Le feuillet de la Salle des Pros... - Université de Namur

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Le feuillet de la Salle des Pros...

Juin 2008, n°3

Le Feuillet de la Salle des Pros, n°3

Le projet du feuillet ... en quelques mots

Une nouveauté ...................

un support qui fait suite aux interventions

Un lien ...............................

communiqué à l´ensemble du réseau

Une diffusion .......................

partagé avec tous ceux qui n´auraient pu se joindre à nous

Un prolongement .................

une mise par écrit des apports, des réflexions, des questions que chacun peut prendre le temps de relire à son aise

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Le Feuillet de la Salle des Pros, n°3

Edito La parution du troisième numéro du Feuillet de la Salle des Pros marque cette fin d’année scolaire. Il retrace, sous forme de compte-rendu, les rencontres menées au cours de ce troisième trimestre. Christian Host est intervenu le jeudi 13 mars 2008. A partir de son expérience de terrain (professeur de mathématique au premier degré) et d’accompagnements d’équipes d’enseignants (en tant que Conseiller pédagogique transversal, dans le diocèse de Tournai), il a pu identifier des difficultés lors de la transition primaire-secondaire autour de 5 passages qui correspondent à des changements de repères pour les élèves. Il nous les a présentés sous le thème « Quelques clés pour favoriser le lien primaire-secondaire ». (pp. 4-6) Gilbert Longhi a été proviseur du Lycée Jean Lurçat à Paris pendant 9 ans, et est actuellement proviseur du Lycée Albert Einstein. Il est intervenu le 11 avril 2008 sur le thème « Itinéraires de décrochage, itinéraires de raccrochage ». Sur base de son expérience de terrain, il nous a présenté sa lecture du décrochage ainsi que des structures innovantes à pouvoir mettre en œuvre au sein des lycées. (pp. 7-10) Charles Caouette est professeur émérite de psychologie à l’Université de Montréal . Au cours de sa carrière il a fondé l’école «Le Vitrail», initialement pour des élèves en difficultés, en décrochage. Il est intervenu le 18 avril 2008 sur le thème «Construire la relation avec les ados». Il a pu poser et questionner la mission éducative de l’enseignant. (pp. 11-13) Le 18 mai 2008, c’est une partie de l’équipe du Collège Pie 10 de Châtelineau qui est venue nous présenter le projet d’innovation mis en place dans l’école depuis 3 ans. Ce projet des Nouveaux Rythmes Scolaires les pousse chaque jour à «Oser autre chose pour un autre demain». Les différents intervenants Laurent Divers, Bernard Loverius, Régine Michaux et Daniel Massart ont chacun expliqué comment ils travaillent de concert pour mener à bien de projet qui s’inscrit dans le cadre de la lutte contre l’échec scolaire. (pp. 14-18) Ces 4 rencontres ont rassemblé près de 100 personnes (enseignants, conseillers pédagogiques, directeurs, formateurs, etc.). Les échanges ont souvent été riches, porteurs de questions et de mises en projet. Ce dynamisme nous pousse à poursuivre les rencontres de la Salle des Pros l’an prochain. Trois thèmes y seront abordés : • les dispositifs de différenciation; • la gestion des liens et des passages au sein de l’école; • les dispositifs d’analyse de pratiques en formation. Pour donner davantage de place aux échanges et aux réflexions personnelles, les rencontres seront organisées sur l’ensemble d’une journée (au lieu d’une demi-journée). Le programme reprenant les activités organisées l’année prochaine vous sera envoyé au début de l’année scolaire 2008-2009. D’ici là, nous vous souhaitons une bonne lecture de ce troisième Feuillet et une excellente fin d’année scolaire ! Pour l’équipe, Sandrine Biémar 3

Le Feuillet de la Salle des Pros, n°3

Quelques clés pour favoriser le lien primaire-secondaire Par Christian Host, enseignant, formateur... Intervention réalisée le jeudi 13 mars 2008 14h. A partir de son expérience de terrain (professeur de mathématique au premier degré) et d’accompagnements d’équipes d’enseignants (en tant que Conseiller pédagogique transversal, dans le diocèse de Tournai), Christian Host identifie des difficultés lors de la transition primaire-secondaire autour de 5 passages qui correspondent à des changements de repères pour les élèves.

Premier passage : le passage de l’enfance à l’adolescence Cette transition signe le passage pour l’enfant d’une école « de proximité » vers une école qui renvoie à « un univers pluriel». L’école primaire renvoie à une image d’école de proximité, les relations entre les élèves et leur instituteur(trice) sont personnalisées et de type familial. L’équipe enseignante est réduite et stable (chaque élève a son instituteur, un prof de gymnastique, un prof de néerlandais). Au secondaire, les intervenants se multiplient. L’école secondaire se réfère à un univers pluriel, plus proche du rôle du « père » qui, dans notre société, représente la loi. Les relations sont plus dépersonnalisées, institutionnalisées, elles sont structurées par des rôles : un directeur, un préfet de discipline, des éducateurs, un titulaire, un coordinateur, un conseil de participation …. Le rapport des enfants à l’école se modifie en conséquence. Au secondaire, les relations avec les enseignants sont plus impersonnelles. Elles sont régies davantage par le recours à des objets tiers comme le règlement. Alors qu’à l’école primaire l’enfant et l’écolier sont associés. En secondaire, l’adolescent ne se confond pas avec l’élève, se sont deux aspects distincts. Pour illustrer ce changement d’univers, Christian Host nous propose la comparaison de deux photos : celle d’une classe de 6ème primaire, dont les murs sont tapissés de repères (une ligne du temps, les règles du participe passé, les tableaux des élocutions présentés par les élèves, tableaux de conjugaison, …), les bancs sont rassemblés pour accueillir un travail en sous-groupes. Par contraste, celle du secondaire, montre une classe « anonyme », il s’agit d’une classe de transit, les élèves s’y succèdent au rythme de 55 minutes de cours, aucun élément d’identification n’y est perceptible. Au secondaire, les changements de classe sont fréquents, les repères spatiaux et temporels se complexifient.

Deuxième passage : le passage du concret à l’abstrait. Le passage du primaire au secondaire signe aussi le passage du concret (l’arithmétique) à l’abstrait (l’algèbre). Comme l’illustre ce changement d’expression, en primaire l’enseignant dira « 2 X longueur + 2 X largeur d’un rectangle … » ; en secondaire, cette expression se transforme en : « 2A+2B … ».

Troisième passage : le passage de la manipulation des nombres et des mots à celui de la structuration des concepts Au secondaire, l’élève doit faire face à un accroissement de mots techniques disciplinaires (pour n’en citer que quelque-uns : terme, facteurs, distributivité, factorisation …). Ce changement de registre de vocabulaire peut être source de décrochage ou de démotivation pour l’élève. Que mettent les élèves derrière ces mots ? Quelle est leur carte conceptuelle ? Quels liens font-ils avec une connaissance antérieure ? Comment raccroche-t-il ce qui est enseigné à ce qu’il a vu avant ?

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Le Feuillet de la Salle des Pros, n°3 Quatrième passage : le passage d’un enseignement transversal à un enseignement disciplinaire Au premier degré, les enseignants développent une vision disciplinaire de leur enseignement pour préparer les élèves au deuxième degré. Au secondaire, contrairement au primaire, les disciplines sont cloisonnées, il y a un découpage temporel des matières.

Cinquième passage : le passage d’une proximité école-famille à un éloignement spatial et une distanciation avec les familles. Les savoirs dispensés à l’école primaire sont reconnus par les familles alors que ceux du secondaire sont parfois même très anxiogènes pour certains parents qui ont eu un parcours d’échec scolaire. Le passage au secondaire signe ainsi l’éloignement de certaines familles. Dans le secondaire, le recours à l’écrit (la lecture) prédomine alors que dans les familles, parfois seule l’expression orale est utilisée. L’enfant se retrouve ainsi devant le choix de la culture familiale ou de la culture scolaire.

Une notion importante : le seuil Les apports de Christian Host ont également mis en évidence une notion importante, celle de seuil à franchir par l’élève lors du passage primaire-secondaire. Ce seuil peut faire obstacle à l’accrochage de l’enfant lors de cette transition. Ces seuils sont liés au niveau atteint par l ‘élève à l’entrée du secondaire et ce niveau varie très fort d’un élève à l’autre. Les instituteurs mènent leurs élèves à un niveau déterminé par les socles de compétences à 12 ans. Ce niveau est généralement bien identifié dans l’enseignement fondamental puisqu’il s’appuie sur le programme intégré et les socles de compétences à atteindre pour l’obtention du CEB. Néanmoins, on observe une grande disparité des exigences pour l’octroi du CEB entre les écoles. Par ailleurs à l’entrée du premier degré, les enseignants ont un certain niveau d’attentes vis-à-vis des élèves. Ce niveau repose sur leurs représentations concernant le niveau supposé atteint par les élèves en sortant du primaire. Cette représentation est déterminée par différents facteurs comme par exemple, leurs souvenirs par rapport à leur propre histoire scolaire, leurs conceptions du rôle du fondamental par rapport aux exigences disciplinaires du secondaire, leurs conceptions de l’apprentissage, leurs représentations du métier et de leur rôle de prof, leurs rapports à la discipline .... La différence entre le niveau effectivement atteint par l’élève à l’entrée du secondaire et les niveaux attendus par les enseignants correspond aux seuils à franchir par l’élève. En outre, ces seuils comportent de multiples facettes, qui sont liées au niveau de connaissances de l’élève, à ses compétences, aux dimensions affectives, relationnelles, sociales ... Les seuils sont cependant nécessaires au développement de l’enfant. L’enfant doit apprendre à gérer ces ruptures et c’est en franchissant ces seuils qu’il grandit.

Comment aider les élèves à franchir ces différents seuils ? Christian Host nous propose quelques clés pour favoriser le lien primaire-secondaire. 1. Un investissement des directions du secondaire et du primaire : • Dans la volonté de se comprendre • D’être au clair avec les enjeux intentionnels • De mettre les moyens pratiques en place pour faciliter les rencontres entre les enseignants du primaire et ceux du secondaire • La construction d’un groupe de pilotage (directions, coordinateurs) pour traiter les questions du lien primaire-secondaire 2. Travailler en amont les représentations des uns et des autres • « Nous aimerions que vous les ameniez là », n’est pas acceptable (attention au travail en soustraitance) • Nous avons un référentiel commun : les socles de compétences à 8,12 et 14 ans • Analyse des évaluations CEB par rapport au premier examen en 1ère commune

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Le Feuillet de la Salle des Pros, n°3 3. Trouver un objet de travail commun • Savoir-lire (c’est une bonne entrée, car les littéraires ont des tendances plus transversales) • Mémorisation et méthodes de travail • Autonomie des élèves • Lecture de consignes • Liens Eveil- EDM/ Sciences • ….

Perspectives Christian Host nous a proposé quelques outils comme supports à un travail en commun. Un travail d’appropriation et d’adaptation de ces outils à différents contextes sera réalisé dans le cadre des Ateliers thématiques de la Salle des Pros. Plusieurs participants se sont montrés intéressés à poursuivre la réflexion et à entamer un travail de construction d’outils dans ce cadre.

Quelques feed-backs « Tous les aspects évoqués nourrissent un projet de recherche professionnelle dans le cadre du cabinet du ministre. » « Travaillant avec des élèves de 1ère tout ce qui a été dit, fait écho chez moi.» « J’en retiens qu’il y a des choses à faire P-S, que chacun travaille et se remette en question.» « Cela conforte les observations vécues en classes de 1er B-2 P, cela confirme aussi mon envie de savoir comment on apprend à l’école primaire pour mieux faire le lien avec les connaissances de mes élèves et rétablir la confiance dans ces connaissances des élèves abîmés par leur parcours scolaire.» « Cela me donne l’envie de mettre en place une animation dans mon école, c’est, de plus, le souhait des profs du 1er degré.»

Bibliographie pour aller plus loin Caron, J. (1994). Dès que revient septembre. Volume 1. Editions de la Chenelière inc. Montréal. Caron, J. (1997). Dès que revient septembre. Volume 2. Editions de la Chenelière inc. Montréal. Caron, J. (2003). Apprivoiser les différences. Guide sur la différenciation des apprentissages et la gestion des cycles. Erasme. Les Editions de La Chénelière. Montréal. Guillaume, L. & Manil, J.F. (2006). La rage de faire apprendre. De la remédiation à la différenciation. Un nouveau modèle pédagogique. Jourdan. Paris. Gouvernement du Canada Ministre d’Etat à la jeunesse. Guide d’intervention et d’activités pour prévenir l’abandon scolaire : « Les petits pas… ». Université du Québec à Trois Rivières. Pierrelée, M.D. & Baumier, A. (1999). Pourquoi vos enfants s’ennuient en classe. Une place pour chacun dans un collège pour tous. Editions La Découverte et Syros. Paris. Prot B. (1998). Profession motivatrice. Réveiller le désir d’apprendre au collège et au lycée. Éditions Noêsis. Paris VI. Rey F., Sirota A. (2007). Des clés pour réussir au collège et au lycée. Erès. Viau R. (1994). La motivation en contexte scolaire. Bruxelles. De Boeck Université. DVD : Dvd Anthéa (2005). L’enfant en mal d’apprendre : le repérer, le comprendre, l’aider. Collection Parole Donnée-DVD. Sites Internet : http://ecolesdifferentes.free.fr/changer.html http://www.etab.ac-caen.fr/cleh (site du Collège Lycée Expérimental d’Hérouville Saint-Clair). http://www.repaq.qc.ca (site du réseau des écoles publiques alternatives du Québec).

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Itinéraires de décrochage, itinéraires de raccrochage Par Gilbert Longhi, proviseur du Lycée Jean Lurçat à Paris pendant 9 ans, actuellement proviseur du Lycée Albert Einstein ; Docteur d’Etat et chercheur en sciences de l’éducation à l’Université Paris X. Intervention du 11 avril 2008 Gilbert Longhi nous a proposé une balade dans des structures de raccrochage qu’il a eu l’occasion de développer et d’expérimenter pendant plusieurs années avec son équipe éducative. Une définition difficile On pourrait avant tout se poser la question de ce qu’est réellement le décrochage… Entre les bâillements digestifs et la phobie scolaire, il y a tant de nuances… Qu’appelle-t-on au juste « décrocheurs » ? On peut déjà faire une nuance entre les décrocheurs, encore acteurs de leur décrochage, et les décrochés, ceux qui subissent, les « largués », les « laissés pour compte », ceux auxquels l’école n’a apporté que du dégoût… Un phénomène d’actualité Le décrochage est désormais un phénomène général dans tous les pays. Il prend cependant des formes différentes. Dans les pays dits développés, les situations de rupture, d’abandon sont souvent synonymes de « saturation d’école », qui sont de plus en plus nombreuses, y compris dans des milieux familiaux considérés comme porteurs… Dans les pays en voie de développement, par contre, les jeunes quittent l’école pour des raisons économiques, pour aller travailler et aider leurs parents, ce qui n’a rien à voir avec la saturation d’école. Un questionnement de société Le phénomène du décrochage pose de nombreuses questions aux décideurs politiques, à propos du coût d’abord, de l’efficience de l’école ensuite et, enfin, de l’efficacité des structures de raccrochage. C’est donc un concept à creuser dans le contexte de financement de l’éducation et de nos systèmes scolaires conventionnels. Un lycée inimaginable Dans ce contexte, au sein du Lycée Jean Lurçat à Paris, une partie de l’équipe pédagogique s’est mobilisée pour penser un lycée inimaginable. Ils ont retroussé leurs manches et inventé des structures pour raccrocher les élèves « perdus ». Des structures d’intégration En respectant les moyens octroyés par l’institution politique, le Lycée Jean Lurçat propose des structures souples qui permettent d’accueillir, en plus des élèves "ordinaires", environ 230 jeunes qui ont quitté la structure scolaire depuis plusieurs mois, voire plusieurs années. Les enseignants de ce lycée relativisent et se montrent a priori bienveillants avec des ados cassés par une scolarité orthodoxe antérieure qui n’admet jamais les massacres qu’elle occasionne. Ils accueillent chaleureusement ces jeunes écorchés. Ces jeunes témoignent de leur parcours et des raisons pour lesquelles ils ont décroché : un système scolaire inadapté, des relations éducatives dévalorisantes, voire traumatisantes, une relégation vers les filières professionnelles, vécue comme une déchéance. La philosophie, les pratiques et les relations que l’équipe éducative développe dans ce lycée sortent du conformisme habituel. Longhi a démontré qu’avec les moyens du bord, avec une équipe de professeurs motivés, avec la collaboration des parents et des élèves, il était possible de créer une école aux dimensions humaines. Car pour que ces adolescents puissent se reconstruire, il importe de créer un autre rapport aux adultes et de leur permettre de montrer leurs compétences personnelles.

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Le Feuillet de la Salle des Pros, n°3 Différentes classes ou structures ont ainsi été mises en place en fonction des profils des jeunes, de leurs besoins, de leurs capacités : • « Le lycée du temps choisi » respecte les rythmes de travail des jeunes et les prépare aux baccalauréats littéraire, scientifique et technologique. Les cours s’étalent sur une ou deux années et les élèves peuvent établir des priorités dans les cours proposés. Les élèves accueillis dans ce lycée ont généralement décroché à partir de la première (système français). • « Le lycée intégral » accueille des élèves qui sont en décrochage depuis un ou deux ans. Ce lycée les remet à niveau et vérifie s’ils sont aptes à poursuivre des études. • L’opération « ENVOL » (Enseignement par Niveau pour une Voie d’Orientation en Lycée ) donne aux lycéens qui décrochent à n’importe quel moment de l’année scolaire la possibilité d’être accueilli au lycée. Elle met en place un accompagnement du jeune pour préparer l’année scolaire suivante et éviter qu’il ne développe une image négative de soi. • « La ville pour école » accueille les adolescents exclus de collèges ou de lycées professionnels. « Grâce à un va et vient méthodique entre l’école et leur environnement, ils reprennent goût aux études et préparent un débouché dans l’enseignement professionnel, l’apprentissage ou des études standard. Ce système intègre l’élève dans une logique d’intégration et de socialisation reposant sur le lien qu’il tisse entre ses professeurs et de nombreux professionnels dans des secteurs comme ceux de l’art, de l’humanitaire, du sport, de la cuisine ou de l’informatique. » • « Le lien » accueille des jeunes qui ne s’intègrent dans aucune des structures précitées. Le jeune est dispensé momentanément de cours à cause de ses problèmes personnels. Il est invité à effectuer des expériences dans divers domaines d’activité sous la tutelle d’un professeur référent. • « Le lycée de la solidarité internationale » prépare les collégiens à passer au lycée tout en s’engageant dans des actions de solidarité envers le tiers monde et le quart monde. Les périodes de formation et les contenus d’apprentissage varient d’une structure à l’autre et permettent une forte différenciation. Chaque jeune peut ainsi progresser à son rythme, reprendre goût à l’école, redonner du sens à sa vie, retrouver une qualité de vie. Certaines structures proposent des possibilités de réorientations et d’accès au lycée et aux études supérieures. Les jeunes rencontrent là des adultes structurants et sécurisants. Les règles de vie existent. L’écoute se vit au quotidien. Les relations avec les familles sont privilégiées. Il en résulte un épanouissement personnel, une reprise de confiance en soi, car le jeune sent que l’on stimule ses aptitudes sans jamais souligner ses lacunes. Du coup, il révèle des dispositions personnelles dont il ne soupçonnait même pas l’existence. Les adolescents en témoignent : "Les profs ont envie qu’on réussisse et qu’on travaille pour nous. On a les parents à la maison, le tuteur à l’école : on est entouré." Des piliers communs Ces dispositifs balisent le cursus scolaire et varient selon les âges et les besoins spécifiques des jeunes. Pourtant, certains aspects communs les traversent et constituent des points d’appui utiles pour penser l’accrochage : • Un moratoire concernant la scolarité : il s’agit d’apurer la dette scolaire (échecs, réorientation, sanctions disciplinaires, …), de repartir à zéro. • La majoration du rêve, sans créer l’illusion : le décrocheur est en rupture avec son avenir. Aussi, il se retient d’imaginer son avenir vu qu’il a une image négative de lui-même. Il s’agit donc de reconnaître toute forme d’élan, si faible soit-il. • La modification du calendrier scolaire : moins d’école pour plus d’étude ! Il s’agit d’atténuer la pression de l’école et d’accepter qu’ils ne soient pas disponibles pour l’école quand la vie est trop lourde. Il s’agit par exemple de leur accorder la parenthèse du chagrin, de leur laisser un peu de temps où glisser ce qui va leur permettre de tenir. • La reconnaissance de l’exogène : les expériences extérieures à l’école sont aussi des facteurs de formation (musique, organisation d’événements, monde associatif, expérience du travail, sports). Il s’agit de les reconnaître comme des savoirs en tant que tels et de les valider comme faisant partie de l’ensemble de la formation de l’élève.

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Un éclairage généalogique : si on sauve ces jeunes, on sauve aussi les générations suivantes, leurs enfants, qui seront réconciliées avec l’école. On aide aussi les générations précédentes, leurs parents, qui sont souvent aussi en rupture avec l’école. Il est essentiel de leur montrer qu’il y a des enseignants debout qui croient en eux et en leurs enfants, cela constitue un signal très fort pour ces jeunes, leurs parents et leurs futurs enfants.

La dégringolade du décrochage Le décrochage est un processus insidieux. Il est essentiel de pouvoir le détecter dès les premières phases pour agir très vite, là où c’est encore possible au sein même des structures ordinaires. Sur base d’entretiens avec des jeunes décrocheurs (qui ont raccroché), on peut identifier 7 phases successives dans ce processus : 1. Se faire une raison pour continuer : par loyauté vis-à-vis des parents, parce que c’est obligé, parce que coincé là pour préparer son avenir… 2. Subir sans faillir : perte de motivation, du sens de l’effort ; il résiste parce qu’il y a un pacte avec les parents. 3. Feinter sans risque de se faire vider et jouir de la transgression, avec les parents qui le couvrent un peu… 4. Jouer avec le feu : passer de l’autre coté, mentir, falsifier, le pacte avec les parents se rompt, la famille se fâche. 5. Rompre les ponts : absentéisme, se présente comme victime. 6. Arriver au point de non-retour : parfois ici, l’institution exclut, ne réinscrit plus l’élève. Il est d’abord soulagé, d’autant plus si les parents vivent cela comme un tort de l’école. 7. Prononcer le divorce avec l’école : en dehors de l’école, il y a une reconversion totale par rapport à son métier de lycéen. Une réflexion élargie à tous En réalité, contrairement à ce qu’on pourrait croire, très peu d’ados veulent totalement couper avec l’école. Avec un cours oui, un prof précis oui, mais pas toute l’école. Bon nombre sont dans les couloirs mais ils sont à l’école. Pour les aider, pourquoi ne pas se donner des marges de liberté au sein d’un système institutionnel qui semble rigide, parfois contradictoire et souvent incompatible avec des aménagements qui ne prennent pas appui sur une obligation de résultats… Car est difficile de mesurer des résultats dans le cadre du décrochage, où l’on peut juste observer un « mieux-être ». D’où l’importance de mettre en place des dispositifs favorisant ce « mieux-être ». Ainsi, un « café-psycho » a été instauré au Lycée Einstein. Ce n’est pas une structure thérapeutique, mais juste un lieu de parole et de rencontre informelle, en groupe, où les jeunes peuvent discuter à bâtons rompus de certains sujets choisis par le groupe, en compagnie d’un adulte bienveillant qui est psychologue. Selon Marcel Rufo (pédopsychiatre à Paris, spécialiste de l’adolescence), la phobie scolaire et le décrochage peuvent aussi s’ancrer dans une souffrance familiale. Le jeune peut avoir peur de quitter la maison, s’il s’y passe des choses dures, et par loyauté envers sa famille, il se sentirait mal s’il n’était pas là… Il faut cependant rester humble et tolérant vis-à-vis des parents, d’autant plus que l’histoire familiale est un élément sur lequel on a moins de prise. Quand on est soi-même parents d’ados, on comprend mieux certaines choses et on évite de fossiliser les parents dans certaines images figées. De plus, il n’est pas toujours évident pour l’école de trouver la juste distance avec les parents, car elle doit rester pour les ados un lieu de vie bien à eux, un monde à s’approprier en dehors des parents, et il reste essentiel de respecter le projet d’autonomie de l’adolescent et dès lors la distance qu’il met entre lui et sa famille. Une réflexion sur le sens peut aussi être menée avec les élèves, sur le pourquoi des notes, sur la discipline, tout cela favorise l’adhésion et la motivation pour l’école. Une équipe d’enseignants et d’éducateurs soudée est aussi un facteur d’adhésion. C’est encore et toujours une question de lien : lien entre eux, lien entre nous, adultes, lien entre eux et nous, et enfin lien entre eux et les apprentissages… Le simple fait de formuler, cela crée une dynamique porteuse qui peut aider.

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Le Feuillet de la Salle des Pros, n°3 Une question rapportée par le groupe : certains participants regrettent qu’il y ait souvent peu de cohérence et de cohésion dans les équipes pédagogiques. La question de l’éthique et de la déontologie des enseignants mériterait d’être creusée davantage. Car bon nombre de profs fonctionnent sur leurs propres représentations du monde, de l’école, de l’enseignement, du décrochage. Il semble qu’il y ait dans ce métier beaucoup d’affectif, et très peu de rationnel, de retour à la réalité et de retour sur soi… Contrairement à ce que certains pourraient penser, être décrocheur est loin d’être un plaisir, loin d’être facile. Jamais. Quand des dispositifs d’accrochage sont proposés, ce n’est pas un cadeau qu’on leur fait, ils n’ont rien à « expier »… Or, l’école fonctionne souvent sur le mode expiatoire… Il ne s’agit donc pas ici de voir si tous les jeunes auraient droit à de telles structures, de remettre en question tout le système ou de proposer un nouveau système pour tous, mais il s’agit de créer des dispositifs pour rendre l’école la plus inclusive possible, pour répondre à des problèmes réels et des jeunes en souffrance, et pour tenter de sauver ceux qui se perdent… La question est tout simplement de savoir comment je peux faire pour que mon école soit un petit rayon de soleil pour ces jeunes … Il s’agit donc de commencer par épuiser tous les moyens dont nous disposons en interne avant de reporter les causes sur l’extérieur. « A chacun de balayer devant sa porte… » Chaque professeur a cette responsabilité-là, mais ne peut pas tout, chaque direction également. Il y a d’autres éléments que les parents peuvent aussi prendre en charge. Il est donc évident que le décrochage et ses causes restent une question très complexe, mais il y a une estime minimale qu’en tant qu’adulte, on doit aux ados… Quelques commentaires au terme de cette rencontre : Ce qui fait écho : Très bon exposé qui recadre le décrochage dans un contexte plus large. Des idées et expériences intéressantes qui traitent au cas par cas, et me confortent dans l’idée de la créativité. Importance de la conscience professionnelle, du sens de l’observation et de l’analyse pour détecter les décrocheurs potentiels. Ce qui questionne : Comment faire en tant que prof pour qu’ils ne décrochent pas ? Ou pour les raccrocher s’ils sont décrochés ? Comment valoriser les activités extrascolaires dans le parcours scolaire ? Comment motiver les jeunes à prendre en main leur avenir dans le climat actuel où tant de portes leur semblent fermées ? La rentabilité n’est-elle pas privilégiée par rapport à un réel projet de vie ? Ce qui donne envie : Favoriser la communication et développer une déontologie dans notre équipe éducative. M’intéresser davantage au ressenti des ados qui décrochent. Venant d’un service d’accrochage, je découvre les questionnements des acteurs directs de l’école, et l’envie d’échanger davantage avec eux.

Des lectures complémentaires Gouvernement du Canada Ministre d’Etat à la jeunesse. Guide d’intervention et d’activités pour prévenir l’abandon scolaire : « Les petits pas… ». Université du Québec à Trois Rivières. (A consulter au DET-FUNDP) Longhi, G. & Guibert, N. (2003). Décrocheurs d’école. Redonner l’envie d’apprendre aux adolescents qui craquent. S.I. Editions de la Martinière. Pierrelée, M.D. & Baumier, A. (1999). Pourquoi vos enfants s’ennuient en classe. Une place pour chacun dans un collège pour tous. Editions La Découverte et Syros. Paris. Prot B. (1998). Profession motivatrice. Réveiller le désir d’apprendre au collège et au lycée. Éditions Noêsis. Paris VI. Rey F., Sirota A. (2007). Des clés pour réussir au collège et au lycée. Erès. Viau R. (1994). La motivation en contexte scolaire. Bruxelles. De Boeck Université. DVD : Dvd Anthéa (2005). L’enfant en mal d’apprendre : le repérer, le comprendre, l’aider. Collection Parole Donnée - DVD. Sites Internet : Recherche sur le décrochage menée par le DET-FUNDP en 2005-2007 : Pourquoi certains élèves décrochent-ils au secondaire alors qu’ils ont bien réussi dans l’enseignement primaire ? Comprendre les processus et les mécanismes des différentes formes de décrochage scolaires et construire des solutions avec les acteurs de terrain : http://www.enseignement.be/@librairie/documents/ressources/114/index.asp http://ecolesdifferentes.free.fr/changer.html (écoles secondaires alternatives en France)

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Le Feuillet de la Salle des Pros, n°3

Construire la relation avec les ados… Par Charles Caouette, professeur émérite de psychologie à l’Université de Montréal, à l’initiative de la création de l’école «Le Vitrail », le 18 avril 2008. « Psychonévrosés, je vous salue… Vous qui voyez quelque sensibilité dans l’insensibilité du monde, … Vous les insolites, les isolés, … je vous salue.» … Même si, par ce texte, notre conférencier affirme sa volonté de provoquer, de questionner…le ton est donné !

Notre mission éducative … Charles Caouette se dit surpris d’entendre des enseignants lui dire leur difficulté : « Nous aimerions retrouver la foi dans ce que nous faisons ». Or, être enseignant, c’est avant tout être éducateur : la mission d’éducation propre à notre métier d’enseignant n’est-elle pas la plus belle ? Cette mission, qui est de notre responsabilité, consiste à aider des personnes à donner du sens à leur vie. Car la vie n’a que le sens qu’on lui donne. Etre un éducateur en relation avec l’adolescent nécessite de pouvoir d’abord être en relation avec soi. Se donner du temps pour soi, pour se ressourcer, pour écouter sa voix intérieure, pour questionner ses valeurs, ses choix… Il s’agit là d’un point d’ancrage essentiel. Etre en relation avec un adolescent, c’est être en relation avec un être en croissance, en mouvement. Notre première responsabilité d’éducateur est donc d’être soi-même en mouvement et en croissance. Il s’agit de se nourrir pour pouvoir les nourrir ; se stimuler pour pouvoir stimuler… Les jeunes perçoivent très vite les adultes résignés, qui ne sont pas là, devant eux, par choix mais par obligation ou par nécessité. Il est alors très facile pour eux de leur renvoyer en miroir des « Moi non plus, je n’ai pas choisi ! ». Repenser ses choix et les poser de manière authentique est une des responsabilités de l’éducateur car sa mission est d’aider les jeunes à devenir vrais, capables de penser par eux-mêmes. Le respect de l’Autre et de ses différences Les jeunes et les adultes ont les mêmes besoins : le respect de soi d’abord, et le respect des autres. Or, à l’école, on est souvent dans une pédagogie de la vérification pilotée par des normes qui visent à homogénéiser les classes. L’institution est très sévère à l’égard des jeunes qui sont différents et qui demandent à être respectés dans leurs différences. Le texte « l’école des animaux » illustre bien cet écueil et les travers d’une gestion de l’uniformité qui ne permet pas aux potentiels spécifiques de s’exprimer. On parle de différenciation, mais est-ce possible ? Quand un curriculum existe, comment aider le jeune à vivre sa différence et à se sentir valorisé dans sa différence ? L’école secondaire du Vitrail, créée par Charles Caouette en 2001, est bâtie sur l’image qui fait son nom. Dans un vitrail, tous les morceaux sont différents, c’est l’harmonisation de ces différences qui fait sa beauté. Si on enlève un morceau de ce vitrail, tout le vitrail en sera moins beau. La présence de chacun, dans sa différence, est importante. La différenciation se situe au niveau des valeurs, le respect y étant fondamental. Les décrocheurs, ces jeunes qui se sentent de trop dans le système, qui ne s’y adaptent pas, nous sensibilisent au « mal de vivre » à l’école et peut-être, aux limites du système qui ne donne pas la possibilité d’apprendre à vivre à tous. Ces jeunes nous questionnent, eux que l’on voudrait voir réintégrer le système et pour lesquels sont prises de nombreuses initiatives afin de les aider à retrouver le chemin de l’école… Ces jeunes ne sont-ils pas en train de nous éveiller à une problématique plus lourde, alors que nous nous évertuons à tenter de soigner une maladie porteuse d’un message qui nous dérange… ?

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Le Feuillet de la Salle des Pros, n°3 La confiance en l’Autre La démarche traditionnelle proposée par l’école repose sur un apriori de compétences : « Prouve-moi que tu es capable, et je pourrai te faire confiance et enfin te donner quelques libertés ». Au Vitrail, et dans le mouvement éducatif alternatif, cette démarche est inversée : « Je te fais d’emblée confiance, je t’accompagne ensuite dans ta prise de liberté, et grâce à cela, tu développes des compétences et tu apprends à prendre des responsabilités ». Cette démarche prend appui sur le pari de l’éducabilité et un regard positif sur le potentiel du jeune. L’enseignant, face à soi et au changement Un malaise est souvent perçu dans l’école actuelle. Pour un enseignant, il est important de pouvoir se questionner sur deux points pour éviter le burn out : « Quelle est l’éducation à laquelle je crois ? » et « Qu’est-ce que j’attends pour faire ce en quoi je crois ? » Le métier d’enseignant est exigeant. Il demande d’être constamment en mouvement et performant. Il est donc important de pouvoir prendre du temps pour soi, pour redéfinir ses propres priorités. L’identification de nos valeurs personnelles participe à la prise en charge de nos responsabilités professionnelles car dans l’éducation, nous avons la responsabilité de faire ce en quoi nous croyons. Deux stratégies de changement pour davantage de cohérence : - cesser de faire des choses auxquelles on ne croit pas - identifier les choses auxquelles on croit et les faire… Chacun peut jouer ce rôle de DOMINO qui dans une chaîne, utilise son énergie pour se relever et dans ce mouvement, en emmène un autre, qui de domino en domino, en relève un autre et ainsi de suite. Chacun, de sa propre place, avec son propre pouvoir, peut ainsi apporter un peu de changement. Evidemment, il est souvent difficile de prendre cette responsabilité, d’affirmer notre autonomie dans un système où les pressions sont fortes. Néanmoins, l’énergie pour se résigner au statu quo est équivalente à celle nécessaire pour changer. C’est donc une question de choix… Mais gardons en tête qu’un enseignant résigné, peu autonome par rapport à son programme et aux exigences, aura bien des difficultés à rendre ses élèves autonomes… Car pour les rendre autonomes, il est indispensable de leur laisser des zones de liberté, et avant tout, de s’en donner ! Le relation éducative = une relation de réciprocité La relation éducative est une relation dans laquelle un adulte met son pouvoir personnel, ses compétences, son statut au service du processus de croissance de l’enfant ou de l’adolescent avec lequel il est en relation, pour l’aider à devenir la personne qu’il ou elle choisit d’être, comme humain et comme citoyen, et surtout comme être unique ; pour l’aider également à être responsable de sa santé physique, intellectuelle et spirituelle … Etre soi, dans sa spécificité et dans ses différences Comment, dans une société où la moyenne est la norme, oser être différent et être bien? Comment être simplement différent, sans être classé dans une catégorie pathologique ? Actuellement, beaucoup de jeunes essaient de correspondre aux attentes et de se conformer, et ne s’autorisent donc pas à être différents. Or, sachant que l’identité s’affirme dans l’opposition à la norme, ne devrait-on pas être rassuré face à un jeune qui se permet d’être différent, d’être unique ?... Actuellement, une grande difficulté des ados est la solitude, le sentiment d’être de trop, d’être une source de stress, une source de dépenses, et d’être réduit à une note, au jugement des adultes, de l’institution… Cette solitude et ce « trop », ils les vivent d’abord au sein de leur milieu familial. Les repas ne sont plus partagés, les bulletins et les notes sont au centre des préoccupations… Or, la famille est aussi un lieu d’éducation : pourquoi ne pas éveiller les parents à l’importance de se rendre réellement disponibles pour leurs enfants, d’être présents et en communication, mais pas via les devoirs et le travail scolaire, sans quoi l’école risque d’envahir cette relation si importante qu’est celle des parents avec leurs enfants. Ne perdons pas de vue que chaque enfant est bien plus qu’une note… Il essaie d’être le mieux qu’il peut en fonction des parents qu’il a, de ce qu’il est , de son contexte, …

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Le Feuillet de la Salle des Pros, n°3 L’école comme milieu de vie L’école ne pourrait-elle être pensée comme un milieu de vie ? Un lieu où : - les différences pourraient être acceptées et valorisées, chacun ayant le droit fondamental à sa différence. - chaque jour pourrait être potentiellement extraordinaire et unique. - on pourrait prendre le risque de se dépasser. - on donnerait du temps à chacun pour construire sa route. - le but serait d’arriver à développer le potentiel de chacun. - chacun aurait l’occasion de vivre des expériences de réussite. Au Vitrail, trois valeurs fondamentales, connues de tous, sont partagées, pratiquées, discutées en permanence avec les jeunes, leurs parents et les enseignants. Il s’agit de : - respect de soi, de l’autre et de l’environnement. - collaboration. - responsabilité. Les jeunes sont tous bien au clair avec ces valeurs. Ils les vivent au quotidien et apprennent à s’exprimer par rapport à ces trois valeurs qui leur servent de cadre commun et les aident à apprendre et à vivre ensemble. Deux messages en guise de synthèse… Le risque des « bons » élèves que nous sommes est de croire que l’école, telle qu’elle est actuellement, est efficace puisqu’elle nous a permis d’arriver où nous sommes… Mais est-ce l’école qui a été bonne ou bien nous qui avons été bons avec elle ? Gardons en tête ces deux questions : quelles sont nos vraies valeurs d’éducation et comment nous donner les moyens de faire ce en quoi nous croyons… et ainsi aider les autres à croire en eux ? « Ton avenir t’appartient Il y a en toi tous les possibles, Tout ce que tu voudrais être Toute l’énergie pour accomplir ce que tu veux réaliser …» (Donald Levine) Quelques commentaires « Merci pour ce ressourcement, vous m’avez donné la possibilité de prendre du temps pour moi… » « Je me réjouis de partager ces textes avec mes collègues pour en faire une source de réflexion d’équipe, et ainsi questionner les dispositifs d’accrochage que nous mettons en place. » « Une belle rencontre ! Agréable, mobilisatrice, enthousiasmante… Un nouveau souffle pour soutenir mon équipe. »

Pour aller plus loin… Caouette. C. (1992). Si on parlait d’éducation. Pour un nouveau projet de société. VD Editions. Caouette. C. (1997). Eduquer pour la vie. Ecosociété. Caouette, C. (2001). Vivre sa vie pour la réussir. Entrevue, dans la revue RND. http://www.revuernd.qc.ca/images/pdf/j21e.pdf Site de l’école le VITRAIL : http://www.csdm.qc.ca/le-vitrail/

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Oser autre chose pour un autre demain Présentation du projet des Nouveaux Rythmes Scolaires, par l’équipe du Collège Pie 10 de Châtelineau, le 19 mai 2008. La dernière rencontre de la Salle des Pros de cette année scolaire 2007-2008 nous a permis de rencontrer l’équipe du collège Pie 10 de Châtelineau qui nous a présenté leur projet des « Nouveaux Rythmes Scolaires ». Ce dispositif innovant, mis en œuvre dans cet établissement depuis trois ans dans le cadre de la lutte contre l’échec scolaire, est simple dans la forme : à chaque période de cours, on enlève cinq minutes. L’ensemble de ces minutes récupérées permet de dégager trois périodes qui sont utilisées dans toutes les classes pour du tutorat et des ateliers. Il est évident que si le principe de base est simple, la mise en œuvre est de loin plus complexe… Le contexte Le collège Pie 10 propose trois filières : une filière d’enseignement général (EG), avec des options d’arts d’expression, de latin et de sciences sociales, une filière de techniques sociales et une filière d’électromécanique. Il y a environ 540 élèves, dont 380 en EG, et une soixantaine de professeurs. La population de cette école est très diversifiée : certains élèves viennent de milieux familiaux très précaires, surtout au premier degré, ce qui donne au collège son statut d’école D+. D’autres élèves viennent de familles culturellement porteuses qui ont choisi Pie 10 pour son ouverture d’esprit et son sens du projet. Laurent Divers, le nouveau directeur depuis janvier 2008, profite du recul que lui donne son entrée toute fraîche dans le projet pour nous proposer une vision claire et synthétique de la complexité d’une telle entreprise... Il y a quatre ans, dans le cadre de la lutte contre l’échec, une délégation d’enseignants et leur directeur, Paul Timmermans, se sont rendus au Collège et Lycée Expérimental d’Hérouville-Saint-Clair (CLE de Caen) pour découvrir le fonctionnement de cette école secondaire alternative. De retour à Châtelineau, ils s’en sont inspirés pour créer avec toute l’équipe le projet des Nouveaux Rythmes Scolaires. Concrètement, il s’agit de retirer cinq minutes à chaque période de cours et d’organiser des ateliers et du tutorat sur les trois périodes hebdomadaires ainsi récupérées. Ce projet-pilote, soutenu par le cabinet de Marie Arena, arrive au terme de sa troisième année de fonctionnement. Les ateliers Trois types d’ateliers sont ainsi proposés aux élèves : des ateliers de remédiation, en lien direct avec les disciplines scolaires ; des ateliers de dépassement et des ateliers de développement personnel, très variés, qui permettent de « développer des compétences autrement » (par ex. chimie et gastronomie, voix, archéologie, court métrage, journalisme, bonnes manières, sciences et sens, improvisation, brevet de sauvetage de la Croix Rouge, etc). Une cinquantaine d’ateliers fonctionnent ainsi tous les jeudis après-midi pour toutes les classes, toutes filières confondues. Si les élèves ont ici l’occasion de découvrir de nouveaux horizons, les professeurs ont, quant à eux, l’occasion de partager leurs passions, d’être créateurs et audacieux, loin des contraintes des programmes… Ces ateliers poursuivent différents objectifs en lien direct avec l’accrochage scolaire : le bienêtre à l’école et le plaisir d’apprendre, l’éveil de potentiels et la découverte d’autres compétences que celles habituellement sollicitées par l’école. Le débat reste cependant ouvert en permanence sur le juste équilibre à trouver entre ateliers de remédiation, liés aux cours, aux matières et aux notes, et ateliers alternatifs, pour le seul plaisir d’apprendre… Par contre, deux semaines avant les périodes d’examens, les ateliers s’arrêtent et le temps récupéré est utilisé pour préparer les sessions. De plus, après les examens de Noël, des séances de remédiation sont organisées pour les élèves en échec, en vue d’examens de récupération, proposés toujours sur le temps des ateliers. Il semble que ce dispositif de remédiations-récupérations a un impact sur la réussite, du moins au premier degré où 70 % des élèves étaient en situation de réussite à Pâques. Ces ateliers semblent actuellement porter leurs fruits : les élèves sont très présents quand il s’agit de réaliser un projet concret. Ils font preuve d’autonomie et peuvent être fiers d’eux-mêmes. De plus, on peut compter sur eux.

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Le Feuillet de la Salle des Pros, n°3 Cette fiabilité, cette autonomie et cette fierté sont des signes de réussite, si pas scolaire, du moins au niveau humain, ce qui est essentiel pour certains jeunes qui ont perdu l’estime d’eux-mêmes. Bien sûr, tout n’est pas simple et des difficultés existent. Au troisième degré par exemple, une certaine lassitude s’installe car les ateliers s’étalent sur toute l’année, et le tutorat est moins nécessaire vu leur âge. Mais le projet est en régulation permanente et reste un processus, toujours dynamique : bien des choses vont encore être changées en septembre, essentiellement au niveau des ateliers du troisième degré. Le tutorat Parallèlement, des ateliers, des séances de tutorat sont organisées sur le temps récupéré. Chaque professeur est ainsi tuteur ou tutrice d’une demi classe. La période hebdomadaire qui y est consacrée (deux périodes au premier degré, car s’ajoute en plus la période d’activité complémentaire IVS) sert à travailler autant les méthodes de travail (organisation, planning, techniques de concentration ou de mémorisation etc.) que le développement personnel, les problèmes de comportement, la dynamique de groupe ou la gestion du stress (relaxation, respiration…) ou encore en début d’année, l’accueil, la charte de la classe, le carnet d’adresses des élèves etc. C’est aussi un temps consacré aux conseils de tous, Pie 10 étant une école avec un fonctionnement participatif qui fait partie intégrante de la culture d’établissement. Selon Bernard Loverius, coordinateur du premier degré et professeur, ce temps de tutorat est très bien vécu par les élèves. Il s’agit d’un lieu de dialogue très précieux pour solutionner certains problèmes ou désamorcer bon nombre de tensions. C’est aussi dans le cadre de ce tutorat qu’en 2ème se donne un atelier d’orientation qui aide les jeunes à mieux se connaître et mieux connaître les options proposées au deuxième degré, que ce soit à Pie 10 ou ailleurs. Des stages très courts leur sont aussi proposés pour découvrir le monde adulte et le monde du travail, et surtout confronter leurs rêves à la réalité. Il semble que déjà les effets de ce travail sur l’orientation se fassent sentir car les élèves de troisième présentent moins de problèmes que par le passé. Cependant, il reste que pour certains enseignants, des difficultés existent et tous ne sont pas preneurs, notamment faute de formation : quelques-uns ne se sentent pas suffisamment outillés pour assumer ce nouveau rôle de tuteur. De ce fait, un carnet de tutorat a été créé par quelques enseignants porteurs du premier degré Il sert de support commun aux tuteurs et tutrices. Ce carnet contient une variété de pistes et d’idées d’activités possibles pour aider au mieux les enseignants à assumer leur nouveau rôle. Ce carnet de tutorat se trouvera bientôt sur le site du collège : www.pie10.be. Le dispositif interne d’accrochage scolaire Extraits du texte de Régine Michaux, responsable du Lien. « C’est dans le cadre de la discrimination positive et de la lutte contre l’échec et le décrochage que s’est créé le dispositif interne d’accrochage scolaire de Pie 10, très vite baptisé « Le Lien ». Nous voulions lui trouver un nom qui nous identifierait facilement et qui porterait tous nos choix de travail, nos objectifs et nos espoirs. A la fois cette certitude que c’est le déliement de certains fils qui sont à la base de la problématique du décrochage mais aussi de certains nœuds qui bloquent. Certitude aussi que le berceau des solutions naîtrait du travail permettant à la personne de d’abord se remettre en lien avec elle-même, avec les autres ensuite mais aussi de s’inscrire dans un tissu social avec une perspective d’avenir. Un travail créateur ou recréateur de liens et de sens. Le Lien, c’est aussi un lieu. Une grande pièce confortable avec tous les éléments techniques indispensables à un travail de qualité (ordinateur, téléphones, répertoires…) où vont être accueillis les élèves. Il est primordial que ce lieu soit accueillant et humain. Il va être à lui seul, au travers de son ambiance, un trait d’union possible entre les deux mondes dans lesquels vivent le jeune et ses parents, un lien entre l’école et la maison. C’est là où on va prendre le temps de s’arrêter sur soi. Le travail qui va se déployer dans ce lieu et dans ce temps revêt deux grandes perspectives, une première, plus individuelle, solidarisée à une seconde, plus collective. Pour l’aspect individuel, il y a d’abord un travail quotidien de déminage. Le moment de l’accueil le matin est primordial, c’est le pont entre le dehors et le dedans. C’est un travail indissociable d’un esprit d’équipe, les éducateurs sont particulièrement attentifs à ce qui se passe, se vit dans l’école. Ils sont des partenaires privilégiés. L’élève peut être rencontré à sa propre demande ou celle de son accompagnateur éducatif et/ou pédagogique voire de ses parents. Si la demande ne vient pas d’eux, ils ont toujours le choix de venir ou pas. Leur adhésion

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Le Feuillet de la Salle des Pros, n°3 est indispensable pour mener un travail d’accompagnement efficace. Détachée d’un centre PMS, je suis donc tenue au secret professionnel comme n’importe quel agent de cette institution. La première étape, pour l’élève, c’est de franchir la porte… Ensuite, d’apprendre à mettre des mots sur son ressenti, son vécu. L’élève parle. J’écoute, j’observe, je vérifie si je comprends bien. Nous mettons à plat une problématique parfois un entrelacs de problématiques. C’est l’étape de la reconnaissance de la difficulté. Nous essayons d’établir une carte des fragilités et des forces. Cette idée de fragilité, je la tiens de Jean, un professeur qui fait un travail similaire au mien à Sainte-Marie Jambes. C’est un grand philosophe de la vie et son idée, c’est qu’une fragilité, c’est la source d’une force future. Alors, l’élève et moi, nous analysons. Nous cherchons et nous dessinons des pistes de solutions. Le nous, c’est parfois aussi d’autres acteurs selon le besoin. Nous activons alors un travail d’accompagnement du jeune qui rassemblera autour de la table, à un moment au moins, tous les acteurs qui jouent un rôle dans son histoire : l’élève, ses parents, son éducateur, son coordinateur, son tuteur, parfois des organismes extérieurs comme le SAJ ou une AMO, le PMS aussi parfois et moi. C’est là que nous allons décider de ce que nous allons faire, tous ensemble. Chacun repartira avec un engagement, un ordre de mission concrète. Ce travail est inconcevable sans son pendant collectif si nous voulons travailler efficacement. En effet, faire porter le poids du décrochage sur les seules épaules de l’élève, voire de sa famille, c’est ignorer un pan du phénomène qui est plus structurel, économique et social. Si nous l’ignorons, nous participons, consciemment ou pas, à la pérennité de la problématique et nous entretenons la reproduction sociale. L’école dans laquelle je travaille réfléchit et s’inscrit comme chercheuse dans l’action sur les causes du décrochage et de l’échec scolaire. Elle a décidé de s’attaquer aux causes internes et mis en place une série d’innovations pédagogiques pour tenter d’y faire face. Pour ma part, au niveau collectif, je participe aux conseils de tous, aux conseils de classe, aux réunions d’éducateurs. Nous avons des concertations régulières avec les coordinateurs. J’accompagne également le travail des tuteurs en essayant de réfléchir avec eux aux problèmes qu’ils rencontrent, en les écoutant, en étant présente à leur mutation de pédagogue apprenant. J’ai accompagné une formation à la communication non violente d’une quinzaine de professeurs et éducateurs. Nous travaillons à l’infusion au sein de l’école de cette approche en trois étapes : « Je ressens, j’ai besoin, je demande ». Je participe également au travail de coaching des délégués d’élèves et à l’apprentissage de la citoyenneté responsable. Actuellement, avec l’équipe éducative, j’accompagne 54 jeunes, avec des degrés de décrochage divers, du simple au compliqué pour une quinzaine d’entre eux. Ce qui représente, à l’unité près, 10% de la population scolaire. En ce qui concerne l’évaluation de tout ce travail, je dirais que les critères sont difficilement généralisables. Pour certains, ce sera l’amélioration des cotes et des résultats scolaires. Pour d’autres, ce sera l’apprivoisement d’une attitude simplement plus scolaire. Pour d’autres encore, le changement d’orientation ou l’arrêt de la scolarité et le départ dans le monde adulte. Le critère le plus important à nos yeux, c’est que le jeune redevienne acteur de sa vie et se mette en action. C’est en tout cas travailler à une remise en ordre de sa vie. C’est l’aider à reposer des bases, des perspectives, à remettre des limites souvent ou à enfin les mettre. C’est prendre un nouveau départ, un nouveau cap, le chemin de l’estime de soi. » Le TFE comme dispositif de valorisation en 6ème TS Pour Daniel Massart, coordinateur des Techniques Sociales et enseignant, le projet des Rythmes Scolaires a apporté, en plus des activités de tutorat et d’ateliers, une stimulation à innover à d’autres niveaux, et plus particulièrement au niveau des pratiques pédagogiques dans le cadre des cours ordinaires. Cela est facilité du fait que les enseignants disposent, pour la plupart, de cours groupés par périodes de 90 minutes, permettant d’autres approches. Ainsi, en 6ème TS, les élèves sont amenés à réaliser un travail de fin d’études sur base de leur expérience de stage. Le simple rapport de stage se voit désormais transformé en une sorte de « chef d’œuvre » final qui relie toutes les disciplines autour d’un thème choisi par l’élève, en lien avec son lieu de stage. Ce TFE permet aux élèves de mettre un maximum de compétences en œuvre : analyser, effectuer des recherches, synthétiser des documents, critiquer ses sources, relater des informations ou observations, rédiger, se gérer en toute autonomie … Il s’agit donc d’une épreuve intégrée qui leur permet de montrer leurs compétences et leur autonomie, mais aussi leur sens des responsabilités et leur fiabilité. Par ce biais, bon nombre d’élèves retrouvent leur fierté par la

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Le Feuillet de la Salle des Pros, n°3 réussite d’un travail personnel exigeant. Ils sont très cadrés, guidés et accompagnés par leur enseignant, qui leur procure une structure de base et des consignes claires, régulièrement rappelées. Du début à la fin, ils sont encadrés par un promoteur qu’ils choisissent parmi leurs professeurs. Ce cadre rigoureux garantit à (presque) tous, la production d’un travail de qualité. Il est rare que l’un d’eux échoue, même s’il est dur pour la plupart d’arriver à se gérer efficacement dans ce type de démarche : c’est tout un apprentissage ! Or, à l’école, on leur demande souvent de produire des choses qu’ils n’ont pas apprises, comme si toutes ces compétences allaient de soi… Cette démarche, en lien direct avec le constructivisme et l’Education Nouvelle, leur propose de partir du complexe pour apprendre, ce qui constitue bien souvent pour eux un défi qui les motive. Cette démarche pédagogique est en réalité un dispositif d’accrochage scolaire en soi, car elle répond au besoin de sens des élèves, qui choisissent leur thème de travail en relation directe avec leur stage, leur futur métier, leur projet personnel. Elle répond aussi au besoin de lien et de relations de qualité, car elle est encadrée par des adultes bienveillants et structurants qui soutiennent l’élève et cadrent son travail. Elle répond enfin au besoin de reconnaissance, de fierté personnelle et d’estime de soi, car les élèves ont là l’occasion de montrer ce dont ils sont capables et surtout de vivre une expérience de réussite, personnelle et reconnue. Pour des élèves au parcours souvent chaotique, fragilisés par des échecs successifs, ce résultat est loin d’être négligeable… L’accompagnement du Département d’Education Depuis le début de sa mise en oeuvre, le projet des Nouveaux Rythmes Scolaires a été accompagné par le Département d’Education et de Technologie des FUNDP de Namur. Cet accompagnement a été demandé par l’équipe de Pie 10 pour garantir au maximum la pertinence pédagogique des actions et décisions, pour outiller les enseignants demandeurs dans leurs nouvelles tâches et pour apporter un regard externe, plus à distance et donc souvent plus lucide, dans une posture d’ami critique. Lors de la première année du projet, cet accompagnement a davantage ciblé une présence sur le terrain. Il s’agissait d’être tout à côté des enseignants pour une aide concrète, que ce soit pour le tutorat ou pour les ateliers, mais aussi pour répondre à toute demande précise des enseignants. Par exemple, pour la rédaction d’un cahier de charge du tuteur, la mise en œuvre d’un journal d’apprentissage pour les élèves ou la réalisation d’un porte folio, ou encore pour assurer certaines formations ou animations lors des journées pédagogiques. Par la suite, l’accompagnement s’est davantage orienté vers ses missions d’ami critique, recueillant l’information (participation aux réunions, comité d’accompagnement, interviews, enquête…) pour la régulation du projet, les aménagements à apporter... Le DET a également en charge d’analyser cette expérience innovante en tant que projet-pilote et d’en dégager la pertinence, les points forts et les points faibles, en vue d’éventuels transferts dans d’autres établissements intéressés par une expérience similaire. L’accompagnement a enfin la mission de « gardien des traces », et est donc chargé des rapports, qu’il s’agisse des rapports intermédiaires ou enfin du rapport final. Ce dernier sera remis en juillet 2008. Il présentera l’expérience en détails, les éléments d’analyse et les conditions de transférabilité, à destination du Ministère et des directeurs d’établissements. En conclusion Ce projet, s’il ne peut être évalué en termes quantitatifs, amène déjà des constats intéressants et porteurs, pour l’équipe d’abord, pour le monde de l’éducation ensuite. Il suscite réflexion, échanges, discussions, confrontations, mais aussi dynamisme, enthousiasme, créativité, autonomie et motivation, que ce soit du côté des professeurs ou du côté des élèves, car c’est toute une école qui se retrouve ainsi soudée autour d’un projet, concrètement engagée dans la lutte contre l’échec scolaire et ses différentes implications. Partout dans l’école on discute « pédagogie », le travail d’équipe et les concertations ne sont pas de vains mots... Bien sûr, la mise en œuvre de ce projet ne va pas sans heurts : certains enseignants sont moins motivés que d’autres, les uns sont fatigués ou déçus par le nombre d’échecs qui demeurent, malgré tous les efforts consentis, ou encore trop bousculés par la complexité de l’organisation… Mais c’est un développement professionnel et personnel certain pour les enseignants impliqués. Et, pour les élèves, l’école est davantage un lieu de vie, d’expression de leur créativité et de leur autonomie, et de reconnaissance de compétences non valorisées habituellement par l’école. C’est enfin, pour les jeunes fragilisés par des parcours difficiles, un lieu de reconstruction de l’estime de soi, ce qui est fondamental pour leur avenir… En matière d’accrochage scolaire, on trouve ici une équipe qui ose autre chose pour offrir aux jeunes une autre image d’eux-mêmes et de demain.

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Le Feuillet de la Salle des Pros, n°3 Ce projet cependant doit être regardé en tant que processus, toujours en évolution, à remanier, réguler, aménager… : il est donc indispensable de donner le temps au temps ! Quelques réactions des participants Belle cohérence entre le dire et le faire. Cela m’ouvre les yeux sur un « autre possible » et m’encourage en tant que directrice. Très intéressée par les différents ateliers. Importance de la bienveillance, du regard positif porté sur les jeunes. Beaucoup d’admiration pour votre projet. La démocratie à l’école, pour tous, profs et élèves. Intéressant et nourrissant. Admiration pour une équipe pédagogique qui peut mettre tout cela en place. Bravo ! Tenez bon ! Et des envies : Une visite avec un ou deux profs du premier degré un jeudi en 2008-2009. Réactiver un rêve : un local-lieu « lien » pour accueillir les déliés scolaires, leur maman (!), leurs parents… Essayer au premier degré, et instaurer le tutorat. Envisager davantage de souplesse dans les possibilités de l’horaire. Un lieu semblable au Lien. Insister sur la bienveillance, la construction de l’estime de soi dans la formation des jeunes enseignants. Pour aller plus loin Cyrulnik, B., Pourtois, J.P., Ecole et résilience. Ed. Odile Jacob, Paris, 2007. Les lycéens décrocheurs. De l’impasse aux chemins de traverse. (Collectif) Ed. Chronique Sociale, Lyon, 1998. Pierrelée, M.D., Pourquoi vos enfants s’ennuient en classe. Une place pour chacun dans un collège pour tous. Ed. Syros, Paris, 1999. Rey, F., Sirota, A., Des clés pour réussir au collège et au lycée. Témoignages et réflexions sur le collège et lycée expérimental d’Hérouville-Saint-Clair. Ed. Eres, 2007. Tarpinian, A., Hervé, G., Baranski, L., Mattéi, B., Ecole : changer de cap. Contributions à une école humanisante. Ed. Chronique Sociale, Lyon, 2007. Sites - du Lycée Expérimental d’Hérouville : http://www.etab.ac-caen.fr/cleh/ - de pie 10 : www.pie10.be

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Les Ateliers Thématiques Les Ateliers sont des groupes d’enseignants, de futurs enseignants, de conseillers pédagogiques et de chercheurs en éducation qui se rassemblent à plusieurs reprises au cours d’une année scolaire autour d’une préoccupation commune. Chacun vient avec ses ressources spécifiques pour alimenter une problématique et la faire évoluer. L’objectif est de construire ensemble du savoir utile pour chacun. Ces groupes restent ouverts à toutes les personnes intéressées. L’année passée, les productions réalisées lors de ces ateliers ont été mises en ligne via le site :

http://tice.det.fundp.ac.be/spip/

L'Atelier "Intelligences Multiples" Le groupe poursuit sa réflexion à partir de la mise en action ou de l’analyse d’activités d’enseignement prenant appui sur les Intelligences Multiples. Une activité a été vécue en étude du milieu et un dispositif de compréhension en néérlandais a été analysé. Le groupe continue à se questionner sur l’utilisation des outils diagnostic des Intelligences multiples et leur utilisation en classe. Des liens avec d’autres approches et outils sont envisagés, comme le MBTI, dans la perspective de faire des liens avec les IM. La dernière rencontre est fixée au 12 juin.

L'Atelier " Gestion des passages" Partant des difficultés rencontrées par les élèves lors des passages, cet atelier a pour objectif de construire des outils pour prévenir le décrochage scolaire lors de ces moments délicats de leur parcours.

Le groupe a ensuite choisi de travailler autour de la question du sens et du projet personnel, c’est-à-dire : • Comment amener les jeunes à mettre en place une réflexion sur eux-mêmes en lien avec leur projet personnel ? • Comment les amener à découvrir du sens dans ce qu’ils font à l’école ? • Comment utiliser les espaces de liberté disponibles pour faire « autre chose », en l’occurrence des activités de découverte de soi ? Des dispositifs susceptibles de développer ce projet personnel ont été partagés au sein du groupe..

Les Nouvelles de la Salle des Pros Les prochaines rencontres L’an prochain, les temps de rencontres seront étendus à l’ensemble de la journée (au lieu d’une après-midi) pour donner plus de place aux échanges et à la réflexion personnelle. Trois rencontres sont déjà fixées: -

« Décrochage, accrochage : juste un autre regard sur eux... » avec Catherine Canivet et Catherine Cuche (chercheuses et formatrices), le 2 octobre 2008.

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« Refuser la fatalité de l’échec scolaire : comment repérer et lever certains mécanismes le générant ? » avec Régis Piedboeuf (formateur, conseiller pédagogique, enseignant), le 21 octobre 2008.

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« Les intelligences multiples à l’école : diversité(s) et réussite(s) », avec Bruno Hourst (formateur, enseignant et auteur), le 20 novembre 2008.

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Le Feuillet de la Salle des Pros, n°3

La «Salle des Pros» Lieu de formation continue pour les professionnels de l’éducation et de l’apprentissage… A l’initiative du Pôle Formation Continue du Département Education et Technologie (Facultés Universitaires Notre-Dame de la Paix), la Salle des Pros propose des lieux de rencontres, de réflexions et d’échanges entre praticiens intervenant à différents lieux dans le monde scolaire. Son objectif est de donner au praticien une place encore plus active dans son développement professionnel. Les rencontres sont reconnues comme temps de formation continue par le CECAFOC. Chaque enseignant de l’enseignement secondaire libre peut valoriser sa participation aux rencontres et aux ateliers. Concrètement, sous réserve d’une signature, chaque participant recevra une attestation de fréquentation via le CECAFOC. Notre adresse :

Département Education et Technologie, 14 Place Saint-Aubain 5000 Namur.

Pour s’inscrire : - Par mail : [email protected] - Par téléphone : 081/ 72 50 69/56 Personne de contact : Sandrine Biémar, Tel : 081/72.50.56 Email : [email protected]

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