LES CAHIERS D'AXA DÉPENDANCE

22 juin 2012 - En effet, cette estimation est en grande partie fonction de l'évolution de l'espérance de vie en bonne santé, sur laquelle il n'existe pas de.
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LES CAHIERS D’AXA Recherche et éducation pour la réduction des risques

N° 3

DÉPENDANCE

LA DÉPENDANCE Le vieillissement de la population paraît inéluctable dans l’ensemble des pays de l’OCDE, et, de manière plus générale, au niveau mondial. Ce vieillissement est l’effet de la conjugaison de multiples facteurs, dont le principal est l’allongement de l’espérance de vie. Une étude de Christensen, Vaupel et al., publiée en 2009, estime qu’un enfant sur deux né en 2007 dépassera les 100 ans dans la plupart des pays occidentaux. Un enfant sur deux né en 2000 atteindrait l’âge de 101 ans au Danemark, 102 en Allemagne, 103 au Royaume-Uni, 104 en France, en Italie, au Canada et aux États-Unis et même 107 au Japon. Le vieillissement résultant de l’allongement de l’espérance de vie couplé à un taux de fertilité bas et à une immigration faible est une évolution peu contestée. En revanche, l’estimation de l’évolution du nombre de personnes dépendantes est moins consensuelle. En effet, cette estimation est en grande partie fonction de l’évolution de l’espérance de vie en bonne santé, sur laquelle il n’existe pas de consensus absolu. Certains démographes estiment que l’on est actuellement en phase de compression de morbidité(1). Pour eux, l’espérance de vie en bonne santé progresse plus que l’espérance de vie. D’autres sont favorables à un scénario de stabilité, voire d’expansion de la morbidité consécutive à l’augmentation de maladies chroniques liées, par exemple, au diabète ou à l’obésité. Cependant, même si le scénario de compression de morbidité se confirmait, l’augmentation du nombre de personnes atteignant un âge très élevé entraînerait très probablement une hausse mécanique des personnes âgées dépendantes. Quels sont, dans cette perspective, les mécanismes de prise en charge des personnes dépendantes, sur les plans public et privé ? Comment définit-on et évalue-t-on la dépendance ? Quelle sera l’évolution future du nombre de personnes dépendantes ? (1) Le taux de morbidité est le rapport entre le nombre de personnes atteintes de maladie durant une période donnée et la population exposée au risque de maladie.

Les cahiers d’AXA – N° 3 Dépendance – Juin 2012

SOMMAIRE 1. LA DÉPENDANCE : PRINCIPAUX ATTRIBUTS 1.1. Définition et évaluation _________________ 3 1.2. Prévalence ___________________________ 5

2. DÉMOGRAPHIE ET COÛTS 2.1. Des ratios démographiques défavorables _________________________ 14 2.2. Les coûts des prises en charge publiques ___________________ 16 2.3. L’aide informelle ______________________ 18

3. LES RÉPONSES AU RISQUE 3.1. Des prises en charges variées __________ 21 3.2. Tableaux synoptiques des principaux marchés _______________ 25 3.3. Prévention et gérontechnologie _________ 26

4. LA MODÉLISATION DU RISQUE 4.1. La modélisation de la dépendance repose sur des modèles multi-états _____ 28 4.2. Les risques assurantiels ______________ 28 4.3. La prévention, un enjeu majeur _________ 30

Éléments de bibliographie online ___________ 31

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1. LA DÉPENDANCE : PRINCIPAUX ATTRIBUTS 1.1 – Définition et évaluation Le bon fonctionnement du corps est essentiel pour vieillir en bonne santé. Le processus d’évolution vers l’incapacité a été décrit en détail par Verbrugge et Jette (2). La plupart des modèles relatifs à ce processus commencent par la maladie et les pathologies, bien que les gérontologues considèrent que des changements moléculaires ou cellulaires précèdent la maladie. Le processus évolue ensuite vers la diminution et la limitation des fonctions, telles que l’acuité visuelle, l’ouïe, les capacités cognitives et une détérioration du corps qui entraîne des restrictions dans les activités les plus courantes. Cet état de dépendance ou de perte d’autonomie, qui (2) The Disablement Process, Social Science & Medicine 1994.

peut également résulter d’un accident, correspond à la nécessité de recourir à une aide extérieure pour effectuer certains actes de la vie quotidienne. Dans les faits, il existe plusieurs manières de définir et d’évaluer la dépendance, selon les pays, voire à l’intérieur d’un même pays, selon qu’il s’agit de la définition assurantielle ou de la définition utilisée pour une prise en charge publique. Il existe deux grands types d’évaluation. Le premier type s’attache à définir l’état de perte d’autonomie. On évalue, par exemple, le nombre d’actes de la vie quotidienne que la personne ne peut plus effectuer sans l’assistance d’une tierce personne. Le second type s’appuie sur les conséquences de la perte d’autonomie. On évalue, par exemple, le nombre d’heures d’aide nécessaire.

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En théorie la notion de dépendance ne tient pas compte de l’âge. Cependant, dans certains pays – dont la France – la prise en charge publique opère un distinguo entre les plus de 60 ans (personnes dépendantes) et les moins de 60 ans (personnes handicapées). Lors des débats sur la réforme de la prise en charge de la dépendance en France, la nécessité de parvenir à une définition homogène

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entre les différents acteurs a d’ailleurs été largement soulignée. A contrario, en Allemagne, la prestation dépendance couvre les personnes en incapacité quel que soit leur âge. Chaque pays possède ses propres références et grilles d’évaluation, même si la plupart s’appuient sur les mêmes notions, en particulier sur la capacité à réaliser sans assistance différents AVQ (Actes de la

Grille AGGIR En France, la grille AGGIR (Autonomie Gérontologie Groupe Iso-ressources) classe les individus en six niveaux, du plus dépendant (GIR 1) au plus autonome (GIR 6). GIR 6 : personnes autonomes. GIR 5 : personnes ayant uniquement besoin d’une aide ponctuelle pour la toilette, le ménage et la préparation des repas. GIR 4 : personnes qui n’assument pas seules leurs transferts mais se déplacent seules à l’intérieur du logement une fois levées. Elles ont, de plus, besoin d’une aide pour la toilette et l’habillage. Ce groupe réunit également les personnes sans problèmes locomoteurs mais qui ne peuvent assurer seules leurs repas ou certains besoins corporels. GIR 3 : personnes ayant conservé leur autonomie mentale et partiellement leur autonomie locomotrice, mais qui doivent être aidées plusieurs fois par jour pour leur autonomie corporelle. GIR 2 : personnes grabataires lucides (leurs fonctions mentales ne sont pas totalement altérées) et personnes démentes ou désorientées gravement mentalement mais conservant totalement ou significativement leur faculté automotrice. Ces personnes ont besoin d’être assistées pour quasiment tous les actes de la vie quotidienne. GIR 1 : personnes ayant perdu leur autonomie mentale, corporelle, locomotrice et sociale. Personnes étant confinées dans leur lit ou en chaise roulante et étant, de plus, atteintes de démence. Les personnes classées en GIR 1 nécessitent une présence continue. Dix variables permettent le calcul du GIR (cohérence, orientation, toilette, habillage, alimentation, élimination, transferts, déplacement à l’intérieur, déplacement à l’extérieur et communication à distance). Pour chacune de ces dix variables on évalue si la personne arrive à effectuer les actes correspondants spontanément et en totalité de manière autonome, si une aide ou une incitation au moins partielles sont nécessaires ou si la personne n’arrive pas ou refuse d’effectuer l’acte.

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Vie Quotidienne tels que bain, habillage, toilette, transferts (3), continence et alimentation, selon l’échelle de Katz). L’échelle de Lawton, fondée sur les Activités Instrumentales de la Vie Quotidienne (AIVQ qui incluent des actions comme « faire les courses », « faire le ménage », « utiliser le téléphone » ou encore « prendre ses médicaments ») est également fréquemment utilisée. Il est nécessaire d’avoir une définition très précise des différents actes afin d’assurer l’évaluation la plus objective et la plus homogène. Par exemple, en Asie, il est jugé nécessaire d’être en mesure d’utiliser des baguettes pour s’alimenter, alors qu’en Europe ou aux États-Unis, c’est l’emploi de la fourchette qui sert de référence. Les démences représentent une part significative des dépendances. Leur détection, en particulier celle des altérations mentales légères qui ne sont pas encore des cas de démence avérée, est une dimension importante de la souscription des produits d’assurance de la perte d’autonomie. Le principal outil d’évaluation

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est le MMSE (Mini Mental State Examination ou test de Folstein), qui repose sur 30 questions destinées à évaluer les capacités de la personne âgée pour l’orientation spatio-temporelle, l’apprentissage, l’attention et le calcul, la mémoire et le langage. Un score inférieur à 24 est signe probable de démence, inférieur à 15 de démence modérément sévère et inférieur à 10 de démence sévère. D’autres tests, tels que l’échelle de BLESSED peuvent également être utilisés. Certains ont l’avantage d’être très courts. C’est le cas du test de l’horloge, du test des cinq mots ou encore du Codex (4).

1.2 – Prévalence (5) Plus on avance en âge, et plus la probabilité de connaître un jour un état de dépendance augmente. Ainsi, la dépendance des personnes âgées, qui était (3) Se lever, se coucher, s’asseoir. (4) Cognitive disorders examination. (5) La prévalence mesure la part d’une population affectée par une maladie donnée. L’incidence, quant à elle, représente le nombre de nouveaux cas observés sur une période déterminée (une incidence annuelle par exemple). La prévalence représente un stock. L’incidence représente un flux.

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Projections des populations de plus de 60 ans et 80 ans en France métropolitaine

Projections du nombre de personnes âgées dépendantes de 2002 et 2004

En millions

En millions

25

1,3 1,2

20 1,1 15

1 0,9

10

0,8 5 0,7 0

0,6 2005

2010

2015

2020

2025

2030

2035

2040

80 ans et plus 60 ans et plus

2005

2010

2015

2020

2025

2030

2035

2040

DRESS 2002 - scénario intermédiaire INSEE 2004 - scénario intermédiaire

Source : INSEE, projections démographiques 2010.

Source : DRESS, pour groupe de travail.

un épiphénomène, devient, consécutivement au vieillissement des populations, un sujet de plus en plus marquant dans de nombreux pays.

des comparaisons dans le temps ou l’espace. Cela suppose une définition précise de la dépendance accompagnée d’une évaluation objective.

Des projections du nombre de personnes dépendantes réalisées pour la France en 2002 et 2004 sont reproduites ci-dessus. Elles chiffraient aux alentours de 1,1 million les personnes dépendantes en 2030. Cependant, le nombre de bénéficiaires de l’APA (Allocation Personnalisée d’Autonomie) était déjà supérieur à cette prévision à mi-2011 (1,2 million).

La plupart des études s’accordent sur le constat que la mortalité masculine est plus importante à tout âge, mais que les femmes subissent plus d’incapacités que les hommes aux âges élevés. Une récente étude comparative entre le Danemark, le Japon et les États-Unis (6) confirme ce résultat pour les trois pays. Il semblerait, en outre, que les femmes en mauvaise santé aient également une mortalité plus faible que les hommes en mauvaise santé.

De nombreux démographes sont conduits à estimer l’état de santé (mentale ou physique) d’une population, et à en prévoir les évolutions. Divers indicateurs sont utilisés : présence ou non d’une maladie, présence d’un handicap, de limitations fonctionnelles, autoévaluation des états de santé, etc. Contrairement aux études sur la longévité où il n’y a que deux états possibles (vivant ou mort), il n’est pas toujours simple de s’appuyer sur des données homogènes permettant

L’INSERM a récemment réactualisé les espérances de vie sans incapacité en France, à partir des données de plusieurs grandes enquêtes européennes, en évaluant, d’une part, la bonne santé fonctionnelle (absence de (6) « Men: good health and high mortality; sex differences in health and aging », Anna Oksuzyan; Knud Juel; James W. Vaupel ; Kaare Christensen.

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Évolution du nombre de bénéficiaires de l’APA depuis 2002 par GIR

600 000 GIR 1

500 000

GIR 2 GIR 3

400 000

GIR 4

300 000

200 000

100 000

0 2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2009

2010

Source : DREES, enquêtes annuelles et trimestrielles.

limitations physiques telles qu’une mauvaise vue ou Bénéficiaires de l’APA au 31 décembre 2010 une mauvaise motricité) et, d’autre part, l’absence Nombre en milliers En % de restrictions d’activités (incapacité à effectuer cerGIR 1 105 8,8 taines tâches telles que se laver ou faire ses courses). GIR 2 322 26,8 Leurs résultats permettent d’estimer qu’à 50 ans, les hommes peuvent espérer passer près de 50 % du GIR 3 238 19,8 reste de leur vie en bonne santé fonctionnelle, contre GIR 4 535 44,6 40 % pour les femmes. L’INSERM note une certaine 1 200 100 Ensemble stagnation de l’espérance de vie sans incapacité en France ces dernières années, en particulier pour les femmes et pour le groupe d’âge des 50-65 ans. En France, les données trimestrielles de l’APA renseignent sur le poids relatif des différents niveaux Les membres des groupes socio-économiques les de dépendance (8). Ainsi, au 31 décembre 2010, les plus défavorisés semblent avoir une espérance de vie dépendances les plus légères (GIR 4 (9)) représentaient moyenne réduite. En France, par exemple, les ouvriers 45 % des bénéficiaires de l’APA, alors que les cas les vivent en moyenne moins longtemps que les cadres. plus sévères (GIR 1 pour des personnes grabataires Cette vie plus courte ne leur épargne pas pour autant et démentes) représentaient 9 % des bénéficiaires. les années de vie en mauvaise santé. Les enquêtes de santé (7) montrent qu’ils subissent une « double peine » ; (7) Dont enquête sur la santé et les soins médicaux en France (INSEE 2003). vivant moins longtemps, ils soufrent plus longtemps (8) Les données APA fournissent de bons ordres de grandeur, mais les critères d’attribution ne semblent pas totalement homogènes entre les régions. (9) Le GIR 5 n’est pas couvert par l’APA. que les cadres d’une incapacité ou d’un handicap.

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Espérance de vie en santé

■ En dépendance sévère ■ En dépendance modérée ■ En dépendance légère ■ Totale dépendance

22 Femmes

20 18 16

Hommes

14 Femmes

12 10

Hommes

8 Femmes

6

Hommes

4 2 0 65 ans

75 ans

85 ans

Source : K. Pérès et al. (2005).

L’augmentation continue du nombre de bénéficiaires de l’APA observée tout au long de la dernière décennie a été essentiellement le fait des dépendances les plus légères (GIR 4). Une analyse des données PAQUID (QUID Personnes Âgées, étude de cohorte (10) française très complète utilisée pour de nombreux travaux sur la dépendance) confirme que malgré leur espérance de vie plus importante à tous les âges, les femmes passent en moyenne moins de temps en état de totale autonomie que les hommes. L’allongement de l’espérance de vie va-t-il de pair avec une apparition plus tardive des empêchements physiques et de l’incapacité ? À défaut de certitude, la recherche suggère que le processus de vieillissement évolue et que les personnes vivent plus longtemps sans incapacité majeure. (10) Une cohorte de naissance désigne l’ensemble des individus nés au cours de l’année de référence.

Au Danemark, Christensen et ses collègues ont observé, en 1995, les centenaires de la cohorte 1895 avant de réaliser, en 2005, une comparaison avec ceux de la cohorte 1905. Ils ont montré que plus de la moitié des individus devenaient centenaires dans la cohorte 1905 sans augmentation du niveau d’incapacité. Une légère amélioration s’était même produite parmi les femmes (Engberg et al., 2008a ; Engberg et al., 2008b). Ces conclusions sont conformes aux observations menées auprès de groupes d’âges légèrement moins avancés : baisse de l’incapacité chronique, allongement et amélioration de la qualité de vie entre cohortes successives dans de nombreux pays (cf. Aijanseppa et al., 2005 ; Freedman et al., 2002 ; Manton et al., 2006 ; Manton & Gu, 2001 ; Robine & Michel, 2004). Les aspects psychiques du vieillissement doivent être considérés en complément des problèmes de santé physique. Au-delà de 60 ans, les dépressions diagnostiquées deviennent plus rares. Toutefois, la fréquence des symptômes rapportée par les intéressés

10

eux-mêmes augmente (Fiske et al., 2009 ; Johnson et al., 2002). Le suivi de l’ensemble de la cohorte danoise 1905 entre 92 ans et 100 ans a montré, qu’au plan individuel, les problèmes psychiques et cognitifs s’aggravaient au fil de l’âge. Ils restaient, cependant, assez stables pour l’ensemble du groupe observé, car les survivants étaient les personnes les plus fortes physiquement et mentalement (Christensen et al., 2008). Ceci illustre comment une collectivité peut survivre dans des conditions assez satisfaisantes aux âges les plus avancés. Cependant, certains indicateurs montrent que la tendance n’est pas constante. Ainsi, le projet européen

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Eurohex vient de rendre publique les dernières données sur l’espérance de vie sans incapacité (ESVI) : si la majorité des pays voit progresser son ESVI entre 2009 et 2010, d’autres, comme les Pays-Bas, expérimentent une stagnation, voire une régression de cette espérance de vie sans incapacité, et ceci malgré une hausse de la longévité. Le Conseil pour la Recherche Médicale (Medical Research Council) a initié une étude intitulée « Cognitive Function and Ageing Study » sur le sujet majeur de la santé mentale des personnes âgées. La prévalence de la démence et de la déficience cognitive dépend

La « bonne santé » et sa perception

Au Royaume-Uni, l’étude « Newcastle 85+ » a été conduite pendant 5 ans sur plus de 1 000 habitants de Newcastle âgés d’au moins 85 ans. Il s’agissait d’étudier les facteurs biologiques, médicaux et psychologiques associés au vieillissement en bonne santé. L’enquête portait sur tous les membres de la population ciblée et procédait à une évaluation exhaustive de leur état de santé. Logiquement, aucune des personnes interrogées ne devait être épargnée par un problème de santé. Et pourtant, lorsqu’on leur a demandé d’évaluer leur propre santé, près de 80 % l’ont jugée bonne (34 %), très bonne (32 %) ou excellente (12 %). De plus, réaliser l’ensemble des gestes de la vie quotidienne ne posait aucun problème à un homme sur quatre et à une femme sur six. Beaucoup de participants âgés de 89 ans et plus étaient indépendants et bénéficiaient d’une bonne qualité de vie. Les chercheurs (11) ont observé que même si de nombreux participants souffraient de quatre ou cinq maladies dûment diagnostiquées par un médecin, la plupart d’entre eux vivaient de manière autonome et restaient socialement engagés. C’était le signe d’un vieillissement réussi, même si non exempt d’incapacités. Cette étude, qui présente le rare mérite d’avoir pris en compte le point de vue des personnes âgées elles-mêmes, a introduit un questionnement particulièrement pertinent sur la notion même de « bonne santé » aux âges concernés. (11) Dont les professeurs Thomas Kirkwood et Carol Jagger de l’Université de Newcastle. Ils ont présenté cette étude aux premières rencontres de la Longévité qui ont eu lieu le 28 mars 2011 à Paris.

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Prévalence de démence par âge en Europe en 2006 Prévalence (%) 60

50

Hommes

40

Femmes 30

20

10

0 60-64

65-69

70-74

75-79

Source : Étude Eurocode.

fortement de l’âge. Cette étude devrait permettre de comparer des enquêtes répétées à 20 années d’intervalle. Il s’agit notamment d’établir si le meilleur niveau d’éducation des 65 ans et plus peut induire une amélioration de leurs fonctions cognitives et un ralentissement de leur déclin mental. L’étude devrait également permettre de mieux évaluer l’évolution des coûts d’incapacité. C’est l’un des objectifs du programme MAP 2030 (Modelling Ageing Population to 2030), une vaste initiative multidisciplinaire sur l’évolution des besoins et ressources des personnes âgées au Royaume-Uni. La démence est un facteur de risque notoire et constituerait la principale cause de dépendance lourde (Helmer, 2006). D’après les chiffres PAQUID, 18 % des personnes âgées de plus de 75 ans souffraient de démence en 1999 – 13 % des hommes et 20 % des femmes. Cette prévalence augmente fortement avec l’âge, atteignant plus de 50 % pour les femmes de plus de 90 ans. Alzheimer représente 80 % de ces dé-

80-84

85-89

90-94

> 95 Âge

mences (Inserm, 2008). D’après une étude finlandaise sur la prévalence des démences selon leur sévérité (Kuopio 75+ study, 2003), 8 % des plus de 75 ans de l’échantillon souffriraient de démence légère, 8,3 % de démence modérée et 6,3 % de démence sévère.

12

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Zoom sur Alzheimer La compréhension de la maladie d’Alzheimer et les progrès du traitement des démences représentent un enjeu majeur. En effet, l’incidence des démences augmente considérablement avec l’âge. Certains épidémiologistes estiment qu’après 65 ans elle double tous les 5 ans. De plus, les démences sont des maladies particulièrement coûteuses, y compris à des stades intermédiaires. Elles peuvent nécessiter, en plus de l’assistance et des soins, coûts communs à la plupart des dépendances, une surveillance quasi permanente, en particulier pour éviter les fugues. La maladie d’Alzheimer touchait quelque 36 millions de personnes dans le monde en 2010, et les projections de l’organisation mondiale de la santé estiment que près de 66 millions en souffriront en 2030 et plus de 115 millions en 2050. À ce jour, il n’existe pas de traitement réellement efficace, malgré une intensification des recherches. Celles-ci ambitionnent de créer un vaccin soit préventif (qui empêcherait la maladie d’apparaître) soit curatif (qui maintiendrait la maladie à un stade léger, voire permettrait une guérison). L’émergence de nouveaux traitements pourrait avoir une forte incidence sur le coût de la dépendance. Un traitement curatif ou qui préviendrait l’apparition de la maladie permettrait une baisse sensible des coûts liés aux démences dont la maladie d’Alzheimer représente la plus grande partie. À l’inverse, un traitement « bloquant » la maladie à un stade peu avancé allongerait la durée de vie des malades en état de perte d’autonomie et engendrerait une hausse des coûts. L’éducation, qui est un facteur protecteur de la santé mentale à un âge avancé, ne prémunit pas contre les lésions de la maladie d’Alzheimer au niveau du cerveau. Mais, elle retarde l’apparition des symptômes cliniques de la maladie, ce qui est très important. D’autre part, des études récentes suggèrent que chaque année de prolongation de l’activité professionnelle retarderait l’apparition de la maladie de plus de 0,1 an. Cet élément fondamental, observé sur un petit échantillon [M. K. Lupton et al. 2010], reste à confirmer. Enfin, de nombreux chercheurs soulignent, sur la base d’études épidémiologiques, l’importance du maintien du lien social dans la prévention des démences.

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2. DÉMOGRAPHIE ET COÛTS Les évolutions des coûts liés à la dépendance sont fonction de plusieurs facteurs : le nombre de personnes dépendantes, le niveau de leur dépendance, le prix des soins et des aides médicales. De plus, la baisse éventuelle de l’aide informelle, l’aide non professionnelle apportée par l’entourage, pourrait entraîner un recours accru aux soins du secteur formel, ce qui engendrerait probablement une tension sur les prix.

Le graphique du Stanford Center on Longevity reproduit ci-après illustre – en coupe instantanée – la croissance des dépenses moyennes de santé par groupe d’âge aux États-Unis. On observe que les dépenses de santé d’un citoyen américain de plus de 85 ans sont en moyenne plus de 10 fois supérieures à celles d’un Américain de moins de 18 ans.

Dépense de santé moyenne par groupe d’âge, États-Unis, 2004 0-18 : 2 650 $

19-64 : 4 511 $

65+ : 14 797 $ 25 691 $

25 000 $ ■ Medicare ■ Medicaid ■ Public Autre

20 000 $

■ Privé Autre 16 389 $

■ Assurances Privées

15 000 $

■ Contributions personnelles 10 778 $

10 000 $ 7 787 $ 5 210 $

5 000 $ 2 650 $

Source : Centers for Medicare and Medicaid Services, 2009. Stanford Center on Longevity

3 370 $

0$ 0-18

19-44

45-54

55-64

65-74

75-84

85+

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Dépense de santé publique par groupe d’âge Pourcentage du revenu national net par habitant 25 %

20 %

15 %

10 %

Australie

Suède

France

Danemark

Italie

Grèce

Espagne

Pays-Bas

Portugal

Royaume-Uni

États-Unis

Finlande

Belgique

Islande

Allemagne

Autriche

Luxembourg 5%

0% 0-4

5-9

10-14 15-19 20-24 25-29 30-34 35-39 40-44 45-49 50-54 55-59 60-64 65-69 70-74 75-79 80-84 85-89 90-94 95+

Source : ENPRI-AGIR 2005.

Le graphique reproduit ci-dessus illustre la répartition du poids relatif des dépenses publiques de santé par rapport aux ressources nationales dans les pays de l’OCDE, par tranches d’âge de population. Son faisceau de courbes met en évidence une nette corrélation, avec une progression générale particulièrement forte de 60 ans à 90 ans.

2.1 – Des ratios démographiques défavorables La plupart des pays expérimentent actuellement un vieillissement de leur population, qui se traduira par une modification des ratios démographiques – la part de la population en âge d’activité diminuant par rapport à celle des plus de 65 ans. Comme nous l’avons déjà indiqué, il n’y a pas de consensus parmi les experts sur le fait que les années d’espérance de vie gagnées seront des années en bonne ou en mauvaise santé. Mais, quel que soit le scénario retenu, qui diffère d’un pays à l’autre, le vieillissement de la population s’accompagnera très

probablement d’une augmentation du nombre de dépendants. C’est la conséquence la plus probable de l’augmentation du nombre des personnes d’âge très élevé. Les indicateurs de l’Union européenne montrent qu’une plus grande espérance de vie n’implique pas nécessairement une espérance de vie en bonne santé plus longue. Sur le graphique reproduit ci-après, les pays de l’Europe du Nord semblent favorisés alors que les pays d’Europe de l’Est présentent des durées de vie et un nombre d’années en bonne santé réduits. Mais des écarts similaires peuvent parfois apparaître entre les régions d’un même pays, voire entre les quartiers d’une même ville (12).

(12) Sur l’espérance de vie sans incapacité, voir aussi les données des 27 pays de l’UE rendues publiques par l’INED en avril 2012.

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Proportion des 65 ans et plus par rapport aux 20-64 ans

90 % 80 %

Allemagne Japon

70 %

Royaume-Uni 60 %

États-Unis

50 %

UE 27 France

40 % 30 % 20 % 10 % 0% 1950

1960

1970

1980

2000

2010

2020

2030

2040

2050

Source : OCDE.

Nombre d’années en bonne santé Femmes

Hommes France Espagne Italie Finlande Islande Norvège Suède Autriche Belgique Allemagne Pays-Bas Luxembourg Irlande Portugal Slovénie Royaume-Uni

Union européenne Malte Chypre Grèce Danemark Pologne Estonie République tchèque Lituanie Hongrie Slovaquie Lettonie Roumanie

25

20

15

Source : Health at a glance 2009.

10

5

0

0 ■ Espérance de vie à 65 ans

5

10

15

20

■ Dont nombre d’années en bonne santé

25

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Projections du nombre de personnes dépendantes par type de soins

Dépenses publiques pour la dépendance, en % du PIB

Selon différents scénarios pour l’UE 27

Scénario purement démographique

En millions 50

■ Soins en institution ■ Soins à domicile ■ Soins informels ou absence de soins

■ Niveau 2007

7,0

8,3

40

7,5 13,9

30

6,0 5,0

12,3 20

■ Variation 2007-2060

9,0 8,0

2,9

4,0 3,0

5,5 2,0

10

22,3

19,5

12,3

1,0 0,0

0 2007

2060

2060

Scénario purement démographique

Scénario avec incapacité constante

2.2 – Le coût des prises en charge publiques Les projections réalisées par l’Union européenne à l’horizon 2060 prévoient une augmentation importante du nombre de personnes qui auront besoin d’aide pour faire face à des situations de perte d’autonomie. Elles prévoient également une augmentation du poids des dépenses publiques consacrées à la perte d’autonomie. Ce poids pourrait atteindre des niveaux supérieurs à 5 % du PIB dans des pays tels que la Suède ou les Pays-Bas. Le résultat des projections dépend, bien entendu, du type de scénario retenu. Ainsi, l’hypothèse d’un gain d’espérance de vie se traduisant intégralement par un allongement de la durée de dépendance aura un résultat élevé. En revanche, un scénario avec incapacité constante impliquera un résultat moindre.

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ES

FR

DE UE 27 AT

BE

IT

DK

FI

SE

NL

Source : Commission européenne, UE (2009).

nations ne sont pas fortement corrélées à la part de la population âgée de plus de 80 ans. À proportion comparable de personnes âgées de plus de 80 ans, l’Australie dépense, par exemple, 2,5 fois moins pour la dépendance que les Pays-Bas. De nombreuses différences d’organisation, voire de comptabilisation, de la protection sociale existent entre les pays. Les Pays-Bas proposent une prise en charge de la dépendance assez généreuse. On mesure le « rattrapage » nécessaire en termes de dépenses publiques si la prise en charge tendait à s’homogénéiser.

En Allemagne, une étude de Ziegler (2010) cherchant à évaluer l’évolution du nombre de personnes démentes à horizon 2050 illustre les difficultés rencontrées pour effectuer les projections, y compris en termes d’effectifs : sous certaines hypothèses, le nombre de Un rapport de l’OCDE de 2011 montre que les dif- déments de plus de 60 ans pourrait presque doubler. férences de dépenses pour la dépendance entre

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Part de la population âgée de plus de 80 ans et dépenses liées à la dépendance (en % du PIB) dans les pays de l’OCDE en 2008 (ou dernière année disponible*) Dépenses dépendance (% du PIB) 4,0 3,5

* Note : 2007 pour Danemark et Suisse, 2006 pour Portugal et Slovaquie, 2005 pour Australie et Luxembourg. Les données incluent les dépenses tant publiques que privées.

SWE

NLD

3,0 2,5

NOR FIN CHE BEL DNK

2,0 ISL LUX

1,5

NZL

1,0

CZE 2

R - 0,2383

0,5

0

1

SLO USA AUS

POL

KOR

SVK

0 2

FRA

CAN

JPN

DEU

AUT ESP

HUN PRT

3

4

5

6

7

Part de la population âgée de plus de 80 ans (%)

Les dépenses sociales liées à la dépendance ne sont pas comptabilisées pour les pays suivants (qui n’incluent que les dépenses de soins) : Autriche, Belgique, Canada, Danemark, Hongrie, Islande, Norvège, Portugal, Suisse et États-Unis.

Source : OCDE Social and Demographic Database, 2010, et OCDE Health Data 2010.

Augmentation du nombre de personnes âgées de plus de 60 ans souffrant de démence Selon différents scénarios – Allemagne Population âgée de plus de 60 ans souffrant de démence 3 500 000 Medium LE (Constant) 3 000 000

Medium LE (Dynamique) Constant LE (Constant)

2 500 000

2 000 000

1 500 000

1 000 000 2006

2010

2014

2018

2022

2026

2030

2034

2038

2042

2046

2050 Année

Source : Uta Ziegler, 2010.

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2.3 – L’aide informelle

les aidants à charge sévère, un impact très négatif sur leur qualité de vie, ainsi que sur leur santé. En effet, l’état de stress chronique auquel ils peuvent être soumis entraînerait une hausse des pathologies cardiovasculaires et des dépressions. Certaines études L’aide informelle est très conséquente aujourd’hui. vont jusqu’à mentionner une hausse importante de la Ceci est vrai y compris dans des pays tels que la mortalité. Le fait d’avoir apporté de l’aide informelle à Suède où existe une forte prise en charge publique. un malade Alzheimer semble également engendrer un Une étude suédoise publiée en 2002 (13) estimait ainsi risque accru de souffrir à son tour de cette maladie. que 70 % de l’aide apportée aux personnes de plus de 75 ans en Suède en 2000 était de l’aide informelle. L’aide informelle, aide non professionnelle apportée par l’entourage, est une ressource qui pourrait se raréfier.

Cette aide informelle élevée ne se traduit pas directement dans les finances publiques. Elle a pourtant un coût puisqu’elle incite un certain nombre d’aidants à réduire leur activité professionnelle, voire à arrêter de travailler. Certaines études suggèrent que pour les aidants « à faible fardeau » (14) l’impact de l’aide informelle pouvait être positif (sentiment d’utilité, liens plus forts avec l’aidé). Cependant, la grande majorité des travaux sur le sujet a montré, en particulier pour

(13) « The Shifting Balance of Long-Term Care in Sweden », Sundström et al. (14) Le niveau de « fardeau » est évalué à l’aide d’un questionnaire sur la fréquence et l’intensité des conséquences de l’aide pour l’aidant, aux plans psychologique, physique et social.

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Limitation des actes de la vie quotidienne et aide informelle reçue Pourcentage de la population recevant de l’aide informelle par nombre d’AVQ perdus 90 % 1 AVQ 80 % 70 %

2 AVQ 3 AVQ

60 % 50 % 40 % 30 % 20 % 10 % 0% Pays-Bas Danemark Suède

France

Suisse Belgique Allemagne Autriche Pologne

Italie

Grèce

Espagne

Irlande

Rép. tchèque

Note : AVQ = Activité de la Vie Quotidienne Échantillon : personnes âgées de 50 ans et plus. Années 2004-2006. Source : Estimations OCDE basées sur l’étude SHARE.

Nombre d’heures d’aide informelle fournies Pourcentage d’aidants par nombre d’heures d’aide fournies chaque semaine 0-9 heures 80 %

10-19 heures 20 heures et plus

70 % 60 % 50 % 40 % 30 % 20 % 10 % 0% Dan. Suisse Suède Irlande Pays- France Bas

All.

Aust.

Roy. Uni

Aut.

OCDE 17

Belg.

Note : Échantillon de personnes âgées de 50 ans et plus (45+ pour la Corée). Années étudiées : 2005-2007 pour l’Australie, 1991-2007 pour le Royaume-Uni, 2004-2006 pour les autres pays européens, 2005 pour la Corée et 1996-2006 pour les États-Unis.

Rép. Italie tchèque

Pol. Grèce ÉtatsUnis

Esp.

Corée

Source : Estimations OCDE à partir des études HILDA (Australie), BHPS (R-U), SHARE (autres pays européens), KLoSA (Corée) et HRS (États-Unis).

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3. LES RÉPONSES AU RISQUE Un récent rapport de l’OCDE sur la prise en charge de la dépendance (15) classe les prises en charge publiques en trois grandes catégories. La première est une prise en charge universelle au sein d’un système unique avec 3 sous-catégories : modèles financés par l’impôt, assurance dépendance publique, soins par prise en charge sanitaire. La deuxième catégorie est un système se concentrant sur les plus démunis. La troisième catégorie est constituée de systèmes mixtes de prises en charge publiques et privées. Pour la prise en charge privée, deux grandes familles de produits ont été développées par les assureurs sur différents marchés : les produits forfaitaires qui servent une prestation fixe dès que l’assuré devient dépendant et les produits indemnitaires qui remboursent les coûts des soins nécessaires.

maximal de l’aide à domicile est de 1 235 euros (à fin 2010), la moyenne des montants versés après ticket modérateur se situe aux alentours de 820 euros. Le nombre de bénéficiaires de l’APA ne cesse de progresser. Au 30 septembre 2010, ils étaient 1 185 000, soit 3,2 % de plus qu’un an plus tôt. Ce système, qui est à la fois coûteux pour les finances publiques et insuffisant pour les personnes dépendantes, devait être réformé. Diverses pistes ont été envisagées. Du fait du calendrier électoral, la réforme aura lieu, au mieux, en 2013.

Un marché privé ancien et développé La France est l’un des marchés les plus développés en assurance dépendance. Le premier produit dépendance y a été lancé en 1986. De nombreux assureurs proposent désormais ce type de contrats, 3.1 – Des prises en charge variées tant en garantie principale qu’en complémentaire, en France individuel qu’en collectif. Le marché actuel est estimé La France possède déjà une expérience conséquente à 5,5 millions de personnes couvertes, soit un taux tant sur la prise en charge publique que sur le mar- de pénétration de presque 10 %, ce qui en fait le preché privé. mier marché mondial pour l’assurance dépendance facultative. Après une période de forte croissance de 2000 à Une prise en charge publique confrontée 2005, le marché français s’est nettement ralenti, à des problèmes de financement Le système de prise en charge français (Allocation beaucoup d’acteurs étant dans l’attente d’une Personnalisée d’Autonomie ou APA) est un système nouvelle loi sur la prise en charge des personnes géré par répartition cofinancé par l’État et les dépar- dépendantes. tements. Le niveau de dépendance est évalué à l’aide Le produit typique français est un produit de rentes de la grille AGGIR par une équipe socio-médicale. Le couvrant les dépendances sévères. montant de l’aide versée est déterminé en fonction de De plus en plus d’assureurs se lancent dans la couplusieurs facteurs (niveau de dépendance exprimé en verture de la dépendance partielle, pour laquelle la GIR 1 à 4, plan d’aide individuel accordé et exprimé demande est forte. Cependant, ce risque est assez en pourcentage du montant maximal accordé par difficile à estimer et donc à tarifer. Le marché français GIR, prise en charge à domicile ou en institution). Un s’oriente également vers l’extension des services mécanisme de ticket modérateur selon le revenu est proposés, la prévention – qui permet, en outre, de ensuite appliqué. Ainsi, si pour un GIR 1 (niveau de conserver un lien avec l’assuré sur des contrats de dépendance le plus sévère), le montant théorique longue durée – et l’aide aux aidants. (15) « Help Wanted? Providing and paying for Long-Term Care » (OCDE 2011).

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Allemagne Un système par répartition en déséquilibre, un marché privé complémentaire très dynamique Le système de prise en charge allemand de la dépendance, ou Pflegeversicherung, est entré en vigueur en 1995. Le système obligatoire est à la fois public et privé. Le socle obligatoire est constitué d’un régime social, couvrant environ 90 % de la population et d’un régime privé, auquel peuvent cotiser les personnes dont le revenu dépasse un certain seuil, et qui couvre les 10 % restants. Au-delà de ce socle, il existe un marché privé complémentaire facultatif. Une part croissante est gérée par le privé, avec le développement des couvertures complémentaires. S’agissant de la partie obligatoire publique, le système est financé par répartition, à travers une cotisation sur les salaires et les retraites. Cette cotisation était initialement de 1,70 % des revenus. Le déficit du système a amené le gouvernement allemand à rehausser dans un premier temps ce taux à 1,95 % (avec un supplément de 0,25 % pour les personnes sans enfant). Cette hausse qui a pris effet en 2008 devait garantir l’équilibre jusqu’en 2014. Cependant, une deuxième hausse est prévue pour 2013 (0,1 point supplémentaire), de pair avec une réévaluation des prestations. Le socle obligatoire privé, quant à lui, est financé par des primes tenant compte du risque âge par âge. Le marché complémentaire privé semble bénéficier de la situation actuelle, avec un taux de croissance de l’ordre de 20 % en 2010 et plus de 1,3 million de contrats souscrits. Ce marché est dominé par les assureurs santé. La part de marché des assureurs vie est de seulement 3 % car ils sont tenus de garantir les primes alors que les assureurs santé ont la possibilité de les ajuster.

pour les plus démunis. Certains économistes ont dénoncé les défauts majeurs de cette prise en charge, qui permettrait à certains de bénéficier du système public malgré un niveau de richesse suffisant pour assumer leur dépendance. Les critères retenus pour l’évaluation de cette richesse ne sont pas, en effet, toujours adéquats. En 2011, un projet de réforme (16) envisageait un partenariat public-privé accompagné d’incitations au développement de produits collectifs au sein des entreprises. Il n’a finalement pas été retenu. Le marché privé a deux facettes : il s’agit de l’un des marchés les plus développés (8 millions de contrats selon l’AALTCI) et les plus anciens, mais également d’un marché ayant connu de fortes pertes pour les assureurs et des hausses de primes très importantes pour les assurés. De nombreux acteurs majeurs en sont sortis. En effet, le produit américain classique est un produit de remboursement, particulièrement complexe à tarifer et à piloter, puisqu’il oblige à évaluer les évolutions des prix des soins médicaux et des maisons de retraite. Sur ces produits, les assureurs américains ont historiquement sous-évalué la morbidité et surévalué la mortalité et les taux de chute, ce qui a entraîné les pertes susmentionnées. Actuellement, les assureurs essaient d’innover sur ce marché. Il devient possible d’opter pour un produit de type « rente » et les assureurs tentent de développer des produits « combos », assurance vie couplée à une garantie dépendance.

Singapour

États-Unis

Avec son plan ElderShield mis en place en 2002, Singapour fait souvent figure d’exemple de partenariat public-privé pérenne. Ce plan, qui s’appuie sur un cahier des charges élaboré par le ministère de la Santé, et porté par des assureurs, enrôle automatiquement tous les Singapouriens possédant un compte

La prise en charge publique est principalement réalisée via Medicaid, pour les seniors, et Medicare,

(16) Long Term Care Class Act Program.

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Medisave (85 % de la population) entrant dans leur 40e année, avec possibilité d’abandon. Les avantages lors de la souscription automatique (en particulier l’absence de sélection médicale) disparaissent en cas de nouvelle entrée si l’on a choisi de quitter le plan. La première année, l’enrôlement automatique a été étendu à tous les Singapouriens âgés de 40 à 65 ans et des mesures spécifiques ont été créées pour permettre aux plus de 65 ans de bénéficier d’une couverture contre la dépendance. Le taux de sortie du plan, qui atteignait 40 % la première année, se situe aujourd’hui à moins de 10 %. Une évaluation du système destinée à apporter des corrections éventuelles est prévue tous les 5 ans. Trois assureurs proposent le produit standardisé, produit de rentes versant de l’ordre de 400 dollars singapouriens (17) sur 6 ans en cas de survenance d’une dépendance. Initialement, les rentes étaient de 300 dollars sur 5 ans, mais lors de l’évaluation de 2007, une amélioration de la couverture a été décidée. Les assureurs proposent un certain nombre d’options facultatives améliorant la prise en charge. Les dépendances couvertes sont des dépendances sévères, et les primes sont fonction du sexe et de l’âge d’entrée dans le plan, le revenu n’étant pas pris en compte. Les assurés sont alloués aléatoirement à chaque assureur. Ils peuvent en changer s’ils le désirent mais le taux de rotation est faible.

Japon Au Japon, depuis l’instauration du « Gold Plan » en 1989, puis de la « Long Term Insurance Law » en 2000, la dépendance est prise en charge par un système d’assurance universel qui couvre la dépendance des personnes âgées de plus de 65 ans ainsi que les « maladies liées à l’âge » – de type Alzheimer – à partir de 40 ans. Les municipalités gèrent cette prise en charge. Après évaluation, les demandeurs se voient (17) 233 euros au 12 juillet 2011. À titre de comparaison, le salaire mensuel moyen d’un technicien de surface était de 525 euros en juin 2010 selon le Singapore Department of Statistics.

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attribuer un plan de soins. Le système repose sur un remboursement des frais liés à ce plan de soins. Celui-ci peut couvrir la prévention, les soins à domicile, l’hébergement de courte ou de longue durée. Un ticket modérateur de 10 % est appliqué depuis 2000. Le financement provient pour moitié des cotisations des assurés et pour moitié des organismes publics. Cette prise en charge est coûteuse pour les finances publiques et devrait augmenter de façon importante dans un futur proche. Les produits d’assurance privés sont présents sur ce marché depuis 1985. Les produits proposant une garantie principale dépendance progressent actuellement.

Corée du Sud La Corée du Sud a initialement développé un marché pour l’assurance dépendance privée. En 2003, Samsung Life a lancé un produit dépendance inspiré du modèle français, et qui a connu un certain succès (200 000 polices en 2006). Cependant, en 2008, l’État coréen a mis en place une prise en charge publique qui a considérablement limité ce marché. Le nouveau dispositif prend en charge les plus de 65 ans souffrant de perte d’autonomie ou les personnes plus jeunes atteintes de maladies gériatriques. Il est financé par des contributions au système de santé, versées par toutes les personnes en âge de travailler. Il propose des services et une aide monétaire en cas de dépendance.

Suède La Suède couvre généreusement la perte d’autonomie, pour toute personne souffrant de limitations fonctionnelles, cognitives ou sociales. Le choix du placement en établissement collectif ou du maintien à domicile est laissé en dernier recours à la personne dépendante, notamment depuis les années 2000. Auparavant et dès les années 1970, la Suède avait largement investi dans la prise en charge des personnes âgées

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en établissement. L’évaluation est faite à partir des besoins exprimés par la personne. Le système est géré au niveau local. Il s’agit d’aides sous forme de services à domicile, de soins ou encore de prises en charge au sein de différents types de structures institutionnalisées. Il n’existe pas d’aide sous forme monétaire. Le financement se fonde principalement sur l’impôt, avec une participation très restreinte des usagers (5 % des coûts en 1997). Le principal problème est le coût élevé de cette prise en charge pour les finances publiques.

raison de l’inadaptation des produits proposés que de la forte présence du marché des maladies redoutées dont l’offre fait, en quelque sorte, « concurrence » à la couverture dépendance. La question de la dépendance a été récemment éclipsée par l’acuité du débat sur la retraite et les fonds de pension. Cependant, de nombreux rapports montrent qu’elle est désormais de plus en plus prégnante. Les options les plus fréquemment considérées sont un partenariat public-privé, un développement de l’assurance privée ou une assurance obligatoire.

Espagne

Autres pays

La loi sur la prise en charge de la dépendance est entrée en vigueur le 1er janvier 2007. Elle est mise en place progressivement. Les dépendances les plus sévères ont été couvertes en priorité, puis les dépendances plus modérées ont été intégrées. La loi garantit des prestations sous forme de services pour les personnes répondant à certains critères de richesse (revenu et patrimoine), et sous forme d’allocations en espèces pour toutes les personnes présentant un besoin de soins. Le marché privé présente un potentiel de développement, eu égard aux caractéristiques démographiques espagnoles. Il demeure, cependant, limité à ce jour.

Plusieurs régions du monde, la Chine et l’Europe de l’Est notamment, vont subir un vieillissement accéléré au cours des prochaines décennies. La dépendance des personnes âgées y constituera certainement un enjeu important. D’autres pays subissant déjà un niveau élevé de vieillissement démographique paraissent avoir une marge importante de développement. L’Italie par exemple, dont le marché privé semble commencer à progresser. De même, le marché belge présente un potentiel de développement pour les produits dépendance. Le plan de prise en charge publique mis en place sur les régions Flandres/Bruxelles démontre une prise de conscience, tout en restant largement insuffisant pour couvrir les Royaume-Uni besoins de la population. Quant à un pays comme la La prise en charge de la dépendance est un sujet fré- Suisse, où la collectivité couvre relativement bien les quemment débattu. Pour l’instant, la prise en charge besoins des plus démunis, c’est la population aisée publique est jugée fragmentée et lacunaire. Elle est qui semblerait la plus directement intéressée par le gérée par les collectivités locales et principalement au développement de l’offre de produits dépendance. bénéfice des plus démunis. Il existe également une aide universelle sans condition de ressources pour les personnes dépendantes de plus de 65 ans, mais elle est d’un montant peu élevé (au maximum 288 £ par mois). Le marché privé est quasi inexistant – le dernier assureur proposant un produit en garantie principale s’en est retiré en 2010. Auparavant, certaines tentatives s’étaient révélées infructueuses, tant en

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3.2 – Tableaux synoptiques des principaux marchés

Systèmes publics Pays

Plan

Caractéristiques

Difficultés/Avantages

Définition de la dépendance

France

APA

- Réforme en cours

- Couverture insuffisante - Charge importante pour certains départements

- Grille AGGIR

Allemagne

Pflegeversicherung

- Assurance obligatoire - Financée par un taux de 1,95 % des revenus (2,10 % pour les célibataires)

- Important problème de financement - En déficit 4 ans après sa création

- 3 niveaux de dépendance liés au nombre d’heures de soins

Japon

Golden Plan Kaigo-Hoken

- Système de remboursement

- Problèmes de financement

- 6 niveaux de dépendance

USA

Medicaid Medicare

- Contraintes de ressources pour Medicaid - Couverture insuffisante - Coût non négligeable - Incitation à la souscription de contrats privés - Mauvaise allocation des ressources

Singapour

ElderShield Scheme

- Enrôlement automatique avec possibilité de sortie - Prestation forfaitaire - Partenariat public-privé

- Système pérenne - Large couverture de la population

- 3 AVQ sur 6

Espagne

Mise en place progressive

- Incitation à la souscription de contrats privés en cas de dépendance lourde

- Couverture insuffisante

- 3 niveaux 2 sous-niveaux

Belgique

Plan Flandres et Bruxelles

- Prestations en cash

- Problèmes de définition - Doublement des cotisations trois années après le lancement

- Grille avec 3 sous-grilles et scores (BEL)

- Basée sur les soins

Marchés privés Pays

Taille du marché

Spécificités du marché/Caractéristiques des produits

France

5,5 millions de personnes couvertes 1,6 million – Assureurs 3,6 millions – Mutuelles 300 000 – Instituts de prévoyance (2010)

- Premier produit lancé en 1986 - Produits de rente - Produit couvrant en grande majorité la dépendance sévère - Importante croissance entre 2000 et 2005 (20 %), stagnation depuis 2005 - Pour les contrats souscrits auprès de sociétés d’assurance, l’âge moyen de souscription est de 60 ans - En 2008, quatre compagnies représentaient 75 % du marché : CNP, Groupama, AG2R et Predica - La bancassurance est très présente sur ce marché (50 %)

USA

Marché estimé à 8 millions (2010)

- Produits de remboursement. Marché ayant subi d’importantes pertes (dues à des problèmes de tarification sur de nombreux produits) - Contrats privés couvrant la perte de 2 AVQ/6 pendant 90 jours - De nombreux acteurs sont sortis de ce marché

Allemagne

1,3 million de contrats pour le complémentaire, 8 millions de personnes couvertes par le privé obligatoire (2010)

- En grande majorité, produits de rentes. Quelques produits de remboursement ont été commercialisés - 97 % d’assureurs santé, 3 % d’assureurs vie - Les enfants sont couverts automatiquement grâce aux polices de leurs parents - Pas de limite d’âge, les dépendances sont assurées pour des sinistres à tout moment de la vie

Japon

Marché estimé à environ 2 millions de polices en 2000

- Produits en garantie principale ou en complémentaire d’un contrat santé - Majoritairement des produits de rentes - Marché ayant connu un essor important au début des années 1990, en phase de stagnation depuis 2000

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3.3 – Prévention et gérontechnologie Hormis les avancées médicales, la prévention de la dépendance est le principal terrain d’action porteur d’espoir pour le futur. Elle permet de reculer l’âge d’entrée en dépendance, voire d’éviter certaines survenues de la perte d’autonomie. Son champ de recherche, actuellement en plein essor, promeut des comportements vertueux : alimentation saine, activités physique et intellectuelle, suivi médical, aménagement du cadre de vie… Les enjeux ne sont pas négligeables pour les dispositifs de santé, tant de base que complémentaires, d’un nombre croissant de communautés nationales vieillissantes.

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compris socio-économiques. Il dépend, en outre, de la sensibilité et de la réceptivité des personnes à risque. Il est donc essentiel de leur faire parvenir tout conseil de prévention sur un mode adapté à leurs situations propres. Ceci est vrai, en particulier, pour la communication des bonnes pratiques contre l’obésité et l’inactivité, qui sont aujourd’hui d’importants facteurs émergents de risque de dépendance.

L’activité quotidienne réduit la mortalité et améliore la santé cognitive. Or, la prévention du déficit cognitif s’avère particulièrement difficile. Comme déjà signalé, l’éducation semble être un facteur protecteur de la santé mentale à un âge avancé. Elle retarderait, par Il semble qu’un régime alimentaire, de l’exercice phy- exemple, l’apparition des symptômes cliniques de la sique et des interactions sociales aident à mieux vieillir. maladie d’Alzheimer. Cependant, il n’y a ni certitude ni consensus sur la nature précise de cette relation. Son observation sur Selon le concept de « réserve cognitive », les personnes les personnes de grand âge est encore assez limitée. pratiquant des activités physiques et intellectuelles On ne sait pas, en particulier, dans quelle mesure une auraient plus de résistance face aux maladies mentales. adoption tardive de ces bonnes pratiques peut rester Elles bénéficieraient, en effet, d’une protection contre le efficace. C’est une question pratique essentielle pour risque de développer des troubles cognitifs, la maladie élaborer et conduire les méthodes d’intervention les d’Alzheimer ou d’autres formes de démence. L’activité plus appropriées. de loisirs pourrait également diminuer la prévalence et l’incidence de la maladie d’Alzheimer. De même, les La plupart des maladies liées à l’âge présentent des activités sociales peuvent réduire la mortalité et le facteurs de risque modifiables et donc, a priori, acces- risque d’apparition des symptômes. sibles à la prévention. Sans être infaillible, le principe « jamais ni trop tôt ni trop tard » (18) est probablement une La recherche médicale a également considéré les bonne base pour agir. C’est ainsi que l’étude HYVET(19) effets de l’activité professionnelle. Elle suggère que a démontré que l’on pouvait réduire de 40 % le taux son prolongement, par report du départ en retraite, de mortalité et de 30 % l’incidence des accidents aurait un effet positif. C’est ce que semble indiquer le vasculaires cérébraux par traitement de l’hypertension rapprochement de deux études importantes. Il s’agit de artérielle des personnes de plus de 80 ans. De plus, l’étude Health and Retirement conduite aux États-Unis les progrès médicaux en cours et à venir favoriseront entre 1998 et 2006 et de l’étude SHARE(20) menée dans probablement ce type de prévention. L’adoption de bonnes pratiques est essentiellement affaire du « style de vie ». Or, la capacité à adopter un « style approprié » dépend de nombreux facteurs, y

(18) L’expression est empruntée au Pr Françoise Forette, telle que formulée lors du Global Forum for Longevity organisé par le Fonds AXA pour la Recherche en mars 2011. (19) Les résultats de cet important essai clinique, mené sur près de 4 000 patients dans le monde, ont été publiés en 2008. (20) Survey of Health, Ageing and Retirement in Europe.

AXA > La dépendance

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14 pays européens. On note, en outre, que les résultats Enfin, centrer la recherche sur les bons sujets est un observés en Europe et aux États-Unis sont comparables. préalable judicieux aux efforts de prévention. On constate, par exemple, que les maladies musculo-squelettiques, Le concept de personne âgée « fragile » a été développé comme l’arthrite, dont souffrent plus de la moitié des afin de mieux comprendre les états de prédépendance personnes de plus de 85 ans présentent un risque et les facteurs de perte d’autonomie. Rappelons d’abord invalidant très élevé. Or, ces maladies ne font l’objet que la dépendance résulte habituellement d’une patho- que de peu d’investissement en termes de recherche. logie (cardiaque, respiratoire, articulaire, AVC, cancer mais également maladie neurologique – démence ou Distincte et complémentaire de la prévention, la géronParkinson, voire dépression). Elle peut aussi être la technologie est un autre domaine porteur d’espoir pour conséquence, plus ou moins directe, d’un accident. le futur. Il ne s’agit plus de retarder ou d’éviter la surLes épidémiologistes s’efforcent actuellement de venue de la perte d’autonomie, mais d’accompagner mieux comprendre l’ensemble de ces mécanismes. et d’améliorer la vie quotidienne des personnes ayant Environ 10 % de la population très âgée présenterait perdu leur autonomie. La gérontechnologie regroupe un syndrome de fragilité. Il s’agit d’un état physiolo- diverses technologies incluant la télémédecine, la gique de vulnérabilité accrue au stress, qui fait qu’une géolocalisation, la robotique, la stimulation cognitive, personne devient dépendante devant un stress. Une la domotique ou encore les détecteurs de chute. Elle chute entraînant une fracture du col du fémur est un constitue une source d’innovations potentielles énorme, exemple de déclenchement classique. Les personnes et devrait permettre à une proportion de plus en plus affectées, souvent très âgées et faibles, doivent être large de personnes âgées de vivre à domicile le plus la cible privilégiée d’actions de prévention spécifiques. longtemps possible.

Fonds AXA pour la Recherche Le Fonds a vocation à accélérer les progrès scientifiques et les découvertes qui aident à comprendre les risques environnementaux, les risques pesant sur la vie humaine et les risques socioéconomiques. En 2011, plus de 80 nouvelles équipes académiques ont rejoint une communauté scientifique désormais forte de 290 équipes regroupant des chercheurs de 47 nationalités. L’appui financier que le Fonds délivre sans contrepartie à la recherche académique est unique en son genre en Europe. En mars 2011, le Fonds a organisé le premier Global Forum for Longevity, un colloque public auquel participait une quinzaine de scientifiques de premier plan. Le professeur Carol Jagger qui porte la chaire AXA sur la longévité et le bien-vieillir au sein de l’Université de Newcastle était du nombre. Elle y a notamment présenté l’étude « Newcastle 85+ » évoquée au chapitre 1.2 et à laquelle elle a participé. Plusieurs études spécifiques au risque dépendance sont actuellement en cours de préparation.

AXA > La dépendance

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4. LA MODÉLISATION DU RISQUE 4.1 – La modélisation de la dépendance repose Comme pour tout produit d’assurance, la qualité et sur des modèles multi-états la pertinence des données utilisées pour construire La modélisation la plus complète est classique et commune à d’autres produits d’assurance vie. Elle consiste à estimer pour un individu donné, d’une part, la probabilité de survie en bonne santé, puis la probabilité de devenir dépendant, et, d’autre part, la durée probable d’indemnisation une fois le risque avéré.

les lois de transition est un facteur essentiel de la modélisation. En général, les données assurantielles sont préférées aux enquêtes publiques qui n’utilisent pas nécessairement la même défi nition du risque et sont souvent fondées sur des informations déclaratives, moins robustes. Les données de portefeuille ont l’avantage d’identifier Pour cela, les opérateurs utilisent des modèles dits de manière précise l’évolution des polices. Comme « multi-états » schématisés ci-contre. Un individu, à un les premiers produits dépendance ont été lancés moment donné, ne peut se trouver que dans un seul dans les années 80, l’expérience des opérateurs des trois états : autonome, dépendant ou décédé. s’enrichit encore aujourd’hui d’année en année. Il La démarche consiste essentiellement à estimer les s’agit en effet d’un risque de long terme pour lequel probabilités de maintien dans un état donné et les il peut s’écouler une vingtaine voire une trentaine probabilités de passage d’un état à un autre. d’années entre la souscription et le sinistre ou le décès. L’expérience reste donc encore assez limitée I x 2. Dépendance aux âges les plus élevés, en particulier sur la mortalité des dépendants. Par ailleurs, la conception de P dd x produits simples garantit l’optimisation des données disponibles. En effet, les produits très segmentés P da x =0 avec une large panoplie d’options n’atteignent pas 1. Autonomie le volume nécessaire pour générer des indications aa Px statistiquement signifi catives. Pour les marchés qax q ix,t émergents, les opérateurs s’appuient fréquemment 3. Décès sur l’expérience des marchés les plus matures. * Les conditions de prise en charge prévoient souvent une clause d’irréversibilité de la dépendance ; c’est pourquoi la probabilité de passage de la dépendance vers l’autonomie est nulle dans le schéma ci-dessus.

4.2 – Les risques assurantiels

Les conséquences du vieillissement de la population affectent directement la modélisation de la dépenCes lois de transition sont estimées par âge, par dance. Les incertitudes liées à l’augmentation de sexe, voire par niveau de dépendance, si le produit l’espérance de vie en bonne santé et à la baisse de la en couvre plusieurs. Les modèles les plus aboutis, mortalité demeurent importantes. Il n’y a consensus appelés « semi-markoviens », ajoutent également ni sur les tendances de fond ni sur leur modélisation. une dimension supplémentaire en faisant dépendre Les impacts tarifaires ne sont pas négligeables et les probabilités de passage d’un état à un autre, du s’avèrent très variables en fonction des différents temps passé dans l’état précédent : la probabilité de scénarios d’évolution possibles : compression, stabidécéder la première année de dépendance est plus lité ou allongement de la période de morbidité. Face forte que les années suivantes, en particulier pour les à ces engagements à long terme, les opérateurs personnes de moins de 60 ans. complètent en pratique leur expérience par une marge

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Le Group Risk Management (GRM) d’AXA

Le GRM, qui a largement contribué à la préparation de ce cahier, a 3 missions principales : - Créer un cadre de risque sécurisé, en éclairant la prise de décision pour mieux sélectionner les risques. Pour cela, il a élaboré une série de standards, tels que le PAP (Product Approval Process) qui est appliqué à tout nouveau produit avant sa mise sur le marché. - Protéger le Groupe sur le très long terme en testant sa capacité à surmonter tous types de crises majeures et à résister à des conditions rares et extrêmes avec des impacts multiples. - Développer la culture des risques au sein du Groupe, par une formation et une communication qui permettent de sensibiliser les opérationnels à l’importance d’une bonne gestion des risques. Sur le risque dépendance, le GRM travaille étroitement avec les entités opérationnelles du Groupe AXA à travers le monde afin d’assurer la pérennité des produits lancés.

de sécurité, souvent établie à partir d’analyses de - le risque d’anti-sélection (22) : ce facteur supplémensensibilité de l’incidence et de la mortalité. taire n’existe pas dans le cadre d’une couverture universelle et obligatoire. En revanche, il apparaît dès En complément des risques biométriques, d’autres que la couverture est facultative et que l’adhésion risques assurantiels doivent être intégrés dans la constitue donc un choix. Dans ce cas, la sélection modélisation : médicale et l’application de délais de carence - le risque de taux de chute (21) : pour un produit dépen- peuvent partiellement protéger les opérateurs contre dance, une surestimation des taux de chute conduit les conditions préexistantes à la souscription. à une sous-estimation des tarifs ; - l’aléa sur le coût des prestations est à prendre en Une méthode alternative de modélisation s’appuie sur compte dans le cas des produits indemnitaires. La les taux de prévalence. Ce sont les ratios entre le modélisation doit donc être complétée par des hypo- nombre de dépendants et le nombre total d’assurés. thèses sur l’inflation des remboursements de soins et C’est une approche moins robuste car elle occulte des anticipations sur les conséquences éventuelles l’impact spécifique de chaque facteur de risque : le du progrès technique. portefeuille est projeté dans sa globalité, puis un ratio est appliqué par génération pour définir la charge Ces deux facteurs ont généré des pertes massives de l’assureur. Elle offre une perception globale où pour de nombreux opérateurs aux États-Unis par l’incidence, la mortalité des autonomes et celle des surestimation des taux de chute et sous-estimation dépendants ne sont pas distinguées. des remboursements futurs ; Certes plus simple à mettre en œuvre, la méthode ne permet pas un pilotage adéquat. Elle peut même, (21) Résiliation du contrat par l’assuré. (22) Ce risque d’anti-sélection ou « sélection adverse » est la conséquence dans certaines circonstances, conduire à une analyse d’une asymétrie d’information. L’assuré a, en effet, la possibilité d’utiliser erronée et à des décisions inadaptées. C’est le cas, à son avantage une information privée sur le niveau de risque qu’il présente dont lui seul est conscient. par exemple, si l’espérance de vie en bonne santé

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s’allonge, à taux d’incidence et mortalité en dépendance constants. Le nombre de personnes autonomes augmente, et le nombre d’entrées en dépendance progresse dans la même proportion. Dans ce cas de figure, l’approche par les taux de prévalence suggère qu’une baisse tarifaire est possible là où l’approche multi-états permet de mettre en évidence qu’une hausse tarifaire est indispensable au maintien de l’équilibre technique. Un monitoring complet et régulier est indispensable pour enrichir notre connaissance et anticiper les risques des années à venir. Le suivi du risque doit impérativement être mené au moyen des différents facteurs de la modélisation : incidence, mortalité des autonomes et mortalité des dépendants. Se doter de ces outils est essentiel pour mettre en œuvre rapidement les actions correctives d’une éventuelle dérive afin que les assurés bénéficient, à tout moment, du juste prix de leurs garanties.

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La couverture du risque de dépendance répond à un besoin de protection de plus en plus manifeste. Mais la plupart des nations ne pourront pas assumer une prise en charge publique pérenne de ce risque. Ceci devrait engendrer un besoin croissant de protection contre la dépendance par l’assurance privée. L’assurance dépendance nécessite une grande rigueur de conception, de tarification et de gestion. De nombreux opérateurs y travaillent et apportent des solutions notamment par la sensibilisation des populations à des âges jeunes – ce qui permet, en outre, d’étaler les coûts de protection dans la durée – et par le développement de services adaptés au risque.

Alors que de nombreux budgets sociaux sont en profond déficit, le débat public tend à se cristalliser sur le financement de la prise en charge… et sur des aspects principalement curatifs. Or, la prise en charge des pathologies et de la dépendance, une fois installées, s’avère très coûteuse. Aussi, la dépendance 4.3 – La prévention, un enjeu majeur doit-elle être impérativement considérée sous l’angle Les changements démographiques liés à l’allonge- de la prévention. Surtout, en poursuivant la lutte ment de la durée de la vie et au vieillissement des contre la dépendance, il faut définitivement éliminer populations mondiales constituent désormais une les stéréotypes négatifs que l’on projette encore trop toile de fond commune à de nombreux pays. Dans souvent sur les personnes âgées et mieux mettre en les cas les plus favorables, ce vieillissement s’est valeur les aspects positifs du vieillissement. accompagné d’une réduction du nombre d’années passées en mauvaise santé au bénéfice des années En Suède, la période de risque accru de dépendance passées en bonne santé. (c’est-à-dire l’écart entre l’espérance de vie et l’espérance de vie en bonne santé) est estimée à respectivement La recherche actuelle reste confrontée à de nom- 10 ans pour les hommes et 14,6 ans pour les femmes. breuses incertitudes sur les relations entre régime C’est mieux qu’ailleurs : environ 15 ans pour les hommes alimentaire, exercice physique, activité mentale, et 20 ans pour les femmes en France, par exemple. intégration sociale, incapacité et longévité. Les À l’heure où la compression de la morbidité et la préadaptations opérées dans la grande vieillesse ont- vention de la perte d’autonomie en fin de vie demeurent elles encore un impact positif ? Comment élaborer un enjeu majeur des politiques de santé publique pour la méthode d’intervention la plus appropriée ? Mais nombre de communautés nationales vieillissantes, aussi, bénéficierons-nous à l’avenir d’avancées médi- l’exemple suédois est un signe d’espoir et doit inciter à cales comme un vaccin préventif contre Alzheimer ? poursuivre les actions en matière de prévention.

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ÉLÉMENTS DE BIBLIOGRAPHIE ONLINE

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Pour en savoir plus sur AXA, rendez - vous sur axa.com Responsable de la publication : Direction de la communication et de la responsabilité d’entreprise – Communication institutionnelle & Group Risk Management – Juin 2012 Conception et réalisation : Crédit photos : Benoit Paillé, Getty Images, Corbis Ce document est imprimé avec des encres végétales sur du papier fabriqué à 100 % à base de fibres provenant de forêts gérées de manière durable et équitable ou contrôlées dans une usine certifiée ISO 14001 & EMAS, par un professionnel labellisé Imprim’Vert.