La princesse en sucre

s'embarqua sur un navire pour aller chercher femme dans un pays étranger. Le navire navigua longtemps. Il essuya de nombreuses tempêtes et connut bien ...
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La princesse en sucre Il était une fois dans un lointain pays du nord un vieux roi qui finissait ses jours dans une grande tristesse. Le roi avait en effet un fils beau comme la lumière et ce fils n'avait jamais voulu se marier. Les remontrances du roi finirent par porter leurs fruits et un jour, le prince s'embarqua sur un navire pour aller chercher femme dans un pays étranger. Le navire navigua longtemps. Il essuya de nombreuses tempêtes et connut bien des difficultés mais arriva enfin en vue d'une terre. Une fois accosté, le prince n'en crut pas ses yeux : cette terre était en sucre. Les arbres étaient en sucre, les maisons étaient en sucre, les gens eux même étaient en sucre. Il y avait jusqu'à la neige qui recouvrait tout comme un blanc manteau d'hiver et qui n'était en fait que du sucre glace. Or le prince était gourmand et le pays lui parut merveilleux. Il se fit annoncer à grands sons de trompette afin que l'on prévienne le seigneur de la contrée et fut reçu par celui ci. Or le seigneur avait une fille belle comme l'écume de mer, gracieuse princesse tout en sucre, et le prince, dès qu'il la vit, en tomba éperdument amoureux. Il la demanda en mariage et obtint de son père son consentement pour qu'il l'emmène chez lui afin de l'épouser. La princesse était triste de quitter son pays mais elle avait su dès le premier regard qu'il serait doux de vivre auprès d'un si beau prince. Elle prépara ses bagages et, dans ses malles en sucre, entassa toutes ses affaires en sucre : ses robes en sucre, ses chaussure en sucre, son peigne en sucre et tout ce dont elle avait besoin en sucre pour vivre dans ce lointain pays qu'elle aimait déjà de tout son coeur car il était celui de son bien aimé. Le voyage de retour fut agréable et c'est à peine si le prince mangea quelques gants et autres menus objets de sa fiancée que celle-ci lui concéda bien volontiers. Une fois rentrés dans son pays, le prince épousa la princesse au mieux de grandes réjouissances, de musiques et de danses, et leur vie commença. Le prince essayait de ne pas voler trop d'affaires à son épouse, mais la gourmandise était toujours la plus forte et tout disparaissait au fur et à mesure que le temps s'écoulait : mouchoirs, chemises, culottes et même les affaires de toilette. Bientôt la princesse n'eut plus rien sur elle qu'une chemise de nuit que le prince mangea un soir de fringale. Alors la princesse se coucha dans son lit et n'en bougea plus car elle avait beaucoup de pudeur. Mais le prince n'était pas rassasié et il se mit à regarder sa femme avec des yeux brillants de convoitise. Pendant plusieurs nuits, il réussit à se contenir mais un soir, alors qu'ils étaient couchés ensemble dans le grand lit, le prince sentit que sa gourmandise revenait plus forte que jamais et crac ! il mangea un doigt.

La princesse sentit une vive douleur, mais ne dit rien. Elle était triste de voir son mari céder à un si mauvais penchant, mais en même temps elle se sentait si heureuse en pensant que son doigt fondait dans la bouche de son bienaimé ! Bientôt les doigts disparurent, puis ce fut une main. Les pieds, les jambes et les bras furent croqués à leur tour, un bout toutes les nuits. Il ne resta finalement plus que la tête de la princesse qui roulait de grosses larmes sucrées, et silencieusement car elle n'avait jamais voulu faire de reproches à son époux. Lorsqu'elle sentit le prince manger le bout de son oreille, la princesse comprit que sa fin était proche. Le lendemain, alors que le prince était à la chasse, elle demanda que l'on portât sa tête près de la grande vasque qui se trouvait dans le jardin et près de laquelle elle avait été si souvent embrassée. On lui obéit et la princesse, en poussant un grand soupir, fit jeter sa tête dans l'eau. Il n'y eut bientôt plus qu'une grande vasque d'eau sucrée que le prince, arrivé sur les lieux, contempla avec désespoir. Penché sur le bord du bassin où venait de disparaître sa femme, il se mit à pleurer, comprenant où sa gourmandise l'avait mené. Mais les larmes sincères ont un pouvoir magique et celles-ci, en tombant dans l'eau, rendirent apparence et vie à la princesse, non plus en sucre, mais bien réelle. Sortant de l'eau, elle l'embrassa en disant : « Beau prince, s'il vous est possible désormais, caressez moi, mais ne mangez plus ! » FD, 1983