrepreneuriale d’une manière modulaire tout en l’intégrant fermement dans un programme d’enseignement fixe. Une telle approche peut aussi contribuer à attirer des étudiants d’autres facultés que celles de sciences économiques. 4) Des représentants de l’industrie doivent être impliqués dans le processus d’enseignement. Des méthodes innovatrices d’enseignement comme des séminaires de projets d’affaires, des jeux commerciaux et des études de cas doivent également être appliquées. 5) Les activités de recherche des chaires doivent être développées et intensifiées. Une modalité productive d’atteindre ce but est à travers des projets extrabudgétaires. Ceux-ci encourageront les enseignants à développer leur réflexion et leur action entrepreneuriales dans leurs domaines de recherche ainsi qu’au niveau des cours dispensés aux étudiants. 6) La création d’un réseau des anciens étudiants étendu et actif est une nécessité. Les liens avec les anciens étudiants des chaires de formation entrepreneuriale doivent être étendus ou établis, dans le cas où ils n’existent pas encore. Ces liens peuvent s’avérer extrêmement utiles aux enseignants en entrepreneuriat du fait que les anciens étudiants constituent une ressource importante pour une université. Les recherches sur l’entrepreneuriat montrent que l’âge est un facteur décisif pour la propension individuelle à devenir un entrepreneur. Selon le KfW Start-up Monitor, la proportion d’entrepreneurs parmi les jeunes est beaucoup plus élevée que parmi les personnes âgées. Dans le groupe d’âge des 20-29 ans le pourcentage d’entrepreneurs est le plus élevé, de l’ordre de 4,2 pour cent, et presque le double de la moyenne de la population. Ces chiffres devraient souligner le fait que les jeunes en spécial, c’est-àdire les diplômés, les stagiaires et les étudiants démontrent une volonté et une disponibilité à prendre de nouveaux chemins et à choisir l’entrepreneuriat comme une vraie alternative de carrière. Il relève du devoir des établissements de formation, des écoles, des écoles professionnelles et des universités d’activer ces entrepreneurs potentiels et de leur fournir les connaissances et les compétences nécessaires. CONCLUSION Pourquoi est-ce le KfW si fortement engagé dans la formation entrepreneuriale pour les jeunes ? En tant que banque allemande d’investissements, le KfW a une mission 82

de promotion à long terme, un intérêt majeur dans le soutien d’affaires de haute qualité pour l’avenir. En soutenant la formation et la recherche entrepreneuriale à l’avenir, le KfW souhaite contribuer à l’établissement d’une culture de l’entrepreneuriat en Allemagne. En l’absence d’une culture entrepreneuriale, l’Allemagne court le danger d’être laissée de côté par les futures évolutions économiques majeures.

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Le Conservatoire National des Arts et Métiers GÉRARD KUHN

L’article présente la mission générale du Conservatoire national des arts et métiers. Un de ses instituts, le Centre national de l’entrepreneuriat, est présenté d’une manière plus détaillée. Ce centre en particulier, offre aux petits entrepreneurs certains services, principalement de formation et de formation avancée, incluant une formation à distance effectuée à travers un système virtuel de formation, @ppui©. Il propose aussi une série de services de consultation entrepreneuriale aux petites et très petites entreprises et aux institutions régionales.

INTRODUCTION Depuis plus de deux siècles, le Conservatoire national des arts et métiers (CNAM) a eu trois missions complémentaires: l’offre de formation tout au long de la vie, dans tous les domaines de l’industrie et des services, aux adultes qui souhaitent progresser dans leurs vies professionnelles en poursuivant une formation spécialement conçue pour eux, la mise en pratique de recherches et d’innovation technologiques afin de répondre aux besoins économiques et sociaux des entreprises et des collectivités, et la diffusion de la culture scientifique et technique dans le but de sensibiliser le plus grand nombre de personnes à l’importance de l’innovation pour la société. UN ROLE UNIQUE Le Conservatoire national des arts et métiers est présent partout en France. Il comporte plus de cent centres d’enseignement de haute qualité. La pertinence de ses réponses aux défis de l’éducation fait du Conservatoire national un modèle mis en oeuvre dans 35 autres pays, en particulier en Allemagne, Espagne, Hongrie, Roumanie, Pologne, Liban, Bénin, etc. où des filiales ont été créées. Le Conservatoire national contribue ainsi aux processus de développement et de transition. UN RAPPORT ETROIT AVEC LE MONDE PROFESSIONNEL Tout en étant partie intégrante de l’enseignement supérieur universitaire, le CNAM et son réseau se trouvent en symbiose avec le monde professionnel: La formation qu’il offre est axée sur les compétences et est élaborée en coopération avec les professions et les entreprises sur la base de l’activité professionnelle. Une partie importante de son corps enseignant est issue du monde de l’entreprise, en particulier ses professeurs titulaires de chaires. Plusieurs milliers de professionnels enseignent régulièrement au CNAM. Ses vingt-sept instituts, qui sont axés sur des métiers spécifiques, répondent à des demandes ciblées des milieux professionnels. Les principaux partenaires socio-professionnels sont représentés dans le cadre de ses instances pédagogiques et administratives.

LES ENJEUX POUR LE FUTUR : adapter L’offre de FORMATION ET ANTICIPER LA DEMANDE Les facilités offertes par les nouvelles technologies ont permis de développer l’enseignement à distance et les services associés. Les nouveaux outils de validation des acquis de l’expérience (VAE) sont intégrés aux pratiques classiques afin d’inclure le plus grand nombre d’apprenants et de leur permettre de tirer profit de ces opportunités; Le CNAM s’ouvre aux professions émergeantes, en particulier aux professions des services, et aux publics jusqu’ici négligés: les jeunes à la recherche d’une insertion professionnelle durable, les adultes de plus de 50 ans et les employés des petites entreprises; Le CNAM œuvre afin d’intégrer la structure de ses programmes de cours dans le Processus de Bologne par la définition d’un nouveau système de crédits et par le développement de programmes de diplômes organisés selon le système 3-5-8, en mettant l’accent sur la formation tout au long de la vie. LE CENTRE NATIONAL DE L’ENTREPRENEURIAT Parmi les instituts du Conservatoire national des arts et métiers, le Centre national de l’Entrepreneuriat traite des questions liées à l’accompagnement du facteur humain dans les processus d’initiative économique, plus particulièrement dans un contexte de petites et très petites entreprises. Créé en juillet 2000, le CNE est le fruit de la volonté de rapprochement entre l’Association pour le Développement d’Activités Nouvelles, ARDAN6, et son réseau national français ARDAN, et le CNAM. Il fait partie du Pôle Economie et Gestion du CNAM. Il se concentre plus particulièrement sur les compétences managériales. L’activité du CNE se développe dans deux registres: ƒ ƒ

une offre de service liée à la conception et l’exploitation de dispositifs répondant aux questions de la compétence dans les situations entrepreneuriales; une expertise dans ses aspects étude, conseil, enseignement et recherche.

L’offre de services L’offre de services consiste en une série de cours de formation supérieure professionnelle destinés aux apprenants provenant des entreprises. Les cours sont validés par la délivrance d’un diplôme. Pour ce qui est des domaines de formation, les cours s’inscrivent dans:

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l’accompagnement des initiatives économiques (création d’activités ou d’entreprises nouvelles, développement de projets de croissance interne, de diversification, intrapreneuriat, essaimage, reprise d’entreprise, groupement d’entreprise, etc.) en tant que processus de production de nouvelles valeurs économiques;

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en intervenant auprès des « entreprenants » (les acteurs) de ces initiatives (créateur, développeur, repreneur, essaimeur, etc.).

Pour savoir plus: . 86

Le CNE conjugue deux approches disciplinaires permettant la maîtrise des conditions de concrétisation de l’initiative : -

une approche par le management des processus au service de la rationalisation et de l’optimisation des démarches permettant la mesure des risques et la prise de décision;

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une approche par le management des compétences en vue de consolider la détermination et les aptitudes des individus à entreprendre et à conduire les processus.

L’approche pédagogique du CNE s’appuie sur trois principes: –

l’aspect « dans et par l’action », l’approche « learning by doing ». La nature des personnes et des projets pris en compte nécessite que l’acquisition des compétences s’opère dans des dispositifs où est privilégiée l’approche en situation professionnelle et où l’action induit la maîtrise des connaissances ;



la singularité des projets et de leur porteur. Les dispositifs mis en place intègrent les dimensions d’individualisation, de modularisation et de surmesure des parcours, « d’entrée et de sortie permanentes », sans exclure cependant l’apport pédagogique du groupe comme lieu d’enrichissement des démarches individuelles; la spécificité des petites et très petites organisations, tant par la prise en considération de l’effet de taille pour les aspects stratégiques, technologiques, organisationnels, managériaux et économiques, et l’impact de leur prise en compte dans les contenus disciplinaires liés, que par la grande dispersion géographique de ces organisations et les contraintes afférentes.



Le domaine d’activité du CNE se déploie dans le secteur opérationnel, sur la base de programmes d’intervention dont les caractéristiques sont les suivantes: – –



la mise en situation professionnelle sur des périodes de six mois en moyenne, visant la concrétisation de projets spécifiques; l’utilisation d’@ppui® (Assistant au Projet Professionnel par l’Utilisation de l’Informatique). Cette plate-forme informatique personnalisée d’apprentissage à la conduite de projet structure la démarche de pilotage du projet par des méthodes et des consignes de travail (Agir), et permet l’évaluation des compétences nécessaires à sa conduite (S’évaluer). Elle permet d’organiser également un accompagnement interactif, individualisé et à distance apportant les conseils et l’assistance d’experts et de professionnels tout au long de la conduite du projet; des apports théoriques approfondis délivrés par des experts et mis en œuvre par le biais de modules accessibles en formation ouverte à distance, en présentiel ou par la VAE.

Ces programmes constituent des parcours de formation correspondant à des certifications du CNAM délivrés par le CNE: le Certificat professionnel (Niveau 87

III) ou le Certificat de compétence (Niveau II). La déclinaison spécifique des méthodologies d’accompagnement intégrées dans @ppui® (Agir, S’évaluer) et des modules, en fonction des domaines d’initiative couverts et des situations professionnelles des bénéficiaires (salariés, demandeurs d’emploi, etc.) s’organise en trois gammes de programmes: (i) Création, (ii) Développement, et (iii) Reprise. Complémentairement, le CNE s’occupe de l’identification et de la validation des ressources (experts et professionnels) qui sont nécessaires pour la mise en oeuvre de l’offre de services (bases de données des compétences, processus de validation et de certification, formation avancée, etc.). Le CNE développe également une formation action: « Agir pour les compétences® » permettant de doter les responsables de petites organisations de travail (artisans, TPE, PME-PMI, etc.) d’une méthode de gestion et d’optimisation des ressources humaines par les compétences. Celle-ci constitue un outil au service de la stratégie entrepreneuriale de l’organisation. L’ensemble de cette offre de services est distribué par les antennes du CNE dans les régions en France métropolitaine et d’outre-mer. Ces antennes sont adossées aux centres régionaux du CNAM. L’offre d’expertise Cette offre est une offre de conseil et d’étude à destination des individus, des organisations et des territoires. Elle oeuvre au croisement entre l’initiative économique et le facteur humain, et notamment aux questions liées: -

aux compétences des individus en situation d’entreprendre : leur « entrepreneuriabilité ». Comment révéler et développer la culture d’entreprendre ?;

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à la performance entrepreneuriale des organisations et des entreprises. Comment une entreprise conserve et développe sa faculté d’entreprendre?

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à l’attractivité entrepreneuriale des territoires. Comment un territoire ou ses collectivités organisées activent et régénèrent leur patrimoine de compétences entrepreneuriales ?

L’offre d’expertise est bâtie sur l’identification et l’analyse des facteurs clés de succès liés à ces questions, et plus particulièrement appliqués aux approches en termes de management des processus et de management des compétences. Elle appréhende également les aspects de repérage, de capitalisation et de diffusion des bonnes pratiques développées dans ces cadres. Elle vise, enfin, à constituer un corpus organisé en terme d’enseignement et de recherche lié à ces préoccupations.

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La Déclaration de Gelsenkirchen sur le management entrepreneurial des établissements et les études entrepreneuriales dans l’enseignement supérieur en Europe* Une réunion internationale sur Le management entrepreneurial des établissements et les études entrepreneuriales dans l’enseignement supérieur a été organisée en coopération par l’Université de sciences appliquées de Gelsenkirchen (Fachhochschule Gelsenkirchen) d’Allemagne et le Centre européen pour l’enseignement supérieur (UNESCO-CEPES), en collaboration avec l’Association des universités et d’autres établissements d’enseignement supérieur d’Allemagne (Hochschulrektorenkonferenz - HRK) et la Commission allemande pour l’UNESCO, (4 - 7 decembre 2003, Gelsenkirchen, Allemagne), à un moment caractérisé par d’importantes évolutions dans l’enseignement supérieur européen - au niveau systémique ainsi qu’institutionnel. Le « nouveau paradigme » dans lequel l’enseignement supérieur européen oeuvrera est essentiellement lié au Processus de Bologne. La création de l’Espace européen de l’enseignement supérieur et de l’Espace européen de la recherche ouvre aux établissements européen d’enseignement supérieur de nouvelles opportunités de s’affirmer à la fois en tant qu’établissements d’enseignement et de recherche, qui génèrent et transmettent des connaissances, contribuant ainsi à la cohésion et au développement sociaux et économiques. Ce rôle mixte peut devenir de plus en plus possible si les universités améliorent leur management afin de devenir plus entrepreneuriales et d’inclure des études entrepreneuriales dans leurs programmes d’enseignement, afin de pouvoir former et motiver les étudiants à devenir de plus en plus entrepreneuriaux dans leurs futures carrières. LE MANAGEMENT INSTITUTIONNEL ENTREPRENEURIAL L’idée de « l’université entrepreneuriale » implique le besoin de changer les structures et les fonctions managériales de l’université. Le nouveau management institutionnel serait basé sur:

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la professionnalisation des administrateurs et du personnel de l’université, en combinaison avec une forte direction exécutive;

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la diversification des sources de revenus;

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la préservation des valeurs académiques fondamentales tout en assimilant et combinant de nouvelles pratiques managériales, entrepreneuriales et de marché;

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l’établissement de relations étroites avec le monde des affaires et la communauté;

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le développement d’une culture entrepreneuriale basée sur l’esprit d’innovation et d’entreprise à travers le transfert de connaissances, les spin-off industrielles, l’enseignement continu, et les différents partenariats traitant de la collecte de fonds et des rapports avec les anciens étudiants;

La version de la Déclaration de Gelsenkirchen présentée ici a été partialement éditée par le corps éditorial de l’UNESCO-CEPES.

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la favorisation de la coopération entre les unités académiques et de recherche à travers la réduction des obstacles disciplinaires classiques et le développement d’activités productives qui soient plus en accord avec les nouveaux modes de production et d’application des connaissances.

Ces changements mèneront à une nouvelle et plus dynamique identité pour les établissements d’enseignement supérieur sans trahir leurs valeurs académiques fondamentales. Pour les économies et les sociétés émergeantes, basées sur le savoir, il émerge un nouveau type d’université, et son initiation concerne à la fois son management, qui est censé devenir encore plus entrepreneurial, et ses fonctions de production et de transmission des connaissances, qui devraient devenir plus axées sur le commerce. LES ETUDES ENTREPRENEURIALES Pour que ces évolutions prennent racine l’enseignement des étudiants doit être étendu par l’inclusion des études entrepreneuriales. Ces études doivent fournir une approche combinant la découverte, la formation et l’entrepreneuriat intellectuel, afin que tout étudiant, indifféremment de son identité disciplinaire, puisse acquérir une culture de l’entreprise basée sur la nécessité de prendre l’initiative et de s’assumer des responsabilités menant à la création de places de travail et de revenus. La recherche et les différentes études postuniversitaires devraient se focaliser sur l’entrepreneuriat – défini comme la poursuite d’opportunités au-delà des ressources déjà contrôlées – sur ses connaissances, sur ses valeurs et sur ses pratiques, élargissant ainsi potentiellement le groupe d’entrepreneurs et encourageant la recherche. Indifféremment de la forme prise par les études entrepreneuriales, l’expérience acquise jusqu’ici dans les différents systèmes et établissements d’enseignement supérieur prouvent qu’elles contribuent largement à la formation des diplômés afin de démarrer de nouvelles affaires ou de mieux comprendre le fonctionnement des marchés dans le cadre des économies basées sur le savoir. RECOMMANDATIONS Réalisant l’importance croissante de l’entrepreneuriat dans l’enseignement supérieur en Europe et sa signification pour l’accomplissement des objectifs du Processus de Bologne, les participants à la Réunion internationale des experts: • • •

reconnaissent la nécessité d’identifier de meilleures modalités de développement du management entrepreneurial institutionnel; recommandent vivement aux établissements d’enseignement supérieur de promouvoir les études entrepreneuriales; soulignent l’importance de la création de partenariats entre les unités d’enseignement supérieur et les secteurs public et privé.

Afin d’encourager le développement de l’entrepreneuriat dans les établissements d’enseignement supérieur et en particulier de programmes axées sur les études entrepreneuriales, les participants saluent les initiatives de l’UNESCO-CEPES censées soutenir la création de Chaires UNESCO d’études entrepreneuriales. Gelsenkirchen, le 6 décembre 2003 90

TRIBUNE _________________________________________________________ Les universités privées: une modalité de développer l’accès à l’enseignement universitaire à Ontario BILLROY POWELL Les citoyens d’Ontario nécessitent des compétences de plus en plus spécialisées. Celles-ci sont requises par le milieu des affaires qui veut pouvoir être compétitif dans le cadre de l’économie mondiale. On considère que les universités classiques, financés par l’Etat, d’Ontario ne sont pas en mesure de fournir la formation nécessaire requise par les employeurs. Les raisons invoquées sont les suivantes: (i) des programmes de science appliqués de manière inadéquate, et (ii) un espace insuffisant pour recevoir les étudiants de l’enseignement universitaire. La réduction des allocations pour les universités d’Ontario rend l’expansion de leurs infrastructures actuelles une proposition plutôt difficile. Ainsi, le fait de permettre aux universités privées de fonctionner à Ontario peut être une option viable pour l’accroissement de l’accès à l’enseignement universitaire.

INTRODUCTION Le fait de permettre aux universités privées de fonctionner à Ontario ferait évoluer le système d’enseignement supérieur de la province et contribuera à la satisfaction des besoins la nouvelle économie basée sur l’information et la technologie. La période actuelle est une du changement accéléré et de l’abondance des opportunités. Il est ainsi important que le système éducationnel prépare les jeunes gens à répondre à ces réalités: « Il doit inculquer à nos [étudiants] les connaissances et les compétences dont ils ont besoin pour l’enseignement tout au long de la vie et la réussite dans nos économies concurrentielles nationales et mondiales » (Harris, 2000). Tenant compte des posés par la nouvelle économie, le système universitaire de l’Ontario doit arriver à développer une structure permettant d’atteindre le but de l’éducation de haute qualité. Les individus s’accordent aux réalités du Vingt-et-unième siècle et reconnaissent qu’ils doivent continuellement acquérir de nouvelles connaissances et améliorer leurs compétences. Etant donné que l’université est une des principales sources de nouvelles connaissances et compétences autour desquelles les individus gravitent afin de se préparer à répondre aux demandes de travail de l’économie, la perception générale des gens de toutes catégories de revenus est qu’une éducation universitaire est la garantie d’un avenir économique brillant. En même temps, les entreprises sont arrivées au stade de reconnaître les universités comme la source principale de la main d’œuvre hautement qualifiée dont ils auront besoin afin d’être compétitives dans l’économie mondiale. Cependant, les coûts associés à l’offre d’une main d’œuvre hautement éduquée et formée sont immenses. Etant donné que les universités d’Ontario puisent du gouvernement une partie substantielle de leurs revenus, il en résulte une énorme pression sur la base d’impôts. En même temps, les phrases clés de l’époque, « réduction du déficit et de la dette » et « réduction d’impôts pour les travailleurs », 91

semblent être à l’ordre du jour pour tous les gouvernements, indifféremment de l’idéologie ou de la philosophie politique. En outre, on ne semble pas manquer d’individus et de groupes motivés politiquement, comme le Conseil commercial pour les problèmes nationaux (Business Council on National Issues - BCNI), censés rappeler aux Ontariens l’importance de ces questions pour l’expansion de l’économie de la province. Devant une accentuation du questionnement public et des contraintes financières du portefeuille public, il semble que les universités privées tiennent les réponses quant à la réponse aux besoins de l’économie en changement et basée sur la technologie. Les universités privées sont définies dans cet article comme des établissements à profit et non profit d’études post-secondaires qui ne sont pas financés par le gouvernement, et dont l’administration est indépendante du gouvernement, à l’exception des mécanismes d’évaluation de la qualité, des standards et de la viabilité. Cet article étudiera brièvement l’évolution de l’enseignement universitaire dans l’Ontario d’après la Deuxième Guerre mondiale, les arguments en faveur et contre les universités privées, et les expériences de pays qui ont permis le fonctionnement d’universités privées afin de les aider à dispenser de l’enseignement supérieur à leurs citoyens. LE CADRE HISTORIQUE A compter de 1950, il y a eu une augmentation importante du nombre d’étudiants inscrits dans des universités, déterminant un passage de l’enseignement supérieur d’élite vers un enseignement supérieur de masse (Trow, 1973, p. 1). Du fait de la montée de l’économie du savoir et de la mondialisation, un phénomène qui n’aurait pas été possible sans le développement constant et substantiel d’une main d’œuvre hautement qualifiée et éduquée (Meek, 2002, p. 53), les gouvernements de plusieurs pays sont en train de changer leurs modalités de coordonner et/ou de dispenser l’enseignement supérieur. Comme dans les systèmes d’enseignement supérieur de la plupart des pays du monde occidental, les universités d’Ontario ont parcouru une période d’expansion et de redéfinition après la Deuxième Guerre mondiale afin de répondre aux défis d’une économie technologique plus sophistiquée (Jones, 1996, p. 346). L’idée de déterminer les universités à éduquer la population à répondre aux besoins de l’économie a semblé constituer la solution pour assurer la croissance économique et un avenir prospère pour les individus. Plus tard, en 1967, l’Ontario a développé son système d’enseignement supérieur afin de répondre à une demande sociale et économique bourgeonnante. A cette époque d’espoir, l’amélioration et l’expansion de l’enseignement supérieur étaient perçues comme des hautes priorités par le gouvernement de la province. Il devrait satisfaire les attentes des individus et stimuler le développement économique avancé (Jones, 1996, p. 347). Dans les années 1980, l’attitude envers et le discours sur l’enseignement universitaire ont changé d’horizon. Les discussions autour des politiques d’enseignement universitaire concernaient alors plutôt des questions liées à l’efficacité et à la pertinence et l’initiative de relier plus étroitement l’enseignement universitaire aux besoins et aux préférences des employeurs et de l’économie, comme les nouvelles technologies et la formation spécialisée. De la perspective des évolutions similaires aux Etats-Unis, Roger Geiger se posait la question suivante: Mais jusqu’à quel point [sont-elles] ces manifestations superficielles et évanescentes 92

– une partie de l’éclat toujours changeant de la mode dans l’enseignement supérieur ? De l’autre côté, représentent-elles un changement décisif du rapport entre les universités, le gouvernement et la société ? Sont-elles ces manifestations des exemples visibles mais isolés, limités à quelques pays ? Ou alors les changements qui ont eu lieu reflètent-ils des réorientations fondamentales des politiques gouvernementales vers l’enseignement universitaire ? (Geiger, 1988, p. 1) Tout en cherchant des réponses à ces questions, une chose sur laquelle on peut s’accorder est qu’avec l’accroissement du nombre d’étudiants cherchant à être admis dans des universités augmente le coût du fournissement d’enseignement supérieur de manière que, à une époque de contraintes budgétaires, les gouvernements n’ont pas d’autres choix que d’examiner des moyens alternatifs d’offrir de l’enseignement universitaire. Il y a des exemples dans plusieurs pays de l’Europe Centrale et de l’Est et de l’ex-Union Soviétique d’évolutions importantes au niveau de l’offre d’enseignement supérieur privé. En fait, l’enseignement supérieur privé est le secteur qui se développe le plus rapidement dans ces pays. En outre, en Amérique latine, au Brésil, au Mexique, en Colombie et au Venezuela, plus de la moitié de la population étudiante étudie dans des universités privées (Altbach, 1991, p 1). Cet avancement dramatique de l’enseignement supérieur public vers le privé part de l’idée du diplôme académique en tant que « bien privé » dont profite l’individu plutôt qu’en tant que « bien public » dont profite la société. Dans des pays comme le Japon, la Corée du Sud, le Taiwan et les Philippines il est largement connu que l’enseignement supérieur privé domine les systèmes d’enseignement supérieur. Pour la plupart, cette évolution extraordinaire du secteur privé résulte de l’incapacité des gouvernements de ces pays de financer l’expansion de leurs systèmes publics d’enseignement supérieur (Altbach, 1991, p. 1). Le gouvernement d’Ontario se confronte actuellement à un défi similaire à mesure que la demande populaire d’enseignement supérieur suit une tendance ascendante. A Ontario il y a actuellement deux facteurs déterminants pour le projet de permettre aux universités privées d’œuvrer dans la province. D’un côté, les collèges privés, à la fois laïques et religieux, ont fait pression sur le gouvernement pour recevoir l’autorité de dispenser des diplômes à leurs étudiants. De l’autre côté, il y a une demande de la part de la communauté d’affaires d’individus hautement qualifiés bénéficiant de compétences technologiques avancées. Les universités d’Ontario, qui se confrontent déjà à l’accroissement du nombre d’étudiants et qui dédient beaucoup de temps aux activités de recherche, ne semblent pas adéquates, par elles-mêmes, à satisfaire cette demande (Baker, 2001-2002). A cause des réductions budgétaires pour l’enseignement supérieur effectuées par les gouvernements provinciaux et fédéraux, les universités publiques d’Ontario éprouvent une pénurie de fonds. La situation, en effet, n’est pas nouvelle. Elle a forcé ces établissements à augmenter les frais de scolarité des étudiants pour continuer à offrir un enseignement supérieur de qualité, en plaçant un plus grand fardeau financier sur la population étudiante dans son entier et sur leurs familles (MacKenzie et Rosenfeld, 2002, p. 12). Pour ne pas courir le risque de réduire l’accessibilité et de mettre en danger l’enseignement de haute qualité, le temps semble aujourd’hui opportun pour que « la politique de l’Ontario qui empêche l’ouverture de nouvelles universités privées dans la province soit amendée afin d’autoriser, dans des conditions strictes, l’introduction d’universités privées bénéficiant de l’autorité d’accorder des diplômes » (MCTU, 2000b, p. 12). Cela permettrait aux étudiants et aux parents qui 93

peuvent et qui veulent payer pour disposer d’un enseignement privé de pointe de procéder ainsi et de permettre simultanément au gouvernement d’allouer ses ressources limitées à ces parents et à ces étudiants qui sont moins capables de payer des frais d’études. Cependant, il serait impératif pour les universités privées d’Ontario d’œuvrer dans un cadre où « des conditions et des standards strictes… régissent la mission institutionnelle et les structures de gouvernance ; la qualité institutionnelle et académique, déterminées par des évaluations nationales ou internationales ; la responsabilités financière et la protection des étudiants dans le cas de la faillite de l’établissement » (MCTU, 2000b, p. 12). Ces conditions et standards devraient être développés, appliqués, et leur fiabilité supervisée par un corps comme le Comité pour la qualité de l’enseignement post-secondaire et l’évaluation (Post-Secondary Education Quality and Assessment Board, PEQAB), qui a été créé en 2000 par le Ministère de la formation, des collèges et des universités dans le cadre de la Loi 132. Selon cette loi, parmi autres choses, « Le Comité établit les critères qui s’appliquent à la révision des candidatures qui sont en conformité avec les standards éducationnels reconnus et avec toute décision politique prise par le Ministère » (MTCU, 2000a). Cependant, si les universités privées seraient censées œuvrer selon une certaine série de règles et de régulations établies par un corps de supervision, alors tôt ou tard les universités publiques devront être jugées selon des règles et des régulations similaires. Ces règles et régulations, attentivement supervisées et soutenues, contraindront les universités publiques à adopter des mesures de responsabilisation qui reflètent la transparence et la qualité. De cette perspective, les universités privées seraient une bonne chose pour l’Ontario. EN FAVEUR DES UNIVERSITES PRIVEES D’ONTARIO Les universités privées, venant supplémenter les universités déjà existantes à Ontario, étendront de manière naturelle le segment d’universités de la province. Cette expansion offrira plus d’options aux étudiants et à leurs parents, incluant des établissements plus appropriés à leurs besoins et préférences. Selon Roger Geiger (1991): Les secteurs privés jouent un rôle important dans l’expansion du pluralisme culturel d beaucoup de sociétés, en offrant des canaux d’expression et de perpétuation d’intérêts collectifs privés. Cela est le plus évident dans le cas des minorités religieuses. Les établissements privés ont également permis à des catégories exclues de la population d’intégrer l’enseignement supérieur. Tel a été le cas à la fois pour les femmes et pour les personnes de couleur aux Etats-Unis entre 1865 et 1890. A travers le monde, les études supérieures axées sur le commerce et les affaires ont été largement promues par des établissements privés. (p. 242). En outre, la perception générale est que les universités privées supplémentent l’investissement général dans l’enseignement universitaire en rassemblant des ressources privées, comme les rais d’études et les autres types de soutien communautaire qui pourraient autrement échapper à ce but (Geiger, 1991, p. 242). En général, ces apports supplémentaires ont tendance à accroître la quantité et/ou améliorer la qualité de l’offre et de la formation de l’enseignement supérieur. Aussi, 94

les universités privées qui se trouvent en situation de concurrence avec les universités publiques pourraient stimuler les universités publiques à développer encore plus leur performance et à améliorer la transparence à travers une série de paramètres incluant la responsabilisation, l’excellence, l’accessibilité et la diversité et la responsabilité. LA RESPONSABILISATION La société demandera régulièrement la responsabilisation de l’enseignement supérieur lorsque les ressources publiques sont limitées (Hüfner, 1991, p. 50). L’approche la plus employée par les gouvernements pour répondre à ce problème est d’instruire les universités à améliorer leur efficience et leur efficacité. Dans la plupart des cas, les universités répondent par l’accroissement des frais d’études. A Ontario, plus de 50 pour cent des revenus universitaires proviennent de sources privées, dont 25 pour cent proviennent des frais d’études (CAUT, 1998-1999). Le fait de permettre aux universités privées de fonctionner à Ontario offrira aux étudiants le choix de leur établissement d’enseignement. Ils pourront choisir entre les universités publiques et les universités privées. Un tel choix encouragera les universités publiques à entrer en concurrence avec les universités privées pour attirer des étudiants et développera probablement la responsabilisation vis-à-vis des étudiants et des parents. Finalement, un tel défi demandera aux comités et aux administrateurs d’être plus transparents à travers la publication de rapports et de documents qui démontrent l’efficacité et l’efficience, en particulier dans les domaines de la qualité et de l’excellence. L’EXCELLENCE On sait que l’excellence des universités dépend de la nomination et de la préservation des meilleurs enseignants et chercheurs. Ainsi, si le universités privées devront concurrencer les universités publiques dans le recrutement de personnel académique, ces dernières pourront être stimulées à employer les enseignants et les chercheurs les plus expérimentés et qualifiés afin d’aider les étudiants à atteindre l’excellence, à mesure qu’ils s’éduquent eux-mêmes afin de satisfaire les nécessites de main d’œuvre de l’économie. En outre, l’enseignement universitaire doit évoluer pour fournir une expérience d’instruction de haute qualité à tous les Ontariens qui en ont besoin et qui ont la capacité de la poursuivre (MCTU, 2000b, p. 18). L’ACCESSIBILITE Les universités privées développeront l’accessibilité en rajoutant de nouveaux espaces et en libérant des espaces dans les actuelles universités publiques qui seront normalement occupés par des étudiants qui préférerait étudier dans des universités privées, le cas échéant. D’après le Ministère de la formation, des collèges et des universités, la demande de places dans les universités d’Ontario augmentera considérablement dans les prochaines dix années. Aujourd’hui il y a plus de 430.000 étudiants à plein temps enrôlés dans le système universitaire d’Ontario. Ce chiffre est censé augmenter à plus de 550.000 en 2010, une augmentation de 23 pour cent (MTCU, 2003). La restructuration du programme d’enseignement secondaire d’un programme quinquennal vers un programme de quatre ans a déjà commencé à exacerber le manque d’espace dans les universités. De plus en plus d’adultes qui souhaitent renouveler leurs compétences et gagner de nouvelles connaissances, pour 95

garder le pas avec l’évolution du monde du travail, chercheront des opportunités de formation plus flexibles dans les universités. L’ouverture d’universités privées dans des lieux stratégiquement placés et des emplacements commodes à travers l’Ontario développeront l’accès, surtout pour les étudiants à temps partiel et les étudiants du soir, et pour ceux qui parcourent de grandes distances. Une telle initiative aura comme résultat une économie de temps et d’argent pour les étudiants, à mesure qu’ils profiteront d’établissements plus conviviaux. En outre, les universités privées rendront le système universitaire d’Ontario de plus en plus diversifié. D’après Michael Skolnik, un système d’enseignement supérieur hautement diversifié fera plus pour faciliter l’accessibilité qu’un système avec un niveau réduit de diversité (Skolnik, 1986, p. 2). LA DIVERSITE L’Ontario fait partie des juridictions les plus diversifiées de l’Amérique du Nord. Environ 50 pour cent de sa population est composée par des femmes, et un grand nombre de minorités visibles ont fait de la province leur maison. Selon le recensement de 1996, 42 pour cent de la population de Toronto, qui est la ville la plus peuplée d’Ontario, appartiennent aux communautés minoritaires visibles. De cette manière, ceux qui aspirent à faire des affaires à Ontario ne peuvent pas ignorer la mosaïque culturelle de la province. Cette diversité signifie que les universités privées devront diversifier leurs programmes et leurs compléments de personnel: d’abord, pour refléter ces professions et domaines de carrière qui sont poursuivis par les étudiants et qui sont pertinents pour l’économie actuelle et future, et ensuite pour encadrer plus de femmes et de membres de groupes ethniques et minoritaires visibles, afin de représenter de manière adéquate l’ensemble de la population de l’Ontario. En permettant aux universités privées de fonctionner dans la province, le gouvernement d’Ontario prouvera qu’il prend au sérieux sa responsabilité d’assurer de l’enseignement universitaire à ses citoyens. LA RESPONSABILITE Les universités privées détermineront tout le monde à partager la responsabilité de s’assurer que le « bien public », qu’est dans ce cas l’enseignement de haute qualité, est préservé. De plus, cela obligera tous ceux qui participent et qui bénéficient de l’enseignement universitaire à partager la responsabilité de l’amélioration et de la préservation de la rentabilité et de la haute qualité de l’enseignement. Par la création d’un corps de supervision de l’enseignement qui tienne compte de la participation de tous les décideurs dans le processus de prise de décision, (c.-à-d., le Comité pour la qualité de l’enseignement post-secondaire et l’évaluation), l’Ontario assurera le développement d’une structure qui facilitera les responsabilités partagées du gouvernement, des établissements, des étudiants et de leurs familles, des affaires privées, et de l’industrie (MCTU, 2000b, p. 18). Une telle participation permettra l’accomplissement de changements fondamentaux et le début d’une nouvelle époque dans le système d’enseignement supérieur d’Ontario. L’INEVITABILITE DU CHANGEMENT « A Ontario, la question du statut des universités en tant qu’établissements délivrant 96

des diplômes remonte au moins au début des années 1980. En 1983, le gouvernement d’Ontario a passé la Loi 41, la Loi sur la délivrance de diplômes, qui a introduit légalement le monopole des universités publiques à Ontario en matière de délivrance de diplômes laïques » (MCTU, 2000b, p. 20). Néanmoins, au cours de la dernière décennie il y a eu plusieurs demandes provenant d’individus et de groupes d’ouverture d’universités privées à Ontario. En réponse à ces demandes, on rapporte qu’en novembre 1999 l’ancien Premier de l’Ontario, Mike Harris, avait fait les remarques suivantes: Nous saluons tout conseil sur la fait de savoir si nous devrions ou pas autoriser la création d’universités privées, entièrement financées par des fonds privés, sans les dollars des contribuables, dans la province d’Ontario. C’est une option que nous sommes en train d’examiner (MCTU, 2000b, p. 20). Sur ces bases, le gouvernement conservateur de Mike Harris a considéré cette option comme étant viable. Le Ministère de la formation, des collèges et des universités a ensuite introduit la Loi 132, qui a révoqué la Loi 41, la Loi sur la délivrance des diplômes de 1983, et a mis en vigueur la Loi sur le choix et l’excellence postsecondaires de 2000. Les options prévues par cet acte multiplient à la fois les opportunités disponibles aux étudiants à un moment où la concurrence au niveau mondial est plus grande que jamais. De plus en plus d’Ontariens explorent les possibilités d’accroître leur capacité de profiter de nouvelles opportunités émergeant de la nouvelle économie (Robinson et Sharm, 2000, p. ix). Par conséquent, la multiplication des chances d’accession à l’enseignement universitaire pour un plus grand nombre d’étudiants est dans l’avantage des étudiants mais aussi assure la compétitivité de l’Ontario. Cependant, le défi de l’expansion du système universitaire public en l’absence d’augmentations considérables des allocations gouvernementales paraît une tâche impossible du fait des contraintes fiscales actuelles. LES ARGUMENTS CONTRE LA CREATION D’UNIVERSITES PRIVEES A ONTARIO L’Ontario a sa propre façon unique d'e dispenser de l’enseignement universitaire à sa population. La province offre une gamme étendue de programmes à toutes les régions de l’Ontario tout en maintenant un « standard constant » de qualité à travers le système. « Les besoins du public ontarien d’accès à un enseignement universitaire et à une recherche de haute qualité sont satisfaits à travers un système composé de dixhuit établissements d’enseignement supérieur administrés et dirigés de façon privée mais financés publiquement » (Nelles, 1990, p. 2). Les universités d’Ontario se caractérisent par une forme bicamérale de gouvernance qui consiste en un Comité d’administration et un Sénat académique, à l’exception de l’Université de Toronto qui a une forme unicamérale de gouvernance. A travers ces corps exécutifs, les intérêts de chaque établissement sont mis en accord avec les intérêts de la communauté. En outre, un acte du pouvoir législatif d’Ontario a autorisé toutes les universités d’Ontario à accorder des diplômes. Cet acte a annulé la nécessité d’agences de certification et a permis aux universités de bénéficier d’autonomie dans le domaine des affaires académiques. Le fait de permettre la création d’universités privés à Ontario affectera nécessairement le 97

processus actuel et pourra requérir la création d’agences d’accréditation, apportant plus de contrôle de la qualité dans le système d’enseignement supérieur ontarien, c’est-à-dire la mise en œuvre d’un corps de supervision censé examiner et inspecter les agences d’accréditation impliquant des coûts supplémentaires pour les contributeurs. Le fait de permettre le fonctionnement d’universités privées à Ontario aura des effets profonds sur le système actuel financé publiquement. Le gouvernement aura indubitablement à allouer de l’argent public à ces établissements. De ce point de vue, on peut dire que les universités privées d’Ontario devront entrer en concurrence avec les universités publiques à la fois pour des fonds publics et privés, dans le but de préserver leurs frais de scolarité à un niveau attrayant pour les étudiants. Une telle idée met en question la capacité des universités privées à dispenser aux Ontariens un enseignement de haute qualité. Selon un rapport de Statistics Canada: La majorité des collèges et des universités privés dans le monde dépendent de manière significative des frais d’études pour leur subsistance financière. Cette limitation signifie qu’ils ne peuvent offrir que la formation que leur clientèle peut se permettre (Statistics Canada, 2001). Une tendance particulièrement inquiétante est la réalité que la contribution financière gouvernementale pour l’enseignement supérieur n’augmente pour garder le pas avec l’inflation. Cette tendance signifie de toute évidence que les étudiants auront encore à subir des hausses des frais d’études. Selon Statistics Canada, les étudiants payent aujourd’hui pour leurs études universitaires plus qu’il y a dix ans, par exemple (Statistics Canada, 2001). Comme on vient de le dire, les frais perçus des étudiants comptent pour 25 pour cent des revenus des universités. A Ontario, sur la période 1990-1991 à 2000-2001, les réductions des bourses ont été presque compensées par les hausses des frais d’études (Mackenzie et Rosenfeld, 2002, p. 2). Durant la même période, environ 100.000 étudiants d’universités publiques d’Ontario ont dépendu d’aides financières fournies par des organisations comme le Programme d’aide aux étudiants d’Ontario (Ontario Student Assistance Program - OSAP) pour pouvoir payer leurs études (Statistics Canada, 2001). Si le gouvernement n’adoptera pas de lois interdisant l’accès aux fonds publics aux étudiants des universités privées, les étudiants de ces établissements profiteront sans doute des programmes d’aide financière aux étudiants, comme il a été le cas dans d’autres juridictions. Récemment, des universités privées ont été fondées au Royaume-Uni et en Australie, plus spécifiquement l’Université de Buckingham et l’Université de Bond. Les deux ont vaincu différents obstacles pour pouvoir naître et les deux ont souffert d’un taux d’inscription plutôt inférieur que prévu, pour plusieurs raisons. Les deux sont devenues dépendantes, par exemple, d’un nombre disproportionné d’étudiants internationaux. Cependant, il serait juste de dire qu’aucune des deux n’a atteint ce qu’on pourrait considérer un statut universitaire entier, de la manière imaginée par leurs fondateurs (Geiger, 1991, p. 243). L’Université de Buckingham du Royaume-Uni a démarré d’une manière plutôt prématurée. Conçue à la fin des années 1960 comme une réaction aux tendances de nationalisation de l’époque, elle a ouvert ses portes en 1976 en tant que collège universitaire. Néanmoins, tout au long de son existence elle est restée de moindre taille, avec moins de six cent étudiants. Elle représente une expérience novatrice 98

plutôt qu’un précurseur des futures évolutions dans le système britannique (Nelles, 1990, p 255). Une autoévaluation réalisée par deux professeurs de l’Université concluait: A mesure que la diminution des fonds dictât une révision réductrice du nombre potentiel d’étudiants, et qu’on atteint la reconnaissance du fait qu’une université nouvelle suivant les lignes conventionnelles était une possibilité extrêmement éloignée, on a commencé à accorder plus de considération à l’idée que le petit est plus joli. La métamorphose a été dramatique, et soudainement l’idéal devint identifié au typique Collège d’Oxford de moindre taille, louant les avantages d’un rapport plus étroit entre le corps enseignants et les étudiants (Nelles, 1990, p. 255). En Australie, les difficultés financières de l’Université de Bond l’ont déterminée à adresser une demande de prêt au gouvernement du Queensland afin de pouvoir respecter ses obligations financières avant d’assurer un financement à long terme. Les accomplissements dans ce secteur ont été plutôt limités, plus dans les termes d’un collège spécialisé que dans ceux d’une université, et même avec cette modification elle dépend toujours de l’assistance publique (Nelles, 1990, p. 255). Ainsi, un système basé sur la capacité des étudiants à payer pour leur éducation nous apprendra finalement que les besoins féroces des grands ou petits établissements peuvent forcer démesurément la capacité des étudiants et de leurs familles à payer. L’exemple du Royaume-Uni et de l’Australie ont démontré que la responsabilité de la création et de la gestion d’universités privées ne peut pas être sous-estimée ou prise à la légère. Dans les deux exemples, les établissements dépendaient en partie des allocations publiques. « L’Université de Buckingham, par exemple, ne bénéficie pas d’allocations du Département de l’éducation et de la science administré par le Conseil universitaire; cependant, ses étudiants sont éligibles pour l’aide publique, et ses enseignants reçoivent des allocations pour la recherche du secteur public » (Nelles, 1990, p. 255). Aux Etats-Unis, les université privées, « comme Harvard, Yale, Princeton, Chicago, Stanford, et d’autres établissent le standard pour les universités privées non seulement du système public des Etats-Unis, mais aussi du monde entier » (Nelles, 1990, p. 255). Même si on n’assure pas de financement direct, les étudiants de ces universités privées sont éligibles pour des prêts et des bourses du gouvernement, et les établissements peuvent entrer en concurrence pour des allocations gouvernementales de recherche (Altbach, 1999, p. 5). En outre, ces établissements sont très dépendants des donations provenant de fondations. Une telle dépendance serait douteuse dans le cas de l’Ontario, puisque là il n’y a pas une tradition du soutien des universités par des donations. En 2000, les quantum des donations pour les meilleurs établissements privés des Etats-Unis étaient les suivants (en dollars US): Tableau 1. Les dix premiers établissements en termes de donations des Etats-Unis Universités Harvard University Yale University Stanford University Princeton University Massachusetts Institute of Technology Emory University

USD 18.844.338.000 10.084.900.000 8.649.475.000 8.398.100.000 6.475.506.000 5.032.683.000

99

Columbia University University of Chicago Cornell University Rice University Source: « The Almanac » (2001-2002).

4.263.972.000 3.828.664.000 3.436.926.000 3.372.458.000

Par comparaison, les donations reçues en 2000 par l’Université de Toronto, la plus grande université d’Ontario, se sont élevées à C$961.103.000, ce qui placerait l’Université de Toronto en quarante-septième position dans le classement des donations accordées aux établissements d’enseignement supérieur, publics et privés, des Etats-Unis (The Almanac, 2001-2002). Cette information n’est certainement point encourageante pour ceux qui souhaiteraient ouvrir des universités privées à Ontario et qui auraient le sentiment qu’ils peuvent recevoir un soutien privé important. LES UNIVERSITES PRIVEES: UNE OPTION POUR L’ONTARIO Les êtres humains ont tendance à défier tout processus qui change essentiellement la manière dont les choses sont faites dans le temps, et ils remettent en question la sagesse de ceux qui osent transformer les systèmes conventionnels. Ainsi, il est prudent d’anticiper la question suivante: est-ce que les universités privées peuvent fleurir à Ontario durant la première décennie du Vingt-et-unième siècle ? On entre ici sur le terrain de la spéculation. Néanmoins, des expériences récentes de telles entreprises dans d’autres régions peuvent nous offrir des repères. En Amérique latine, on vient de le mentionner, plusieurs pays font des progrès dans leurs efforts de privatisation de l’enseignement universitaire, le Chili en étant le plus avancé: En 1990, les résultats de la nouvelle avancée en matière d’universités privées au Chili ont été évidents: 60 universités, d’un nombre de 34 en 1989. Du fait de la libéralisation de la restriction de créer de nouvelles universités, 26 tels établissements ont été fondés. Il faut remarquer que parmi ces établissements seulement 20 universités – un tiers du total en fonction – reçoivent du soutien financier direct. Le reste des universités – dont certaines reçoivent du soutien financier indirect – s’autofinancent à travers les frais d’études payés par les étudiants. D’autres universités préfèrent ne pas faire appel aux contributions étatiques dans le but de préserver leur efficacité et leur autonomie (Jofré et Sancho, 2000). Aussi, lorsqu’on compare le revenu par tête d’habitant du Chili, qui est de $12.400 et son taux d’inflation de 3,4 pour cent (Chile Economy, 2002) avec le revenu par tête d’habitant de l’Ontario, qui est de l’ordre de $30.702, et avec son taux d’inflation de 2,0 pour cent (Ontario Facts, 2002), la conclusion logique est que l’Ontario est prêt à adopter des universités privées. Un autre pays qui fait beaucoup de progrès dans le domaine des universités privées est la République d’Arménie, une ancienne république de l’Union Soviétique. La réalité est que « parallèlement à l’élimination partielle du monopole du gouvernement sur l’enseignement supérieur et l’accroissement de l’autonomie des universités, il y a une tendance évolutive évidente » (Demello, 2000). En 1995, quarante-deux établissements privés d’enseignement autorisés fonctionnaient dans le pays. A compter de 1991, le nombre d’étudiants inscrits dans le segment payant de seize établissements publics d’enseignement a augmenté considérablement. Par 100

comparaison avec le nombre d’étudiants inscrits dans les universités publiques, le nombre d’inscrits dans les universités privées montre que le gouvernement a eu du retard dans l’introduction des universités privées. En outre, les universités privées ont répondu plus rapidement et de manière plus flexible aux besoins du marché du travail (Demello, 2000). Comme l’Arménie et le Chili, l’Ontario peut également profiter des universités privées afin d’assurer un accès étendu des étudiants et des réponses rapides et aux besoins de l’économie en termes de main d’œuvre qualifiée. Cependant, on ne doit pas se faire des illusions sur les difficultés qui accompagnent la création d’universités privées. On a fait référence ci-dessus au fait que certaines universités privées existantes « ont vaincu différents obstacles pour survivre et ont souffert d’un taux d’inscription plutôt inférieur que prévu, pour plusieurs raisons » (Geiger, 1991, p. 52). Elles demeurent néanmoins des établissements viables et offrent une alternative aux étudiants qui souhaitent suivre une éducation universitaire à travers des moyens privés. Le fait que ces établissements n’ont pas obtenu le statut d’universités entières, comme il a été désiré par leurs fondateurs, n’est pas une raison pour interdire à l’Ontario d’essayer de penser à permettre à des universités privées de fonctionner dans la province. L’Ontario devrait étudier les expériences de ces établissements et s’assurer qu’il ne reproduit pas leurs erreurs. CONCLUSION Les nouvelles technologies et l’économie basée sur le savoir ont donné un nouveau sens à la compétition et au commerce autour du monde. Le phénomène résultant est souvent appelé la mondialisation. Sa signification est qu’il « accentue la convergence et l’interdépendance des économies et des sociétés » (van Vught et al., 2002, p. 117). Cette évolution pose aux pays l’obligation de rester à la pointe des nouvelles inventions et innovations afin d’être des participants efficaces. Les universités, en tant qu’établissements de production et de transfert ou de dissémination du savoir, sont ainsi stimulées par les gouvernements à adopter de nouvelles stratégies de fourniture d’enseignement supérieur à leurs étudiants/citoyens. Le thème central de cet article est que l’Ontario devrait permettre aux universités privées de participer, sous des conditions strictes, à la fourniture d’enseignement supérieur dans la province. Ces conditions devraient renforcer la transparence et assurer de hauts standards et une haute qualité. Les établissements créés avec des lignes claires de responsabilité et des procédures rigoureuses seraient obligés à dispenser de l’enseignement de qualité à leurs étudiants. De plus, leur survie dépendrait du niveau de satisfaction des besoins des étudiants. Il y ara toujours des différences entre les universités et la qualité de l’enseignement qu’elles dispensent. Cette idée est vraie même dans des pays où la responsabilité entière de la formation de professionnels est dans les mains de l’Etat. Néanmoins, il est mieux de disposer d’un grand nombre de professionnels de qualité excellente jusqu’à moyenne que de n’avoir que quelques uns parce que le système est censé produire uniquement des experts (Jofré et Sancho, 2000). Comme l’a montré Geiger, « la privatisation et ses plusieurs composantes devraient être jugées en mesure du degré dont elles facilité ou empêché l’accomplissement des buts fondamentaux de l’enseignement supérieur. Sur ce point, les universités mobiliseront plus de ressources pour l’enseignement supérieur. En outre, à travers le développement de l’interaction entre l’enseignement supérieur et la société, la privatisation apportera sa contribution 101

prévisible au développement de la pertinence et de l’utilité de l’enseignement supérieur dans son entier » (Geiger, 1991, p. 153). Il résulte de cet argument et des idées présentées dans cet article qu’on peut raisonnablement présumer que l’ouverture d’universités privées suscitera la compétition nécessaire dans le secteur universitaire. L’adoption de mesures justes promouvra la qualité, la responsabilisation, l’excellence, la diversité et la responsabilité caractéristiques à toute organisation ou système bien géré. Une telle promotion assurera également l’accès des Ontariens à l’enseignement universitaire. Elle apportera à la province les nouvelles technologies et les compétences et la main d’œuvre dont elle a besoin pour être compétitive dans le cadre de l’économie mondiale.

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La contribution de l’enseignement supérieur au développement de jugements objectifs et subjectifs dans le cadre du processus courant de prise de décision JOSEPH KLEIN

Afin de prendre des décisions efficaces basées sur les probabilités, on doit être capable de distinguer entre les aspects objectifs - factuels de la décision et les aspects subjectifs. La présente étude analyse l’hypothèse que les études universitaires contribuent au développement de la capacité d’opérer de telles distinctions dans la prise quotidienne de décisions. Quelques 940 sujets, parmi lesquels certains détenaient un diplôme de licence et les autres un diplôme de master en sciences exactes, sciences sociales ou lettres ont répondu à un questionnaire sur les situations de prise de décisions, qui ont examiné le degré de leur prise de conscience en ce qui concerne les éléments objectifs et subjectifs des décisions. Il a été constaté que les répondants ont fait la distinction dans les situations qui leur ont été présentées. Une amélioration du niveau académique en passant du diplôme de licence à celui de master a conduit à une meilleure compréhension de l’aspect objectif des décisions parmi les universitaires dans le domaine des sciences exactes et des lettres. Les personnes détenant un diplôme de master dans tous les domaines de spécialisation ont montré une meilleure compréhension de l’aspect subjectif que ceux détenant seulement un diplôme de licence. On discute ici de l’application de ces constatations dans le domaine d’enseignement.

INTRODUCTION Il existe une présomption répandue dans la littérature ainsi que dans le domaine que l’enseignement supérieur contribue à améliorer les jugements dans la prise quotidienne des décisions. On pense des personnes ayant une éducation universitaire qu’elles ont un jugement plus systématique et objectif que les personnes n’ayant pas reçue une telle formation. De nombreux employeurs attachent une grande importance au cours des interviews de recrutement à l’éducation des candidats, sans tenir compte si le domaine de leurs études est directement lié à celui du recruteur. La présente étude examine la relation supposée entre le niveau d’éducation et la qualité des décisions quotidiennes. LE CONTEXTE THEORIQUE – LA FORMATION UNIVERSITAIRE ET LA CAPACITE DE PRENDRE DES DECISIONS 104

Au début du vingtième siècle, Thorndike et Woodworth (1901), puis Thorndike (1913), ont pris positions dans le sens que les principes et les lois appris dans un domaine du savoir ne peuvent pas être employés dans d’autres domaines. Des conclusions similaires ont été tirées par Inhelder et Piaget (1958), qui ont considéré que la pensée formelle et la capacité à résoudre des problèmes, acquises dans un certain domaine peuvent être transférées à d’autres sphères seulement lorsque les personnes ayant d’importantes capacités cognitives découvrent de manière indépendante l’applicabilité, peut-être avec des adaptations mineures, des aptitudes de résolution des problèmes acquises auparavant à un nouveau domaine. Lehman et al. (1988) ont investigué la contribution des études universitaire à l’amélioration des solutions dans les problèmes de tous les jours. Ils ont déduit qu’une spécialisation en psychologie ou en médecine augmente la capacité de la méthode méthodologique/statistique de résolution des problèmes et de prise des décisions. Ils ont aussi suggéré que les sciences exactes facilitaient la capacité à résoudre les problèmes à travers un système logique/déductif de conclusion qu’ils ont appelé « raisonnement conditionnel ». Ils ont soutenu que les sciences exactes étaient uniques en ce qu’elles offraient des méthodes pour une solution absolue des problèmes. Leurs conclusions ont montré qu’au fur et à mesure que les étudiants en psychologie et en médecine progressaient dans leurs études post-universitaires, ils obtenaient une amélioration des solutions aux problèmes supposant un raisonnement méthodologique/statistique, ainsi qu’à ceux qui demandaient un raisonnement conditionnel. Contrairement aux attentes, il n’y avait d’amélioration dans les résultats de ceux qui avaient fait des études approfondies en chimie en aucun des deux types de problèmes. Les chercheurs ont élargi l’étendue de leurs travaux afin d’examiner le développement des capacités à résoudre les problèmes au cours des études universitaire (Lehman et Nisbett, 1990). Ils ont découvert que les diplômés en psychologie et en sciences sociales montraient une amélioration en ce qui concerne les solutions demandant un raisonnement méthodologique/statistique. Une amélioration importante des résultats a aussi été enregistrée parmi les diplômés en sciences exactes et en lettres, mais les effets en étaient moins marqués que pour les spécialisations psychologie et sciences sociales. En même temps, une meilleure capacité à résoudre les problèmes supposant un raisonnement conditionnel a été enregistrée parmi les diplômés en sciences exactes et en lettres, mais non parmi ceux des spécialisations psychologie et sciences sociales. Lehman et Nisbett (1990) n’ont pas réussi à expliquer l’amélioration enregistrée chez les diplômés en lettres concernant la résolution des problèmes du type de raisonnement conditionnel. Une explication peut être trouvée dans la transition partielle qui s’est opérée dans ce domaine au cours des dernières décennies, des méthodes de recherche basées sur la causalité et la probabilité aux méthodes supposant une lecture approfondie du texte lui-même. Barzel (1990) a appelé ce changement une transition « de l’auteur du texte au lecteur ». Il a indiqué que les méthodes courantes de recherche dans la littérature et les domaines y ayant trait « donnent prééminence au texte », allant parfois jusqu’à le divorcer aussi bien des caractéristiques personnelles de son auteur que des différents contextes ethnographiques. Le texte est étudié pour lui-même, sans tenter de supposer le sens que l’auteur désirait lui donner. Selon Barzel (1990, p.17), la marque du nouveau criticisme est le contextualisme, c'est-à-dire le fait de baser le criticisme sur les textes 105

au lieu de le fonder sur les informations biographiques ou sur la manière dont l’expérience de l’artiste et la réalité anticipée sont reflétées. Cette étude analyse la relation entre le niveau d’éducation d’une personne et la qualité de ses décisions quotidiennes concernant des problèmes ayant des solutions à valeur unique, dont par exemple les problèmes que l’on peut résoudre d’une seule manière correcte, comme c’est le cas du type dont s’occupent les sciences exactes. Klein (1999) a investigué la relation entre une éducation universitaire et la capacité à résoudre des problèmes comprenant les probabilités et il a découvert que les études universitaires conduisaient à de meilleures performances dans chacun des trois principaux stages du processus de la prise des décisions. En même temps, les compétences acquises à travers l’enseignement supérieur n’ont pas conduit les décideurs à s’occuper des stages de la procédure dans l’ordre hiérarchique et irréversible que l’on considère optimal. Au cours des dernières décennies, une distinction supplémentaire a été proposée entre les décisions efficaces et celles non efficaces, en fonction du degré de la capacité du décideur à distinguer les composantes objectives et subjectives du problème. Montefiore (1958) a défini le phénomène objectif comme celui dont la vérité ou la fraude dépendent uniquement de la nature des objets et pas du tout de l’opinion que les gens se font à ce sujet. Selon lui, les déclarations subjectives ont trait aux sentiments, aux attitudes, à ce que les gens aiment ou n’aiment pas. Hamlyn (1972), Smith (1986) et Aspel et al. (1998) ont décrit les phénomènes objectifs comme ceux dont la vérité et la validité ou le mensonge peuvent résister aux tests et aux critères du public. Selon sa définition, une circonstance objective doit être testée, elle doit être soutenue ou réfutée à l’aide de preuves ou à travers un raisonnement public, pouvant être examinés selon les procédures et les critères établis. Sans la possibilité de distinguer entre les deux aspects, les contours entre les limites des faits d’une part et des positions, opinions et valeurs, d’autre part, s’estompent. Ceux-là sont perçus de manière différente par des personnes ayant des vues différentes sur le monde. Ainsi diminue la possibilité de former un consensus social à base d’informations et de connaissances. La reconnaissance des différences entre les deux aspects contribue à la formation d’une base pour la tolérance interpersonnelle, en limitant les problèmes autour desquels il n’existe pas d’entente aux seuls sujets subjectifs. Jusqu’ici, il n’y a pas eu de clarification pour savoir si les études universitaires contribuent ou non au développement de la capacité à distinguer entre les aspects objectifs et subjectifs des problèmes quotidiens impliquant les probabilités. Durant de nombreuses années, on a pu distinguer dans la littérature une tendance à attacher beaucoup d’importance aux aspects objectifs des décisions. Une importance moindre est allouée aux aspects subjectifs, aussi bien du fait des difficultés à dépasser des problèmes où manquent les définitions opérationnelles et du fait de se confronter aux limites des résultats des discussions sur des sujets où l’entente dépends des opinions d’une personne. Depuis 1980, il y a eu un intérêt croissant dans la littérature pour la composante subjective du processus de la prise des décisions. Simon (1986) a indiqué que toute tentative de comprendre les processus humains de prise de décisions supposait le fait de se concentrer en égale mesure sur leurs aspects heuristiques et subjectifs. Buchanan et al (1998) a noté que le fait de prendre une bonne décision impliquait le fait de distinguer entre ses éléments objectifs et subjectifs et de s’en 106

occuper séparément. Les instances ont été fermes sur l’importances de distinguer entre des faits et des opinions dans le cadre d’un procès judiciaire et elles ont établi des tests pour aider à reconnaître la différence entre les deux (Gleason, 1987; Stonecipher et Sneed, 1987). La présomption concernant la nécessité de distinguer entre des faits et des positions dans le processus d’apprentissage a conduit certains universitaires à examiner l’efficacité de différentes méthodes pour améliorer cette distinction (Rogers, 1985; Dow, 1887; Corral, 1993; Graney, 1990). La prise de conscience de l’importance des deux éléments des décisions a conduit au développement du « Système de soutien des décisions » (SSD), qui examine les deux aspects, tout en accordant à chacun le poids qu’il mérite (Borenstein, 1998; Mamaghani, 1998). Au niveau de la recherche empirique, on a rapporté que la compréhension des différences entre le savoir objectif et celui subjectif a aidé les consommateurs dans leurs décisions concernant le fait d’acheter (Raju et al. 1995; Duhan et al. 1997). La nécessité de distinguer entre les faits et les attitudes est accentuée à travers les années d’étude au lycée ou à la faculté. Les cours sur les méthodes de recherche offrent la possibilité de faire la différence entre les résultats de fait et les discussions interprétatives dans les rapports de recherche. On attire l’attention des étudiants sur le fait que la discussion interprétative des résultats est subjective et que dans certains cas il est possible d’offrir une explication alternative. L’accent mis sur cette discipline dans l’enseignement supérieur conduit à la question de savoir si les études universitaires contribuent ou non à une meilleure prise de conscience des aspects objectifs et subjectifs des décisions quotidiennes au moment où elles sont formulées. L’objectif du présent article est de suggérer des réponses à cette question. METHODES Les sujets Un échantillon de 940 sujets a été tiré des listes d’étudiants et d’anciens étudiants de l’Université de Bar-Ilan. Les sujets qui étaient des anciens étudiants avaient soit un diplôme de licence, soit un diplôme de master. Le questionnaire a été distribué aux étudiants choisis au cours de leur dernier mois d’étude pour ces diplômes. Dans le groupe de ceux qui détenaient un diplôme de licence, 322 étaient spécialisés en sciences sociales, 160 en lettres et 184 en physique et biologie. Parmi les détenteurs d’un diplôme de master, 91 étaient spécialisés en sciences sociales, 73 en lettres et 110 en physique et biologie. Instruments Un test pour les capacités méthodologiques/statistiques dans la prise des décisions. Il a été développé un questionnaire pour mesurer la capacité méthodologique/statistique dans le processus de la prise de décisions. Les sujets ont été confrontés à un récit d’événements qui supposait le fait de prendre des décisions. On leur a ensuite demandé d’analyser les évènements, de prendre des décisions et d’expliquer par écrit les arguments qui les ont conduit à chacune des conclusions. Les réponses ont été rédigées sur un papier blanc, sans limite quant à l’étendue de la réponse ou au temps pour l’écrire. Afin de déceler une possible relation entre le domaine d’occupation du sujet et les réponses données, on a choisi des événements impliquant des interrelations 107

entre l’établissement d’enseignement et la communauté et on a collecté des informations concernant l’expérience des sujets dans le travail éducationnel. Les critères pour l’examen des rapports des sujets Sur la base des preuves tirées des rapports de recherche, ont été développés des critères d’évaluation des réponses fournies par les sujets. Ceux-là ont examiné le degré à travers lequel les répondants ont utilisé les composantes objectives et subjectives du processus de la prise de décisions. L’un des deux évènements décrits dans le questionnaire concernait la critique par les parents du niveau d’éducation de leurs enfants et apparaît dans l’Exemple 1 qui suit. La liste des critères ayant servi à juger les réponses est affichée dans l’Exemple 2, qui suit : Exemple 1. Evènement no. 1 du questionnaire distribué aux sujets de l’étude Veuillez lire la description qui suit d’un événement hypothétique et répondre aux questions concernant l’épisode sur les feuilles blanches annexées à ces pages : M. Dan Cohen a été nommé directeur de l’Ecole Sunrise au début de l’année en cours. Un jour, au début de son administration, Dan a trouvé sur son bureau la lettre suivante du président du comité des parents : Monsieur: Nous désirons vous demander pour la prochaine année scolaire qu’un quart du nombre total des heures de classe soit alloué aux études poussées d’anglais et de mathématiques sur ordinateur. Nous espérons que ce pas résoudra le problème du faible niveau d’instruction de notre école dans ces disciplines. Dans d’autres établissements de la région, on emploie déjà les ordinateurs à cet effet. Il n’y a pas de raison pour que nous restions attaché au vieux système. Nous vous rappelons que les parents ont le droit légal de déterminer le contenu d’un quart du programme scolaire. L’utilisation des ordinateurs à l’école améliorera certainement les résultats des élèves en anglais et en mathématiques. Une allocation de la Direction régionale d’éducation est essentielle à l’acquisition des ordinateurs. Les parents aideront aussi à collecter des fonds. L’adaptation du plan d’enseignement selon notre requête nécessitera certains changements de personnel et autres ajustements. Il sera nécessaire d’écourter le nombre d’heures dans plusieurs domaines et embaucher de nouvelles personnes ayant les aptitudes requises pour enseigner l’anglais et les mathématiques. Nous serions heureux d’aider autan que possible au succès du projet. Etant donné l’importance de la tâche et le fait que les parents ont un droit légal d’influencer le programme scolaire, nous espérons que le projet sera mis en œuvre. Sincèrement, Arzi Président du Comité Dan Cohen doit décider si il suivra ou non la requête du comité. Il a délibéré 108

pour décider des pas qu’il aura à franchir en vue de ce développement. Comment pensez-vous que le directeur de l’école devrait réagir à cette requête ?vous êtes prié de donner une réponse détaillée.

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Exemple 2. Les critères d’évaluation du questionnaire Les observations suivantes doivent figurer dans la réponse de Dan Cohen à la lettre. A. Définition du problème et compilation d’informations 1. Collection des informations concernant le niveau des cours d’anglais et de mathématiques offerts par l’école, à travers les moyens suivants : a. Utilisation de tests objectifs; b. Comparaison du niveau des cours offerts à l’école avec les standards officiels. 2. Consultation avec d’autres personnes qui sont impliquées dans le domaine de l’anglais et des mathématiques à l’école, à savoir : les enseignants, les représentants du Ministère de l’Education et les parents. 3. Identification des causes du faible niveau des cours, si tel est le cas. 4. Enquête sur la contribution des ordinateurs à améliorer les résultats dans les disciplines concernées. B. Trouver des alternatives 1. Formuler, après consultation avec le personnel de l’école et les spécialistes, différentes alternatives pour résoudre les problèmes identifiés ; 2. Le développement de critères de comparaison des alternatives, comme par exemple le coût et le temps nécessaires à l’implémentation ; 3. La comparaison des alternatives à travers les critères. C. Formuler une conclusion 1. Choisir après consultation du personnel et des spécialistes l’alternative qui convient le mieux aux critères ; 2. Annonce et justification de la décision aux personnes concernées. L’évaluation de chaque critère a été déterminée sur cinq réponses possibles, selon l’échelle Likert : 1. L’analyste de l’événement objecte vivement au critère. (Un exemple serait une forte opposition à la vérification des résultats scolaires à travers des tests) 2. L’analyste de l’événement objecte faiblement au critère. 3. L’analyste de l’événement ni n’objecte au critère, ni n’approuve l’utilisation du critère en question dans la prise de ses décisions. 110

4. L’analyste de l’événement approuve le critère. 5. L’analyste de l’événement approuve vivement le critère. La note « 5 » a été définie comme représentant une très bonne capacité cognitive. La note « 1 » a été définie comme représentant une très faible capacité cognitive. La décision d’évaluer les « objections aux critères » comme reflétant une très faible capacité cognitive se fonde sur les résultats obtenus avant les tests, qui ont été par la suite corroborés avec la recherche elle-même. Il a aussi été constaté que les sujets qui objectaient au contenu des critères ne comprenaient pas le besoin d’utiliser des ressources extérieures. On devrait souligner le fait que les résultats du type Likert étaient déterminés par les évaluateurs. Comme il a été indiqué ci-dessus, les sujets ont rendu leurs réponses sous la forme d’une dissertation libre sur un papier blanc. LE QUESTIONNAIRE SUR LES INFORMATIONS PERSONNELLES Des informations ont été collectées sur les faits suivants:

Le niveau d’éducation: les sujets soit détenaient un diplôme de licence ou de master et n’avaient pas entrepris pendant à l’époque du test d’autres études plus avancées, soit étaient des étudiants pendant le dernier mois de leurs études pour un diplôme de licence ou de master. Le domaine de spécialisation : le sujet s’est spécialisé dans l’un des domaines suivants : (i) les sciences sociales : des disciplines interpersonnelles, comme par exemple l’assistance sociale, l’enseignement, la psychologie, la criminologie et la sociologie ; (ii) les lettres, des disciplines comme la philosophie ou la littérature ; (iii) la physique et la biologie, la chimie. D’autres variables qui affectent la capacité de prendre des décisions. Pour permettre une comparaison des résultats de cette étude avec ceux d’un ouvrage précédent (Klein, 1999), on utilise les mêmes variables contrôlées. Ces variables comprennent l’intelligence, l’age et l’expérience professionnelle. LA PROCEDURE On a demandé aux sujets d’analyser les situations décrites par le questionnaire et de prendre des décision, si nécessaire. Leurs réponses ont été évaluées à travers la liste des critères mentionnée ci-dessus. Dans l’analyse des réponses, on a obtenu une estimation de fiabilité d’alpha = 0,85. Tous les critères ont contribué à améliorer la fiabilité, fait qui indique une forte connexion de tous les critères avec la structure. On a examiné l’impact du nombre de sujets sur le niveau de la fiabilité. A cet effet, il a été choisi un échantillon de 40 pourcent du groupe. On a obtenu une estimation de fiabilité d’alpha = 0,82. Ce résultat indique que la fiabilité du questionnaire n’était pas affectée de manière significative par le nombre des sujets. LES RESULTATS 111

L’examen des hypothèses expérimentales à travers un processus à quatre étapes Etape 1 On a examiné la capacité des étudiants à distinguer entre les composantes objectives et subjectives d’une décision. A cet effet il a été effectué une analyse factorielle (facteurs avec rotation varimax). Deux facteurs ont été identifiés. Le premier comprenait la majorité des déclarations sur la composante objective de l’événement. La variance expliquée de ce facteur était de 25,3 pourcent. Les déclarations concernant la composante subjective de l’événement ont été groupées dans le second facteur. La variance expliquée était de 5,4 pourcent. La variance totale expliquée obtenue était de 30,7 pourcent. Le classement des déclarations objectives et subjectives comme facteurs séparés indique l’existence d’une procédure cognitive de base pour différencier les deux éléments au cours du processus de la prise de décisions. Etape 2 Cette étape s’est déroulée en trois stages. Au cours du premier stage, il a été conduit une étude de l’interaction entre les niveaux universitaires, les domaines de spécialisation et les compétences cognitives pour distinguer entre les composantes subjectives et objectives du processus de la prise des décisions. Dans le second, il a été effectué une analyse de l’Effet principal simple afin d’identifier les sources de la variance expliquée que l’on avait obtenu au cours du premier stage de l’Etape 2. Dans le troisième stage, une analyse de régression a examiné la contribution relative de chacune des variables indépendantes à la capacité cognitive dans la prise des décisions. LE STAGE PREMIER: LA RELATION ENTRE LE NIVEAU D’EDUCATION, LE DOMAINE DE SPECIALISATION ET LA CAPACITE COGNITIVE DANS LES COMPOSANTES OBJECTIVE ET SUBJECTIVE DU PROCESSUS DE LA PRISE DE DECISIONS L’hypothèse a été examinée à travers une analyse de variabilité bidimensionnelle dans un cadre factoriel 3*2. « 3 » se réfère aux trois domaines de spécialisation (sciences sociales, lettres et sciences exactes). « 2 » se réfère au deux niveau d’éducation (licence et master). L’analyse a été appliquée aux composantes ayant été identifiées de manière empirique. Les résultats sont présentés au Tableau 1.

112

Tableau 1. L’analyse de variabilité des facteurs empiriques dans la prise de décisions concernant les variables indépendantes et les co-variantes Variables dépendantes Processus objectif et subjectif Composante objective

Composantes de la prise de décisions Composante subjective

Variables indépendantes: Source de variabilité Domaine de spécialisation Niveau universitaire Domaine*niveau Erreur statistique Résultat psychométrique Age Ancienneté

DF

MS

F

DF

MS

F

2 1 2 921 1 1

2,13 0,88 0,23 0,16 0,47 0,03

13,21*** 5,45* 1,47

5,36 3,71 0,08 0,16 1,05 0,71

33,10*** 22,91*** 0,55

2,91 0,23

2 1 2 929 1 1

1

1,96

12,13***

1

0,82

5,12*

6,48* 4,41*

* P < 0,05; ** p< 0,01; *** P < 0,001 DF - Degré de liberté MS – Valeurs moyennes Source: l’auteur. INTERPRETATION DES RESULTATS DU TABLEAU 1 A. LES VARIABLES INDEPENDANTES: *Le domaine de spécialisation D’importantes différences ont été constatées entre les sujets de différentes spécialisations (sciences sociales, lettres et sciences exactes) concernant la capacité cognitive importante ou réduite dans les composantes objective et subjective du processus de la prise de décisions. Une analyse précise de la source des différences dans les variables indépendantes est décrite ci-dessous dans une étude de l’Effet principal simple. Le niveau universitaire Le niveau universitaire des sujets (au niveau licence ou master) fait la différence entre des capacités importantes ou faibles dans les composantes objective et subjective de la prise de décisions. Domaine* Niveau L’interaction entre le domaine et le niveau universitaire n’est importante ni dans la composante objective, ni dans celle subjective. B. LES VARIABLES CONTROLEES (LES COVARIANTES) : Le résultat psychométrique Le résultat psychométrique établit une différence importante entre les sujets ayant une forte capacité cognitive et ceux ayant une faible capacité cognitive dans la 113

composante subjective et tend vers l’importance de la composante objective. L’ancienneté L’ancienneté distingue entre les sujets à forte capacité et ceux à faible capacité dans les processus de la prise de décisions dans les deux composantes. L’age Il existe une corrélation entre l’age des sujets et le niveau de la capacité cognitive dans la composante subjective du processus de la prise de décisions, mais pas dans la composante objective. DEUXIEME STAGE: L’ANALYSE DES MOYENNES ET DE L’EFFET PRINCIPAL SIMPLE DES RESULTATS DU PREMIER STAGE Afin d’identifier exactement la source des différences entre les sujets ayant des niveaux universitaires et des domaines de spécialisation différents, il a été effectué une analyse de l’Effet principal simple selon le test Duncan, avec les covariantes sous contrôle. Les résultats sont affichés au Tableau 2. Tableau no. 2. Une analyse de l’Effet principal simple sur la variable dépendante: la capacité cognitive dans le processus de la prise de décisions Variable dépendante: Le processus

La capacité cognitive

l. Composante objective Moyenne SD 2. Composante subjective Moyenne

SD

Variables indépendantes Les domaines universitaires qui montrent des différences statistiques importantes entre les groupes de ceux détenant le diplôme de licence et de master

Le niveau universitaire

LI Social = Exacte Lettres > 3,55 3,50 3,33 0,41

MA Exacte =

Social> Lettres

3,64

3,58

3,48

0,42 Lettres

0,33 Social Lettres > 3,88 Sciences sociales, Sciences exactes, Lettres 0,40

4,01

0,42 0,27 Social Exacte> = 3,88 3,66

4,18

0,56 Exacte = 4,01

0,41

0,47

0,43

0,38

0,36

Sciences exactes, Lettres

Source: l’auteur. EXPLICATION Le résultat moyen représente la capacité cognitive dans la prise des décisions – par ex. le degré d’importance assigné par les sujets aux différentes composantes des décisions. Les résultats vont d’un minimum de 0 à un maximum de 5. 114

Le signe, >, indique une importante différence statistique (P