Le 1 mars 2011. Ministres des Affaires étrangères du Gabon, le ...

Ministres des Affaires étrangères du Gabon, le Nigeria, et l'Afrique du Sud ... l'encontre de six citoyens kényans pour des crimes contre l'humanité qui .... la crédibilité de son engagement à réclamer des comptes, surtout à l'heure où les actes ...
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Le 1 mars 2011. Ministres des Affaires étrangères du Gabon, le Nigeria, et l’Afrique du Sud Monsieur le Ministre, Madame la Ministre, Par la présente, les organisations soussignées invitent votre gouvernement à reconsidérer son soutien à un sursis qui serait accordé par le Conseil de sécurité des Nations Unies aux enquêtes et poursuites engagées par la Cour pénale internationale (CPI) au Kenya en vertu de l’article 16 du Statut de Rome. Tout sursis demandé au titre de l’article 16 serait contraire au droit et ne ferait que différer la justice qui doit être rendue aux victimes des crimes perpétrés lors des violences survenues dans la foulée des élections kényanes de 2007. Votre Excellence n’est pas sans savoir que l’Assemblée des Chefs d’État et de Gouvernement de l’Union africaine (UA) a adopté, lors du sommet de l’UA en janvier 2011, une décision appuyant et approuvant la demande de sursis du Kenya. Cette demande fait suite aux requêtes présentées par le procureur de la CPI en décembre 2010 aux fins de délivrance de citations à comparaître à l’encontre de six citoyens kényans pour des crimes contre l’humanité qui auraient été commis lors des violences postélectorales de 2007-2008, au cours desquelles plus de 1 100 personnes ont perdu la vie et près de 400 000 autres ont été forcées à quitter leur foyer. La décision de l’Assemblée invoque comme fondement du sursis le besoin de « prévoi[r] la mise en place d’un mécanisme national pour étudier et poursuivre les cas dans le cadre d’un organe judiciaire réformé prévu dans le nouveau régime constitutionnel conformément aux principes de complémentarité… » Mais la complémentarité—principe fondamental du Statut de Rome établissant la CPI en tant que tribunal de dernier ressort qui n’intervient que lorsque les autorités nationales n’ont pas la volonté d’agir ou se trouvent dans l’incapacité de le faire—ne peut être confondue avec un sursis demandé au titre de l’article 16. En substance, l’article 16 autorise le Conseil de sécurité à adopter, en vertu des pouvoirs qui lui sont conférés aux termes du Chapitre VII de la Charte de Nations Unies et dans des cas exceptionnels, une résolution demandant à la CPI de surseoir à une enquête ou à des poursuites pendant des périodes de douze mois renouvelables. Le Chapitre VII susmentionné n’habilite le Conseil de sécurité à prendre des mesures que pour « maintenir ou rétablir la paix et la sécurité internationales ». Un sursis dans les procédures d’enquête de la CPI risquerait de légitimer l’ingérence politique dans les travaux d’une institution judiciaire et pourrait établir un dangereux précédent pour les accusés dans d’autres situations. L’article 16 ne devrait dès lors être utilisé que dans des cas extrêmement rares. Rien ne porte à croire que les travaux de la CPI au Kenya constituent une menace contre la paix et la sécurité internationales. Les accords sur l’entente et la réconciliation nationales conclus sous l’égide de l’UA ont mis fin immédiatement aux violences postélectorales en février 2008. Le gouvernement de coalition mis en place dans le cadre de cet accord est toujours au pouvoir à ce jour. Plutôt que de promouvoir l’instabilité, les enquêtes de la CPI pourraient prémunir le pays contre un climat d’impunité qui, aux yeux de beaucoup, a énormément contribué aux violences survenues en 2007-2008. Par conséquent, il n’y a pas lieu de laisser entendre qu’un sursis dans les procédures d’enquête engagées au Kenya contribuerait à « prévenir la résurgence des conflits et de la violence », comme allégué dans la récente décision de l’UA. Du reste, les victimes kényanes qui ont remis des observations à la CPI concernant la décision initiale de la cour d’autoriser une enquête ont, à une écrasante majorité, apporté leur appui à

l’intervention de la cour. L’une des raisons le plus fréquemment citées était son effet dissuasif par rapport à de futures violences, en particulier celles associées aux cycles électoraux. En fait, nombreux sont ceux qui ont appelé la CPI à agir rapidement afin que des résultats puissent être obtenus en amont du scrutin de 2012. Les procès nationaux ne peuvent être invoqués comme fondement d’une demande de sursis au titre de l’article 16, mais ils pourraient être invoqués pour contester la recevabilité aux termes de l’article 19 du Statut de Rome. L’article 19 octroie au gouvernement kényan le droit de contester la recevabilité d’une affaire au motif que celle-ci fait déjà l’objet d’une enquête et/ou de poursuites au Kenya. La contestation diffère de la demande de sursis visée à l’article 16 et elle est adressée à la cour, non pas au Conseil de sécurité. Il convient néanmoins de rappeler que c’est la non-traduction en justice par les autorités kényanes des responsables des violences postélectorales qui a été à la base de la décision prise par la CPI d’autoriser son procureur à ouvrir une enquête. Au cours des trois années qui se sont écoulées depuis les violences postélectorales, le parlement kényan s’est mis en défaut d’adopter une loi établissant un tribunal spécial chargé de juger les auteurs des crimes perpétrés lors desdites violences, et le gouvernement n’a pris aucune mesure concluante visant à garantir l’engagement de poursuites devant les tribunaux ordinaires. Les procès nationaux devraient être encouragés afin d’élargir la portée de la lutte contre l’impunité, mais il faudra du temps avant que ne soient mises en œuvre les réformes de la police et de l’appareil judiciaire nécessaires pour garantir l’impartialité, la crédibilité et l’efficacité des enquêtes et poursuites visant les crimes commis au Kenya. Le Kenya n’a nul besoin de demander un sursis au titre de l’article 16 pour poursuivre ces réformes. Par conséquent, non seulement un sursis dans les procédures engagées par la CPI ne pourrait actuellement s’appuyer sur aucun fondement juridique, mais il différerait également la justice à laquelle ont droit les victimes kényanes. Bien que certains membres du gouvernement kényan aient cherché à présenter les enquêtes de la CPI comme une procédure impopulaire qui divise l’opinion, le soutien dont bénéficie la cour au Kenya demeure en réalité important. La société civile a largement condamné les efforts visant à s’assurer un soutien lors du sommet de l’UA pour demander un sursis en vertu de l’article 16. Des manifestations ont été organisées à travers le pays dans le cadre d’une campagne autour du slogan « Oui à la CPI maintenant, Non à un sursis ! ». Surseoir à la justice se révèlerait être en contradiction avec le rejet de l’impunité consacré par l’UA à l’article 4 de son Acte constitutif. La CPI fait partie intégrante de cet effort, et les gouvernements africains ont joué un rôle actif dans l’établissement de la cour et dans le soutien apporté à ses travaux. Du reste, la République démocratique du Congo, l’Ouganda et la République centrafricaine ont eux-mêmes saisi le procureur de la CPI pour des crimes commis sur leur territoire. Le soutien apporté par l’UA à la demande de sursis visant la situation au Kenya menace de saper la crédibilité de son engagement à réclamer des comptes, surtout à l’heure où les actes de violence qui se produisent dans la foulée d’élections contestées mettent en danger d’autres vies humaines ainsi que les moyens d’existence d’autres populations ailleurs sur le continent, notamment en Côte d’Ivoire. Reconnaissant votre engagement en faveur de la lutte contre l’impunité, nous prions instamment votre gouvernement, en tant que membre africain de la CPI et du Conseil de sécurité

des Nations Unies, de considérer le mérite de la demande de sursis visant les procédures d’enquête et de poursuites engagées par la CPI au Kenya. Nous vous remercions d’avance pour l’attention que vous porterez à la présente et vous prions d’agréer, Monsieur le Ministre, l’expression de notre très haute considération. 1. 2. 3. 4. 5.

Action des Chrétiens pour l'Abolition de la Torture, Bangui, République Centrafricaine Action des Chrétiens Activistes des Droits de l'Homme à Shabunda, Sud-Kivu, RDC Action Contre l'Impunité pour les Droits Humains (ACIDH), Lubumbashi, RDC Africa Centre for Open Governance, Kenya The Africa Regional Programme of the International Commission of Jurists, Johannesburg, South Africa 6. Alliances for Africa, Lagos, Nigéria 7. Association of Sisterhoods of Kenya – Justice and Peace Commission, Nairobi, Kenya 8. Catholic Justice and Peace Commission, Monrovia, Libéria 9. Centre de Recherche sur l'Environnement, la Démocratie et les Droits de l'Homme, Goma, RDC 10. Center for Research and Development, Mutare, Zimbabwe 11. Coalition Burundaise pour la Cour Pénale Internationale, Bujumbura, Burundi 12. Coalition Centrafricaine pour la Cour Pénale Internationale, République Centrafricaine 13. Coalition Congolaise pour la Justice Transitionnelle, RDC 14. Coalition pour la Cour Pénale Internationale, Cotonou, Bénin 15. Coalition Ivoirienne pour la Cour Pénale Internationale, Abidjan, Côte d'Ivoire 16. Coalition for Justice and Accountability, Freetown, Sierra Leone 17. Coalition Nigérienne pour la Cour Pénale Internationale, Abuja, Nigéria 18. Coalition Ougandaise pour la Cour Pénale Internationale, Kampala, Ouganda 19. Collectif des Organisations des Jeunes Solidaires au Congo-Kinshasa, Kinshasa, RDC 20. Développement des Ressources Publiques et Centre de Documentation, Enugu, Nigéria 21. Federation of Women Lawyers, Nairobi, Kenya 22. Initiative Congolaise pour la Justice et la Paix, Bukavu, RDC 23. International Center for Policy and Conflict, Nairobi, Kenya 24. International Center for Transitional Justice (Afrique) 25. International Crime in Africa Programme, Institute for Security Studies, Pretoria, South Africa 26. The Kenyan Section of the International Commission of Jurists, Nairobi, Kenya 27. Lead-Centrafrique pour le Développement Durable, République Centrafricaine 28. Legal Defence and Assistance Project, Lagos, Nigeria 29. National Coalition on Affirmative Action, Enugu, Nigéria 30. National Organization for Legal Assistance, Dar es-Salaam, Tanzanie 31. Projet des Défenseurs des Droits de l’Homme en Afrique de l’Est et dans la Corne de l’Afrique (EHAHRDP), Kampala, Ouganda 32. Réseau des Associations des Droits de l’Homme du Sud Kivu, RDC 33. Réseau des Droits de l’Homme en Ouganda, Kampala, Ouganda 34. Réseau des ONGDH au Congo, Province du Nord-Kivu, RDC 35. Société d'Education des Enfants, Dar es-Salaam, Tanzanie 36. West African Bar Association, Abuja, Nigéria

Les signataires sont membres d’un réseau informel d’associations de la société civile africaine et d’organisations internationales présentes en Afrique qui travaillent sur l’Afrique et la Cour pénale internationale.

CC : Représentants permanents auprès de l'Organisation des Nations Unies du Gabon, le Nigeria et l'Afrique du Sud Annexe : Déclaration sur le Kenya publiée par des associations de la société civile africaine et des organisations internationales présentes en Afrique, 25 janvier 2011