La soutenabilité environnementale des croissances urbaines au Sud

Cerna, Centre d'économie industrielle. Ecole Nationale ...... forces d'inertie (permanence de certains équipements), de l'industrie lourde et du commerce de ...
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B. Lefèvre, P. N. Giraud

07/2005

Cerna, Centre d’économie industrielle Ecole Nationale Supérieure des Mines de Paris 60, boulevard Saint Michel 75272 Paris Cedex 06 – France Tél. : 33 (1) 40 51 90 91 – Fax : 33 (1) 44 07 10 46 [email protected] – http://www.cerna.ensmp.fr

La soutenabilité environnementale des croissances urbaines au Sud Le couple «Transport – Urbanisme» au cœur des dynamiques urbaines Benoit Lefèvre Pierre-Noël Giraud

Concept Paper Juillet 2005

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Table des matières Table des matières ___________________________________________________________ 2 1. Une rupture dans les évolutions urbaines _______________________________________ 4 2. Les spécificités des villes du Sud _____________________________________________ 4 3. Quels indicateurs pour évaluer si le développement urbain dans le Tiers Monde est durable? __________________________________________________________________ 6 4. Les consommations énergétiques urbaines _____________________________________ 9 5. Le couple « transport- usage des sols » au coeur des dynamiques urbaines __________ 13 5.1 Les simplifications erronées __________________________________________________ 13 5.2 Les analyses macro urbaines de Peter Newman et Jeffrey Kenworthy_______________ 20 5.3 Les analyses de V. Fouchier : les hétérogénéïtés de densité et leurs impacts sur les déplacements _________________________________________________________________ 23

6. Les typologies des dynamiques urbaines ______________________________________ 27 6.1 Les modes de transports dominants ___________________________________________ 27 6.2 Les formes urbaines ________________________________________________________ 29 6.3 La structure urbaine (A. Bertaud)_____________________________________________ 30 6.3.1. Des indicateurs spatialisés pour analyser une structure urbaine____________________________ 32 6.3.1.1. La distribution spatiale des déplacements (the pattern of daily trips) ____________________ 32 6.3.1.2 La consommation moyenne d’espace par habitant (the average built-up density)___________ 34 6.3.1.3. Le profil de densité (density profil)______________________________________________ 34 6.3.1.4. Le gradient de densité (density gradient) _________________________________________ 35 6.3.1.5. Indice de dispersion _________________________________________________________ 38 6.3.1.6. Indice d’excentricité _________________________________________________________ 39 6.3.2. Les liens entre structure urbaine et efficacité des différents modes de transports : la compatibilité des structures urbaines avec des objectifs environnementaux. _____________________________________ 41 6.3.2.1. Les formes urbaines _________________________________________________________ 41 6.3.2.2. Compatibilité de la voiture avec de fortes densités :_________________________________ 44 6.3.2.3. Compatibilité des transports en communs avec différents niveaux de densités et différentes distributions spatiales de déplacements : ________________________________________________ 44 6.3.3. Les limites de l’approche d’A. Bertaud ______________________________________________ 46

6.4. La distribution zonale ______________________________________________________ 46

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7 Consensus et questions ouvertes_____________________________________________ 48 7.1. Les différentes approches des consommations énergétiques liées aux transports urbains 48 7.2. Les consensus _____________________________________________________________ 49 7.3. Les questions ouvertes ______________________________________________________ 50

8 Exemples de« bonnes pratiques » de politiques intégrées transport - urbanisation : ___ 51 9. La modélisation des dynamiques urbaines ____________________________________ 53 9.1. L’histoire des modélisation du transport urbain_________________________________ 54 9.2 TRANUS _________________________________________________________________ 55

10 Programme de recherche _________________________________________________ 58 Bibliographie _____________________________________________________________ 60

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1. Une rupture dans les évolutions urbaines Il y a dix ans F. Choay écrivait «Le règne de l’urbain et la mort de la ville» (1994). Dans «La refondation mégapolitaine, une nouvelle phase de l’histoire urbaine ?» (2002), Haeringer, Roussel et Theys constatent que «la mégapolisation que nous observons aujourd'hui sur les cinq continents, ne consacre pas seulement un brutal changement d'échelle. Elle donne au fait urbain un autre sens, marquant un changement sociétal plus radical encore que les grandes ruptures du passé que furent, chez nous, le démantèlement des enceintes médiévales ou la révolution industrielle. Le bouleversement est tel qu'on ne sait s'il refonde la ville ou la dissout». Les auteurs avancent l’hypothèse qu’après «une phase de "mégapolisation" précipitée et défiant toute planification urbaine, essentiellement marquée par une accumulation démographique inédite, des utopies refondatrices s'emparent de nombreuses métropoles à l'approche de la fin du siècle». Cette refondation mégapolitaine constituerait une phase significative de l’histoire urbaine. D. Lorrain (2001) défend l’idée que les villes sont en train d’entrer dans une troisième phase de leur histoire technique, passant ainsi de la mégalopole (Gottmann, 1961) à la gigacity. L’auteur s’interroge sur les effets de la diffusion des réseaux techniques sur l’organisation du territoire urbain et sur l’hypothèse d’une nécessaire tendance à la fragmentation et la ségrégation. F. Ascher (1995) regrette l’inadaptation de la notion de «métropole» pour décrire la mort des villes traditionnelles et l’avènement d’un ordre spatial radicalement nouveau ; il propose le concept de «métapolisation» pour décrire ces espaces métropolisés dont l’ensemble «dépasse et englobe» les zones métropolitaines stricto sensu. Sassen (1991) décrit l’émergence de «global city». Que ce soit sous l’effet de l’effondrement du bloc communisme, de la globalisation, de la fin du fordisme, de la diffusion des nouvelles technologies, … tous ces auteurs remettent en question la thèse de l'évolution linéaire des villes et parlent de rupture. L’idée que les villes sont entrées dans une nouvelle phase significative de l’histoire urbaine mondiale fait l’unanimité. Mais aucune définition de cette nouvelle époque urbaine ne fait consensus ; les propositions avancées dépendent encore pour beaucoup des facettes du phénomène urbain analysées et des approches méthodologiques adoptées. Toutefois on peut dire que cette nouvelle phase de l’histoire urbaine se caractérise par un changement d’échelle et de nature des enjeux liés à la ville. L’urbanisation accélérée de la population mondiale, la décentralisation politique et le poids économique croissant des villes en font des acteurs incontournables du développement économique. Si New York était un pays, il se situerait au 19ème rang des économies mondiales. La concentration de cette population urbanisée dans des mégapoles remet en question son organisation spatiale, son efficacité (taille optimale), son potentiel intégrateur (ville inégale, ségrégée et fragmentée) et sa soutenabilité environnementale.

2. Les spécificités des villes du Sud La transition urbaine du tiers-monde inquiète tout particulièrement du fait de l’extraordinaire rapidité du phénomène d’urbanisation et de concentration dans des méga-villes. Aujourd’hui la moitié de la population mondiale vit en ville. En 2030, la population urbaine mondiale atteindra 4,9 milliards, soit 60% de la population mondiale. À peu près toute la croissance démographique mondiale se situera dans les villes de pays en voie de développement dont la population doublera pour avoisiner les 4 milliards (soit la population totale du monde en développement en 1990) (UN, 2000). Si le monde en développement a été a prédominance rural, il devient rapidement urbain : en 1950 18% seulement de la population des pays en développement vivaient en ville, en 2000 cette proportion est de 40% et elle sera de 56% en 2030. Bien que le monde développé soit plus urbain (76% d’urbain en 2000), le monde en développement connaît une croissance de la population urbaine bien plus rapide :

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le taux de croissance annuel moyen est de 2,3% alors qu’il n’excède pas 0,4% dans le monde développé (UN, 2000). Londres a mis cent trente ans pour grossir de 1 à 8 millions d’habitants. Il n’aura fallu que quarante cinq ans à Bangkok, trente sept à Dhaka et vingt cinq à Séoul pour faire le même bond démographique. (State of the World’s cities Report 2004/5, PNUH, 2004) Le second point marquant de cette évolution démographique est la concentration de cette population urbaine dans les Très Grande Agglomération (TGA) et méga-villes (agglomération de plus de, respectivement, 2 et 10 millions d’habitants). En 1975, parmi les 5 villes à travers le monde dépassant 10 millions d’habitants, trois étaient situées dans les pays en développement ; de 19 aujourd’hui, ce nombre atteindra 23 villes en 2015, et toutes sauf 4 seront situées dans les pays en développement(UN, 2000). Ces rythmes de croissance urbaine inquiètent car ils ne s’accompagnent que très rarement d’une augmentation de la productivité par habitant. Contrairement à ce qui s’est produit au Nord, l’urbanisation du Sud n’est pas liée à une industrialisation ; elle s’accompagne plutôt d’une généralisation de l’économie dite informelle. L'importance de l’économie informelle est considérable, notamment dans le tiers monde (en Afrique de l'Ouest où entre 1960 et 1990 la population du secteur informel s'est multipliée par 7 (Arnaud, 1998)) mais aussi dans les TGA des pays développés : l’économie informelle de New York est évaluée à 39 milliards de $, dont la moitié relève d’activités criminelles, soit 12% du revenu de la métropole1. Certes cette "économie informelle" présente des vertus mais elle progresse à productivité constante, fournit des revenus très bas à la masse de ses salariés et ne contribue pas aux budgets municipal et national. La décentralisation est un processus de transfert progressif de compétences, de responsabilités et de prérogatives de la part du gouvernement central vers et au profit des collectivités locales. Dans les pays en voie de développement, ce transfert de responsabilité, souvent sans réel transfert financier, se heurte à une capacité humaine et financière limitée. Le mouvement de décentralisation engagé depuis le début des années 80 doit autant à la volonté d'élargir l'arène politique et de désengager l'état qu'à la recherche de l'efficacité.

Actuellement en Afrique francophone, les recettes des collectivités urbaines s'échelonnent entre 11et15 euros par habitant. L'ensemble des villes d'un pays de l'Afrique de l'Ouest prélève en général moins de 1% du PIB, soit 20 fois moins que les budgets nationaux, alors qu'une grande partie de l'activité économique est implantée dans les villes (les villes produisent 50 à 70% des PIB nationaux selon le niveau d'urbanisation). A titre indicatif, en France les budgets des collectivités représentent 10% du PIB national et l'équivalent de 40% du budget de l'état (Ministère de la Coopération, 1995); aux USA 18,5% du PIB, 34% au Canada,…(Arnaud, 1998). L'imposition de l'activité économique (impôt sur le chiffre d'affaires, sur les bénéfices ou patente) n'atteint qu'une partie des entreprises et ne revient que marginalement aux collectivités urbaines. La valorisation foncière est fiscalement mal appréhendée et peu taxée. L'impôt sur le revenu est de faible rapport. Les Etats s'accrochent aux recettes fiscales locales et n'en rétrocèdent qu'une part limitée aux collectivités. L'évasion fiscale est générale. Tous ces éléments expliquent les maigres budgets à la disposition des municipalités. En 1987 la Commission Mondiale sur l’Environnement et le Développement statuait que «dans la prochaine décennie, le monde en développement devrait augmenter de 65% sa capacité à produire et gérer des infrastructures urbaines (…) pour maintenir les conditions actuelles» (WCED, 1987).Force est de constater que ce défi n’a pu être tenu.

Ainsi, en Afrique de l'ouest, le niveau du "capital d'équipement urbain public par habitant", mesuré par 1

Danièle Stewart, « Le développement de l’économie parallèle dans les villes américaines »

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la valeur de renouvellement des infrastructures rapportée à la population, a baissé au cours des 15 dernières années, en dépit d'interventions importantes des bailleurs de fonds : il est de 75 à 150 euros /habitant dans les grandes villes. La réhabilitation d'équipements existants, mal entretenus, a en effet consommé la plus grande part de l'aide extérieure. (Arnaud, 2004) Outre qu’elle présente partout un enjeu majeur autour duquel s’affrontent trois logiques d’acteurs (Etat, entreprise privée et usagers), la question des services publics est, particulièrement dans les grandes villes mal développées, au cœur des inégalités métropolitaines et des problèmes de gestion urbaine. La qualité du service se dégrade, les inégalités de desserte deviennent structurelles et ne sont plus compensées que par le transport informel. La circulation automobile, déjà importante du fait de la faiblesse des transports collectifs, s’intensifie. Le contrôle du réseau et la coordination deviennent particulièrement ardus et impliquent des coûts supplémentaires.

3. Quels indicateurs pour évaluer si le développement urbain dans le Tiers Monde est durable?

Ces inquiétudes sur les nouvelles dimensions du phénomène urbain, notamment au Sud, se sont cristallisées autour du concept de durabilité du développement. La littérature sur la ville présente deux lectures contrastées de l’urbanisation généralisée de la population mondiale : - La première, alarmiste, insiste sur l’explosion démographique des villes pauvres, la macrocéphalie généralisée des systèmes urbains du tiers-monde liée à une urbanisation galopante coiffée du phénomène de concentration, la généralisation de modèles urbains très consommateurs d’espace et d’énergie. Les villes posent de graves problèmes environnementaux et socio-économiques. La pollution atmosphérique affecte 1,1 milliard de personnes à travers le monde, principalement en ville (Roodman, 1998). La pollution domestique et extérieure de l’air tue 3 millions de personnes dont 90% dans les pays en développement (WHO, 1997). Les villes génèrent à peu près 80% de l’ensemble des émissions de CO2 et représentent environ les trois-quarts de la consommation industrielle de bois. À peu près 60% de l’eau pompée pour les besoins humains est consommée dans les villes, directement par les industries et les ménages, ou indirectement à travers la consommation des cultures irriguées. La «balkanisation» institutionnelle, le poids de l’économie informelle, les fortes contraintes financières et la décentralisation font des dynamiques urbaines des impasses non-durables. - La seconde, plus positive, insiste les potentialités de développement économique et de transformation sociale liées par l'urbanisation et sur la nécessité d'une décentralisation politique et financière dans les Pays en Voie de Développement. Cette tendance est bien illustrée par l'étude WALTPS sur l'Afrique de l'ouest (Cour, 1998) dirigée par JM Cour. Cette deuxième lecture de l’urbanisation généralisée du Sud, qui valorise les dynamiques de peuplement urbain et leur potentiel de développement économique, semble à l'heure actuelle plutôt isolée. L’avis général est alarmiste. Ces discours alarmistes sont cependant fréquemment marqués de généralités et de fort préjugés idéologiques. Il est étonnant de constater la minceur des données statistiques fiables sur lesquelles ces discours reposent. Il apparaît donc urgent de mesurer les différentes facettes de la durabilité des dynamiques urbaines pour stabiliser scientifiquement le bilan sur l’état actuel des villes et la vision des futurs possibles. Un indicateur environnemental synthétique du développement urbain durable, intégrant les différentes sources de pression et agrégeant les différents impacts, permettrait de rendre cohérent les différentes initiatives qui se côtoient sans grande coordination et des les analyser par rapport à un objectif fixé. Il 6

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permettrait d’autre part de créer un langage et une lecture commune dans le but d’harmoniser, grâce à un étalon de base, l’ensemble des discours et des pratiques. Les acteurs locaux sont demandeurs d’informations simples et concises leur permettant d’identifier rapidement les enjeux et les leviers d’actions, et de suivre les résultats des actions entreprises vis-à-vis des objectifs qu’ils se sont fixés. Devant la quantité et la variété des indicateurs actuellement utilisés, et les difficultés croissantes des décideurs à saisir le sens et la pertinence de ceux-ci, l’Agence Européenne de l’Environnement (EEA, 1999) a établi une typologie d’indicateurs environnementaux, en fonction des questions auxquelles ceux-ci peuvent répondre : - Type A : “What is happening to the environment and to humans ?” Les indicateurs descriptifs (ex: émissions de CO2 par habitant) décrivent la situation actuelle en analysant les relations entre les origines et les conséquences des grands problèmes environnementaux. La situation est décrite comme elle est, sans référence à comment elle devrait être. - Type B : “Does it matter ?” Les indicateurs de performance (ex: émissions de CO2 par habitant par rapport au niveau maximal acceptable pour stabiliser la concentration atmosphérique en CO2 au niveau de 1990) comparent les conditions actuelles à un ensemble spécifique de conditions de référence, et permettent ainsi d’évaluer la distance entre la situation actuelle et celle souhaitée (distance to target) - Type C : “Are we improving ?” Les indicateurs d’efficacité (ex: émissions de CO2 par unité de PIB) mettent en exergue les relations entre des éléments de la chaîne causale. - Type D : “Are we on the whole better off ?” Les indicateurs de bien-être total (ex: ISEW) agrègent les dimensions économiques, sociales et environnementales pour évaluer l’évolution globale du bien-être. Alors que la plupart des institutions se sont surtout attelées ces dernières années à développer des listes d’indicateurs, tout en essayant d’en limiter la taille, d’autres ont promu différents indicateurs synthétiques, tels que l’IDH, le GPI, l’ISEW ou l’Empreinte Ecologique. De façon générale, les indicateurs synthétiques rencontrent une critique récurrente, celle d’additionner « des choux et des carottes » (« apples and oranges »), autrement dit des variables non commensurables simplement. En effet, le développement d’un indicateur synthétique passe obligatoirement par quatre étapes qui sont sources de perte d’information et donc affaiblissent le lien entre l’indice et la réalité : -la sélection des forces motrices à prendre en compte, -l’intégration des interrelations complexes entre ces forces motrices, Ces deux étapes déterminent le pouvoir analytique de l’indicateur -la normalisation, les différentes statistiques décrivant les pressions exercées doivent être exprimées dans une unité commune, -l’agrégation des impacts, ce qui nécessite non seulement comprendre les interrelations complexes et de pouvoir les pondérer. Rassembler des enjeux environnementaux dans une seule variable implique en un sens un échange possible entre eux, est ce pertinent ? Il existe une cinquième difficulté majeure que rencontre les indicateurs environnementaux de développement durable en général, mais tout particulièrement les indicateurs synthétiques : -la territorialisation : tous ces indicateurs sont élaborés à un niveau macro et rencontrent de grandes difficultés dans leur contextualisation à un territoire local. Le développement est il fractal ? Au vue des initiatives pour construire une mesure du développement durable des villes, on peut constater le nombre (ce qui est encourageant), la diversité des démarches adoptées, les avancées réalisées … mais au final toutes rencontrent des critiques telles que la communauté des chercheurs et des acteurs du développement s’accordent pour dire que les outils de suivi-évaluation pertinents restent à construire.

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Pour mieux comprendre cette impasse malgré les avancées réalisées, nous estimons nécessaire de présenter ici brièvement l’analyse critique de l’un d’entre eux : l’empreinte écologique, indicateur synthétique élaborée par Mathis Wackernagel (Wackernagel, Rees, 1994) et diffusé par le « Global Footprint Network »ayant pour ambition d’être le principal indicateur synthétique de la durabilité environnementale du développement. Il est certainement l’un des leaders sur le « marché des indicateurs ». L’empreinte écologique se donne pour objectif de comparer la consommation humaine des ressources naturelles et la capacité de la terre à les régénérer afin de promouvoir la reconnaissance des limites écologiques de la biosphère, sans laquelle un développement ne saurait être durable. Le cœur de cette analyse se situe dans la quantification des flux énergétiques répondant aux besoins en énergie d’un système urbain et non dans l’étude des liens entre les caractéristiques du système urbain et ses besoins énergétiques. L'idée géniale de l'empreinte écologique est d'exprimer ces flux de consommation à travers le capital nécessaire pour produire ces flux. Cet indice quantifie les différents flux par rapport à la capacité terrestre à les reproduire, mais ne cherche pas à en expliquer l’importance. L’empreinte écologique n’étudie pas le pourquoi des consommations énergétiques et ne fournit pas d’outils pour l’intervention publique ; elle lui indique les priorités. Plusieurs commentaires peuvent être faits : Le premier commentaire porte sur la notion même d’empreinte écologique promue par les auteurs. Il s’agit effectivement d’une empreinte puisque l’indicateur est la somme des surfaces nécessaires à la production de ce que les hommes d’un territoire (ville, pays, monde) consomment au cours d’une année. Cet indice est donc utile pour comparer géographiquement différents systèmes d’exploitation de la biocapacité terrestre ou mettre en avant des tendances dans l’évolution temporelle de notre consommation. Mais en ne considérant pas les pollutions engendrées par les modes de production considérés, l’«empreinte écologique» correspond plus à un indicateur de la productivité de notre exploitation de la biocapacité terrestre qu’à un indicateur écologique de cette exploitation Le second commentaire porte sur la volonté d’atteindre une «exhaustivité totale» dans la mesure de l’empreinte écologique. L’empreinte ne prend pas en compte tous les domaines environnementaux : la biodiversité, la rareté et la qualité de l’eau ne sont par exemple pas du tout pris en compte alors qu’ils constituent des enjeux fondamentaux pour le développement durable. Par contre, l’empreinte écologique présente l’avantage de prendre en compte en plus de l’énergie de fonctionnement, l’énergie investie dans le bâti et l’énergie contenue dans les différents biens. Cet indicateur de développement durable met ainsi en avant d’autres priorités qu’une étude portant que sur l’énergie. Mais le fait de tout agréger conduit à une confusion. Les résultats de cette approche sont donnés en global hectare / capita. Le souci environnemental local de l’absence de traitement des déchets et l’impact des consommations énergétiques et des émissions de CO2 sur le problème global de l’effet de serre sont étudiés sous le même angle du partage de la capacité biologique terrestre. De plus en dehors de la confusion, cette agrégation «noie le poisson» de la solidarité dans le financement des changements nécessaires. Ainsi de l’empreinte écologique nous retiendrons principalement : En positif : - son fort pouvoir didactique, - son approche « consommateur » suivant un principe de responsabilité (versus principe géographique) dans la délimitation de son périmètre ; elle permet d’une part de se concentrer sur les paramètres relevant des acteurs locaux et d’autre part d’additionner les résultats obtenus sur différents territoires. En négatif : - son faible pouvoir analytique - son évaluation statique Deux caractéristiques qui affaiblissent sa capacité à aider les acteurs locaux dans leur prise de décisions - le caractère global et a-spatial de sa construction qui limite sa capacité à prendre en compte les spécificités territoriales.

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Cette présentation démontre le besoin d’un indicateur qui soit un outil opérationnel d’aide à la décision spécifiquement orienté vers la lutte contre l’effet de serre. En effet, sachant que d’autres problèmes environnementaux que l’effet de serre, tels que la disponibilité de la ressource en eau et la pollution des eaux, la pollution (locale) de l’air ou le traitement des déchets, peuvent normalement être résolus sous réserve d’utilisation de ressources énergétiques, la question du caractère écologiquement soutenable de la croissance d’une ville nous parait pouvoir être analysée de manière synthétique à travers les consommations énergétiques engendrées par l’ensemble des « fonctions urbaines » . Nous nous proposons de construire cet indicateur. Baptisé « Signature Energétique Urbaine » (SEU), il offrira une évaluation de la durabilité des systèmes énergétiques urbains adaptée à la lutte contre l’effet de serre ; il renseignera sur le niveau de consommation en énergie finale par type d’usage et par forme d’énergie, sur la consommation en énergie primaire induite, sur les émissions de GES liées, et sur la facture énergétique (externalités et coûts financiers directs). Cet indicateur vise à être un outil opérationnel d’aide à la décision pour les aménageurs urbains. Pour cela, nous nous focaliserons sur la capacité analytique de la signature énergétique urbaine (SEU) et sur son aptitude à construire des scenarii d’évolution grâce à son couplage avec un modèle de dynamique urbaine.

4. Les consommations énergétiques urbaines Classiquement les études des consommations énergétiques urbaines considèrent trois flux d’énergie traversant le système urbain : -l’ «énergie de fonctionnement» qui correspond à l’énergie nécessaire au fonctionnement du système urbain ; c’est à dire l’énergie utilisée pour les activités domestiques, tertiaires, industrielles et par les déplacements motorisés. -l’ «énergie investie dans le bâti» qui correspond au contenu énergétique des matériaux et aux consommations énergétiques lors du montage et du transport de ces matériaux, puis lors des phases de construction, d’entretien, d’amélioration, d’extension et de démolition du bâti. L’investissement énergétique varie avec le type de bâtiment, les formes des opérations urbaines et les techniques de constructions. -l’ «énergie incorporée dans les biens de consommation» correspond à l’énergie consommée durant l’ensemble du processus de fabrication (industrielle, agricole,…) et pour son transport jusqu’au lieu de consommation finale. La prise en compte de l’énergie de fonctionnement ne fait pas débat. Il faut la comptabiliser pour analyser la durabilité du développement urbain car elle reflète la vie du système urbain dans l’ensemble de ses activités. La prise en compte de l’énergie investie dans le bâti, d’après les tenants de la comptabilité énergétique, n’est pas pertinente : C. Chaline (2003) cite pour les pays industrialisés un rapport de 1 à 20 entre la quantité d’énergie investie au départ et celle qui sera consommée par le bâtiment pendant son existence. Pourtant on peut considérer qu’un déficit d’investissement (qualité thermique des constructions, qualité des routes,…) devra être compensé par une sur dépense énergétique dans le fonctionnement de la ville. L’énergie incorporée dans les biens de consommations est plus le reflet du mode de développement humain que du mode de développement urbain. Sa prise en compte ne sert pas aux comparaisons interville. Ainsi la comptabilisation des deux derniers flux dépend de l’objectif que l’on assigne à l’analyse énergétique. Si l’objectif est d’évaluer la durabilité du développement urbain au travers des consommations énergétiques, il semble que l’on peut se contenter d’une analyse de l’énergie de fonctionnement. Si l’évaluation de la durabilité urbaine veut se pencher plus spécifiquement sur la capacité des infrastructures à placer le système urbain sur une trajectoire durable (du point de vue des consommations énergétiques), il semble qu’une analyse de l’énergie investie dans le bâti en relation

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avec l’énergie de fonctionnement, en terme de déficit d’investissement entraînant des surconsommations énergétiques par la suite, puisse être pertinente. Les sources urbaines de consommations énergétiques sont diverses. Elles peuvent être classée selon un «principe de responsabilité» : les usages énergétiques liés à la responsabilité des collectivités municipales (l’éclairage public, les bâtiments administratifs, éducatifs, récréatifs et culturels, les différents services), des ménages (transports de personnes et de marchandises, chauffage, climatisation, cuisson, …) et des activités économiques (transports de personnes et de marchandises, usages électriques et vapeurs, …). De façon théorique, la littérature identifie cinq facteurs déterminant la répartition par usage et par type d’énergie ainsi que le volume global de la consommation énergétique urbaine. Ces facteurs ne sont pas indépendants et leurs relations doivent être prises en compte: -le climat : les facteurs tenants à l’environnement naturel sont : la température, les conditions de vent, l’humidité relative de l’atmosphère et l’intensité de rayonnement solaire. -les types de construction : la qualité et la nature des constructions déterminent les besoins en énergie de chauffage. Le coefficient de déperdition (de chaleur) «G» traduit la nature des matériaux, leur conductivité thermique, le volume, l’importance des superficies des parois extérieures et la situation par rapport aux logements voisins. -la densité : la plupart des auteurs s’accordent sur le fait que, jusqu’à un certain point, à des densités résidentielles croissantes correspondent des consommations énergétiques proportionnellement de plus en plus faibles (et pas seulement pour le chauffage : différence de mode vie entre urbain et suburbain, transport,…). -la spatialisation des fonctions urbaines : la localisation des différents sous-ensembles conditionne : la quantité des déplacements, les possibilités de récupération et de recyclage internes à la ville, les formes et les quantités d’énergie qui pourraient être utilisées dans les différentes zones de la ville. -le comportement des citadins : La différence entre la consommation réelle et la consommation théoriquement calculée relève du comportement des habitants. La variation des modes de vie des ménages reflétant la différence des appartenances socio-professionnelles, entraîne des variations sur : le niveau de confort recherché, le parc des appareils électroménagers, le choix des modes utilisés pour satisfaire tel ou tel usage énergétique. Fréquemment, les critiques de cette méthodologie portent sur la restriction de l’analyse à ces 5 facteurs déterminants ; il est ainsi conseillé d’y ajouter : -la population totale -le niveau économique général -le « site », (topographie et morphologie urbaine) -l’histoire urbaine mais aussi : -le prix relatif des énergies -les marchés foncier et immobilier

Nous allons maintenant présenter quelques chiffres sur le volume global, la répartition par usage ainsi que leurs évolutions des consommations énergétiques et les émissions de CO2 pour quelques villes. Cette présentation générale nous permettra de cadrer les ordres de grandeur et de mettre en avant l’importance du secteur des transports urbains pour la lutte contre l’effet de serre. Nous entrerons ensuite plus en détail dans l’analyse des consommations énergétiques liées aux transports urbains. En 1995, la répartition des émissions de CO2 au niveau mondial se caractérisait par la prédominance de l’industrie (43%) et l’égale contribution des secteurs des transports (22%) et du résidentiel (21%). Le transport est de loin le secteur où les émissions croient le plus rapidement.

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Global greenhouse gas emissions from fossil fuel combustion by sector (1995)

Sector

Mega-tonnes (Mt) of

Percent of total

Average growth rate

carbon

emissions

(1990-1995)

Industry

2,370

43%

0.4

Transport

1,227

22%

2.4

Residential

1,171

21%

1.0

584

10%

1.0

223

4%

0.8

5,577

100%

1.0

buildings Commercial buildings Agriculture Total Source : Price et al. (1998)

Parts relatives de l’industrie, des transports et de la consommation résidentielle dans la consommation totale d’énergie commerciale en 1997 % de laIndustrie consommation d’énergie commerciale 34,9 Pays en développement 14,3 Afrique subsaharienne 30,7 Pays développés 32,2 Total monde

Transport

Dont route

Résidentiel

Autres

17,8

14,5

34,4

12,9

11,8

8,5

68,9

5,1

29,8 24,8

23,3 19,6

21,4 27,1

18,1 15,9

Source : Richard Darbéra (LATTS, ENPC) ; Institut de l’énergie et de l’environnement de la Francophonie (IEPF) ; calculs d’après l’Agence Internationale de l’Energie (AIE) (http://wri.org:wr-00-01/pdf/erc3n_2000.pdf)

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Ville

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année

Conso E

Transport

Résidentiel

Tertiaire

sans industrie

Tep / hab Grenoble

1999

2,08

30 %

39 %

30 %

Londres

1999

1,68

22 %

47 %

31 %

Tokyo

1998

1,44

43 %

22 %

35 %

Shanghai

1998

0,3612

52 %

29 %

19 %

Séoul

1998

1,18

34 %

42 %

24 %

Beijing

1998

0,54

20 %

40 %

40 %

Chiffres calculés à partir de - IGES, 2004, Urban Energy Use and Greenhouse Gas Emissions in Asian Mega-Cities - Best Foot Forward, 2002, A resource flow and ecological footprint analysis of Greater London - EXPLICIT, 2002, Bilan Energétique de l’Agglomération Grenobloise, ALE Grenoble.

De l’analyse des parts relatives actuelles et projetées des consommations énergétiques de différentes fonctions urbaines (industrie, transport et résidentielle) dans les pays développés et les pays en développement, on peut conclure que 1) les consommations énergétiques résidentielles et l’éclairage public dépendent en grande partie des caractéristiques de l’environnement naturel. Des solutions techniques existent pour réduire ces sources de consommations énergétiques. L’amélioration de l’efficacité énergétique des bâtiments constitue une source importante d’économie d’énergie dans les PED, étant donné la part que représente le bâtiment dans la demande d’énergie commerciale. Il est bien sûr difficile de dégager des résultats valables pour l’ensemble des bâtiments, étant donné l’importance des facteurs climatiques, technologiques, les conditions d’occupation, etc sur la performance énergétique d’un bâtiment. Globalement, sur le plan technique, la littérature mentionne souvent des réductions rentables de consommation de l’ordre de 20 à 30%. La rentabilité des mesures peut varier de l’ordre de quelques mois à quelques années. Le problème est : comment favoriser leur pénétration du marché de l’industrie et du bâtiment ? Cette problématique nécessite une meilleure compréhension des processus socio-économiques qui organisent ces marchés et de corriger les imperfections de marché. En bref, dans le secteur du résidentiel et une bonne partie du commercial, beaucoup reste à faire mais les solutions sont connues. Les paradigmes ne sont pas remis en cause pour des raisons environnementales. 2) La problématique transports urbains est loin d’être aussi « rassurante »: Le transport est déjà une source majeure de consommation énergétique dans tous les pays du monde, la principale dans le monde développé. La part du transport dans les consommations énergétiques est vouée à augmenter considérablement avec le développement du tiers monde. Cette hiérarchie des sources de consommations énergétiques aujourd’hui et demain pousse à donner une priorité à l’action sur les transports.

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B. Lefèvre, P. N. Giraud

07/2005

5. Le couple « transport- usage des sols » au coeur des dynamiques urbaines

Avec l’ère de la «sur-modernité» (définie par A. Giddens (1994) comme une radicalisation de la modernité où les paradigmes scientifiques ont changé, passant de l’univers de la complication à celui de la complexité et institutionnalisant le doute), il est acquis que la ville est un système complexe dont l’analyse nécessite une approche systémique, insistant sur les relations entre les différents composants du système urbain. "L'accent ne doit plus être mis sur l'aspect concret du paysage urbain et de l'utilisation du sol, sur la description des caractéristiques démographiques et des activités économiques, sur les classifications des niveaux et des genres de vie,… mais bien plutôt sur les combinaisons de ces différentes caractéristiques, sur le complexe global de leurs interrelations" (Beaujeu-Garnier, 1995). La ville est un système complexe. En effet comme nous allons le montrer maintenant, les relations au sein du couple « Transport – Usages des Sols » ont un caractère central dans les dynamiques urbaines et leurs consommations énergétiques. Au vue de la littérature, les paramètres caractéristiques du couple « Transport – Usages des Sols » ayant une influence sur les consommations énergétiques liées au secteur des transports sont : ƒ la taille de l’agglomération : superficie et population ƒ la forme géométrique ƒ la distribution spatiale des fonctions urbaines ƒ le profil et le gradient des densités urbaines ƒ le nombre et la distribution spatiale des centralités ƒ l’organisation spatiale et la capacité du réseau viaire ƒ la régulation par la puissance publique des forces de marché : o les investissements dans les infrastructures o les parkings o la fiscalité o la réglementation sur l’usage des sols

5.1 Les simplifications erronées Il paraît opportun de mettre en garde dès maintenant contre certaines simplifications: Première simplification « La richesse est un facteur presque toujours directement associé avec une croissance du taux de motorisation, de la consommation de voiture et donc d’énergie. » Pourtant, dans une étude portant sur 84 «global cities», Kenworthy (2003) montre en exprimant le taux de motorisation en fonction de la richesse (nombre de voiture / $1000 GDP) que globalement il n’existe pas de corrélation directe entre la possession de voiture ou moto et le revenu par habitant :

13

B. Lefèvre, P. N. Giraud

07/2005

unit

USA

Australie N. Zeland

Canada

Europe de l’Ouest

Asie Riche

Europe de l’Est

Moyen Orient

Amérique Latine

Afrique

Asie pauvre

Chine

Metropolitan gross domestic product per capita

$ / hab

31,386

19,775

20,825

32,077

31,579

5,951

5,479

4,931

2,820

3,753

2,366

Passenger car per GDP

Cars / $1000

18.71

29.09

25.43

12.90

6.66

55.78

24.49

41.04

47.89

28.08

11.03

Motor cycles per GDP

Mc / $1000

0.42

0.68

0.46

1.00

2.78

3.50

3.49

2.91

1.96

33.90

23.30

Passenger car passenger kilometres per capita

p.km/ person

18,155

11,387

8,645

6,202

3,614

2,907

3,262

2,862

2,652

1,855

814

Motor cycle passenger kilometres per capita

p.km/ person

45

81

21

119

357

19

129

104

57

684

289

Passenger car passenger kilometres per $ of GDP

p.km/ $1000

578.44

575.80

415.15

193.35

114.44

488.57

595.37

580.35

940.48

494.13

344.05

Motor cycle passenger kilometres per $ of GDP

p.km/ $1000

1.43

4.11

1.0

3.70

11.32

3.13

23.57

21.17

20.09

182.20

122.34

Motor cycle passenger kilometres per $ of GDP

p.km/ $1000

579.86

579.91

416.14

197.05

125.76

491.70

618.94

601.53

960.57

676.33

466.39

Private passenger transport energy use per capita

MJ/pe rson

60,034

29,610

32,519

15,675

9,556

6,661

10,573

7,283

6,184

5,523

2,498

Private passenger transport energy use per $ of GDP

MJ/$1 000

1913

1497

1562

489

303

1,119

1,930

1,477

2,193

1,471

1,055

Source : Kenworthy, 2003, Transport Energy Use and Greenhouse Gases in Urban Passenger Transport Systems : A Study of 84 Global Cities, Murdoch University.

14

B. Lefèvre, P. N. Giraud

07/2005

De même, Kenworthy montre que l’usage des modes de transport privé suit la même variation. Cette comparaison internationale met aussi en exergue que si le taux de motorisation peut être similaire, l’utilisation des modes de transport privé peut varier considérablement. Les deux conclusions précédentes se traduisent dans l’intensité des consommations énergétiques liées au transport privé relativement à la richesse (MJ / $1000 GDP). Kenworthy montre ainsi que trois groupes de villes sont les plus intensives en énergie : les villes des Etats Unis et du Moyen-Orient (1,900 MJ / $1000 GDP) et les villes africaines (2,200 MJ / $1000 GDP). Les villes d’Europe de l’Ouest et de l'Asie riche sont les plus performantes avec seulement 489 et 303 MJ / $1000 GDP respectivement. Les autres régions se situent entre ces extrêmes, avec une moyenne de 1,364 MJ / $1000 GDP. Ces conclusions renvoient à la prépondérance des facteurs urbanistiques et de l’existence d’alternatives en termes de transport en commun dans la dépendance à l’automobile. Elles confirment l’assertion de Litman et Laube (2002) selon qui « Many wealthier regions have balanced transportation systems while some poorer regions are quite automobile dependent. The differences result from public policies that affect transport choices and land use patterns ».

Seconde simplification: « l'offre de transports en commun et d'infrastructures de transports augmente avec la richesse » Une analyse du niveau de l’offre de transport en commun et d’infrastructure de transport montre que l’on ne peut pas tirer de conclusion simple et statique. Ainsi l’appréciation du niveau de l’offre de transport en commun dépend de si il est analysé relativement au nombre d’habitant (siège-Km / hab) ou à la richesse (siège-Km par $1000 de GDP). Si on compare les moyennes de l’offre de transport public (siège-Km / hab) entre villes riches et villes pauvres, on constate qu’il y a très peu de différence : 3,336 pour les régions riches et 3,203 pour les régions pauvres. Par contre il apparaît clairement que, relativement à la richesse, les villes pauvres fournissent une quantité de transport en commun bien supérieure ( 831 sièges-Km / $1000 GDP) à celle offerte par les villes riches ( 126 sièges-Km / $1000 GDP). Les villes d’Europe de l’Ouest et de l’Est, les villes riches d’Asie et dans une moindre mesure les villes australiennes et néo-zélandaises sont les seules régions à offrir des réseaux de sites propres significatifs pour les transports en commun. La Chine pour les régions pauvres et les Etats-Unis pour les régions riches ont des réseaux de sites propres particulièrement réduits. Les données de Kenworthy montre que, en moyenne, les villes riches ont un réseau en site propre par habitant largement supérieur (113 m / 1000 pers) aux villes pauvres (49 m / 1000 pers). Par contre si on compare ces réseaux en site propre relativement à la richesse, les conclusions s’inversent : les villes pauvres offre un peu plus du double de sites propres que leurs voisines riches (10.0 Km contre 4.6 Km / $1000 GDP). Corollairement, l’offre d’autoroute urbaine par habitant est particulièrement importante aux Etats-Unis, en Australie et en Nouvelle-Zélande (83% du niveau américain), et au Canada (78% du niveau américain). Dans les autres régions, le réseau autoroutier urbain est faible, particulièrement en Amérique Latine et en Chine (2% du niveau américain). Si l’on rapporte cette offre d’autoroute urbaine à la richesse (et non au nombre d’habitant), les résultats s’inversent : les villes pauvres offrent un peu plus d’autoroute urbaine que les villes riches (4.5 Km contre 4.1 Km / $1000 GDP). En fait, les villes africaines, d’Europe de l’Est et du Moyen Orient fournissent plus de kilomètres d’autoroutes par $1000 de GDP que les villes américaines. Il semble clair que les villes pauvres donnent la priorité à la construction d’autoroute dans une plus large mesure que les villes riches.

B. Lefèvre, P. N. Giraud

07/2005

unit

USA

Australie N. Zeland

Canada

Europe de l’Ouest

Asie Riche

Europe de l’Est

Moyen Orient

Amérique Latine

Afrique

Asie pauvre

Chine

$ / hab

31,386

19,775

20,825

32,077

31,579

5,951

5,479

4,931

2,820

3,753

2,366

seat km/pers on

1,556.8

3,627.9

2,289.7

4,212.7

4,994.8

4,170.3

1,244.6

4,481.2

5,450.3

2,698.8

1,171.3

seat km/$10 00

49.60

183.46

109.95

131.33

158.17

700.80

227.16

908.78

1932.77

719.01

495.01

m/1000 person

48.6

215.5

55.4

192.0

53.3

200.8

16.1

19.3

40.2

16.1

2.3

km/$10 00

1.55

10.90

2.66

5.99

1.69

33.74

2.93

3.92

14.25

4.30

0.96

Length of freeway per person

m/ person

0.156

0.129

0.122

0.082

0.020

0.031

0.053

0.003

0.018

0.015

0.003

Length of freeway per $ of GDP

km/$10 00

4.97

6.52

5.85

2.56

0.65

5.26

9.59

0.62

6.41

3.99

1.17

Metropolitan gross domestic product per capita Total public transport seat kilometres of service per capita Total public transport seat kilometres per $ of GDP Total length of reserved public transport routes per 1000 persons Total length of reserved public transport routes per $ of GDP

Source : Kenworthy, 2003, Transport Energy Use and Greenhouse Gases in Urban Passenger Transport Systems : A Study of 84 Global Cities, Murdoch University.

B. Lefèvre, P. N. Giraud

07/2005

Nous constatons donc que l’on ne peut pas analyser les transports urbains indépendamment des caractéristiques urbaines. De même, la mise en parallèle de l’usage des transports en commun et des parts modales montre que l’on ne peut pas étudier un mode de transport séparément de l’ensemble du système des transports urbains. Ainsi, par exemple, la Chine, malgré un faible niveau de service de transport en commun, présente un taux d’utilisation des transports en communs élevé (375 déplacements/capita) lié à la captivité des «commuters». Ces chiffres sont à opposer à la faible part modale des transports en commun (19% des déplacements) due à l’importance de la bicyclette et de la marche à pied (65% des déplacements totaux). De même les villes canadiennes se distinguent des autres «villes – automobiles» (des Etats Unis, australiennes, néo-zélandaises et du Moyen Orient) par un niveau d’utilisation des transports en commun, deux fois plus important qu’aux Etats-Unis, en Australie et en Nouvelle-Zélande.

B. Lefèvre, P. N. Giraud

Metropolit an gross domestic product per capita Total public transport boardings per capita Proportion of total motorised passenger kilometres on pub. transport

07/2005

unit

USA

Australie N. Zeland

Canada

Europe de l’Ouest

Asie Riche

Europe de l’Est

Moyen Orient

Amérique Latine

Afrique

Asie pauvre

Chine

$ / hab

31,386

19,775

20,825

32,077

31,579

5,951

5,479

4,931

2,820

3,753

2,366

bd./person

59.2

83.8

140.2

297.1

430.5

711.5

151.8

265.1

195.4

231.0

374.9

%

2.9%

7.5%

9.8%

19.0%

45.9%

53.0%

29.5%

48.2%

50.8%

41.0%

55.0%

Source : Kenworthy, 2003, Transport Energy Use and Greenhouse Gases in Urban Passenger Transport Systems : A Study of 84 Global Cities, Murdoch University.

B. Lefèvre, P. N. Giraud

07/2005

A. Bertaud (2004), dans une comparaison entre 49 mégapoles, montre qu’il n’y a aucune corrélation claire ni entre la densité et la richesse, ni entre la densité et la taille de la population. Par contre, il y a une relation claire entre la densité d’une ville et sa localisation continentale. Les villes américaines ont de faibles densités ; les villes européennes, africaines et sudaméricaines ont des densités moyennes ; les villes asiatiques ont de fortes densités. Ceci suggère que les densités sont fortement influencées par des facteurs historiques et culturels.

D’autre part, Bertaud remarque que toutes les villes présentées dans la figure ci-dessus sont des villes connaissant un relatif succès économique, ou en tout cas sont les principaux moteurs économiques des pays auxquels elles appartiennent. Le large spectre de densités rencontrées prouve qu’il n’y a pas en soi de densité «bonne», «correcte», «gérable» ou «acceptable». Aucune des villes dans cet échantillon, représentant ensemble 250 millions de personnes (soit 10% de la population urbaine mondiale en 1990), ne peut être considérée comme ayant une densité trop forte ou trop faible qui limiterait son développement ou la capacité à la gérer. Ces conclusions renforcent notre conviction qu’ils font entrer plus en profondeur dans les interactions systémiques qui caractérisent le fonctionnement urbain. En nous appuyant sur les travaux de Peter Newman et Jeffrey Kenworthy, nous allons dans un premier temps nous intéresser à une comparaison entre les différentes mégalopoles du monde afin de mettre en avant les grandes tendances observables dans la relation entre la forme urbaine caractérisée grossièrement par la simple mesure de la densité urbaine moyenne et les consommations énergétiques liées aux transports. Puis dans un second temps, à partir d’une étude menée par V. Fouchier sur l’agglomération parisienne, nous montrerons la nécessité d’analyser plus en profondeur cette relation « Transport – Usages des Sols » que nous décrypterons selon deux points de vue : ƒ les hétérogénéités de densité au sein de l’aire géographique urbaine et leur impact sur les

B. Lefèvre, P. N. Giraud

ƒ

07/2005

modes de transports et donc les consommations énergétiques liées, les différents types de déplacements et leurs modes de transports, et donc les consommations énergétiques liées.

5.2 Les analyses macro urbaines de Peter Newman et Jeffrey Kenworthy Conduites depuis une quinzaine d’années, les recherches de Peter Newman et Jeffrey Kenworthy sur la dépendance automobile et sur le développement urbain durable mettent en avant la forte interaction entre densités urbaines et typologies contrastées de répartition modale et de consommation d’énergie dans les transports :

Typologie « densité métropolitaines moyennes et transports » : Densité urbaine globale Répartition modale

Utilisation de l’automobile (Km / pers / an) Utilisation du transport public (dépl / pers / an) Consommation d’essence dans les transports (MJ / pers / an) Situations représentatives

Faible < 25 hab+e / ha TIM : 80 % TP :10 % TNM :10 %

Intermédiaire 50 – 100 hab+e / ha TIM : 50 % TP :25 % TNM :25 %

Forte > 250 hab+e / ha TIM : 25 % TP : 50 % TNM : 25 %

> 10.000

< 5.000

< 50

> 250

> 55.000

35.000 – 20.000

< 15.000

Métropoles nordaméricaines et australiennes

Métropoles européennes

Métropoles asiatiques

Source : Newman P., Kenworthy J., 1999, « sustainability and cities : overcoming automobile dependence», Island, Washington DC

TIM : transport individuel motorisé TP : transport public TNM :transport non-motorisé Densité : nombre d’habitants et d’emplois par hectare de surface urbaine nette (sans espaces verts, ni plans d’eau)

Ainsi les aires métropolitaines à faible densité connaissent une prédominance quasi-absolue de l’automobile et la consommation totale d’énergie dans les transports est considérable (souvent plus de 65.000 MJ par personne). Il existe de très amples variations dans cette catégorie entre les métropoles à «très faible densité moyenne» telles Houston, Phœnix, Brisbane ou Perth et une métropole telle que Toronto dont la densité trois fois plus élevée est proche des métropoles européennes. Les métropoles à forte densité ont une répartition tri-modale nettement plus équilibrée avec un avantage marqué pour le transport public (entre 40 et 60 % des déplacements). La consommation totale d’énergie dans les transports est quatre à sept fois moins importante que dans les métropoles à faible densité. Le cas extrême de cette catégorie est Hong Kong. Les métropoles européennes occupent une position intermédiaire en terme de densité urbaine : entre 40 et 120 habitants+emplois par hectare net. La répartition tri-modale est nettement plus équilibrée avec un avantage marqué pour l’automobile qui connaît un développement soutenu dans les couronnes extérieures, elles aussi à faible densité urbaine. La consommation totale d’énergie dans les transports est deux à quatre fois moins importante que dans les métropoles à

Cerna

20

B. Lefèvre, P. N. Giraud

07/2005

faible densité. Densités urbaines et consommation d’énergie dans les transports : métropoles américaines australiennes canadiennes Densités urbaines (habitants / ha) Moyenne 14 12 29 Gamme 10 - 24 10 - 27 21 - 42 Densités urbaines globales (habitants + emplois/ ha) Moyenne 22 18 43 gamme 15 - 30 14 - 24 30 - 65 Consommations d’énergie dans les transports (MJ / pers / an) Total 64.500 39.500 39.000 Gamme 52.000 – 35.000 – 33.000 – 77.000 45.000 47.000 Dont le diesel 8.000 5.000 6.500 dans les transports privés Dont l’énergie 800 900 1.200 dans les transports publics 1,2 % 2,3 % 3,1 % Pourcentage énergie transport commun

européennes

asiatiques

50 29 – 75

162 60 - 300

82 45 - 120

235 80 - 440

25.500 20.000 – 37.000 7.000

13.000 6.000 – 20.000

1.300

1.400

5,1 %

10,8 %

5.000

Source : Newman P., Kenworthy J., 1999, « sustainability and cities : overcoming automobile dependence», Island, Washington DC

On peut noter la part importante d’énergie consommée sous forme de diesel (12 à 40 %) en partie liée aux transports de marchandises ainsi que la très faible consommation d’énergie des transports publics (diesel et électrique) oscillant entre 1,2% dans les métropoles américaines et 11% dans les métropoles asiatiques. Le tableau suivant présente quelques éléments généraux de l’évolution «densité urbaine / transport». La densité urbaine a tendance à baisser dans l’ensemble des métropoles considérées et tout particulièrement dans celles d’Europe occidentale (-20 % en vingt années). Malgré les gains d’usage du transport public (sauf en Australie), l’usage de l’automobile croît de façon marquée, notamment en raison de l’allongement des déplacements domicile-travail.

Cerna

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B. Lefèvre, P. N. Giraud

Évolution de la densité urbaine et de l’usage des transports : métropoles américaines australiennes européennes Densités urbaines globales (habitants+emplois / ha) 1970 25 22 102 1990 23 18 82 Évolution 70-90 -8 % - 18% -20 % Distance domicile-travail (Km) 1980 13 12 8,1 1990 15 12,6 10 Évolution 80-90 +15 % +5 % +23 % Usage de l’automobile (Km/an/pers) 1980 8800 5800 3500 1990 10900 6500 4500 Évolution 80-90 +24 % +12 % +29 % Utilisation des transports publics (déplacement TC/an/habitant) 1970 48 118 241 1990 63 92 318 Évolution 70-90 +3 % -22 % +32 % 2,8 % 7,6 % 22,3 % Part modal TC, moyenne 1990

07/2005

Asiatiques 260 235 -3 %

900 1500 +67 % 430 496 +10 % 65 %

Source : Newman P., Kenworthy J., 1999, « sustainability and cities : overcoming automobile dependence», Island, Washington DC

La relation entre la densité d’urbanisation moyenne en habitants par hectare et la consommation d’essence par personne est forte : R2 = 0,86. Newman et Kenworthy ont construit une hyperbole «consommations énergétiques des transports – densité» :

Si les conclusions générales de Newman et Kenworthy ne sont pas remis en cause, plusieurs critiques ont été faites: Gordon et Richardson (1988, 1989, 1995) dénoncent des erreurs méthodologiques qui tendent à fausser le diagnostic et rendent les prescriptions non-appropriées et inapplicables. Ainsi ils dénoncent le fait que :

Cerna

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B. Lefèvre, P. N. Giraud

07/2005

- les différences dans le prix du pétrole et l’efficacité énergétique des véhicules ne soient pas prises en compte; - la distribution spatiale des activités et des ménages ne soit pas analysée. Cette structure spatiale détermine le nombre et la longueur des déplacements ; on ne peut pas arrêter l’analyse à la simple densité moyenne. Ainsi, par exemple, Newman et Kenworthy négligent la sub-urbanisation des entreprises qui a récemment accompagné l’étalement des villes américaines. La co-localisation décentralisée des emplois et des ménages a réduit et non allongé les temps et les distances des déplacements domiciletravail. Cette «superficialité» dans l’analyse conduit à ce que Breheny (1991) appelle «an obsession with density». Gordon et Richardson (1989) et Kirwan (1992) montrent d’une part que la corrélation de Newman et Kenworthy est particulièrement affaiblie voire disparaît une fois que la richesse par habitant est contrôlée et d’autre part que la relation entre la forme urbaine et l’efficience énergétique est bien plus compliquée à démêler. A. Bertaud (2003) a estimé avec différents modèles les déterminants de consommation de pétrole utilisés dans la base de données de Newman et Kenworthy (1989), et a montré que, par exemple, le revenu et le prix du pétrole affaiblissaient les résultats des Newman et Kenworthy. Le coefficient de densité devient même non-significatif dans certains modèles, et significatif mais faiblement dans d’autres. Pour A. Bertaud, la façon dont sont spatialement distribués les densités de population et d’emploi, et les déplacements au sein de l’aire urbaine sont bien plus importants que sa densité moyenne. Cette dernière est une approche trop simpliste de la complexité d’une structure urbaine. Comme nous le verrons par la suite, A. Bertaud propose plusieurs indicateurs spatiaux pour analyser et comparer différentes structures urbaines.

5.3 Les analyses de V. Fouchier : les hétérogénéïtés de densité et leurs impacts sur les déplacements V. Fouchier (1999) s’est intéressé aux hétérogénéités de densité au sein de l’aire géographique urbaine et leur impact énergétique. Il a étudié le cas de l’agglomération parisienne Premier pas pour l’élaboration du «Plan de déplacements urbains de l’Île-de-France», un diagnostic sur les grandes tendances et les mécanismes d’évolution des déplacements dans cette région de 10,5 millions d’habitants fut effectué en juin 1998 : En quinze années (1976 – 1991), alors que le nombre total de déplacements quotidiens par personne restait globalement stable, l’évolution des déplacements connaissait : ƒ une croissance de 33% en voiture ƒ un gain de 6% seulement du transport collectif ƒ une baisse de 19% de la marche à pied Les profils de mobilité au lieu de résidence et de répartition modale au lieu de destination montrent des grandes disparités dans les caractéristiques de mobilité selon les territoires, et notamment dans les répartitions modales. Cette confrontation met en lumière des tendances de développement que l’on peut qualifier de non durables : ƒ la partie la plus dense de la métropole (> 400 habitants et emplois par hectare), où le transport collectif joue un rôle prédominant (47 % des déplacements), reste stable ou en très léger déclin démographique ƒ la partie la moins dense de la métropole (< 30 habitants et emplois par hectare), où le transport collectif joue un rôle marginal (12 % des déplacements), connaît la plus forte dynamique de croissance de population et d’emplois.

Cerna

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Les tendances de stagnation voire de diminution de population dans les zones denses de l’agglomération conjuguées avec une augmentation importante de la population et de l’emploi dans les couronnes éloignées ainsi que l’inadaptation du réseau de transports collectifs aux déplacements banlieue à banlieue en fort développement expliquent en grande partie les tendances lourdes de croissance de la circulation automobile.

Il est très instructif de se pencher sur l’évolution observable dans l’agglomération parisienne des paramètres de mobilité selon la densité urbaine : Les indicateurs décroissant du centre vers la périphérie : ƒ part modale des transports collectifs : de 47% dans Paris, elle décline jusqu’à 10% en périphérie lointaine ; ou de 65% à 15% en répartition des déplacements mécanisés. Dans le cas de l’Ile de France, plus de 80% des prestations de trafic collectif (passagers*kilomètres) sont réalisés par les modes ferroviaires. La concentration de l’offre et des services ferroviaires dans le centre et les banlieues intérieures assure la compétitivité du transport public dans ces territoires ƒ part modale des transports non-motorisés : de 29% à Paris, elle décroît légèrement à 23% en périphérie éloignée. Toutefois la part des déplacements non-motorisés pour aller au travail ou à l’école varie fortement avec la densité urbaine : de l’ordre de 20 à 25% dans les zones très denses, elle n’est que de 5% dans les zones à faible densité. ƒ coût du stationnement : en zones denses, le stationnement est rationné et coûteux, alors qu’il est libre et pléthorique en zones à faible densité. ƒ budget logement : ce budget est difficile à cerner en raison de variations locales marquées, de secteurs de marché différenciés (location dans le secteur privé ou public, propriété). Une étude de 1999 avance, avec prudence, que le coût mensuel moyen du loyer par ménage varie d’environ 800 euros au centre à 450 euros en périphérie. Ainsi dans un contexte de forte densité urbaine et de stationnement rationné et très coûteux, les transports publics et les modes non-motorisés assurent la majeure partie de la mobilité. Les indicateurs constants : ƒ budget temps de déplacement (somme journalière des durées de déplacements par personne) est stable avec une moyenne de 82 minutes quelque soit la localisation en Ile de France ƒ taux moyen de déplacements journaliers par personne : cette constance est perceptible dans le temps (stabilité au cours des 10 à 15 dernières années) et dans l’espace : hormis à Paris où ce taux est de 3,6 dépl/J/personne, il est proche de 3,4 dépl/J/pers quelque soit l’éloignement Les indicateurs croissants du centre vers la périphérie : ƒ part modale des transports individuels : elle passe de 24% dans Paris à 65% en périphérie ; ou de 35 à 85% lorsque seuls les déplacements mécanisés sont comptés. Ces valeurs sont semblables aux valeurs globales des métropoles à fortes et à faibles densités illustrés dans le ƒ taux de motorisation croît dans un rapport de 1 au centre (270 voitures/1000 habitants) à 1,6 en périphérie (> 450 voitures/1000 habitants). L’usage (Km/an/voiture) est également croissant. ƒ Densité de stationnement (nombre total de places publiques et privées par hectare) ; cette croissance de l’offre de stationnement se fait proportionnellement à la part modale par transport individuel motorisé. ƒ Budget distance : de 12 Km par jour, la distance journalière moyenne parcourue par personne dans Paris passe à plus de 30 Km en périphérie éloignée, soit un rapport de 2,5 ƒ Vitesse moyenne de déplacement : tous mode de déplacements confondus, la vitesse

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moyenne de déplacement croît dans un rapport de 1 à 3 entre le centre (environ 8 Km / h) et la périphérie (25 Km / h). Les gains de vitesse en périphérie sont le fait des grandes infrastructures autoroutières et ferroviaires. Budget transport : les coûts mensuels moyens de transport privé et collectif varient de 160 euros/mois dans le centre à 480 euros/mois ; soit un rapport de 1 à 3. Consommation d’énergie dans les transports : pour l’ensemble des déplacements, elle est 4 à 5 fois plus faible dans le centre qu’en périphérie en raison d’une structure modale où plus de 75% des déplacements s’effectuent en transports collectifs ou sont non motorisés.

Ces sept indicateurs sont étroitement imbriqués : la faible densité est dépendante du taux de motorisation et de parts modales voiture élevés, cela dans un contexte de stationnement abondant et gratuit. Compte tenu du budget temps constant (l’agglomération parisienne vérifie ainsi le paradigme de Zahavi), les plus longues distances de parcours en voiture et transport public sont associés à des vitesses de déplacement nettement plus élevées que dans les zones urbaines denses. L’allongement général des distances de déplacements se répercute sur le budget-transport lui-même lié à la consommation d’énergie dans les transports. Remarquons que le cumul des budgets «logement» et «transport» tend à être grossièrement constant pour les locataires du secteur privé du centre vers les périphéries. Toutefois la part des dépenses cumulées «logement + transport» en fonction des revenus croît de 30% dans le centre à plus de 50% en périphérie éloignée en raison de revenus plus faibles à l’extérieur.

Dans «la République contre la Ville : essai sur l’avenir de la France Urbaine», Ascher (1998) établit une typologie schématique des déplacements : ƒ les déplacements atomisés : ceux qui sont épars car ils joignent des zones à faible densité ou parce qu’ils ont lieu à des horaires atypiques. En urbanisation à faible densité, ces déplacements ne peuvent s’appuyer sur des modes de transports collectifs et doivent inévitablement utiliser des modes très individualisés, essentiellement l’automobile. ƒ les déplacements polarisés : ceux qui sont parfaitement concentrés parce qu’ils partent ou arrivent dans une zone à moyenne ou forte densité, constituées soi de centres anciens, soit de nouvelles polarités périphériques telles des centres commerciaux et de loisirs. Selon la structure des réseaux, le transport collectif peut jouer un rôle pour l’accès aux centres anciens si ces derniers ont une politique équilibrée de maîtrise de l’automobile et du stationnement. En revanche, les transports individuels motorisés sont plus performants pour l’accès aux nouveaux pôles conçus pour l’automobile avec du stationnement à profusion et gratuit. ƒ les déplacements haute fréquence : ceux qui relient des zones denses. Ils forment l’essentiel du marché des transports autres que l’automobile.

Ainsi, comme pour le secteur domestique, de fortes densités entraînent des effets positifs du point de vue des transports : diminution des distances et augmentation de la rentabilité des transports publics, plus économes en énergie. Pour des ménages ayant un même niveau social, différents auteurs remarquent la tendance qu’ont les ménages habitant dans les zones à densité faible des périphéries des grandes mégapoles à se déplacer plus longuement, plus rapidement et plus fréquemment en voiture que les ménages de zones à forte densité. La différence de consommation énergétique de transport entre des ménages des zones à faibles densités et ceux habitant les zones à fortes densités est davantage expliquée par les distances faites en voiture que par le nombre des voyages effectués ; ce qui met en avant l’influence de la séparation physique des activités urbaine comme facteur déterminant Cependant les distances n’augmentent pas forcément avec un urbanisme de moindre densité du fait de la décentralisation des activités engendrée. On perçoit même qu’au-delà d’une certaine densité, la proximité peut être compensée par des problèmes d’accessibilité (encombrement,…)

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responsables d’augmentations de la consommation énergétique qui peuvent être importantes. Quatre ensembles de facteur agissent directement sur l’accessibilité : ƒ un ensemble de paramètres urbanistiques liés à la dimension, à la densité et à l’organisation des établissements urbains (structure géographique) ƒ le facteur «mobilité» représentant la propension des habitants à se déplacer pour accéder à des biens, des services que la structure géographique urbaine ne leur permet pas de trouver sur place. ƒ Le facteur «offre de transport» qui permet cette mobilité et atténue l’effet de distance au prix d’un certain coût (en monnaie, en temps, en énergie, …) ƒ Le facteur «encombrement» qui constitue une gêne à la mobilité et, augmentant au contraire l’effet de distance, diminue l’efficacité des moyens de transport. Ces facteurs sont loin d’être indépendants : l’offre de transport influe la structure géographique des villes, et par ailleurs, cette dernière détermine en grande partie la demande de déplacement, provoquant éventuellement un besoin de développement du système de transport. Cette présentation du système d’interaction est évidemment très partielle…

La définition de stratégies cohérentes pour gérer les déplacements sur la base d'une approche systémique et globalisante de l'espace urbain dans une perspective de long terme, s'est peu à peu imposée. Dans cette perspective de long terme, les modifications de l'offre de transport entraînent des transformations multiples : elles ne portent pas que sur les choix d'itinéraires, ni sur le chaînage des déplacements ou de modes ; elles concernent le choix de la destination du déplacement, le nombre de déplacements et des choix plus fondamentaux tels que la décision d'achat d'un véhicule, ou encore les localisations d'emplois et d'activités ou de logements. Les conséquences à moyen et long terme des modifications des conditions de transport sont d'une part les révisions de certains choix d'activités (comme les lieux d'achat, d'emploi et de résidence), d'autre part elles s'expriment à travers le trafic induit. Cela plaide en faveur d’une analyse introduisant des mécanismes de rétroactions entre les étapes de choix de déplacements et incite au développement d’études intégrant explicitement les effets de localisation et relocalisation, c'està-dire intégrant l'interaction entre le transport et l'utilisation des sols. La demande de déplacement est une demande dérivée, intermédiaire. Les besoins de déplacements naissent des besoins d'échanges des individus dans la ville et du fait de la dispersion des lieux d'activités à travers la ville. Si les structures urbaines viennent à changer, la demande de déplacement s'en trouve modifiée. Les interactions entre le développement urbain, qui détermine la structure des origines et des destinations des déplacements, et les transports jouent dans les deux sens. Il ressort que l'évolution future des déplacements doit être envisagée en considérant les tendances socio-économiques lourdes affectant la mobilité des agents, le développement des différents réseaux de transport, mais aussi en considérant les rétroactions potentielles sur le système d'occupation des sols. Parce que ces interactions sont extrêmement complexes, la seule façon pratique d'évaluer les impacts des politiques est d'utiliser un modèle mathématique basé sur une compréhension approfondie des mécanismes à l'oeuvre. C'est l'objet des modèles interactifs de transport et de localisation.

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6. Les typologies des dynamiques urbaines La littérature propose différentes typologies des dynamiques urbaines et notamment du couple « Transport – Usages des Sols ».

6.1 Les modes de transports dominants Les approches «transport» estiment que la façon dont sera gérée la saturation de l’offre d’infrastructure de transport va définir les formes urbaines. Cet «effet structurant» des infrastructures de transport est prépondérant dans l’évolution des villes. Une typologie des formes urbaines proposée par Schaeffer (1975) (reprise par Newman & Kenworthy (1995) et Barter) est basée sur l’évolution des modes de transport dominant. Schaeffer distingue la ville piétonne (the walking city), la ville du transport en commun (the public transport city or transit city) et la ville automobile (the automobile city). Dans cette typologie construite pour les villes du Nord, les trois types apparaîtraient successivement alors que le mode de transport dominant passe de la marche à pied au transport public puis à l’automobile. Ce cadre d’analyse n’exclut pas des formes hybrides : les villes européennes ont souvent un centre piétonnier, une aire (inner area) desservie par les transport public et une autre (outer suburbs) répondant aux besoin de l’automobile. P. Barter (1999) dont l’étude est centrée sur les villes développées d’Asie du Sud Est enrichit cette typologie en proposant les notions de villes bus (bus cities) et de villes motocycles (motocycles cities). Ces auteurs distinguent donc différents couples « Transport – Usages des Sols » : - La ville piétonne (walking city) : La ville piétonne correspond à la période antérieure à l’apparition des véhicules moteur et au tout début de son introduction. La marche à pied étant le premier mode de transport possible, l’espace urbain depuis les premières villes apparus au Moyen Orient (Bairoch, 1984) s’est structuré autour de ce mode. La superficie est limitée à quelques hectares, les densités de population sont particulièrement fortes. Newman et Kenworthy suggèrent une densité de population de 10.000 à 20.000 hab/Km2. Ces villes présentent une grande mixité dans l’utilisation de l’espace. Leur population est donc restreinte : en 1800, la plus grande ville du monde était Beijing avec 1,1 million d’habitants, alors que Rome aurait déjà atteint 1,2 million de personnes en 200 après JC (Moriconi-Ebrard, 2000). Les déplacements sont de courte distance (short distance origin and destination pattern) mais très dispersé dans la ville (highly dispersed throughout the city). (Newman, 1995) Les seuls autres modes de transports terrestres jusqu’au 19ème siècle utilisaient la force animale pour tirer des charges lourdes (charrette, âne, cheval,…) ou pour assurer aux plus riches un gain en vitesse et en confort par utilisation de l’énergie animale (char, calèche) ou humaine (chaise à porteur, pousse-pousse). De nos jours, il n’y a pratiquement plus d’agglomération dont le transport se fasse exclusivement à pied. - La ville des transport en commun (the public transport city or transit city) : La ville du transport en commun est celle qui a émergée avec l’avènement de la bicyclette, du tramway et du rail urbain dans les pays industrialisés entre 1860 et 1940. Les villes s’étalent de 10 à 20 Km et prennent une forme étoilée autour des lignes de transport en commun. Les densités de population deviennent plus faibles, entre 5000 et 10000 hab/Km2. Les zones d’activité et les zones résidentielles tendent à s’échelonner le long des voies du transport public. Un centre d’activité apparaît du fait de l’accessibilité du centre de la ville.

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Le cœur de la ville conserve une densité et une mixité élevées (High densiy core Mixed land Use). Les déplacements y sont de courte distance (Short distance origin and destination patterns within core district). On trouve souvent des poches piétonnes de densité moyennes autour des stations de rail (medium density, pedestrian pockets around rail stations). Les déplacements sont radiaux et de longue distance (long distance, radial origin and destination patterns). (Newman, 1995) Cette représentation schématique de la ville du transport en commun se justifie particulièrement avant la commercialisation de l’automobile. L’automobile n’existait pas encore à la fin du 19ème siècle, alors que les transports en commun se développaient déjà. La vitesse commença à s’ouvrir aux plus pauvres par les systèmes de taxis ou de transport collectifs apparu au 17ème siècle à Paris. Puis en 1852, New York avait la première ligne de tramway du monde – avec traction animale. Dans la deuxième moitié du 19ème siècle on chercha à substituer le moteur thermique aux chevaux qui présentaient de nombreux inconvénients. En 1863 Londres disposait du premier chemin de fer souterrain à locomotive à vapeur. Après 1880, les villes européennes se sont dotées du tramway électrique. En France le premier fut construit à Clermont Ferrand en 1890. L’automobile n’est apparue que dans la dernière décennie du 19ème siècle. Avant la seconde guerre mondiale en Europe, le taux de motorisation était de l’ordre de 40 voitures pour 1000 habitants. - La ville automobile (the automobile city) : La ville automobile est apparue après la seconde guerre mondiale dans les pays développés avec la généralisation de la motorisation. Elle a été favorisée par des investissements massifs dans des infrastructures routières qui a permis un étalement dans l’espace dans un rayon de 50 Km, avec une densité de population de l’ordre de 1000 à 2000 hab/Km2. Ce modèle urbain est typiquement celui observable aux EtatsUnis, au Canada ou en Australie. Il y a très peu de mixités des activités dans l’espace. Les emplois sont concentrés dans le CBD (central business district) et les populations résident en périphérie. L’automobile est le mode de transport dominant et la forte ségrégation des activités dans l’espace ne permet pas l’utilisation de modes plus lents. Les transports en commun sont marginalisés et ne sont finalement destinés qu’aux populations ne pouvant pas conduire ou n’en ayant pas les moyens. Le cœur est souvent commercial avec de forte densité (high density commercial Use core). Les commerces, services et industries sont séparés et dispersés dans l’aire métropolitaine (Commercial, retail and industrial land use separated and dispersed throughout metropolitan area). Les déplacements sont de longue distance et très dispersés dans l’aire métropolitaine (Long distance origin and destination patterns highly dispersed throughout the metropolitan area). (Newman, 1995) Les scenarii d’évolutions possibles pour les villes en développement se définissent alors comme : - «la ville automobile» si les infrastructures de transport sont largement développées afin de rétablir l’équilibre entre l’offre et la demande d’infrastructures routières. - «la ville du transport en commun» si les transports collectifs sont avantagés dans l’aménagement de la voirie. Il semblerait nécessaire pour cela de contraindre l’usage de l’automobile de manière économique en plus de la contrainte spatiale. - «la ville motocycle» s’accompagnant d’une dé-densification progressive de l’espace urbain.

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Cette typologie reprend l’hypothèse de Zahavi (1980) d’une double constance budgétaire (11% du budget monétaire d’un individu consacré au transport) et temporelle (1H de son temps quotidien). La vitesse, compte tenu de son accessibilité en termes de budget et de son usage selon la constante temporelle de déplacement quotidien proposé par Zahavi, permet de définir l’aire de déplacement des individus. Ainsi la marche à pied permet de se déplacer à 5 Km/H, et donc d’effectuer un trajet de 2,5 Km aller-retour en une heure. Ce mode de déplacement offre la possibilité de se déplacer dans une aire de 20 Km2 (un cercle de 2,5 Km de rayon). En voiture, avec une vitesse moyenne de 10 fois plus élevée que celle de la marche à pied, on peut circuler dans une aire 100 fois plus importante : 2000 Km2. En retenant la conjecture de Zahavi, on constate donc que l’adoption de modes de transport plus rapides transforme fortement la physionomie des villes. L’augmentation de la vitesse moyenne du système de transport d’une ville entraîne un besoin d’espace. Celui-ci se traduit par un étalement urbain et une diminution des densités. Les modes de transports déterminent donc les formes urbaines. L’augmentation des distances parcourues due à l’augmentation des vitesses et à l’étalement urbain se traduit par l’augmentation de la consommation d’énergie fossile comme l'ont montré Newman et Kenworthy (1989). Rappelons qu'entre la densité (comprise comme utilisation de l’espace) et la consommation d’énergie destinée aux transports, ils font apparaître une courbe exponentielle où en 1980, les villes les moins denses (inférieure à 2500 hab/km2, les villes américaines et australiennes) consommaient entre 0,7 et 1,8 Tep/hab pour le transport tandis que les villes européennes se situaient entre 0,24 et 0,48 Tep/hab pour une densité de population entre 4000 et 7500 hab/Km2. Les villes asiatiques développées se situaient en deçà de 0,24 Tep/hab pour une densité allant de 8000 hab/Km2 à Singapour à près de 30000 hab/Km2 à Hong Kong. Ces chiffres ont été actualisés pour la Millenium Cities Data Base de l’UITP (Union Internationale des Transports Publiques) (Kenworthy et Hu, 2002). Cette approche illustre les interactions entre les modes de transport utilisés et les distances parcourues par les populations urbaines, et par là les conséquences sur la morphologie urbaine décrite par la seule densité moyenne de l’agglomération.

6.2 Les formes urbaines A l’opposée, d’autres approches estiment que la façon dont sera gérée la forme urbaine va définir la demande d’infrastructure de transport. Cette typologie urbaine se base sur l’analyse de la distribution spatiale des centralités et des densités. Les possibilités d’évolution se définissent alors comme : - «la ville dense» (Saint Simonienne) : (Paris) : le maintien de la centralité est recherché, les grandes banlieues et les espaces périurbains s’urbanisent mais structurent peu. L’urbanisme est fonctionnaliste et fortement zoné. Le système de transport recherche les grandes vitesses vers le centre : RER, voirie souterraine, péage urbain facilitant les déplacements d’affaires. - «la ville satellite» (Rhénan) : (Belgique, Allemagne) : le maintien de la centralité reste recherché mais s’accommode du développement de centralités secondaires. De fortes contraintes limitent l’urbanisation des zones rurales entourant les villes : maintien des centres historiques, recherche de la polyfonctionnalité des espaces et de densités élevées (habitat en petit collectif). Du point de vue des transports, la priorité est donnée aux résidents sur la circulation (stationnement résidentiel, zones à trafic calmé, …) et aux modes peu consommateurs d’espace. L’accessibilité des réseaux publics est renforcée par une offre abondante de parcs d’échanges voiture/transport collectif. La volonté de limiter la taille des villes s’accompagne d’un développement soutenu des mobilités interurbaines. Son principal problème réside dans le grand nombre de trajet domiciletravail interurbain du fait de marchés du travail un peu à l’étroit localement. - «la ville étalée» (Californienne) : les contraintes spatiales sont totalement relâchées.

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L’offre foncière et immobilière peuvent se développer à coûts réduits, des urbanisations nouvelles peuvent naître spontanément, pour peu qu’il y ait un nœud autoroutier à moins de dix minutes et/ou un aéroport à moins de trente. La mixité n’est pas un objectif mais n’est pas dissuadées par un zonage. Les centres ne sont plus que des lieux parmi d’autre dans une « suburbia » densément maillée par un réseau routier de surface. Ces formes urbaines peuvent être mono ou polycentrique.

6.3 La structure urbaine (A. Bertaud) Il nous paraît intéressant de présenter ici certains travaux d’Alain Bertaud. S'il ne prend pas en compte le système de transport et donc ne s’intéresse pas directement au couple « Transport – Usages des Sols », son approche des dynamiques urbaines est particulièrement éclairante sur le rôle des caractéristiques décrivant les formes urbaines. Pour A. Bertaud (2001), si nous ne pourrons jamais connaître avec précision la nature des forces qui produisent les espaces urbains, nous pouvons au moins en mesurer le résultat final. Les relations économiques et sociales complexes qui conduisent à l’émergence des villes produisent un résultat physique – l’espace urbain construit – qui peut faire l’objet de cartographie et être mesuré. Les nouvelles technologies développées depuis 30 ans – imagerie satellite, cartographie digitale, système d’information géographique – nous permettent d’acquérir une bien meilleure connaissance des formes urbaines que dans le passé. Ainsi A. Bertaud représente graphiquement la distribution spatiale des populations sous forme d’un objet en 3 dimensions : l’aire urbaine construite est représentée dans le plan XY et les densités de population au sein de cette aire dans la dimension Z.

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Source : Bertaud, A., 2001, Metropolis: A Mesure of the Spatial Organization of 7 Large Cities

A. Bertaud définit la structure spatiale urbaine par deux éléments complémentaires : 1) la distribution spatiale de la population 2) la distribution spatiale des déplacements (pattern trips) réalisés par les personnes quand elles vont de leur domicile vers les lieux où elles vont avoir une activité productive ou sociale (leur lieux de travail, les magasins, l’école, …). La distribution spatiale de la population est donc une représentation statique de la ville lorsque les citadins sont chez eux, alors que la distribution spatiale des déplacements est une vue schématique des trajectoires complexes que ces mêmes citadins vont suivre durant le temps où ils ne sont pas chez eux. Pour A. Bertaud, la structure spatiale urbaine est forgée par les forces du marché en interaction avec l’environnement réglementaire, les investissements dans les infrastructures et la fiscalité. Les structures spatiales urbaines sont particulièrement résilientes. Les dépendances de sentiers sont fortes. Aussi l’état de la structure spatiale d’une ville réduit significativement les développements futurs possibles. S'il n’est pas possible de définir une structure spatiale optimale puisque les objectifs du développement urbain changent au cours du temps, il est par contre possible d’identifier les formes urbaines pertinentes en regard d’un objectif. Les structures spatiales présentées dans la figure ci-dessus apparaissent complexes et très différentes. Pour mieux comprendre ces structures spatiales urbaines, il faut donc analyser les

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propriétés géométriques de ces objets en trois dimensions. Bertaud propose donc 6 indicateurs spatialisés qui permettent de comparer différentes structures urbaines, stylisées et réelles. 6.3.1. Des indicateurs spatialisés pour analyser une structure urbaine

6.3.1.1. La distribution spatiale des déplacements (the pattern of daily trips) Traditionnellement, la ville monocentrique a été le modèle le plus couramment utilisé pour analyser l’organisation spatiale des villes. Les travaux de Alonso (1964), Muth (1969) et Mills (1972) sur les gradients de densité dans les aires urbaines sont basés sur l’hypothèse d’une ville monocentrique. Mais au cours du temps, il est devenu évident que la structure de beaucoup de villes diffère du modèle mono-centrique et que les activités génératrices de déplacements sont réparties en agglomérats « clusters » dans l’ensemble de l’aire urbaine en dehors du « Central Business Ditrict » (CBD). A. Bertaud considère que lorsque les villes croissent en taille, leur structure mono-centrique originelle se dissout progressivement en une structure polycentrique. Le CBD perd sa primauté, et des clusters d’activités générant des déplacements se répartissent dans l’aire urbaine bâtie. Les mégapoles ne sont pas nées poly-centriques ; elles ont évolué dans cette direction. «Monocentric and polycentric cities are animals from the same specie observed at a different time during their evolutionary process» (Bertaud, 2004). Aucune ville n’est 100% monocentrique, et très rarement 100% polycentrique. Certaines sont à dominance monocentrique, d’autres à dominance polycentrique et la plupart sont entre les deux. Certaines circonstances tendent à accélérer la mutation vers la poly-centricité : un centre historique avec un faible niveau d’aménités, un taux de motorisation élevé, un bas prix de la terre, une topographie plate, un réseau viaire en grille. D’autres tendent à freiner cette mutation : un centre historique avec un haut niveau d’aménité, un transport public basé sur le rail, un réseau viaire originellement radial, et une topographie rendant difficile la communication entre banlieues. A. Bertaud identifie quatre cas de figure pour décrire la distribution spatiale des déplacements d’une ville. Une ville mono-centrique (Figure a) peut maintenir un marché du travail unifié en fournissant la possibilité de se déplacer aisément de la périphérie vers le centre le long des routes radiales ou avec le rail. Plus la distance au CBD est courte, plus la valeur foncière est élevée. Si le marché est libre, les densités tendent à suivre le prix du foncier et le gradient de densité présente donc une pente négative du centre vers la périphérie. Certains urbanistes idéalisent les villes polycentriques en imaginant une communauté autosuffisante émergeant autour d’un centre d’emploi (cluster). Ces «villages urbains» autosuffisants vont s’agréger pour former une large ville polycentrique (figure b). Dans une telle ville, les déplacements seront de très courtes distances ; idéalement tout le monde pourrait se déplacer en vélo ou à pied pour aller travailler2. Selon Bertaud, ce phénomène n’a jamais été observé dans aucune ville. Il correspond à une fragmentation extrême du marché du travail. Cette vision de «villages urbains» auto-suffisants contredit donc ce qui est pour beaucoup la raison d’être des mégapoles : les économies d’échelles obtenues par un large et intégré marché du travail. Pourtant cette utopie persiste dans l’esprit des urbanistes ; Stockholm, Séoul, Shanghai en fournissent des exemples intéressants : alors que les constructions de logement sont directement liées dans les villes satellites à l’existence d’emplois, on constate que la majorité des habitants des ces villes satellites commutent pour travailler en ville et que les emplois des villes satellites sont occupés par des habitants du centre.

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Cette vision extrême fut exprimée, par exemple, par Cervero (1989).

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Source : Bertaud, A., 2001, Metropolis: A Mesure of the Spatial Organization of 7 Large Cities

En réalité, une ville poly-centrique fonctionne bien plus comme une ville mono-centrique : les emplois quelques soient leurs localisations, attirent les travailleurs de l’ensemble de la ville. La distribution spatiale des déplacements est pourtant différente. Dans une ville poly-centrique, chaque centre secondaire génère des déplacements depuis l’ensemble de l’aire urbaine. Ces déplacements montrent une grande dispersion des origines et destinations, presque aléatoires. Ils tendent donc à être plus long que dans une ville mono-centrique, tout chose égale par ailleurs. Plus la somme des distances aux différentes destinations potentielles est courte, plus le prix du foncier devrait être élevé. Aussi, Bertaud considère que l’on peut s’attendre à ce que les villes poly-centriques aient aussi un gradient de densité avec une pente négative centré sur le centre de

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gravité de l’aire urbaine, qui peut être différent du CBD. La pente doit être plus plate que pour une ville mono-centrique étant donné que la proximité au centre de gravité offre des avantages en terme d’accessibilité moins important que dans le cas d’une ville mono-centrique. Ces hypothèses se vérifient pour des villes comme Los Angeles ou Atlanta.

6.3.1.2 La consommation moyenne d’espace par habitant (the average built-up density) La densité étant mesurée à l’intérieur des limites administratives et donc englobant des espaces vacants et des étendues d’eau, Bertaud estime qu’il est plus utile et significatif de diviser la population urbaine par l’espace urbanisé. L’espace urbanisé est alors défini comme l’espace bâti consommé par les activités urbaines ; les espaces libres de plus de 4 hectares, les terres agricoles, aquatiques et forestières, ainsi que les aéroports, les routes et les autoroutes nonadjacents à une terre urbanisée ne sont pas inclues.

Source : Bertaud, A., 2001, Metropolis: A Mesure of the Spatial Organization of 7 Large Cities

Selon A. Bertaud, il n’y a pas de bon ni de mauvais chiffre de consommation d’espace par habitant. Il n’y a que des compromis entre des caractéristiques spatiales et, par exemple, des options de transport. La ligne rouge représente la quantité de terrain nécessaire pour manœuvrer et garer une voiture (40 m2). Ainsi on remarque que la surface nécessaire pour une voiture est une faible fraction de l’espace disponible par citadin à Berlin et New York, une portion significative dans des villes comme Moscou et est supérieur à l’espace disponible par personne à Shanghai. L’implication de ceci est particulièrement claire : plus la consommation d’espace par citadin est faible, plus l’utilisation de la voiture comme moyen de transport est perturbateur. 6.3.1.3. Le profil de densité (density profil)

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Pour A. Bertaud, la façon dont est spatialement distribuée la densité au sein de l’aire urbaine est bien plus importante que la densité moyenne. Le profil de densité est une manière simple et pertinente de représenter la distribution spatiale de la population au sein d’une aire urbaine. Le profile de densité fournit une image de la distribution des densités en fonction de la distance à un point central qui est généralement le centre du central Business District (CBD). La grande différence en terme de densité absolue autour du CBD ci-dessous entre les villes américaines, asiatiques et européennes peut être rapprochée des différentes distributions spatiales des déplacements (pattern trips). Les villes à dominante mono-centrique tendent à avoir des densités plus importantes à proximité du CBD que les villes à dominante polycentrique. Les 6 villes non-américaines présentées dans la ci-dessous ont dans les 4 Km autour du CBD des densités entre 170 et 320 personne par hectare (p/ha), comparées aux 20 p/ha à Atlanta et 120 p/ha à New York.

6.3.1.4. Le gradient de densité (density gradient) Dans la grande majorité des cas le profil de densité suit approximativement la courbe exponentielle à pente négative prédite dans le modèle développé par Alonso (1964), Mills (1967) et Muth (1969). Ce gradient négatif est généré par les forces du marché. Cette pente est si résiliente que même les villes avec une interruption historique du marché foncier comme Varsovie et Beijing conservent ce gradient négatif. Pourtant quelques villes comme Brasilia, Moscou et Johannesburg où la liberté du marché a été interrompue pendant une longue période présentent des gradients positifs. A. Bertaud estime que si une densité forte ou faible n’est pas nécessairement négative en soi, un gradient positif constitue toujours un handicap pour une ville. En effet, pour une densité moyenne donnée, dans une ville avec un gradient de densité positif, la distance moyenne par personne au CBD sera toujours plus grande que pour une ville équivalente avec un gradient de densité négatif. Aussi est-il raisonnable de penser que les déplacements seront plus longs.

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Source: Bertaud, A., 2004, The Spatial Organization of Cities: Deliberate Outcome or Unforeseen Consequence?,

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Source: Bertaud, A., 2004, The Spatial Organization of Cities: Deliberate Outcome or Unforeseen Consequence?,

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Source: Bertaud, A., 2004, The Spatial Organization of Cities: Deliberate Outcome or Unforeseen Consequence?,

6.3.1.5. Indice de dispersion Pour comparer et analyser des organisations spatiales urbaines, Bertaud utilise certains indicateurs spatiaux nécessitant un point central, le CBD ou le centre de gravité de la population. Le centre de gravité de la population est défini comme le point d’où la distance moyenne vers tous les autres points de la ville est la plus courte. La mesure de la distribution de la population est généralement associée aux villes monocentriques. Mais peut on utiliser ces mêmes indicateurs pour des villes poly-centriques ? Bertaud considère que pour une ville poly-centrique où le CBD et le centre de gravité de la population ne coïncident pas, il faut utiliser le centre de gravité comme point central. Il est alors opportun d’ajouter à l’analyse un indice de dispersion pour comparer les formes urbaines. L’indice de dispersion, proposé par Bertaud et Malpezzi (1999), est la mesure, indépendante de la superficie et de la densité, de la distance moyenne par personne au CBD – pour une ville mono-centrique- ou au centre de gravité – pour une ville poly-centrique. Pour corriger l’effet de la superficie et de la densité, l’indice de dispersion est le ratio entre la distance moyenne par personne au point central et la distance moyenne au centre de gravité d’un disque de densité uniforme dont l’aire serait égale à la surface construite.

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Source : A. Bertaud, S. Malpezzi, 2003, The Spatial Distribution of Population in 48 World Cities : Implications for Economics in Transition.

L’indice de dispersion, aussi appelé indice d’étalement, permet de comprendre l’importance de la structure spatiale dans la réduction des distances de déplacements. Il montre que la forte densité en elle-même ne réduit pas nécessairement les distances de déplacements. 6.3.1.6. Indice d’excentricité Le CBD d’une ville est considéré excentrique si il ne coïncide pas avec le centre de gravité de la population. L’indice d’excentricité, proposé par Bertaud et Malpezzi (1999), est mesuré en calculant le ratio de la distance entre le CBD et le centre de gravité de la population sur la distance moyenne par personne au CBD. Plus cet indice est grand, plus le CBD est excentrique. Bertaud et Malpezzi considèrent qu’un indice en dessous de 10% est satisfaisant, entre 10 et 20% l’excentricité est modérée, au-delà de 20% elle est forte. Pour les villes à dominance poly-centrique, cet indice n’est pas pertinent puisque la majorité des déplacements ne sont pas dirigés vers ou à partir du CBD. Par contre, pour les villes monocentriques, une grande excentricité aura pour conséquence d’allonger significativement les distances des déplacements.

Comme nous l’avons dit précédemment, pour A. Bertaud, la structure spatiale urbaine est forgée par les forces du marché en interaction avec l’environnement réglementaire, les investissements dans les infrastructures et la fiscalité. Le type de régulation appliqué par la puissance publique est donc déterminant dans le fonctionnement des marchés fonciers et immobiliers, dans les formes urbaines et donc dans les dynamiques urbaines. Bien entendu, il est difficile de construire une typologie simple des différents types de régulations prenant en compte la réglementation de l’usage des sols, les investissements dans les infrastructures et la fiscalité (Bertaud, Malpezzi, 2003). Bertaud et Malpezzi distinguent : ƒ les villes où l’urbanisation (même si elle est planifiée) est orientée par les forces de marché, comme Paris, Bangkok et la plupart des villes américaines. ƒ les villes qui sont passées d’une planification stricte à une urbanisation orientée par le marché, comme Varsovie et Sofia. ƒ les villes qui sont strictement planifiées et où les principes du marché ne sont pas respectés,

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comme Moscou, Brasilia, Séoul, Johannesburg. Le test effectué sur 48 villes mondiales par Bertaud et Malpezzi (2003) montre que les villes strictement planifiées ont des gradients de densité plus plats, des centres moins denses et un étalement plus important.

Source : Bertaud, A., 2001, Metropolis: A Mesure of the Spatial Organization of 7 Large Cities

Ce graphe montre que toutes les villes, à l’exception de Moscou, suivent le même modèle – une courbe exponentielle à pente négative. L’exception de Moscou peut s’expliquer par le fait qu’elle n’a pas eu de marché foncier et immobilier libre depuis 70 ans ; il est donc cohérent qu’elle ait un profil de densité différent des villes orientées par le marché. Mais alors que dire de Shanghai ? Cette ville n’a plus de marché foncier et immobilier depuis 45 ans et pourtant présente un profile de densité plus aiguë que Paris ou New York où le marché a exercé sa pression depuis plusieurs centaines d’années. Pour A. Bertaud (2001), la seule explication convaincante est que l’usage de la bicyclette comme principal moyen de transport pendant ces 45 années a forgé ce profil de densité de la même manière que l’aurait fait le marché foncier. De même on peut remarquer qu'à Londres, l’élévation de la densité entre 26 et 30 Km du centre correspond à «l’effet green belt» (Bertaud, 2001). Bien que cette ceinture verte n’est presque plus détectable aujourd’hui, sa longue présence a provoqué une densification liée d’une part à la raréfaction des terrains disponibles et d’autre part à l’effet «aménité».

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Ces études montrent l’importance de la régulation sur les structures urbaines. Elles mettent aussi en avant la substituabilité, dans une certaine mesure, des différentes composantes d’un mode de régulation.

6.3.2. Les liens entre structure urbaine et efficacité des différents modes de transports : la compatibilité des structures urbaines avec des objectifs environnementaux. 6.3.2.1. Les formes urbaines

Pour A. Bertaud le type de structure urbaine détermine le mode de transport le plus performant. En effet, la structure spatiale urbaine définie par le degré de mono-centricité et la distribution spatiale des densités a un impact direct sur la longueur des déplacements et sur la possibilité pour les transports en commun et la voiture d’être le mode de transport dominant. En effet à population donnée, plus la densité est élevée, plus petite est la surface urbanisée. Ainsi si la ville est continue – c'est-à-dire sans vaste espace urbain isolé comme les villes satellites – les déplacements vont être plus courts en distance dans une ville dense. La comparaison de deux villes, Atlanta et Barcelone, avec la même population (2,5 millions en 1990) mais des densités très différentes illustre bien ce point.

Source: Bertaud, A., 2004, The Spatial Organization of Cities: Deliberate Outcome or Unforeseen Consequence?,

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A Atlanta la plus longue distance entre deux points de l’aire urbaine est 137 KM, à Barcelone 37 Km. Les faibles distances des déplacements à Barcelone dues à la forte densité permettent aux habitants d’en effectuer 20% à pied. A Atlanta, les déplacements à pied ne sont même pas recensés. Mais, comme nous l’avons vu, la densité moyenne n’est pas le seul facteur qui influence la longueur des déplacements. Dans une ville à dominante mono-centrique, les déplacements sont généralement plus courts puisqu’ils sont majoritairement effectués de la périphérie vers le CBD. Dans la plupart des villes mono-centrique, le centre de gravité de la population coïncide avec le CBD, comme c’est le cas pour New York, Londres, Paris, Moscou, Shanghai, … Dans ce cas plus la proportion des déplacements dirigés vers le CBD est grande, plus les déplacements vont être courts puisque par définition le centre de gravité est le point depuis lequel le somme des distances pondérées par la population est la plus courte. Pour analyser les effets de la distribution des densités sur la longueur des déplacements, A.Bertaud propose une étude théorique de différents arrangements spatiaux d’une ville imaginaire où la population et la superficie restent constantes. Les variations de distances des déplacements sont calculées pour 20 structures spatiales caractéristiques et selon deux distributions spatiales des déplacements (patterns trips) : 1) les déplacements sont radiaux (ADC) 2) les origines et destinations des déplacements sont aléatoires (ADR). Les variables sont la densité des sous-zones, la localisation des sous-zones avec différentes densités et la forme géométrique de la ville dans les limites d’un carré de 12 Km sur 12.

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Source : Bertaud, A., 2001, Metropolis: A Mesure of the Spatial Organization of 7 Large Cities

Les résultats permettent de tirer trois conclusions majeures : 1)les performances des différentes structures urbaines varient considérablement : la distance au CBD double, passant de 3 à 6 Km, entre la situation 1 et 20 alors que la forme urbaine reste elle-même formée de carrés de 12 Km sur 12. Ainsi entre des villes de densité moyenne identique, la distribution spatiale des densités est un facteur essentiel déterminant la longueur des déplacements. 2)La variation de la distance au CBD entre différents arrangements spatiaux est plus importante que la différence entre la distance au CBD et la distance entre des origines et destinations aléatoires pour une forme urbaine particulière. Ainsi la forme urbaine ellemême est plus importante que le fait que la ville soit mono-centrique ou poly-centrique. 3)Si un mauvais arrangement pour la distance au CBD est généralement un mauvais arrangement pour la distance moyenne de déplacements aléatoires, la correspondance n’est pas linéaire. Ainsi certains arrangements spatiaux favorables pour des mouvements mono-centriques ne sont pas favorables à des mouvements aléatoires.

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6.3.2.2. Compatibilité de la voiture avec de fortes densités : Comme nous l’avons vu, une voiture nécessite 40 m2 pour ses déplacements et son parking. Elle entre en compétition non seulement avec les mouvements des piétons et des autres moyens de transports, mais aussi avec les commerces, les habitations et les différentes aménités urbaines. Il y a donc un seuil de densité au-delà duquel la voiture pose d’énorme difficulté. 6.3.2.3. Compatibilité des transports en communs avec différents niveaux de densités et différentes distributions spatiales de déplacements : A. Bertaud affirme que les transports en commun sont incompatibles avec des densités faibles et des structures urbaines à dominantes polycentriques. En effet il existe de explications purement géométriques au fait que les faibles densités soient incompatibles avec les transports en commun. Les stations de bus et de rail doivent être accessibles depuis les lieux de résidences et de travail. La vitesse de marche à pied est limitée à 4,5 Km/heure. Le temps de marche acceptable varie en fonction des cultures et des revenus mais différentes enquêtes montrent que les citadins n’acceptent pas de marcher plus de 10 minutes. Aussi les stations de transports en commun ont un rayon d’action (catchement area) de 800 mètres. Ce qui fait qu’un consensus émerge entre les chercheurs et les planificateurs urbains sur un seuil de pertinence pour les transports en commun autour d’une densité de 30 hab/ha.

La comparaison entre Atlanta (6 hab/ha) et Barcelone (171 hab/ha) illustre d’une manière plus concrète les problèmes émergeants avec des densités faibles. Le réseaux de métro barcelonais a une longueur de 99 Km et 60% des citadins vivent à moins de 600 mètres d’une station de métro. Le réseau de métro d’Atlanta est long de 74 Km mais seulement 4% des citadins vivent à une distance inférieure à 800 mètres d’une station de métro. Ainsi à Atlanta seulement 4,5% des déplacements totaux sont effectués en métro alors qu’à Barcelone cette proportion atteint 30%. Si Atlanta voulait offrir la même accessibilité au métro à ses citadins que Barcelone, il faudrait construire 3400 Km de lignes de métro supplémentaires et 2800 nouvelles stations. Cet énorme investissement permettrait potentiellement à Atlanta de transporter le même nombre de personne que Barcelone avec seulement 99 Km de ligne et 136 stations.

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A. Bertaud (2003) en conclut qu’il existe à la croisée des densités et du degré de mono/polycentricté des domaines d’efficacité pour les différents modes de transport.

Source: Bertaud, A., Malpezzi, S., 2003, The Spatial Distribution of Population in 48 World Cities: Implications for Economies in Transition, University of Wisconsin

Dans le cas d’Atlanta la très faible densité exclut le transport en commun comme une alternative viable à la dépendance automobile. Encourager la densification n’est pas faisable non plus. Pour atteindre le seuil de 30 hab/ha en 20 ans, en supposant que la population continue de croître à un taux de 2,7% par an, l’aire urbaine devrait se réduire de 67%. En d’autres termes, 67% du stock foncier existant doit être détruit, la terre doit retourner à la nature, les ménages et les emplois doivent se relocaliser sur les 33% restant de l’aire urbaine. L’exemple d’Atlanta montre bien comment la structure spatiale existante contraint le nombre d’alternatives dans les stratégies de développement urbain possibles. Cet exemple illustre les fortes dépendances de sentier que connaît le développement urbain. Selon A. Bertaud, étant données la résilience et les dépendances de sentier des structures urbaines, il est plus facile de diminuer la densité que de l’augmenter, et plus facile pour une ville mono-centrique de devenir poly-centrique que l’inverse. Bertaud en conclut qu’il existe une tendance globale dans l’évolution des structures urbaines : ƒ les villes mono-centriques tendent à l’être moins ; ƒ puisque les revenus et la mobilité augmentent dans les plupart des mégapoles, les densités tendent à diminuer ; ƒ Le rôle des transports en commun va diminuer malgré les lourds investissements et subventions ; ƒ Les villes s’agrandissent, les CBD aussi. En s’élargissant, les centres perdent la proximité qui faisait leur attractivité. Il est donc inévitable que des centres secondaires émergent et que le degré de mono-centricité diminue avec l’augmentation de la taille. Finalement, A. Bertaud (2004) imagine que le futur urbain soit constitué de deux types de ville, toutes les deux poly-centriques en terme de distribution des emplois. La première conserverait un centre puissant et prestigieux avec un niveau élevé d’aménité, entouré d’une aire résidentielle à forte densité habité principalement par les classes moyennes et élevées. La seconde serait un pur marché du travail sans centre prestigieux, les aménités seraient distribuées dans l’ensemble de l’aire urbaine.

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6.3.3. Les limites de l’approche d’A. Bertaud Les critiques qui peuvent être faites à l’approche d’A. Bertaud portent sur deux points : ƒ conservant le cadre néo-classique de l’économie urbaine, son approche reste dépendante d’un point central. ƒ Bertaud ne prend pas directement en compte les technologies de transports, leurs impacts sur les localisations urbaines et sur l’accessibilité différentielles qu’elles offrent, et encore moins leurs interactions structurantes avec la structure urbaine. Il refuse de rentrer dans la complexité systémique du couple «transport – urbanisation».

6.4. La distribution zonale Les géographes, quant à eux, ont élaboré des modèles théoriques descriptifs en découpant les espaces urbains en secteurs suffisamment petits pour arriver à tracer à l’intérieur de la ville une véritable mosaïque d’unités homogènes, puis en tentant d’y introduire un « ordre spatial ». - La théorie des cercles concentriques a été formulée par W. Burgess (1923) à propos de la ville de Chicago. Il décrit une série de zones concentriques correspondant chacune à une spécialisation bien définie : le centre des affaires rassemblant la vie commerciale, administrative et les transports ; la zone de transition, auréole de résidences pauvres entourant le centre ; la zone d'habitats ouvriers résidants près de leur emploi ; la zone de résidence plus aisées (maisons individuelles et immeubles à appartements) ; enfin à l’extérieur, l’auréole des « migrants quotidiens » qui s’étend, fréquemment selon les axes de communications. Critiques : schéma trop rigide, inadaptée aux villes pré-industrielles (« où la classe dirigeante se pressait au centre historique, près des organismes religieux et administratifs ») et aux cités modernes ; absence de prise en considération des forces d’inertie (permanence de certains équipements), de l’industrie lourde et du commerce de gros ; irréaliste régularité des zones concentriques (importance des secteurs radiaux notamment en liaison avec les axes de communications et existence de poches) - La théorie des secteurs de Hoyt (1939) fondée sur l’étude empirique de nombreuses villes américaines. Seules les résidences sont considérées et le critère est la répartition des revenus. L’évolution dans le temps se fait généralement par glissement radial du centre vers la périphérie ; le mouvement des résidences de qualité est lié à celui des bureaux, des banques et de certains commerces ; l’industrie se dispose le long de certains axes de transports et les résidences ouvrières à proximité ; l’action de promoteurs immobiliers peut infléchir localement la régularité du schéma. Critiques : plus réaliste mais limité à une certaine taille de ville - La théorie des noyaux multiples formulée par Harris et Ullman (1945) propose une représentation multicentrique de la ville. La répartition de la population s’explique par des noyaux de croissance multiples. Ces différents centres peuvent avoir des origines différentes : historiques, commerciales, industrielles. Le développement de centres indépendants résulte des économies et déséconomies d’agglomération : les activités semblables et complémentaires exigeant des équipements spécialisés se regroupent ; tandis que les zones résidentielles aisées s’éloignent des zones d’habitation défavorisées.

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Ces approches n’envisagent pas les interactions entre les deux éléments qu’elles considèrent. Le transport urbain et l’occupation des sols sont deux systèmes d’un même ensemble, souvent qualifié de machine, le système urbain. Notre position est qu’il convient de conserver le point de vue systémique (même s'il est plus difficile) et, à partir d’une analyse des interactions entre les deux sous systèmes Transport – Urbanisation, d’étudier l’intégration de ces deux politiques. Il s’agit en effet plus de savoir quelles combinaisons entre les politiques de transport et les politiques d’urbanisation peuvent être durable. Quelles sont les conditions de cette combinaison favorable ? Il conviendra par exemple de s’interroger sur les conséquences du timing des choix politiques. La tâche prioritaire n’est pas de concevoir une forme de ville idéale mais de re-concevoir les formes de villes existantes. Plutôt que de chercher un modèle statique d’une forme urbaine durable, il est nécessaire d’identifier les chemins complexes à travers lesquels des formes urbaines différentes pourront revendiquer d’être durable. Il faut considérer les liens entre densité, mixité, formes urbaines et mobilité afin d’une part de favoriser des dynamiques spatiales générant des modalités de développement durables et d’autre part d’élaborer des politiques de déplacements favorisant/stimulant ces dynamiques spatiales.

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7 Consensus et questions ouvertes

L’étude des paradigmes en cours au niveau international montre qu’il existe différentes approches mais aussi des consensus et des questions toujours ouvertes.

7.1. Les différentes approches des consommations énergétiques liées aux transports urbains On constate ainsi qu’il existe différentes approches : - De l’efficacité énergétique d’un système de transport ou d’un mode de transport : - une approche physique rapporte la consommation énergétique à la quantité de marchandises transportée (tonnes – Km) ou au kilométrage réalisé par voyageur (passager – Km) - une approche économique rapporte la consommation énergétique à la valeur du service rendu, c'est-à-dire à la valeur de la marchandise transportée, mais surtout à la nécessité que la marchandise soit livrée dans de bonnes conditions au bon endroit, au bon moment. - Du système de transport -L’approche Banque mondiale illustre parfaitement l’approche «end of pipe» des consommations énergétiques liées aux transports urbains. Les préconisations sont encore étonnamment «technicistes» : oamélioration de l’infrastructure routière. L’Indice de Rugosité International (IRI) est une mesure de la qualité de routes qui peut être mis en parallèle avec l’indice de consommation énergétique des différents types de véhicules par Km parcouru. oamélioration du rendement des véhicules : ƒ1er : “Fuel Policy” •améliorer la qualité des combustibles. •substituer des combustibles moins polluants (CNG, LPG, éthanol, méthanol,…). •augmenter le pouvoir énergétique des combustibles. ƒ2ème : «vehicle policy» •améliorer les technologies automobiles : diminuer le poids des voitures, augmenter l’aérodynamisme, … •améliorer le rendement des moteurs. •pour le moto-cycle, promouvoir les moteurs quatre temps. ƒ3ème : “Applying the environmental standards” •mettre en place des programmes d’inspection et de maintenance des véhicules. •mettre en place des programmes d’élimination des véhicules à technologies anciennes. •taxer les combustibles en integrant les externalités. •libéraliser le commerce automobile est une étape importante, notamment pour les pays ayant une industrie automobile afin de ne pas protéger des technologies obsoletes. •subventionner les transports publics afin de d’opérer des transferts modaux de la voiture vers le bus ou du bus vers le rail. Mais pour la Banque Mondiale cette stratégie “doit être manipuler

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avec precaution” car elle comporte beaucoup de biais intrinsèques. ƒ4ème: “Traffic management” : •gérer le trafic afin de permettre un trafic plus fluide et donc moins pollutant. La congestion réduit la vitesse moyenne et augmente les émissions. •réduire le volume de trafic. Dans la théorie comme dans la pratique des urbanistes, dans les approches et les modèles des ingénieurs transport, la nécessité de passer d’une approche descriptive à une approche causale fait consensus. L’approche «techniciste» des propositions de la WB pour lutter contre les émissions de CO2 liés aux transports urbains semble donc limitée. Le dernier point (trafic management) des propositions WB peut être commenté dans la cadre de l’analyse proposé par Litman (1996). Cet auteur nous amène à considérer trois niveaux d’approches des transports urbains : -Trafic (traditionnelle) : le focus porte sur le mouvement des véhicules et la vitesse. La congestion est un problème. Il s’agit d’augmenter la capacité du réseau de transport, de promouvoir une urbanisation avec de faible densité, de décongestionner le centre urbain, d’augmenter les places de parking… oun indicateur associé à cette approche mesurerait les émissions par véhicule déplacé (sans regarder le volume du trafic). -Mobilité (en progrès) : le focus porte cette fois sur le mouvement des personnes et des biens, et non des véhicules. Ainsi réduire le trafic est envisageable si cela améliore la mobilité. Il s’agit donc d’augmenter le taux d’occupation des véhicules et de donner la priorité aux transports en communs en terme d’espace et de financement. … Nous verrons par la suite que cette approche s’intéresse au ‘S’ de la méthode ASIF proposée par l’IEA. oun indicateur associé à cette approche mesurerait les émissions par passager transporté. -Accessibilité (émergente) : le focus porte sur la capacité à atteindre des opportunités. L’accessibilité peut être augmenter en réduisant le trafic et même la mobilité, comprise comme un besoin de se déplacer. Le trafic et la mobilité ne sont plus des fins en soi. Il s’agit donc de limiter le taux de motorisation, de promouvoir les déplacements nonmotorisés, de faire payer au transport particulier l’ensemble des coûts, de planifier le développement urbain en fonction de l’accessibilité et du transit, de restreindre les places de parking, de favoriser les télécommunications… De même nous verrons par la suite que cette approche s’intéresse au ‘A’ de la méthode ASIF proposée par l’IEA. oun indicateur associé à cette approche mesurerait les émissions totales ou par unité d’accessibilité (qui reste à définir) A l’instar de Litman, Vuchic (1999) distingue 4 niveaux d’approche de la planification du transport : -d) l’individu -c) le réseau modal particulier -b) le système multi-modal coordonné -a) l’interaction transport – forme urbaine Les niveaux d, c, b sont essentiels mais doivent être subordonnés au niveau a.

7.2. Les consensus Toutefois des points de consensus émergent sur : -les paramètres à prendre en compte : l’IEA les synthétise bien dans son approche ASIF où les émissions polluantes sont le produit de quatre paramètres (A x S x I x F) (Schipper, 2002).

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oA = activité (passenger-Km ou tonne-Km) oS= répartition modale (% par mode) oI = intensité énergétique du mode de transport (fuel/passenger-Km) oF = type de combustible (émissions par quantité de combustible) -les objectifs pour des transports urbains durables d’un point de vue environnemental (c'està-dire en dehors de la sécurité, de la mobilité pour tous, …) : oa) réduire le nombre et la longueur des déplacements ; ob) une répartition modale favorable aux transports publics, ce qui implique de faire évoluer la répartition modale des déplacements pour les pays développés et de conserver les parts modales actuelles pour les pays en développement. -l’importance de promouvoir les déplacements non-motorisés : le vélo et la marche représentent encore un grande part des déplacements et sont pourtant régulièrement et complètement oubliés. -il faut utiliser des instruments économiques dans les politiques de réduction des consommations énergétiques -un consensus émerge sur l’importance de la ségrégation du trafic : le partage de la route en fonction de l’efficacité du mode de transport (consommation énergétique par passager transporté) est de plus en plus reconnue comme une solution. -il existe un lien fort entre la forme urbaine, le besoin de transport, le système de transport et les consommations énergétiques (mais lequel ??). Il faut donc promouvoir une approche intégrée transport – usage des sols. oCertaines formes urbaines sont plus adaptées aux transports publics. oLes variables clés sont la densité et le degré de mixité entre les différentes fonctions urbaines ƒDes recherches théoriques et empiriques montrent une relation inverse entre densité et consommation énergétiques des transports. De plus une forte densité favorise l’implantation de transports publics, permet des économies d’énergie dans le secteur résidentiel et favorise la cogénération (chaleur et électricité). ƒD’un autre coté, de fortes densités peuvent entraîner des problèmes de congestion, une moindre accessibilité et limiter les recours possibles à des sources énergies renouvelables. oUn consensus émerge autour : ƒde la forme polynucléaire dans l’agglomération (centre secondaire) et/ou autour (villes satellites denses et autosuffisantes), ƒ liée à des transports publics performants On parle ainsi du modèle polycentrique en réseau avec diversification des sous-centres desservis par des transports publics efficaces, de densification décentralisée, forme de ville composite. ƒD’un autre coté, la décentralisation peut augmenter considérablement la quantité de déplacements de «commuting» si les coûts de transport ne sont pas suffisamment dissuasifs et si le degré d’autonomie (travail et service) du centre secondaire n’est pas assuré. En pratique cette situation se rencontre dans la majorité des pays. ƒCette décentralisation est très coûteuse quant il s’agit de ville satellite à construire ex-nihilo.

7.3. Les questions ouvertes -quelles politiques mettre en place pour atteindre les objectifs d’un transport urbain durable ? opartisans / opposants de la ville compacte : les premiers considèrent que la densité réduit le nombre et la longueur des déplacements. Pourtant il n’existe aucune

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relation directe entre une forte densité et la diminution du nombre de déplacement d’une part, et la diminution des consommations énergétiques dans le transport d’autre part. oquelle politique, entre usage des sols et transport, est la plus efficace ? Quelle combinaison ? Quel timing ? oquelle densification promouvoir ? Quelle forme urbaine ? -quels sont les outils pertinents pour mettre en place ces politiques ? Contraindre le taux de motorisation ? Développer les transports publics ? Utiliser des outils économiques ? Quelles combinaisons sont possibles ? Quelles combinaisons sont viables ? Sur quels aspects du système concentrer l’effort ? Quels sont les leviers ? Quels sont les plus efficaces économiquement et environnementalement ?

8 Exemples de« bonnes pratiques » de politiques intégrées transport - urbanisation : Nous allons maintenant présenter deux exemples concrets de politiques intégrées «Urbanisme – Transport ». Nous verrons que des solutions pertinentes existent mais que leurs applications sont difficiles et l’ensemble de leurs effets difficiles à maîtriser. Aux Pays-Bas, la politique «ABC» constitue une application des principes de coordination entre les densités et les dessertes en transports. Le plan d’aménagement du territoire 1991 des PaysBas cherche à «dissuader l’usage de l’automobile en particulier pour les déplacements domiciletravail». Un outil intéressant de cette politique est une stratégie de localisation de générateurs de déplacements. Elle vise à «placer la bonne entreprise au bon endroit». La stratégie ABC définit une politique de localisation croisant le «profil d’accessibilité» du lieu et le «profil de mobilité» de l’entreprise ou du service en termes de personnes et de marchandises. Le profil d’accessibilité fixe les éléments suivants : -localisation A : très bonne accessibilité par transport public et un taux de 10 places de stationnement pour 100 employés -localisation B : bien desservi par transport public et accessibilité assez facile en voiture liée à un taux de 20 places de stationnement pour 100 employés Les profils de mobilité des entreprises sont définis par trois indicateurs :

Intensité d’emplois Intensité de visiteurs

Type A < 40 m2/employé Flux journalier de visiteurs (< 100 m2/visiteur) Peu important

Recours au véhicule particulier pour le travail. Transport routier de marchandises exemples Commerces / bureaux

Type B Type C 40 – 100 m2/employé > 100 m2/employé Visites fréquentes (100 – Visites imprévisibles (> 300 m2/visiteurs) 300 m2 / visiteur) Relativement important Important

santé

Industrie / tansport

Cette politique fonctionne dans les deux sens : - Elle essaie d’implanter les entreprises qui cherchent un nouvel emplacement dans les endroits correspondant à leur besoin en mobilité.

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- Elle essaie d’améliorer l’accessibilité des localisations en fonction du type d’entreprises présentes sur un site. Dans les principales zones urbaines, en zone ‘A’, une entreprise peut disposer d’une place de stationnement pour 10 employés, en zone ‘B’, d’une place pour 5 employés et en zone ‘C’ d’une place pour 2 employés. La politique ABC a fait l’objet d’une première évaluation en 1996 (Roussel, Theys, 1999) (Martens, Griethuysen, 2000). L’objectif est de placer ‘la bonne entreprise au bon endroit’. Mais il n’y a pas toujours suffisamment de surface correspondant au type de localisation nécessaire. Ainsi dans les localisations de type A, et également, dans une moindre mesure, celles de type B, la surface disponible pour la construction de nouveaux bâtiments est fortement limitée. La plupart des collectivités locales ont intégré cette politique dans leurs plans d’occupation des sols. Près de 90 % des zones avaient effectivement fait l’objet d’un classement. Mais la majorité des zones n’étaient en réalité classées ni en zone A, ni en zone B, ni en zone C mais dans la catégorie ‘autres localisations’. Malgré une prise en compte théorique de cette politique par les grandes municipalités (notamment dans leur plan d’occupation des sols), la mise en pratique concrète est difficile. Dans les négociations avec les entreprises, les pouvoirs publics atténuent leurs exigences pour des raisons économiques. Or les entreprises se sont fortement opposées aux limitations de stationnement et les collectivités locales ont souvent tenu compte de leurs points de vue.

Un des exemples les plus spectaculaires de développement conjoint de fortes densités urbaines et d’axes de transport public à haute performance est Curitiba, capitale de 2 millions d’habitants de l’Etat du Parana au Brésil. En 1974, la municipalité prend l’initiative pour relever le défi de son urbanisation rapide par une politique de transport en commun volontariste: le Bus Rapid Transit (BRT). Les premières voies pour autobus en site propre sont crées. Après avoir longtemps hésiter avec le métro, Curitiba opta pour un système de bus beaucoup moins cher mais où tous les avantages du métro sont repris : - sites propres sur les artères principales. - temps d'attente limité à 2 minutes. - bus extra-longs bi-articulés (270 passagers) pilotés par un seul employé. - facilités pour les moins-valides. - réseau en étoile interconnecté avec des routes circulaires. La municipalité a tracé les parcours, choisi les véhicules, décidé des tarifs (le ticket coûte 15 FB quelque soit la distance tout en permettant le transit) et installé les stations (des arrêts existent aussi dans les favelas). Mais ce sont des sociétés privées qui ont acheté les bus et engagé les chauffeurs. Ce système BRT a en effet été développé en tant que composante essentielle du plan d’urbanisme de 1974 dont les objectifs étaient de contrôler une expansion urbaine radiale le long de cinq corridors et de protéger le centre ville traditionnel. L’objectif était de sortir de l’impasse posée par un taux de croissance annuelle de la population de 4% durant les années 1960 et 1970. Les approches classiques d’urbanisme étaient mises en échec. Le plan d’urbanisme proposé en 1974 suivait les principes d’une intégration «Transport – Urbanisme» : - promotion d’une croissance urbaine linéaire par intégration des transports publics, du réseau viaire et de la réglementation de l’usage des sols le long des «axes structurants». - décongestion du centre - management et contrôle de l’usage des sols en périphérie de la ville - incitations économiques à générer de l’emploi et des aménités dans certaines zones urbaines - amélioration des infrastructures Etendu de 12 à 65 Km en 25 ans, ce système de lignes de Bus Rapid Transit (BRT) sert d’ossature à 350 Km de lignes de rabattement et près de 200 Km de lignes inter-quartiers.

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Les résultats sont impressionnants: Bien qu’ayant le second plus haut taux de motorisation du Brésil (400 voitures / 1000 habitants), 72% des déplacements domicile-travail s’effectuent par bus. 1,8 millions de passagers sont transportés par jour (80 % des déplacements sont effectués en bus malgré que 28 % des usagers des bus possèdent leur propre voiture), 30 % de pollution aérienne en moins. La densification du développement urbain le long des corridors est clairement plus importante que dans le reste de la ville. Parallèlement au transport public, Curitiba a réalisé de nombreuses zones piétonnes en centreville, dont le boulevard central. On compte aussi 135 km de pistes cyclables. L'intégration de la gestion de la circulation, des transports et de la planification de l'aménagement du territoire dans les années 70 ont permis à la ville de minimaliser la circulation dans le centre-ville, d'aménager davantage de zones de loisirs et de zones piétonnières dans le centre-ville, et de favoriser l'utilisation des transports en commun et des vélos afin d'obtenir une ville écologiquement saine. En juin 1996, au deuxième sommet mondial des maires et urbanistes qui s'est tenu à Istanbul, Curitiba a été récompensée comme la cité la plus innovante au monde. Le système de transport a également été récompensé par l'English Building and Social Housing Foundation (EBSHF). Ce système a été repris avec succès par des villes du Sud comme Bogota (Transmilenio), Manille, Mexico, Beijing mais aussi du Nord comme Boston, Adelaide, Miami.

9. La modélisation des dynamiques urbaines Aujourd’hui, la question des consommations énergétiques liées aux transports urbains est généralement abordée selon une approche «macro-urbaine» qui se refuse de rentrer trop avant dans la complexité urbaine et par là limite son opérationnalité. Dans la lignée des recherches conduites par Newman et Kenworthy depuis une quinzaine d’années, la plupart des analyses se focalisent sur des paramètres a-spatiaux : la densité moyenne, la répartition modale, le taux de motorisation et la richesse par habitant. Ces approches sont basées sur le modèle ASIF de l'IEA. Ces recherches mettent en avant la forte interaction entre densités urbaines et typologies contrastées de répartition modale et de consommation d’énergie dans les transports. Leurs conclusions sont particulièrement claires mais pour autant peu opérationnelles. Comme nous l’avons vu, a l’instar de ces recherches, la construction d’indicateur de développement urbain durable est en panne : malgré diverses tentatives, la communauté des chercheurs et des acteurs du développement s’accorde pour dire que les outils de suiviévaluation du développement durable territorial pertinents restent à construire. (Appel à Programmes «développement durable et politique territoriale» MEDD 2003) Selon nous, ces approches présentent les mêmes limites opérationnelles : -les forces motrices ne sont pas spatialisées. Les inter-actions entre les différents paramètres décrivant le système ne sont pas prises en compte. -les outils ne sont pas dynamiques. Un résultat statique ne permet pas d’éclairer les alternatives, les compromis, et donc d’aider la prise de décision. Pour avancer dans l’étude des questions ouvertes présentées précédemment et évaluer la capacité des technologies de transport à répondre aux exigences de la durabilité, il nous faut: -insérer ces technologies dans les inter-actions systémiques de la structure urbaine précédemment décrite. Nous devons prendre en compte les impacts d’une évolution du

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système de transport sur la distribution spatiale des activités et des ménages. De même nous devons prendre en compte l’évolution du système d’usage des sols sur l’utilisation du système de transport. -travailler en dynamique pour prévoir les trajectoires d’évolution possible, pour prendre en compte les dépendances de sentiers. Tous ces éléments mettent en avant la nécessité de recourir à un outil de simulation des dynamiques urbaines qui : -soit centré sur le couple « Transport – Usages des Sols » -traduise les dynamiques urbaines en terme d’émissions de Gaz à Effet de Serre. Cet outil de simulation permettra d’élaborer des scenarii d’évolution à long terme propre à tester les effets de différentes politiques d’urbanisation et de transport. Il fournira une mesure synthétique de la durabilité environnementale d’une structure spatiale urbaine. L’unité serait les consommations énergétiques et les émissions de CO2 liées.

9.1. L’histoire des modélisation du transport urbain De l'histoire des modèles visant à tester les politiques de transport se dégagent quatre phases marquées par des évolutions du contexte de la planification des transports urbains au niveau des objectifs, des horizons temporels et des périmètres adoptés pour les études : ƒ La méthode des facteurs de croissance, simple extrapolation linéaire du trafic existant à partir de l'accroissement prévu des variables caractéristiques, a été abandonnée dès les années 1950 car, ne prenant pas en compte les changements structurels de la ville, elle n'était opérationnelle qu'à court terme. ƒ Dans les années 50 et 60, des modèles permettant de prendre en compte le long terme furent élaborés : les modèles agrégés à quatre temps. Ces modèles distinguent quatre étapes : la génération des déplacements, la distribution zonale, la répartition modale et l'affectation sur itinéraire. Ces modèles restent descriptifs ; ils ne sont ni causals, ni comportementaux. Les choix du voyageur sont envisagés séquentiellement. Les effets rétroactifs sont négligés : les impacts d’une évolution du système de transport sur la génération des déplacements, notamment, ne sont pas pris en compte. ƒ Dans les années 70, l'objectif de la planification des transports était d'infléchir la croissance explosive de la mobilité motorisée individuelle. Il s'agissait de comprendre les motivations des déplacements, les sensibilités aux évolutions du système de transport, et donc d'augmenter le pouvoir explicatif des modèles. Des modèles comportementaux, dits désagrégés ou de choix discrets, furent élaborés. Leur pertinence est limitée par trop d'hypothèses simplificatrices, leur mesurabilité par la complexité d'une approche désagrégée ; ils sont incapables de prendre en compte le long terme. ƒ Depuis les années 80, les objectifs sont stratégiques : long terme, niveau spatialement agrégé (pour simplification), capacité à expliquer les changements à long terme des schémas d'usage des sols (politiques d'urbanisation comme réponse aux problèmes de transport), capacité à présenter la concurrence entre les différents modes de transport. C'est dans ce contexte que furent élaborés les modèles d'interaction transport-urbanisation. Ils intègrent les interrelations entre les caractéristiques de la demande de transport et celles de l’offre, les rétroactions entre le transport et l’utilisation des sols Cette évolution dans les modélisations des systèmes de transport sert notre ambition de recherche : ƒ L'approche des modèles d'interaction transport-urbanisation est systémique : les interactions entre différents sous-systèmes urbains sont envisagées compte tenu des temporalités propres à chacun. ƒ Ces modèles permettent d'élaborer des prospectives de long terme. ƒ Ces modèles envisagent les principaux secteurs urbains consommateurs d'énergie (hors industrie) : le transport et le logement. Tous ces éléments nous poussent à adopter cette approche.

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Nous avons ensuite étudié les modèles d'interaction transport-urbanisation proprement dit, et plus particulièrement les bases théoriques mobilisées (modèles d'interaction spatiale et notion d'accessibilité), les modules de simulation des localisations urbaines (c'est à ce niveau que les modèles différent le plus fortement). En s’appuyant sur les différentes évaluations comparatives des modèles d'interaction transporturbanisation existants menées par l’International Study Group on Land Use / Transport Interaction (ISGLUTI), nous avons sélectionné TRANUS comme étant a priori le modèle le plus adapté et le plus adaptable à notre programme de recherche. (Wegener, 2000)

9.2 TRANUS En effet TRANUS (de la Barra, 1989) est un modèle intégré qui a deux objectifs : premièrement, la simulation des effets des politiques d'urbanisation et de transport ; deuxièmement, l'évaluation de ces effets à un niveau social, économique, financier et environnemental. TRANUS permet de simuler les évolutions plausibles du système urbain ; c’est un modèle de prévision, c'est-à-dire qu’il estime les résultats d’action(s) particulière(s) sur le système de transport et/ou sur la gestion de l’usage des sols, sur une période de temps donnée. Il permet d’effectuer un diagnostic du système actuel de transport et de tester différents scénarii d’action : • sur le système de transport : • investissement dans les infrastructures de transport : création de nouvelle infrastructure (autoroute, métro, bus rapide, …) avec test de différente configuration, amélioration des services de transport public (site propre pour les bus, vois cyclable, augmentation de la capacité des véhicules, augmentation du nombre de véhicule,…), réorganisation du réseau routier, … • politique de transport : régulation du trafic par un péage urbain, par le prix des carburants, par une tarification incitative du transport public, … • sur le système d’usage des sols : • au niveau des zones urbanisables : limitation / extension des zones urbanisables, viabilisation de parcellaire, … • au niveau des modes d’urbanisation : politique de densification, de mixité sociale, de mixité fonctionnelle, … TRANUS est donc réellement capable de tester différentes dynamiques du couple «Transport – usages des sols». L’aire d’étude est divisée en deux ou plusieurs zones à l’intérieur desquelles il faudra renseigner différents éléments nécessaires à la description des systèmes de transport et d’usage des sols. Le modèle nécessite des informations sur : • l’espace : type de sols (résidentiel, commercial, industriel,…) et droits attachés, prix, densité… un SIG est préférable. • la population : les différentes catégories socioprofessionnelles, … • l’activité économique : type d’activité, … • les infrastructures de transport : caractéristiques physiques, économiques, …, opérateurs, … un SIG est préférable. Ces inputs sont définis à un niveau urbain global et au niveau de chaque zone urbaine. L’utilisateur de TRANUS décide du niveau de détail auquel toutes les catégories (géographiques, démographiques, économiques, …) seront renseignées, selon ses objectifs et les informations disponibles. Les outputs du modèle TRANUS sont : • la structure spatiale urbaine : la localisation des activités et des ménages dans l’espace urbain, les effets sur l’expansion urbaine, • l’évolution du trafic par mode, opérateur et paire origine-destination

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des évaluations économiques : élasticité de la demande au tarifs des transports, bénéfices (évolution de l’utilité) des différentes catégories socioprofessionnelles/par zones urbaines, évolution des marchés foncier et immobilier,… • des évaluations financières : évaluation de la demande de transport, retour sur investissement, couverture des operating costs, … • des évaluations environnementales : consommation énergétique (pour le transport et les bâtiments), émissions de CO2 ou autres gaz, … Si TRANUS est flexible dans le niveau de détail adopté, il l’est aussi dans les taches qu’il peut effectuer. Il est notamment possible d'ajouter un nouveau module au différent niveau de son architecture. De façon classique, le modèle comporte deux sous-modèles : un modèle d'urbanisation et un modèle de transport. Le modèle d'urbanisation estime la localisation des activités dans différentes zones, et s'équilibre selon les propriétés des marchés. Les acteurs économiques se localisent de manière à équilibrer l'offre et la demande de travail et de service avec pour stratégie de minimiser leurs frais de transport et de loyer. De cette localisation résultent des échanges économiques spatialisés qui se traduisent sous forme de matrice Origine/Destination, représentant les flux fonctionnels Xmn,ij générés par le secteur m (situé dans la zone i) vers les secteurs socio-économiques n (situé dans la zone j). Dans le modèle de transport, les matrices des flux fonctionnels sont transformées en matrices de déplacements grâce au modèle de génération de déplacements. Ainsi, les schémas d'activités de la période t déterminent la demande de transport de la période t. Le modèle de transport, en retour, calcule les coûts généralisés de transport, qui sont des composantes de la fonction d'utilité du modèle de localisation des activités (accessibilité). Les coûts de transport sont donc réintroduits dans le modèle de localisation, mais il est supposé que cette rétroaction ne se fait pas immédiatement. Elle se réalise à la période suivante (t+1). Cela représente l'inertie du système de localisation à s'adapter au changement du système de transport.

Activity model

Costs and disutilities by economic sector

Flows by transport sector Activities-transport Interface

Flows by economic sector

Transport model

Costs and disutilities by transport sector

Ainsi, la localisation des ménages et des emplois génère des déplacements qui sont affectés sur le réseau multimodal de transport. Les coûts généralisés de transport sont en retour injectés dans l'expression de l'utilité. Les disponibilités foncières et le réseau de transport sont modifiés à chaque horizon temporel. Le modèle calcule donc pour chaque horizon temporel, la localisation des ménages et des emplois, l'évolution du prix du foncier par type de surface et type de zone, les déplacements et leurs affectations par mode sur le réseau. La croissance du système peut être simulée en augmentant la demande exogène, la population,

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les ménages, ou l’emploi total.

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10 Programme de recherche Etapes

Tâches

Cadrage

Etude de faisabilité de la

méthodologique

thèse

Produits

- Etat de l’art sur les

Echéances

Rapport pour l’ADEME

Avril 2004

Rapport pour le MEDD

Octobre 2004

Présentation «11th Annual

Juin 2005

indicateurs de développement urbain durable - proposition «Signature Energétique Urbaine»

International Sustainable Development Research Conference», Helsinki, Finland

Etat de l’art sur

Rapport pour le CNRS*

Octobre 2005

- les analyses économiques des

marchés

foncier

et

immobilier urbains - les bases théoriques mobilisés par les modèles intégrés «TransportUrbanisation»

Définition

de

la - Concept Paper

Juillet 2005

problématique - Présentations AFD, ADEME

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Etude de cas n°1 : application de la SEU à

Rapport pour le MEDD

Octobre 2005

Concept Paper

Octobre 2005

Bangalore SCECREOCEAN,

Etude empirique du couple

Bangalore, India

«Transport – Urbanisation» Etude

des

impacts

des *Rapport pour le CNRS

Octobre 2005

règles d’urbanismes sur les marchés

foncier

et

immobilier

Etude de cas n°2 : Etude des impacts du

Rapport pour le CNRS

Octobre 2006

Concept Paper

Octobre 2006

Concept Paper

Mars 2007

?

?

Thèse

Octobre 2007

TRANSMILENIO sur les CEDE, Universitad de

marchés foncier et immobilier

Los Andes, Bogota, Colombia

Etude des impacts du TRANSMILENIO sur la structure urbaine

Etude de la candidature MDP du TRANSMILENIO ? Application de la SEU au cas de Bogota ?

Conclusion du

Rédaction et soutenance de

programme de

thèse

recherche

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B. Lefèvre, P. N. Giraud

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Cerna

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