Le monde secret des animaux fluo

prix Nobel de médecine 2008. On ignore toujours l'utilité de ce phénomène dans le monde ani- mal. Pour les espèces les moins profondes, il s'agit sans doute.
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PORTFOLIO

Le monde secret des animaux fluo Eclairés en ultraviolet, ces animaux marins se parent de couleurs incroyables. Depuis dix-sept ans, la photographe Louise Murray traque ces espèces fluorescentes pour en offrir des images spectaculaires.

Le crabe timide Tapi dans les branches d’un corail de la famille des Pocilloporidae qui lui apporte abri et lumière, ce crabe porcelaine (Pisidia longicornis) se restaure. C’est la photo préférée de Louise Murray parce que ces petits animaux, très timides, sont difficiles à approcher (mer Rouge, Egypte).

Des verts flamboyants, des rouges

et des jaunes coruscants… les férus de plongée ont rarement vu les fonds marins de cette manière. Et pour cause, il y a un truc : pour révéler la luminosité cachée des animaux marins, il faut… éteindre la lumière ! Plus précisément attendre la nuit, afin que la lumière solaire ait disparu, et éclairer les spécimens photographiés en ultraviolet à l’aide d’un projecteur de lumière noire. Certaines espèces de coraux ainsi que les animaux dotés de pigments photosensibles, comme le plancton, réagissent alors à l’excitation du rayonnement UV en réémettant cette lumière sous différentes couleurs, se mettant à briller de mille feux ! (Voir l’infographie p. 62.) Plusieurs molécules possèdent la capacité de rutiler ainsi sous l’ultraviolet. La mieux connue est la GFP (sigle anglais pour « protéine verte fluorescente »), qui équipe la méduse, et dont la découverte ainsi que le décryptage de la séquence génétique et son exploitation à des fins scientifiques ont valu à ses auteurs le prix Nobel de médecine 2008. On ignore toujours l’utilité de ce phénomène dans le monde animal. Pour les espèces les moins profondes, il s’agit sans doute d’un filtre qui les protège des violents UV solaires selon un mécanisme non élucidé. Plus généralement, la fluorescence permet à certaines espèces d’effrayer leurs prédateurs ou de se reconnaître entre elles et de se courtiser. Voilà près de dix-sept ans que la photographe américaine Louise Murray s’est prise de passion pour la réalisation de ces clichés spectaculaires. Un sacerdoce : progresser dans le noir le plus total à 25 mètres de profondeur à la seule lueur des espèces fluorescentes peut se révéler dangereux. « Lors de prises de vue en novembre dernier dans la baie de Tondoba, en Egypte, raconte-telle, j’ai fait une mauvaise rencontre avec un oursin invisible, qui m’a planté plusieurs piquants dans la main gauche. Mes doigts se sont mis à enfler. Le dernier piquant n’est sorti que le mois dernier… » Hervé Ratel Photos : Louise Murray/SPL/Cosmos

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PORTFOLIO Absorption

GFP (green fluorescent protein)

S2

Dissipation de l’énergie

S1

Fluorescence

Faisceau ultraviolet

UV

Le guet du prédateur

S0

BETTY LAFON

Les molécules fluorescentes, dont sont dotés certains animaux, ont la propriété d’absorber de l’énergie lumineuse ultraviolette et de la restituer sous forme de lumière visible. Les UV ont une courte longueur d’onde (entre 100 et 380 nm), ce qui correspond à une grande énergie emmagasinée (niveau S2). Après dissipation d’énergie, l’énergie réémise est plus faible (niveau S1), d’où une longueur d’onde plus élevée, dans le visible (entre 380 et 780 nm, du violet vers le rouge).

Bouche multiple

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Un corail Plesiastrea dévoile une fluorescence vert et rouge au niveau des polypes qui lui servent à capter la nourriture. Ci-contre, le même spécimen, éclairé en lumière naturelle (mer Rouge, Egypte).

Un poisson gobie au-dessus d’un corail. Sa fluorescence est un moyen de camouflage et un signal sexuel. Ci-contre, le même spécimen éclairé en lumière naturelle (Thaïlande).

Peau-rouge

A demi enfoui sous le sable, un poissonlézard de la famille des Synodontidae attend le passage d’une proie. En journée, il serait totalement invisible (mer Rouge, Egypte).

Cette palourde géante, d’un marron terne sous éclairage naturel, se met à briller d’une teinte rouge éclatante sous ultraviolet (mer Rouge, Egypte).

Nid douillet Un bernard-l’ermite des récifs (Dardanus lagopodes), perché sur son corail, a trouvé un abri dans une coquille de gastéropode (mer Rouge, Egypte).

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