Le financement des études en question

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LE COURRIER

FOCUS

MARDI 17 SEPTEMBRE 2013

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RÉGION

UNIVERSITÉ Les milieux estudiantins dénoncent une détérioration du système des aides à la formation. Les services sociaux constatent une précarisation des conditions de vie des étudiants.

Le financement des études en question ADRIÀ BUDRY CARBÓ

CHÈRES ÉTUDES

C’est la rentrée universitaire et, pour certains, le retour des tracasseries financières. Une partie des étudiants ont profité de la période estivale pour travailler et économiser un maximum avant de reprendre les cours. D’autres se demandent déjà comment ils combineront les bancs de l’université et l’exercice d’une activité professionnelle leur permettant de subsister le semestre durant. Selon une étude menée par la Conférence des recteurs des universités suisses (CRUS) et l’Union des étudiants de Suisse (UNES) en 2009, 57% des étudiants doivent subvenir au moins partiellement à leurs besoins et 14% ne reçoivent strictement aucune aide de leurs parents.

Hausse des taxes Pourtant, la hausse des taxes n’est plus taboue. A Berne, le parlement étudie la possibilité de tripler leur montant pour les ressortissants étrangers étudiant dans les Ecoles polytechniques fédérales (EPF). A Genève, l’exemption de taxes pour les étudiants des Hautes Ecoles spécialisées (HES) résidant dans le canton vient de tomber. Dès aujourd’hui, leurs charges se situent à 1000 francs par an. Du 13 au 20 septembre, l’UNES a convoqué différentes manifestations dans ces institutions de l’enseignement supérieur afin de protester contre la hausse des taxes d’études. Comparativement, les taxes estudiantines suisses demeurent cependant parmi les plus basses du continent. Un argument qui ne convainc pas Mélanie Glayre, membre du comité exécutif de l’UNES: «Il faut aussi tenir compte du coût du logement ou de la nourriture en Suisse. Même une augmentation de deux cents francs peut être substantielle. Ceux qui subviennent seuls à leurs besoins ont souvent du mal à économiser quoi que ce soit. Ce n’est pas aux étudiants de payer le désengagement de l’Etat.»

Pas des consuméristes Le constat est partagé par le Centre social protestant (CSP) vaudois. Jet Service, l’une de ses filiales, accueille les jeunes en difficulté. Un tiers des visites concerne des personnes en formation. «Ceux qui passent par nos services ne sont pas des victimes du consumérisme. Ce sont des étudiants en formation qui n’ont plus les moyens de payer leur logement ou leur nourriture», rappelle Christine Dupertuis, travailleuse sociale. «La situation familiale de certains jeunes sort des grilles habituelles. En conséquence, ils ne peuvent donc pas accéder aux bourses ou aux allocations d’études.» Selon les statistiques de Jet Service, le nombre de jeunes provenant des HES a triplé ces six dernières années et les consultations ont quintuplé. Les étudiants de l’université de Lausanne (UNIL) ou de l’EPFL ne sont pas en reste. L’année dernière, sur les 350 consultations de jeunes en formation, 150 concernaient ces deux institutions, bien qu’elles disposent également de leurs propres services sociaux, très utilisés pour des problématiques financières.

Uni-Bastions, à Genève. Selon une étude de 2009, 57% des étudiants doivent subvenir au moins partiellement à leurs besoins. JPDS Mohammed est en master HEC à l’UNIL. Issu d’une famille marocaine modeste, il subvient seul à ses besoins: «Ce n’est pas évident de travailler à côté quand on fait un master aussi intensif. Je travaille dix à quinze heures par semaine, parfois plus. Cela met clairement mes études en danger. A Pâques, j’ai raté mes deux examens.»

Précarisation estudiantine A Genève, on constate aussi une précarisation croissante des jeunes. «Chez ceux que nous aidons déjà, parce qu’ils ne peuvent pas s’appuyer sur leurs parents pour différentes raisons, nous constatons qu’ils ont davantage de difficultés qu’auparavant à avoir accès à une bourse d’études», explique Bernard Manguin, porte-parole de l’Hospice général. «Le canton de Vaud était, lui, un peu mieux loti au niveau des aides à la formation», concède Christine Dupertuis, du CSP vaudois. «Mais nous craignons de perdre nos acquis avec la loi en discussion au parlement. Les critères d’obtention vont devenir encore plus restrictifs. Je ne sais pas comment les jeunes vont faire, ils n’ont pas suffisamment de temps pour travailler à côté de leurs études.»

Même en médecine Les étudiants de médecine sont bien placés pour le savoir. Emeline Gauthiez est en dernière année. Elle évoque déjà des difficultés à concilier études et petits jobs en raison d’un emploi du temps très irrégulier durant sa formation. «En dernière année, les stages aux HUG sont payés 1000 francs par mois. Dans certains hôpitaux, le salaire se situe à 700 francs. L’année a été dure mais j’ai pu m’en sortir en empruntant à mes parents. En même temps, c’est un secteur où le travail ne manque pas. Il est possible de s’endetter dans une

certaine mesure car on sait qu’à la sortie des études, on trouvera facilement un emploi pour rembourser.»

Bourses non distribuées Le système des bourses et des prêts d’études est aussi mis en cause. «Le discours habituel justifiant l’augmentation des taxes essaie de faire croire que cela n’est pas dommageable puisque le système de bourses permet d’aider les plus démunis. Mais, en réalité, l’année dernière plus de 3 millions de francs ont été «économisés» sur le dos des étudiants par rapport au budget d’aides à la formation précédent», dénonce Aurélie Valletta, secrétaire permanente du syndicat des étudiants genevois CUAE. Du côté du Service des bourses et des prêts d’études (SBPE), on relativise. «Lorsque l’on tient compte des allocations, des bourses et des prêts d’études, on est plutôt à 2 millions de moins par rapport aux dépenses de l’année précédente», rétorque Ciro Candia, son directeur. «Là encore, cette différence s’explique en raison de l’application de la nouvelle loi cantonale qui a induit des retards dans le traitement des dossiers. Une partie des dépenses a donc dû être reportée. Gageons que les chiffres pour 2013 seront supérieurs à ceux de l’année dernière.» Pour la CUAE, cependant, le mal est fait. «Beaucoup ont déjà abandonné leurs études. Sur les six ou huit derniers mois, la moitié des gens qui sont venus à nos permanences avaient des problèmes liés aux bourses d’études», explique Aurélie Valletta. Le SBPE reconnaît des failles du système. «Il est vrai que les étudiants, dont l’un des parents a quitté la Suisse, ont parfois du mal à produire certains documents, concède Ciro Candia. Mais certains étudiants ne jouent pas le jeu et ne s’adressent même pas à leur

ambassade pour tenter de trouver une solution. Nous faisons preuve de pragmatisme. Nous ne demandons, par exemple, pas de documents attestant de la situation financière d’un parent resté dans un pays en guerre.» Charles* n’est lui pas originaire d’un pays en conflit. Né en Suisse, ses parents ont divorcé quand il était enfant. Son père ne lui verse plus de pension alimentaire depuis qu’il est majeur. Lorsqu’il a voulu commencer son bachelor en sciences économiques à 19 ans, on l’a informé que la situation financière combinée de ses deux parents ne lui permettait pas de recevoir une bourse. «Je n’allais pas faire un procès à mon père pour mille francs par mois. J’ai donc contracté un prêt de 10 000 francs auprès du SBPE.»

Un boulet à traîner Malgré des résultats encourageants, Charles a arrêté ses études après un an. «Je finissais tous les mois dans le rouge, même avec le prêt. Je n’étais pas mature à l’époque, j’aurais apprécié que quelqu’un prenne le temps de discuter avec moi des conditions d’emprunt et de ma situation financière. C’était une petite somme mais c’est tout de même un boulet que j’ai traîné pendant sept ans. J’ai raté au moins un entretien d’embauche en raison de ces dettes.» A partir de l’année prochaine, la modification d’un alinéa de la loi devrait permettre aux étudiants dans la situation de Charles, avec des parents divorcés, de ne pas tenir compte de la situation financière du parent versant – ou censé verser – la pension alimentaire. Ceux qui sont issus de constellations familiales plus compliquées (étudiants qui n’ont plus de relations avec l’un ou leur deux parents) et ne peuvent prouver leur situation financière ne pourront, eux, toujours pas accéder au système d’aides à la formation.

Depuis plusieurs années déjà, des banques ciblent directement les étudiants pour leur proposer des crédits «formation». Du côté des milieux estudiantins, on s’inquiète. A l’UNES, on constate aussi une évolution et on évoque le cas lucernois comme symbole d’une dérive. «Là-bas, l’aide à la formation a été privatisée et les étudiants remboursent leurs prêts cantonaux à un institut», soutient Mélanie Glayre, membre du comité exécutif. «On se tourne de plus en plus vers des solutions privées. Les étudiants ne sont pas des fonds d’investissement.» Même message du côté de l’Hospice général. «Les alternatives ont toujours existé, mais il est probablement à craindre que les demandes de prêts bancaires n’augmentent», soutient Bernard Manguin, son porteparole. A la très onéreuse Ecole hôtelière de Genève, certains professeurs avertissent même les élèves contre les risques d’endettement cyclique qu’entraînent les emprunts. I *Prénom fictif.

Parmi les différents types d’endettement, le plus répandu reste le recours aux parents. Nicolas* termine ses études à l’Ecole hôtelière de Genève. Il s’est engagé à rembourser petit à petit les 38000 francs qu’ont déboursés ses parents. «J’ai choisi Genève car, malgré tout, ça reste l’école hôtelière la meilleur marché de Suisse. Mes parents ont reçu certaines allocations mais beaucoup n’ont pas eu cette chance. Les étudiants non helvétiques doivent débourser 66000 francs.» Le jeune diplômé reconnaît l’aspect prohibitif de ces tarifs: «Dans mon entourage, certaines personnes ont renoncé en raison des coûts. D’autres se sont endettés pour suivre la formation.» Olivier* s’est lui aussi endetté auprès de ses parents. Son bachelor en relations internationales en poche, il a été débouté par l’IHEID et, ne trouvant aucun master similaire en Suisse, a dû partir étudier en Angleterre. «Quand j’ai frappé à la porte du Service des bourses et prêts d’études (SBPE), on m’a ri au nez et laissé entendre que je n’avais qu’à faire mes études en Suisse (selon une récente modification de la loi, le service pourrait actuellement couvrir une partie de ces études à l’étranger, ndlr). Je dois actuellement plus de 12000 francs à mes parents et tout ce qu’on me propose ce sont des stages non rémunérés.» ABC *Prénoms fictifs.

STAND D’INFORMATIONS ET CONFÉRENCE La Fédération des association d’étudiant-e-s (FAE) tiend un stand demain à l’université de Lausanne afin d’informer les étudiants sur la thématique des taxes universitaires. En octobre, le Réseau d’action étudiante (resacte) organise une conférence à l’EPFL sur le triplement des taxes pour les ressortissants étrangers des EPF, une initiative en discussion à ce jour à Berne. ABC

JEUNE ET BESOIN D’AIDE?

A Genève > Point jeunes de l’Hospice général, rue des Glacis-de-Rive 12, 1207 Genève.

A Lausanne

> Jet Service, Centre social protestant, av. de Rumine 5, 1005 Lausanne.

EMPLOI

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Un(e) journaliste stagiaire à 80% ou un(e) journaliste RP à 50% POUR SA RUBRIQUE GENEVOISE Responsabilité • Couvrir et commenter l’actualité du canton de Genève • Réaliser des enquêtes et reportages originaux • Participer à la vie collective du journal Délai de candidature: le 30 septembre 2013 Entrée en fonction: 1er novembre ou à convenir