Le rôle du réseau Information Jeunesse sur les territoires : analyse et préconisations Rapport d’étude
Ministère de la Ville, de la Jeunesse et des Sports Direction de la jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative (DJEPVA)
AGENCE PHARE
François Cathelineau – Emmanuel Rivat Juillet 2015
Remerciements
Cette étude a été réalisée durant le premier semestre 2015 par François Cathelineau et Emmanuel Rivat, fondateurs de l’Agence Phare, sur demande de la Direction de la Jeunesse, de l’Education Populaire et de la Vie associative (DJEPVA) du Ministère de la Ville, de la Jeunesse et des Sports. Elle s’appuie sur les résultats de l’évaluation de l’expérimentation FEJ/IJ-SPRO, réalisée entre mars 2014 et février 2015 par l’Agence Phare, ainsi que par une enquête complémentaire menée entre mars et juin 2015. Nous remercions l’ensemble des professionnels du réseau Information Jeunesse qui nous ont accordé de leur temps pour cette mission, et notamment en Aquitaine, Auvergne, Bretagne, Centre, Limousin, Pays de la Loire, Poitou-Charentes et Rhône-Alpes. Les partenaires du réseau IJ, ainsi que les jeunes bénéficiaires de son action ont également apporté des points de vue pertinents sur le rôle et la place des structures Information Jeunesse sur les territoires – qu’ils en soient remerciés.
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Pour toute sollicitation concernant cette étude, contacter Emmanuel Rivat, co-fondateur de l’Agence Phare :
[email protected]
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Préambule
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Table des matières REMERCIEMENTS
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PREAMBULE
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TABLE DES MATIERES
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1.
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1.2. L’IJ : une offre de service locale et régionale à clarifier 1.2.1. Défi 3 : Mobiliser les Informateurs Jeunesse 1.2.2. Défi 4 : Renforcer les partenariats
1.3. L’IJ, au cœur d’un contexte en évolution 1.3.1. Défi 5 : S’adapter au désengagement progressif de l’Etat 1.3.2. Défi 6 : Mieux participer aux politiques de Jeunesse et au SPRO
1.4. Problématique : comment redéfinir le fonctionnement en réseau de l’IJ? 1.4.1. L’IJ : un réseau de réseaux de coopération 1.4.2. Une problématique, quatre axes d’étude
2.
L’INFORMATION JEUNESSE : ENJEUX ET ANALYSE
2.1. Un acteur au service des jeunes 2.1.1. Les différents publics de l’IJ 2.1.2. L’évolution des thématiques d’information 2.1.3. L’évolution des usages et des stratégies d’information des jeunes 2.1.4. Les atouts et faiblesses du service auprès des jeunes
2.2. La diversité des missions de l’Information Jeunesse 2.2.1. Un accueil pour tous les jeunes, non discriminant 2.2.2. L’information : un accompagnement des jeunes 2.2.3. La production d’outils informatifs aux formats papier et numérique 2.2.4. L’animation des territoires de vie des jeunes
2.3. L’animation du réseau IJ : un réseau de réseaux de coopération 2.3.1. Des animations complexes et peu efficaces 2.3.2. L’importance des BIJ- PIJ pouvant être relais ou force de proposition 2.3.3. Une autonomie des réseaux départementaux ? 2.3.4. Un CRIJ « tête de réseau » : une fonction incitative ? 2.4. Une offre de service locale et régionale inégale et peu identifiée 2.4.1. Une labellisation devenue obsolète 2.4.2. Un niveau de formation peu identifié 2.4.3. Un niveau de reconnaissance et de mobilisation hétérogène
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1.1. Le réseau IJ : un acteur généraliste de l’information 1.1.1. Défi 1 : Maintenir un maillage fin du territoire 1.1.2. Défi 2 : Toucher autrement les publics
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INTRODUCTION
2.4.4.
La contribution aux politiques de Jeunesse sur les territoires
3. PROPOSITIONS, PRECONISATIONS ET SCENARIOS D’EVOLUTION POUR L’INFORMATION JEUNESSE 3.1. Vers un accompagnement à l’information pour les jeunes 3.1.1. Accompagner les jeunes à la construction d’un parcours de vie 3.1.2. Contribuer à la réalisation des projets des jeunes 3.1.3. Contribuer à l’incubation des jeunes et des associations 3.1.4. Aller vers un public plus large et plus varié 3.1.5. Atouts et freins à la mise en œuvre des préconisations 1-4
3.2. Renforcer les outils numériques et de pair-à-pair 3.2.1. Construire les outils numériques en fonction des jeunes 3.2.2. Faire participer les jeunes à la production d’outils informatifs au format vidéo 3.2.3. Faire le pari des outils de « pair-à-pair » et issus de l’éducation populaire 3.2.4. Ouvrir le débat sur la pertinence de certains documents « papier » 3.2.5. Atouts et freins à la mise en œuvre des préconisations 5-8
3.3. Formaliser et enrichir les outils au sein de l’Information Jeunesse pour mieux « faire réseau » 3.3.1. Faciliter la conception décentralisée et expérimentale de projets 3.3.2. Mettre en œuvre des outils de diagnostic et d’évaluation communs à l’IJ 3.3.3. Créer des plateformes régionales et une plateforme nationale collaborative 3.3.4. Proposer de nouvelles formations, avec des modalités adaptées 3.3.5. Atouts et freins à la mise en œuvre des préconisations 9-12
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3.4. Vers une plus grande inclusion du réseau IJ dans les politiques de Jeunesse 82 3.4.1. Renforcer le CRIJ dans son ancrage territorial et son rôle d’animateur régional 82 3.4.2. Soutenir l’offre « hors les murs » auprès des partenaires opérationnels 84 3.4.3. Renforcer la connaissance des besoins des jeunes et des territoires : une perspective Open Data 86 3.4.4. Formaliser et valoriser un argumentaire auprès des partenaires politiques 89 3.4.5. Atouts et freins à la mise en œuvre des préconisations 13-16 91
CONCLUSION
4.1. Les grands enseignements de l’étude 4.1.1. Les atouts de l’IJ sur les territoires 4.1.2. Les points de faiblesse ou d’amélioration
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4.2. Synthèse des préconisations proposées 4.2.1. Le service rendu aux jeunes 4.2.2. Les outils à destination des jeunes 4.2.3. Les outils pour « faire réseau » au sein de l’IJ 4.2.4. La contribution du réseau IJ aux politiques de Jeunesse
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4.4. Orientations stratégiques du réseau IJ : plusieurs scénarios d’évolution 4.4.1. Portage local de l’IJ : trois scénarios 4.4.2. Gouvernance régionale de l’IJ : trois scénarios
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4.3. Pour une mise en débat des préconisations 4.3.1. Clarifier l’offre de service régionale 4.3.2. Mettre en débat les préconisations
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4.
4.4.3. 4.4.4.
5.
5.1. 5.2.
ANNEXES
Annexe 1 : Organismes enquêtés pour l’étude de terrain complémentaire (2015) Annexe 2 : Synthèse de l’évaluation de l’expérimentation FEJ/IJ-SPRO Annexe 3 : Une cartographie de l’environnement d’un BIJ
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5.3.
Labellisation de l’IJ : trois scénarios Financement de l’IJ : trois orientations
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1. Introduction
Le réseau Information Jeunesse revendique une approche « généraliste » et « globale » de l’information des jeunes sur la construction d’un parcours de vie en mobilisant ses professionnels autour de plusieurs thématiques: culture et les loisirs, le logement, la santé, le montage de projets, l’engagement, le transport, la mobilité internationale, ou encore l’orientation, la formation et l’emploi1. Le cœur de métier de l’information jeunesse se définit comme « l’accueil du public pour de l’information globale qui oriente la démarche du jeune vers des décisions, des choix, des projets »2.
Cette étude vient combler alors un manque dans la connaissance du rôle du réseau Information Jeunesse sur les territoires. Les études portant sur les missions, le(s) public(s), et les grandes orientations de l’Information Jeunesse sont rares, ou ne sont pas uniquement centrée sur le rôle de l’Information Jeunesse3. Plus encore, les études portent souvent et davantage sur les stratégies d’information des jeunes, sans reposer sur une méthodologie commune, ce qui ne facilite pas la comparaison des travaux.
1.1. Le réseau IJ : un acteur généraliste de l’information
Le réseau Information Jeunesse regroupe 1530 structures réparties sur l’ensemble du territoire national et accueille plus de 5 millions de jeunes par an sur l’ensemble du territoire4. Il s’agit d’un contexte d’action en évolution, marqué par la spécialisation accrue de nombreux acteurs et les nouvelles formes d’information des individus, et notamment des jeunes.
1.1.1. Défi 1 : Maintenir un maillage fin du territoire
Le réseau Information Jeunesse a une identité bien spécifique. Alors que les autres structures pouvant s’adresser aux jeunes (CIO, Pôle Emploi, Mission Locales) proposent une offre d’information, d’orientation ou bien s’insertion sociale sous la forme d’une prestation de service, il propose depuis 40 ans une offre d’information ayant pour objectif d’aider et d’accompagner les jeunes, sans les placer dans une catégorie d’âge ou de besoins, à répondre à tout un ensemble de besoins de la vie quotidienne et de la construction d’un parcours de vie.
Fondé en 1969, le réseau Information Jeunesse est animé à l’échelle nationale par deux types de structures : il a été pendant longtemps piloté par le Centre d’Information et de Documentation Jeunesse (CIDJ), qui est désormais surtout tourné vers la production et la diffusion d’outils d’information pour les jeunes ; l’Union Nationale de l’Information Jeunesse (UNIJ), beaucoup plus La formulation de ces thématiques peut varier d’une Région à une autre, d’une structure IJ à une autre, mais elles constituent une typologie qui est repris systématiquement reprise. 2 DDCS Isère, Enquête départementale sur la place et le rôle de l’Information Jeunesse dans les politiques territoriales de la jeunesse, janvier 2011. 3 On notera notamment, parmi ces travaux, INJEP, Le réseau Info Jeunesse : vitalisme et professionnalisme, Rapport du séminaire national de l’Information Jeunesse, 2007, p.1-82, Vérès Consultants, Les jeunes et l’information dans leur parcours personnel : orientation, insertion professionnelle, mobilité, logement. Enquête réalisée en Ardèche, juin 2008, Perez, C., Personnaz, E., « Les services d’information, de conseil et d’orientation professionnelle des adultes », Cereq, Relief, n°27, 2008, Berthet, T., Dechezelles, S., Gouin, R., Simon, V., « Les acteurs locaux de l’orientation : un exemple aquitain », Notes Emploi Formation, n°35, septembre 2008, Marquié, G., « Jeunes et information : pratiques de jeunes, pratiques professionnelles, enjeux et postures pour les professionnels du réseau information jeunesse », Rencontre régionale du réseau information jeunesse de Haute-Normandie, juin 2011. 4 INJEP, Le réseau Info Jeunesse : vitalisme et professionnalisme, Rapport du séminaire national de l’Information Jeunesse, 2007, p.1-82. Agence Phare – Étude sur le cadre d’intervention de l’Information Jeunesse – Juillet 2015
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récente et actuellement en cours de structuration, joue un rôle d’espace de rencontre et de coordination des CRIJ.
A l’échelle régionale et locale, le réseau Information Jeunesse propose une information aux jeunes sous l’impulsion des Centres Régionaux d’Information Jeunesse (CRIJ), qui animent un réseau de Bureaux d’Information Jeunesse (BIJ) et Points Information Jeunesse (PIJ), adossés à des organismes très diverses (associations, services Jeunesse de collectivités territoriales, Missions Locales, voire plus rarement des hôpitaux ou des CCAS). La distinction entre BIJ et PIJ se situe principalement dans la superficie de leurs locaux et le nombre de professionnels qui y travaillent. Encadré 1 : Les principes déontologiques de l’Information Jeunesse
La liberté d’accès à l’information : les services sont offerts à tous les jeunes sans discrimination. L’information est facilement accessible et gratuite.
L’accueil des jeunes : chaque usager est traité en respectant son individualité, sa vie privée, son droit à l’anonymat. L’accueil est organisé de façon à renforcer l’autonomie des jeunes, leur capacité d’analyse et d’utilisation de l’information. Une information adaptée aux jeunes : l’information répond aux besoins et aux demandes des jeunes et s’adapte à leurs évolutions et à celles de la société. Une information objective et indépendante : tout est mis en œuvre pour délirer une information objective, vérifiée, indépendante de toute influence religieuse, politique, idéologique ou commerciale. Source : Charte de l’Information Jeunesse5
Alors que les partenaires peuvent attendre une offre de service locale et régionale suffisamment harmonieuse de la part des CRIJ, la force de l’IJ porte alors sur la manière dont les structures parviennent à respecter ou faire évoluer le label, et maintenir ou développer un maillage significatif du territoire. Deux questions se posent. Quels types de structures peuvent ou pourraient donc prétendre à un label IJ ? De quelle façon le label peut-il assouplir l’accès au label IJ, tout en renforçant certaines exigences pour garantir la qualité de service et la mobilisation des BIJ et PIJ sur les territoires ?
1.1.2. Défi 2 : Toucher autrement les publics
Si l’Information Jeunesse dispose d’une identité spécifique par rapport aux autres structures, et joue très certainement un rôle important auprès des jeunes, certains acteurs du réseau Information Jeunesse constatent une baisse de la fréquentation physique des structures IJ par les jeunes, bien que le constat ne soit pas propre à l’Information Jeunesse6. Plus encore, il est avéré que l’Information Jeunesse touche seulement une partie du public des jeunes, qui reste à l’écart des circuits d’information et d’orientation.
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Charte de l’Information Jeunesse : http://www.jeunes.gouv.fr/IMG/UserFiles/Files/Charte%20IJ%20europe%20TIC%20actualis%C3%A9e%20%20.pdf 6 Entretien avec des professionnels IJ en Pays de la Loire, en Poitou-Charentes, 2015. 5
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Une première cause à cette diminution de la fréquentation des structures IJ par les jeunes peut être un changement dans la demande des nouvelles générations. Alors que les Informateurs Jeunesse mettent en avant un accueil gratuit, ouvert et qu’ils jugent globalement « attractif », les études notent que les jeunes peuvent avoir des difficultés à se rendre dans des structures qui, même
comme le réseau Information Jeunesse, peuvent apparaître comme encore très formelles et institutionnelles lorsque les Informateurs restent derrière leurs bureaux7.
Une deuxième cause de cette diminution de la fréquentation peut trouver sa source dans l’usage croissant par les jeunes du numérique pour s’informer. Comme le montrent de nombreuses études, les jeunes utilisent de plus en plus le numérique, sous des formes diverses (sites Internet, applications smartphones), ce qui pose la question de la pertinence des documents papier (classeurs, brochures)8. Les demandes ne sont plus nécessairement les mêmes : disposant souvent déjà d’une ou de plusieurs informations, les jeunes attendent qu’on les aide à juger de leur pertinence. Alors que les pratiques, les stratégies et les exigences des jeunes changent, il apparaît dès lors clairement que la présente étude doit apporter des éléments de réponse à deux questions : comment le réseau Information Jeunesse peut-il continuer à informer et communiquer son offre de service auprès des jeunes, et notamment des jeunes en difficulté à la marge des circuits d’information et d’orientation ? Quelle est la capacité de l’IJ à articuler accueil physique et numérique, et à innover autour du tournant numérique sans renoncer à la qualité de son accueil présentiel ?
1.2. L’IJ : une offre de service locale et régionale à clarifier
Pour préciser sa contribution à un contexte politique mouvant, l’inscription du réseau Information Jeunesse sur les territoires dépend autant de sa capacité à mobiliser un réseau propre d’acteurs que des partenaires autour d’objectifs communs.
1.2.1. Défi 3 : Mobiliser les Informateurs Jeunesse
Alors que le désengagement progressif de l’Etat se traduit par une baisse des subventions dans la plupart des régions, et que les collectivités territoriales peuvent faire de même, cette situation fragilise la capacité d’action du réseau Information Jeunesse. Confronté comme bien d’autres structures à la rationalisation des budgets, celui-ci se trouve sommé de faire aussi bien, sinon mieux, avec moins de moyens. Pour cela, une de ses principales ressources est la mobilisation du réseau des BIJ et des PIJ à l’échelle locale, même si dans certains départements le maillage a pu perdre en densité.
Un premier questionnement porte sur la manière dont les CRIJ peuvent animer et de coordonner le réseau IJ régional dans le contexte de la grande hétérogénéité des structures et des partenariats locaux des BIJ et PIJ. Pour ce faire, il apporte son avis sur la labellisation des structures nouvelles – ou à l’inverse suggérer le retrait du label en cas de non-respect du cahier des charges. Il peut également être sollicité par les BIJ et PIJ pour un soutien technique et méthodologique sur ses autres domaines de compétences : montage de projets, recherche de partenaires, outils de communication, outils pédagogiques, etc.
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Entretiens collectifs avec des jeunes en Pays de la Loire et en Poitou-Charentes, 2014. Comparaison des enquêtes du CRIJ Alsace (2013), du CRIJ et de l’ORS Bourgogne (2014) ainsi que du CRIJ Bretagne (2013).
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Un deuxième questionnement porte sur les modalités de mobilisation par les CRIJ du réseau Information Jeunesse en fonction des moyens dont ils disposent et des modes de gouvernance qu’ils mettent en œuvre. Alors que certains CRIJ ont un mode d’animation qui demeure fortement hiérarchique et descendant, d’autres CRIJ ont initié des modes d’animation beaucoup plus
décentralisés et ascendants. Chaque mode d’animation de réseaux présente des atouts et des faiblesses qui peuvent impacter la mobilisation des structures IJ.
En tenant compte de ces différences régionales, l’étude a pour ambition de préciser quelle est la capacité des CRIJ à mobiliser effectivement les BIJ et les PIJ autour d’une offre de service commune qui soit lisible tant à l’échelle régionale, départementale que locale. L’étude permettra de répondre à deux questions : quels sont les méthodes et les outils d’animation de l’Information Jeunesse sur les territoires ? Quels sont les besoins et les perspectives de formation des professionnels ?
1.2.2. Défi 4 : Renforcer les partenariats
Au regard de ces différents enjeux, le questionnement du rôle de l’Information Jeunesse sur les territoires doit porter sur la relation des structures IJ avec les différentes parties prenantes qui composent leur environnement externe : les jeunes en premier lieu, mais aussi l’Etat et ses services déconcentrés, les collectivités locales et les associations, ainsi que leur environnement interne : CRIJ, BIJ, PIJ, CIDJ, UNIJ. Les études montrent que ces acteurs ont développés de nombreux partenariats locaux sur les territoires, au-delà des clivages nationaux entre les institutions9. Un premier questionnement porte sur sa capacité à renforcer et valoriser le fonctionnement des partenariats existants auprès des professionnels du réseau et d’autres partenaires. Trop souvent, comme la littérature a pu le souligner, les partenariats locaux dépendent de logiques « de personne à personne », sans que le fonctionnement des projets communs ne soit régulièrement formalisé10, ni que les effets en soient évalués et diffusés au reste du réseau Information Jeunesse et des partenaires, dans chaque région mais également à l’échelle nationale.
Un deuxième questionnement porte sur la capacité du réseau Information Jeunesse à renforcer des partenariats existants ou rencontrer de nouveaux partenaires sur ses thématiques de prédilection, voire sur des champs émergents de l’action publique. En raison de son caractère généraliste, le réseau Information Jeunesse peut être complémentaire de nombreux partenaires dans les secteurs du logement, de l’orientation, du sport, de la santé, de l’engagement, de la mobilité internationale, voire de créer des partenaires émergents dans le champ de l’économie sociale et solidaire.
Pour ce faire, le réseau Information Jeunesse devra vraisemblablement être en mesure de clarifier son offre de service régionale et de partager les actions et les outils innovants mis en œuvre sur les territoires. Comment les professionnels du réseau Information Jeunesse peuvent-ils échanger entre eux à l’échelle d’une région ou du territoire national ? Comment sont-ils en mesurer de participer à l’innovation territoriale en coopération avec leurs partenaires ? L’étude doit pouvoir apporter des réponses concrètes à partir de l’existant et des initiatives naissantes.
1.3. L’IJ, au cœur d’un contexte en évolution
Si l’identité de l’Information Jeunesse comme acteur généraliste de l’information est bien ancrée dans le paysage de l’action publique, le fonctionnement du réseau a pu être impacté par une transformation de son contexte d’action.
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Berthet, T., Dechezelles, S., Gouin, R., Simon, V., « La place des dynamiques territoriales dans la régulation de l’orientation scolaire », Formation emploi, n°109, 2010. 10 Vérès Consultants, Les jeunes et l’information dans leur parcours personnel : orientation, insertion professionnelle, mobilité, logement. Enquête réalisée en Ardèche, juin 2008 9
1.3.1. Défi 5 : S’adapter au désengagement progressif de l’Etat
A l’origine, la création et le fonctionnement du réseau Information Jeunesse a été impulsé par l’Etat autour d’une organisation bien spécifique. Alors que la création du réseau IJ a été mise en œuvre à travers plusieurs vagues successives après la création fondatrice du CIDJ en 1969 (création progressive des CRIJ dans les années 1970 et 1980 ; puis extension et formalisation du label aux BIJ et PIJ au cours des années 1980, 1990 et 2000), la DJEPVA et les services déconcentrés de l’Etat réalisent un accompagnement des structures Information Jeunesse autour de plusieurs missions : -
-
à l’échelle régionale, les DRJSCS (Directions Régionales de la Jeunesse, des Sports et de la Cohésion Sociale), accompagnent et valident le processus de labellisation de nouvelles structures et évaluent les actions menées par l’IJ. Elles peuvent également contribuer à animer, représenter ou soutenir politiquement le réseau IJ à l’échelle régionale ; à l’échelle locale, les DDCS (Directions Départementales de la Cohésion Sociale) et DDCSPP (Directions Départementales de la Cohésion Sociale et de la Protection des Populations), sous l’autorité du Préfet, accompagnent en principe la labellisation de nouvelles structures, contrôlent le respect du cahier des charges, et peuvent contribuer à l’animation départementale du réseau IJ.
L’accompagnement du réseau IJ par l’Etat n’est pas équivalent selon les régions : la place et l’influence des DRJSCS est plus ou moins forte politiquement au sein des services de l’Etat et auprès des Conseils Régionaux, ce qui peut impacter la reconnaissance de l’Information Jeunesse comme une priorité locale11 ; et le développement de l’Information Jeunesse est plus ou moins considéré comme une priorité par les DRJSCS et par les autres acteurs et services de l’Etat (Préfets, DIRECCTE, etc.). De fait, ceux-ci peuvent donc accorder aux acteurs du réseau IJ plus ou moins de moyens politiques et financiers, voire déléguer son animation à la charge du CRIJ.
Il faut alors prendre note que le rôle de l’Etat auprès de l’IJ a été marqué par un désengagement financier progressif, qui a pu maintenir ou accentuer les inégalités de moyens et de déploiement du réseau Information Jeunesse sur les territoires. Deux questions se posent alors : comment l’Etat peut-il encore continuer à garantir par une contractualisation la qualité du service de l’IJ et continuer à accompagner le réseau IJ sur les territoires ? Quelles sources ou pistes de financement l’Information Jeunesse peut-il solliciter ou obtenir ?
1.3.2. Défi 6 : Mieux participer aux politiques de Jeunesse et au SPRO
Identifier la contribution du réseau Information Jeunesse aux politiques de Jeunesse constitue un deuxième point de questionnement important. L’important maillage du réseau Information Jeunesse sur les territoires peut en effet en faire un interlocuteur, un relais et un animateur de référence pour les collectivités locales désireuses de renforcer leur action et la communication de leur action envers « La lutte contre le déclin du pouvoir de coordination de l’État local, incarné par les préfets, se heurte à la solidité de certains arrangements historiques parce qu’elle met en jeu simultanément une série d’équilibres de pouvoir entre différentes catégories d’agents (parlementaires et élus locaux/hauts fonctionnaires), entre différents échelons (central/régional/départemental), entre différents ministères (ministère de l’intérieur/ministères sectoriels) et corps concurrents », Baruch, M.-O., et Bezet, P., « Introduction. Généalogie de la Réforme de l’Etat », Revue Française d’Administration Publique, n°120, 2006, pp.625-633. Agence Phare – Étude sur le cadre d’intervention de l’Information Jeunesse – Juillet 2015
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les jeunes. De plus, avec la généralisation des intercommunalités, l’action ne se déploie plus seulement à l’échelle de la commune, mais sur un territoire élargi.
Il importe de tenir compte de deux difficultés majeures : d’une part, la jeunesse est fréquemment présentée comme une compétence transversale, tout en étant marquée par le manque de coopération ou de coordination entre les différentes échelles territoriales ; tout au plus est-il possible de parler de politiques de jeunesse locales12. D’autre part, la nature de ces politiques est très inégale : si dans certaines communes, l’attention portées aux associations de jeunes, aux jeunes et aux projets qu’ils portent est très volontariste, elle est pratiquement inexistante dans d’autres.
Il est également désormais important de prendre en compte la contribution réelle du réseau Information Jeunesse au SPRO. L’évaluation de l’expérimentation IJ-SPRO, réalisée entre février 2014 et février 2015, a pu montrer que si la reconnaissance du réseau Information Jeunesse comme un acteur de l’orientation est très inégale selon les régions, les structures qui le composent ont pu proposer aux jeunes un accueil d’information à l’orientation de premier niveau, clarifier leur complémentarité avec certains partenaires spécialistes de l’orientation, et innover sur de nouveaux outils d’information, notamment numériques13.
Le questionnement sur l’engagement et le rôle de l’Etat auprès de l’Information Jeunesse pose la question de savoir quels types de collectivités territoriales souhaitent ou peuvent porter la compétence jeunesse avec une réelle volonté politique et des moyens. Il intervient alors dans le contexte particulier de la réforme territoriale engagée en 2015. Deux questions se posent ainsi : comment le réseau Information Jeunesse peut-il désormais travailler avec services déconcentrés de l’Etat et les Régions pour assurer une information de qualité ? Comment peut-il également contribuer aux politiques de Jeunesse sur les territoires ?
1.4. Problématique : comment redéfinir le fonctionnement en réseau de l’IJ?
Pour que l’étude sur le rôle de l’Information Jeunesse sur les territoires clarifie les objectifs, les missions et le fonctionnement de l’IJ, nous proposons de partir de ce qui est particulièrement constitutif de son identité : le fonctionnement dit « en réseau ».
1.4.1. L’IJ : un réseau de réseaux de coopération
Alors que nombres d’enquêtes ou d’études peuvent relever d’une analyse formelle du réseau IJ, celui-ci est un espace plus ou moins informel de ressources, de pratiques et d’échanges qui ne correspond pas toujours à la définition attendue de l’IJ14. Pour échapper à une analyse trop formelle de l’IJ, cette étude doit donc questionner en profondeur : Comment le réseau Information Jeunesse « Elles sont relativement peu organisées par le droit, contrairement à des domaines connexes comme les politiques sociales ou de santé ; elles sont, par conséquent, souvent dominées par leur caractère optionnel et dépendent largement du bon vouloir des élus locaux ; elles sont caractérisées par une constante faiblesse de l’intervention étatique et donc peu régulées centralement ; les opérateurs de terrain, principalement des acteurs associatifs, sont depuis longtemps affectés par les précarités professionnelles et l’actuelle crise des financements publics », Loncle, P., « La jeunesse au local. Sociologie des systèmes locaux d’actions publiques », Sociologie, vol.2, 2011, pp.129-147. 13 Agence Phare, Evaluation de l’expérimentation FEJ/IJ-SPRO, mars 2015. 14 Par analyse formelle, on entend une analyse partant des principes, des missions et du label IJ tel qu'il est souvent posé comme un point de départ. C’est souvent le cas des études menées par les services déconcentrées de l’Etat, qui si elles apportent des éléments d’analyse intéressants, ont d’abord pour objectif d’améliorer l’IJ dans le cadre institutionnel et formel existant. Agence Phare – Étude sur le cadre d’intervention de l’Information Jeunesse – Juillet 2015
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fonctionne-t-il stricto sensu comme un réseau? Cette question, en apparence simple, permet de questionner à la fois l’offre de service d’information auprès des jeunes, le mode de fonctionnement des CRIJ avec les structures IJ, et de structures IJ entre elles, et la qualité des partenariats sur les territoires.
Le réseau Information Jeunesse fonctionne depuis ses débuts autour d’un thème qui demeure flou à bien des égards : celui de réseau. Il apparaît comme une métaphore qui caractérise pour les acteurs de l’Information Jeunesse le fait d’appartenir à un même ensemble d’acteurs réunis autour d’un label commun, de « travailler ensemble », de « mener ensemble des projets ». Autrement dit, le terme de réseau représente le plus souvent pour les acteurs de terrain des connotations positives pour décrire le fonctionnement a priori horizontal et inclusif d’un ensemble d’acteurs qui coopèrent entre eux.
Ici, plutôt que de prendre le réseau IJ comme une réalité figée dans ses schémas historiquement constitués et revendiqués, le réseau IJ est pris, à partir de ce que les professionnels et les élus en font, comme une réalité multiple, malléable, adaptable, et donc évolutive. La démarche de l’étude est de comparer les discours portés sur l’Information Jeunesse et les pratiques concrètes des professionnels de terrain, pour élucider les atouts mais également les points de faiblesse ou d’amélioration du réseau IJ comme un réseau de structures IJ ayant elles-mêmes leurs propres réseaux locaux. En partant du postulat que les jeunes doivent se situer au centre du questionnement, l’étude a donc pour objectif d’étudier concrètement ce qui favorise l’émergence de réseaux de coopération au sein du réseau Information Jeunesse et avec ses partenaires, en partant de l’hypothèse que l’IJ est un « réseau national, structuré à l’échelle régionale, dans lequel les BIJ et PIJ peuvent animer des réseaux locaux ». Notre approche, pour mener à bien cette étude, sera notamment de questionner ainsi ce qui « fait relation » et ce qui fait la qualité de cette relation entre les différents niveaux d’action du réseau IJ et entre les structures IJ et leurs partenaires.
1.4.2. Une problématique, quatre axes d’étude
Cette étude a donc pour objectif de répondre à deux types d’enjeux : préciser quels sont les traits – parfois discutés – de l’offre de service et de l’identité réelle du réseau, et dans un second temps, de pour préciser ce qu’est ou pourrait être la contribution du réseau Infirmation Jeunesse aux politiques menées vers les jeunes ou tout au long de la vie sur les territoires. La question centrale de l’étude est donc la suivante : quels sont les leviers de renforcement de l’action de l’Information Jeunesse en tant que « réseau de réseaux » sur les territoires ?
Pour répondre à cette question, l’étude consiste à interroger quatre aspects du fonctionnement du réseau Information Jeunesse :
-
sa mobilisation (son animation, ses collaborations, ses outils, dispositifs de formation et de professionnalisation : « qu’est ce qui le met en mouvement ? ») ; sa reconnaissance (ses partenariats, sa réputation et sa visibilité, sa présence dans des instances, son implication dans des projets: « ce qui lui donne une place ? ») ; la prise en compte des jeunes (« quel service rendu ? quelle visibilité auprès des jeunes ? »).
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son organisation (son identité, sa contractualisation et donc son label, ses missions et champs d’actions : « qu’est ce qui le structure ? ») ;
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L’hypothèse centrale de l’étude est que la nature des publics, des thématiques, et des missions peuvent différer en fonction d’un grand nombre de facteurs : -
la nature de la structure IJ (association, service jeunesse d’une collectivité, Mission locale, centre social, etc.) ;
les compétences des professionnels de la structure IJ (documentation, animation, voire des compétences thématiques) ; les caractéristiques de son territoire (urbain, rural, périurbain) et de son emplacement sur les territoires;
les partenariats noués avec certaines institutions (CIO, Pôle Emploi, Cité des Métiers, associations, etc.).
L’objectif n’est alors pas de « réinventer l’Information Jeunesse », mais de partir des points forts et innovants de certaines structures et de certains territoires afin de développer une vision plus harmonisée et plus précise de la place du réseau Information Jeunesse comme d’un acteur généraliste et transversal sur les territoires, vis-à-vis des politiques de Jeunesse sur les territoires, visà-vis des élus, des Conseils Départementaux, des Conseils Régionaux et vis-à-vis des services déconcentrés de l’Etat. Comme le souligne un acteur des services déconcentrés de l’Etat:
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Entretien avec une DRJSCS, 2014.
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« On est arrivé, sans doute, au bout d’un modèle, ce qui réinterroge le devenir du réseau, la place et le rôle de l’Etat, et qui réinterroge ce que les fonctionnaires de l’Etat pourront faire dans le cadre de leurs missions ».15
2. L’Information Jeunesse : enjeux et analyse
Si l’Information Jeunesse touche un grand nombre de jeunes - plus de 5 millions par an selon les données du CIDJ - le réseau n’est pas toujours connu ou identifié par les jeunes comme un acteur central dans l’information à leur destination16. Cette situation peut s’expliquer par un manque de visibilité et de lisibilité de l’offre d’information ; elle est surtout à nuancer au regard de la diversité des structures, des missions, des partenaires et de la manière dont l’Information Jeunesse contribue aux politiques de jeunesse. L’objectif de cette première partie de l’étude est de présenter les atouts et les points de faiblesse et d’amélioration du service de l’Information Jeunesse autour de plusieurs enjeux : le service rendu aux jeunes, les missions de l’Information Jeunesse, la mobilisation et l’animation du réseau Information Jeunesse sur les territoires, la contribution de l’IJ aux politiques de jeunesse, et enfin la clarté ou non de son offre de service locale et régionale.
2.1. Un acteur au service des jeunes
La mission première de l’information jeunesse, telle qu’elle est mise en avant par les professionnels, est de proposer une information aux jeunes. En général, pour la recherche d’informations, le choix d’un interlocuteur, d’une structure ou d’un média par les jeunes s’expliquerait par plusieurs facteurs17 : -
la gratuité du service rendu est la première qualité recherchée (entre 50% et 54% selon les enquêtes) : la rapidité d’obtention de l’information est également essentielle (entre 46% et 47%) ;
la fiabilité de l’information constitue le troisième pilier principal (entre 41% et 47%) ; La confiance envers l’interlocuteur ou le média (entre 31% et 33%) et la qualité d’accueil et d’écoute (entre 22% et 23%) arrivent en quatrième et cinquième position.
Si le réseau Information Jeunesse vise à garantir une information gratuite, fiable adaptable à la demande, basée sur une relation de confiance et d’écoute avec les jeunes, son action touche des publics très divers en fonction des territoires, en fonction de la nature des structures, et de l’emplacement géographique de ces dernières (à proximité ou loin de lieux de passage des jeunes).
2.1.1. Les différents publics de l’IJ
Si en principe, le réseau Information Jeunesse s’adresse à « tous les publics », comme le souligne la Charte de l’Information Jeunesse, il propose une information, une documentation et des temps d’animation d’abord destinés aux jeunes de 15 à 25 ans, voire de 15 à 30 ans, tout en restant ouvert et accessible à des publics plus jeunes ou plus âgés. Les études régionales sur les publics de l’Information Jeunesse étant rares, les tendances générales de fréquentation mentionnées ci-dessous doivent donc être reçues avec précaution.
Ainsi, parmi les jeunes qui ne fréquentent pas l’IJ en Alsace, le réseau est une source d’information qui arrive très loin derrière Internet (48%), le CDI (16%), ou encore les Missions Locales (15%) : seulement une infime minorité le connaît (2,3%), INJEP, Les pratiques d’information des jeunes en Alsace, 2013, p.12 17 En ce qui concerne les BIJ et les PIJ plus précisément, l’ordre des qualités attendues par les jeunes ne serait pas forcément le même : la rapidité d’obtention de l’information serait le premier critère de fréquentation des jeunes (39%) à quasi-égalité avec la qualité d’accueil et d’écoute (38%), tandis que la gratuité de l’information serait un peu plus en retrait (30%), Comparaison des études réalisées en Alsace, Bretagne et Bourgogne. Agence Phare – Étude sur le cadre d’intervention de l’Information Jeunesse – Juillet 2015
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Certaines études identifient des tendances générales la fréquentation des moins de 15 ans est généralement faible (moins de 10%), celle des 18-25 ans très importante (plus de 30%), celle des 2630 ans est beaucoup plus faible (entre moins de 10% à 20%), tandis que la fréquentation des plus de 30 ans est beaucoup plus importante (plus de 20%)18. Ces chiffres peuvent surtout correspondre à des structures situées en milieu urbain, proches des universités.
A l’inverse, d’autres études notent que les structures IJ connaissent une forte fréquentation des plus jeunes, souvent des lycéens ou des jeunes étudiants, même si la part des demandeurs d’emploi constitue pratiquement une constante des publics19. Cette structuration du public peut s’expliquer par les liens étroits avec les services jeunesse et les centres sociaux, comme c’est le cas en Alsace, ou encore de l’importance des actions d’information extérieures menées en dehors des structures IJ auprès de collèges ou de lycées20. Ces tendances sont donc à relativiser en fonction de la nature des structures IJ concernées, des territoires, des partenariats ainsi que de la localisation des structures IJ, qui facilitent ou non, de par leur proximité géographique et en fonction de leurs horaires d’ouverture, la venue de certains types de publics. Les professionnels indiquent par exemple que l’emplacement d’une structure IJ et ses partenariats peuvent jouer un rôle prépondérant dans l’évolution de la nature des publics qui fréquentent l’Information Jeunesse. « Chez nous, la fréquentation se maintient à peu près. Mais cela n’a rien à voir avec avant 2007, quand nous étions dans les locaux du Conseil Régional. Nous avions près de 40 000 personnes par an, et là maintenant que nous sommes dans le bâtiment de la Cité des métiers, nous sommes descendu rapidement à 17/18 000 par an, et aujourd’hui nous avons 15 000 personnes par an. Cela a complètement bouleversé notre rapport aux jeunes. On avait 120 m2, on était un vrai CRIJ, maintenant l’espace est plus petit. Avant on avait beaucoup d’étudiants, maintenant on a plus de personnes ayant plus de 30 ans»21.
« Nous la cible c’est plutôt les 15-30 ans. A un moment on a eu une grosse baisse de fréquentation chez les étudiants alors que nous étions catalogués comme une structure pour les étudiants. Avant, nous avions plus de visibilité dans les locaux de la Tour Bretagne et puis la baisse de fréquentation des étudiants correspond aussi à un moment ou l’Université de Nantes a développé la Direction de la Vie étudiante et a ouvert un pôle étudiant sur le campus qui jouait un rôle d’information. Aujourd’hui, on a des publics qui sont assez mixtes, des lycéens, des étudiants, des jeunes à la recherche d’emploi ou dans des contrats d’alternances, qui ne savent pas trop ou aller, que l’on informe ou que l’on renvoie vers des structures spécialistes »22.
Comme en témoignent les entretiens que nous avons menés avec des professionnels, les caractéristiques des structures Information Jeunesse peuvent donc fortement impacter sa visibilité, et la lisibilité de son offre, auprès de tous les publics de jeunes, ou du moins une partie des publics de jeunes. Une question centrale est la capacité des professionnels et des structures IJ à proposer des Ces chiffres sont notamment observables dans : CRIJ Auvergne, Rapport d’activité, 2012. La part des jeunes qui considèrent l’information jeunesse comme une source d’information varie selon les enquêtes. INJEP, Les pratiques d’information des jeunes en Alsace, 2013, Observatoire de la jeunesse, Les jeunes bretons et leurs stratégies d’information, 2014. 20 BIJ Loir et Cher, Rapport d’activité, 2011. 21 Entretien avec un professionnel du CRIJ Limousin, 2014. 22 Entretien avec un professionnel du CRIJ Pays de la Loire, 2014. 18
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horaires adaptés et à se trouver sur un emplacement bien identifié par les jeunes, notamment « sur un lieu de passage » attractif pour les jeunes, ou bien de développer des actions « hors les murs » en direction des jeunes 23.
2.1.2. L’évolution des thématiques d’information
L’information Jeunesse intervient auprès des jeunes sur un très grand nombre de thématiques, que les jeunes sollicitent plus ou moins en fonction des territoires, des structures IJ, et de l’évolution des conditions de vie et d’information des jeunes depuis les années 1960 La comparaison des résultats d’enquêtes réalisées en Alsace, en Bretagne et en Bourgogne permet de dessiner des tendances concernant le service rendu aux jeunes, notamment le fait que certaines thématiques soient plus centrales que d’autres24 : -
les thématiques relatives à l’orientation (c’est-à-dire englobant les études, les formations, les métiers, le travail) représentent entre 41% et 48% des demandes d’information des jeunes ;
l’âge des jeunes constitue un déterminant très significatif de la demande d’information sur les thématiques relatives à l’orientation ;
les jeunes âgés de 15 à 16 ans tendent à faire des demandes de vacances, loisirs et sports, alors que les jeunes au-delà de 18 ans font davantage de demandes sur les métiers, formations et jobs. Le genre peut jouer un rôle : les filles demanderaient plus d’information sur l’engagement associatif et la vie quotidienne, les garçons plus sur la mobilité internationale et le sport.
Les études et le terrain d’enquête montrent que, dans de nombreuses structures, l’information sur la culture et les loisirs constitue un volet en retrait dans les structures IJ. Elles peuvent ne concerner que moins de 10% des demandes par rapport à d’autres thématiques beaucoup plus centrales. Pour autant, certaines structures IJ et leurs élus, comme au BIJ d’Oléron où nous avons mené une partie de l’enquête, considèrent qu’il s’agit d’une thématique essentielle pour la production d’outils d’information et la proposition d’évènements dans une Communauté de communes implantée en milieu semi-rural, et dont l’économie dépend fortement du tourisme25. Lorsque les structures IJ ne sont pas fréquentées principalement par les plus jeunes et sur des enjeux d’animation du territoire, les demandes sur l’emploi et l’orientation occupent une place centrale, parfois jusqu’à 50% des demandes26. Les jeunes viennent ainsi très fréquemment dans les structures IJ pour consulter les petites annonces d’offre d’emploi, de formation, de stage, ou de petits jobs comme le babysitting27. Pour les professionnels, les activités telles que les petites annonces et les Jobs d’été occupent une place importante pour les jeunes. Il apparaît alors que certaines structures IJ proposent aux jeunes une information qui leur est utile pour la construction d’un parcours de vie, social et professionnel. Elles peuvent faciliter la recherche Voir par exemple le cas du CIJ d’Angoulême, qui a été déplacé sur la nouvelle place du Champ de Mars, et qui depuis, en raison de la faible fréquentation de la place par les jeunes, ne se situe plus sur un « lieu de passage » pour les jeunes, en dépit des efforts des professionnels IJ pour faire remonter les chiffres de fréquentation, Charente Libre, « Angoulême : le CIJ à la reconquête des jeunes », 10 juin 2015 24 Nous nous sommes basés sur les enquêtes du CRIJ Alsace (2013), du CRIJ et de l’ORS Bourgogne (2014) ainsi que du CRIJ Bretagne (2013). 25 Entretien avec un professionnel IJ et un élu en Poitou-Charentes, 2015. 26 L’évaluation de l’expérimentation FEJ/IJ-SPRO a fait ressortir que, pour la quasi-totalité des structures IJ rencontrées, les thématiques orientation-formation-emploi représentent la moitié des demandes des jeunes. 27 Entretien avec des professionnels IJ des Pays de la Loire, du Limousin et de Poitou-Charentes, 2014 et 2015. Agence Phare – Étude sur le cadre d’intervention de l’Information Jeunesse – Juillet 2015
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de l’autonomie du jeune, (engagement autour du bénévolat et du volontariat, mobilité internationale) et les conditions de réalisation de ce parcours de vie et d’épanouissement des jeunes (droits et démarches de la vie quotidienne, santé, logement, culture et loisirs). A certains égards, de nombreuses structures IJ proposent une offre qui s’inscrit dans un bouquet plus global d’offre concernant l’insertion professionnelle des jeunes, mais qui pose aussi des jalons dans un parcours d’insertion sociale :
« Aujourd’hui plus de 50% des demandes sont liées à des questions de formation, d’orientation professionnelle et d’emploi. C’est quand même des jeunes qui viennent voir le réseau IJ pour cela, qui repèrent et rencontrent le réseau IJ sur ces thématiques. Et puis dans l’animation d’ateliers, on a aussi des jeunes qui abordent ces questions-là. Mais oui il y a des jeunes qui viennent pour des choix de filières, ou d’études, ou des stages, ou des ateliers sur des champs d’activité, des rencontres avec des entrepreneurs »28. « Moi ce que je constate, c’est que le réseau IJ est très disparate. Il y a des structures IJ qui sont très centrées sur le volet jeunes et l’insertion sociale. Et d’autres qui sont sur l’emploi, font de l’orientation. Je connais une Informatrice Jeunesse qui joue un rôle très actif sur son territoire, elle fait des ateliers et elle est très dynamique - mais quasiment pour tous publics, et elle est seule sur son territoire. Elle fait pratiquement le travail d’une maison de l’emploi. Il faut trouver le bon niveau pour échanger. Mais il faut reconnaitre que les conditions d’accueil sont très bien formalisées. Cela répond bien au SPRO, libre accès et sans contrainte »29.
Il est alors intéressant de constater que l’Information jeunesse se mobilise beaucoup plus ponctuellement et plus partiellement sur des thématiques encore peu identifiées : à titre nonexhaustif, il s’agit de l’entreprenariat social, de l’économie sociale et solidaire, de l’accompagnement à l’engagement associatif. Alors que certaines de ces thématiques en plein expansion, elles i sont mises en avant seulement par une minorité de structures IJ. L’évolution des problématiques des jeunes, autant que l’émergence de nouvelles thématiques structurantes, questionnent ainsi le cadre initial d’offre d’information des structures IJ.
2.1.3. L’évolution des usages et des stratégies d’information des jeunes
Les pratiques des jeunes ont fortement évoluée aux cours des dernières années. A l’heure de la multiplication des sources d’information, et de la difficulté de la trier, deux principales transformations sont apparues. D’une part, les jeunes utilisent désormais massivement Internet pour effectuer une première recherche d’information ; d’autre part, ils recherchent de l’information différemment : nombreux sont ainsi ceux qui cherchent à prendre du recul ou tester la pertinence d’une information qu’ils ont déjà trouvé par eux-mêmes. Le principal enjeu de l’Information Jeunesse est de s’adapter à l’évolution des recherches et des usages d’information par les jeunes :
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Entretien avec un professionnel de la DDCS en Pays de la Loire, 2014. Entretien avec un professionnel du Carif-Oref en Pays de la Loire, 2014.
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« Ça nous semble important d’évoluer aujourd’hui par rapport aux usages des jeunes ; l’Observatoire nous montre que les usages des jeunes se tournent aussi vers le numérique. « Aussi », mais « pas que ». Notre rôle à l’IJ c’est d’être présent physiquement, mais aussi de
permettre un accès à l’information par le numérique : Internet, les réseaux sociaux, et sous une forme autre qui est, en l’occurrence, une application. »30
Le réseau Information Jeunesse propose une offre d’information agile, relativement souple vis-à-vis de la demande des jeunes, puisque les Informateurs Jeunesse se tiennent à l’écoute de leurs demandes spécifiques, et cherchent des solutions fiables et rapidement disponibles, ainsi que plutôt informels, basés sur une relation d’écoute et de confiance31. Le réseau Information Jeunesse donne ainsi aux jeunes la possibilité de venir et revenir à la guise, voire de fréquenter l’espace proposé sans forcément devoir formuler immédiatement une demande auprès d’un professionnel. Le réseau Information Jeunesse ne se limite pas à un accueil « présentiel » des jeunes, lors des horaires d’ouverture des structures : il fonctionne également comme un espace de ressources numériques. Ainsi, si Internet est devenu la première source d’information des jeunes, de nombreux jeunes se rendent dans les structures IJ pour utiliser gratuitement des ordinateurs et/ou tablettes numériques, effectuer des recherches en ligne, rédiger, imprimer des lettres de motivation et des CV, ou consulter leur messagerie et les réseaux sociaux pour des raisons privées.
Le réseau Information Jeunesse a également développé de nouveaux outils pour proposer une offre d’information des jeunes en ligne (sites Internet, applications Smartphones) pour répondre aux nouveaux modes de recherche d’information des jeunes. Les professionnels de l’Information Jeunesse peuvent ainsi informer ou produire des outils pour aider les jeunes à réaliser ou apprendre à réaliser leurs recherches en ligne. Le souci de s’adapter aux nouvelles pratiques des jeunes s’est ainsi généralisé parmi les professionnels du réseau Information Jeunesse, nous avons pu le constater lors de notre enquête :
« Les stratégies des jeunes ont beaucoup changé. Ils sont beaucoup plus soucieux de la fiabilité et de la pertinence de ce qu’ils trouvent sur Internet. On a un questionnaire et un jeune sur deux nous répond qu’ils ont des difficultés pour « filtrer les bonnes informations », « utiliser le bon site pour votre info», « vous n’êtes pas certain de la fiabilité de l’information », mais cela ressort moins. Pour nous, le gros du travail c’est de comprendre la demande, car souvent la personne verbalise quelque chose et en affinant on se rend compte que la question ce n’est pas cela du tout. Il y a un gros travail de reformulation. Et après la difficulté je pense c’est de trouver des mots-clés et de les utiliser dans des sites de référence. »32
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Entretien avec un professionnel d’un CRIJ, 2014. CIJA, Enquête d’évaluation et de satisfaction des publics, 2012, Observatoire de la jeunesse, Les jeunes bretons et leurs stratégies d’information, 2014. 32 Entretien avec un professionnel d’un CRIJ, 2014. 30
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Si le réseau Information Jeunesse se situe, dans le discours, dans une démarche d’adaptation aux nouveaux usages de l’information des jeunes, il faut noter que cela ne se vérifie pas toujours dans la pratique. Plus encore, les pratiques d’information des jeunes par le numérique sont encore très peu formalisées dans les textes de l’IJ et dans le discours public sur l’IJ. Ainsi, deux aspects de l’offre d’information du réseau IJ demeurent en chantier et à préciser : les modalités de l’articulation d’un accueil physique et numérique, et les modalités d’accompagnement des différents usages du numérique par les jeunes.
2.1.4. Les atouts et faiblesses du service auprès des jeunes
Le réseau Information Jeunesse est capable de proposer un accueil rapide, ouvert, et efficace. Il apparaît donc sous un double jour : à la fois comme un espace de ressources physique (accueil, documentation) et numérique pour les jeunes. Un atout essentiel du réseau est sa capacité à prendre en charge très vite les publics, alors que ceux-ci sont souvent désemparés face à la difficulté de trouver un interlocuteur qui soit immédiatement disponible pour répondre à leurs questionnements et doutes33 : « Ma principale difficulté dans ta recherche d’information, pour le moment, ce qui est difficile c’est que je dois tout chercher par moi-même. Il faut toujours se débrouiller seul. Je sais bien que c’est à moi de faire l’effort, mais tout seul c’est dur, c’est difficile de trouver son chemin. On finit par se sentir coupable de ne pas savoir ! Car je ne connais pas bien les pistes et les aides, et bien il faut beaucoup anticiper, tout le temps. Mais comment anticiper sur ce qu’on ne connaît pas ? Oui, oui, il y a un « suivi » parfois mais je ne rentre pas toujours dans les case. On m’aide à me poser les questions, mais c’est toujours à moi de présenter sa situation, de faire un compte rendu de ma situation et de l’analyser, alors que je ne trouve qu’il n’a pas assez d’info et de moyens pour le faire. Il faudrait un suivi plus individualisé, un accompagnement, car pour le moment c’est un suivi avec beaucoup de distance »34.
Une première force du réseau Information Jeunesse est à la fois d’être un accueil de proximité, à l’écoute de la demande des jeunes et de proposer un accompagnement à la recherche d’information à partir des désirs et des envies des jeunes, sans rendez-vous, plutôt que de favoriser la promotion d’une offre institutionnelle. Cette compétence est particulièrement reconnue par la plupart des partenaires du réseau Information Jeunesse : « Le réseau IJ a cette culture de l’efficacité – on donne toute suite la réponse, hop. Et ça c’est un plus dans l’Information Jeunesse: on donne une réponse, sans prendre en charge, sans flécher si la personne va bien aller à tel endroit après, etc. C’est ce fameux AIG (accueil information généraliste). C’est leur plus-value par rapport aux autres : quels sont les premiers mots qu’on dit lors de l’accueil, même en termes de savoir-être, etc. Je ne dis pas que les autres réseaux ne savent pas accueillir, mais dans l’efficacité de ce 1er contact, ils sont une plus-value. Qui pourrait être plus mise en avant, parce qu’il y a pour moi beaucoup de publics qui relèvent de ça. (…). Les autres réseaux ont une culture de prise en charge de la personne, avec beaucoup d’écrit. »35
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Entretien collectif avec des jeunes, 2014. Entretien avec un jeune en recherche d’autonomie, 2014 35 Entretien avec un professionnel du Carif-Oref, 2014. 33
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Une deuxième force du réseau Information Jeunesse est de pouvoir se positionner à différentes étapes du parcours d’information des jeunes : il peut jouer pour les jeunes un rôle de premier recours dans un parcours d’information, et de derniers recours lorsque les portes des autres acteurs se referment les unes après les autres, soit parce que la demande ne peut pas être résolue, soit parce que le profil des jeunes ne correspond pas aux critères de prise en charge. Il est ainsi très probable que le réseau Information Jeunesse joue un rôle réel auprès des publics les plus en difficulté, parmi lesquels des jeunes en situation de décrochage scolaire, d’une part, et en recherche d’emploi d’autre part.
« Ce qu’on fait à l’IJ ? On est là : quand le jeune arrive, il n’a pas de rendez-vous comme à la Mission locale, où il peut attendre 3 mois pour qu’on le prenne en entretien (parce qu’ils ont plus de jeunes, parce qu’ils sont débordés – je leur laisse cette légitimité et ce professionnalisme là). Mais le jeune quand il arrive il a besoin d’une réponse à l’instant T. Il ne va pas attendre 3 mois, il veut une réponse rapide. Donc quand je suis sur un dossier, un bilan, si un jeune arrive et a besoin de moi, ma priorité ça va être le jeune qui rentre dans le PIJ. C’est aussi ça, cette notion d’information qu’on doit donner. »36
Une troisième force du réseau Information Jeunesse est de proposer un accueil par l’accès et le rapport à la documentation. L’accueil consiste également à présenter des documents en libre consultation et livre service (documents papiers ou numériques). Les structures IJ tendent à organiser les thématiques en fonction des besoins perçus des jeunes ou de leur sensibilité professionnelle : certaines thématiques (santé, mobilité internationale) peuvent être plus mises en avant que d’autres, et la formulation des différentes thématiques varie également selon les structures IJ ou les Régions. Ensuite, une quatrième force du réseau Information Jeunesse est sa capacité à aller vers les jeunes, autrement dit ne pas seulement informer, mais de proposer une animation à l’information. Un grand nombre de professionnels est en principe capable d’aller vers les jeunes pour réaliser des actions « hors les murs » – c’est-à-dire hors de la structure IJ – mais aussi de solliciter des partenaires (Education Nationale, Missions Locales, Pôle Emploi, associations, etc.), pour toucher un plus grand nombre de jeunes. Ainsi, les professionnels ne sont pas juste des informateurs, ils sont aussi des animateurs de l’information : « Dans la spécificité des structures, l’avantage de l’animateur-informateur, c’est que c’est un animateur de l’information. C’est quelqu’un de réseau, c’est quelqu’un qui va au contact, c’est quelqu’un qui se fait voir et qui va chercher. Il n’attend pas ; dans la formation qu’on fait, on les invite à être actifs. »37
En dépit de ces trois atouts mentionnés ci-dessus, le réseau Information Jeunesse ne propose pas toujours un service d’information de qualité. Nous avons ainsi identifié, au cours de nos observations et de nos entretiens sur les huit régions de l’expérimentation IJ-SPRO, et plus spécifiquement dans le terrain d’enquête réalisé dans les régions Pays de la Loire et Poitou-Charentes, trois points de vigilance ou points d’amélioration sur lesquels le réseau IJ pourrait travailler : l’actualisation, l’adaptation et la communication de l’information :
36 37
la clarification de l’offre d’accompagnement des jeunes à la recherche d’information ; certains jeunes sont déjà informés, car ils peuvent avoir le soutien de leur famille ou de leurs proches, et cherchent surtout à tester auprès des informateurs la pertinence de l’information dont ils disposent déjà ; d’autres, « en recherche d’autonomie », peuvent éprouver de grandes difficultés à accéder à une information de qualité. La capacité à répondre à ces deux défis dépend beaucoup de la spécificité des structures IJ et des compétences des professionnels.
Entretien avec une professionnelle d’un PIJ, 2014. Entretien, DRJSCS, 2014.
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la capacité pour les professionnels à actualiser fréquemment la connaissance des autres structures du territoire – ou des territoires voisins dans le cas de PIJ ruraux – et de la diversité des dispositifs existants pour les jeunes ;
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la capacité à communiquer efficacement auprès des jeunes cette offre d’information et d’accompagnement. Il apparaît ainsi que le réseau IJ est beaucoup plus connu par le boucheà -oreille que par des affiches, signalétiques, ou communication des structures IJ ellesmêmes, ce qui pose question quant à l’adaptation des modalités de communication du réseau38. La connaissance du réseau Information Jeunesse est particulièrement difficile à évaluer. A titre d’exemple, une enquête menée par le CRIJ Aquitaine permet de souligner que la structure est connue par surtout par le par le bouche à oreille entre les jeunes et leurs proches ou leurs pairs (77%). Viennent ensuite le site Internet (23%), partenaires (12%), les affiches et signalétiques (11%), les articles et la communication du CIJA (3%=), BILAN INTERMEDIAIRE 1 : Un acteur au service des jeunes
Atouts
Points d’amélioration
Accueil de premier niveau
Capacité à communiquer auprès des jeunes
Gratuité du service
Lisibilité de l’offre
Accessibilité sans rendez-vous
Visibilité de l’offre
Agilité des professionnels IJ face à la demande
Capacité à actualiser l’information et à confirmer la pertinence de l’information.
Maillage et proximité géographique
Complémentarité avec autres structures
2.2. La diversité des missions de l’Information Jeunesse
Si l’Information Jeunesse a pour objectif de fournir une information générale et globale, les pratiques professionnelles peuvent prendre des formes diverses. Si le guide AFNOR des bonnes pratiques de l’Information Jeunesse référence deux types de services (l’accueil et l’information), tandis que le référentiel Métier du réseau Information Jeunesse distingue, dans les textes, cinq types d’activité : l’accueil, l’information, la documentation, le partenariat et la communication39.
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CIJA, Le réseau d’Information jeunesse d’Aquitaine. Enquête d’évaluation et de satisfaction des publics et des personnels des BIJ/PIJ, 2013. 39 CIDJ, Référentiel Métier de l’Informateur jeunesse, 2013. 40 Sur cette question des rôles, voir le cadre théorique de l’évaluation de l’expérimentation IJ-SPRO (Agence Phare, Evaluation de l’expérimentation FEJ/IJ-SPRO, 2015). 38
23
Afin de mieux comprendre comment le service rendu peut prendre différentes formes selon les structures et les territoires, il faut ainsi considérer que les structures IJ peuvent endosser plusieurs rôles (information, animation, documentation), qu’elles peuvent combiner ou articuler ces différents rôles, et que les professionnels ont différentes perceptions de ces rôles sur les territoires40. Il importe d’interroger ici ce que l’on entend par information sous l’angle de l’accueil, de l’animation d’évènements, de la production d’outils, et enfin sur l’animation (partenariats et communication) des territoires.
2.2.1. Un accueil pour tous les jeunes, non discriminant
L’information Jeunesse garantit en principe un accueil pour tous les jeunes permettant d’écouter leurs demandes et de leur fournir une information de premier niveau (portant sur des structures et des dispositifs pouvant répondre aux problématiques des jeunes) sur les huit champs identifiés comme étant constitutifs de son identité précédemment cités (culture et les loisirs, le logement, la santé, le montage de projets, l’engagement, le transport, la mobilité internationale, ou encore l’orientation, la formation et l’emploi). L’accueil consiste d’abord à écouter la demande des jeunes pour comprendre leurs demandes, indépendamment de leurs origines ou de leurs ambitions:
« Sur la commune, on savait intervenir dans les quartiers, sur la politique de la Ville. Mais je pense que le Maire s’est rendu compte qu’était délaissée la jeunesse dite globale. Et qu’il y avait plus une focalisation sur certains quartiers que d’autres. Il fallait donc apporter plus à la jeunesse et aux étudiants, parce qu’ils sont 1200 sur l’agglomération et nous avions peu de choses pour eux. L’idée était de répondre à tous les besoins de la jeunesse, et non pas stigmatiser sur tels quartiers. On ouvre un lieu unique donc, et comme il y a cette association qui fonctionnait très bien, la Mairie lui en a confié la gestion. Il y avait donc une volonté d’apporter quelque chose aux jeunes, quels qu’ils soient. »41 « Ce qui m’importait, c’était de déstresser les jeunes qui sont dans la recherche d’orientation, parce qu’on leur met beaucoup de pression – on le voit quand ils viennent, ils sont perdus, ils sont stressés. Et c’est dommage de leur faire peser ça, alors que c’est quelque chose qui devrait être chouette, de s’informer »42.
La posture d’écoute suppose que les Informateurs puissent aborder les questions ou les problèmes des jeunes sans les mettre dans des catégories sociales établies (scolaires, territoriales, ou de statut social). Les entretiens que nous avons menés avec les publics montrent que cette approche correspond à une véritable demande des jeunes, qui souhaitent ardemment que l’on cesse de les « mettre dans des cases » en fonction de leur parcours scolaire ou professionnel pour leur apporter des solutions issues d’outils statistiques qui ne correspondraient pas à la spécificité de leurs situations43. L’intérêt de l’Information Jeunesse est de proposer un accueil ouvert et non-stigmatisant pour les jeunes. De nombreux travaux soulignent que les jeunes demeurent très méfiants à l’égard des institutions et des structures proposant des dispositifs de sortie de situations d’échec, comme Pôle Emploi ou les Missions Locales, qu’ils peuvent juger « stigmatisants » vis-à-vis de leur estime de soi ou du regard des autres jeunes. L’accueil de l’Information Jeunesse n’impose enfin aux jeunes aucune obligation formelle de justifier leurs demandes et leurs parcours.
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Entretien avec un professionnel d’un PIJ, 2014. Entretien avec un professionnel d’un CRIJ, 2014. 43 Entretien collectifs avec des jeunes, 2014. 41
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Enfin, l’intérêt de l’Information Jeunesse est de pouvoir fonctionner comme une structure qui peut préparer les jeunes à se rendre dans des structures ou des dispositifs de prise en charge des jeunes, ou bien les recevoir après un entretien dans ces structures partenaires. En effet, le processus d’information des jeunes ne va pas seulement dans un sens, de l’IJ vers des partenaires. Dans la pratique, il arrive souvent que les CIO, les Missions locales ou encore Pôle Emploi renvoient
également des jeunes vers l’Information Jeunesse. L’accueil de l’IJ n’est cependant pas nécessairement en concurrence des institutions, mais peut fonctionner comme un « sas » d’accueil :
« Nous sommes dans les locaux du service jeunesse de la Mairie. Notre public ? Ce sont beaucoup des jeunes de 18 à 25 ans, nous avons de très bons contacts avec la Mission Locale qui nous envoient des jeunes, tout comme les CIO, et nous leur envoyons des jeunes aussi. On fait des guides pour les jeunes, des guides logement. Il me semble alors que le label nous permet d’être un peu mieux identifiés par les jeunes, et permet des réseaux de partenariats. Cela donne plus de notoriété, on travaille plus en réseau et cela facilite l’échange de pratiques. »44
Si l’accueil des jeunes constitue un point fort de l’Information Jeunesse par rapport à d’autres structures, la qualité de cet accueil et la capacité des structures IJ à toucher des jeunes varie selon les territoires. Les structures IJ des centres-villes ne sont par exemple pas toujours accessibles, connus ou perçus positivement par les jeunes dans les quartiers dit « sensibles », des jeunes situés dans des territoires ruraux ou périurbains, dans lesquels les jeunes sont généralement peu mobiles. Ce sont surtout les BIJ, PIJ ou Relais IJ, qui sont implantés dans ces quartiers ou ces territoires, qui peuvent toucher les jeunes situés le plus à la marge des circuits d’information et d’orientation.
2.2.2. L’information : un accompagnement des jeunes
La notion d’information demeure cependant un terme flou. Dans le contexte de l’IJ, elle peut se comprendre comme le fait de donner un renseignement à la demande d’un jeune, mais elle peut également se définir comme le fait de questionner le jeune pour mieux comprendre le sens et les implicites de son questionnement et de sa demande. Lorsque la structure IJ est suffisamment grande, les Informateurs se spécialisent sur des thématiques spécifiques (orientation, logement, santé, vie associative) pour répondre à des demandes particulières et/ou à des personnes demandant à vérifier la pertinence d’une information :
« Tous les professionnels de l’IJ peuvent être amené à être à l’accueil pour les jeunes. Après il y en a qui sont plus spécialisés que d’autres sur des thématiques. Ce qu’on essaye d’éviter, mais c’est difficile, c’est que quand quelqu’un vient, on doit parfois leurs dire de venir un autre jour. Mais cela, avoir la bonne personne pour la bonne question, c’est un défi. Car l’information est devenue plus compliquée qu’avant. Beaucoup de personnes nous demandent de vérifier tout cela et de qualifier cela. Avant, ils venaient vierges de toute information. Maintenant, ils viennent avec des sigles, il faut se plonger dans leurs parcours. On ne peut pas tout avoir dans la tête »45.
Les professionnels de l’IJ informent les jeunes autour d’un processus bien formalisé d’accompagnement des jeunes : l’écoute de leurs demandes, la reformulation du questionnement posé par les jeunes, la recherche d’information, mais également de l’aide auprès des jeunes à la recherche d’information, sur place ou bien à distance par téléphone ou par courriel ou chat ; et de façon plus approfondie, soit par exemple à l’aide de documents papiers ou d’outils ou de documents numériques, notamment sur des plateformes Internet.
Entretien avec un professionnel d’un CIJ, 2015.
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Pour autant, les entretiens menés lors de notre enquête montrent que les Informateurs ne se contentent pas seulement de donner une information ou de recommander des interlocuteurs : ils
peuvent aider les jeunes à se préparer à la recherche d’emploi (par la rédaction de lettres de motivation, de CV, la préparation à des rendez-vous avec de structures spécialisées sur les objectifs à atteindre ou l’attitude à adopter), voire aider les jeunes à prendre contact avec les interlocuteurs pour faciliter la mise en relation. Ils viennent donc en soutien de la construction du parcours d’information ou de la construction du parcours de vie des jeunes.
Plus encore, certains professionnels IJ peuvent être amenés à aider les jeunes à questionner, approfondir et reformuler leur demande, au point que l’accompagnement à la recherche d’information peut s’apparenter à du conseil. Si le conseil est une activité en principe très formalisée par des acteurs tels que les CIO, autour d’une démarche psychologique et d’outils très formalisés, force est de constater que les Informateurs IJ peuvent également s’aventurer sur ce terrain, avec leurs outils, leurs approches. Ainsi, sur des territoires très ruraux, les Informateurs Jeunesse sont parfois les seules structures à pouvoir aider les jeunes à faire des choix dans la construction de parcours de vie :
« C’est-à-dire que l’IJ est vu comme un très bon aiguilleur, une très bonne porte d’entrée pour un public jeune pour délivrer un 1er niveau de service qui est en gros l’accueil ; mais l’IJ n’est pas vu comme étant capable de délivrer l’ensemble de l’offre de services en orientation, c’està-dire aller jusqu’à de l’accompagnement personnalisé. »46
« Ici, en Limousin, il n’existe pas beaucoup de structures ou de relais pour les jeunes dans un rayon de 50 km. Parfois ils sont sans soutien de la famille, sans diplôme, sans permis de conduire. Ils viennent me voir pour des questions très diverses. Je les aide à réfléchir à leur demande, je leur demande « qu’est-ce que vous avez trouvé ? ». Quand je ne sais pas, je dis que je ne sais pas, mais quand ils me demandent de leur donner un coup de main pour faire des choix, pour construire un choix, est-ce que je peux refuser ? Car les jeunes, je les connais depuis plus de 10 ans, depuis qu’ils ont 15 ans. Je les informe sur tout, la santé, le logement, les études. Je les connais très bien, les jeunes qui viennent me voir sur le territoire. Souvent les jeunes ont déjà eu accès à une information de premier niveau, mal comprise ou mal identifiée. Ils sont déjà allés sur Internet et ils ont besoin d’un décodage. A ce stade il n’y a plus d’anonymat. Je fais de l’aide aux personnes sur tout ce dont ils ont besoin. »47
La réalité de l’information des jeunes par l’IJ dépend des structures et des territoires. A ce stade de l’étude, apparaît une distinction : alors que dans les territoires urbains, marqués par une grande concentration de services, les Informateurs rencontrent un grand nombre de jeunes et les redirigent fréquemment vers des spécialistes, selon une logique de flux, certains Informateurs des territoires ruraux sont plus proches d’une mission d’accompagnement de projet de vie et d’insertion sociale personnalisée. Or, les différents documents cadrant les missions et les attendus d’une structure Information Jeunesse ne rendent que peu compte de cette diversité48.
Entretien avec des personnels d’un Conseil Régional, 2014. Entretien avec un PIJ, 2014. 48 Association Française de Normalisation, Qualité des services de l’Information Jeunesse. Référentiel de bonnes pratiques, 2006 et Ministère de la Santé, de la Jeunesse et des Sports, Cahier des charges d’un Centre Régional Information Jeunesse, 2007. Agence Phare – Étude sur le cadre d’intervention de l’Information Jeunesse – Juillet 2015
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2.2.3. La production d’outils informatifs aux formats papier et numérique
La production et la diffusion d’outils d’information est une des missions-clés de l’Information Jeunesse. Il s’agit d’une part des « fiches métiers » proposées par le CIDJ, et de la publication ActuelCIDJ49. D’autre part, ils sont également en mesure de produire des outils informatifs locaux (brochures, agendas, guides, jeux) en fonction des demandes de leurs partenaires (collectivités territoriales, associations, etc.) ou des partenariats qu’ils parviennent à monter. Pour autant, la plupart des études témoignent d’un usage croissant et généralisé par les jeunes d’Internet et d’outils numériques pour s’informer50. Pour s’adapter aux nouvelles pratiques des jeunes et faciliter l’accès à une information généraliste, la mise en place de sites Internet au cours des années 2000 a constitué une tentative plus ou moins réussie pour faciliter la connaissance par les jeunes des structures, aides et dispositifs qui leur sont destinés. Cette évolution vers une offre de services plus dématérialisée, notamment autour d’un moteur de recherche et par la géolocalisation51, de pouvoir accéder à des services quelle que soit leur situation personnelle et leur appartenance à un territoire. Encadré 2 : Les outils pour les jeunes développés lors de l’expérimentation IJ-SPRO
Les CRIJ des huit régions ayant participé à l’expérimentation IJ-SPRO, financée par le Fonds d’expérimentation pour la Jeunesse, ont mis en place deux grands types d’outils : destinés aux publics jeunes, d’une part, et aux professionnels d’autre part. Parmi les projets à destination des jeunes, une partie peut être considérée comme « physique », l’autre « dématérialisée ». Les outils physiques expérimentés :
- Guide « Décrocher une formation » - Guide « Mon stage à tout âge » - Fonds documentaire sur les métiers et formations - Plaquettes Orientation, Métiers, Formation, Emploi - Jeu plateau Pas à Pas - Plateforme d’accueil en commun Cité des Métiers – CRIJ - Espace Orientation au sein des PIJ - Ateliers pratiques Afpa et Adecco dans les PIJ. Les outils dématérialisés expérimentés :
- Site Internet régional du réseau IJ (CRIJ Pays de la Loire) - Pages portail web/Smartphone répertoriant les sites régionaux et nationaux dédiés à l’OTLV (CRIJ Centre) - Serious game @Tout’Taf (CRIJ Centre) - Rubrique SPRO sur le site Internet du CRIJ (CRIJ Aquitaine) - Livre Vidéo Digital (CRIJ Auvergne) - Application Smartphone Géorientez Vous (CRIJ Bretagne) - Infolab Orientation (CRIJ Poitou-Charentes) - Emissions radio (BIJ Bourgoin-Jallieu, CRIJ Auvergne). Source : Agence Phare, Evaluation de l’expérimentation FEJ/IJ-SPRO, 2015
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Actuel-CIDJ est une documentation produite par le CIDJ, proposant environ 300 dossiers thématiques, disponible en version papier et web, sur abonnement payant. 50 Observatoire de la Jeunesse, Les jeunes Bretons et leurs stratégies d’information, 2014. 51 C’est le cas de la plateforme Web en Pays de la Loire, voire Agence Phare, Evaluation de l’expérimentation IJ-SPRO, 2015. 49
Les études montrent en effet que les jeunes utilisent de plus en plus leurs téléphones mobiles pour effectuer des recherches en ligne, consulter les réseaux sociaux, et télécharger de nouvelles applications en fonction de leurs besoins et envies52. Les promoteurs d’application restent cependant mesurés sur leurs effets : les jeunes ne téléchargent pas forcément beaucoup d’applications, et lorsqu’ils le font, elles peuvent être surtout pour un usage social, d’interaction avec autrui : comme le souligne un enquêté, spécialiste du numérique, « télécharger, c’est un acte significatif »53. Certaines structures IJ ont enfin particulièrement investis les réseaux sociaux au cours des dernières années. Elles utilisent notamment ceux-ci pour communiquer sur des évènements auprès des jeunes. Ils parviennent ainsi à obtenir des « likes » sur facebook et des « followers » sur twitter, afin de toucher des jeunes qui ont surtout des stratégies numériques d’information. Pour autant, nombre de témoignages de jeunes et de professionnels IJ que nous avons recueillis font constater que ce n’est pas parce que les jeunes se rendent sur les réseaux sociaux qu’ils les utilisent pour de la recherche d’information :
« Je pense que facebook n’est pas un outil d’information, c’est un lieu de réseautage et d’échange de pair-à-pair. Sur facebook et twitter, on a très peu de jeunes. Après l’information circule mieux et plus rapidement sur twitter que sur facebook. Du coup aujourd’hui, sur twitter, la ligne éditoriale est plus orientée vers les professionnels qui sont aussi eux-mêmes des relais auprès des jeunes. Mais on n’a pas un ton orienté vers les jeunes. Toute la question c’est de savoir s’il ne faut pas un deuxième twitter qui serait plus adressé aux jeunes. Mais voilà, on constate que les jeunes ne sont pas sur ces réseaux là pour suivre les institutions. »54 « On a essayé de former les différents acteurs sur ce qu’est aujourd’hui l’utilisation du Web, dans quelle direction aller vers les jeunes. C’est un public qui a des usages très spécifiques. Aujourd’hui on imagine des choses par rapport à ce que renvoient les médias, mais c’est tellement fulgurant, ça va tellement vite que même les médias n’arrivent pas à prendre ça en compte. Et on voit trop souvent des programmes et des applications qui sont réalisées par des vieux pour des jeunes – c’est un échec patent. L’idée ce n’est pas ça, c’est justement de développer quelque chose qui puisse répondre à au moins un usage en particulier. Plutôt que de faire des applications qui veulent répondre à tous les usages. »55
Ainsi, il apparaît que le réseau Information Jeunesse devrait prendre en compte plus finement les usages numériques des jeunes. Un certain nombre de questions restent ouvertes. Les serious games ou les applications demeurent chères, et sont souvent de bien moindre qualité que les jeux auxquels les jeunes jouent - ils sont dès lors bien moins attractifs. De même, il est apparu lors de notre enquête que ce sont surtout des professionnels qui suivent les structures IJ sur les réseaux sociaux, plutôt que les jeunes qui font surtout un usage privé des réseaux sociaux.
2.2.4. L’animation des territoires de vie des jeunes
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Observatoire de la Jeunesse, Les jeunes Bretons et leurs stratégies d’information, 2014. Entretien avec l’association BUG, spécialisée sur le numérique, 2014. 54 Entretien avec un professionnel d’un CRIJ, 2014. 55 Entretien avec l’association BUG, spécialisée sur le numérique, 2014. 52
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Le réseau Information Jeunesse joue enfin, et c’est un aspect moins connu et valorisé, un rôle d’animation sur les territoires, qui recouvre deux volets : le fait de construire des partenariats à l’échelle locale pour mieux informer les jeunes, et le fait de pouvoir aller communiquer auprès des jeunes l’information disponible sur les structures et les dispositifs. Le réseau Information Jeunesse se
caractérise en principe par le fait « d’aller vers les jeunes »56. A cet égard, une partie des structures du réseau Information Jeunesse joue un véritable rôle d’animation des territoires en organisant des évènements ou en participant à des évènements organisés par les partenaires :
« Dans la spécificité des structures, l’avantage de l’animateur-informateur, c’est que c’est un animateur de l’information. C’est quelqu’un de réseau, c’est quelqu’un qui va au contact, c’est quelqu’un qui se fait voir et qui va chercher les jeunes. L’Informateur jeunesse, c’est un animateur spécialisé et formé qui fait de l’accompagnement à l’information et de l’animation à l’information. C’est un animateur-informateur. Ils font vivre les structures, parce que le public ne vient pas forcément comme ça spontanément dans un BIJ ou un PIJ. »57
Les structures de l’information Jeunesse peuvent organiser des ateliers collectifs pour les publics, pour faciliter la capacité des jeunes à se saisir d’une thématique : « on contribue surtout à une forme d’ « ouverture » pour les jeunes sur ce qu’ils peuvent faire, parce que l’on part du jeune et qu’on l’on cherche à lui montrer ce qui existe »58. C’est par exemple le cas du jeu éducatif Pas à Pas, expérimenté en Bretagne, autour de petits groupes de jeunes accompagnés d’un animateur, qui permet de faciliter l’appréhension des structures du territoire sous la forme d’un jeu de plateau, tout en favorisant une approche de pair-à-pair chez les jeunes59.
L’information Jeunesse organise des évènements propres ou participe à des évènements institutionnels lorsque des accords peuvent être formalisés. Le réseau Information Jeunesse a ainsi pour habitude d’organiser des évènements (telles que les journées Jobs d’été) ou de mobiliser des jeunes et de participer aux évènements organisés par des partenaires (semaines de l’orientation, forums de l’emploi, etc.). Les structures IJ organisent également des actions « hors les murs » dans les établissements scolaires (collèges, lycées) ou avec d’autres acteurs locaux, lors qu’ils parviennent à tisser des relations privilégiées avec les interlocuteurs de leur territoire.
Enfin, certaines structures de l’Information Jeunesse organisent également des événements qui contribuent à l’animation de réseaux sur les territoires. Ainsi, le BIJ d’Oléron en Charente-Maritime, sur un territoire relativement rural, a pu contribuer à diffuser une brochure sur l’offre des 19 associations présentes sur le territoire, organiser à un festival de courts métrages en direction des jeunes et emmener les jeunes participer à des forums. Autrement dit, les structures IJ peuvent avoir la capacité à identifier des besoins des jeunes et des associations du territoire faire le lien avec les collectivités locales, souvent sur la base de relations interpersonnelles : « On a pu faire des choses ensemble dans les établissements scolaires, on fait de l’info sur les métiers, sur ce qu’est l’emploi… sur l’actualité de ce qui se passe sur ce territoire. On va voir les jeunes et on discute de tous les sujets qui peuvent les intéresser. Après ce n’est jamais acquis, cela demande beaucoup de travail pour que l’on puisse avoir accès aux élèves. Il faut y retourner tous les ans dans les écoles. On a de belles conventions mais les interlocuteurs changent beaucoup, les représentants et surtout les enseignants, il y a beaucoup de roulement. Tous les ans il faut y retourner pour y renouer les liens. »60
Entretien avec des professionnels IJ, 2014. Entretien avec une DRJSCS, 2014. 58 Entretien avec un professionnel d’un BIJ, 2015. 59 Pour plus d’informations, voir la description qui en est faite dans le rapport d’évaluation final de l’expérimentation IJSPRO, réalisé par l’Agence Phare. 60 Entretien avec un professionnel d’un BIJ, 2014. Agence Phare – Étude sur le cadre d’intervention de l’Information Jeunesse – Juillet 2015
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La principale difficulté pour les Informateurs Jeunesse est double : d’une part, il s’agit de parvenir à généraliser l’offre « hors les murs » auprès des associations qui touchent des jeunes à la marge des circuits d’information, ou bien directement auprès des établissements scolaires. Ainsi, les relations avec l’Education Nationale sont très fragilisées par la difficulté dans certains lieux d’obtenir des autorisations officielles, ou bien de renouer des contacts privilégiés en raison de la rotation des effectifs. D’autre part, comme beaucoup de structures, les structures IJ sont confrontées à la multiplication des événements qui peuvent rentrer en compétition les uns avec les autres. BILAN INTERMEDIAIRE 2 : La diversité des missions de l’IJ Atouts
Freins
L’accueil et l’écoute des jeunes
La pertinence des certains outils (classeurs) à redéfinir
L’accompagnement des jeunes
Clarifier les effets concrets de la mise en capacité des jeunes auprès des jeunes et des partenaires
L’animation sociale et culturelle
Des partenariats peu formalisés/reposant trop souvent sur des relations interpersonnelles
La pertinence des guides/brochures
Clarifier les compétences et la formation des professionnels IJ à l’accompagnement
La capacité d’innovation sur le numérique
Des outils numériques (serious games, applications) chers, dont l’efficacité n’est pas encore réellement démontrée
2.3. L’animation du réseau IJ : un réseau de réseaux de coopération
Les structures IJ, pour réaliser leurs missions au niveau local, peuvent compter sur le soutien d’un réseau régional, plus ou moins articulé à différentes logiques départementales. Or, le travail d’enquête que nous avons mené montre que les CRIJ ont des difficultés à mobiliser les BIJ et les PIJ de leur région autour d’actions communes. Plusieurs questions se posent alors sur l’animation du réseau Information Jeunesse : qu’est ce qui fait relation entre les structures IJ ? Comment le CRIJ peut-il endosser sa fonction de tête de réseau avec le plus d’efficacité ? De quels leviers dispose-t-il pour mobiliser au mieux les structures IJ ? Pour apporter des éléments de réponse, il importe de préciser les modes de gouvernance de l’IJ et le rôle des BIJ et PIJ sur les territoires, de montrer comment l’animation du réseau Information Jeunesse est plus ou moins efficace selon les contextes, les modes de gouvernance et les ressources dont disposent les CRIJ.
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A l’origine, le réseau Information Jeunesse a été créé par l’Etat autour d’une logique fortement descendante. Dans ce contexte, l’Etat intervient historiquement comme un premier acteur
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2.3.1. Des animations complexes et peu efficaces
accompagnant le réseau IJ à deux niveaux : à l’échelon régional, les DRJSCS appuient le CRIJ dans certaines instances, valident le processus de labellisation de nouvelles structures IJ, et évaluent l’action des CRIJ sur l’année ; à l’échelon départemental, les DDCS et DDCSPP accompagnent le CRIJ dans le processus d’émergence de nouveaux BIJ-PIJ et l’animation infra-régionale du réseau. Ces réseaux peuvent prendre des formes très différentes selon les territoires et selon les moyens qui sont dédiés à l’animation. « On travaille vraiment au CRIJ en binôme avec la DDCS, donc on fait des réunions à deux. La question c’est comment on les fait : je n’ai pas la liberté d’agir, et d’aller voir les BIJ et PIJ n’importe comment – je suis aussi informatrice, donc je fais de l’accueil au CRIJ. […] Je connais très bien mon réseau, et il y en a une réunion régionale et une réunion départementale par an. […] En fait, il y a des zones infra-départementales qui ont une histoire et une identité différente, sur le territoire, donc des réunions infra-départementales. »61
« Notre réseau régional est un gros réseau. Animer un réseau de 50 animateurs, c’est beaucoup, donc on les démultiplie par 3, on a trois réseaux départementaux, pour faire des groupes de travail efficaces. Pour produire des choses, à 15 c’est suffisant – si on est à 50 on ne produit plus rien. L’avantage c’est que c’est un réseau d’une grande richesse avec de grandes disparités : on a du très urbain (la métropole) et du moyennement rural et du très rural. »62.
Le mode de fonctionnement du réseau sur des territoires locaux très divers et variés était et est resté fortement structuré par deux types de logiques jugées complémentaires et descendantes : d’une part, la construction et la diffusion d’outils d’information visant à garantir la qualité et l’actualisation du service d’information auprès des jeunes à l’échelle nationale, sans inégalités de territoire, par le CIDJ et les CRIJ ; et d’autre part, la sollicitation de structures BIJ et PIJ autour l’utilisation commune d’outils informatifs – mais également de la participation à une formation initiale commune. Encadré 3 : Deux logiques de formation d’un réseau
Les relations formant le réseau Information Jeunesse peuvent être engendrées par les relations interindividuelles spontanées entre professionnels (appels téléphoniques, courriels, rencontres) ; par les temps collectifs (séminaires annuels, comités régionaux de développement, formations, échanges de pratiques, séances de travail autour de projets), organisés par les institutions animant le réseau (CRIJ, DRJSCS, DDCS). Le « réseau » de l’Information Jeunesse est donc identifiable à un niveau double : fruit de l’interconnaissance des professionnels des structures IJ, il est composé de l’ensemble de ceux-ci – bien qu’ils soient impliqués à des degrés variables dans ce réseau ; à une échelle élargie, il est également composé de l’ensemble des relations propres à chacun des professionnels de l’Information Jeunesse (avec les partenaires, les jeunes, les structures support, etc.).
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Entretien avec un professionnel d’un CRIJ, 2014. Entretien avec une DDCS, 2014.
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Le CRIJ, avec le soutien plus ou moins marqué des DDCS et DDCSPP, organise fréquemment des réunions annuelles afin de renforcer les temps d’échange avec les professionnels IJ à l’échelle départementale ou régionale. Ces réunions permettent de faire un état des lieux des structures, des missions et des outils présents sur un territoire (régional ou départemental) et jouent un rôle important pour faciliter la connaissance et l’interconnaissance des professionnels à l’échelle locale,
les Informateurs Jeunesse pouvant à ce moment, ou par la suite, se rencontrer ou se contacter pour des échanges de pratiques et de solutions à des problèmes concrets. Encadré 4 : Les bénéfices attendus de la constitution d’un réseau
Deux grands types de bénéfices de l’inclusion à un réseau peuvent être espérés :
- un sentiment d’appartenance des professionnels, favorisant leur implication à la fois au sein de leur structure (et luttant contre un travail souvent solitaire, notamment au sein des PIJ) et leur participation à des événements collectifs (formations, co-construction de projets, etc.) ;
- des relations interindividuelles plus poussées entre professionnels, facilitant l’échange de pratiques et, de fait, une meilleure qualité de l’offre de service au public ; et une visibilité plus grande auprès des autres institutions, facilitant la légitimité de l’Information Jeunesse.
Enfin, l’animation du réseau par le CRIJ dépend du degré de mobilisation des PIJ et des BIJ, et des outils d’animation mis en œuvre. En parallèle de ces temps de rencontre institutionnels, comme l’organisation de rencontres régionales de l’IJ, le CRIJ peut également faciliter l’organisation de groupes de travail et de réunions en fonction de projets ou de partenariats spécifiques. Ainsi, pendant l’expérimentation IJ-SPRO du FEJ, les CRIJ ont pu solliciter – avec plus ou moins de succès – des BIJ et PIJ pour porter les actions sur les territoires, participer à des temps de formation sur l’orientation, et éventuellement participer aux comités de pilotage de l’expérimentation. A cet égard, il apparaît que l’animation régionale et départementale du réseau IJ n’est pas toujours efficace car elle rencontre un certain nombre de freins : -
les moyens disponibles et alloués par l’Etat et par le CRIJ ;
-
l’identification par les élus des structures IJ comme une structure d’action locale, principalement tournées vers les jeunes d’une ville ou d’une agglomération ;
-
-
la méconnaissance par les élus locaux de la pertinence de la participation des BIJ et PIJ à la dimension régionale du réseau ; le coût temporel et financier de la mobilisation, surtout dans les petites structures lorsque la participation à des évènements extérieurs implique la fermeture du PIJ ; le sentiment par les structures IJ d’être tardivement associées à des projets déjà élaborés.
Face à la rationalisation des dépenses publiques et des subventions, le réseau peut se trouver dans l’obligation de réduire la voilure de son animation régionale, alors que les structures locales du réseau Information Jeunesse sont au contraire explicitement demandeuses d’une plus grande implication du CRIJ sur les territoires.
2.3.2. L’importance des BIJ- PIJ pouvant être relais ou force de proposition
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La structuration du réseau Information Jeunesse présente des caractéristiques intéressantes si l’on tient compte que certains BIJ et PIJ jouent un rôle de relais des initiatives des CRIJ, voire de
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proposition d’action sur les territoires. En dépit de ces différents freins, la mobilisation des structures IJ est particulièrement rendue possible par l’implication de certaines structures à l’échelle locale63.
On observe souvent, régionalement, un véritable « noyau dur » composé de quelques BIJ et PIJ, comme en témoigne l’analyse et les cartographies des réseaux réalisés dans les huit régions préfiguratrices du SPRO dans le cadre de l’évaluation de l’expérimentation IJ-SPRO64. Encadré 5 : Les mobilisations des BIJ et PIJ autour de projets expérimentaux
Deux degrés-types de mobilisation des BIJ et des PIJ ont pu être observés lors de l’expérimentation IJSPRO :
- une forte mobilisation du réseau régional, lorsque la moitié des structures les plus centrales du réseau est constituée du CRIJ et de BIJ-PIJ ; la mobilisation du réseau se fait alors soit sous la forme d’une communauté bénéficiaire de l’expérimentation (en Auvergne, plusieurs PIJ ont alors un positionnement multiple et intermédiaire, pouvant en faire des relais auprès des autres structures IJ), soit sous la forme d’une communauté motrice de l’expérimentation (en Bretagne, le CRIJ, l’ADIJ 22 et trois PIJ ont conceptualisé et produit les projets expérimentés). Cette forte mobilisation ne se traduit pas nécessairement par l’enrôlement d’un grand nombre de BIJ-PIJ, mais davantage par l’implication d’un noyau dur fortement capable d’être un relais « ascendant » et « descendant » entre le CRIJ et les autres structures IJ ;
- une faible mobilisation du réseau régional, lorsque le CRIJ a peiné à mutualiser l’intérêt des BIJ-PIJ pour un objet perçu comme trop flou (le SPRO), avec un discours souvent trop incantatoire (l’importance pour l’IJ de participer au SPRO) et trop peu axé autour de la production collective d’outils et de projets. Dans ce cas, les professionnels du réseau peuvent critiquer une démarche d’animation du réseau considérée comme trop descendante. L’absence de rôle d’animation locale de certains BIJ les rend moins visibles à l’échelle départementale et régionale, et donc en difficulté pour valoriser auprès du reste du réseau ce qu’ils réalisent. Ces différentes configurations confirment l’intérêt d’une décentralisation avancée du montage de projets et d’actions, et un enseignement généralement intuitif concernant la force d’un réseau : plus son maillage est important, plus la centralité de ses acteurs l’est, puisque ceux-ci sont facilement capables de rentrer en contact les uns avec les autres sur des problématiques territoriales communes, et plus sa capacité d’action politique65 pourrait être significative si les structures transforment ce capital social en légitimité.
Certaines structures sont très en demande de réunions pour des échanges de pratiques et des échanges d’information sur les publics et les partenaires. Il s’agit aussi de profiter d’un regard ou d’une aide extérieure pour renforcer la qualité du service d’information fournit à l’échelle locale auprès des jeunes et vis-à-vis de partenaires, donc la possibilité d’appartenir à un réseau de professionnels confrontés à des problématiques identiques de travail sur l’information des jeunes. Le réseau Information Jeunesse est ainsi vu comme un espace de ressources pour les professionnels.
Le cahier des charges des BIJ rappelle d’ailleurs que « le BIJ peut contribuer à l’animation et au développement d’un réseau local information jeunesse », Ministère de la Santé, de la Jeunesse et des Sports, Cahier des charges d’un Centre Régional Information Jeunesse, 2007. 64 Agence Phare, Rapport d’évaluation de l’expérimentation IJ-SPRO, 2015. 65 La capacité politique est « un processus complexe de définition d’intérêts, d’organisation et de coordination de l’action collective qui permet à des institutions et à des groupes d’acteurs de concevoir et d’appliquer des politiques dans des contextes d’action fragmentés et fluides », Pasquier, Romain, « La capacité politique des régions. Une comparaison FranceEspagne », Annuaire des collectivités locales n°22, 2002, pp.809-815. Agence Phare – Étude sur le cadre d’intervention de l’Information Jeunesse – Juillet 2015
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Certaines structures IJ, BIJ mais aussi PIJ, peuvent fonctionner comme des centres de ressources sur des thématiques spécifiques ou sur des projets communs. Le partage d’expériences, l’échange de pratiques et plus encore la construction de projets communs constituent le principal terreau de l’implication affective et calculée des BIJ et des PIJ au réseau Information Jeunesse, quand l’implication (ou l’injonction) normative de la mobilisation des structures se révèle très peu efficace. Pour autant, ces coopérations locales dépendent largement de contextes locaux, et de logiques de personne à personne. Encadré 6 : Les ressorts de l’implication au sein d’un réseau
L’étude des réseaux permet d’interroger les différentes manières pour les individus de s’impliquer dans une dynamique collective. La notion d’implication organisationnelle rend compte des dimensions favorisant l’implication des individus au sein d’une organisation ou d’un réseau66 : - l’implication affective se réfère à l’attachement émotionnel, à l’identification, à l’engagement envers l’organisation (les individus restent dans l’organisation par désir profond). L’individu exprime une orientation active et positive dans l’organisation ;
- l’implication calculée fait référence à une connaissance qu’à l’individu des coûts associés à son départ de l’organisation : à partir d’un choix raisonné, les individus jugeant plus opportun de rester fidèles au réseau que de la quitter, opération désavantageuse, compte tenu des investissements matériels et immatériels engagés ;
- l’implication normative se réfère au sentiment d’obligation de rester dans l’organisation par devoir moral, loyauté ou pour achever un projet dans lequel la personne est engagée (devoir de rester dans le réseau compte tenu de ce que le réseau leur a apporté). Lorsque cette grille de lecture est appliquée au réseau IJ, elle permet de constater que l’implication normative ne peut pas fonctionner efficacement aussi longtemps que la mobilisation de structures IJ est basée sur le principe du volontariat, à moins de créer des logiques de réciprocité autour de ce que le réseau IJ peut leur apporter.
Le rôle de ces structures BIJ apparaît dans un contexte spécifique. Ainsi, lorsque le territoire est très vaste, face au désengagement progressif de certains services départementaux de l’Etat, ou lorsque l’animation du CRIJ devient trop faible ou bien est perçue comme trop peu décentralisée, certains BIJ jouent un rôle très fort d’animation de réseaux de PIJ et de lancement de projets à l’échelle locale, afin de stimuler une coopération ou de mener des actions conjointes départementales ou locales sur des problématiques territorialisées (logement, transport, mobilité des jeunes, accès à l’emploi). Les entretiens que nous avons menés à l’échelle locale confirment que les relations sur les territoires sont très souvent informelles et dépendantes de la présence d’un acteur moteur. Des ADIJ (Associations Départementales de l’Information Jeunesse) peuvent également, dans certaines régions, tenir ce rôle – c’est par exemple le cas de l’ADIJ des Côtes d’Armor, en Bretagne et de l’ADIIJ iséroise, en Rhône-Alpes :
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Meyer, J.-P., Allen, N.-J., “A three-component conceptualisation of organizational commitment”, Human Resource Management Review, vol.1, 1991 66
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« La mission de l’ADIJ des Côtes d’Armor, c’est la coordination départementale de l’IJ. La plusvalue, c’est qu’il y a une équipe, on est 3 personnes, et on porte des projets spécifiques dans le département : par exemple on a l’originalité qui est la création d’outils pédagogiques, pour
intervenir sur les thématiques de l’IJ. On les diffuse, on les commercialise. On mène un gros projet avec tout le département des Côtes d’Armor ; le fait d’être une association, avec une équipe, ça permet une vraie dynamique de réseau. On est aussi sur un projet de cohabitation intergénérationnelle. » 67
« J’ai besoin de ses outils, j’ai besoin du réseau parce que j’ai besoin de l’enrichir parce que j’ai aussi besoin que le réseau soit fort pour que cela serve ma capacité à informer les jeunes. Et puis, sans le réseau, je n’aurai pas pu monter tout un tas d’actions. Donc oui, je donne en étant très présent au CRIJ, en m’engageant dans des projets comme celui du FEJ, mais en même temps je reçois beaucoup du réseau. »68
L’évaluation de l’expérimentation IJ-SPRO a montré que cette autonomie de certains BIJ et PIJ s’exprime de deux manières, souvent indépendamment de l’action des CRIJ : les structures IJ peuvent jouer un rôle de représentation et de valorisation des actions/projets dans les instances institutionnelles, ou bien d’initiateur ou de relais de ces actions/projets sur les territoires. L’autonomie des acteurs locaux étant cependant rarement spontanée, elle a besoin d’être sollicitée, accompagnée et stimulée par des structures en capacité de fournir un soutien logistique, stratégique, voire politique.
2.3.3. Une autonomie des réseaux départementaux ?
Il est ainsi intéressant de constater que certains réseaux Information Jeunesse départementaux et/ou infra-départementaux présentent une véritable autonomie d’action vis-à-vis des logiques de mobilisation régionales, et encore plus vis-à-vis des logiques descendantes nationales69. Si la plupart de structures IJ tendent à faciliter la circulation de l’information à l’échelle locale et régionale, les réseaux départementaux sont plus ou moins actifs et fonctionnent de façon plus ou moins descendantes, et selon des logiques plus ou moins coopératives. Au sein d’un même département, des réseaux distincts peuvent même cohabiter : « Historiquement, il y a le Béarn et le Pays Basque. Donc ils ont préféré fonctionner en deux réseaux distincts. Et puis en fin de compte on s’aperçoit aussi que dans le Béarn ce sont essentiellement des Missions locales, alors qu’en Pays Basque c’est plutôt des municipaux ou intercommunaux, et du coup les fonctionnements et les missions ne sont pas les mêmes. »70
Certains réseaux départementaux peuvent ainsi être marqués par une forte coopération locale en raison du sentiment d’appartenance des professionnels à un territoire spécifique. C’est le cas dans les territoires plutôt ruraux, par exemple le Béarn, le Pays Basque, ou encore la Corrèze, qui développent des partenariats ou des évènements communs afin de renforcer le maillage du territoire départemental auprès de jeunes qui sont à la fois très dispersés et très isolés vis-à-vis des canaux d’information plus urbains. Ce sentiment d’appartenance au territoire peut-être renforcé par le manque de moyens et le besoin de développer une solidarité infra-départementale.
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Entretien avec la coordinatrice de l’ADIJ des Côtes d’Armor, 2014. Entretien avec un professionnel du réseau IJ, 2014. 69 Ainsi l’expérimentation IJ-SPRO a dans de nombreux cas fait reposer le lancement d’actions sur la base d’un diagnostic préalable auprès des professionnels IJ sur la réalité et leurs besoins en termes d’outils, de formation et de partenariats. 70 Entretien avec un professionnel d’un CRIJ, 2014. 67
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D’autres réseaux peuvent être marqués par une coopération basée sur une thématique lorsqu’un acteur local est particulièrement en pointe sur celle-ci et joue un rôle moteur dans la diffusion d’information ou de compétences sur cette même thématique. Par exemple, les structures IJ qui sont
adossées à une Mission locale et qui développent des compétences fortement orientées sur l’orientation, la formation et l’emploi, peuvent jouer un rôle d’expertise et de ressource pour les autres structures IJ d’un département, surtout si celles-ci sont adossées à des centres sociaux qui travaillent plus sur l’insertion sociale.
Enfin, d’autres réseaux départementaux peuvent être marqués par une coopération plus poussée autour de la production d’outils documentaires, qu’ils soient papiers ou numériques. A cet égard, le terrain d’enquête que nous avons réalisé permet de constater que lorsque la logique de production d’outils est portée par une seule structure, celle-ci peut ensuite avoir plus de difficulté à impulser une logique de coopération territoriale, alors que lorsque la logique de production des outils est ouverte, le sentiment d’appartenir au réseau est beaucoup plus fort.
« Dans chaque département il y a un Conseiller d’Education Populaire et de Jeunesse en charge de l’animation du réseau IJ –en Pyrénées-Atlantiques, ils sont deux, donc, et le choix de la DDCS a été d’attribuer une somme pour permettre que, dans chaque réseau, il y ait une tête de réseau IJ. Ils élisent en leur sein un BIJ ou un PIJ qui fait tête de réseau, en interne. Par exemple, c’est le BIJ et Biarritz et le BIJ de Pau. Et par exemple, c’est le BIJ de Biarritz qui a mis en place les statistiques départementales, qui a impulsé la chose. Il gère ça, ainsi que la diffusion des informations au sein du réseau. Et chaque département a un kit de communication. »71 « Après il faut nuancer, cela dépend aussi de l’accompagnement du CRIJ. Ayant remarqué le manque de coaching et d’accompagnement du CRIJ vis-à-vis des BIJ-PIJ, j’ai essayé de proposer de monter un COPIL avec les BIJ-PIJ et de faire des actions communes entre BIJ-PIJ pour créer cette identité de réseau et d’entraide entre les BIJ-PIJ, et mis à part 4 ou 5 BIJ-PIJ qui répondent présent, la plupart du temps on n’a pas de réponse. »72
Au final, pour autant, à part certaines exceptions et bien que la charte de l’IJ recommande que les BIJ soient des animateurs départementaux du réseau IJ, il apparaît que les coopérations départementales sont généralement peu formalisées. Elles fonctionnent selon les disponibilités, la motivation et les fluctuations des besoins de chacun et de l’historique de coopération des acteurs sur les territoires73. A cet égard, les logiques locales de production collective d’outils ou d’échanges de pratiques font bien plus réseau que la simple existence du label IJ, ou que la diffusion d’outils nationaux ou régionaux qui sont souvent éloignées des réalités et spécificités locales.
2.3.4. Un CRIJ « tête de réseau » : une fonction incitative ?
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Entretien avec un professionnel du CRIJ Aquitaine, 2014. Entretien avec une DRJSCS, 2014. 73 Elles dépendent également beaucoup des relations « de personnes à personnes », qui sont en réalité rarement des questions de personnalité en tant que tel, mais liées à des similarités de parcours professionnels et de capacité à communiquer et à trouver des points d’entente. 71
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Dans ce contexte de fonctionnement du réseau IJ, il est clair que CRIJ est cantonné à un rôle purement incitatif puisque les structures BIJ et PIJ se mobilisent sur le principe du volontariat et en fonction de leur intérêt pour les idées « innovantes » du CRIJ. Plusieurs obstacles viennent limiter la capacité de mobilisation des structures IJ : la disponibilité vis-à-vis du temps d’accueil qu’elles doivent assurer, les compétences des Informateurs sur une thématique donnée, les moyens financiers, et in fine, l’accord des responsables des structures ou des élus des collectivités territoriales auxquels ils s’adossent :
« Moi je suis tête de réseau sur mon territoire. Je suis censé organiser le travail en commun pour l’IJ. Il faut prendre en compte plusieurs réalités : la première c’est qu’on ne travaille pas pour l’IJ. On travaille pour des municipalités, pour des associations, voire pour certains, sous la tutelle de Missions Locales. Sur mon territoire, c’est à 80% de communes, pour 16 PIJ»74. « C’est un réseau par les fonctions, mais pas formel. Et les informateurs jeunesse, même avec la meilleure volonté du monde, ne décident pas. Et un maire nous disent « bien sûr, le PIJ est une priorité », si l’informateur jeunesse ne fait pas que de l’IJ, l’IJ c’est la 5ème roue du carrosse. Quand on a 0,2 ETP consacré à l’IJ, c’est compliqué de mettre en place des projets. C’est ce qui fait la différence entre le RIJ et les autres réseaux : on n’a pas la même force ».75
Certains CRIJ fonctionnent avec des modes de gouvernance du réseau Information Jeunesse divers. Si une partie d’entre eux organise un Conseil d’administration favorisant uniquement la présence des partenaires institutionnels, et notamment des partenaires financiers, d’autres CRIJ ouvrent ou envisagent d’ouvrir cette instance à des structures BIJ ou PIJ, avec pour objectif de les associer plus directement à l’élaboration des décisions stratégiques de long terme, même si tous les BIJ ou PIJ ne sont pas en capacité de participer à ce type de gouvernance (notamment en raison des réticences politiques des collectivités territoriales).
Certains CRIJ fonctionnent alors sur un mode plus centralisateur dans sa fonction d’animation du réseau Information Jeunesse : -
une partie propose des temps de rencontre et d’animation en fonction de thématiques définies selon les intérêts régionaux, et sollicite ensuite les structures locales IJ pour les porter ;
d’autres CRIJ proposent des temps de rencontre et d’animation en fonction des besoins et des demandes locales des structures locales IJ et les sollicite pour co-construire les projets.
Sur un autre plan, le CRIJ peut être plus ou moins centralisateur dans sa fonction de représentation du réseau Information Jeunesse : -
soit en jouant un rôle d’instance de représentation des structures locales auprès des pouvoirs publics (Etat, Conseil Régional, etc.) – au même titre que les DRJSCS et DDCS(PP) ;
soit il ouvre à l’inverse sa fonction de représentation et sollicite les BIJ et PIJ en les incitant, par exemple, à rencontrer les pouvoirs publics ou bien des partenaires.
L’analyse comparée de ces modes de gouvernance est délicate. L’évaluation de l’expérimentation FEJ/IJ-SPRO a permis de constater que la mise en place d’un mode de gouvernance décentralisé apparaît clairement comme étant plus efficace pour intéresser les structures IJ à se mobiliser sur des projets ; la difficulté étant de parvenir à créer une dynamique territoriale régionale cohérente, pouvant se traduire par une forme de plus grande autonomie des autres structures IJ, qui peuvent chercher à rentrer en concurrence avec le CRIJ sur l’animation de réseaux, comme en PoitouCharentes:
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Entretien avec un BIJ, 2014. Entretien avec une DRJSCS, 2014.
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« Il y a beaucoup de CRIJ qui ont un fonctionnement pyramidal, car cela a été créé comme ça. En Poitou-Charentes, avons un fonctionnement plus décentralisé. C’est un choix politique. C’est aussi une question de moyens. On n’a pas les moyens de faire des formations-types, on
les fera peut-être, mais on est à l’écoute des structures s’ils ont des questions, et on est ressource. On continue à faire des animations, trois ou quatre journées régionales sur une thématique ou une autre, mais on anime plus des réseaux territoriaux que des réseaux locaux. Après, nous, l’idée c’est de transférer sur tout le territoire, en allant présenter cela auprès des autres. Mais c’est pareil, il faut laisser le temps aux gens de l’approprier. Ce n’est pas le CRIJ qui arrive avec tout prêt. J’ai essayé cela avec le projet des RIJ mais cela ne fonctionne pas bien. »76
« Un CIJ a beaucoup résisté à cette démarche de décentralisation. Il y a eu deux visions de l’IJ
qui se sont opposées. Le CRIJ défend plutôt une information des jeunes, plutôt qu’une information avec des brochures, et le CIJ est plus dans une démarche classique, avec l’idée que tout le monde ne peut pas informer, qu’il faut faire une formation. Dans un département, le système ‘satellite’ a bien fonctionné : il y a plus de 20 structures qui sont attachées comme cela. Mais cela a effrayé beaucoup. Si l’information n’est pas qualifiée, est-ce qu’elle est bonne ? Le CIJ est assez isolé, mais c’est une grosse structure du département, avec un site très différent, pas descendant et pas partagé, avec de la brochure mise en ligne, très travaillée, donc c’est eux qui font, c’est eux qui gardent. »77
Au final, il y a donc clairement une réflexion à mener pour l’Information Jeunesse sur la pertinence de tel ou tel mode de gouvernance et d’animation du réseau Information Jeunesse pour faciliter la mobilisation du réseau IJ sans perdre en visibilité et lisibilité de l’offre régionale de service. Le questionnement doit alors également porter sur les moyens de mettre en œuvre cette animation, qu’ils soient sous la forme de réunions, de groupes de travail, de construction d’outils. En effet, dans l’ensemble, les structures locales sont très peu outillées du point de vue de pilotage, de gestion des ressources et d’évaluation de leurs actions. BILAN INTERMEDIAIRE 3 : L’animation de l’IJ, un réseau de réseaux de coopération Freins
Mission d’animation du CRIJ
Désengagement des DDCS(PP) et DRJSCS
Prise en compte des besoins des BIJ et PIJ
Des projets parfois trop « estampillés » CRIJ
Présence de BIJ et PIJ relais de l’action du CIRJ
Une mobilisation sur la base du volontariat
Autonomie de certains réseaux départementaux
Faible outillage des BIJ et des PIJ pour l’animation territoriale
Le CRIJ comme acteur incitatif
Baisse des moyens du CRIJ
Le CRIJ comme acteur légitimant
Préserver/augmenter la cohérence de l’offre régionale de service
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Entretien avec un professionnel du CRIJ, 2015. Entretien avec une DRJSCS, 2014.
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Atouts
2.4. Une offre de service locale et régionale inégale et peu identifiée
Le réseau Information Jeunesse, en dépit de la diversité de ses missions et de ses moyens d’animation, souffre d’un manque de reconnaissance important de la part de certains partenaires ainsi que d’une faible visibilité auprès d’acteurs politiques (élus locaux, Conseils Départementaux, Conseils Régionaux). Ce manque de reconnaissance ne porte pas sur la légitimité du réseau IJ à informer les jeunes, mais bien plus sur la définition du champ de l’action de l’IJ. Il semble que le manque de reconnaissance de l’Information Jeunesse dépende surtout de l’hétérogénéité du niveau de formation des Informateurs, de l’absence d’une « identification métier » commune et du degré trop variable de mobilisation des PIJ et BIJ, ce qui in fine se traduit par une offre de service locale et régionale parfois très déséquilibrée et limite de facto la possibilité de partenariats à l’échelle communale, intercommunale, départementale et régionale.
2.4.1. Une labellisation devenue obsolète
Le cahier des charges de la labellisation des BIJ-PIJ, édicté en 2007, demande, afin de garantir la qualité du service d’information, de répondre à un certain nombre de critères : superficie de l’accueil, zone d’implantation, minimum d’horaires d’ouverture, formation des Informateurs, achats d’équipement, acquisition d’un fonds documentaire78. Or, de nombreuses structures IJ peinent à respecter les contraintes du cahier des charges, et les professionnels IJ portent ainsi un jugement sans appel sur le label dans sa forme actuelle : « Alors j’y vais franco ? Le label pour nous il est obsolète, car il y a trop de structures qui ne parviennent plus à remplir les critères demandés… Pour nous le rôle d’un PIJ ou d’un BIJ sur un territoire ce n’est pas d’avoir un certain nombre de mètres carrés, des étagères et de documents, des horaires d’ouverture. Pour nous cela n’a pas de sens. C’est un frein par rapport aux besoins, par rapport aux dynamiques de la circulation de l’information, avec la façon dont les jeunes s’informent, par rapport aux besoins des territoires. »79
« Cela c’est assez net. La réalité du réseau IJ est compliquée : dans notre région, il n’y a plus qu’une ou deux structures PIJ qui sont labellisées et qui correspondent au cahier des charges. Le CRIJ, comme la convention était obsolète, a aussi fait des conventions avec des structures qui faisaient de l’IJ, mais qui ne remplissaient pas les conditions du label : ils ont appelé cela des relais IJ, sans label. Mais lié à ce qu’il se passait vraiment, les pratiques réelles. Tout ce mouvement là…. Pour moi le label ne correspond plus à rien. »80
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Cahier des charges des BIJ et des PIJ, disponible en ligne : http://www.jeunes.gouv.fr/IMG/UserFiles/Files/cahier_des_charges_BIJ_PIJ.pdf 79 Entretien avec une professionnelle d’un CRIJ, 2015. 80 Entretien une DRJSCS, 2014. 81 Entretien avec une DDCS, 2014. 78
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La première difficulté est l’existence d’un décalage entre le cahier des charges et la réalité des moyens. Si certaines collectivités locales mettent en place les moyens pour que les BIJ aient au moins deux professionnels identifiés IJ, de nombreux BIJ éprouvent des difficultés à exister avec un seul animateur IJ. A l’inverse, si certains PIJ ne disposent que d’un animateur à mi-temps, ils peuvent disposer dans les faits de plusieurs permanents qui sont tous capables d’être polyvalents sur la question de l’information des jeunes, sans pour autant tous avoir suivi les formations adéquates81.
La deuxième difficulté réside dans le décalage entre le cahier des charges et la réalité des missions. Le peu de moyens se traduit par une plus grande difficulté à réaliser les missions initialement prévues. Alors que les professionnels sont confrontés à une réduction des moyens alloués à leur structure, il arrive que les BIJ ou les PIJ ne soient plus capables de garantir des horaires d’ouverture des structures suffisamment larges pour les jeunes, d’acquérir ou de produire une documentation actualisée sur les dispositifs et les services des autres institutions, ou encore d’organiser des ateliers d’information en direction des jeunes. La troisième difficulté est l’attitude variable des CRIJ et des services déconcentrés de l’Etat quant à la diversité des structures et au respect ou non du cahier des charges du label IJ. Dans certains cas, les structures perdent le label parce que le temps alloué aux professionnels à l’Information Jeunesse n’est pas suffisant, lorsque le fonds documentaire n’est pas actualisé, ou parce que la structure ne se mobilise pas suffisamment dans des logiques de réseaux. Dans d’autres cas, le CRIJ et les services de l’Etat tentent de soutenir les structures IJ pour qu’elles parviennent à « revenir » dans les consignes du cahier des charges :
« On dé-labellise quand il n’y a pas de paiement de l’abonnement, ce qui veut dire que le fonds documentaire n’est pas à jour, donc que le travail n’est pas bon. […] Ou alors si le professionnel ne vient jamais en réunion, ou ne vient pas en séminaire annuel. Dans une commune, c’est le Maire qui a carrément demandé de dé-labelliser. Ils avaient collé le PIJ dans un service administratif ! C’est aussi lié à un contexte où il y a moins d’argent. Même si monter un PIJ ça ne coûte pas très cher, c’est une politique jeunesse qui ne coûte pas très cher. »82 « Quand on constate ça, est-ce qu’on va vers la dé-labellisation des structures qui ne jouent pas le jeu, ou alors au contraire – et c’est notre position actuelle – on essaie de les conforter, de les accompagner, même si elles ne respectent pas le cahier des charges. Parce que notre intérêt ce n’est pas de voir disparaître l’IJ sur une partie du territoire. Donc on essaie davantage de les accompagner que de leur taper sur les doigts. »83
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Entretien avec une professionnelle d’un CRIJ, 2014. Entretien avec une DDCS, 2014.
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Dans ce contexte, il fait souligner que certains CRIJ ont adopté une autre stratégie, en ouvrant la labellisation à d’autres structures qui ne remplissent pas le cahier des charges afin de renforcer le maillage du territoire en fonction des professionnels susceptibles de répondre concrètement aux besoins des jeunes.
Encadré 7 : L’expérimentation d’une nouvelle labellisation IJ en 2015
La DJEPVA a lancé en 2015 une réflexion sur l’actualisation de la labellisation du réseau Information Jeunesse, partageant le diagnostic d’un « décalage [des documents fondateurs de l’IJ] avec le cadre institutionnel et la réalité des services ». Il est également prôné le besoin d’une adaptation de l’offre de services aux pratiques numériques des jeunes. L’expérimentation d’un nouveau cadre de référence et d’une nouvelle forme de labellisation de l’IJ est ainsi mise en œuvre lors du 1er semestre 2015. Un « corpus IJ » sera proposé en septembre 2015, suite à l’évaluation de la démarche-test et l’ajustement éventuel des documents produits. Il comprendra : un schéma relatif au cadre de contractualisation Etat/IJ, un document de référence pour une labellisation IJ, un modèle de convention de labellisation IJ, ainsi qu’un argumentaire en direction des élus et responsables des structures IJ. Source : DJEVPA « Cadre de référence label IJ / Démarche-test 2015 »
Cette solution présente cependant un inconvénient : en ouvrant la possibilité d’une labellisation moins contrainte, les CRIJ peuvent également favoriser encore plus l’hétérogénéité du niveau de formation ainsi que le niveau de mobilisation des PIJ et des BIJ sur des actions communes.
2.4.2. Un niveau de formation peu identifié
L’enquête que nous avons menée, comme celles produites par les CRIJ, témoignent du fait que les professionnels de l’Information Jeunesse présentent des profils très contrastés. D’une part, les professionnels de l’IJ peuvent se définir en fonction de profils très différents et notamment autour des quatre grands idéaux-types que sont la Direction et les fonctions administratives, les documentalistes, les animateurs, ou bien des coordinateurs de réseau84. Le référentiel métier de l’Informateur Jeunesse reconnaît d’ailleurs que « le réseau est riche de sa diversité, le référentiel métier devant donc refléter cette force et non formater un métier dont la vertu est de s’adapter à son environnement » - ce référentiel se résumant dès lors à « définir un cadre d’activités ajustable »85 :
« Le CRIJ a fait une étude en 2012 sur les profils des animateurs Jeunesse, qui démontre que les niveaux de diplôme, les portefeuilles de compétence des uns et des autres sont tout à fait valables. Après, nous on ne peut pas rentrer dans ce débat, qui est un débat plus large de positionnement des différentes structures qui vont appartenir au SPRO, et des discours tenus par les uns et les autres – et qui reposent parfois plus des stéréotypes ou des représentations du passé qu’à des profils d’emploi, ou des compétences des animateurs Jeunesse. »86
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Cette distinction, volontairement schématique, vise à caractériser les grandes fonctions des professionnels de l’IJ. CIDJ, Référentiel métier de l’Informateur Jeunesse, 2013 86 Entretien avec une DRJSCS, 2014. 87 Entretien avec une DDCS, 2014. 84
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« Ce que je constate, c’est que les professionnels IJ sont extrêmement qualifiés – enfin non, justement, pas qualifiés, compétents. Ils sont en plus actuellement accompagnés en VAE pour un diplôme. Je les écoute régulièrement parler de leurs pratiques, et ce sont non seulement des professionnels qui ont de grandes responsabilités, mais aussi beaucoup de ressources et de réseau. Ils se professionnalisent de plus en plus, ils sont de plus en plus compétents. En revanche, ils sont peu qualifiés. Donc ils sont souvent sur des grilles financières catastrophiques par rapport à leur ancienneté et aux responsabilités qu’ils ont, et puis il n’y a surtout pas de diplôme qui corresponde à leur métier. »87
Il faut d’abord relever la très faible cohérence entre les niveaux de formation des professionnels du réseau IJ. Ainsi, les enquêtes menées sur le profil des professionnels de l’IJ au cours de l’expérimentation IJ-SPRO montrent que les professionnels ont des niveaux de diplômes très différents, qui peuvent aller d’un niveau bac à un niveau bac + 2 ou bac + 3, et il n’est pas rare que des professionnels aient un niveau bac+588. Cette hétérogénéité brouille l’idée d’un métier IJ en soi. Comme en témoigne un professionnel d’un CRIJ : « Ils s’appelleraient « chargés de mission IJ » on les regarderait différemment ! »89.
Il s’agit donc également d’un enjeu de définition de compétences communes au réseau Information Jeunesse pouvant être formalisés sous la forme d’une qualification suffisamment identifiée par les partenaires. A cet égard, les efforts de l’Etat se sont révélés insuffisants : si la réflexion a été menée sur l’existence d’un « cœur de métier » propre à l’IJ, par exemple autour de la publication d’un « référentiel métier » en 2001, la véritable difficulté propre à l’IJ est qu’il n’existe pas de certification qualifiante pour distinguer ou valoriser les différents types de pratiques professionnelles (documentation, animation, etc.), qui s’y côtoient.
Enfin, il s’agit d’un enjeu de validation et de valorisation d’un ensemble de compétences également acquises par l’expérience. A cet égard, la VAE peut s’avérer un outil intéressant et important pour les Informateurs Jeunesse qui se trouvent fortement démunis lorsqu’ils veulent envisager un changement de carrière professionnelle et valoriser leur travail au sein de l’IJ. Un tel diplôme, expérimenté en Bretagne et en Île-de-France et délivré par le CNAM pourrait éventuellement apporter plus de formalisation et de reconnaissance aux Informateurs IJ. Encadré 8 : La VAE collective « Chargé d’accompagnement social et professionnel »
Cette VAE a été repérée par plusieurs professionnels de l’IJ comme pouvant répondre aux besoins de reconnaissance des compétences des animateurs IJ. Intitulée « Chargé d’accompagnement social et professionnel », elle apparaît comme particulièrement pertinente pour les professionnels des BIJ et PIJ. Après avoir été expérimentée par les réseaux IJ breton et francilien, sa mise en œuvre est en réflexion en Aquitaine.
Ce diplôme pourrait répondre à un besoin de reconnaissance symbolique de la professionnalité des animateurs IJ, facteur d’une plus grande légitimité auprès des professionnels des autres réseaux. Son objectif est double : - un renforcement des compétences, une professionnalisation des interventions ;
- une reconnaissance des activités professionnelles, la possibilité de s’inscrire dans une famille de métier, du même réseau ou dans d’autres structures (Missions Locales, Pôle Emploi, associations), de passer des concours administratifs de catégorie supérieure ou de poursuivre une formation de niveau supérieure. La VAE a, nous avons pu le constater, soulevé l’intérêt d’acteurs tels que les Conseils régionaux – elle demanderait donc à être testée de manière plus assumée, et évaluée rigoureusement.
Agence Phare – Étude sur le cadre d’intervention de l’Information Jeunesse – Juillet 2015
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Voir l’enquête menée en Pays de la Loire et l’enquête menée en Limousin dans le cadre IJ-SPRO. CRIJ Pays de la Loire, « L’enquête de professionnalisation », Rapport de l’enquête, mai 2014. CRIJ Limousin, Enquête sur les besoins des professionnels de l’Information Jeunesse, 2014. 89 Entretien avec un CRIJ, 2014. 88
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Source : Agence Phare, Evaluation de l’expérimentation FEJ/IJ-SPRO, 2015
Ces solutions répondent à une vraie demande des Informateurs Jeunesse, notamment autour de la VAE, mais peuvent paraître insuffisantes au regard des attentes des partenaires. Au final, il existe un fort décalage entre la manière dont les professionnels de l’IJ sont perçus comme de simples informateurs, alors qu’ils accompagnent aussi les jeunes autour de la recherche d’information. Il s’agit pourtant d’un enjeu de légitimité du réseau IJ car la coopération et la confiance sur les territoires dépend de la reconnaissance d’un niveau de diplôme ou de compétences, comme c’est le cas pour des institutions comme les CIO, Pôle Emploi ou les Missions Locales, ce qui facilite leur identification et leur intégration dans les politiques et partenariats locaux.
2.4.3. Un niveau de reconnaissance et de mobilisation hétérogène
En raison de la grande diversité des structures, et du caractère volontaire de la mobilisation du réseau, les autres institutions, lorsqu’elles souhaitent établir des partenariats, ont souvent des difficultés à percevoir l’offre de service régionale du CRIJ, ainsi que l’offre locale des BIJ et PIJ. Si certaines conventions régionales peuvent être signées avec des partenaires, comme dans le cadre de la mise en place du SPRO, les acteurs soulignent dans l’ensemble leur bonne connaissance du CRIJ couplée à une grande méconnaissance du service rendu par les structures PIJ et BIJ :
« Mon regard sur le réseau Information Jeunesse est très contrasté : le CRIJ est bien implanté sur son territoire, il remplit les missions qu’on connait. Mais sur les territoires, les ressources des BIJ et PIJ sont tellement différentes… c’est le réseau le plus hétérogène qu’on connaisse. Et le moins organisé du point de vue du pilotage et de son management. Il y a de tout. Je le vois comme un réseau où il y a une grosse structure avec le CRIJ devant et les autres très loin derrière. Nous on a des liens avec le CRIJ, mais mon appréciation est autre pour le réseau IJ. »90 « On n’a pas une vision robuste du niveau d’engagement de service de ce réseau. C’est une grande hétérogénéité de service, des niveaux d’information en fonction des structures porteuses et des territoires. Donc au niveau régional, c’est un réseau qui souffre, non pas de sa diversité, mais de son hétérogénéité, voir un peu évanescent. Donc c’est aussi une difficulté dans notre vision du territoire. »91
La difficulté est d’abord vécue par les partenaires de l’Education Nationale. Si certains établissements peuvent avoir des partenariats forts avec les BIJ et PIJ, notamment associatifs, d’autres ont de fortes réticences à nouer de telles relations92. A cet égard, les partenariats de BIJ ou PIJ avec les établissements scolaires (collèges, lycées) pour mener des actions d’information « hors les murs » sont souvent possibles par des contacts interpersonnels, peu formalisés, et de fait remis en cause par le turn-over important des personnels de l’Education Nationale ou des structures IJ.
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Entretien avec un professionnel de SAIO, 2014. Entretien avec un Conseil Régional, 2014. 92 Entretien avec un professionnel d’un CIJ, 2015. 90
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La situation est également vécue difficilement par les partenaires de Pôle Emploi ou des Missions Locales, qui ont des difficultés à percevoir comment le réseau Information Jeunesse peut aider les jeunes non pas à s’orienter, mais à trouver les bonnes informations sur les moyens de concrétiser un choix d’orientation ou de formation professionnelle (logement, transport, mobilité internationale)
dans la perspective de la construction d’un parcours de vie. Comme l’explicite un professionnel, « le réseau IJ, c’est un partenaire avec lequel on ne sait parfois pas sur quel pied danser. »93
Cette grande hétérogénéité du service de l’Information Jeunesse est enfin vécue comme une difficulté par les Conseils Départementaux et les Conseils Régionaux, qui ont du mal à identifier la plus-value de l’IJ du point de vue de son action départementale ou régionale. La plupart soulignent que l’hétérogénéité de son offre de service est une faiblesse importante pour remplir une mission d’animation du territoire :
« Généralement, la collectivité peut avoir d’autres ambitions pour son animateur IJ que le CRIJ. Donc effectivement. Je pense que le CRIJ en a conscience. […] Mais c’est vrai aussi pour les Missions locales : l’association régionale des Missions locales n’a pas d’autorité sur les Missions locales. Ils sont moins nombreux, c’est un peu différent. Mais sur le réseau IJ, on est quand même sur un réseau très hétérogène dans ses structures – et dans les objectifs et les ambitions qui animent les élus locaux pour mettre en place ce type de structure. C’est un problème. »94 « Moi, si, mon employeur me demande des comptes. C’est aussi pour ça qu’au moment où il y a eu la sollicitation pour participer au projet, je n’ai pas pu répondre positivement ; il y a eu aussi le changement de municipalité qui fait que l’élu ne connaît pas l’Information Jeunesse, et que le responsable de service n’est pas non plus « rentré dedans ». C’est pour ça que pour ce type de rencontres, il faut que j’argumente, que je convainque, que je dise que c’est important d’y être – parce que tout ce qui est SPRO, le FEJ, ils sont noyés, ils ne savent pas. Donc moi je préparer une réunion avec le Directeur et avec le chargé de mission du CRIJ pour pouvoir bien être capable de bien expliquer les bases et de montrer que je ne vais pas faire du shopping à la capitale régionale quand je viens. […] J’ai expliqué, effectivement – mais bon, il faut que j’en remette une petite couche. Parce que bon, ils sont au niveau local, donc pour eux, il faut que le BIJ fonctionne et il faut qu’on s’occupe du local. Ce qui se passe à la capitale régionale, pour eux, c’est éloigné.»95
Il apparaît que la mobilisation du réseau IJ est perçue de façon très contrastée également par les élus locaux : si certaines structures IJ sont bien identifiées par les communes ou intercommunalités pour animer des réseaux et une offre d’information sur des territoires locaux, les élus de ces communes ou intercommunalités méconnaissent l’existence des autres structures IJ sur les territoires, voire l’existence du CRIJ et plus encore d’un réseau régional IJ, ce qui freine l’autorisation – et donc la possibilité – des structures IJ à se mobiliser à l’échelle régionale et pose question quant à la contribution du réseau IJ aux politiques de Jeunesse sur les territoires.
2.4.4. La contribution aux politiques de Jeunesse sur les territoires
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Entretien avec un professionnel de Pôle Emploi, 2014. Entretien avec un Conseil régional, 2014. 95 Entretien avec un professionnel d’un BIJ de Bretagne, 2014. 93
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La première difficulté, lorsqu’il s’agit d’identifier la contribution du réseau IJ aux politiques de Jeunesse est que les spécialistes ont tendance à affirmer qu’il n’existe pas tant une politique de Jeunesse en tant que telle », ou des politiques régionales de Jeunesse, mais au mieux des politiques
locales en faveur des jeunes, généralement « guidées par une méfiance à l’égard de la jeunesse »96 et « essentiellement pensées en creux des politiques d’éducation, apportant des réponses ponctuelles à des populations qui n’ont pas réussi dans leur parcours de qualification »97. A cet égard, l’IJ peut être considéré comme un « outil » ou une « boîte à outils » au service des politiques locales, notamment pour dans la réduction des inégalités dans l’accès des jeunes à l’information sur les territoires98 : -
les inégalités de ressources, « qui procèdent du jeu des politiques publiques et de la concurrence » ; les inégalités de conditions, avec un taux de chômage des jeunes très variables selon les territoires ; les discriminations, avec notamment la question de l’accès à un diplôme qui conditionne les parcours de vie ;
les inégalités d’accès à l’autonomie résidentielle, qui se traduit par une ségrégation spatiale poussant les jeunes vers la périphérie des grandes villes.
Il apparaît que le réseau IJ peut d’abord travailler comme un relais des politiques de Jeunesse, qu’elles soient menées par des communes, des intercommunalités ou par certaines Régions99.
Encadré 9 : L’information, un enjeu au croisement des attentes des jeunes
Les Assises de la Jeunesse menées en 2015 à Dinan ont donné lieu à la réalisation d’une consultation auprès des jeunes de 16 à 25 ans fréquentant la commune. Un des quatre thèmes recensés est la création d’un « lieu dédié aux jeunes », répondant à « une grosse demande, liée à celle d’information » selon l’adjoint à la Jeunesse de la ville. Ce lieu dédié serait censé réunir les différents acteurs jeunesse de la ville, et éventuellement un PIJ. Pour l’élu, « cela pourrait aussi être un lieu à disposition des jeunes pour des associations ou des événements ». Source : Le Télégramme, 30 janvier
Les structures IJ sont capables d’informer les jeunes de l’existence de dispositifs spécifiques d’aide ou d’accompagnement des jeunes dans la vie quotidienne ou de la construction d’un parcours de vie, notamment concernant la mobilité des jeunes, vue comme un moyen de réduire les inégalités100. Lorsque les structures IJ disposent d’outils comme des guides ou des sites Web de qualité, elles peuvent faciliter le décloisonnement des sources d’information, et ainsi rendre l’information plus lisible. Le réseau IJ peut également contribuer à favoriser la participation des jeunes dans la vie associative ou politique locale, en tant que relais de la démocratie participative.
Loncle, P. « Recherche et politiques de jeunesse. Quels apports pour la décision et la pratique ? », Discours inaugural de la Chaire de recherche sur la Jeunesse, 16 novembre 2012. 97 Ibid. 98 Ces quatre inégalités sont pointées par le rapport suivant : INJEP, « Parcours de vie et territoire », Compte rendu des Rencontres de l’Observatoire de la Jeunesse et des politiques de jeunesse, 27 janvier 2015. 99 La Région Bretagne a de son côté formalisé une Charte d’engagement pour les jeunes en Bretagne, dont la réalisation s’appuie en partie sur le réseau Information Jeunesse. 100 INJEP, « Parcours de vie et territoire », Compte-rendu des Rencontres de l’Observatoire de la Jeunesse et des politiques de jeunesse, 27 janvier 2015. Agence Phare – Étude sur le cadre d’intervention de l’Information Jeunesse – Juillet 2015
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Encadré 10 : Trois axes de contribution à une politique jeunesse locale
En tant que relais des politiques locales, « le CIJ prend soin de communiquer auprès des jeunes de manière adaptée sur les mesures et actions menées en leur faveur par la municipalité » ; en tant que vecteur de démocratie participative, « la participation active du CIJ apparaît essentiel dans le cadre de la promotion de la démocratie participative et le soutien à l’organisation et l’expression citoyenne, notamment au travers des diverses instances et démarches mises en œuvre par la Ville. Le CIJ encouragera l’engagement des jeunes (bénévolat, initiatives, etc.) et suscitera l’intérêt des jeunes à la participation citoyenne » ; comme acteur de la connaissance des jeunes, en apportant une expertise lors des groupes de travail sur les questions de jeunesse ». Source : CIJ Angoulême, Convention d’objectifs 2014-2016 avec la Ville.
Les structures IJ sont ainsi capables par le moyen de l’information d’encourager ou d’accompagner l’engagement des jeunes à l’échelle locale, nationale ou internationale (bénévolats, initiatives de volontariat) ou de susciter l’intérêt des jeunes en ce sens. Dans une perspective plus étendue de leurs missions, certaines structures IJ sont également capables de consolider les compétences des jeunes sur la connaissance de la vie associative locale ou bien en matière de méthodologie de projet.
Enfin, il faut noter que certains CRIJ et structures locales ont développé une expertise plus ou moins formalisée sur les besoins en information et les stratégies d’information des jeunes. Ils peuvent contribuer à une meilleure connaissance des jeunes par les pouvoirs publics locaux ou régionaux. En effet, certaines structures IJ disposent d’une expérience, voire d’une expertise des pratiques des jeunes et des outils numériques qui peuvent contribuer à la visibilité des politiques menées, intervenir en complémentarité des compétences manquantes des collectivités territoriales. Certaine structures IJ sont ainsi sollicitées comme ayant une expertise sur les besoins des jeunes : « L’intérêt, pour les élus, il se situe à plusieurs niveaux : avoir un personnel identifié, qu’on a formé, et de pouvoir dire qu’il fait une politique Jeunesse, rentrer en contact avec des partenaires, faire venir des permanences Mission locale, etc. Avec un fonds documentaire de qualité. Il y a un accompagnateur du jeune, dans une structure, c’est du premier accueil. C’est un outil, pas trop cher, performant. C’est un très bel outil de proximité un PIJ. Et c’est un 1er accueil ! On a cette facilité à embrasser beaucoup de choses, on peut répondre à la fois globalement et précisément à un 1er accueil. Peu de réseaux peuvent dire ça. Moi je défends l’accueil dans toutes ses dimensions – ce qui nous permet d’aider des populations complètement différentes (par exemple les publics loin de l’emploi). »101
102
Entretien avec une professionnelle d’un PIJ, 2014. Entretien avec un Conseil Régional, 2014.
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« Ce qui est intéressant, dans ce réseau, c’est le fait de pouvoir obtenir une information actualisée, sous la forme de flux. Or, notre réflexion aujourd’hui, c’est qu’on ne peut pas concevoir et faire un service en pensant que le public est captif de l’information qu’on veut bien lui donner. Ce n’est plus vrai. Il faut qu’on reste producteur et capteur d’information pour le public, en tant que collectivité, mais on ne peut plus ignorer, et il faut anticiper le fait que les gens viennent avec déjà des informations et nous disent : faites-moi la démonstration que je me trompe ? Cela va impacter le travail de nos conseillers, qui est pour le moment un rapport des sachants vers les non-sachants, et ce rapport est en train de changer »102
Si à l’échelle locale, les structures IJ peuvent développer des partenariats spécifiques, et qu’elles attirent l’intérêt des collectivités territoriales sur plusieurs aspects, au premier rang desquels l’information des jeunes en tant que service de proximité, mais également de sensibilisation des jeunes à l’engagement citoyen et de connaissance des jeunes, elles se trouvent cependant confrontées à certains obstacles récurrents dans leurs rapports avec ces collectivités territoriales. Encadré 11 : Les freins de l’action de l’IJ dans les politiques Jeunesse La segmentation des directions régionales
Si les structures IJ sont bien connues et identifiées des directions régionales en charge de la Jeunesse, les directions ont des fonctionnements souvent très cloisonnés. Il est ainsi difficile pour l’IJ de coopérer avec les directions telles que celles en charge de l’orientation et de la formation professionnelle pour communiquer ou intervenir auprès des structures afférentes, notamment lorsque les projets supposent la coopération de plusieurs directions.
Le manque de coopération entre collectivités locales
Les élus adoptent souvent un regard local sur le développement d’une politique en faveur des jeunes. Pour cette raison, les politiques locales sont très peu coordonnées entre elles, et les collectivités territoriales laissent peu les structures IJ intervenir dans d’autres lieux du territoire, par exemple sur le SPRO, ou bien dans le cadre de l’animation régionale du réseau IJ par le CRIJ103 ;
La méconnaissance de l’IJ par les élus locaux
Les élus tendent à méconnaître la nature mais aussi la dimension locale et régionale du réseau IJ. Ils peuvent penser qu’il s’agit surtout d’un espace d’information ou de loisirs pour les jeunes. Ils ont ainsi une forte méconnaissance de la manière dont l’IJ peut rendre service aux jeunes, mais également gagner en qualité d’information, en compétences et en moyens à travers la participation au réseau régional autour du CRIJ.
La vision politique de l’IJ
Les élus ou les associations sur les territoires peuvent avoir tendance à identifier certaines structures BIJ ou PIJ, lorsqu’elles sont portées par un service jeunesse municipal, comme un acteur non plus seulement technique, mais politique : les actions menées par la structure IJ, mais sont également identifiées comme une promotion de la politique menée par la municipalité.
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Comme le souligne un enquêté : « Le seul intérêt du SPO qu’on nous avait présenté au départ, c’était que ça mettait l’IJ a égalité, sur le papier en tout cas, avec les autres structures. Alors qu’aujourd’hui on n’existe que sur une Charte. Je ne doute pas que c’est un intérêt fort pour l’IJ, c’est une reconnaissance qu’elle mérite, mais le fait est que je ne travaille pas pour l’IJ, je travaille pour une municipalité. Donc c’est intérêt ne passe pas au 1er plan pour moi et pour mes élus. Ce qui importe aux élus, c’est que leur structure, sur leur territoire, soit reconnue. » (Entretien avec un BIJ, 2014). 103
BILAN INTERMEDIAIRE 4 : L’offre de service locale et régionale du réseau IJ Freins
Une offre d’information multi-dimensionnelle
L’absence de politique Jeunesse locale cohérente
L’information de premier niveau des jeunes
L’hétérogénéité du niveau de formation des professionnels
La production ou la diffusion d’outils
L’hétérogénéité du niveau de mobilisation des BIJ-PIJ
L’organisation et l’animation d’événements
La méconnaissance par les élus du réseau IJ
Une connaissance des jeunes à formaliser
La méconnaissance par les élus du CRIJ
Une expérience ou expertise régionale numérique
La disparité des politiques locales
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Atouts
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3. Propositions, préconisations et scénarios d’évolution pour l’Information Jeunesse
La première partie de l’étude a dressé un tableau contrasté de la place et du rôle de l’Information Jeunesse sur les territoires. Nous avons identifié les atouts et les freins/points d’amélioration de l’action, de la connaissance et de la reconnaissance du réseau IJ autour de quatre enjeux : le service rendu aux jeunes, les missions du réseau IJ, son animation et son offre de service. Le sujet est particulièrement complexe, compte tenu de la très grande diversité de structures, de missions, de thématiques et de partenariats que le réseau Information Jeunesse met réellement en œuvre sur les territoires. La partie suivante dresse une liste de préconisations qui vise à préciser ou reformuler l’identité de l’Information Jeunesse comme un « réseau de réseaux de coopération ». Ces préconisations s’organisent autour de quatre grand axes : vers un accompagnement à l’information pour les jeunes ; le renforcement des outils numériques et des outils de pairs à pairs pour les jeunes ; formaliser et enrichir les outils pour mieux faire réseau au sein de l’IJ ; et favoriser une plus grande inclusion du réseau Information Jeunesse dans les politiques Jeunesse.
3.1. Vers un accompagnement à l’information pour les jeunes
Notre enquête, et notamment nos entretiens avec les publics, identifie trois demandes majeures des jeunes : la validation par des interlocuteurs qualifiés de la pertinence des informations déjà recueillies par les jeunes lors des recherches personnelles, une aide à la recherche d’information physique et numérique, et enfin un aide plus personnalisée sur la construction d’un parcours de vie104.
En tenant compte des pratiques professionnelles déjà existantes, nous préconisons que l’IJ puisse proposer plus explicitement un accompagnement des jeunes dans la construction d’un parcours d’information, en précisant ou transformant son offre auprès des jeunes autour de quatre niveaux de service : « accueillir », « questionner et reformuler », « apporter la réponse et (ré)orienter », et « conseiller ». Nous précisons comment cet accompagnement peut se décliner autour de l’appui à la construction de projets associatifs et entrepreneuriaux, de l’incubation de projets en résidence, et le fait « d’aller vers ».
3.1.1. Accompagner les jeunes à la construction d’un parcours de vie
Il apparaît que le terme d’information est polysémique : les structures IJ ne font en effet pas qu’informer les jeunes en leur donnant la possibilité d’accéder à un renseignement physique (communication d’un document, d’un brochure, etc.) et/ou numérique (communication d’un site Internet, etc.), mais elles proposent également un accompagnement à la découverte des outils Ces trois éléments rejoignent le diagnostic posé par le CRIJ Bretagne lors de son enquête auprès des professionnels du réseau IJ, concernant les nouvelles attentes du public dans le cadre de l’expérimentation FEJ/IJ-SPRO (2014) : un accueil personnalisé sur du plus ou moins long terme ; une aide à la prise de décision ; une médiation entre les désirs de la personne et les possibles ; être accompagné dans une recherche d’information très large et de plus en plus complexe ; un regard à 180° pour accéder à des information périphériques (expériences à l’étranger, engagement bénévole, modalités d’accès aux droits, etc.). Agence Phare – Étude sur le cadre d’intervention de l’Information Jeunesse – Juillet 2015
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d’information, à la recherche d’information physique et/ou numérique, soit au moment de l’accueil de premier niveau, soit à distance, par téléphone :
« On se rend compte qu’à l’accueil, le gros du travail c’est de comprendre la demande, car souvent la personne verbalise quelque chose en affinant on se rend compte que la question ce n’est pas cela du tout. Il y a un gros travail de reformulation. Et après la difficulté je pense c’est de trouver des mots-clés et de les utiliser dans des sites de référence, même si pour nous cela semble évident. Donc oui et puis la troisième chose, c’est qu’ils n’arrivent pas à identifier les mots-clés pour faire la recherche »105. « Le fait d’être généraliste, c’est une chance. Le fait de pouvoir passer trois heures avec un jeune dans une après-midi, à l’origine juste pour travailler sur un CV et sur une lettre de motivation, on est les seuls à pouvoir se permettre de faire ça. Parce qu’on va bosser le CV et la lettre de motivation, certes, mais on va parler de plein d’autres choses. Vu de l’extérieur, je peux faire l’effort intellectuel de comprendre que certains disent ‘c’est pas carré, vous faites pas ci, vous faites pas ça’ »106.
A cet égard, le terme d’information, si on le prend comme le fait de donner un simple renseignement, apparaît assez réducteur si l’on considère concrètement la manière dont les professionnels des structures IJ accueillent les jeunes. Il apparaît clairement dans les faits que certains professionnels IJ, en aidant les jeunes à chercher de l’information dans une perspective globale et générale, les aident également à acquérir certains moyens cognitifs de trouver les bonnes informations sur les conditions matérielles et sociales de leur orientation (logement, transport, etc.), voire à se construire par eux-mêmes un parcours de vie.
Nous proposons de formaliser le fait de donner les moyens, d’outiller les jeunes à la recherche d’information, sous le concept de « conseil en information », lorsqu’ils donnent véritablement des conseils sur la manière de faire une recherche d’information. Cette activité de conseil en information peut encore se matérialiser par la production par le réseau Information Jeunesse d’outils d’information poussés, croisant certaines thématiques comme l’orientation – c’est le cas, par exemple, du jeu Pas à Pas, conçu par le réseau Information Jeunesse Bretagne lors de l’expérimentation FEJ/IJ-SPRO. La priorité semble donc d’identifier les compétences que les Informateurs Jeunesse devraient acquérir pour formaliser cette pratique de conseil en information. Il est tout à fait possible que cette proposition suscite des réticences parmi les différents acteurs de l’Education Nationale (tels que les Rectorats et CIO)107. Pour autant, cette activité de conseil en information serait tout à fait distincte du conseil en orientation prodigué par les COP ; ensuite, il apparaît que le nombre de CIO est insuffisant par rapport au nombre d’élèves du secondaire108. Il Entretien avec un professionnel de CRIJ, 2014. Entretien avec un professionnel de BIJ, 2014. 107 Ainsi, les réticences des COP devant le lancement de l’expérimentation IJ-SPRO ont été très fortes, de nombreuses directions de CIO considérant qu’il s’agissait d’une tentative de prendre la place des COP dans l’orientation des jeunes, Voir Agence Phare, Evaluation de l’expérimentation FEJ/IJ-SPRO, 2015. 108 « Statistiquement, les COP sont, par rapport à la population scolaire, peu nombreux. On compte 3 787 conseillers, auxquels il convient d'ajouter les 521 directeurs assurant la responsabilité des 578 CIO. Le nombre total des personnels d'orientation relevant du programme 141 « Enseignement public du second degré » est de 4 308. Ainsi, selon l'Association des conseillers d'orientation-psychologues de France, on compte un COP pour 3 550 élèves du second degré. Selon la direction générale de l'enseignement scolaire, chaque COP a pris en charge individuellement, en moyenne nationale, 427 élèves de l'enseignement secondaire public. Tous publics et niveaux confondus, chaque COP a pris en charge individuellement, en moyenne nationale, 506 jeunes », Sénat, « France ton atout ‘jeunes’ : un avenir à tout jeune », Rapport d’information, juin 2015. 105
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semble ainsi que le conseil à l’information soit bien différent du conseil en orientation, puisqu’il recouvre une activité plus restreinte, comme certaines structures IJ ont déjà pu le formaliser :
« Vous savez ici, nous avons différencié deux accueils. On a l’accueil A, pour donner un renseignement, pour donner une plaquette, un renseignement, un accueil de premier niveau et puis un accueil B. Là il y a une deuxième personne qui est appelée par la personne qui est au premier accueil, et qui va prendre le temps de faire des recherches avec les jeunes. Là on a des vrais entretiens, qui ressemblent à de l’accompagnement. Et là, on nous dit qu’on n’est pas conseillers, mais la réalité de nos pratiques, c’est que nous sommes des conseillers à notre manière. Informateur Jeunesse cela ne veut rien dire, d’ailleurs cela ne correspond pas à un métier. On est conseillers. La différence, le petit plus, c’est que l’on est documentaliste, on est capable de conseiller avec la documentation qu’on a produit nous-mêmes. Et puis on est aussi animateurs et capables de sortir de nos murs pour donner cet accompagnement aux jeunes »109. « Pour autant, Il ne faut pas qu’on nous confonde avec des prestataires, et ne pas oublier la finalité de ce qu’on fait, dans la perspective de permettre une meilleure insertion sociale et pas juste une insertion professionnelle durable du jeune sur le marché de l’emploi. On parle beaucoup de la valorisation des compétences en ce moment. Ici l’Information Jeunesse, c’est comment on peut aider le jeune à mieux construire son parcours mais aussi en valorisant les étapes de son parcours, mais en sortant de ce présupposé que c’est uniquement pour son insertion professionnelle. L’information Jeunesse, plus que d’autres, a peut-être plus de capacité à reconnaitre les compétences des jeunes, à les valoriser, les transférer. Il y a un vrai sujet là-dessus »110.
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Entretien avec un professionnel de CIJ, 2015. Entretien avec une DRJSCS, 2014. 111 Observatoire de la Jeunesse, Les jeunes Bretons et leurs stratégies d’information, 2014. 109
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Il est également possible que cette proposition soulève des réticences au sein même de l’Information Jeunesse, notamment par rapport à la question de l’anonymat. Pourtant, une étude montre que ce point arrive seulement en dernier parmi les attentes des jeunes envers un interlocuteur, derrière la relation d’écoute et de confiance111. Par ailleurs, il nous semble important de distinguer l’anonymat (le fait de respecter l’absence d’information sur l’identité de la personne) et la confidentialité (le fait de ne pas divulguer des informations sur l’identité de la personne). Ainsi, la pratique de l’anonymat peut constituer un obstacle, mais aussi un point de débat au sein de l’Information Jeunesse.
P1 : Distinguer dans l’offre de service de l’IJ différents niveaux d’accompagnement à la construction d’un parcours d’information pour les jeunes en fonction du degré d’anonymat souhaités par les jeunes : Niveau 1 – L’accueil de tous les jeunes : il s’agit d’une pratique professionnelle déjà fortement ancrée dans la culture de l’Information Jeunesse. L’anonymat pourrait être proposé comme une option à l’accueil.
Niveau 2 – Le renseignement : la réponse à une demande d’un jeune en présentant les différentes sources d’information, les différentes options d’un choix, à travers un travail de questionnement et de reformulation de la demande des jeunes.
Niveau 3 – Le conseil : un conseil sur les moyens de favoriser la montée en compétence des jeunes sur la maîtrise des outils de recherche d’information, physiques et numériques, et lorsque les structures IJ en ont la compétence, la construction de projets. Niveau 4 – Un accompagnement personnalisé : le suivi d’un jeune qui se trouve en réelle difficulté, autour de plusieurs séances de construction de parcours et de conseils, à définir avec des acteurs de référence, et sous condition d’attribution à l’IJ des moyens et compétences nécessaires.
Les structures IJ pourront se positionner sur les degrés de service qu’elles peuvent fournir à l’usager, en fonction de leurs caractéristiques (taille, moyens, réseaux, etc.). Elles pourront alors être sollicitées par les CRIJ ou des partenaires pour réaliser « à différents niveaux de service » (niveaux 1, 2, 3, 4) des actions partagées. Les informateurs Jeunesse pourront accéder à ces différents niveaux de service en suivant différents types de formations (niveaux 1, 2, 3, 4).
3.1.2. Contribuer à la réalisation des projets des jeunes
Le réseau Information Jeunesse pourrait également renforcer son offre d’accompagnement des jeunes à la conception de leurs projets. Les études montrent que si les jeunes sont peu engagés comme bénévoles en France par rapport à d’autres pays en Europe, ils sont en revanche nombreux à vouloir souhaiter s’engager plus, sans toujours trouver le temps et surtout les ressources nécessaires pour y parvenir112. La pédagogie de l’IJ, d’écoute et d’ouverture, peut amener les professionnels du réseau à se trouver sollicités ou bien à proposer un accompagnement spécifique autour de la construction et de la réalisation des projets des jeunes : « Cela m’arrive souvent d’accompagner des jeunes dans la création d’une association. La dernière fois, j’ai aidé des jeunes qui voulaient monter une association contre le harcèlement scolaire. Ils n’avaient trouvés personne pour les aider. Je les renseigne sur les statuts, sur la façon de monter un projet associatif, ou encore sur les contacts qu’ils peuvent avoir auprès des structures spécialisées ou bien des pouvoirs publics. On prend le temps de discuter de leur projet, de leurs envies. Et de leurs difficultés. »113
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Agence Phare, Note de cadrage de l’évaluation de l’expérimentation FEJ APOJ, avril 2015. Entretien avec un professionnel IJ, 2015.
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Une première proposition est ici de faire en sorte, par des formations, que les professionnels de l’IJ puissent connaître et aider les jeunes à mieux connaître les structures autour de la créativité numérique, du bénévolat ou de volontariat. C’est notamment le cas des offres d’engagements « ponctuels », « à la carte », comme le « micro-bénévolat », qui semblent plus correspondre aux
formes d’engagements actuels des jeunes114. Certaines structures, comme Simplon, proposent également des formations pour faciliter l’apprentissage du code pour les jeunes de moins de 25 ans qui sont non-diplômés ou peu diplômés115.
Une deuxième proposition est que les structures IJ soient en mesure d’accompagner plus fréquemment et systématiquement la mise en place par les jeunes de projets associatifs – qu’il s’agisse du « simple » projet au sein d’une association existante, ou de la création d’une association en tant que telle, soit en trouvant les bon partenaires, soit en fournissant aux jeunes les ressources adéquates, et, lorsque les professionnels IJ en ont les compétences, un accompagnement poussé. L’accompagnement au montage d’un projet associatif est l’occasion de diversifier les sources d’information. Une troisième proposition est que les structures IJ soient plus capables d’informer les jeunes sur les enjeux de la création d’un projet entrepreneurial, voire d’entreprenariat social, ou de manière plus large de mettre en relation les jeunes avec des professionnels capables de témoigner de leur expérience associative ou professionnelle. Les jeunes paraissent de plus en plus intéressés par la création d’entreprise et l’ensemble des études et enquêtes montrent que les jeunes sont très demandeurs de témoignages de professionnels, que ce soit pour mieux comprendre la réalité des métiers ou des engagements116. Encadré 12 : L’accompagnement des jeunes dans la création de leur entreprise
Le CIJ d’Angoulême propose depuis quelques années un service de conseil au démarrage d’une activité professionnelle de type entrepreneuriale.
Comme d’autres structures IJ, le CIJ Angoulême peut organiser des évènements autour de l’entreprenariat des jeunes, à l’image d’un atelier organisé en janvier 2015 : « J’ai un projet de spectacle ou de création d’entreprise : par où commencer ? » dans le cadre du programme d’information « Le Tour de la Question ». Chaque module fonctionne comme un temps d’échange d’information, d’apports pratiques et d’échanges entre les participants. Le CRIJ Auvergne est, de ce point de vue, en pointe avec l’intégration d’un Espace Initiatives Jeunes qui accompagne les jeunes dans la création de leur entreprise.
Alors que seulement un petit nombre de structures IJ accompagne déjà des jeunes dans des projets de création d’associations et des projets d’entreprenariat, il est important que l’IJ se positionne sur ces enjeux en fonction des besoins des territoires et de l’existence ou non d’acteurs déjà impliqués sur ces thématiques : lorsque des associations, des Missions locales, des chambres de commerce et d'industrie, des chambres de métiers et de l'artisanat ou encore Pôle Emploi travaillent sur ce genre de thématiques, il est préférable que le réseau Information Jeunesse soit capable d’en informer les jeunes en renforçant leur mise en relation avec des réseaux de professionnels.
Agence Phare, Note de cadrage de l’évaluation de l’expérimentation FEJ APOJ, avril 2015. C’est le cas de Simplon, une école qui propose des formations de six mois pour faciliter l’apprentissage du code pour les jeunes de moins de 25 ans, non-diplômés ou peu diplômés. Cette formation est gratuite et ouverte à tous les jeunes, notamment « issus des quartiers populaires, des diasporas et des milieux ruraux, aux demandeurs d’emplois, aux allocataires du RSA, ainsi qu’aux femmes, insuffisamment représentés dans les milieux techniques » : http://simplon.co/ 116 Observatoire de la Jeunesse, Les jeunes Bretons et leurs stratégies d’information, 2014. Agence Phare – Étude sur le cadre d’intervention de l’Information Jeunesse – Juillet 2015
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P2 : Renforcer l’expertise du réseau IJ dans l’accompagnement à la réalisation de projets associatifs et entrepreneuriaux. Le réseau Information Jeunesse pourrait renforcer les compétences de ses professionnels sur l’accompagnement de projet, et faciliter la mise en relation des jeunes sur ces questions avec d’autres organismes. A cet égard, les structures IJ pourraient, en plus des petites annonces d’offre d’emploi, de jobs d’été ou de baby-sitting, davantage solliciter les jeunes et prévoir un espace d’affichage pour qu’ils puissent rendre visibles leurs propositions de projets/recherches de bénévoles, de partenaires ou d’associés. Alors que les panneaux d’affichage présentent des offres portées par des employeurs, il pourrait aussi favoriser la mise en place d’un « mur à idée » pour que les jeunes puissent déposer des petites annonces de « projets ». Le réseau Information Jeunesse pourrait ainsi jouer de son point fort, la mise en réseaux d’acteurs, pour organiser des rencontres, favoriser l’échange, le réseautage et un système de parrainage.
3.1.3. Contribuer à l’incubation des jeunes et des associations
Comme nous l’avons précédemment relevé, il apparaît que le réseau Information Jeunesse est déjà identifié par beaucoup de jeunes comme un espace de ressources physiques et numériques leur permettant d’obtenir une information, voire dans certains cas un réel lieu de socialisation. Si les jeunes cherchent un accompagnement plus personnalisé tout au long de leur jeunesse et de leur entrée dans la vie active, ils sont également en demande de témoignages de professionnels, et enfin de lieux dans lesquels ils peuvent se rencontrer. Certaines structures IJ, adossées à des centres sociaux ou des espaces jeunes, fonctionnent ainsi déjà comme des espaces d’accueil et de socialisation :
« Les adultes ont tout à fait conscience qu’ils sont en complet décalage par rapport aux usages réels de la jeunesse, et le problème c’est qu’on ne sollicite pas suffisamment les jeunes pour savoir ce qu’ils demandent. Et quand c’est fait, on n’a pas suffisamment de regard critique à l’égard de ce qu’ils nous renvoient. Ce n’est pas parce qu’on demande l’avis au public qu’il a raison. C’est difficile de faire du crowdsourcing, de solliciter un maximum de gens, et en même temps d’avoir un regard critique par rapport à ce qui est renvoyé. Alors que dès fois c’est les différences et singularités qu’il faut saisir pour se dire « tiens, là il y a une idée »117.
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Entretien avec une association spécialisée sur le numérique, 2014. C’est par exemple le cas, à l’été 2015, du CRIJ Poitou-Charentes qui s’interroge sur la manière de faire cohabiter des jeunes de passage, des étudiants ou de jeunes entrepreneurs dans un espace modulable pouvant également accueillir des évènements les concernant. 117
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Une première proposition est que les CRIJ, voire des structures BIJ et PIJ, lorsque cela est possible en termes d’espace et de moyens puissent aménager une partie de leur structure d’accueil comme un espace de coworking permettant aux étudiants et aux jeunes entrepreneurs de se rencontrer118. Cet espace de coworking peut être installé dans une pièce modulable permettant d’organiser de temps à autres des événements. Pour les structures qui n’auraient pas suffisamment de place pour mettre en place ce type de recommandation, il est également possible d’envisager de se rapprocher des espaces de coworking existants pour orienter les jeunes vers ce type de lieux.
Une deuxième proposition est d’envisager que certaines structures IJ, sous réserve de moyens disponibles, puissent devenir un espace d’incubateur associatif en accueillant pour une période de temps données des jeunes associations ou de jeunes entrepreneurs à la recherche de locaux. Certaines structures accueillent déjà en résidence des associations spécialisées dans la santé ou le logement119. Il est possible d’imaginer que certaines structures IJ puissent également accueillir temporairement des jeunes ou des associations de jeunes cherchant à se structurer, à faire connaître leurs projets et à s’insérer dans des réseaux.
Une troisième proposition est que l’Information Jeunesse puisse devenir, pour les jeunes, un espace de rencontre, d’échange, mais aussi un espace d’innovation et de production de nouveaux outils en liens avec leurs projets ou des projets locaux bien identifiés. D’une part, il est possible que la résidence de jeunes ou d’associations de jeunes puisse se faire sous la forme d’une contrepartie, à savoir la contribution des résidents à l’amélioration de la collecte d’information ou de la communication de la structure IJ en direction des jeunes. D’autre part, il est possible de formaliser cette option par l’implication des jeunes dans des projets collaboratifs. Encadré 13 : Le FabLab et l’InfoLab, une articulation possible avec le réseau IJ
Depuis une dizaine d’années, de nouveaux espaces de production et d’échange ont fait leur apparition en France et tendent à se multiplier dans les plus grandes villes et les territoires. La démocratisation des « tiers-lieux » est une réelle tendance que le réseau IJ ne peut ignorer120. Le FabLab est ainsi un espace dans lequel les citoyens sont invités à apprendre à produire leurs propres objets à partir d’instruments numériques mis à leur disposition, notamment l’imprimante 3D, dans une démarche ouverte, gratuite et participative. L’Infolab est une déclinaison du concept de Fablab qui consiste à inviter les citoyens ou les professionnels d’une organisation à mettre en commun ou produire des données ouvertes afin d’inventer de nouvelles connaissances sur les caractéristiques et les besoins des publics et des territoires. Ce type de fonctionnement vise à faciliter la démocratisation de l’accès des citoyens à la production d’outils ou d’information. Un projet Infolab a été testé avec succès dans le CRIJ de Poitou-Charentes lors de l’expérimentation FEJ/IJ-SPRO : il a permis d’associer des professionnels de structures locales IJ à la production de données sur l’orientation des jeunes. Au cours de l’expérimentation, il est apparu que les partenaires du CRIJ étaient fortement intéressés par ce type de démarche, que les professionnels de l’IJ étaient en mesure de produire des données par eux-mêmes, mais que la présence d’un spécialiste des données (ou data scientist) était conseillée pour les accompagner dans la démarche d’ouverture, de préparation des données, et d’animation du réseau sur la question. Source : Agence Phare, Evaluation de l’expérimentation FEJ/IJ-SPRO, 2015
C’est le cas par exemple du BIJ d’Oléron, qui accueille dans ses locaux une association d’aide au logement, ou encore du CIJ d’Angoulême. 120 Burret, A., « Démocratiser les tiers-lieux », Multitudes n°52, 2013. 119
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A la lumière de ces évolutions éventuelles, il est possible de poser l’hypothèse que l’Information Jeunesse sera encore plus en capacité de faire évoluer et de renforcer son rapport avec les jeunes en explorant de nouvelles fonctionnalités dans l’espace IJ lui-même. Alors que le réseau IJ est déjà un espace de ressource physique et numérique pour les jeunes, il pourrait également devenir plus systématiquement un lieu d’élaboration et de construction de projets innovants par les jeunes et pour les jeunes, en multipliant des partenariats extérieurs avec des associations locales.
P3 : Faire évoluer la nature et les fonctionnalités des espaces IJ vers un fonctionnement de type tiers-lieu notamment dans le champ du numérique (par exemple de type Fablab ou Infolab). Alors que le réseau Information Jeunesse est déjà, dans certains cas, un espace de socialisation pour les jeunes, il pourrait devenir plus clairement un espace d’échange et de production par et pour les jeunes, mais également pour des projets locaux. Pour ce faire, le réseau IJ pourrait solliciter et travailler à la mise en réseau d’un certains nombres d’acteurs qui intéressent les jeunes : les associations de jeunes, les nouveaux métiers du numériques, l’entreprenariat social, l’économie sociale et solidaire. Il est probable que ce type de service auprès des jeunes pourra, par ricochet, contribuer à toucher un plus grand nombre de jeunes sur les thématiques plus classiques de l’IJ. Cela pourrait également permettre au réseau IJ de se positionner plus clairement auprès de ses partenaires comme un acteur de l’innovation sur les territoires – processus initié lors de l’expérimentation FEJ/IJ-SPRO.
3.1.4. Aller vers un public plus large et plus varié
Il apparaît essentiel que le réseau Information Jeunesse puisse garder un positionnement ciblant les jeunes, bien qu’ouvert à la présence de publics plus âgés si ceux-ci souhaitent accéder à des ressources d’information (par exemple dans le cadre du SPRO). Son approche généraliste et gratuite semble tout à fait justifiée à condition que les professionnels soient davantage en capacité de répondre à une demande plus approfondie de la part des publics qui disposent déjà, par eux-mêmes, d’une information de premier niveau. Pour autant, il apparaît que le réseau Information Jeunesse pourrait encore progresser sur l’attractivité de son service d’accueil et sa communication en direction des jeunes :
« C’est ce type de posture qui est travaillé dans les rencontres qui sont organisées par le réseau. Parce que le jeune, il n’obtient pas seulement une information. [Les jeunes] acquièrent un vécu, une mémoire, une expérience d’avoir franchi un espace public qui leur est dédié. (…) Et donc, tout le monde commence à avoir conscience que c’est un peu plus que l’information elle-même. Cet accueil-là, ils l’inscrivent de plus en plus dans un parcours de rencontres avec les jeunes ; dans des histoires… Parce que le jeune, après, il revient. Il revient des fois avec les parents ou c’est les parents qui reviennent ensuite tout seuls. Bref, cela s’inscrit dans le temps dès lors que quelque chose a pu se construire dès la première rencontre. De fait, les animateurs IJ nous parlent de ça. »121
Une première difficulté porte donc sur la visibilité des structures IJ. Si le réseau IJ prétend avoir une approche différente des jeunes, autour d’une information ouverte, générale, et généraliste, certaines structures IJ peuvent être perçues extérieurement par les jeunes comme des institutions comme les autres, en pratique peu accessibles, peu visibles ou bien peu attractives pour les jeunes passant devant et ignorant tout de l’IJ. Il est sur ce point tout à fait problématique que l’apparence extérieure des structures IJ n’exprime pas, ou que partiellement, la spécificité qu’elles revendiquent sur le fond.
121
Entretien avec une DDCS, 2014.
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Une deuxième difficulté porte sur l’attractivité visuelle des structures IJ, qui n’est pas toujours satisfaisante pour les jeunes qui éprouvent des difficultés ou des réticences à s’y rendre une première fois. Pour y remédier, certains professionnels utilisent la devanture des bâtiments comme
une interface positive avec les jeunes : ils peuvent y rendre visible des productions réalisées au sein de l’IJ ou des productions de jeunes cherchant à valoriser des expériences (voyages, projets de photographies). Ils peuvent également organiser des événements de présentation de ces productions par les jeunes afin de transformer l’accueil en lieu de valorisation de certains profils de jeunes.
Une troisième difficulté porte sur la manière dont les outils de communication du réseau Information Jeunesse sont réellement efficaces auprès des jeunes. L’approche informative de l’IJ semble, par trop souvent, peu valorisée. Le recours à des outils vidéo est également encore peu utilisé par rapport aux documents papiers. Cette faible valorisation ne signifie pas que les professionnels n’en ont pas conscience, puisque la capacité de communication dépend également de l’acquisition de compétences spécifiques, mais il doit constituer une priorité de la transformation des pratiques de l’IJ122. Encadré 14 : Le regard des jeunes sur la communication du réseau IJ
Notre enquête a permis de mettre en exergue les demandes des jeunes quant à la pertinence de la communication qui leur est adressée, comme le souligne l’extrait d’entretien ci-après :
« Jeune 1 : Le constat, c’est que le CRIJ c’est un vieux bâtiment, cela ne fait pas forcément trop accueillant, il fait un peu formel, on a peut-être l’impression parfois d’aller à la banque ou peut-être pas, donc on voulait que cela soit plus sympa, que les gens puissent prendre un verre et aller chercher de l’information comme cela. Et puis cela attire plus l’œil parce que je sais que beaucoup de gens passent devant et ne savent pas ce que c’est. Jeune 3 : Oui, pareil pour moi. Je suis passé quinze fois devant, pour la réunion de service civique, je suis passé quinze fois devant (rires), en me disant, mais c’est où, aidez-moi !! (rires). Jeune 2: Je sais pas, on n’ose pas trop rentrer … Et c’est vrai que quand on rentre, au début on n’ose pas trop rentrer, on ne sait pas si on peut aller voir tout au fond, à droite ou à gauche, ou quel service on peut avoir. Jeune 3 : C’est vrai qu’on n’ose pas rentrer, au début »123.
Source : Agence Phare, Evaluation de l’expérimentation FEJ/IJ-SPRO, 2015
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A titre d’exemple, le Directeur départemental de la DDCS Ille-et-Vilaine soulignait lors de la labellisation du PIJ intercommunal de Saint-Alban que la structure « permet un accueil personnalisé des jeunes et de leurs familles en leur donnant le droit à l’information locale ». Ouest-France, « Le PIJ communautaire est ouvert », 9 janvier 2013. 123 Entretien collectif avec des jeunes, 2014. 122
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Il apparaît donc que si l’Information Jeunesse est proche des jeunes et revendique une attitude d’écoute et d’ouverture, elle peut demeurer souvent, pour une partie des jeunes, comme une structure encore « trop institutionnelle » par rapport à l’action d’autres associations locales. Il existe, à cet égard, un véritable chantier autour de la manière dont le réseau IJ est capable de construire des actions d’information avec les jeunes, voire en direction des proches des jeunes, et notamment de leurs parents, en distinguant toutefois l’information en direction des jeunes et celle en direction des parents.
P4 : Rapprocher les structures IJ des jeunes en développant des démarches d’information à la fois plus attractives, mobiles et participatives. Il serait envisageable, pour l’IJ, de développer de nouveaux outils ou des antennes mobiles d’information des jeunes (par exemple des bus d’information124), notamment à l’échelle d’une ou plusieurs intercommunalités, qui permettent de toucher des jeunes sur un territoire plus large et de convaincre les élus de financer un projet pour lequel ils ont un intérêt partagé. Dans ce cadre, les structures IJ pourraient renforcer leur coopération et leur travail d’information avec des structures et des associations qui touchent des jeunes, ou les associations de jeunes, selon une logique de « pair à pair ». Les partenaires de l’IJ (Conseil Régional, élus locaux) considèrent généralement que si les Missions locales peuvent toucher des publics « en difficulté », le réseau Information Jeunesse est plus à même mener des actions « hors les murs » auprès de publics dits « invisibles », qui peuvent se situer en dehors de l’action de nombreux acteurs institutionnels, dont les Missions locales.
3.1.5. Atouts et freins à la mise en œuvre des préconisations 1-4
PRECONISATIONS 1-4 : Un accompagnement à la construction d’un parcours d’information Préconisations
Atouts
Contraintes
P1 : Faciliter et formaliser un accompagnement personnalisé à la recherche d’information
Des pratiques d’accompagnement existantes
L’anonymat des jeunes, un principe à compléter par l’idée de confidentialité.
P2 : Faciliter un accompagnement personnalisé à la réalisation des projets des jeunes P3 : Faciliter une nouvelle présence physique des jeunes (coworking/FabLab/InfoLab) dans les CRIJ/BIJ/PIJ. P4 : Développer et soutenir des actions hors les murs, mobiles et impliquant les jeunes
Des pratiques d’accompagnement existantes/à formaliser sur le terrain.
Un lieu en principe relativement neutre pour les jeunes et pour les partenaires. Une ouverture, une disponibilité et une gratuité pour les jeunes.
La concurrence potentielle des mouvements de jeunesse et d’éducation populaire. Des espaces physiques limités en taille, et des moyens financiers restreints, pour les CRIJ, BIJ, PIJ. L’attitude peu propice à la coopération de l’Education Nationale/Missions Locales.
3.2. Renforcer les outils numériques et de pair-à-pair
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C’est déjà le cas dans la ville du Mans, et il s’agit d’une problématique soulevée à l’échelle de la région Pays de la Loire.
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A bien des égards, la production et la diffusion d’outils en direction des jeunes constitue un point d’amélioration important du service du réseau Information Jeunesse. Si les structures IJ démontrent la plupart du temps leur capacité à produire ou à accompagner la production de guides papiers, plusieurs questions importantes se posent : quelles structures doivent produire ces documents ?
Comment faciliter leur actualisation ? Les documents au format papier sont-ils toujours aussi pertinents puisque les jeunes sont de plus en plus tournés vers la recherche d’information en ligne et l’usage de supports numériques ? Au regard des entretiens menés avec une grande diversité de structures, et en partant des réalités des pratiques de terrain que nous avons observées, nous apportons ici un point de vue qui appelle à une remise en cause de certains modes de fonctionnement de l’IJ.
3.2.1. Construire les outils numériques en fonction des jeunes
Au cours des années 2000, les CRIJ ont développé une offre d’information en ligne qui permet de compléter ou de diffuser autrement les outils d’information papiers. Dans certains cas, les plateformes des CRIJ peuvent devenir un outil de référence pour la présentation des dispositifs et des aides en faveur des jeunes, permettant de mutualiser ou d’accueillir les informations des sites des BIJ et PIJ, comme en Pays de la Loire ou en Aquitaine125. Au-delà de la question de la qualité des sites Web, qui doivent se maintenir a minima « au goût du jour », il apparaît essentiel que les plateformes Web soient prévues pour faciliter le décloisonnement des sources d’informations, l’actualisation des informations et l’accompagnement des jeunes en ligne : Encadré 15 : La plateforme Web du CRIJ Pays de la Loire, un outil régional innovant
Lors de l’expérimentation IJ-SPRO, le CRIJ Pays de la Loire a proposé une plateforme avec l’objectif qu’elle soit « proche (réseau) », exhaustive (une info fiable et transversale), lisible (une info accessible) et utile (pour aider jeune dans ses démarche) »126. L’évaluation de l’expérimentation IJ-SPRO a permis de démontrer que ces objectifs étaient atteints. La version finale de la nouvelle plateforme du CRIJ offre de nouvelles fonctionnalités :
- un « simulateur de dispositifs » qui permet aux jeunes d’utiliser un moteur de recherche en fonction de leur profil et leur demande (âge, statut, lieu de vie, thème de recherche) afin de simplifier les modalités de recherche d’une information ; le simulateur favorise une meilleure visualisation et une simplification de l’accès des publics aux offres de dispositifs existants au moyen d’un système de géolocalisation des dispositifs des structures de l’AIO sur l’ensemble du territoire ; - la page d’accueil par huit entrées qui recouvrent l’offre de services d’information du CRIJ (se former, travail, partir à l’étranger, voyager, vie au quotidien, se loger, se déplacer, sortir et découvrir) permet de rendre plus lisible et visible le contenu ; chaque entrée se décliner en plusieurs rubriques; - la page d’accueil favorise l’accès à la publication d’articles d’actualité pour donner la possibilité aux jeunes d’approfondir la connaissance de certaines thématiques dans une optique généraliste, incluant l’orientation127 ; Source : Agence Phare, Evaluation de l’expérimentation FEJ/IJ-SPRO, 2015
Une première proposition est d’améliorer le référencement des données, sur les plateformes numériques, qui demande un travail important. Les CRIJ ont développé plusieurs stratégies et l’option retenue par le CRIJ des Pays de la Loire est intéressante : comme indiqué ci-dessus, il propose des entrées en fonction des huit thématiques classiques de l’IJ et un code couleur par
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Site Web des CRIJ Pays de la Loire et Aquitaine Intervention du partenaire NVOS lors de l’observation de la présentation du site Internet, 20 juin 2014. 127 Une demande par exemple soulignée par le Conseil Régional des jeunes, Conseil Régional des Jeunes, « Accès à l’emploi et à l’orientation : sept principaux constats et 27 pistes d’action », Rapport, 2013, p.8 125
thématique, afin de faciliter l’identification du service d’information, et un moteur de recherche recensant les structures et les dispositifs existants pour les jeunes de façon géolocalisée, pouvant être actualisés par les structures elles-mêmes. Elle peut faciliter la mise à jour du site, de manière collaborative, chaque année, qui autrement peut « prendre un boulot de dingue »128. Une deuxième proposition est de renforcer la capacité des BIJ et des PIJ à participer à l’animation et à l’actualisation des données d’une plateforme Web régionale. Si les structures locales peuvent exprimer une forte demande pour disposer de leur page, ils disposent, dans les faits, de peu de temps pour l’alimenter régulièrement, et donc pour la mettre à jour. Après le recours à une plateforme favorisant la mise à disposition d’une page, le CRIJ de Pays de la Loire a fait le choix de favoriser une participation a minima des structures locales, autour de la mise en ligne d’un agenda et d’un outil très balisé sur le plan de la publication de photos et la rédaction de textes.
Une troisième proposition est de renforcer la capacité des plateformes Web des CRIJ à faciliter l’interactivité en ligne avec les jeunes. Cette interactivité peut être améliorée par exemple sous la forme de forums en ligne, de chat ou d’espace d’expression proposé et animée par les jeunes accompagnés par un modérateur. Sur les sites des CRIJ, le plus souvent, une personne est chargée de répondre aux demandes en ligne par e-mails. Notre enquête n’a pas permis d’identifier un tel service sur les sites des CRIJ - ils peuvent exister dans le cas de l’ONISEP – ce qui s’explique par son coût financier important, mais aussi par la capacité des structures à bien prendre en compte les usages du numérique par les jeunes, un point délicat pour les « adultes » : « Le site Web nous donne une visibilité et une notoriété. Et cela a aussi un impact à l’accueil. On a eu beaucoup de questions au téléphone, de jeunes et de parents qui veulent recouper l’information qu’ils trouvent sur le site. Et puis cela devient un outil d’information pour nous, alors que sur l’ancien site, on mettait de l’information dessus mais on utilisait assez peu le site pour informer les jeunes alors que là on peut les renvoyer sur le site mais je fais aussi une recherche en direct avec eux sur le site, à l’accueil et au téléphone, et on fait un premier tri. Donc on va renvoyer souvent sur le site. Maintenant les gens arrivent à mieux trouver l’info. Donc c’est du détail, mais l’aspect visuel donne aussi plus envie. Cela renvoie une image qualitative et de sérieux »129.
« Un point reste très largement à explorer : c’est non pas le « en ligne » – beaucoup de structures SPRO ont une offre d’information statique, ce n’est pas non plus le présentiel – qui est assuré de façon très qualitative lors de l’accueil et l’accompagnement des jeunes – mais le vrai enjeu c’est l’articulation entre les deux. Dès lors que l’on va, à terme, vers 90-95% de primo-information sur des supports numériques, comment on enclenche une logique d’accueil et d’accompagnement du jeune à partir de cette première phase numérique ? Aujourd’hui, on n’est plus dans une prestation monobloc, il y a quasiment toujours un premier contact par un Smartphone, ou Internet, et ensuite une prise de contact vers un interlocuteur. C’est un parcours »130.
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Entretien avec un professionnel de CRIJ, 2015. Entretien avec un professionnel de CRIJ, 2015. 130 Entretien avec une DRJSCS, 2014. 128
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Il apparait clairement, à travers de ces deux extraits d’entretien, que le réseau Information Jeunesse ne peut innover que s’il prend plus en compte les demandes du public, tout en arrivant à adopter un regard extérieur et critique vis-à-vis de ces demandes. On peut alors parler, dans le champ de
l’innovation, d’une innovation « centrée usager », qui implique de mieux prendre en compte la singularité des expériences des jeunes, qui émerge en dehors des cadres d’analyse, pour mieux comprendre les points de similitudes qui peuvent émerger de cette pluralité de points de vue131. Il s’agit d’une position d’équilibre et de dialogue à conforter. P5 : Tester systématiquement la conception et la construction des outils numériques (sites Web, applications, etc.) auprès des jeunes. Compte tenu de la difficulté pour les structures et les professionnels de l’information à proposer des outils numériques en phase avec les besoins des jeunes, nous proposons que chaque outil numérique soit discuté au préalable, testé au cours de sa conception, et après sa mise en ligne, de façon à intégrer les remarques et attentes des jeunes. Plus encore, il serait possible de mieux associer les jeunes à la construction et à l’animation des outils numériques produit par le CRIJ ou par les structures BIJ et PIJ, dans un cadre d’échange d’idées et de pratiques accompagné par les professionnels de l’IJ. Ce type de démarche pourrait donner la possibilité à de jeunes bénévoles ou volontaires de contribuer par des documents ou des vidéos, à l’animation en lignes des outils numériques proposés, notamment des jeunes les plus éloignés, ou les plus en difficulté, dans l’accès à des circuits d’information et d’orientation. On peut supposer que ce type de rapprochement entre les structures IJ et les jeunes pourraient faciliter à la fois la visibilité, la reconnaissance et la fréquentation des sites Web par les jeunes.
3.2.2. Faire participer les jeunes à la production d’outils informatifs au format vidéo
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Voir sur ce point la publication importante qui détaille les enjeux de ce type d’innovation : Labarthe, F., et Francou, R., Guide de l’innovation centrée usager. Petite boussole pour innover avec les usagers, 2014. 131
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Les enquêtes montre que la demande d’information des jeunes passe désormais moins par l’attente de présentations formelles sur le papier, notamment parce qu’ils valorisent beaucoup les témoignages de professionnels d’un secteur d’activité. Il apparaît ainsi que la communication du réseau Information Jeunesse demeure encore trop marquée par l’accent mis sur l’aspect documentaire de l’information, avec des textes denses et longs, alors que les jeunes peuvent avoir tendance à rechercher une information plus interactive et ludique autour de la vidéo.
Encadré 16 : L’exemple du Livre Vidéo Digital en Auvergne
La déconnexion entre le réseau Information Jeunesse et le monde des professionnels est cependant reconnue par les premiers comme ne « faisant partie de leur culture »132. Jusqu’alors la réponse de l’IJ a surtout pris la forme d’ateliers, ou bien d’outils numériques en ligne, comme le LVD (Livre Vidéo Digital), qui vise à présenter des témoignages de jeunes, d’Informateurs Jeunesses et de professionnels de secteurs d’activité Le CRIJ d’Auvergne a cherché à prendre en compte l’appétence des jeunes pour les témoignages portant sur les métiers et les formations en proposant un Livre Vidéo Digital lors de l’expérimentation FEJ/IJ-SPRO. L’évaluation menée par l’Agence Phare en a souligné la pertinence. L’objectif principal du LVD est de rendre plus visibles et plus incarnés les différents parcours d’orientation qui s’offrent aux jeunes du territoire auvergnat, « tout en créant un espace d’information et d’expression interactif avec les acteurs de leur réussite (réseau IJ, partenaires SPRO, entreprises, etc.) »133. Le LVD prend la forme d’une application gratuite, disponible sur Smartphone, tablette numérique et ordinateur, intégrable aux différentes plateformes Internet. Il est donc consultable par les usagers depuis leurs terminaux, soit en étant téléchargé comme une application, soit en étant consulté en ligne depuis un ordinateur, via un site Web l’intégrant – tel que le site Web de l’Espace Info Jeunes.
Il s’agit d’un outil multi-support (Smartphone, tablette, ordinateur), faisant intervenir des témoignages de jeunes et de professionnels, qui se concentre sur la notion de parcours, de difficultés rencontrées et de leviers possibles pour s’informer sur différentes thématiques, en faisant appel à des récits de vie : identification de personnes-ressources (les professionnels IJ), démythification du monde de l’entreprise (via les témoignages des chefs d’entreprise) ou encore diversité des possibilités (de réorientation, de création d’entreprise), parfois méconnues. Source : Agence Phare, Evaluation de l’expérimentation FEJ/IJ-SPRO, 2015
Une première proposition est de donner les moyens aux structures IJ de généraliser l’utilisation et la diffusion de vidéos en ligne, notamment afin de renforcer l’information des jeunes sur les différentes actions ou dispositifs menés sur les territoires par eux, par leurs partenaires opérationnels (Education Nationale, Pôle Emploi), ou bien par leurs partenaires politiques. A l’échelle locale, elles pourraient ainsi permettre de faire mieux connaître les structures IJ et les missions de ses professionnels, ainsi que mieux faire connaître des professionnels dans des secteurs d’activités spécifiques. Une deuxième proposition est de valoriser de l’information sur des portraits de professionnels ou de jeunes. Ces vidéos pourraient permettre aux structures IJ de mieux faire connaître des personnes inspirantes, et de facto, leurs partenaires sur les territoires, en renforçant leur visibilité auprès des jeunes. Ces outils pourraient également mieux faire connaître des jeunes ayant réussi, par l’accès à l’information, à résoudre des problèmes du quotidien ou à se construire un parcours de vie en recevant le soutien de l’Information Jeunesse.
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Entretien avec des professionnels IJ, observations Journée Régionales de l’Information Jeunesse à Nantes aussi. Courrier de l’Espace Info Jeunes au Président du Conseil régional pour présenter l’expérimentation IJ-SPRO, 5 février 2014. 132
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Une troisième proposition est de renforcer la coopération des structures IJ avec des réseaux de professionnels déjà existants. De nouveaux acteurs, tels que JobIRL ou encore Bloomr, disposant d’un statut d’association ou d’entreprise, proposent déjà des services en ligne pour faciliter la mise en
relation des professionnels et des jeunes – avec une communauté en ligne dans le cas de JobIRL134. Alors que ces projets entretiennent déjà des relations avec certaines structures IJ, le réseau Information Jeunesse pourrait se faire le relais efficace de ces initiatives ou plateformes, qui sont fortement en demande de relation et de visibilité auprès des professionnels et des jeunes135. Encadré 17 : La participation des jeunes à la conception de nouveaux outils de communication
Lors de l’expérimentation IJ-SPRO, des jeunes ont été ainsi associés à la production d’outils de communication du CRIJ, avec succès136. Le fait de solliciter des jeunes – par exemple en Service Civique137 – a permis de repenser la manière de communiquer avec des jeunes. « Q : Comment avez-vous cherché à améliorer la communication du CRIJ ?
Jeune 2: Comment expliquer un concept comme l’orientation? On s’est posé la question.
Jeune 3 : Alors on a voulu démarrer par un journal télévisé, un web JT, on a fait un numéro zéro. Et en fait on s’est vraiment rendu compte que cela faisait France 3 Poitou-Charentes, et que ce n’était pas notre but, on voulait faire un truc plutôt fun. Jeune 2 : Et justement on a aussi fait une vidéo notre service civique, toutes les missions que l’on fait, et cela rentre dans l’orientation.
Jeune 1 : C’était aussi pour rendre la page du CRIJ plus attractive. Parce que sinon c’était des textes hyper longs, des trucs balancés comme ca, je ne sais pas combien de fois par jours. Les informations du coup étaient noyées. Q : Comment ça ?
Jeune 1 : On a fait des vidéos pour faire ressortir le côté ludique de ce que nous avons pu apprendre avec cette personne. Et puis le diffuser. Jeune 2 : F2 : En fait (rires) on s’est rendu compte que sur les vidéos, c’était un bon moyen pour faire commencer à réfléchir les gens et qu’ils commencent à agir. Q : Vous avez aussi fait des vidéos sur le CRIJ ?
Jeune 3 : Oui, surtout quand ils ont organisé des évènements ».138
A la lumière de cet extrait d’entretien, il est possible de penser que les CRIJ, mais également les structures BIJ et PIJ, pourrait travailler plus étroitement avec des jeunes sur la conception et la diffusion de leurs outils d’information, notamment à destination des jeunes les plus éloignés des circuits d’information et d’orientation. Source : Agence Phare, Evaluation de l’expérimentation FEJ/IJ-SPRO, 2015
Il apparaît ainsi que la communication du réseau Information Jeunesse demeure encore trop marquée par l’accent mis sur l’aspect documentaire de l’information, avec des textes denses et longs, alors que les jeunes peuvent avoir tendance à rechercher une information plus interactive et Les porteurs de ces structures se sont engagés dans le projet de renforcer l’accès à des témoignages de professionnels suite à leur constat de la demande des jeunes en ce sens, et la faiblesse des dispositifs existants. La démarche vise à utiliser les outils numériques (plateformes Web, réseaux sociaux) pour inciter des professionnels de tous secteurs à se rendre disponibles pour des jeunes souhaitant obtenir un témoignage spécifique. http://www.bloomr.org/ http://www.jobirl.com/ 135 L’association JobIRL est par exemple en lien avec le BIJ de Levallois dans les Hauts-de-Seine. Le BIJ de Levallois a accompagné JobIRL dans l’organisation d’un évènement de rencontre des jeunes et de professionnels pour renforcer leur connaissance des métiers et des secteurs. 136 Agence Phare, Evaluation de l’expérimentation FEJ/IJ-SPRO, 2015. 137 Ce fut le cas en Poitou-Charentes, pour une description du mode de fonctionnement et de ses limites, voire Agence Phare, évaluation de l’expérimentation FEJ/IJ-SPRO, 2015. 138 Entretien collectif avec des jeunes en Poitou-Charentes, 2014. Agence Phare – Étude sur le cadre d’intervention de l’Information Jeunesse – Juillet 2015
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ludique autour de la vidéo. S’il ne s’agit pas pour l’IJ ne renoncer à sa fonction pédagogique autour de l’accès à l’information, et notamment la lecture et le déchiffrage de l’information écrite, il est probable que la communication en ligne du réseau IJ gagnerait à être beaucoup plus tournée vers la production et la diffusion de courtes vidéos d’information. P6 : Renforcer la qualité de la communication des structures IJ autour de l’outil vidéo, en associant le plus possible les jeunes à leur production. Le réseau Information Jeunesse pourrait s’interroger davantage sur les moyens de diversifier ses moyens de communication à destination des jeunes, et de produire et diffuser des vidéos sur les sites Web et réseaux sociaux des BIJ et PIJ. La production et la diffusion de ces vidéos pourraient notamment valoriser les missions et les actions des professionnels IJ, voire également leurs trajectoires personnelles. Les vidéos pourraient également mettre en valeur des trajectoires de jeunes ayant réussi à construire un parcours de vie qui expliciterait autant leurs difficultés que leur progression, et le rôle de l’accès à l’information. Par ce moyen, il est probable que le réseau IJ serait en mesure de toucher plus de jeunes, de façon plus ludique et moins institutionnelle, pour répondre plus précisément à leur demande de témoignages de professionnels ou de témoignages de pairs-à-pairs. L’expérimentation IJ-SPRO a montré que l’accompagnement des jeunes par le CRIJ ou des associations spécialisées sur l’outil vidéo, notamment autour de la définition de thèmes et de la manipulation de l'outil, est recommandé.
3.2.3. Faire le pari des outils de « pair-à-pair » et issus de l’éducation populaire
Le positionnement de l’Information Jeunesse vis-à-vis de l’éducation populaire constitue un point de débat au sein du réseau IJ et des mouvements de jeunesse et d’éducation populaire. Pour autant, le terme d’autonomie, régulièrement utilisé par les acteurs de l’IJ, recouvre des réalités très différentes. Il peut caractériser l’accès à une situation matérielle spécifique (le fait de ne plus être dépendant de ses parents) ou bien une situation psychologique de mise en capacité des jeunes d’agir ou de s’informer (le fait de sentir que l’on a la possibilité de faire quelque chose). A cet égard, le réseau IJ possède, dans certaines régions, des liens privilégiés avec les mouvements de jeunesse et d’éducation populaire, dont les objectifs sont clairement tournés vers l’autonomisation des jeunes :
« Ce que je vois c’est que les personnes du CRIJ qui sont au Conseil d’administration du CRIJ et les professionnels ont un fort attachement à l’éducation populaire et qu’il y a un fort accompagnement de la DRJSCS, et souvent sont placées au cœur les questions d’éducation populaire ; je suis un conseiller de jeunesse et d’éducation populaire, et les collègues portent aussi cela. Quand on est sur l’organisation des choses, avec le CRIJ et la DRJSCS, souvent c’est placé au cœur de nos rencontres, c’était un thème des rencontres d’animation régionale du réseau IJ. Cela vient pour moi de cette relation avec le CRAJEP et des mouvements d’éducation populaire »139.
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Entretien avec une DDCS, 2014.
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La question de l’autonomisation des jeunes est souvent revendiquée par les structures IJ. Les professionnels IJ tendent ainsi plus à valoriser l’acquisition par les jeunes de compétences informelles, notamment autour de la recherche d’information et la construction d’information, plutôt que de compétences formelles (diplômes, etc.). Cette démarche d’éducation populaire est en
principe revendiquée à l’échelle nationale140 - elle semble surtout, dans les faits, être liée à des configurations régionales. Encadré 18 : Le jeu Pas à Pas, développé par le réseau IJ Bretagne
Le CRIJ Bretagne a développé lors de l’expérimentation FEJ/IJ-SPRO un jeu intitulé Pas à Pas. Le rapport d’évaluation a mis en évidence sa pertinence, qui fait écho des réflexions de certains partenaires importants du CRIJ, tel que Pôle Emploi ou le Conseil régional, qui travaillent sur la question des freins périphériques à l’emploi.
Le jeu vise à rassembler un petit groupe de jeunes autour des parcours et ressources d’orientation sur leur territoire. En effet, le fonctionnement du jeu permet aux usagers de découvrir les structures du SPRO (ainsi que d’autres organismes), de prendre connaissance de leurs missions, et enfin de les localiser sur leur lieu de vie, matérialisé par une carte du territoire141. L’outil Pas à Pas ne constitue pas une innovation technologique, mais il est possible de situer l’innovation sur le plan de la prise en compte de la question des compétences acquises dans le champ de l’éducation non-formelle dans ce type d’outils. L’action expérimentale Pas à Pas en Bretagne s’inscrit dans la droite ligne de ce questionnement sur l’acquisition de compétences non-formelles par les jeunes, et la manière dont ce processus peut contribuer à placer dans un même questionnement les moyens pour les jeunes de se construire un parcours qui n’est pas linéaire, tout en facilitant une meilleure connaissance des structures et dispositifs existants.
Plus encore, Pas à Pas semble novateur car il propose une approche que l’on peut qualifier d’éducation par les pairs, c’est-à-dire qu’il favorise les interactions entre des jeunes confrontés à différents types de parcours et pouvant mobiliser, par la force du témoignage, l’apport de leurs expériences vécues. Cette démarche est d’autant plus pertinente qu’elle correspond aux pratiques d’information des jeunes, puisqu’en dehors d’Internet, les jeunes ont tendance à faire appel à leur entourage (amis, parents et famille) pour s’informer142.
L’objectif d’un tel outil est alors à donner une plus grande place à la reconnaissance du droit à l’erreur, à l’acquisition et la valorisation par les jeunes d’expériences et de compétences non-formelles et informelles. Source : Agence Phare, Evaluation de l’expérimentation FEJ/IJ-SPRO, 2015
L’approche du réseau Information Jeunesse se définit en ce sens comme une forme de proximité avec les structures des mouvements de jeunesse et d’éducation populaire, qui cherchent également à valoriser d’abord les demandes et les désirs d’engagement des jeunes, et plutôt une position distincte des approches auprès des jeunes telles qu’elles sont portées par l’Education Nationale ou par les organismes en charge de l’emploi et de la formation professionnelle, plus centrés sur la valorisation d’une offre institutionnelle de débouchés scolaires ou professionnels, et donc de compétences formelles.
INJEP, Le réseau IJ, vitalité et professionnalisme. Séminaire national du réseau Information Jeunesse, 2007. La phase de test de Pas à Pas a permis au porteur de projet d’identifier qu’il était préférable d’abandonner l’idée initiale d’un « plateau » support du jeu, au profit d’une carte géographique du territoire propre à chaque territoire où a lieu l’animation. Cette précision témoigne de l’importance de prendre en compte l’avis des jeunes dans la conception et autour de l’usage des outils qui leur sont destinés. 142 L’enquête Les jeunes Bretons et leurs stratégies d’information met en lumière que 88% des jeunes s’orientent vers Internet et les mobiles pour rechercher de l’information, 54% vers leurs amis, 50% vers leur famille. 140
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Pour autant, il est clair que tous les CRIJ et structures IJ ne sont pas engagés de la même manière dans le sens d’une démarche explicite d’éducation populaire. Pour certains, il s’agit d’un enjeu beaucoup plus abstrait et théorique qui ne vient pas imprégner la gouvernance du CRIJ, la production de documentation à destination des jeunes, ou encore la nature des partenariats formalisés. Pour d’autres, comme en Pays de la Loire et en Bretagne, en font une revendication de premier plan. Cette qualité pédagogique peut leur être reconnue par des acteurs tels que les Conseils régionaux : « Le réseau IJ un acteur incontournable aujourd’hui, pour le public jeune. Ils ont une couverture territoriale – après il faut qu’on la retravaille. Et puis surtout ils ont une expertise en termes d’information et de médiation à l’information et d’accompagnement à l’information – et d’éducation à l’information, qui est indispensable. On ne l’a pas dit, mais dans le SPRO, ce qui est important, c’est la démarche éducative – et de ce point de vue l’Information Jeunesse est indispensable. »143
Il s’agit également d’une caractéristique de l’offre de service IJ souvent mal identifiée par les partenaires qui peuvent considérer que le réseau Information Jeunesse ne fait pas seulement de l’information de premier niveau. La tendance de certaines structures locales IJ à vouloir accompagner les jeunes sur le chemin de l’insertion sociale ou d’un choix d’orientation en fonction de leurs désirs peut être vue comme une approche concurrente de services existants. C’est le cas pour les Missions Locales (qui peuvent considérer que le réseau Information Jeunesse joue un rôle en faveur de l’insertion sociale) et des CIO (qui peuvent considérer que le réseau Information Jeunesse joue un rôle dans l’orientation des jeunes). P7 : Produire, évaluer et transférer des outils facilitant la mise en capacité des jeunes à la recherche de l’information. Il apparaît important que le réseau IJ puisse clarifier son offre de service et surtout les outils favorisant les logiques de pairs-à-pairs et/ou d’éducation populaire : certains outils (tels que le jeu Pas à Pas, par exemple, mais aussi jeux de rôles, apprentissage de l’outil vidéo) devraient être plus explicitement communiqués auprès des structures Information Jeunesse des différentes régions afin qu’elles s’en emparent et se les approprient, en contexte. Il s’agit, pour les jeunes, d’être capable d’analyser les enjeux d’un parcours d’information, leurs difficultés et leurs obstacles (par exemple des groupes de parole, peu innovants et peu adaptés, pourraient être accompagnés ou remplacés par des temps de résolution de défis). Il serait pertinent de plus donner aux jeunes la possibilité et les moyens de devenir acteurs de la construction de parcours d’information ou de parcours de vie – et d’y trouver des solutions collectives. Ces outils peuvent renforcer le dialogue entre les Informateurs et les jeunes pour renforcer l’offre de renseignement, de conseil et de suivi présenté dans la préconisation P1.
3.2.4. Ouvrir le débat sur la pertinence de certains documents « papier »
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Entretien avec un Conseil régional, 2014.
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L’identité historique du réseau Information Jeunesse s’est construite autour de la production de documents d’information de qualité, dont la pertinence et la finesse est reconnue par beaucoup des organismes que nous avons rencontrés. La création du CIDJ en 1969 a répondu à la demande de nouveaux outils d’information : les classeurs de fiches-métiers, le guide CIDJ Actuel. Les CRIJ et
certains BIJ peuvent également produire par eux-mêmes des outils d’information ; ces outils d’information sont considérés par beaucoup de professionnels comme un facteur de légitimité et de sérieux du réseau Information Jeunesse. Pour autant, l’enquête que nous avons menée a fait apparaître plusieurs points de faiblesse, à commencer par une grande diversité dans l’utilisation actuelle des documents papier : « Je n’utilise presque pas les classeurs. Je sais que certains collègues les utilisent beaucoup comme un support, surtout ceux qui ont un profil de documentaliste, ou qui s’occupent d’orientation et d’emploi. Après j’utilise beaucoup les guides, parce qu’ensuite les jeunes partent avec, donc c’est beaucoup plus utile que le classeur. Les deux guides qui rencontrent d’ailleurs toujours le plus de succès, c’est le guide pour trouver un job et le guide pour trouver un logement. Mais les classeurs… je peux le dire ? On ne les utilise presque plus ou pas »144.
« Les classeurs, c’est une approche et un outil pédagogique utile pour nous. On les utilise dans le cadre d’un entretien, mais après, d’eux-mêmes, les jeunes ne vont très rarement aller vers les classeurs, faire leur recherche et repartir. On le voit. Le paradoxe, c’est que les jeunes ne peuvent pas bien utiliser les classeurs : ils font de la peine car ils sont obligés de prendre plein de notes. Alors on peut faire leur envoyer par e-mail, cela rend service aux jeunes, mais on n’a pas le droit le faire à cause de l’abonnement! Et puis les fiches CIDJ… l’Etat ne se rend pas compte ! On les paye vraiment très cher. Alors qu’on participe au travail de mise à jour de ces fiches !». 145
Il apparaît ainsi d’abord que certains documents papiers sont beaucoup moins utilisés par les jeunes, voire par certaines structures IJ, que d’autres. SI certains jeunes ou certains professionnels peuvent s’appuyer sur les classeurs, ils sont utilisés de manière très parcimonieuse par les publics de l’IJ. Les entretiens avec les jeunes et avec les professionnels de l’IJ soulignent qu’ils sont beaucoup plus demandeurs de documents papiers qu’ils peuvent ensuite emporter avec eux – même si ce type de pratique peut être aussi considéré, parfois à juste titre, comme un rapport de consommation de l’information146.
En outre, les entretiens montrent que la centralisation de la production de l’information par le CIDJ ou par les CRIJ, qui s’appuie sur la remontée d’information des structures IJ, ne tient pas suffisamment compte de la capacité de production d’information et de documentation des BIJ et des PIJ. La documentation produite à l’échelle nationale est ainsi jugée par de nombreuses structures IJ locales « très coûteuse », « pas assez précise et en phase avec la réalité des besoins des territoires »147 alors que les structures IJ à l’échelle locale produisent également des outils qu’ils construisent ensemble ou partagent selon des modalités diverses.
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Entretien avec un professionnel de BIJ, 2014. Entretien avec un professionnel de CIJ, 2015. 146 Entretien avec des professionnels de l’IJ, 2015. 147 Entretien avec des professionnels de l’IJ, 2014. 144
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Enfin, il apparaît une différence forte au sein des pratiques professionnelles de l’IJ : les documentalistes tendent à vouloir maintenir une offre papier importante, parce qu’elle constitue pour eux un support d’information pratique mais également « légitime », garant d’une information de qualité, tandis que les animateurs tendent à favoriser l’utilisation et la diffusion de documents « à emporter ». Ainsi, certaines structures IJ tendent à vouloir maintenir une offre équilibrée entre papier et numérique pour répondre à la diversité des profils de jeunes, tandis que d’autres structures
IJ et partenaires poussent pour un passage plus systématique à une information directement en ligne, ou à partir de documents en ligne :
« Nous on pratique le cross-média. On pense qu’il y a autant de publics qu’il y a de médias. Chaque public va être touché différemment, et le document papier c’est un outil de liaison. Même pour les partenaires, c’est quelque chose qu’ils vont pouvoir donner à une personne, et créer du lien avec cette personne, qui peut repartir avec une information, c’est un outil. Pour l’instant, c’est encore utile. Par exemple, il y a des halls d’accueil, il y a de moins en moins de documents d’information, mais on trouve les nôtres, on a notre place, on est visible. Mais c’est vrai qu’on nous le reproche. Au dernier comité de pilotage des financeurs, un élu régional nous a dit qu’on faisait trop de papier, car leur politique, c’est maintenant tout numérique. Il nous faut se battre, il nous faut aller chercher des moyens»148.
L’usage croissant du numérique se heurte aussi parfois à des difficultés liées aux compétences des professionnels IJ, voire à des enjeux de pouvoir au sein des structures :
« Le numérique, c’est compliqué, parce que toutes les cartes sont rebattues, ça bouleverse les hiérarchies, les rapports de pouvoir, les pratiques professionnelles. Du coup tout le monde a peur, surtout les plus anciens, les plus gradés. Ça peut faire émerger des personnalités plus compétentes qu’eux dans leur service. C’est pour ça que les gens ont peur du numérique, avec des réactions de rejet, etc. Ce n’est pas facile, quand on a fait des études pour être documentaliste, c’est brutal ! […] Les fiches, c’est leur fonds de commerce. C’est ce que les jeunes viennent chercher aussi, l’information. Si cette information était en ligne, qu’est ce qui se passerait ? Les évolutions du métier IJ c’est vers l’incubation de projets, de trajectoires ».149
La remise en cause des documents papiers constitue un enjeu de premier plan pour l’Information Jeunesse, dans la mesure où il s’agit d’un élément constitutif de son identité et de la garantie d’une offre d’information de qualité. Les documentalistes peuvent ainsi « avoir des réactions de rejet » car ils peuvent préférer avoir à disposition des documents papiers pour bien informer les jeunes plutôt que des documents numériques. Il est important pour autant de nuancer : l’enjeu est davantage de numériser des documents papiers que de renoncer à la production de documents de qualité.
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Entretien avec un professionnel de CIJ, 2014. Entretien avec une association spécialisée sur le numérique, 2014.
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P8 : Mettre en débat la numérisation – voire la suppression – de certains documents papiers du réseau Information Jeunesse (classeurs CIDJ des fiches métiers), pour mieux cibler le financement de la production et l’offre de guides à emporter (logements, transports) et de témoignages vidéo. Nous proposons que les publications « consultables sur place », comme les classeurs proposées par le CIDJ, soient disponibles uniquement en ligne (et consultables par exemple sur des tablettes mises à disposition des jeunes), comme un support d’information par les Informateurs, voire imprimable par les Informateurs Jeunesse pour les jeunes, à la demande – ce qui est déjà le cas dans la pratique dans certaines structures IJ. Il faudrait cependant s’assurer de la manière dont cette transformation des outils papiers est profitable ou non aux partenaires qui utilisent ces documents papiers (classeurs CIDJ). Numériser certains documents papiers suppose aussi de s’assurer des moyens numériques à disposition (nombre d’ordinateurs ou de tablettes). Au final, on peut émettre l’hypothèse, qui reste à mettre en débat au sein de l’Information Jeunesse, que les Informateurs Jeunesse sont capables d’informer les jeunes aussi bien sur des outils papiers que numériques.
3.2.5. Atouts et freins à la mise en œuvre des préconisations 5-8
PRECONISATIONS 5-8 : Des outils pour les jeunes plus axés sur le numérique et le pair-à-pair
Préconisations
Atouts
P5 : Tester systématiquement la conception et la construction des outils numériques auprès des jeunes P6 : Renforcer la qualité de la communication des structures IJ autour de l’outil vidéo, en associant le plus possible les jeunes à leur production P7 : Produire, évaluer et transférer des outils facilitant la mise en capacité des jeunes à la recherche de l’information
P8 : Mettre en débat le devenir des documents papier autour des questions de numérisation
Le réseau IJ, de par sa structure peu institutionnelle, peut innover avec les jeunes plus facilement
Freins
La phase de test des outils numériques peut ralentir/augmenter les coûts des outils numériques
La capacité de mise en réseau et de partenariat de l’IJ à l’échelle locale ainsi que sa proximité avec les jeunes
Le manque possible de compétences autour de la production vidéo et le coût de l’accompagnement des jeunes
Il existe déjà des principes, des outils et une approche de l’éducation populaire au sein du réseau IJ
Certains CRIJ et certaines structures IJ sont beaucoup plus engagés sur l’éducation populaire que d’autres
Le fonctionnement des classeurs serait plus accessible aux jeunes et moins coûteux
Les réticences du CIDJ et des documentalistes à reculer sur le format papier – un modèle économique à repenser
3.3. Formaliser et enrichir les outils au sein de l’Information Jeunesse pour mieux « faire réseau »
Si les CRIJ disposent d’une grande expérience de l’animation de réseaux sur les territoires, les méthodes utilisées peuvent être améliorées. Un état des lieux des structures, des fonctionnements Agence Phare – Étude sur le cadre d’intervention de l’Information Jeunesse – Juillet 2015
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3.3.1. Faciliter la conception décentralisée et expérimentale de projets
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Si l’Information Jeunesse est forte d’une grande diversité de partenariats, il apparaît que les professionnels sont souvent confrontés à une même difficulté : la méconnaissance des missions de l’Information Jeunesse, et la perception de l’Information Jeunesse comme un acteur potentiellement concurrent des CIO, des Missions locales ou encore de Pôle Emploi. Or, les professionnels de l’Information Jeunesse mettent en avant leur capacité à faire du lien sur leur territoire d’action. Audelà de l’effort de clarification nécessaire que les structures IJ doivent apporter à l’échelle locale, il apparaît nécessaire de les soutenir dans ce défi, notamment en généralisant certains outils favorisant les partenariats, la communication, et l’évaluation à l’échelle régionale.
et des pratiques professionnelles, permet de faire un tour de table intéressant pour faciliter l’interconnaissance des BIJ-PIJ. Il peut aussi freiner, parce que les participants manquent alors de temps, les occasions d’élaborer une vision plus collaborative et stratégique du réseau sur les territoires. Ainsi, un état des lieux n’est pas suffisamment opérationnel pour alimenter la réflexion sur le positionnement global du réseau régional face aux évolutions des politiques publiques : « C’est une difficulté vis-à-vis des animateurs IJ, parce qu’on leur parle [du SPRO], mais derrière il n’y a rien de concret qui se met en place, et pour eux c’est très difficile. Le côté abstrait de la chose fait que ça ne les intéresse pas du tout tant qu’il n’y a rien de concret qui se met en place. » 150
« Il faut aussi voir qu’il n’y a pas une super entente à l’intérieur du réseau IJ. Il n’y a pas que difficultés externes [rires]. Il peut aussi y avoir des relations difficiles entre les BIJ, PIJ et le CRIJ. C’est convivial, mais ça fait longtemps que les PIJ et la DRJSCS demandent à ce que le CRIJ joue un peu plus son rôle d’accompagnateur et de conseil au niveau des PIJ, et où ils ont parfois tendance un jouer un peu perso : à travailler un peu plus pour le développement de le CRIJ que pour l’appui aux PIJ. A leur décharge, quand on demande aux PIJ de plus s’impliquer sur le réseau, pas grand-monde ne s’implique ! »151
Une première proposition est que l’animation du réseau par les CRIJ et l’Etat soit plus tournée vers la construction décentralisée de projets communs, et moins tournée vers la mobilisation des structures IJ autour de projets uniquement pensés, préparés et de facto proposés par les CRIJ. Si à l’échelle régionale ou départementale les CRIJ et les services déconcentrés de l’Etat peuvent demander aux structures locales, BIJ et PIJ quelles thématiques ou formations ces derniers souhaitent mettre en œuvre, ce n’est pas le cas partout. Les CRIJ pourraient notamment inciter les structures BIJ et PIJ à concevoir des projets entre eux, en leur apportant un soutien technique ou stratégique.
Une deuxième proposition est de relocaliser les méthodes d’animation de réseau vers la résolution de défis locaux auxquels sont confrontés les BIJ et les PIJ. A l’image de ce que réalise la communauté MakeSense, tournée vers l’animation de groupes de jeunes pour répondre à des défis ou des problèmes rencontrés par des entrepreneurs sociaux152, lors de sessions de quelques heures, chaque structure IJ pourrait, le temps d’une réunion locale, départementale ou régionale, exposer en amont ses difficultés et les informateurs IJ pourraient se mobiliser pour trouver des solutions pratiques, inspirées de leur expérience et de leur créativité.
Une troisième proposition est que le CRIJ puisse repérer, évaluer, valoriser et diffuser les initiatives locales IJ auprès de l’ensemble du réseau IJ sur les territoires. Certes, les CRIJ, et les DDCS(PP), sont déjà fortement impliqués dans le repérage d’innovations locales portées par des BIJ et des PIJ. Cependant, cette démarche d’innovation pourrait être plus active. Pour cela, il faudrait que le CRIJ soit l’initiateur, sur son territoire régional, d’une démarche d’expérimentation de l’Information Jeunesse. Il pourrait notamment: endosser un rôle plus systématique de repérage, d’évaluation, de valorisation et d’essaimage des initiatives et actions innovantes/pertinentes portées par les BIJ et les PIJ ;
Entretien avec une DDCS, 2014. Entretien avec une DRJSCS, 2014. 152 Pour une présentation des méthodes de MakeSense : http://www.youphil.com/fr/article/06930-makesensebrainstorming-social-business-entreprises 150 151
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répondre plus systématiquement à des appels à projets et expérimentation ;
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mettre en débat au sein du réseau IJ la valeur ajoutée/les atouts mais également les freins de ces initiatives ou actions innovantes.
A titre d’exemple, nous avons recensé quelques initiatives locales qui devraient être accompagnées et évaluées, pour ensuite débattre de leur transférabilité à d’autres structures IJ : Encadré 19 : Une sélection non-exhaustive d’initiatives à recenser, évaluer, voire diffuser Structure IJ
Région
Action
Hyperlien
Bretagne
Une borne d’informations
Article du Télégramme
PIJ Bihorel
Normandie
Article de ParisNormandie
ADIJ Côtes d’Armor
Bretagne
Un PIJ sans salarié – une permanence animée par l’élue déléguée à la Jeunesse
Le PIJ, un des piliers du pôle de cohésion sociale de la commune
Article de ParisNormandie
PIJ Plestin-lesGrèves
PIJ Fécamp
Normandie
PIJ Castelsarrasin
Midi-Pyrénées
Formation des jeunes à l’animation de débats
Une convention pour formaliser le partenariat entre le PIJ et Pôle Emploi
Article du Télégramme
Article de La Dépêche
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Il apparaît essentiel que les techniques d’animation autour de « défis locaux » ou les expérimentations ne soient pas seulement menées par le CRIJ à l’échelle régionale, mais puissent être également délocalisés à l’échelle départementale, au plus près des besoins des structures IJ, des besoins des publics et des territoires. Cette dynamique d’animation de réseau pourrait éventuellement être déléguée à des BIJ « relais » sur les territoires ou aux ADIJ, avec le soutien des DDCS(PP), qui n’est réel et efficace à l’heure actuelle que dans certains départements ; l’autonomie des BIJ pouvant constituer un gage de mobilisation des structures locales.
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P9 : Rendre les méthodes d’animation du réseau IJ par le CRIJ plus participatives, décentralisées, et centrées sur la réalisation de « défis », et valoriser la conduite d’expérimentations. Compte tenu de la vitalité et de la diversité des initiatives locales, qui sont menées par les BIJ et les PIJ, nous proposons que le mode d’animation du réseau IJ par le CRIJ ne soit plus autant tourné vers un simple état des lieux des besoins et des attentes des structures IJ, qui se traduit dans les faits par une certaine routine et un manque de dynamisme facteur de démobilisation. Si réaliser un état des lieux peut être pertinent, nous proposons que l’animation soit beaucoup plus tournée vers la « résolutions de défis » ou la production de projets expérimentaux, accompagnés par les CRIJ, permettant de mobiliser collectivement le réseau autour de la recherche de solutions pour des structures IJ éprouvant des difficultés à produire certains outils, à toucher certains publics, certains partenaires. Cela aurait pour effet induit de renforcer le sentiment d’appartenance des professionnels de l’IJ autour d’actions concrètes. Si le CRIJ peut apparaît comme un acteur devant avoir plus de « pouvoir », nous préconisons que ce pouvoir soit plus partagé et collaboratif, mis au service de l’ensemble du réseau.
3.3.2. Mettre en œuvre des outils de diagnostic et d’évaluation communs à l’IJ
L’adéquation de l’offre de services de l’Information Jeunesse aux territoires doit passer par une prise en compte fine de ses spécificités. Il apparaît en ce sens indispensable de doter le réseau Information Jeunesse d’un outil permettant la réalisation d’un diagnostic du territoire et de ses besoins, afin de définir au mieux les contours de l’activité du BIJ ou du PIJ. A l’évidence, ce travail de diagnostic peut constituer temps de réflexion collectif permettant d’associer les acteurs du territoire et leur faisant découvrir les possibilités et réalités de l’Information Jeunesse, voire d’enclencher une dynamique partenariale dont bénéficiera la structure IJ par la suite. Encadré 20 : Le diagnostic territorial préalable à l’installation du PIJ de la CC du Val de l’Indre
Le diagnostic comprend six parties :
Une première partie présente le territoire de la CCVI ainsi que la démographie du public jeune sur celui-ci ; il recense également les organismes existants (associations, fêtes et manifestations, etc.) ainsi que les problématiques auxquelles ils sont confrontés, les lieux où se retrouvent les jeunes et les établissements scolaires. La mobilité des jeunes est également prise en compte (réseaux de transport et dessertes). Une seconde partie aborde l’information sur le territoire par tranches d’âge (12-15 ans, 15-18 ans, plus de 18 ans). Le constat pour les 12-15 ans est le suivant : l’information est très locale, ou très spécifique au lieu de diffusion ; peu d’endroits sont identifiés « information » au sens large du terme et adaptés au public ; difficultés de mobilité ; certains jeunes et parents ne connaissent pas les loisirs, manifestations et structures que proposent les communes voisines.
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Une troisième partie aborde la politique jeunesse locale sur les dernières années (dispositifs, contrats, soutien aux associations, etc.). Il rappelle les constats fait par les élus avant le vote de la compétence communautaire : la fermeture d’une grande partie des accueils jeunes ; la nécessité d’un travail d’animation de long terme ; l’attitude consommatrice des jeunes et la difficulté à capter les publics ; la faible cohérence de l’accès aux pratiques culturelles, sportives et à l’information ; des territoires de vie des jeunes qui dépassent largement leur commune, notamment pour les collégiens ; une information jeunesse dispersée entre différents acteurs ; la difficulté pour les jeunes de trouver l’information qui les concerne ; une politique Jeunesse en plein développement. Il en ressort qu’une action quotidienne
doit être menée au plus proche des lieux de vue des jeunes dans leur commune, et en relation avec les établissements scolaires. Ces constats s’articulent avec une attente politique forte autour de trois axes : la prévention et l’information ; le dynamisme et la participation des jeunes ; la participation des jeunes à l’action communale. Une quatrième partie synthétise les enjeux du Projet Educatif Communautaire, qui comprend l’animation et l’équipement d’un PIJ communautaire.
Une cinquième partie précise les modalités d’une « Information Jeunesse spécifique et ciblée » sur le territoire autour de cinq axes: la visibilité de l’IJ ; l’élaboration de documents d’information spécifiques à la vie sur la CCVI ; un plan d’actions intercommunal ; un accès à l’information sur chaque lieu de vie ; un outil d’évaluation. Le fonctionnement du PIJ est également présenté, autour de trois concepts : « l’éclatement » (une information locale qui répond aux jeunes de chaque territoire), le « nomadisme » (une information intercommunale qui répond à tous les jeunes) et la « centralisation » (un PIJ dans un local fixe et un site Internet). Une sixième partie recense enfin des actions à réaliser pour faire découvrir le PIJ au public. Source : CC du Val d’Indre, « Un PIJ sur la CC du Val de l’Indre »
Une première difficulté majeure dans la relation du réseau Information Jeunesse avec ses partenaires est le manque de visibilité et de lisibilité de ses missions, de ses actions et de ses réalisations à la fois à l’échelle locale et nationale. Il est frappant de constater qu’il n’existe aucune démarche harmonisée de comptabilité statistique du nombre de jeunes accueillis, d’actions réalisées, et de partenariats concrétisés. Cette démarche de recensement statistique pourrait être facilitée par le fait que certains CRIJ tiennent un recensement de leurs activités et facilitent déjà des logiques départementales et régionales s’inscrivant dans ce sens, comme par exemple pour les PIJ du Pays Basque153.
Il apparaît essentiel que le réseau IJ puisse se doter à l’échelle régionale et nationale d’un appareillage statistique autour d’un certain nombre de critères autour du fonctionnement de l’Information Jeunesse, de service rendu aux jeunes et de partenariats : le nombre de professionnels, les horaires d’ouverture, la fréquentation des jeunes, les structure ayant recommandés l’IJ à des jeunes et vice versa, les questionnements atypiques des jeunes154, ou encore le nombre et la nature de partenaires associés à des actions ou des projets spécifiques. La nécessité d’un outil facilitant l’auto-évaluation de l’activité des structures IJ ainsi que d’une formation adéquate, apparaît également. Lors de l’évaluation de l’expérimentation FEJ/IJ-SPRO, il est apparu que les porteurs de projets pouvaient avoir des difficultés à élaborer un projet innovant. Les acteurs peuvent avoir des difficultés à identifier le caractère « innovant » des projets, les atouts et les freins de ces projets. Il serait pourtant extrêmement constructif que les Informateurs puissent avoir une plus grande capacité à analyser leurs actions, projets ou expérimentations pour en partager les enseignements et en faciliter la valorisation auprès des partenaires ainsi que l’essaimage avec les autres acteurs IJ. « Ça concerne la moitié du département, le Pays Basque. On a créé ici un relais statistique semi-départemental, depuis 3 ans, sur le nombre de jeunes fréquentant des PIJ du Pays Basque, le pourquoi de la fréquentation, […] J’ai un temps imparti sur mon temps de travail, qui est dédié à l’IJ. On reçoit une subvention du CRIJ pour ça (3000€). C’est 3-4h maximum sur le travail de tête de réseau. Le rôle de tête de réseau c’est la création des outils statistiques, la collecte et le traitement des données ; une veille informatique sur les problématiques Jeunesse, avec le responsable information du CRIJ ; et c’est faire le lien entre l’IJ et les différents partenaires, je les mets en lien avec les BIJ et PIJ » (Entretien avec un BIJ du Pays Basque, 2014). 154 Un point soulevé lors de l’expérimentation FEJ/IJ-SPRO, en Poitou-Charentes. Agence Phare – Étude sur le cadre d’intervention de l’Information Jeunesse – Juillet 2015
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Certains CRIJ ont de ce point de vue particulièrement avancé sur l’auto-évaluation des projets, notamment en Rhône-Alpes. Dans le cadre de l’expérimentation FEJ/IJ-SPRO, le CRIJ a ainsi expérimenté la mise en place d’un outil d’auto-évaluation des partenariats particulièrement pertinent, dont pourrait s’inspirer l’UNIJ pour proposer des guides d’auto-évaluations aux professionnels de terrain. L’évaluation que nous avons mené a montré la capacité de l’outil à améliorer la finesse de la connaissance de l’IJ (à la fois dans ses spécificités et ses contraintes) par ses partenaires. Encadré 21 : L’outil d’auto-évaluation du partenariat expérimenté en Rhône-Alpes
Trois rubriques ont été dégagées pour la construction de l’outil d’auto-évaluation du partenariat. Une première porte sur la genèse du partenariat, qui renferme trois critères :
- connaissance de l’origine du partenariat ; - connaissance des fonctionnements institutionnels des structures partenaires, leurs cultures, modalités de fonctionnement, leurs contraintes et leviers ; - connaissance des spécificités du territoire. Une seconde sur son fonctionnement :
- connaissance des principes et des protocoles de collaboration ; - niveau d’engagement dans des actions communes de communication à destination du public, des financeurs et des partenaires ; - degré d’organisation pour la réorientation des usagers. Une troisième portant sur les conditions de pérennisation et d’évaluation du partenariat à partir de six critères :
- l’importance des activités de formation continue en commun pour son personnel ; - le niveau d’engagement dans des activités de projet en commun (au niveau local, régional, national, européen) ; - la maîtrise d’une approche commune pour l’amélioration du service rendu aux usagers ; - l’importance de la communication de chaque structure sur leur partenariat ; - le niveau de développement des compétences sociales des structures partenaires. Source : Agence Phare, Evaluation de l’expérimentation FEJ/IJ-SPRO, 2015
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A l’heure actuelle, la capacité du réseau IJ à construire et mettre en avant des outils de mesure d’activité et d’évaluation demeure en suspens. D’une part, les CRIJ ne parviennent pas toujours à mobiliser suffisamment les BIJ et les PIJ autour de la réalisation de ces outils et du remplissage des informations. D’autre part, certaines structures IJ peuvent se montrer réticentes à s’engager dans une logique de « chiffres » ; Si la difficulté à « auto-évaluer » un travail pose question, cette option pourrait être considérée comme un terreau fertile pour renforcer la qualité des échanges de bonnes pratiques, autour de l’information des jeunes et communiquer avec les financeurs au-delà d’une « logique de chiffre ».
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P10 : Elaborer un kit de réalisation d’un diagnostic, d’un projet pédagogique, et d’outils de d’évaluation. Compte tenu des démarches existantes de recensement statistique et d’évaluation, nous proposons que l’UNIJ lance un état des lieux des différentes manières régionales, départementales ou locales de recenser l’activité de l’IJ autour de plusieurs volets à définir collectivement. A partir de ce travail, l’UNIJ, en concertation étroite avec les CRIJ, pourrait être en charge de concevoir de manière collaborative un kit destiné aux structures IJ, comprenant : 1) un guide pour la réalisation du diagnostic territorial 2) un guide pour la réalisation d’un projet pédagogique d’information, écrit sur la base du diagnostic 3) des outils de mesure d’activité et d’évaluation. Il faudrait alors préciser comment les services de l’Etat pourraient venir en soutien technique de cette démarche de diagnostic à l’échelle départementale et à l’échelle régionale.
3.3.3. Créer des plateformes régionales et une plateforme nationale collaborative
La question du partage d’information entre les structures IJ à l’échelle régionale et nationale constitue un élément clé de la dynamique des structures IJ. Certains CRIJ disposent déjà d’un système d’information partagé permettant aux structures infra-régionales de mettre en ligne des informations (agenda, documents). Nous proposons que la création de plateformes régionales soit généralisée155, et que la création d’une plateforme collaborative nationale soit impulsée par l’UNIJ, en concertation avec les CRIJ et les structures locales BIJ et PIJ volontaires pour participer au projet et s’en faire les relais sur les territoires.
Une telle plateforme nationale de travail collaboratif aurait quatre objectifs pour le fonctionnement et la construction de projets au sein du réseau IJ : -
fédérer les communautés en rapprochant les métiers d’informateur, d’animateur, de documentaliste, de producteur de données et de direction et les missions des collectivités locales et des partenaires ; partager les connaissances et accompagner les expériences de médiation autour de l’information, notamment les pratiques et les projets innovants ;
faciliter les projets en outillant le travail collaboratif, le suivi en temps réel des actions et des projets ; contribuer au développement des compétences des professionnels de l’Information Jeunesse.
Une telle plateforme serait organisée autour de différentes communautés de professionnels de l’Information Jeunesse, qui travailleront sur les mêmes territoires ou sur les mêmes projets, ou qui partageront les mêmes questionnements. Un utilisateur connecté pourrait décider : -
de rejoindre une ou plusieurs communautés de territoires ;
-
de rejoindre une ou plusieurs des communautés thématiques ou de projet existantes ;
C’est le cas dans la région Poitou-Charentes. Un exemple – parmi d’autres – de la forme que pourrait prendre cet outil est le réseau social professionnel IODA mis en place par le Carif-Oref de la région Auvergne. Pour plus d’informations : http://pro.formationauvergne.com/se-professionnaliser/travailler-ensemble/reseau-social-ioda 155
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de créer une communauté de territoire sur la maille territoriale de son choix (par exemple des « territoires de projet ») ;
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de créer une communauté sur la thématique ou le projet de son choix.
Chaque communauté serait administrée par un ou plusieurs animateurs (« community managers »), qui pourraient être des binômes constitués de salariés du CRIJ et d’agents des services déconcentrés de l’Etat. La plateforme pourrait proposer aux utilisateurs d’une communauté une large palette d’usages, voire faire émerger des usages inattendus. De façon non exhaustive, elle permettrait de : -
développer la veille en partageant des informations au sein des communautés (activités, documents, comptes-rendus, photos-vidéos, pages web, etc.) pour développer les connaissances au sein d’une même communauté ; outiller les projets en proposant des outils de travail collaboratif pour les projets (partage de répertoires de documents, d’agendas, de tâches et de plannings de projets, d’annuaires, accès à une messagerie privée, à des logiciels d’édition collaborative ou à des wikis156, etc.) ;
accéder à une boîte à outils en proposant des ressources de référence pour faciliter la création de contenus (fiches méthodologiques, cours en ligne ou MOOCs, logiciels libres, etc.).
Enfin, cette plateforme permettrait également de développer les échanges de manière transversale à toutes les communautés pour valoriser les compétences et expertises et développer des réseaux de contacts pour tous les utilisateurs, d’une part ; -
-
rechercher une information sur l’ensemble des ressources de la plateforme et géolocaliser les résultats (par exemple une expertise à proximité) ;
renforcer la capacité des Informateurs Jeunesse de proposer une information de qualité auprès des jeunes, notamment d’actualiser la connaissance des structures et des dispositifs des partenaires, et de pouvoir questionner et confirmer la pertinence des informations demandées ; faciliter le travail de circulation et d’obtention d’information (et donc d’homogénéisation des « niveaux d’information » des professionnels) entre les structures IJ.
156
YesWiki est un moteur de wiki libre : http://yeswiki.net/wakka.php?wiki=PresentatioN
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Un tel projet contribuerait à certains enjeux majeurs du positionnement et de l’accompagnement de l’Etat vis-à-vis du réseau : favoriser de nouveaux modes d’accompagnement des acteurs de l’Information Jeunesse de la part des services déconcentrés de l’Etat (conseil et ingénierie de projet, partage de veille, animation de réseaux professionnels, etc.) : l’Etat devient alors autant animateur et facilitateur que financeur direct, en faisant évoluer les compétences des personnels des services déconcentrés en ce sens ; renforcer la proximité avec les territoires (zones rurales, grandes intercommunalités) grâce à des services numériques accessibles dès qu’un accès Internet est disponible.
P11 : Mettre en place une plateforme d’échange nationale et des plateformes d’échange régionales (Site Web collaboratif). Cette plateforme pourrait être un espace numérique d’échange et de discussion (sous la forme de réseau social et/ou de chat) autour de différentes thématiques et de différentes communautés professionnelles. Considérant l’importance pour le réseau Information Jeunesse non seulement de partager des informations sur son activité en France, mais également de produire des données originales sur les besoins des jeunes, des territoires et in fine des professionnels de l’IJ, et que la démarche Open Data est déjà amorcée en Poitou-Charentes et en Rhône-Alpes, nous proposons que la démarche soit expérimentée par l’ensemble des CRIJ. A terme, elle pourrait renforcer l’actualisation des pratiques professionnelles de l’IJ, ainsi que des partenariats avec des acteurs de l’orientation, mais également de la santé et des autres problématiques sur lesquelles travaille l’IJ. Les services de l’Etat pourraient être étroitement associés au suivi, à l’accompagnement, et à la valorisation d’une telle plateforme, autour d’un binôme de community managers régionaux, composé d’un personnel du CRIJ et d’un professionnel de DRJSCS.
3.3.4. Proposer de nouvelles formations, avec des modalités adaptées
Si la plupart des structures BIJ et PIJ sont très diverses, les principaux partenaires attendent de l’IJ qu’il soit au moins capable de fournir une information de qualité auprès des jeunes. Les temps de formation prévus par le CRIJ sont souvent reconnus comme étant une forme de garantie du service proposé, notamment parce que les CRIJ font remonter les besoins en formation des BIJ et des PIJ. A cet égard, les demandes des professionnels des BIJ et des PIJ portent principalement sur le fait proposer une formation qui soit plus personnalisée, plus axée sur le numérique, tout en garantissant une harmonisation des types de formation : « Le 1er accueil qu’on va être tous censés savoir faire ; je suis animateur au PIJ depuis octobre 2012, et ça fait donc 2 ans que je demande ardemment à la Région des temps de formation et d’interconnaissance ; devant la foultitude de dispositifs animés par Pôle Emploi, les Missions Locales, le Fongécif, il faudrait que je m’enterre pendant 15 jours dans un bunker pour maîtriser tout ça. Je réoriente très facilement, sans trop me tromper je pense, mais des fois je me sens mis en difficulté. Alors je fais des recherches avec les jeunes. Moi, même sur la 1ère information, je ne suis pas super serein – j’aimerais bien moi-même être plus sûr, savoir que je fais partie à part entière du réseau SPRO et que donc je connais tout ce que fait tout le monde, et inversement tout le monde sait ce que je fais. Ce qui n’est pas le cas. »157
158
Entretien avec un professionnel de PIJ, 2014. Entretien avec un professionnel de CIJ, 2014.
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« En termes de formation, il faudrait que nous arrivions à optimiser un espace d’accueil et l’usage de la documentation. C’est notre urgence et notre actualité. Le contenu de la formation initiale aborde vraiment cette question mais je ne veux pas tout faire. Et puis sur les usages numériques. Pour ce volet du numérique, qu’on soit d’accord : tout ce qui est dedans est intéressant car on est tous accueil ». Je pense qu’il faudrait plus une offre « à la carte », « individuelle ». On a vraiment besoin de formation sur les outils Internet. Comment peut-on trouver de l’info dessus ? Cela renforce notre fonction éducative ». 158
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Une première proposition est de répondre aux besoins en formation des professionnels sur l’utilisation des outils numériques pour s’informer de l’évolution des structures et des dispositifs sur les territoires, sur la manière d’articuler un accueil physique et un accueil numérique, ou encore très concrètement sur la manière d’accompagner les jeunes à la recherche d’information numérique, voire de les rendre plus autonomes dans ce domaine. A cet égard, nombreux sont ceux qui soulignent l’importance de développer une formation plus individualisée.
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Encadré 22 : Les besoins en formation de l’IJ, recensés par les CRIJ
Certains des CRIJ des huit régions ayant participé à l’expérimentation IJ-SPRO, financée par le Fonds d’expérimentation pour la Jeunesse, ont recensé, avec des outils « classiques » d’enquête, les besoins en formation des professionnels de l’Information Jeunesse. En Bretagne, le travail d’enquête159 réalisé par la chargée de mission du CRIJ Bretagne a fait émerger des éléments de connaissance sur plusieurs plans : les attentes du public vis-à-vis de l’Information jeunesse ; les évolutions récentes du « métier »160 de l’Information jeunesse ; l’écart entre l’état de la situation et l’état souhaité – et les moyens à mettre en œuvre pour le combler. Le constat posé est double :
- l’objectivation d’un métier en évolution, avec une bonne maîtrise de l’information de la part des professionnels, et un accompagnement plus personnalisé plus partagé ; et la nécessité de renforcer encore la médiation de l’information (le regard à 180 degrés, le partenariat, une bonne connaissance de l’environnement de la structure Information Jeunesse, l’aide à l’appropriation de l’information) ; - l’identification d’un manque de ressources et de compétences au sein du réseau IJ pour répondre de façon complète et efficiente aux usagers en matière d’accompagnement et d’orientation tout au long de la vie L’enquête a également mis en lumière les modalités de formation à privilégier, et notamment les temps collectifs en présence d’un professionnel formateur.
En Pays de la Loire, le CRIJ a pu d’abord s’appuyer pour avancer sur ces deux actions sur les résultats d’un questionnaire envoyé aux personnels du réseau Information Jeunesse, afin de mieux connaître leurs profils et compétences, leur participation, leurs attentes et besoins sur le territoire en matière de formation initiale, de formation continue et de formation transversale, et de pouvoir recueillir leurs éventuelles suggestions en la matière161. Parmi les préconisations, étaient notamment soulignés plusieurs points visant à donner une nouvelle impulsion aux temps de formation des professionnels IJ :
- moduler la Formation Initiale de Base (FIB) de manière plus condensée ; - proposer des modules prioritaires (le numérique, l’orientation) sous forme de formations continues ouvertes aux professionnels IJ ; - renforcer les modalités innovantes de formation (utilisation des TIC, intégration d’une plateforme collaborative ; - organiser des journées incluant les jeunes comme témoins et acteurs de leurs parcours de vie. Source : Agence Phare, Evaluation de l’expérimentation FEJ/IJ-SPRO, 2015
Une deuxième proposition est que la formation des structures IJ ne soit pas seulement un temps de formation, notamment très formel (sous la forme de la présentation d’une fiche technique ou de temps de sensibilisation sur une thématique), mais qu’elle vise véritablement à vérifier comment et si les temps de formation se traduisent par une montée en compétence des Informateurs. Ainsi, un deuxième temps de formation ou un temps d’échange par la visioconférence pourrait être organisé
Cette enquête a été menée auprès d’un échantillon de 53 professionnels du réseau Information Jeunesse breton. L’usage des guillemets vise à souligner la difficulté à identifier un métier de l’Information jeunesse – qui n’est pas reliée à un type de diplômes, malgré la production par la DJEPVA de référentiels de compétences. C’est l’objet d’une réflexion transversale aux différentes régions étudiées dans le cadre de cette évaluation, et cela rejoint des dispositifs tels que celui de la VAE collective en gestation au CRIJ Aquitaine (voir la partie correspondante). 161 Elle a été menée auprès de 50 professionnels, qui ont répondus au questionnaire, sur un nombre de structures estimées à 70. Elle a été préparée avec le soutien de la DRJSCS et de la DDCS44, et testée au préalable auprès de quatre professionnels IJ avant d’être envoyée à l’ensemble des professionnels du réseau IJ, CRIJ Pays de la Loire, « L’enquête de professionnalisation », Rapport de l’enquête, mai 2014. 159
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l’année suivante afin de vérifier l’état d’avancement et d’usage des compétences par les Informateurs.
Une troisième proposition est que la consultation des professionnels des structures locales BIJ et PIJ soit plus inclusive dans l’élaboration des programmes de formation. Il semble indispensable d’organiser des temps de réflexion collectif afin de croiser les demandes et besoins des professionnels IJ qui ne peuvent apparaître qu’à travers la réflexion collective des acteurs de terrain162, en partant des pratiques et des difficultés concrètes de terrain : comment organiser l’accueil, comment répondre aux jeunes, comment produire des outils vidéos, etc. Encadré 23 : Identifier les besoins en formation en partant des pratiques professionnelles
En Poitou-Charentes, l’expérimentation FEJ/IJ-SPRO avait pour idée de penser les besoins en formation sur la thématique de l’Open Data en partant des pratiques professionnelles existantes avec pour objectif de contourner les appréhensions que peuvent avoir certains professionnels dans la manière de penser leur organisation et ce qui est possible ou non de réaliser.
Trois conditions de l’efficacité des temps de formation ont pu être identifiés : la mobilisation régulière et motivée d’un petit groupe de professionnels de l’IJ ; un travail important sur l’état des lieux des pratiques professionnelles au cours duquel les professionnels ont été incités à identifier et valoriser par eux-mêmes leurs besoins et leurs pratiques pour mieux identifier les enjeux de l’Open Data163 ; l’action a plus de chance de succès lorsque les structures fonctionnent selon une logique ascendante de production de partage de l’information. Source : Agence Phare, Evaluation de l’expérimentation FEJ/IJ-SPRO, 2015
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Entretien avec un professionnel de CIJ, 2015. « La présentation pour la Dataviz a été pour moi un déclic, sur la manière de mettre en avant les statistiques de façon plus visuelle et ludique. Cela peut être vraiment intéressant pour la présentation des métiers », Entretien avec un professionnel IJ, 2014. 162
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A cet égard, il apparaît important de diversifier le recrutement des CRIJ pour qu’ils puissent assurer une animation numérique des innovations du réseau Information Jeunesse et consolider l’expertise numérique du CRIJ vis-à-vis des partenaires. Chaque CRIJ pourrait ainsi avoir un professionnel capable de réaliser la tâche d’un community manager, et si possible disposer de connaissances suffisamment importantes dans le secteur de l’Open Data pour répartir son temps de travail entre l’animation du site Web et la formation des professionnels à l’Open Data.
P12 : Renforcer la construction participative de plan de formation, notamment autour des outils numériques. Compte tenu des nouvelles pratiques d’information des jeunes et du besoin d’animation numérique des territoires, nous proposons que les professionnels de l’IJ soient beaucoup plus associés, lors de temps de rencontre, à l’élaboration de leurs plans de formation, par exemple dans le cadre d’une offre de service à plusieurs niveaux (accueil, renseignement, conseil, accompagnement) tel qu’elle est présentée dans la préconisation P1. Il pourrait être important de diversifier les profils des professionnels en permettant aux CRIJ de recruter un community manager avec des compétences en Open Data, et enfin de favoriser une plus grande prise en compte des besoins des Informateurs IJ, notamment sur la manière d’appréhender l’usage des nouveaux outils numériques pour articuler un accueil physique et numérique. Plus loin, il serait productif de questionner, voire de solliciter les élus locaux pour qu’ils donnent un avis consultatif sur leurs attentes vis-à-vis de la formation des acteurs de l’IJ sur les territoires.
3.3.5. Atouts et freins à la mise en œuvre des préconisations 9-12 Atouts
Freins
P9 : Rendre les méthodes d’animation du réseau IJ par le CRIJ plus participatives, décentralisées, et centrées sur la réalisation de « défis » et valoriser la conduite d’expérimentations
La demande des BIJ et des BIJ de renforcer les échanges de pratiques et les temps d’échange pour résoudre des problématiques ou difficultés locales.
L’idée que les CRIJ pourront maintenir leur légitimité en gardant une mainmise sur l’identité régionale du réseau, alors que les initiatives locales en sont la principale force.
P10 : Elaborer un kit de réalisation d’un diagnostic, d’un projet pédagogique, et d’outils de d’évaluation
L’existence de pratiques et d’outils d’auto-évaluation dans certaines régions, l’appui technique des DRJSCS et DDCS(PP).
La réticence possible des professionnels IJ devant une démarche d’évaluation et l’abandon de l’anonymat des jeunes.
P11 : Mettre en place d’une plateforme d’échange nationale et de plateformes d’échange régionales.
Plusieurs CRIJ ont pu mettre en place des systèmes d’information partagées qui fonctionnent.
La co-construction par les CRIJ, BIJ, PIJ pour faciliter leur appropriation ; le coût financier.
P 12 : Renforcer la construction participative de plan de formation, notamment autour des outils numériques.
Le système de formation structuré, souple, et animé par le CRIJ de l’IJ, et la possibilité de recourir à la VAE.
Les réticences des Informateurs Jeunesse à s’aventurer sur des compétences plus techniques ; les réticences des collectivités à laisser leurs professionnels
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Préconisations
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PRECONISATIONS 9-12 : Des outils pour mieux faire réseau
prendre du temps pour se former.
3.4. Vers une plus grande inclusion du réseau IJ dans les politiques de Jeunesse
La première partie de l’étude a permis de montrer que le réseau IJ peut contribuer activement aux politiques de Jeunesse, en favorisant la diffusion et le décloisonnement auprès des jeunes d’une information sur les dispositifs mis en place par les différents acteurs publics sur les territoires (communes, EPCI, Conseils Départementaux et Régionaux). Il peut également s’agir de stimuler l’engagement citoyen ou l’accès aux droits des jeunes, ou de faire remonter aux pouvoirs publics la réalité des conditions de vie et des attentes de la jeunesse. Pour autant, nous avons identifié plusieurs freins à cette participation, au premier rang desquels la difficulté pour les CRIJ à mobiliser leur réseau de BIJ-PIJ et à rendre visible et lisible une offre de service à la fois locale et régionale. Pour cette raison, nous proposons de reconsidérer le rôle fonctionnel et spatial des CRIJ afin qu’il soit plus en capacité de mobiliser sur des actions, formations, ou des partenariats des BIJ et des PIJ sur les territoires ; mais également de repenser les moyens de projection et de communication des BIJ et PIJ sur les territoires, autour de l’information mais également de la connaissance des jeunes.
3.4.1. Renforcer le CRIJ dans son ancrage territorial et son rôle d’animateur régional
Le CRIJ joue un rôle important de soutien technique et politique pour les BIJ et les PIJ à l’échelle locale. Il est un acteur particulièrement important pour les partenaires têtes de réseau du réseau IJ, car il est vu comme un acteur moteur apportant de la reconnaissance, et garantissant des sources de financement. En d’autres termes, plus le CRIJ est reconnu dans son action, plus les BIJ-PIJ peuvent capitaliser sur cette légitimité. En effet, si le maillage et l’action des structures locales IJ peuvent favoriser une plus grande reconnaissance du CRIJ comme un acteur régional, le CRIJ est aussi perçu à juste titre un acteur légitimant pour les BIJ et les PIJ sur les territoires. Comme le souligne un enquêté :
« Je crois que la légitimité [de l’Information Jeunesse], elle va venir du CRIJ – s’il a la légitimité et la crédibilité acquise auprès de la Région, les PIJ l’auront de fait. Ça se répercutera sur les territoires. La légitimité on l’aura parce qu’elle aura été décidée par une autorité qui n’est autre que la Région. On l’aura là, parce que le CRIJ aura monté un dossier avec une idée innovante, etc. Maintenant il faut qu’on ait la légitimité sur les territoires »164. « Le défaut du CRIJ est d’avoir une proximité avec le réseau du Département X qui fait qu’il travaille quand même plus pour la capitale régionale et ses alentours que pour le fin fond d’un autre département. C’est à l’égard des autres départements qu’il a un travail plus important à faire »165.
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Entretien avec une professionnelle de PIJ, 2014. Entretien avec un professionnel de DDCS, 2014.
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Pourtant, la diminution des moyens accentue la difficulté pour le CRIJ de jouer un rôle d’animation et de légitimation efficace. La place du CRIJ est clairement, en principe, une action de soutien aux structures BIJ et PIJ et d’animation de réseau, en partenariat avec les services déconcentrés de l’Etat. Ce soutien peut être technique, politique ou encore stratégique dans la façon d’échanger avec les
collectivités territoriales. Pour autant, dans certaines régions, les réunions d’animation se raréfient ou disparaissent, et les temps de formation se réduisent drastiquement.
De fait, il apparaît clairement que la localisation des CRIJ dans les capitales régionales à l’échelle locale tend à centraliser l’animation du réseau IJ autour des grandes villes au détriment des autres territoires de la région : les entretiens que nous avons menés démontrent que les BIJ ou PIJ considèrent souvent que les actions, les projets, et les formations sont trop éloignés de leur commune/intercommunalité et trop centrés sur la vision du territoire proposée par le CRIJ, ou dans son département d’implantation.
Enfin, le pouvoir d’action et d’animation du CRIJ est affaibli par son rôle dans la labellisation des structures BIJ et PIJ. Parce que les DDCS(PP) sont les principales interlocutrices des collectivités territoriales ou des associations au moment du processus de labellisation et de conventionnement des BIJ et des PIJ, le CRIJ – et la dimension régionale du réseau IJ – demeurent véritablement peu connu des structures porteuses des BIJ et des PIJ, qui peuvent de fait avoir de fortes réticences à laisser leurs professionnels IJ assister ou participer à des temps d’échange régionaux. Encadré 24 : Le projet associatif du CRIJ Pays de la Loire
Afin de remédier à la faible mobilisation des BIJ et des PIJ, renforcer les partenariats du réseau IJ avec d’autres types de structures (mouvements de jeunesse et d’éducation populaire, le CRIJ Pays de la Loire s’est attelé entre 2012 et 2015 à produire un nouveau projet associatif. Si des éléments « associatifs » pouvaient traverser les logiques d’action du réseau IJ, ce projet a plusieurs objectifs : ouvrir la gouvernance du CRIJ aux structures BIJ et PIJ, proposer aux financeurs de sortir du Conseil d’administration pour intégrer un conseil des financeurs, ouvrir la labellisation IJ à des structures des mouvements de jeunesse et d’éducation populaire, et renforcer l’animation territoriale du CRIJ par la mise en place de conseils stratégiques départementaux.
Ces conseils stratégiques ont notamment pour vocation à mettre en débat et associer les structures BIJ et PIJ aux grandes décisions et orientations du développement du réseau IJ sur les territoires166. S’il est trop tôt pour évaluer les effets de cette transformation, il semble qu’elle aille dans le sens d’une plus grande territorialisation du CRIJ et d’une plus grande décentralisation de sa gouvernance. Il reste également à mieux préciser la manière dont le conseil des financeurs peut rester en lien avec les initiatives IJ locales et régionales. Ainsi, les partenaires financeurs du CRIJ pointent à la fois leur capacité à se tenir au courant en continu de ces orientations, et la difficulté pour eux de donner pour le moment un caractère fonctionnel, stratégique et opérationnel au conseil des financeurs167. Source : CRIJ Pays de la Loire, Projet associatif 2012-2015
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CRIJ Pays de la Loire, Projet associatif 2012-2015. Entretiens avec des partenaires du CRIJ, juin 2015.
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Le pouvoir d’action du CRIJ sur les territoires n’est alors pas toujours clair pour les financeurs, notamment lorsque certains financeurs privilégient son ancrage local tandis que d’autres préfèrent valoriser son animation régionale. Ainsi, la commune, le Conseil Départemental et le Conseil Régional financent dans les faits une seule et même structure avec des ambitions différentes. La municipalité peut avoir une vision plus tournée vers le rôle d’accueil de premier niveau du CRIJ, tandis que le Conseil Régional sera davantage intéressé par la dimension d’animation du CRIJ comme structure de soutien, de formation et de mobilisation des BIJ et PIJ sur les territoires.
P13 : Mettre en débat la décentralisation de l’action d’animation du CRIJ et renforcer son rôle dans le processus et le contrôle de la labellisation du réseau IJ. Nous proposons de distinguer son action locale de son action régionale, de sorte que les CRIJ puissent devenir, à l’échelle locale, des BIJ centrés sur un territoire, et à l’échelle régionale, un acteur plus territorialisé168 : 1) le CRIJ pourrait disposer des fonctions support (direction, administration, ressources humaines, etc.) dans la principale ville de la région ;
2) le CRIJ aurait des « correspondants CRIJ » détachés dans les principaux BIJ départementaux échangeant et se réunissant très régulièrement – ceux-ci pouvant alors endosser la fonction d’ADIJ, dotés d’argumentaires solides et attrayants sur le rôle et la plus-value de l’IJ.
3) Les fonctions d’animation et les moyens du CRIJ devront être mis en débat, pour renforcer le soutien des structures locales IJ les échanges de pratiques et de projets et de formation, et la place du CRIJ comme un interlocuteur mieux identifié par des partenaires locaux. L’ancrage des animateurs du CRIJ sur les territoires pourrait renforcer l’identification et la valorisation de pratiques et d’initiatives locales, l’offre de service régionale, départementale et la légitimité du CRIJ auprès des collectivités locales les plus éloignées de la capitale régionale.
3.4.2. Soutenir l’offre « hors les murs » auprès des partenaires opérationnels
Alors que de nombreuses structures IJ font face à une situation de stagnation ou de baisse de la fréquentation, le devenir de l’Information Jeunesse passe par le développement d’une offre d’information « hors les murs ». La plupart des entretiens avec les structures IJ lors de l’enquête soulignent que certains BIJ et PIJ sont de plus en plus ou déjà très actifs sur ce volet, mais ce mode d’intervention pourrait être encore plus généralisé, notamment pour aller vers des événements organisés par les autres structures. Les partenaires de l’IJ soulignent ainsi qu’ils attendent beaucoup de la capacité de l’IJ à susciter ou créer des partenariats locaux169 : « Moi je pense que l’enjeu est là : c’est la mise en relation de partenariat pour optimiser le service rendu aux jeunes. Après il y a l’étape suivante : d’informer les jeunes, et surtout de capter les invisibles. Si le BIJ est une première porte, un certain nombre de jeunes n’en ouvrent aucune. […] Et on fait l’hypothèse que l’Information Jeunesse est mieux armée que les autres pour capter les invisibles, et c’est une problématique de jeunesse qui est centrale pour nous ».170
Il existe une complémentarité très claire du réseau Information Jeunesse avec l’Education Nationale, les jeunes partageant leur temps entre leur vie dans l’établissement scolaire et en dehors de celui-ci. Dès lors, alors que les professeurs se trouvent en première ligne pour informer – ou du moins échanger avec – les jeunes sur des sujets sensibles (orientation, santé), les structures IJ pourraient, en ayant systématiquement accès au plus grand nombre d’établissements et de classes en début La sociologie des réseaux a montré que la coordination d’un ensemble de structures par une tête de réseau est une alternative productive à la bureaucratie – elle recueille l’information avec plus d’efficacité que par des contrôles bureaucratiques. En ce sens, augmenter la mobilité des têtes de réseau, pour lui permettre de libérer facilement du temps et de l’énergie relationnelle, paraît aller dans le bon sens. 169 Ce point de vue est autant partagé par des acteurs des Conseils Régionaux que des Conseils Départementaux. Il est moins mis en avant par les élus des communes et des intercommunalités. 170 Entretien avec une DRJSCS, 2014. Agence Phare – Étude sur le cadre d’intervention de l’Information Jeunesse – Juillet 2015
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d’année scolaire, se faire connaître et identifier par l’ensemble des élèves, notamment des élèves en difficulté.
Il existe également une complémentarité claire du réseau Information Jeunesse avec les Missions locales. Alors que celles-ci proposent un service d’accompagnement à l’insertion sociale, le réseau Information Jeunesse peut se proposer en structure de soutien pour accompagner les jeunes à réaliser leurs recherches d’information par eux-mêmes, pour mieux comprendre quels leviers facilitent leur insertion (logement, transports, santé), et pour informer les jeunes sur des thématiques ne relevant pas du champ de compétences des Missions, pour des questions de parcours ou d’âge.
Il existe enfin une complémentarité claire entre le réseau Information Jeunesse et les associations de jeunesse et d’éducation populaire, les maisons de quartiers ou les MJC, qui proposent aux jeunes des services d’accès à la culture, aux loisirs et à l’engagement. Pour autant, ces structures peuvent avoir une certaine difficulté à faire connaître et/ou valoriser auprès des jeunes une offre commune associative. Le développement de partenariats plus poussés avec les associations de quartier devrait pouvoir favoriser, avec l’intermédiation des structures associatives sur le terrain, la prise de contact avec les jeunes « invisibles ». Encadré 25 : La cité des Métiers éphémère, une perspective prometteuse
En Limousin, le réseau IJ a mis en place un partenariat constructif avec la Cité des métiers de Limoges171. La Cité des métiers est une structure qui vise à proposer aux jeunes et aux adultes une information, un accompagnement, du conseil et des outils sur l’orientation, la formation et les métiers dans une démarche « informelle, accessible ». Elle permet notamment, par des conventions, à des conseillers des CIO ou de Pôle Emploi de tenir des permanences sans rendezvous au cœur de la Cité des Métiers. Elle dispose également en Limousin d’un réseau de cinq « centres associés » sur les territoires. Le concept de « Cité des Métiers éphémère » consiste à soutenir les acteurs locaux, les BIJ ou PIJ, qui souhaiteraient faire intervenir des conseillers CIO et Pôle Emploi auprès de jeunes d’un territoire. Lors de l’expérimentation IJ-SPRO, le PIJ d’Ussel a ainsi sollicité la Cité des métiers de Limoges pour organiser deux jours d’échange et de conseils avec des jeunes collégiens et lycéens venant de plusieurs établissements scolaires172. Source : Agence Phare, Evaluation de l’expérimentation FEJ/IJ-SPRO, 2015
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Voir sur le concept de Cité des métiers : http://www.reseaucitesdesmetiers.com/ Voir Agence Phare, Evaluation de l’expérimentation FEJ/ IJ-SPRO, 2015.
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Des initiatives autour de thématiques émergentes peuvent concrétiser des rapprochements entre institutions, et la formalisation de relations via des conventions est un exemple de stratégie permettant de poser des points de coopération fructueux entre institutions.
Encadré 26 : D-Code, un point d’accès aux droits associant le CRIJ et la Ville de Rennes
Le D-Code est un espace d’information à destination des jeunes souhaitant se renseigner sur leurs droits. Installé au sein du CRIJ Bretagne, il a été conçu en partenariat avec la Ville de Rennes et le Conseil Départemental de l’Accès aux Droits d’Ille-et-Vilaine pour permettre aux jeunes de connaître, de comprendre et d’exercer leurs droits, dans tous les domaines de la vie quotidienne. Il a pour missions : - d’accueillir, d’informer et d’orienter les jeunes sur leurs droits ; - de favoriser le travail de sensibilisation au droit dans les structures jeunesse ; - de concevoir des outils permettant de renseigner les jeunes sur leurs droits.
Pour la Ville, qui cofinance le projet, il s’agit « d’un outil complémentaire en faveur de l’éventail déjà mis en œuvre en faveur de l’accès aux droits » - la logique de « hors les murs » est ici inversée, c’est la structure IJ qui accueille une permanence dédiée. Source : Dossier de presse du D-Code, Ville de Rennes et CRIJ Bretagne, 2014
Il paraît donc essentiel que les modalités de labellisation ou de coopération des structures IJ se basent sur un diagnostic préalable autour d’un certain nombre de questions : pourquoi une intervention dans une autre structure a-t-elle une plus-value ? Comment cette intervention peut-être être réalisée en complémentarité des profils et des objectifs des personnels de cette structure ? C’est ainsi que sera renforcé la connaissance et l’interconnaissance préalable à toute coopération poussée, voire à la signature de conventions locales. P14 : Généraliser et faciliter les actions « hors les murs » auprès des partenaires opérationnels par des conventions. Si certaines structures IJ sont très engagées sur des actions « hors les murs », nous proposons que les structures IJ puissent renforcer et généraliser ces actions auprès des établissements scolaires et de la communauté éducative (collèges, lycées, universités, associations de parents d’élèves), en complémentarité des structures, des services et des efforts déjà existants. Les BIJ et PIJ pourraient privilégier des temps de présentation ou d’interventions en début d’année scolaire, ou bien en janvier au moment de la recherche de stages, en collaboration avec les personnels des Centres de Documentation et d’Information des établissements – afin de ne pas se trouvés limités par le turn-over des personnels enseignants. A une échelle plus macro, les CRIJ, soutenus par les DRJSCS, voire les Conseils Régionaux173, pourraient également approfondir les liens avec les Rectorats afin de faciliter, par l’établissement de conventions par exemple, les collaborations infra-régionales entre structures IJ et établissements scolaires.
3.4.3. Renforcer la connaissance des besoins des jeunes et des territoires : une perspective Open Data
173
« Nous pourrions tout à fait soutenir ce genre d’initiative », Entretien avec une élue d’un Conseil Régional, 2015.
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Si le réseau Information Jeunesse est bien identifié comme un acteur de l’information, il demeure encore peu reconnu sur sa connaissance des publics sur les territoires, une fonction sur laquelle il peut réaliser de véritables progrès. A bien des égards, la mise en place d’outils de recensement statistique et d’évaluation de l’action de l’Information Jeunesse ne pourra prendre forme que si la démarche collective d’agrégation des données est collaborative. Ces processus, en articulation avec
les préconisations 10 et 11 du présent rapport, peuvent préfigurer une plus grande visibilité des actions et des résultats de ces actions par rapport aux autres structures IJ ;
« Je trouve que le réseau Information Jeunesse travaille bien en réseau, ils ont cette culture du partage. C’est un atout, et c’est un atout pour tous les projets. De plus, ils peuvent acquérir eux-mêmes des informations par eux-mêmes, en temps réel, de manière qualitative. Et s’ils arrivent à structurer cela de l’information sur les publics, pour eux et pour les partenaires, c’est quelque chose qui peut leur donner une réelle plus-value. Pour l’instant ils n’ont pas cette vision, mais si on agrège tout cela ils peuvent avoir cette vision du territoire »174. « Au CRIJ, pour nous, il fallait progresser sur une fonction généraliste, dans une fonction de communication, de service, et d’échanges avec les partenaires. C’est pour cela qu’on est parti dans l’expérimentation IJ-SPRO sur cette idée de produire nos propres données et de les partager avec les autres, dans une approche Open Data de l’information. Cela, c’est une autre manière de voir la fonction que l’on occupe : un type de réponse, mais aussi un type de fonctionnement et de travail, avec soi et les autres ».175
Un premier intérêt de s’engager dans une démarche Open Data est alors de renforcer la capacité des structures IJ à produire de nouvelles sources d’information et éventuellement de nouvelles ressources auprès des jeunes. L’expérimentation FEJ/IJ-SPRO en Poitou-Charentes a montré que la création d’un formulaire d’accueil commun aux structures IJ permettait aux professionnels, après plusieurs ateliers de formation sur les enjeux de l’Open Data, de collecter des données communes, en ligne, sur l’accueil des jeunes, les partenariats, permettant de mieux connaître les besoins des jeunes et des territoires.
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Entretien avec la Fédération Internet Nouvelle Génération (FING), partenaire de l’Infolab Poitou-Charentes, 2014. Entretien avec un professionnel du CRIJ Poitou-Charentes, 2014. 176 Entretien avec des partenaires de l’IJ, 2014. 174
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Un deuxième intérêt de l’Open Data est de renforcer la capacité d’animation du réseau Information Jeunesse à l’échelle départementale et régionale. L’expérimentation FEJ/IJ-SPRO en PoitouCharentes a démontré que le projet Open Data avait renforcé la connaissance et l’interconnaissance de professionnels de terrain de l’IJ. Il est cependant possible que les professionnels de l’Information Jeunesse soient réticents au premier abord de produire des données au détriment de l’anonymat des jeunes, même si le véritable enjeu demeure le maintien de la confidentialité des données. Un troisième intérêt de l’Open Data est le fait de stimuler un travail et une vision « partagée » de la production de données avec des partenaires dans le domaine de l’orientation, de la santé, ou de tout autre problématique portée par l’IJ. L’expérimentation FEJ/IJ-SPRO a montré que si le réseau Information Jeunesse pouvait devenir producteur de données, tous les partenaires n’étaient pas forcément ouvert à fournir ou échanger leurs propres données à l’IJ, car la vente de ces données constituent parfois une source de financement de leur activité, à moins qu’elles recouvrent des problématiques communes176.
Encadré 27 : Le projet de l’Infolab: une expérimentation porteuse de lien et de sens
L’Open Data se caractérise comme un processus d’ouverture, de partage et de production de données par différents types d’acteurs, qu’ils soient publics ou privés. La donnée est peut-être considérée comme un nouvel objet de travail (un contenu porteur d’information), une nouvelle façon de travailler sur la production et le partage d’information, et enfin la possibilité de définir de nouveaux outils de connaissance et d’information des publics sur les territoires. Le projet Infolab constitue une application pratique de la philosophe de l’Open Data : il a été porté par la FING (Fondation Internet Nouvelle Génération) et le CRIJ Poitou-Charentes au cours de l’expérimentation IJ-SPRO.
Le projet d’un Infolab vise à créer un espace d’échange et de production de données. Il s’agit « d’un espace de travail qui : collecte de la donnée, permet d’accéder à de la donnée, produit des informations, forme et informe son public à partir des données » et« d’une communauté de pratique qui : produit des données ouvertes pour ses pairs, facilite l’exploitation des données de chacun, produit des outils collectifs de recueil et de traitement de la donnée, crée de la connaissance collective177. Le fonctionnement de l’Infolab demeure très exploratoire. La méthode retenue lors de l’expérimentation FEJ/IJ-SPRO était de partir des pratiques des professionnels de l’IJ et de produire un formulaire d’accueil commun pour qu’ils puissent recueillir des données178. Source : Agence Phare, Evaluation de l’expérimentation FEJ/IJ-SPRO, 2015.
Le développement de l’Open Data sur les territoires demeure à ce jour très exploratoire. Potentiellement, cette démarche présente un avantage majeur pour le réseau IJ : si le CRIJ PoitouCharentes a surtout expérimenté le concept Infolab dans le champ de l’orientation, il est envisageable que cette démarche puisse être étendue à l’ensemble des secteurs d’information du réseau IJ, par exemple sur la santé.
178
FING et Plausible Possible, Infolab Orientation : présentation générale, Document de présentation, 2013. Agence Phare, Evaluation de l’expérimentation FEJ/IJ-SPRO., 2015.
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P15 : Renforcer la connaissance par l’IJ des besoins des publics sur les territoires, via un projet de type Infolab propre à l’IJ mais ouvert aux partenaires. Le projet de partage et d’ouverture des données sur les jeunes pourrait être porté par les CRIJ dans les secteurs d’intervention et d’information du réseau Information Jeunesse. Si le CRIJ de Poitou-Charentes est parvenu à faire la démonstration que le CRIJ et les professionnels de l’IJ étaient capables de monter en compétence sur la thématique de l’Open Data, et pouvaient produire des données et solliciter des partenaires pour obtenir des données dans le champ de l’orientation des jeunes, l’évaluation de l’expérimentation IJ-SPRO a montré que la présence et l’intervention d’un spécialiste du numérique, ou de l’Open Data (data scientist) était fortement recommandée. Il serait alors préférable que les CRIJ recrutant un community manager pour l’animation de ses outils numériques dispose également de compétences dans le domaine de l’Open Data. L’expérimentation a pu également montrer que les réticences des partenaires à partager leurs données pouvaient être fortes et que l’IJ devait d’abord faire la démonstration de sa capacité à formuler des demandes précises, sur des thématiques propres à l’IJ, pour envisager ensuite une collaboration plus étroite avec ces partenaires.
3.4.4. Formaliser et valoriser un argumentaire auprès des partenaires politiques
La place du réseau Information Jeunesse et sa contribution aux politiques de Jeunesse dépend in fine dans une large mesure de la capacité de l’IJ à renforcer l’interconnaissance avec d’autres structures locales, des partenariats, et si possible de s’insérer dans les logiques d’innovations sur les territoires179. Pour autant, les entretiens que nous avons menés montrent que l’évocation de la nécessité du partenariat est trop souvent incantatoire, sans suffisamment mettre en avant les difficultés concrètes des professionnels des structures IJ à concrétiser ces partenariats : le manque d’interaction avec les autres professionnels de terrain et la communication leur égard :
« Il n’y a quasiment jamais eu de rencontres entre les professionnels des différents réseaux locaux. Peut-être une fois avec le réseau des bibliothèques, car il y avait beaucoup de passerelles, et ils sont venus à 10 ou plus. Mais sinon c’est plus le représentant d’un réseau, d’une tête de réseau, que l’on invite comme cela à venir. Par exemple l’Education Nationale, on a passé une demi-journée avec quelqu’un du Rectorat, comment ils observent les collégiens et quelle coopération on pouvait mettre en place. On a fait pareil avec les Missions Locales, la Maison des Adolescents. Le SPRO commence à prendre forme et donc on se demande aussi comment on va l’animer au niveau départemental ».180
Une première proposition est que le CRIJ aide les structures IJ à mieux expliquer et à argumenter autour des missions et des atouts de l’Information Jeunesse. La difficulté, lorsque les CRIJ cherchent à réaliser des argumentaires, est que la diversité des expériences locales peut contribuer à rendre les argumentaires trop abstraits et désincarnés, ou bien peu adéquats vis-à-vis de la spécificité de la situation de l’IJ sur les territoires. L’expérimentation FEJ/IJ-SPRO a permis de formaliser des outils intéressants dans une optique de rendre la communication du réseau IJ plus efficace envers les partenaires. Encadré 28 : Un guide rhônalpin d’explicitation du métier d’Informateur Jeunesse
Le réseau IJ rhônalpin a expérimenté en 2014 un guide méthodologique produit des échanges et de l’ingénierie du CRIJ, pouvant servir à l’ensemble du réseau. Suite à la tenue d’une journée départementale du réseau IJ, il a semblé peu envisageable pour certains participants de pouvoir directement interpeller leurs élus. Les promoteurs et concepteurs du guide ont néanmoins considéré qu’il pouvait être utilisé par tous auprès d’autres acteurs dans cette optique de valorisation : - pour présenter les actions du BIJ-PIJ auprès de son/sa Responsable de service ; - pour présenter la structure et ses actions aux élus ; - pour présenter la structure et ses actions aux partenaires ; - pour ne pas être désarmé lors d’une « visite surprise » d’un élu :
Oural, A., « L’innovation au pouvoir. Pour une action publique réinventée au service des territoires », Rapport établi avec l’appui du SG-MAP, 2015 180 Entretien avec une DDCS, 2014. 179
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Ce guide méthodologique de 8 pages se présente sous la forme d’un questionnaire à questions fermées et ouvertes permettant à l’informateur Jeunesse de faire lui-même le point sur ses forces et ses faiblesses, de recenser l’ensemble des ressources documentaires permettant de réaliser un diagnostic territorial incluant les partenariats opérationnels, et s’accompagne de quelques conseils pratiques.
Il a été fort bien accueilli par les professionnels du réseau qui l’ont testé positivement. Une animatrice d’un PIJ a ainsi utilisé le guide pour préparer la présentation de sa structure à la Commission Jeunesse de la Communauté de Communes en mettant en lumière les compétences de l’IJ en matière d’orientation. Elle considère avoir communiqué des éléments convaincants pour les élus, notamment en mentionnant les liens avec le monde professionnel et les milieux économiques (qui peuvent être développés par le PIJ, plus aisément que par les CIO). Source : Agence Phare, Evaluation de l’expérimentation FEJ/IJ-SPRO, 2015
Une deuxième proposition est d’aider les acteurs de terrain de l’IJ à argumenter de manière vivante, à partir d’un support argumentaire écrit (ou vidéo). Il ne suffit pas de proposer un argumentaire « clés en main » aux Informateurs sur les terrains pour qu’ils soient capables de convaincre leurs interlocuteurs de monter des partenariats de façon autonomes : nous pensons qu’il est également essentiel de permettre aux acteurs de terrains de monter en compétence sur l’acquisition de techniques d’argumentation, sur la manière de prendre la parole, de structurer des idées, de répondre à des questions, et d’adopter des postures physiques adéquats (gestuelle, ouverture, etc.)181. Une troisième proposition est de faciliter l’apprentissage de l’argumentaire autour de la mise en place de jeux de rôles animés par le CRIJ ou bien des intervenants extérieurs. Le jeu de rôle permet d’apporter un aspect ludique à la préparation et à la mise en œuvre d’une argumentation : il permet aux Informateurs Jeunesse de désacraliser la situation, aux acteurs de terrain d’incarner différents rôles, de mieux appréhender les intérêts de leurs futures interlocuteurs, de mettre en pratique les techniques d’expression, et éventuellement de prendre confiance pour de futurs échanges avec des partenaires, surtout pour des BIJ ou des PIJ adossés à des collectivités territoriales, et plus généralement des structures à la recherche de nouvelles sources de financement. « Le PIJ est associatif, mais on dépend d’une collectivité [intercommunale]. C’est le bon vouloir politique qui nous fait vivre. On a des financements communautaires : les 23 communes contribuent au pot commun. On faisait partie des premiers PIJ intercommunaux. La structure associative nous permet, grâce à sa souplesse et à son hyper-réactivité, d’aller chercher des fonds ailleurs, auprès de partenaires privés, mais aussi publics : on a un partenariat avec le Conseil général sur la formation européenne, en compensation d’actions menés sur tout le département. »182
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Cet aspect est très clairement apparu au cours de plusieurs entretiens avec des professionnels de l’IJ, 2014 et 2015. Entretien avec des professionnels d’un PIJ, 2014.
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In fine, la vitalité et la capacité de mobilisation du réseau Information Jeunesse ne dépend pas que du CRIJ : elle dépend aussi de la capacité d’action, de réaction et de financement des structures IJ. Elles ne sont pas toutes dans une situation équivalente. Il apparaît de notre travail d’enquête que les BIJ et PIJ qui sont adossés à des structures associatives peuvent avoir plus de facilitée pour répondre aux sollicitations des CRIJ, voire plus de faculté à proposer, que des BIJ ou PIJ adossés à des collectivités territoriales et intégrés à des services jeunesses
P16 : Proposer un accompagnement à la construction d’un argumentaire et une formation aux techniques d’argumentation pour favoriser la montée en compétences des Informateurs Jeunesse dans la prise de parole vis-à-vis des partenaires (opérationnels et politiques). Alors que l’affirmation de la nécessité de mettre en place plus d’interconnaissance et des partenariats sur les territoires est quelque peu incantatoire de la part des CRIJ, de l’Etat, et des structures IJ, nous proposons que soient formalisés des argumentaires mais également que les CRIJ réfléchissent à la manière de renforcer la capacité des professionnels à porter à l’oral ces argumentaires, voire à les adapter lors des échanges à la réalité de leurs territoires. En ce sens, il nous paraît intéressant de préconiser que les CRIJ mettent en place des jeux de rôles entre les professionnels de l’IJ pour qu’ils apprennent à échanger autour de leur place sur les territoires – notamment en se mettant à la place des attentes et besoins de leurs futurs partenaires.
3.4.5. Atouts et freins à la mise en œuvre des préconisations 13-16 Atouts
Freins
P13 : Décentraliser l’action d’animation du CRIJ et renforcer son rôle dans le processus et le contrôle de la labellisation du réseau IJ.
Le CRIJ tire sa légitimité de sa capacité d’animation et de la mobilisation régionale des BIJ et PIJ.
La garantie du soutien de l’Etat dans cette décentralisation ; les moyens affectés à l’animation.
P14 : Généraliser et faciliter les actions « hors les murs » auprès des partenaires opérationnels par des conventions.
L’existence de partenariats à l’échelle locale, la possibilité de cibler des interlocuteurs stables (exemple CDI).
Les réticences classiques de l’Education Nationale, des Missions locales, ou des associations.
P15 : Renforcer la connaissance par l’IJ des besoins des publics sur les territoires, via un projet de type Infolab.
L’expérimentation FEJ/IJ-SPRO en Poitou-Charentes a permis d’identifier les rôles et freins de ce type de projet.
La nécessaire présence d’un spécialiste de l’Open Data ; les réticences des partenaires ; le coût financier.
P16 : Proposer un accompagnement à la construction d’un argumentaire et une formation aux techniques d’argumentation pour favoriser l’interconnaissance des structures.
Les CRIJ, BIJ, PIJ argumentent et utilisent déjà des argumentaires plus ou moins formalisés. La DJPEVA travaille en 2015 sur un nouvel argumentaire.
La méconnaissance des besoins des élus ; la difficulté des BIJ et PIJ à argumenter par eux-mêmes.
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Préconisations
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PRECONISATIONS 13-16 : L’inclusion des structures IJ dans les politiques de Jeunesse
4. Conclusion
Le constat est partagé par l’ensemble des acteurs que nous avons pu rencontrer : le réseau Information Jeunesse peut jouer un rôle fondamental dans l’accueil, l’information et l’accompagnement des jeunes sur un large éventail de thématiques de la vie quotidienne. Il existe pourtant une demande forte, de la part des jeunes et des partenaires, pour mieux identifier la contribution du réseau IJ à l’offre de services en direction de la jeunesse. -
-
une partie des jeunes demeure encore confrontée à de grandes difficultés pour s’informer, et la majorité utilise de plus en plus des outils numériques, attendant un plus grand retour sur la pertinence de l’information dont elle dispose déjà – les jeunes attendent un accompagnement plus personnalisé à la recherche d’information ; les partenaires plus opérationnels (CIO, Pôle Emploi, Missions Locales, associations) peuvent attendre du réseau IJ un soutien pour mieux se faire connaître et toucher des jeunes en dehors des circuits d’information et d’orientation « traditionnels » et « formels » ;
les partenaires politiques (Conseils départementaux, Conseils Régionaux, municipalités et intercommunalités), enfin, peuvent souhaiter que le CRIJ et le réseau IJ soient davantage force d’innovation et de proposition pour mettre en œuvre des actions d’information des jeunes et d’animation de leurs territoires de vie.
La présente étude permet de tirer un certain nombre d’enseignements, de préconisations et d’orientations stratégiques pour le développement et le devenir du réseau Information Jeunesse.
4.1. Les grands enseignements de l’étude
Le réseau Information Jeunesse soutient la construction d’un parcours d’information, voire de la construction du parcours de vie des jeunes. Nos entretiens montrent que les parcours des jeunes ne sont que très rarement linéaires : ils peuvent revenir s’informer plusieurs fois auprès du réseau Information Jeunesse, même après avoir échangé avec d’autres acteurs opérationnels (Pôle Emploi, Education Nationale, Missions locales, etc. A cet égard, le réseau Information Jeunesse est un espace de ressources pour les jeunes, qui peut fonctionner comme une structure de premier accueil, mais aussi de derniers recours, lorsque les jeunes ne connaissent pas, ou ont épuisé toutes les autres options d’information.
4.1.1. Les atouts de l’IJ sur les territoires
A la lumière de cette étude, nous pouvons dresser le constat suivant concernant le rôle du réseau Information Jeunesse sur les territoires :
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les professionnels de l’IJ sont capables d’informer, mais également de proposer un accompagnement à la recherche d’information ; l’accompagnement doit en principe permettre aux jeunes de devenir plus autonomes (et de monter en compétences) dans leur recherche d’information ;
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l’approche globale et généraliste permet de toucher des jeunes en dehors des circuits d’information et d’orientation « classiques » ;
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les professionnels de l’IJ ne sont pas que des informateurs : parce qu’ils peuvent aller vers les jeunes, ils sont animateur de l’information.
La mobilisation et l’animation du réseau est alors possible lorsque le CRIJ parvient à actionner des leviers qui « font réseaux » : -
le label, la production, diffusion d’outils nationaux, et l’injonction à la participation à des projets ne constituent pas un levier efficace de réseau ;
les structures IJ sont très fortement intéressées par les échanges de pratiques pour trouver des solutions à des difficultés locales ;
les structures IJ sont très fortement intéressées par la construction collaborative de projets et d’outils ; le sentiment d’appartenance à un territoire (département, bassin de vie ou d’emploi) renforce la participation ou la prise d’initiatives de BIJ ou PIJ.
La contribution de certaines structures du réseau Information Jeunesse, sur les territoires, peut être la suivante : -
favoriser l’information des jeunes et la production d’outils (guides) pour communiquer ou décloisonner l’information sur les dispositifs, les aides ;
orienter ou préparer les jeunes à la rencontre des acteurs opérationnels (Pôle Emploi, CIO, Mission locales, etc.) ; organiser des évènements et mener des actions « hors les murs », ou mobiliser les jeunes sur les évènements d’autres acteurs opérationnels ;
faciliter la connaissance des jeunes (besoins en information, besoins sur les territoires) par les pouvoirs publics.
Pour autant, toutes les structures IJ ne présentent pas les mêmes spécificités. L’hétérogénéité du réseau et du niveau de formation des professionnels est souvent trop grande pour tisser des partenariats à l’échelle régionale et pour être reconnu comme un acteur ayant une forte légitimité et une plus-value sur les territoires. Elle ne permet pas aux différents partenaires de comprendre quel rôle le réseau IJ en tant qu’acteur régional peut jouer sur les territoires et entre les territoires locaux et régionaux.
4.1.2. Les points de faiblesse ou d’amélioration
Pour autant, cette étude a permis d’identifier un certain nombre de points de faiblesses ou points d’amélioration : -
le service du réseau Information Jeunesse n’est pas suffisamment visible et lisible pour les jeunes – notamment les plus éloignés des circuits d’information et d’orientation ; les outils numériques de l’IJ peuvent être innovants, mais ils ne sont pas toujours efficaces ;
le réseau Information Jeunesse n’implique pas suffisamment les jeunes dans la coconstruction de ses actions ; la communication du réseau Information Jeunesse pourrait être beaucoup plus efficace.
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Enfin, l’étude a permis d’étudier un certain nombre de freins dans le renforcement de son rôle sur les territoires :
-
une animation et une capacité de mobilisation du CRIJ incitative, donc pas toujours réellement efficace ;
une offre de service régionale encore très mal identifiée par les partenaires opérationnels (Education Nationale, Pôle Emploi) ; une offre de service régionale encore très mal identifié par partenaires politiques (Directions des Conseils Régionaux, et surtout élus locaux). une labellisation qui n’est plus adaptée pour renforcer le maillage et le service du réseau IJ et la visibilité du CRIJ sur les territoires.
Plusieurs facteurs peuvent expliquer la difficulté, pour le réseau Information Jeunesse, de mieux définir son offre de service régionale : -
à l’échelle individuelle, si les professionnels de l’IJ possèdent un mix composé de compétences de base et parfois de compétences spécifiques, ils présentent un niveau de diplômes et de qualification très divers ;
à l’échelle inter-organisationnelle, les CRIJ disposent de moyens très contrastés pour assurer la formation et l’animation physique ou numérique des structures IJ sur les territoires ; à l’échelle politique, les CRIJ disposent d’un soutien variable de la DRJSCS et des DDCS et DDCSPP, des collectivités territoriales ou des associations locales.
S’il apparaît que le réseau Information Jeunesse peut s’inscrire dans les politiques Jeunesse, sa capacité d’action et sa légitimité demeurent incertaine : - le cloisonnement des politiques publiques locales et régionales (notamment de jeunesse) sur les territoires ; - le manque de coopération, plus ou moins volontaire, des autres organisations afin de garder un monopole sur des « publics captifs » ;
- des acteurs ne sont pas toujours convaincus par l’approche générale et globale des jeunes et privilégient une approche plus « catégorielle ».
Au final, il existe un réel besoin pour l’Information Jeunesse de préciser sa contribution auprès des jeunes et des partenaires sur les territoires.
4.2. Synthèse des préconisations proposées
La plus-value de la présente étude est de ne pas se satisfaire de ce constat, qui vient confirmer et approfondir le bilan dressé par un certain nombre d’études et d’enquête, mais d’opérer un retour sur ce qui « fait réseau » au sein et autour de l’Information Jeunesse.
4.2.1. Le service rendu aux jeunes
P1 : Distinguer dans l’offre de service de l’IJ différents niveaux d’accompagnement à la construction d’un parcours d’information pour les jeunes en fonction du degré d’anonymat souhaités par les jeunes.
P3 : Faire évoluer la nature et les fonctionnalités des espaces IJ vers un fonctionnement de type tierslieu. Agence Phare – Étude sur le cadre d’intervention de l’Information Jeunesse – Juillet 2015
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P2 : Renforcer l’expertise du réseau IJ dans l’accompagnement à la réalisation de projets associatifs et entrepreneuriaux.
P4 : Rapprocher les structures IJ des jeunes en développant des démarches d’information à la fois plus attractives, mobiles et participatives.
4.2.2. Les outils à destination des jeunes
P5 : Tester systématiquement la conception et la construction des outils numériques (sites Web, applications, etc.) auprès des jeunes. P6 : Renforcer la qualité de la communication des structures IJ autour de l’outil vidéo, en associant le plus possible les jeunes à leur production.
P7 : Produire, évaluer et transférer des outils facilitant la mise en capacité des jeunes à la recherche de l’information.
P8 : Mettre en débat la numérisation – voire la suppression – de certains documents papiers du réseau Information Jeunesse (classeurs CIDJ de fiches métiers), pour réorienter le financement vers la production et l’offre de guides à emporter (logements, transports) et d’outils plus efficaces.
4.2.3. Les outils pour « faire réseau » au sein de l’IJ
P9 : Rendre les méthodes d’animation du réseau IJ par le CRIJ plus participatives, décentralisées, et centrées sur la réalisation de « défis », et valoriser la conduite d’expérimentations. P10 : Elaborer un kit de réalisation d’un diagnostic, d’un projet pédagogique, et d’outils de d’évaluation de l’activité des structures IJ. P11 : Mettre en place une plateforme d’échange nationale et des plateformes d’échange régionales.
P12 : Renforcer la construction participative de plans de formation, notamment autour des outils numériques.
4.2.4. La contribution du réseau IJ aux politiques de Jeunesse
P13 : Mettre en débat la décentralisation de l’action d’animation du CRIJ et renforcer son rôle dans le processus et le contrôle de la labellisation du réseau IJ. P14 : Généraliser et faciliter les actions « hors les murs » auprès des partenaires opérationnels par des conventions.
P15 : Renforcer la connaissance par l’IJ des besoins des publics sur les territoires, via un projet de type Infolab. P16 : Proposer un accompagnement à la construction d’un argumentaire et une formation aux techniques d’argumentation pour favoriser l’interconnaissance des structures.
4.3. Pour une mise en débat des préconisations
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Au cœur de notre réflexion, nous proposons que le réseau Information Jeunesse précise à la fois son offre de son service régionale, ses missions, ses thématiques, ses outils, ses méthodes d’animation et de formation, et in fine, sa capacité à s’inscrire de façon plus opérationnelle dans des partenariats régionaux (SPRO, lutte contre le décrochage scolaire, etc.). Les préconisations ci-dessus ne sont pas
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simplement un empilement d’idées, elles présentent une certaine forme de cohérence sous deux angles.
4.3.1. Clarifier l’offre de service régionale
La préconisation P1 sur la définition d’un accompagnement au parcours d’information des jeunes sur quatre niveaux (accueil, renseignement, conseil, suivi personnalisé) : -
permettrait de distinguer quatre niveaux d’action sur lesquels les structures IJ pourraient se positionner en fonction de leurs besoins et moyens ;
permettrait de distinguer quatre niveaux de formation que les professionnels des structures pourraient suivre pour renforcer leur offre de service et « atteindre » d’autres niveaux ; permettrait de distinguer quatre niveaux de partenariats potentiels pour clarifier auprès des partenaires les possibles coopérations locales, mais aussi régionales.
Dans l’ensemble, les structures Information Jeunesse ont tout à gagner développer et expérimenter une offre numérique (champ transversal) qui convient particulièrement à un acteur jeunesse (champ transversal) et généraliste (sur plusieurs thématiques). Encadré 29 : renforcer le rôle d’intermédiaire local de l’Informateur Jeunesse
L’ensemble des préconisations ci-dessus n’a de sens que si les BIJ et PIJ continuent de jouer un rôle d’intermédiaire local auprès des jeunes, des collectivités et des associations des territoires. Améliorer ce rôle implique de :
- renforcer la connaissance de l’ensemble des acteurs locaux par la structure IJ (réalisation de diagnostics territoriaux fins, incluant des cartographies d’acteurs – cf. le travail exemplaire du BIJ d’Oléron183 ; favoriser les liens avec les organisations plus informelles – les petites associations, les collectifs d’habitants, les jeunes start-up, les tiers-lieux, etc.) ;
- identifier les communautés d’acteurs liées à la structure IJ : quel est le noyau dur d’acteurs fréquemment mobilisés ? Qui sont les acteurs plus épisodiquement mobilisés ? Autour de quoi les uns et les autres se mobilisent-ils ?
- favoriser la rencontre ponctuelle de ces différentes communautés en jouant sur des temporalités variées : invitation à des groupes de travail collectifs pour concevoir un projet ; invitation à des événements institutionnels légitimants ; - valoriser le réseau IJ dans sa dimension inter-niveaux : la participation des structures IJ locales à des événements régionaux leur permet l’accès et l’obtention d’informations qu’elles peuvent retraduire et valoriser localement.
4.3.2. Mettre en débat les préconisations
La cohérence de ces préconisations doit se retrouver dans la démarche de présentation de l’étude et de ses enseignements auprès des différents acteurs de l’Information Jeunesse (UNIJ, CRIJ, BIJ, PIJ, ADIJ) et de l’Etat (DDSCS et DDCSPP, DRJSCS).
183
Reproduit partiellement en annexe 3 du présent rapport.
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Nous recommandons ainsi de mettre en débat ces préconisations, lors d’une grande consultation à l’échelle nationale, puis ensuite à l’échelle régionale ou interrégionale (dans le cadre de la fusion des
Régions à venir), impliquant des acteurs BIJ et PIJ. Une telle consultation pourrait permettre d’identifier : -
quelles préconisations apparaissent comme étant les plus pertinentes ;
-
de faire remonter et de valoriser de nouvelles préconisations, cette fois issues du terrain ;
-
quelles préconisations sont les plus réalisables, dans le court et le moyen terme ;
de construire un plan d’actions à moyen terme pour l’évolution maîtrisée du réseau Information Jeunesse.
Les préconisations auront en effet plus de sens et d’efficacité si les acteurs de l’Information Jeunesse et de l’Etat sont en mesure de les mettre en débat, en fonction de leur perception des besoins des jeunes, des territoires, et de leurs structures.
4.4. Orientations stratégiques du réseau IJ : plusieurs scénarios d’évolution
A la lumière des préconisations indiquées, nous proposons ici de clarifier plusieurs orientations stratégiques pour le devenir du réseau Information Jeunesse à travers quatre scénarios : le portage local, la gouvernance, la labellisation, et le financement du réseau IJ, à partir des expériences et des grandes tendances observées dans les différentes régions, auprès des différentes structures. Ces scénarios sont des idéaux-types, ils ne doivent pas minimiser le « travail partagé » et la richesse des méthodes d’animation proposées, existantes ou potentielles des acteurs sur les territoires. A cet égard, les scénarios ne font qu’esquisser, sur le long terme, une évolution possible du développement du réseau Information Jeunesse et une manière de soutenir la labellisation de tels ou tels types d’acteurs.
4.4.1. Portage local de l’IJ : trois scénarios
Sur le plan du portage des structures IJ, il est possible de distinguer plusieurs orientations : -
-
un scénario du portage « mixte » : aucune initiative n’est prise pour orienter le développement et la structuration du portage des structures IJ dans les prochaines années, la labellisation demeure accordée selon des critères techniques (qualité du service, respect de normes, etc.). Il sera plus difficile cependant de progresser sur l’harmonisation de l’offre de service en restant sur un statu quo. un scénario institutionnel : le réseau pourrait être de plus en plus structuré comme un service jeunesse des collectivités territoriales, afin de faciliter la complémentarité de son action avec les politiques publiques locales ;
un scénario associatif : le réseau IJ pourrait être de plus en plus structuré comme un acteur associatif, autour d’un projet associatif spécifique et systématique, visant notamment à ouvrir la labellisation à des acteurs des mouvements de jeunesse et d’éducation populaire, voire des associations de l’économie sociale et solidaire (ESS). Le réseau IJ pourrait devenir plus autonome vis-à-vis des collectivités territoriales dans sa gouvernance et son financement.
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Chacun de ces trois scénarios présente des points de force et des points de faiblesses que nous pouvons expliciter dans le tableau suivant.
Atouts
Freins
Une très forte adaptabilité aux besoins des territoires et aux demandes de publics.
Une grande hétérogénéité dans l’offre régionale de service.
Un maillage du territoire particulièrement efficace. Scénario 1 : approche « mixte »
Scénario 2 : approche Institutionnelle
Une diversité constructive de situations et de pratiques. Des publics, des valeurs communes ou proches des services Jeunesse.
Un soutien politique et financier fort des élus locaux et régionaux.
Une capacité de mobilisation plus forte, participative et réactive des structures IJ. Scénario 3 : approche associative
Une capacité à prendre les jeunes moins comme des objets que des « acteurs ». Un service et une identité « éducation populaire » renforcés.
La reconnaissance très relative de l’IJ par les élus des communes et EPCI. Une capacité de mobilisation très relative des structures IJ. Une identité « ouverte », « globale », « indépendante » et « généraliste » de l’IJ plus affaiblie. Une capacité d’action et d’innovation régionale très relative des structures IJ. Un maillage du territoire à confirmer.
Un portage politique probablement plus fragilisé.
Un financement probablement plus fragilisé, et/ou à diversifier. Un maillage du territoire à confirmer.
4.4.2. Gouvernance régionale de l’IJ : trois scénarios
Si le réseau Information Jeunesse s’inscrit dans une tradition de gouvernance très descendante, l’étude a montré que ce mode de fonctionnement avait de nombreux effets négatifs : il limite le fonctionnement du réseau IJ en « réseau » horizontal et ouvert, autant qu’il limite la mobilisation des structures BIJ et PIJ autour des projets du CRIJ. Il est possible de distinguer trois orientations : -
le scénario d’une gouvernance « mixte » : le réseau IJ pourrait devenir plus ouvert sur ses partenaires en intégrant dans le Conseil d’administration un plus grand nombre de BIJ et de PIJ volontaires, ainsi que des élus locaux souhaitant mieux s’impliquer dans son évolution stratégique ;
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-
le scénario d’une gouvernance institutionnelle : le réseau IJ s’est construit autour d’un processus descendant et hiérarchique qui imprègne son mode de fonctionnement – le Conseil d’administration est composé du CRIJ et des principaux financeurs ;
-
le scénario d’une gouvernance associative : le Conseil d’administration pourrait devenir exclusivement composé du CRIJ, des BIJ et PIJ et des associations des territoires souhaitant s’impliquer dans l’évolution stratégique du réseau IJ, en laissant les financeurs se réunir dans un conseil des financeurs184.
Ces différents scénarios présentent des atouts, mais également des points de faiblesse dans la manière de concevoir le développement de l’IJ. Atouts
Scénario 1 : gouvernance institutionnelle
Scénario 2 : gouvernance « mixte »
Scénario 3 : gouvernance associative
Prolongement des pratiques existantes.
Proximité privilégiée du CRIJ et de ses financeurs. Plus grande implication des BIJ et des PIJ.
Plus grande représentativité du réseau IJ. Plus grande connaissance des besoins du territoire. Plus grande implication et autonomie des BIJ et des PIJ.
Plus grande connaissance des besoins du territoire. Ouverture privilégiée sur le monde associatif.
Freins Faible relations avec les élus locaux.
Faible implication des BIJ et des PIJ. Passivité du CRIJ vis-à-vis des financeurs.
Déficit de légitimité des BIJ et des PIJ.
Le poids consultatif ou décisionnel des BIJ/PIJ. « Auto-censure » des BIJ et des PIJ. « Quelle envie ou capacité des BIJ/PIJ à avoir une réflexion stratégique ? »185.
Déconnexion des financeurs du réseau IJ.
Un « conseil des financeurs » peu opérationnel.
4.4.3. Labellisation de l’IJ : trois scénarios
La transformation de l’Information Jeunesse peut avoir des répercussions sur la manière dont les structures IJ sont labellisées. L’étude a montré que les CRIJ sont trop maintenus à l’écart du processus pour être reconnus et faire reconnaître la dimension régionale du réseau IJ à l’échelle locale. Comme le souligne un animateur IJ : « Le CRIJ n’est pas venu au moment de la labellisation, moi j’ai connu le CRIJ bien après la labellisation ! »186. Nous identifions ici trois scénarios d’évolution potentiels :
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Il s’agit de l’option actuellement prise par le CRIJ Pays de la Loire. A cet égard, certains professionnels IJ sont véritablement des militants de l’éducation populaire, d’autres moins, comme souligné précédemment dans l’étude (Entretien avec un professionnel IJ, 2015). 186 Entretien avec un professionnel IJ, 2015. 184
-
-
-
un scénario labellisation Etat : actuellement, le processus de labellisation est porté par les DDSC(PP), sous l’égide de la DRJSCS, avec pour conséquence que services départementaux de l’Etat sont les interlocuteurs privilégiés des structures associatives ou des collectivités territoriales qui souhaitent faire labelliser leur structure. Or certaines DDCS(PP), souvent par manque de moyens, sont beaucoup moins actives et efficaces dans l’animation de réseau IJ ;
un scénario co-labellisation Etat-CRIJ : le CRIJ adopterait un rôle beaucoup plus central dans le processus de labellisation, soit comme support technique de l’action des DDCS(PP), soit comme un acteur premier et central de la labellisation avec le soutien des DDCS(PP), en maintenant une relation privilégiée avec la DRJSCS autour de la garantie du respect du cahier des charges ; un scénario co-labellisation Région-CRIJ : il est enfin possible d’imaginer, dans le cas d’un désengagement poussé de l’Etat et d’un transfert de la question de l’information des jeunes aux Régions, par exemple dans le cadre du SPRO, que la Région devienne le principal acteur responsable de la garantie de la qualité de la labellisation du réseau IJ, en relation étroite avec le CRIJ comme acteur du processus de labellisation sur les territoires.
Ces différents scénarios présentent des atouts, mais également des points de faiblesse dans la manière de concevoir le développement de l’IJ.
Scénario 3 : colabellisation Région/CRIJ
187
La garantie d’une labellisation nationale.
Une labellisation déconnectée de la vision du CRIJ/du CA.
Un financement (en principe) garanti par l’Etat.
Un manque de visibilité du CRIJ vis-à-vis des élus locaux.
La garantie d’une labellisation de qualité.
La garantie d’une labellisation nationale. La garantie d’une labellisation de qualité. Une coopération Etat/CRIJ maintenue et renforcée.
Une concurrence latente entre les DDCS et le CRIJ187.
Une possible divergence de points de vue Etat/CRIJ sur les critères et la sélection. Un élargissement du label IJ au monde associatif en débat.
La garantie d’une labellisation de qualité.
La possible suppression de l’IJ dans certaines régions.
Une meilleure intégration dans les politiques régionales.
Un renforcement des inégalités de moyens.
Un ancrage régional de l’action et du financement de l’IJ.
Un étiolement du label en fonction des régions.
Entretien avec des professionnels IJ et de CRIJ, 2015.
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Scénario 2 : colabellisation Etat/CRIJ
Freins
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Scénario 1 : labellisation par l’Etat
Atouts
4.4.4. Financement de l’IJ : trois orientations
Si le désengagement de l’Etat se stabilise ou progresse, sans préjuger des évolutions futures, de nombreuses structures IJ ont vu leurs dépenses augmenter et leur recettes diminuer en fonction des baisses de subvention, du changement de la nature des conventions (limitation des dépenses selon des logiques de seuil plutôt que de palier), et dans l’ensemble d’une logique de rationalisation des dépenses publiques. A partir de la pluralité des situations existantes, plusieurs options se envisageables :
-
un scénario 2 : le financement par la réponse à appels à projets ; certaines structures IJ parviennent à maintenir une activité de service importante à travers la réponse à des appels à projets. Elles ont développé une compétence en la matière, et l’obtention de nouveaux projets permet à la structure de se positionner dans un champ, tout en capitalisant de nouveaux partenaires et de nouvelles compétences ;
un scénario 3 : la monétisation de l’usage de certains outils et compétences. Les pistes sont nombreuses. En devant généralisant des projets de production et d’échange de données, et en développant des outils numériques innovants (site Web avec moteur de recherche géolocalisé), l’IJ sera en mesure de proposer une offre de service (droits d’auteurs, formations à l’outil) pouvant constituer une source de revenu. Atouts
Scénario 1 : financement public
Une visibilité (en principe) de long terme des sources de financements.
Une garantie de la pérennité de l’activité des structures et des emplois.
Une reconnaissance officielle de l’utilité de service public et de la légitimité de l’IJ.
Scénario 2 : financement par projet
Une plus grande autonomie financière et d’action vis-à-vis des financeurs publics.
La possibilité de plus participer à des projets locaux/des expérimentations. Une valorisation de l’offre de service et des compétences de
Freins La baisse des financements publics de la part de l’ensemble des acteurs. La dépendance structurelle des structures IJ vis-à-vis des financements publics. Le renforcement d’une logique (chiffrée ?) de résultats.
La réticence de structures IJ vis-àvis des logiques par projets (court terme, concurrence associative). La nécessité de monter en compétence sur la réponse à appels à projet.
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-
un scénario 1 : le financement auprès des collectivités territoriales : la plupart des structures IJ fonctionnent actuellement à partir de financements croisés (Etat et Régions pour le CRIJ, collectivités territoriales). Ce modèle limite l’autonomie de l’IJ et n’est pas viable sur le long terme s’il n’est pas accompagné par une diversification des processus de financement, soit auprès des acteurs publics (CAF), soit par d’autres modes de financement ;
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-
l’IJ.
Une plus grande autonomie financière et d’action vis-à-vis des financeurs publics.
La probable réticence de l’IJ vis-àvis de la monétisation de leurs services, produits et compétences. Le démarchage, « chronophage » auprès de « clients ».
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Scénario 3 : financement par produits
La valorisation de l’offre de services et des compétences de l’IJ.
Une rupture forte avec le mode de fonctionnement du CIDJ.
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5. Annexes
5.1. Annexe 1 : Organismes enquêtés pour l’étude de terrain complémentaire (2015)
Organisme
Fonction
Date
CRIJ Poitou-Charentes
Directrice
13 mai 2015
CIJ Angoulême
Deux animatrices IJ
13 mai 2015
BIJ Oléron
Mairie de Dolus d’Oléron CC de l’Île d’Oléron
Animateur IJ
11 mai 2015
Maire
12 mai 2015
CRIJ Pays de la Loire
Directrice et Président
19 mai 2015
CIJ Le Mans
Animatrice IJ
18 mai 2015
Conseil régional Poitou-Charentes
Direction de la Jeunesse
19 mai 2015
Conseil régional Pays de la Loire
Elue en charge de la Jeunesse
22 juin 2015
Elu en charge de la Jeunesse
22 juin 2015
Elue en charge de la Jeunesse
18 mai 2015
Conseil Départemental de LoireAtlantique Ville du Mans
5.2. Annexe 2 : Synthèse de l’évaluation de l’expérimentation FEJ/IJ-SPRO188
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L’ensemble du rapport d’évaluation est disponible à l’adresse suivante : http://www.experimentation.jeunes.gouv.fr/1231-programme-d-experimentation-information-jeunesseservice-public-regional-de-l-orientation.html 188
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Lancée par le Fonds d’Expérimentation pour la Jeunesse, l’expérimentation Information Jeunesse – Service Public Régional de l’Orientation (IJ-SPRO) a eu pour objectif de questionner la contribution du réseau Information Jeunesse dans le champ de l’orientation tout au long de la vie. Cette expérimentation a eu lieu de décembre 2013 à décembre 2014, suivie d’une prolongation de trois mois jusqu’en mars 2015 pour les porteurs de projets.
Cette expérimentation prend place dans le contexte complexe d’une politique publique d’orientation en construction, initiée à l’échelle européenne et nationale. Alors que la question de l’orientation s’est déployée dans un mouvement de démocratisation de l’accès à l’enseignement supérieur dans les années 1970, de chômage de masse dans les années 1980 et de flexibilisation du travail dans les années 1990, elle se caractérise en France par la mise en place du Service Public de l’Orientation (SPO) en 2009, autour d’un double enjeu : -
-
d’une part, le champ de l’orientation n’est pas constitué en tant que tel : interviennent des structures de l’orientation scolaire (CIO), de l’orientation et de l’insertion professionnelle (Pôle Emploi, Missions Locales), avec de forts clivages entre les structures, les approches et les territoires ; d’autre part, les individus sont de plus en plus confrontés à l’accès à un marché de l’emploi qui s’est dégradé et fragilisé, et se pose la question des moyens dont ils disposent pour se construire un parcours d’orientation cohérent.
Si le lancement du SPO en 2009 pour fournir un service d’orientation tout au long de la vie a connu, selon l’Inspection Générale des Affaires Sociales (IGAS), un bilan « largement décevant » en termes de coordination des structures et de mutualisation des compétences des acteurs de l’orientation sur les territoires, est progressivement apparue la nécessité d’un « chef d’orchestre » coordonnant sa mise en œuvre sur le territoire régional, afin de favoriser le rapprochement des acteurs de l’orientation, et d’améliorer la qualité du service rendu aux usagers. La loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, l'emploi et à la démocratie sociale organise un nouvel acte de décentralisation de la formation professionnelle vers les Régions et confie aux Conseils régionaux le pilotage du Service public régional de l’orientation (SPRO). Il clarifie la répartition des compétences entre l’État et la Région, celle-ci coordonnant sur son territoire les actions mises en œuvre par les cinq grands réseaux nationaux (Cap Emploi, Pôle Emploi, Missions Locales, Opacif, Apec), les chambres consulaires, ainsi que les organismes habilités.
Alors que huit régions (Aquitaine, Auvergne, Bretagne, Centre, Limousin, Pays de la Loire, PoitouCharentes, Rhône-Alpes) ont été choisies comme préfiguratrices du SPRO fin 2013 (avant sa généralisation au 1er janvier 2015), l’expérimentation IJ-SPRO a pour ambition d’étudier la contribution du réseau Information Jeunesse au SPRO sur les questions de partenariat et de qualité du service rendu aux usagers : apporte-il de la « confusion » comme cela a pu être souligné par certains acteurs du SPRO au moment du lancement de l’expérimentation, ou une réelle contribution – et si oui, laquelle ?
L’expérimentation
rendre repérable et accessible l’offre pour les publics concernés (axe 1) ;
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Fondé en 1969, le réseau IJ est un acteur des politiques jeunesse proposant un « service de proximité », avec environ 1500 structures réparties sur l’ensemble du territoire national, accueillant plus de 5 millions de jeunes par an et proposant une approche d’information « globale » des jeunes. Cette approche se matérialise par une démarche d’écoute des demandes et des attentes des publics, le cœur de métier de l’Information Jeunesse ayant pour objectif d’accompagner le jeune vers des décisions, des choix, des projets. L’expérimentation IJ-SPRO a donné la possibilité aux CRIJ, porteurs des projets, de porter un certain nombre d’actions dans les huit régions préfiguratrices du SPRO autour de cinq axes proposés par le FEJ :
-
faciliter l’identification sur les territoires d’un service diversifié et adapté et de tous les relais potentiels en matière d’orientation (axe 2) ;
faire évoluer les pratiques professionnelles du réseau IJ en matière d’orientation tout au long de la vie au niveau régional ou interrégional (axe 3) ; concevoir une organisation partenariale transversale entre les acteurs de l’orientation (IJ et non IJ) dans lequel le CRIJ joue un rôle d’animateur et d’ensemblier (axe 4) ; s’engager dans une démarche de coopération territoriale à tous les échelons administratifs et dans une dimension de cohésion et de complémentarité urbain-rural (axe 5).
Nous avons identifié plusieurs types d’enjeux auxquels devait répondre l’évaluation : -
identifier en quoi les CRIJ peuvent concevoir et mettre en œuvre des actions, des pratiques et des outils qui permettent d’améliorer la visibilité et l’accessibilité des structures Information Jeunesse – voire des organismes du SPRO – par les jeunes ; comprendre comment les CRIJ sont capables de mobiliser un réseau de partenaires leur donnant la possibilité de s’inscrire dans les dynamiques territoriales existantes en complémentarité plutôt qu’en concurrence avec les structures engagées sur ces questions ; comprendre comment les CRIJ sont capables de mobiliser un réseau de structures Information Jeunesse (BIJ-PIJ) historiquement situé dans le champ des politiques jeunesse, au sein d’un champ de l’orientation structuré par la préfiguration du SPRO ;
comprendre comment la contribution du réseau Information Jeunesse dépend de la diversité des structures IJ (structures associatives, communales, etc.), de leurs compétences et de leurs pratiques professionnelles.
Le projet d’évaluation de l’agence Phare propose ainsi d’interroger l’expérimentation IJ-SPRO sous l’angle de la problématique suivante :
Comment la mise en place de nouvelles actions par l’Information Jeunesse dans le cadre du SPRO fait elle évoluer la structuration, les pratiques et la légitimité du réseau IJ comme un acteur du processus d’orientation tout au long de la vie, à la fois envers les publics et dans une dimension partenariale et territoriale ?
Pour observer et analyser le déploiement des actions expérimentales dans les différents territoires concernés, nous avons formalisé une approche articulant plusieurs outils : l’analyse documentaire ; la conduite d’entretiens semi-directifs individuels et collectifs avec des professionnels IJ et non IJ ainsi que des jeunes ; l’observation non-participante d’événements liés à l’expérimentation (comités de pilotage, groupes de travail ; l’analyse de réseaux et la cartographie des systèmes d’acteurs. Ces outils de collecte de données ont permis de produire un rapport d’évaluation transversal, s’appuyant sur la réalisation et la mise en perspective de 8 monographies régionales.
L’ambition initiale de l’expérimentation de présenter le CRIJ comme un « ensemblier » de l’expérimentation IJ-SPRO est rentrée en conflit avec le fait que les Conseils Régionaux se Agence Phare – Étude sur le cadre d’intervention de l’Information Jeunesse – Juillet 2015
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Réception de l’expérimentation par les publics et les partenaires
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Enseignements de politiques publiques
considéraient eux-mêmes comme les coordinateurs ou « ensembliers » du SPRO ; la préfiguration du SPRO étant trop peu avancée sur le plan formel pour que le lancement d’une expérimentation faisant référence au SPRO soit perçue comme positive. Il est possible d’affirmer, au regard de la nature et du déroulement des différentes actions menées pendant l’expérimentation, que la participation des jeunes aux actions est dans, l’ensemble, l’aspect le plus en retrait de l’expérimentation. Si certains CRIJ ont pu solliciter les jeunes pour construire ou tester les actions engagées, la prise en compte des jeunes a été faible. Autrement dit, les CRIJ ont surtout mis en place des actions qui visaient à préciser les enjeux de professionnalisation du réseau Information Jeunesse et sa participation dans le jeu partenarial du SPRO. L’expérimentation permet de souligner qu’il existe un réel besoin de plus impliquer les jeunes comme des acteurs pouvant contribuer à la co-construction d’actions visant à toucher d’autres jeunes (connaissance des besoins et des usages précis des jeunes, attractivité des outils de communication, jouabilité des outils numériques), à certaines conditions. Il importe notamment que la démarche d’implication des jeunes ne soit pas trop « institutionnelle » mais relativement informelle, ouverte et souple, et valorisant l’impact des actions engagées.
Pluralité et conditions de l’innovation
La place et le rôle du réseau Information Jeunesse dans les huit régions préfiguratrices du SPRO sont très fortement contrastés. Certains CRIJ étaient déjà bien reconnus comme des acteurs de l’orientation, et bien intégrés aux dynamiques partenariales du SPO, tandis que d’autres CRIJ se situaient à la marge de ces dynamiques ; dans le premier cas, ils ont eu une marge de manœuvre réduite pour innover, et dans le second une capacité d’innovation plus forte, mais également plus de difficulté à valoriser ensuite le résultat de leurs actions.
Les actions ont très souvent, par pragmatisme et souci d’efficacité, été des innovations incrémentales : elles ont prolongé des réflexions existantes depuis plusieurs années au sein des CRIJ ou bien en lien avec des partenaires (principalement les DRJSCS, les Carif-Oref, et les Conseils régionaux). Dans ces conditions, le fait de mener un état des lieux (par un questionnaire ou des échanges de pratiques) a été pertinent pour prendre en compte les besoins et pratiques des professionnels, et d’autant plus efficaces qu’il portait sur une problématique innovante (Open Data, etc.). L’expérimentation a permis de constater que le CRIJ pouvait être de force de proposition sur la production d’outils numériques sur l’orientation, en complémentarité des besoins des partenaires. C’est le cas de la refonte de la plateforme régionale Web en Pays de la Loire, de l’application Smartphone en Bretagne, du Livre Vidéo Digital en Auvergne, et du projet de laboratoire sur les données ouvertes en Poitou-Charentes. Un enjeu essentiel de ces outils, gage de leur qualité, est qu’ils soient testés auprès des publics pour évaluer s’ils correspondent à des besoins et des pratiques d’information – cela n’a pas toujours été réalisé.
Effets de l’expérimentation sur les pratiques professionnelles
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Souvent, les CRIJ se sont appuyés sur – ou ont développés de nouvelles – compétences internes au réseau IJ pour promouvoir des actions, ; ces compétences ont pu relever notamment de l’éducation populaire (jeu Pas à Pas en Bretagne), du numérique (plateforme web en Pays de la Loire, application Smartphone en Bretagne, Livre Vidéo Digital en Auvergne, etc.), ou encore du travail de veille et de
production de ressources documentaires (guide de référencement des serious games sur l’orientation en Limousin).
Les partenaires du SPRO ont rarement vu d’un bon œil les propositions de formation de leurs professionnels car il s’agit en principe d’une prérogative la Région, en tant qu’élément de son nouveau champ de compétences. Dans ce contexte, les Carif-Oref sont reconnus comme les principaux acteurs de la formation des professionnels et les seuls habilités à rassembler les professionnels des différents réseaux. Des acteurs tels que les CRIJ ne sont pas perçus comme les plus légitimes pour animer des temps de formation dans le cadre du SPRO.
Place des actions dans la démarche d’orientation des jeunes
Les observations de terrain et les entretiens réalisés ont permis d’identifier qu’un certain nombre d’actions apparaissent innovantes parce qu’elles produisent des outils qui apportent une véritable valeur ajoutée vis-à-vis des outils existants dans le champ de l’orientation sur deux plans : pour renforcer la qualité et la fiabilité de l’accès à une information de premier niveau , et pour améliorer la visibilité/lisibilité de l’offre de service, des structures et dispositifs d’orientation pour les jeunes.
Certains outils sont intéressants parce qu’ils permettent notamment : de mettre en scène un parcours d’orientation (Livre Vidéo Digital en Auvergne), de rendre plus lisible l’offre de service en orientation (la plateforme Web en Pays de la Loire et l’application Smartphone en Bretagne). L’évaluation a montré que ces outils étaient complémentaires de ceux produits par d’autres acteurs tels que l’Onisep ou les Carif-Oref. Les outils numériques pourraient et devraient cependant proposer encore plus de fonctionnalités visant une plus grande interactivité en ligne avec les jeunes, car il s’agit d’une demande et d’un besoin fortement identifié par les études sur le sujet et les acteurs de l’orientation.
Effets de l’expérimentation sur le maillage territorial et la configuration du SPRO
L’expérimentation IJ-SPRO a permis d’identifier la plus-value de la contribution du réseau Information Jeunesse au SPRO sur plusieurs plans.
Le réseau Information Jeunesse peut jouer un rôle d’aiguillage du public, comme un ensemble de structures de premier accueil et de premier niveau sur l’orientation, capable d’informer les publics sur les structures et les dispositifs spécialisés sur l’orientation, et par conséquent de rediriger les publics vers les partenaires adéquats ;
Il peut ensuite contribuer à un élargissement du public des structures spécialisées : la capacité du réseau IJ à mobiliser des publics autour d’évènements « SPRO » de promotion des offres de formation et d’emploi auprès des publics organisés par la Région ou des partenaires du SPRO. C’est le cas d’actions telles que la Cité des Métiers éphémère en Limousin ;
Il peut renforcer la connaissance des besoins du public : le réseau IJ pourrait valoriser sa connaissance Agence Phare – Étude sur le cadre d’intervention de l’Information Jeunesse – Juillet 2015
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Il peut également créer ou mobiliser des outils en complémentarité avec les acteurs du SPRO sur des expertises et des outils spécifiques. C’est le cas d’actions telles que l’application Smartphone en Bretagne, l’état des lieux des productions documentaires en Limousin, le site web en Pays de la Loire, ou encore l’outil d’autoévaluation des partenariats et du service rendu, en Rhône-Alpes;
fine des publics qu’il accueille dans ses structures urbaines, périurbaines et rurales. C’est le cas d’actions telles que l’action Infolab en Poitou-Charentes. Il peut enfin contribuer à renforcer l’autonomie des jeunes : il s’agit d’un aspect souvent peu connu ou reconnu par les partenaires du SPRO : la capacité de l’IJ à apporter une éducation à l’information et à favoriser une plus grande autonomie des jeunes dans la construction de leurs parcours d’orientation. C’est le cas d’actions telles que le jeu Pas à Pas en Bretagne.
Transférabilité des actions
Le travail d’évaluation réalisé a cherché à répondre aux questions suivantes : dans quelle mesure les actions permettent-elles de préfigurer, d’une manière générale, la reconnaissance et l’implication du réseau IJ dans le SPRO ? De quelle(s) manière(s) et dans quel(s) registre(s) cette reconnaissance et cette implication se définissent ? Nous avons distingué ici des conditions nécessaires à la transférabilité des actions, et des conditions plus facilitantes qui dépendent de la reconnaissance du CRIJ comme un acteur légitime des processus d’orientation des publics, voire du SPRO.
Il importe premièrement que les projets associent formellement les partenaires principaux du territoire pour l’évaluation des contributions des actions au SPRO, par exemple via l’inclusion dans un Comité de pilotage se réunissant régulièrement ou par la définition de problématiques communes. Le Céreq notait dès 2012 que « la dimension mono-institutionnelle [d’un projet expérimental] n’est pas un élément plaidant pour une généralisation comme outil de coordination des acteurs [d’un champ] ». Deuxièmement, la réalisation préalable ou continue de diagnostics sur les territoires est un atout majeur. L’usage du questionnaire et l’organisation de temps d’échange de pratiques ont été particulièrement efficaces. Ces diagnostics ont été décisifs pour compte les points de vue des professionnels IJ et des partenaires, et pour mener des actions adaptées à la réalité des besoins locaux.
Troisièmement, la co-construction des problématiques des actions avec les professionnels et les partenaires est importante : le fait que les CRIJ proposent de travailler sur des problématiques complémentaires (mobilité internationale, logement et transport, engagement et bénévolat), ou conjointement élaborées avec les partenaires autour de l’information des jeunes, plutôt que d’investir unilatéralement des thématiques qui sont traditionnellement investies par les partenaires du SPRO. Quatrièmement, l’implication des usagers et des professionnels en tant que co-concepteurs des innovations ainsi que la valorisation des pratiques professionnelles des acteurs comme point de départ des actions et de la conduite de projet nous semble essentielle. Pour les acteurs publics, la principale difficulté, lorsqu’ils cherchent à innover, est de ne pas se laisser piéger par les rôles attribués et assignés de chacun, dans une posture de repli et de défense des intérêts sectoriels.
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Cinquièmement, l’enjeu est de mobiliser régulièrement un noyau dur de professionnels IJ ou de partenaires volontaires : il est très probable que la transférabilité des actions dépende de la capacité du CRIJ à mobiliser un certain nombre de professionnels volontaires qui pourront être sensibilisés aux enjeux de l’action, et de la soutenir dans son déploiement sur le(s) territoire(s) infra-régionaux en sensibilisant à leur tour les autres professionnels de l’IJ.
Enfin, la décentralisation de l’animation des actions sur le territoire nous semble prometteuse : certains CRIJ ont pu donner la possibilité aux professionnels des structures IJ de porter des actions expérimentales au niveau infra-régional. Si cette démarche peut comporter certains risques, et qu’elle nécessite un accompagnement fort de la part de la tête de réseau ; elle peut également considérablement renforcer le maillage du territoire et la capacité du réseau IJ à travailler avec les réseaux locaux des BIJ, dont certains sont plus que des relais des actions sur les territoires.
Il est important de souligner que tous les Conseils régionaux et les partenaires du SPRO n’ont pas valorisé et ne valorisent pas l’ensemble des actions portées par les CRIJ. Un facteur central du succès des actions est institutionnel : les CRIJ sont parvenus à développer et valoriser les actions lorsqu’ils ont pris en compte les besoins des Conseils Régionaux, ou sont parvenus à proposer des outils suffisamment innovants pour obtenir une valorisation post-expérimentation.
Conclusion
L’évaluation montre que la contribution du réseau Information Jeunesse dans le service rendu aux usagers peut potentiellement s’apprécier sur un point fondamental : alors que la plupart des acteurs de l’orientation fournissent une information sur une offre institutionnelle d’orientation scolaire ou d’orientation et d’insertion professionnelle, le réseau Information Jeunesse propose une approche ouverte et globale de ces thématiques et des conditions matérielles participant à la construction d’un parcours d’orientation (logement, transport, etc.). Il apparaît que cette approche, renforcée par certains outils mis en œuvre au cours de l’expérimentation, est complémentaire bien plus qu’elle n’est concurrente des autres acteurs de l’orientation. Cette complémentarité n’est pas acquise : elle dépend de la capacité du CRIJ et du réseau Information Jeunesse à définir des problématiques d’action communes en accord avec leurs partenaires, à mobiliser les différentes structures locales BIJ et PIJ avec le soutien des élus locaux, et enfin à monter en compétence sur la connaissance des partenaires et leurs dispositifs.
L’expérimentation a enfin montré que le réseau Information Jeunesse peut être une force de proposition sur l’innovation numérique. Il faut de ce point de vue prendre la mesure de ce que le numérique et les réseaux changent : sur le plan des usages, la frontière entre usage et innovation devient plus floue, et l’on parle désormais de plus en plus d’innovation centrée-usager, dont l’objectif est de mobiliser et consulter les parties prenantes (professionnels, publics) afin de permettre la conception d’un produit ou d’un service, mais aussi et surtout de favoriser son adoption et sa diffusion.
Au regard des actions expérimentées, de l’évaluation de leur valeur ajoutée pour les partenaires et pour les publics, il apparaît clairement que l’enjeu pour l’insertion du réseau IJ dans le SPRO à partir de janvier 2015, c’est-à-dire sur l’ensemble du territoire national, s’articule donc autour de 4 enjeux :
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une montée en compétences des professionnels de ces structures sur la connaissance fine des partenaires locaux, de leurs dispositifs et de leurs actions ;
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une capacité optimale des BIJ et des PIJ à assurer la fonction d’accueil de premier niveau dans le cadre du SPRO, la mobilisation autour d’actions portées par les acteurs du SPRO ; un travail important de sensibilisation des élus locaux à la plus-value d’une meilleure intégration des professionnels au réseau Information Jeunesse régional ainsi qu’au SPRO ;
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la valorisation de l’apport de l’approche globale, transversale et d’éducation populaire de l’Information Jeunesse à la construction du parcours des jeunes, et donc au service rendu par le dispositif SPRO.
La contribution du réseau Information Jeunesse au SPRO doit se comprendre sous deux angles. Il est d’une part un acteur généraliste, capable de délivrer un premier niveau d’information sur l’orientation, et d’orienter les publics jeunes vers des structures spécialisées dans le conseil et l’accompagnement dans le champ de l’orientation scolaire ou professionnelle - parmi d’autres thématiques connexes. Le réseau IJ est d’autre part un acteur spécialiste, capable de fournir des prestations ciblées sur certaines thématiques, lorsque les autres acteurs du SPRO identifient les limites de leurs propres compétences.
5.3. Annexe 3 : Une cartographie de l’environnement d’un BIJ
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Le BIJ d’Oléron a réalisé par lui-même un recensement dynamique de ses partenaires, sous la forme d’une cartographie produite « à la main » ; ce type d’outils favorise le positionnement de la structure sur son territoire, ainsi qu’une réflexion sur le rôle et l’approfondissement des partenariats.
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