La Marine

Ce saut capacitaire dans la maîtrise de l'espace aéromaritime renforce nettement notre ...... Par ailleurs la technologie, si elle rend cet espace de plus en.
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N ° 2 9 6 8 D U 2 6 M A R S 2 0 1 1 • L E M AGA Z I N E D E L A M A R I N E N AT I O N A L E

2010/2011

MARINS D’ETAT

M 01396 - 2968 - F: 2,40 E

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VERS TOUS LES HORIZONS

NUMERO SPECIAL

SOMMAIRE

COOPÉRATION FR/UK

6

Le pack franco-britannique gagne du terrain

MARINE AU COMBAT

8

10

14

16

Parfaites collaborations

26

BASE DE DÉFENSE

28

FREMM

30

Fremm : les frégates de l’avenir

18

Sous haute protection

ACTION DE L’ÉTAT EN MER

SOUTIEN

Refonte globale

« Le monde du silence : un monde qui bouge ! »

PROTECTION DÉFENSE

24

La logique d’optimisation

Agir au loin

SÛRETÉ DES APPROCHES ET DISSUASION

MCO AÉRONAUTIQUE NAVALE Transferts et mutations

Une Marine de plein emploi

PROJECTION DE FORCE

22

La révolution de velours

Marins en opérations

PLANISPHÈRE OPÉRATIONS

MCO NAVAL

BARRACUDA

32

Les Barracuda auront du mordant

20

NH90

34

« Caïman prêt »

MARINE À PARIS EN 2014

36

Réorganisation générale

ÊTRE MARIN-ÊTRE COMBATIF

38

Conforter notre savoir-être – renforcer nos savoir-faire

FIER D’ÊTRE MARIN

40

Questions à quatre voix

À l’heure où nous publions Cols Bleus, le groupe aéronaval a appareillé de Toulon pour participer à l’opération Harmattan au large de la Lybie. COLS BLEUS  N° 2968  26 MARS 2011  3

ÉDITO

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AMIRAL PIERRE-FRANÇOIS FORISSIER CHEF D’ÉTAT-MAJOR DE LA MARINE

Voici le numéro spécial de Cols Bleus. Bien sûr, la vie de notre marine ne se résume pas en quelques pages, mais ces coups de projecteur montrent la densité de l’année écoulée et offrent l’occasion de faire le point. En 2010, nous avons été fortement sollicités. Aux côtés des opérations permanentes liées à la dissuasion ou à la sécurité de nos approches maritimes, la Marine a été engagée sur de nombreux théâtres. Nos équipages ont accompli leurs missions avec efficacité et courage. Cela ne va pas de soi ! Nous sommes engagés dans des missions de plus en plus complexes et tous les jours, des marins risquent leur vie pour préserver les intérêts de la France et la sécurité de nos concitoyens. Le monde se transforme sous nos yeux. Les menaces sont multiples, diffuses, imprévisibles, mais la puissance maritime reste, plus que jamais, au cœur des enjeux, présents et à venir. Comme l’a rappelé le Premier ministre à bord du porte-avions Charles de Gaulle le 12 février dernier, « la France continuera à déployer une marine océanique à vocation mondiale ». Cet élément est déterminant. La Marine française est une marine de premier rang. Elle se trouve au cœur de la défense des intérêts de notre pays. C’est pourquoi ses bâtiments, ses sous-marins, ses aéronefs et ses commandos sont déployés, en permanence, sur tous les théâtres et tous les océans. C’est pour tenir ce rang qu’elle se modernise et se dote d’une nouvelle cohérence humaine et capacitaire. Cette année, de nouvelles unités ont été ou vont être admises au service actif, tandis que d’autres vont faire leurs premiers essais à la mer. Elles ont pour nom : Chevalier Paul, Aquitaine, Dixmude, Le Terrible, l’Adroit… Dans un contexte budgétaire contraint, l’arrivée de ces nouveaux matériels, mais aussi celle de l’hélicoptère Caïman, représentent un formidable atout.

4  COLS BLEUS  N° 2968  26 MARS 2011

Parallèlement, sous la conduite du ministre de la Défense et du chef d’état-major des armées, la Marine est engagée dans une manœuvre d’ensemble qui vise à rationnaliser son administration et son soutien. Ces réformes sont nécessaires pour adapter notre outil à la réalité d’aujourd’hui. Elles reposent sur le grand professionnalisme des marins, des équipages, mais aussi du personnel civil et militaire qui les soutient dans la conduite de leur mission, la reconquête du potentiel ou la préparation de l’avenir. Enfin, à la suite de l’impulsion qui a été donnée par le président de la République et le Premier ministre britannique en novembre dernier, nous sommes engagés dans un processus de coopération bilatérale sans précédent avec la Royal Navy. Nous sommes très proches des marins britanniques. Nous partageons les mêmes préoccupations et parfois le même type de matériel. Ce rapprochement est essentiel pour consolider nos savoir-faire mutuels et maintenir l’efficacité de nos marines, à moyen et long termes. Ce numéro spécial s’appuie sur des témoignages d’acteurs de terrain ou d’observateurs extérieurs. Vous y trouverez des informations sur les différents visages de la Marine, mais aussi sur les changements en cours ou à venir. Aujourd’hui, il nous faut penser autrement pour faire différemment. La Marine est engagée avec courage et détermination dans ces transformations. En 2011, et pour quelque temps encore, un nouveau modèle va se superposer à l’ancien. Je sais combien cela nécessite d’efforts et d’adaptations continus, mais ensemble, sur tous les fronts, nous devons réussir et nous réussirons ! Bonne lecture ! Amiral Pierre-François Forissier, chef d’état-major de la Marine COLS BLEUS  N° 2968  26 MARS 2011  5

COOPÉRATION ÉDITO FR/UK

LE PACK FRANCO-BRITANNIQUE GAGNE D Le 2 novembre 2010, le président de la République française et le Premier ministre britannique ont signé un traité de coopération en matière de Défense et de Sécurité. En choisissant de signer un traité, plutôt qu’un autre type d’accord, ils ont souhaité inscrire cette démarche dans la durée. Ce traité marque ainsi le début d’une ère nouvelle, celle d’une relation de défense renforcée qui va profondément transformer la nature de la coopération militaire franco-britannique dans son ensemble.

L’AMIRAL SIR MARK STANHOPE, FIRST SEA LORD, ET L’AMIRAL PIERRE-FRANÇOIS FORISSIER, CHEF D’ÉTAT-MAJOR DE LA MARINE.

PAROLE AU FIRST SEA LORD 1 What is the range/scope of the Treaty? The UK-France Defence Co-operation Treaty builds on commitments made in the UK’s Strategic Defence and Security Review (SDSR) to create stronger strategic defence relationships with our main allies whose security interests and military capability are closest to our own. The Treaty commits us to a new programme of defence co-operation with France to strengthen operational linkages between our Armed Forces, provide mutual access to defence markets and increased industrial and technological co-operation. This cooperation is about improving our collective defence capability through our forces working more closely together and ultimately improving the collective capability of NATO and European Defence. From the maritime perspective, the main effort is the development of the maritime element of the Combined Joint Expeditionary Force (CJEF) and the delivery of the integrated Carrier Strike (CS) capability. 6  COLS BLEUS  N° 2968  26 MARS 2011

What are the objectives given to our Navies? Naval co-operation between the French Navy and Royal Navy has improved significantly in the last 10 years, most visibly through the regular conduct of integrated and combined operations. However, there is much more that needs to be done to enable our navies to operate seamlessly alongside each other and both Navies are committed to taking this initiative forward. The main effort remains to progress the development of the Maritime element of the CJEF and CS centred on both the French carrier and UK Task Group deployments over the next few years. We have been operating at Task Group level together for a number of years but will need to continue to work hard together to address interoperability and integration challenges. Whilst these two areas are undoubtedly the current main effort, there are many other initiatives underway that will seek to further intensify our close cooperation.

How this setting side by side will impact our crews way of life? We have been working closely together for many years now, and that level of cooperation is increasing. Over the past year we have operated together on many levels and in many operational theatres – this cooperation will increase throughout the coming year. Operational objectives and new concepts and doctrine will ensure that our working relationship is still further strengthened. We have very strong working links within a host of Working Groups, that meet regularly to ensure the Treaty initiatives are taken forward. Living with a Carrier Strike capability gap for the next few years, we will work increasingly closely on learning how to generate and operate a large aircraft carrier, before the new Queen Elizabeth Class Carrier enters service. We look forward working more closely with our friends across the Channel building greater understanding, professionalism and trust. 

NE DU TERRAIN PAROLE AU CHEF D’ÉTAT-MAJOR DE LA MARINE 1 Quelle est la portée du traité ? Le traité trouve son origine dans les constats partagés l’an passé par nos responsables politiques respectifs quant à l’évolution du monde, à la multiplicité des enjeux communs auxquels nos pays sont confrontés, aux capacités comparables de nos forces armées respectives, ainsi qu’aux défis financiers qui menacent ces capacités. Pour autant, il ne s’agit pas de fusionner nos armées et donc nos marines, ni même telle ou telle composante, mais d’accroître notre capacité à travailler et agir ensemble. Ainsi nous renforcerons la capacité d’acteur global de chacun, sans affecter nos souverainetés respectives de décision et donc l’indépendance nationale de chaque partenaire. Le traité précise que les bénéfices de cette dynamique ne se limitent pas aux actions bilatérales communes, mais doivent aussi renforcer nos capacités d’action en coalition simple, comme au profit des Nations unies, de l’Union européenne ou de l’Otan. Il s’agit enfin d’accroître les synergies de nos industries d’armement et de développer en commun plus de matériels et équipements. Le traité, qui en lui-même ne fixe que des principes, s’accompagne d’une série de textes qui en déclinent les attendus, tant au niveau politique qu’au plan militaire. Quels sont les objectifs fixés à nos marines par ce traité de coopération ? Nous disposons donc d’objectifs clairs. Pour la Marine nationale, ils concernent principalement deux domaines. Tout d’abord la capacité demandée à nos armées de pouvoir déployer, dans un futur proche et sur ordre de l’autorité politique, une force de projection interarmées conjointe (Combined Joint Expeditionay Force). Les travaux conjoints sur le concept et la doctrine sont déjà entamés. L’autre domaine emblématique est lié au développement par nos amis britanniques d’une véritable capacité « porteavions » à l’horizon 2020. Car au-delà de cette évolution, l’objectif qui est fixé à nos deux marines est l’aptitude au déploiement d’un groupe de projection de

puissance, pour l’heure articulé autour du Charles de Gaulle puis, à terme, centré autour de l’un ou l’autre de nos porte-avions. Dans le domaine des matériels et équipements navals, diverses réflexions communes vont également être entreprises. Les premières démarches initiées concernent le lancement du développement d’un missile antinavire léger, ainsi que la réalisation sous quelques mois d’un prototype de système antimines. D’autres projets suivront. Comment ce rapprochement va-t-il influencer la vie de nos équipages ? Si notre coopération « marine » était déjà solide, multiple et fréquente, une impulsion sans précédent lui est ainsi apportée. Il résulte de toutes ces démarches que nous allons côtoyer de plus en plus nos homologues britanniques, au point notamment d’opérer plus fréquemment ensemble et de banaliser nombre d’activités communes. C’est donc chaque marin qui est appelé à vivre prochainement cette nouvelle réalité.

Aussi il faut que chacun de nous, à son niveau, s’approprie ce nouveau cadre de travail. Les objectifs opérationnels fixés vont imposer un rapprochement de doctrines et de concepts, et un renforcement des travaux communs de planification. Quant à la mise en œuvre, nos marines vont pouvoir s’appuyer sur les savoir-faire communs, développés depuis plusieurs années, qu’il conviendra d’adapter et de continuer à enrichir en fonction des besoins. L’action des groupes de travail de la lettre d’intention (LOI) restera donc prépondérante et devra être partagée pour favoriser le développement d’une véritable culture franco-britannique au sein des équipages. Alors que la Royal Navy se prépare à la mise en service opérationnel, vers 2020, d’un porte-avions de la classe Queen Elizabeth équipé d’avions conventionnels, il est indispensable que la Marine nationale puisse lui apporter son aide et son expérience pour recouvrer cette véritable capacité « porte-avions ». La Royal Navy sait qu’elle peut compter sur nous ! 

CHAQUE MARIN EST APPELÉ À PARTICIPER AU DÉVELOPPEMENT DE CETTE CULTURE FRANCO-BRITANNIQUE.

QU’EST-CE QUE LA L.O.I. ? Dès 1996, les ministres français et britannique de la Défense ont souhaité formaliser la coopération et les domaines d’intérêt mutuel pour la défense maritime dans une lettre cosignée, ceci afin de donner une dimension politique à une coopération traditionnelle déjà riche et bien établie entre la Marine nationale et la Royal Navy. Ce document, dénommé lettre d’intention (Letter of Intent), reconnaissait déjà « la très grande analogie entre nos marines à la fois dans leur rôle stratégique, leurs missions, leur format, leur activité et leur organisation ». Outre les principes selon lesquels les ministres souhaitaient structurer cette coopération, la LOI fixait les axes principaux pour le développement de la coopération (planification des

opérations navales, opérations conjointes, programmes d’armement, identité européenne de sécurité et de défense). Cette initiative a ensuite bénéficié du dynamisme consécutif au sommet de Saint-Malo en décembre 1998, et s’est articulée essentiellement autour de l’action de groupes de travail. Ceux-ci, au nombre d’une douzaine (une quinzaine dorénavant) sont chargés, chacun dans un domaine de compétence, d’échanger des informations et de rechercher, avant de les mettre en œuvre, des voies d’amélioration à la coopération. Depuis, la LOI « marine » a régulièrement été mise à jour par les ministres ; une nouvelle version devrait être bientôt signée pour prendre en compte le nouveau visage donné à la coopération par le traité du 2 novembre 2010 et la LOI interarmées signée à cette date par les ministres. COLS BLEUS  N° 2968  26 MARS 2011  7

LA MARINE au combat

MARINS EN OPÉRATIONS Partout où les forces armées françaises sont en opérations, des marins sont à l’œuvre sur et sous la mer bien sûr, mais aussi sur terre et dans les airs, prêts à intervenir, souvent au péril de leur vie. Cols Bleus a souhaité cette année consacrer quelques pages à ces marins qui combattent les armes à la main ou sous le fuselage. Un hommage à ces combattants à travers quelques tranches de vie, donc d’opérations. 1 Oui, en ces temps incertains de lutte contre le terrorisme, contre l’insurrection armée ou contre les pirates, les marins sont de plus en plus nombreux à porter les armes de la France aux côtés de leurs camarades des autres armées sur les champs de bataille de l’Asie centrale, dans l’immensité de l’océan

Indien et au-dessus de cette autre étendue que constitue le Sahara. Oui, pensons spécialement à l’engagement des commandos marine en Afghanistan, au premier rang desquels maître Jonathan Lefort mort au combat dans la nuit du 17 au 18 décembre 2010, lors d’un engagement de haute

intensité des commandos marine, et qui a permis d’infliger des pertes déterminantes aux talibans à l’entrée de la vallée de Bedraou, au sud de Tagab. Honneur aux pilotes du groupe aéronaval qui renouvellent l’exploit amorcé dès 2001 des raids de plus de cinq heures conduits depuis le porte-avions

vers les reliefs de l’Helmand, en appui de la Force internationale d’assistance à la sécurité (Fias). Honneur aux marins et aux équipages de Panther embarqués sur les frégates qui tous les jours chassent les groupes de pirates trop souvent présentés comme de braves pêcheurs désœuvrés,

TÉMOIGNAGES AGAPANTHE : JOURNÉE ORDINAIRE D’UN PILOTE

l’appontage, arriver vertical et se présenter au break, faire la passe de sa vie, apponter, rouler aux ordres des chiens jaunes, serrer le frein de parc et couper les moteurs, descendre de l’avion et rejoindre le BTA pour remplir la fiche, rejoindre la salle d’alerte : débriefing des officiers d’appontage, débriefing de la patrouille, débriefing renseignement… Ça fait dix heures que j’ai briefé ma mission. (1) Bureau technique aviation. (2) Zone d’engagement. (3) Joint Tactical Air Strike. (4) Joint Tactical Attack Controller (équipes de contrôle de l’appui aérien).

SAHEL : SURVOLER UN OCÉAN DE SABLE

Levé 5 h 15, « massbrief » à 6 h 15 suivi d’un briefing patrouille, équipement (enlever les patchs, enfiler l’anti-g, le gilet de combat, y glisser le pistolet et deux chargeurs, prendre l’UMPC et la sacoche casse-croûte), dérouler la check-list finale avant de se rendre à l’avion, monter au BTA(1) et prendre en compte son avion, vérifier les codes des bombes et les retards à l’armement et à l’impact, vérifier le canon, grimper dans le cockpit et s’harnacher, mettre en route, s’annoncer paré et s’aligner sur la catapulte aux ordres des chiens jaunes, afficher plein gaz puis pleine charge, attendre la tête vissée dans le siège la sentence du catapultage, rentrer le train, rallier son leader et la nounou, enquiller le corridor pakistanais, transiter pendant une heure au-dessus d’une contrée désertique, chercher et trouver le bon ravitailleur dans la zone prévue, ravitailler, arriver à l’heure dans la killbox(2) prévue par le JTAR(3) ou le retask en vol, trouver la bonne fréquence avec le JTACB(4) au sol et établir le contact, se faire aider par DAMO le cas échéant, comprendre les besoins des troupes au sol, veiller la situation au sol, reporter les mouvements suspects et se tenir prêt à intervenir, réaliser l’espace d’un instant la complexité de l’environnement mais se rendre compte que l’entraînement paie, arriver au bingo, quitter la fréquence et la zone, trouver son ravitailleur, ravitailler, rejoindre une autre killbox et établir le contact, surveiller la situation au sol et en l’air, atteindre son bingo et quitter zone et fréquence, trouver le bon ravitailleur et ravitailler la quantité suffisante pour rejoindre le porte-avions, transmettre le compte-rendu en vol, enquiller le corridor et transiter pendant une heure, prendre cinq minutes pour déguster son casse-croûte et remuer les orteils, faire les annonces réglementaires sur la fréquence de report audessus du désert, trouver le porte-avions, prendre les éléments en vue de 8  COLS BLEUS  N° 2968  26 MARS 2011

Engagés depuis septembre 2010 au cœur du Sahel, les équipages des flottilles 21F et 23F sont aux aguets. En pleine nuit, l’alerte est donnée. Le dispositif se réveille. Ensemble, les membres d’équipages se préparent et rejoignent leur Atlantique 2. Rapidement, le « croiseur du ciel » s’envole. Sa mission : détecter, traquer, de jour comme de nuit, le moindre indice suspect sur cet océan de sable. Aguerris à la lutte anti-sous-marine qui reste leur cœur de métier, ils transposent leur savoir-faire à cette nouvelle immensité qui offre de nombreuses similitudes, ne serait ce que celle de chercher (et trouver) une aiguille dans une botte de foin. S’appuyant sur des méthodes acquises en mer et aidés par les équipements optroniques de l’aéronef, ses opérateurs renseignent en temps réel les étatsmajors en France, leur envoyant vidéos et photos prises sur zone. Les vols s’enchaînent depuis Niamey et les équipages se succèdent. Les anciens parlent même de l’opération la plus intense qu’ils aient connue en

ÊTRE PRÊT AU COMBAT PARTOUT ET EN PERMANENCE.

patrouille maritime depuis l’arrivée de l’Atlantique 2. Inscrit dans un dispositif interarmées au format redevenu plus modeste mais à la réactivité exceptionnelle, le détachement aéronautique donne à la France la capacité de réagir immédiatement aux menaces et agressions que peuvent subir nos ressortissants dans cette zone où l’impunité ne sera donc jamais acquise aux terroristes.

mais qui n’hésitent pas à torturer et, désormais, à exécuter leurs otages. Honneur aux marins embarqués sur les bâtiments de commerce ou de pêche qui défendent leur protégé à armes égales, parfois à un contre deux face aux attaques des pirates. Honneur aux équipages d’Atlantique 2 en alerte permanente et sans interruption depuis le 16 septembre pour traquer jour et nuit les terroristes du Sahel et dont la détermination et la patience ont permis l’interception des criminels le 8 janvier par les forces spéciales. Pour ces hommes et ces femmes au combat, il n’y a pas de basse ou de haute intensité, il n’y a pas de lutte asymétrique, il n’y a ni concept ni indicateur de performance, il n’y a que la valeur, le

don consenti de leur quiétude et de leur fatigue, le souci de se donner à fond sans arrière-pensée, sans calcul sordide, sans idée de monnayer cette tranquillité à laquelle ils pourraient légitimement aspirer, la souffrance d’observer des vies perdues ou brisées dans la fleur de l’âge. Il y a également le doute, horrible en ce qu’il vient à remettre en question tous les sacrifices, y compris celui de leur vie. Mais il y a toujours la certitude de porter avec compétence les armes de leur pays. Dans ces temps de grande incertitude, nul doute que ces jeunes hommes et femmes constituent les fondations solides de la Marine de demain.  CAPITAINE DE VAISSEAU OLIVER COUPRY, CHEF DU BUREAU DE L’ÉTAT-MAJOR DES OPÉRATIONS MARINE

permettent désormais de combattre la piraterie en amont. Un message nouveau est passé : il n’y a plus d’endroit en mer où les pirates ne seront pas systématiquement traqués et combattus.

AFGHANISTAN : UNE JOURNÉE EN KAPISA

ATALANTE : FRÉGATE ET COMMANDOS CONTRE LES PIRATES

Après quelques mois en mer au large des côtes somaliennes dans le cadre de l’opération Atalante de lutte européenne contre la piraterie, l’équipage du Floréal a déjà rencontré et contrôlé de nombreux skiffs et boutres. Mais face aux nouveaux modes opératoires des pirates, qui s’organisent notamment en PAG (Pirate Action Group, un bateau-mère piraté appuyé par de nombreuses embarcations rapides) et qui témoignent de l’agressivité croissante, la Marine s’adapte. L’embarquement d’un détachement commando pour une partie de la mission est une réponse à l’évolution de ces modes d’action. Le Floréal a accueilli ces troupes d’élite, trouvant une place pour chacun et repoussant les cloisons pour stocker le matériel supplémentaire. Et s’il peut être déroutant pour les marins du bord en allant se brosser les dents de se trouver face à des soldats en armure lourde et camouflés dans la coursive centrale, nul doute que les commandos marine permettent d’augmenter considérablement le champ d’action opérationnel du bateau et représentent, pour tout l’équipage, l’occasion d’échanges passionnants. Les opérations de renseignement et de sabotage de l’équipement des pirates le long des côtes somaliennes dans le cadre de l’opération Close To Shore

Minuit, le 23 août. Les commandos marine s’infiltrent depuis la FOB(1) de Tagab, à la tête d’une Task Unit de circonstance, vers le refuge d’un chef insurgé en vallée de Bedraou. Autour de nous, le GTIA(2) Hermès s’empare des points clés du terrain, sécurisant une large bulle autour de la cible. À 3 h, l’objectif est investi. Les insurgés, alertés, affluent vers le village, se heurtent au dispositif du GTIA, et les premiers tirs résonnent. À 6 h, l’étatmajor désigne un second objectif, proche, qui sera lui aussi investigué. Il est 10 h 15 quand les commandos regagnent Tagab. Aussitôt de nouveaux ordres tombent. Une compagnie est sous le feu et doit être désengagée. Les commandos sont renvoyés vers la zone de combat, se déploient, recueillent la compagnie au contact, et s’extraient une nouvelle fois de la zone, appuyés par les derniers éléments du GTIA et les hélicoptères Tigre. Deux frères d’armes ne rentreront pas, fauchés par les tirs adverses. À 20 h 30, nouveau départ vers la vallée d’Alasay pour y extraire un autre groupe de forces spéciales après sa mission en montagne. Retour à Tagab à 21 h 45, puis immédiatement vers Nijrab, notre « port-base »… Il est 23 h 30 quand on peut enfin annoncer « fin de mission » au chef opérations. (1) Forward opérations base : base d’opérations avancées. (2) Groupement tactique interarmées.

COLS BLEUS  N° 2968  26 MARS 2011  9

PLANISPHÈRE opérations

UNE MARINE DE PLEIN EMPLOI « Une marine de plein emploi », le titre peut surprendre. Il mérite des explications. Il renvoie bien sûr à ce concept de flotte « in being »(1), dont la seule existence avait une influence stratégique sur le cours des événements sans même quitter le port. Il renvoie aussi au concept de dissuasion et à celui des armes de non emploi. En 2010, la Marine nationale n’est pas une flotte « in being » mais bien une armée déployée et utilisée parfois aux limites de ses capacités.

1 Le planisphère (en deuxième de couverture) et le tableau ci-dessous parlent d’eux-mêmes. Avec une moyenne de 31 bâtiments à la mer en permanence et un pic historique de 42 bâtiments à la mer (soit 6 090 marins) atteint le 19 novembre 2010, la Marine française s’affirme comme la première marine européenne aux côtés la Marine britannique. Lorsqu’au dernier trimestre 2010, la Marine assurait simultanément le commandement de l’opération Atalante, celui d’une force aéronavale engagée en Afghanistan et dirigeait les plus grandes manœuvres jamais conduites par l’Initiative amphibie européenne au large du Sénégal (Emerald Move), elle démontrait parfaitement sa capacité à répondre aux défis de la conduite simultanée d’opérations sur trois théâtres différents. Une marine d’emploi n’est donc pas seulement une force potentielle, c’est surtout un outil utile dont on peut mesurer les effets politiques, économiques et sociaux. En 2010, la Marine 10  COLS BLEUS  N° 2968  26 MARS 2011

nationale a protégé directement ou indirectement plus de 22 navires d’intérêt français en océan Indien et démantelé 32 groupes de pirates (soit 211 pirates arrêtés). Elle a étendu cette protection à des centaines de navires battant pavillon étranger, dont ceux participant aux ravitaillements de la Somalie par le Programme alimentaire mondial. Depuis le 16 septembre, date à laquelle un détachement d’avions de patrouille

maritime a été projeté au Sahel, la Marine nationale a permis la surveillance des zones d’action d’AQMI(2) dans le Sahara, contribuant à l’élaboration de la situation tactique dans cette partie du monde, si stratégique pour notre pays. Pendant cinq semaines, le groupe aérien embarqué à bord du Charles de Gaulle a été intégré dans les opérations aériennes de l’Otan en Afghanistan, permettant de compléter le dispositif

des avions d’appui au sol de l’Alliance, très important pour les opérations à terre. Jour après jour, nos bâtiments ont appuyé le dispositif Licorne en République de Côte d’Ivoire (RCI) en lui donnant de la profondeur tactique, un soutien médical et logistique, une présence dont le Centre de planification et de commandement aux opérations (CPCO) souligne l’impérieuse nécessité en ce temps de crise particulièrement dangereux. Au-delà de ces opérations dures, la Marine continue à obtenir les succès désormais banalisés mais combien exigeants dans sa lutte contre les trafics en haute mer ou dans les approches maritimes du territoire national. Il est également remarquable dans le bilan 2010 de noter que l’ensemble des composantes a été sollicitée : composante frégate avec l’engagement permanent moyen de trois bâtiments(3) et d’un aéronef en opérations de lutte contre la piraterie et contre le terrorisme en océan Indien ; projection de puissance avec l’opération Agapanthe ; composante amphibie avec l’appui à la force Licorne en RCI et Emerald Move au Sénégal ; composante guerre des mines avec les opérations de nettoyage des accès aux ports militaires et civils ; et bien sûr, composante sous-marine dans ses deux dimensions stratégique et tactique à travers les missions permanentes de la Force océanique stratégique (Fost).

Une marine d’emploi ne s’inscrit donc pas dans une doctrine monolithique, mais connaît tous les cadres d’engagement en illustration parfaite du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale : cadre national interarmées en Afrique, que ce soit dans la lutte contre le terrorisme au Sahel ou dans l’appui aux opérations en RCI, cadre multinational au sein de l’Otan en Afghanistan, à la tête de l’Union européenne dans sa lutte contre la piraterie ou en coalition avec les alliés dans le Golfe, mais également dans le cadre interministériel pour les actions de l’État en mer en métropole, comme Outremer. Mais, l’équilibre est parfois difficile à trouver entre sous-emploi et surchauffe. Les employeurs sont exigeants, les « force providers » parcimonieux. On peut les comprendre. Les efforts budgétaires entrepris depuis plusieurs années et aggravés par la crise financière de 2008 induisent de fortes tensions sur les moyens, sur le personnel, sur les finances et in fine sur les programmes d’activité. Les réserves sont rares et la gestion des moyens se fait en flux tendu, pour utiliser une image de l’entreprise. La sensibilité aux aléas techniques et opérationnels est forte. Tout incident résonne vite et fort dans les médias car la marge de manœuvre est étroite. Derrière le déploiement permanent de leurs trois porte-avions, les États-Unis en disposent de huit autres qui se préparent et se recondi-

LE GROUPE AÉRONAVAL PENDANT LA MISSION AGAPANTHE.

TOUS LES JOURS, 4 000 MARINS EN MER En 2010, chaque jour en moyenne, 4 043 marins étaient en mer, dont 3 181 déployés loin et longtemps (c’està-dire plus de 7 jours et/ou 300 nautiques du port-base). Cette année aura été marquée par la fin de remontée en puissance du groupe aérien embarqué (GAé) après la qualification opérationnelle du groupe aéronaval (GAN). Ce dernier et d’autres unités ont ainsi été déployés jusqu’en mer du Nord au printemps, pour l’exercice Brilliant Mariner. La Marine a tenu son engagement dans les opérations permanentes telles qu’Enduring Freedom et Active Endeavour (anti-terrorisme), Corymbe (prépositionnement dans le golfe de Guinée) et Atalante (lutte contre la piraterie) – renforcée pendant le commandement français. On retiendra aussi les opérations de sûreté comme Damier, les deux missions Jeanne d’Arc – exception de 2010 – et l’exercice amphibie Emerald Move qui aura vu trois BPC/TCD en Afrique. Et comme toujours, la Marine répond à l’actualité immédiate : séisme en Haïti, immigration clandestine au sud de la Corse, opérations de sauvegarde en Manche, Atlantique, Méditerranée… jusqu’à l’atoll isolé de Clipperton !

PRISE DE 600 KG DE DROGUE PAR LA FRÉGATE VENTÔSE.

tionnent. Cet exemple que l’on pourrait multiplier pour chacune des composantes de la Marine, nous permet de réaliser, tant pour la Marine que pour nos industriels, la performance de tenir les objectifs malgré les séries très limitées de nos bâtiments de combat. Cet emploi maximalisé d’une ressource comptée est général dans l’ensemble de la Marine : 195 jours de mer pour le BPC Tonnerre sur les douze derniers mois, 200 jours d’opérations pour certains commandos marine sont autant d’exemples qui illustrent les défis rencontrés chaque jour. Mais la mobilisation est forte dans les états-majors, sur les bases navales et aéronavales, sur les bâtiments disponibles ou en entretien, dans les ateliers et chez les fusiliers et commandos. Travail le week-end, la nuit et bien évidemment sur les théâtres d’opérations. Le travail en réseau est désormais généralisé grâce aux outils numériques. De ce fait, jamais le niveau tactique n’a été aussi proche du niveau opératif, jamais l’organique n’a été aussi impliqué dans COLS BLEUS  N° 2968  26 MARS 2011  11

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PLANISPHÈRE opérations t

les décisions de l’opérationnel. Dans le même temps où la Marine se contracte, elle gagne en cohérence et en efficience. À l’image des bâtiments de guerre, une marine à la mer est une marine qui fonctionne : à cet égard le bilan 2010 est éloquent, la Marine nationale est bien une marine de plein emploi. On peut déjà être certain qu’elle le restera pour l’année en cours.

2010 : une année forte en missions opérationnelles – Mission Agapanthe L’année 2010 a été marquée par le retour du groupe aéronaval (GAN) dans les opérations en océan Indien, trois années après son précédent déploiement. Escorté par les frégates Forbin et Tourville, le sous-marin Améthyste et le pétrolier-ravitailleur Meuse, le porteavions et son groupe aérien embarqué (GAé) se sont déployés pendant quatre mois dans cette zone d’opérations où se concentrent de grandes marines occidentales. Outil démonstratif de puissance, son action déjà reconnue par le passé a été une nouvelle fois remarquée. Durant un mois, le GAN aura permis à la France de soutenir les efforts militaires pour restaurer la sécurité en Afghanistan. Les 23 aéronefs du groupe aérien embarqué ont accompli plus de

OPÉRATION MARITIME CONJOINTE DE LUTTE CONTRE L’IMMIGRATION ILLÉGALE : ICI ÉMIGRANTS TUNISIENS ARRIVANT SUR L’ÎLE DE LAMPÉDUSA (ITALIE) LE 7 MARS 2011.

1 000 heures de vol au profit de l’opération Pamir, opérant en appui des troupes de la Force internationale d’assistance à la sécurité (Fias). Agapanthe 2010 a également permis de contribuer à la lutte contre la piraterie et le terrorisme en mer Rouge, dans le golfe d’Aden et la mer d’Arabie. Le soutien d’une telle force à l’opération Atalante montre bien la détermination de la France concernant la sécurisation des routes maritimes, artères vitales pour les économies mondiales. Les interactions avec l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis et l’Inde, sans oublier Djibouti, ont été des

moments marquants pour le renforcement des liens qui unissent la France à ces pays. – Opération Atalante Pour sa deuxième année complète, l’opération Atalante a dû s’adapter à une mutation du phénomène de la piraterie. L’image du sympathique pirate luttant pour préserver ses ressources contre des pillards est aujourd’hui éloignée de la réalité. Ils agissent désormais en réseaux complexes disposant de spécialistes (négociateurs, informateurs, logisticiens…) et recrutent massivement dans une population

MANŒUVRES CONJOINTES AVEC LA MARINE AMÉRICAINE. LE FORBIN ET LE PORTE-AVIONS ABRAHAM LINCOLN.

12  COLS BLEUS  N° 2968  26 MARS 2011

REDCROWN Au cours de la mission Agapanthe 2010, le Forbin a partagé la « couronne rouge » (Redcrown en procédure anglaise) avec ses homologues du groupe aéronaval américain, le croiseur Cape Saint George (classe Ticonderoga) et le destroyer Halsey (classe Arleigh Burke). Cette fonction cumulée avec l’escorte de notre porteavions pendant des jours a été une première pour une frégate Horizon. Cette agence Redcrown vérifie chacun des 300 aéronefs militaires qui tous les jours quittent, rallient ou traversent le nord de la mer d’Arabie, le plus souvent en direction ou de retour d’Afghanistan. Ce contrôle assure l’identification de tous les mobiles aériens au profit du commandant de la défense aérienne, traite les non-conformités avec les espaces aériens voisins et fournit des informations à nos pilotes. Un véritable succès, reconnu par les Américains qui demandaient sans préavis à la Marine française de les relever. Les capacités de veille air de la frégate française sont au niveau des meilleurs croiseurs et destroyers américains. Ce saut capacitaire dans la maîtrise de l’espace aéromaritime renforce nettement notre coopération avec l’US Navy.

SECOURS EN MER : HÉLITREUILLAGE DEPUIS LE CARGO URANUS EN OCTOBRE 2010.

vivant dans la misère. Fait nouveau en 2010, les navires capturés servent à leur tour de base pour de nouvelles prises. Les marins capturés sont maltraités, leur détention s’allonge. Il est donc indispensable que la solidarité maritime agisse. Les diverses marines du monde, dont Atalante est la première coalition, assurent entièrement la protection des navires du Programme alimentaire mondial et des forces africaines en Somalie. En 2010, alors que les attaques redoublaient, le taux de succès des pirates n’a pas progressé. Le golfe d’Aden est presque totalement sécurisé. En 2011, de nouvelles ripostes seront mises en place. Le point essentiel est maintenant de trouver une réponse à l’impunité juridique dont disposent les pirates. – Frontex : l’âge de raison Pour la cinquième année, l’agence européenne Frontex a mené des opérations maritimes conjointes pour lutter contre l’immigration illégale. La Marine a participé à trois d’entre elles, au sud de l’Espagne, de l’Italie et en mer Égée. 2010 marque une mutation dans les flux des migrants avec une chute de 82 % des flux par voie de mer. L’effet dissuasif des mesures maritimes n’est pas avéré. Peut-être s’agit-il plutôt d’un contournement des zones surveillées. En 2011, l’Europe poursuit ses efforts et la Marine continuera d’y contribuer.  (1) Terme et concept utilisé pour la première fois en 1690 par Arthur Herbert – Comte de Torrington – commandant de la Royale Navy, face à la puissance de la flotte française, en Manche, mais attribué à Mahan au XXe siècle. Concept largement illustré par le face à face des marines allemande et britannique pendant la Première Guerre mondiale. (2) Al-Qaida au Maghreb islamique. (3) Pour chaque frégate déployée, deux se préparent en métropole.

RAFALE MARINE EN MISSION AU-DESSUS DE L’AFGHANISTAN.

3 QUESTIONS LA MARINE ET L’OTAN Que s’est-il passé depuis un an dans notre organisation ? Dans le processus de planification de défense, la Marine a rédigé au profit de l’état-major international de l’Otan un document dénommé « Defense Planning Capability Survey » (DPCS), exposant les capacités, l’organisation du commandement et la vision prospective à huit ans. Des objectifs capacitaires et opérationnels appelés « forces goals » ont été fixés, notamment en préparation opérationnelle. L’objectif est de se rapprocher au mieux des normes de qualification Otan, de parfaire l’interopérabilité et d’influer davantage sur le processus décisionnel de planification et la conduite des opérations Otan. Pourquoi ne participe-t-on pas aux forces permanentes de l’Otan ? La France a déclaré à l’Otan en juin 2010 qu’elle ne participera pas de manière permanente aux Standing Nato Maritime Forces, mais qu’elle pourrait le faire au cas par cas, selon la nature et la durée des missions. Il est cependant évident qu’une telle participation permet dans certains cas de prendre part à des exercices de préparation opérationnelle du haut du spectre, qui permettent de rassembler de nombreuses unités de combat et améliorent l’interopérabilité entre les diverses marines. Quelles sont les opérations conduites avec l’Otan cette année ? En 2010, en Méditerranée, la Marine a participé à la seule opération maritime Otan article 5 Active Endeavour. Des vols réguliers d’Atlantique contribuent à l’élaboration de la RMP. Toutes ces unités, sous commandement national, soutiennent directement cette RMP et selon le cas effectueraient des opérations de circonstance. Des unités sont également placées sous contrôle opérationnel de l’Otan, pour une durée limitée. En océan Indien, l’opération Agapanthe avec le groupe aéronaval a vu la mise en œuvre du groupe aérien au profit de la Force internationale d’assistance à la sécurité (Fias) en appui des troupes au sol en Afghanistan. Les commandos marine ont participé, parfois au prix du sang, avec un effectif très élevé, aux opérations spéciales en soutien des troupes américaines en Afghanistan. COLS BLEUS  N° 2968  26 MARS 2011  13

PROJECTION de force

AGIR AU LOIN Les crises internationales amènent les autorités politiques nationales ou internationales à déployer des forces pour tenter d’exercer, pour une période donnée, le contrôle du territoire ou des populations. La mobilité des flottes de combat peut être mise à profit pour permettre l’arrivée en premier sur le théâtre. 1 La voie maritime permet de conserver la liberté du transport des moyens militaires lourds soit vers la zone de crise, soit aux abords avec un point d’appui sûr. Ces forces et leur soutien peuvent être débarqués par une force amphibie en hélicoptère ou en chaland, et conduire leur action avec le soutien logistique et sanitaire de la flotte, jusqu’à la maîtrise d’infrastructures portuaires et aéroportuaires. Les manœuvres Emerald Move exprime au niveau européen l’importance de cette capacité articulée autour de trois bâtiments amphibies.

embarqué avec son état-major à bord du BPC Tonnerre. Les Pays-Bas et l’Italie assumaient respectivement les fonctions de « Commander Amphibious Task Force » (CATF) et « Commander Landing Force » (CLF). Il s’agissait de prouver la capacité des membres de l’IAE à projeter un volume important de forces, loin des zones d’entraînement habituelles, et d’exécuter une opération amphibie dans une région de crise pour y rétablir la stabilité. Le Sénégal a été intégré à tous les niveaux et fournissait 800 hommes, quelques moyens navals et surtout un vaste secteur de manœuvres maritime et terrestre permettant d’évoluer en terrain libre. Deux compagnies sénégalaises furent pleinement intégrées à la force de débarquement. Elles avaient effectué leurs stages de formation amphibie avec l’Unité marine de Dakar, avant d’être entraînées par le TCD Siroco. Les autres participants fournissaient l’OPFOR (Opposing Forces) aux côtés des éléments des Forces françaises du Cap-Vert (FFCV), illustrant par là l’interopérabilité et les liens étroits d’amitié qui unissent les deux pays.

Opération amphibie L’Initiative amphibie européenne (IAE) est née en 2000 de la volonté des États disposant d’une capacité amphibie – la Grande-Bretagne, les Pays-Bas, l’Espagne, l’Italie et la France – d’améliorer leur coopération, à travers la recherche d’une interopérabilité accrue dans le domaine de l’entraînement et la conduite d’opérations amphibies. 5 000 militaires, 10 bâtiments de guerre, 18 aéronefs et 300 véhicules ont ainsi participé à l’exercice du 8 au 28 novembre 2010 au large du Sénégal et à l’intérieur des terres. La Marine française assurait la direction de cet exercice, placé sous les ordres du vice-amiral Hinden, commandant l’EMIA-FE(1) et

Une manœuvre dense dans des conditions difficiles ENTRAÎNEMENT AMPHIBIE AVEC DES FORCES DE LA CEDEAO (CORYMBE 92).

L’OPÉRATION CORYMBE AU CŒUR DE LA COOPÉRATION Depuis plus de vingt ans, le bâtiment en mission Corymbe est un amer remarquable pour la coopération maritime dans cette zone. Aux côtés d’autres acteurs, il contribue à améliorer la sécurité maritime et accompagne les États riverains vers plus d’autonomie et d’efficacité. Il est reconnu et apprécié grâce aux actions menées auprès des marines et populations locales : soutien technique des bâtiments, réfections d’écoles… Expertises techniques, corvettes au profit des stagiaires de la nouvelle école navale à vocation régionale, soutien des centres opérationnels locaux, font également partie des missions de Corymbe. Profitant de ces savoir-faire, la mission de coopération African Partnership Station (APS), conduite par les États-Unis, s’appuie également sur l’officier français inséré au sein de son état-major. Le bâtiment Corymbe saisit toutes les occasions d’interaction entre les deux missions, pour réduire la piraterie et le brigandage dans cette zone stratégique. Pour Corymbe 105, l’équipage du TCD Siroco a réalisé 33 jours consécutifs à la mer, face à deux nations africaines en pleine période électorale (Guinée Conakry et Côte d’Ivoire), susceptible de rapidement se transformer en crise mettant en danger les ressortissants français. Durant cette mission, les ordres sont clairs : se tenir paré à intervenir en cas d’embrasement de la situation, pour évacuer les ressortissants et soutenir la force Licorne en Côte d’Ivoire. La mission accomplie, Corymbe 105 s’achève. Le 15 décembre le BPC Tonnerre en Corymbe 106 prend la suite et effectuera 63 jours sans relâche. 14  COLS BLEUS  N° 2968  26 MARS 2011

L’armada amphibie était partie des ports de Den Helder, de Toulon et de Tarente pour se regrouper et accoster

PROJECTION de force

AGIR AU LOIN Les crises internationales amènent les autorités politiques nationales ou internationales à déployer des forces pour tenter d’exercer, pour une période donnée, le contrôle du territoire ou des populations. La mobilité des flottes de combat peut être mise à profit pour permettre l’arrivée en premier sur le théâtre. 1 La voie maritime permet de conserver la liberté du transport des moyens militaires lourds soit vers la zone de crise, soit aux abords avec un point d’appui sûr. Ces forces et leur soutien peuvent être débarqués par une force amphibie en hélicoptère ou en chaland, et conduire leur action avec le soutien logistique et sanitaire de la flotte, jusqu’à la maîtrise d’infrastructures portuaires et aéroportuaires. Les manœuvres Emerald Move exprime au niveau européen l’importance de cette capacité articulée autour de trois bâtiments amphibies.

embarqué avec son état-major à bord du BPC Tonnerre. Les Pays-Bas et l’Italie assumaient respectivement les fonctions de « Commander Amphibious Task Force » (CATF) et « Commander Landing Force » (CLF). Il s’agissait de prouver la capacité des membres de l’IAE à projeter un volume important de forces, loin des zones d’entraînement habituelles, et d’exécuter une opération amphibie dans une région de crise pour y rétablir la stabilité. Le Sénégal a été intégré à tous les niveaux et fournissait 800 hommes, quelques moyens navals et surtout un vaste secteur de manœuvres maritime et terrestre permettant d’évoluer en terrain libre. Deux compagnies sénégalaises furent pleinement intégrées à la force de débarquement. Elles avaient effectué leurs stages de formation amphibie avec l’Unité marine de Dakar, avant d’être entraînées par le TCD Siroco. Les autres participants fournissaient l’OPFOR (Opposing Forces) aux côtés des éléments des Forces françaises du Cap-Vert (FFCV), illustrant par là l’interopérabilité et les liens étroits d’amitié qui unissent les deux pays.

Opération amphibie L’Initiative amphibie européenne (IAE) est née en 2000 de la volonté des États disposant d’une capacité amphibie – la Grande-Bretagne, les Pays-Bas, l’Espagne, l’Italie et la France – d’améliorer leur coopération, à travers la recherche d’une interopérabilité accrue dans le domaine de l’entraînement et la conduite d’opérations amphibies. 5 000 militaires, 10 bâtiments de guerre, 18 aéronefs et 300 véhicules ont ainsi participé à l’exercice du 8 au 28 novembre 2010 au large du Sénégal et à l’intérieur des terres. La Marine française assurait la direction de cet exercice, placé sous les ordres du vice-amiral Hinden, commandant l’EMIA-FE(1) et

Une manœuvre dense dans des conditions difficiles ENTRAÎNEMENT AMPHIBIE AVEC DES FORCES DE LA CEDEAO (CORYMBE 92).

L’OPÉRATION CORYMBE AU CŒUR DE LA COOPÉRATION Depuis plus de vingt ans, le bâtiment en mission Corymbe est un amer remarquable pour la coopération maritime dans cette zone. Aux côtés d’autres acteurs, il contribue à améliorer la sécurité maritime et accompagne les États riverains vers plus d’autonomie et d’efficacité. Il est reconnu et apprécié grâce aux actions menées auprès des marines et populations locales : soutien technique des bâtiments, réfections d’écoles… Expertises techniques, corvettes au profit des stagiaires de la nouvelle école navale à vocation régionale, soutien des centres opérationnels locaux, font également partie des missions de Corymbe. Profitant de ces savoir-faire, la mission de coopération African Partnership Station (APS), conduite par les États-Unis, s’appuie également sur l’officier français inséré au sein de son état-major. Le bâtiment Corymbe saisit toutes les occasions d’interaction entre les deux missions, pour réduire la piraterie et le brigandage dans cette zone stratégique. Pour Corymbe 105, l’équipage du TCD Siroco a réalisé 33 jours consécutifs à la mer, face à deux nations africaines en pleine période électorale (Guinée Conakry et Côte d’Ivoire), susceptible de rapidement se transformer en crise mettant en danger les ressortissants français. Durant cette mission, les ordres sont clairs : se tenir paré à intervenir en cas d’embrasement de la situation, pour évacuer les ressortissants et soutenir la force Licorne en Côte d’Ivoire. La mission accomplie, Corymbe 105 s’achève. Le 15 décembre le BPC Tonnerre en Corymbe 106 prend la suite et effectuera 63 jours sans relâche. 14  COLS BLEUS  N° 2968  26 MARS 2011

L’armada amphibie était partie des ports de Den Helder, de Toulon et de Tarente pour se regrouper et accoster

2 QUESTIONS L’AVENIR DES PORTS-BASES D’ABOU DHABI ET DE DAKAR Quel rôle jouera le port et la base navale d’Abou Dhabi pour la Marine ? Abou Dhabi est un acteur régional essentiel de la logistique des opérations aéromaritimes. Chaque année, plus de cinquante unités de tous types relâchent à la base navale d’Abou Dhabi ou bénéficient de son soutien dans les cinq autres ports émiriens. Les récents déploiements du groupe aéronaval et du groupe guerre des mines en océan Indien ont également confirmé tout son intérêt. Facilitation des maintenances, ravitaillements, acheminement d’un fret à un bâtiment en mer, hébergement de personnel ou desserrement d’un hélicoptère, sont autant de capacités offertes aux unités en opérations. Quel avenir pour l’unité marine de Dakar ? Pour l’Afrique occidentale, les capacités des armées seront réparties entre Dakar, le Gabon et l’opération Corymbe. La présence des forces armées au Sénégal va évoluer en août 2011 pour devenir un pôle opérationnel de coopération, d’un effectif global de 300 personnes. L’unité marine est maintenue au profit des forces aéromaritimes pour conserver la capacité d’accueil pour toutes les unités en opérations dans la zone Atlantique, mais également pour assurer le contrat SAR avec le Sénégal, qui permet de disposer d’une capacité Surmar (ATL2).

DÉBARQUEMENT DE TROUPES DE LA CEDEAO À L’OCCASION DE L’EXERCICE EMERALD MOVE 2010.

sentation des actions civilo-militaires entreprises en parallèle des opérations, une revue navale de bâtiments amphibies et un survol des aéronefs au large de l’ancienne île aux esclaves.

Un premier pas décisif pour l’IAE FORMATION D’UN TIMONIER DE LA MARINE GHANÉENNE À BORD DU LV LE HENAFF (CORYMBE 102).

à Dakar. En termes de projection logistique et de soutien de l’homme, le défi à relever était immense, puisque les cinq bâtiments amphibies néerlandais, français et italiens(2) devaient mettre à terre une force de 2 500 hommes. À quatre reprises, lors de la mise à terre de la force et lors des rembarquements à l’issue de chaque phase tactique, déradiages, enradiages, porte-à-porte, porteà-rampe, ainsi que d’incessants allersretours de CTM(3) ou LCU(4) se sont succédé au large des côtes de Nianing et de Ngazobil. Sur les trois sites de plageage utilisés, les équipes d’aménagement, dont l’UIP française, s’affairaient depuis l’aube pour garantir les meilleures conditions de franchissement des milieux « mer-terre » aux unités. Dans les airs, les hélicoptères partis des

ponts d’envol, ainsi que les Mirage 2000 basés à Dakar troublaient la tranquillité du pays, en survolant quotidiennement l’aire des objectifs amphibies.

L’amphibie est par essence un domaine de la coopération interarmées, lui donner un caractère interalliés, c’est ajouter une dimension de complexité mais aussi une possibilité d’augmenter sa puissance. Le seul fait qu’Emerald Move ait été rendu possible constitue déjà une réussite et une promesse. Beaucoup reste encore à faire en termes

d’interopérabilité avant le prochain grand exercice prévu en 2015, mais d’ici là, les nations disposant d’une capacité amphibie vont ouvrir leurs exercices nationaux aux autres membres de l’initiative et donner de nouvelles occasions à la force de continuer à progresser. 2015 sera le seuil ultime qui permettra de déclarer la force amphibie de l’IAE opérationnelle. Nul doute que ce sera réalisé.  (1) État-major interarmées de forces et d’entraînement. (2) Sans les Britanniques ni les Espagnols qui ne purent participer en raison de contraintes opérationnelles autres. (3) Chaland de transport de matériel. (4) Landing Craft Unit.

Bien faire et partager Les hautes autorités militaires des pays membres de l’IAE, les officiers généraux représentants les ministres de la Défense, furent conviés le 18 novembre à bord du BPC Tonnerre et de son homologue néerlandais, le Johan de Witt, portant le CATF. Elles ont ainsi pu mesurer le chemin parcouru par l’IAE, devenue une entité capable de fournir une force amphibie efficace et crédible. Le dimanche 28 novembre marquait le point d’orgue de cet exercice sur l’île de Gorée, au large de Dakar. La cérémonie de clôture comprenait une pré-

LE BPC MISTRAL AU COURS DE L’EXERCICE EMERALD MOVE SURVOLÉ PAR DES HÉLICOPTÈRES DE PLUSIEURS NATIONALITÉS.

COLS BLEUS  N° 2968  26 MARS 2011  15

SÛRETÉ DES APPROCHES et dissuasion

« LE MONDE DU SILENCE UN MONDE QUI BOUGE ! » Les SNLE de la Force océanique stratégique sont la garantie ultime de notre indépendance nationale. Leur efficacité repose sur leur totale discrétion. Pour la garantir, des moyens extrêmement importants sont mis en œuvre, impliquant de nombreuses composantes de la Marine et même au-delà. La sécurité de nos approches maritimes ne se limite donc pas à la lutte contre les intrusions de surface (trafics, immigration…), elle touche au cœur de notre défense, loin des regards… 1 « L’actualité ne s’intéresse pas aux trains qui arrivent à l’heure. » En d’autres termes, quand un système fonctionne bien, on n’en parle pas. Pourtant, il serait difficile de parler de l’activité de la Marine en 2010 sans évoquer la dissuasion nucléaire et la Force océanique stratégique (Fost). Depuis 1974, la Fost assure la permanence d’au moins un sous-marin nucléaire lanceur d’engin (SNLE) en patrouille opérationnelle à la mer, offrant ainsi à la nation une assurance vie crédible et indépendante, capable d’infliger des dommages inacceptables à un quelconque adversaire qui souhaiterait s’en prendre à ses intérêts vitaux.

Entraînement et discrétion Pour assurer plus de 13 000 jours de permanence à la mer sans interruption depuis 1974, il faut former et entraîner des équipages de haute technicité, pugnaces et endurants, capables de mettre en œuvre, dans l’urgence comme dans la durée, une des machines les plus complexes des forces armées françaises. Pourtant, malgré cette complexité dans sa mise en œuvre, le principe tactique du SNLE se résume en quelques mots : grâce à sa discrétion, notamment acoustique, le sous-marin se cache dans l’immensité opaque de l’océan, pour se soustraire à toute menace et être capable en permanence de lancer ses missiles balistiques, sur ordre du président de la République. Mais si la mer donne à la France un espace de manœuvre quasi-infini pour ses sous-marins, elle peut également cacher, à quelques encablures de nos côtes, un adversaire malveillant, venu de n’importe quel point du globe pour menacer nos intérêts vitaux, comme nos SNLE en entrée et sortie de port ou nos approvisionnements énergétiques. C’est pourquoi, même si l’actualité se focalise parfois sur des activités moins 16  COLS BLEUS  N° 2968  26 MARS 2011

SNLE DANS LA RADE DE BREST EN APPROCHE DE LA BASE DE L’ÎLE LONGUE. LES CHASSEURS DE MINES ET LES GPD INTERVIENNENT POUR ASSURER LA MOBILITÉ DES FORCES NAVALES ET LA SÉCURITÉ DES APPROVISIONNEMENTS MARITIMES.

confidentielles, comme la lutte contre le narcotrafic, la protection de nos approches inclut également une dimension sous-marine. Cet impératif de protection des approches, qui concerne nos deux façades maritimes, dimensionne en partie le format et l’activité de la Marine : sous-marins nucléaires d’attaque, frégates anti-sous-marines, hélicoptères ASM, avions de patrouille maritime, chasseurs de mines ainsi que groupes de plongeurs démineurs mènent régulièrement des opérations de sûreté ASM ou de guerre des mines pour interdire et dissuader toute intrusion sous-marine proche de nos côtes. Le sous-marin nucléaire d’attaque (SNA) constitue un élément clé du dispositif. Sa mission : entraîner les « gros », comme on a coutume de dire, et participer à la sûreté de nos approches maritimes. Les avions de patrouille maritime, véritables « patrouilleurs du ciel », jouent également un rôle essentiel : participer aux entraînements, effectuer des vols de mesure, contribuer au blanchiment de la zone dans les phases de départ et de retour des SNLE. C’est ce savoir-faire, reposant sur un entraînement régulier et exigeant, qui fait de la Marine française une des rares marines à vocation océanique dans tous les domaines de lutte.

Adaptations constantes 2010 restera une grande année pour la Force océanique stratégique, marquée par l’admission au service actif fin septembre du quatrième SNLE de type NG, Le Terrible, et par la mise en service du missile nouvelle génération M51, après deux tirs d’essai réussis à partir du Terrible. Le missile balistique intercontinental M51 équipera bientôt les quatre SNLE. L’arrivée de ce nouveau missile a constitué un véritable challenge, qui a néces-

L’AVION DE PATROUILLE MARITIME EST INDISPENSABLE POUR DÉTECTER D’ÉVENTUELS INTRUS DANS LA ZONE DU SNLE.

SNLE À LA SORTIE DU GOULET DE BREST.

DANGER MINES

LES INSTALLATIONS DE LA BASE DES SNLE À L’ÎLE LONGUE.

sité d’importants travaux d’infrastructure. Il offre des capacités accrues en termes de portée, de précision et de capacité de pénétration, permettant à la dissuasion nucléaire de rester crédible face aux nouvelles menaces. Pendant que Le Terrible occupait le devant de la scène, les trois autres SNLE – Le Triomphant, Le Téméraire et Le Vigilant – poursuivaient avec la discrétion qui les caractérise leur mission de dissuasion. Rappelons que cette mission, menée depuis près de quarante ans sans interruption au service de la France, est le pilier de notre stratégie de défense et « l’assurance vie de notre pays», comme l’a expliqué le chef de l’État dans son discours lors du lancement du Terrible à Cherbourg en mars 2008. C’est dans ce contexte de forte activité que la base opérationnelle de l’île

Longue a fêté ses quarante années d’existence, apportant un soutien indispensable et sans faille à la mise en œuvre de la dissuasion. Si la permanence de la dissuasion repose sur le SNLE en patrouille, l’invulnérabilité de la Fost fait appel à toutes les composantes de la Marine. Le départ en patrouille et le retour d’un SNLE sont ainsi parfaitement orchestrés et nécessitent des moyens variés pour assurer sa protection. Les phases d’entraînement exigent également la présence de nombreux acteurs. Chaque mouvement d’un SNLE dans le goulet de Brest mobilise de nombreux acteurs : les chasseurs de mines qui s’assurent que la zone de transit du sous-marin est « propre », les hélicoptères de Lanvéoc (flottille 34F et escadrille 22S) qui décollent en avance

de phase pour couvrir les zones de passage du SNLE, et enfin les vedettes de la Gendarmerie maritime et les remorqueurs qui accompagnent l’unité précieuse. Posté le long des côtes dans le goulet, un dispositif de protection terrestre est aussi en place, comprenant des fusiliers marins, ainsi que des militaires de l’armée de Terre. Le rôle de la Force d’action navale (FAN) est également prépondérant dans la préparation et la bonne marche des activités de la Fost. Les frégates anti-sous-marines, ainsi que les avisos sont très présents pour entraîner le sous-marin et pour l’escorter lors de son transit en surface. L’année 2011 sera marquée par les premières patrouilles du Terrible, qui rejoint ainsi ses illustres aînés dans le cycle de la dissuasion. 

Largement répandues à travers le monde, les mines marines constituent toutes des armes redoutables, qu’elles soient sophistiquées ou de conception ancienne. Pour parer à cette menace, assurer la mobilité de nos forces et la sécurité de nos approvisionnements maritimes, les unités de guerre des mines ont conduit de nombreuses opérations au cours de l’année 2010, à commencer par la surveillance des routes d’accès à nos principaux ports militaires et civils. Au cours de ces missions, dont certaines menées en coopération avec les forces de l’Otan, plus d’une dizaine de tonnes de mines et engins explosifs a été détruites par les chasseurs de mines et les groupes de plongeurs démineurs. Pour garantir la capacité de déploiement d’une force de lutte contre les mines, un bâtiment de commandement et de ravitaillement, le Var, a soutenu pour la première fois un groupe de guerre des mines pendant l’exercice Olives Noires 2010, puis lors de la mission au Liban de l’Éridan, du Capricorne et d’un détachement GPD. Menée dans le cadre de la coopération franco-libanaise, cette mission a permis de réaliser les levés de fond des ports libanais, mettant ainsi en valeur le savoir-faire français. COLS BLEUS  N° 2968  26 MARS 2011  17

PROTECTION Défense

SOUS HAUTE PROTECTION La recrudescence des actes de terrorisme et le développement de la piraterie en océan Indien ont intensifié la demande générale de protection, à terre et en mer, en métropole comme Outre-mer et à l’étranger. Revue de détail de la fonction protection qui monte en puissance.

MEMBRE DE PELOTON DE SÛRETÉ MARITIME ET PORTUAIRE INSPECTANT UN NAVIRE.

FUSILIER MARIN ASSURANT LA SURVEILLANCE D’UN BATEAU CIVIL À QUAI.

1 Depuis cinq ans environ, la Protection Défense évolue en profondeur sous l’impulsion de plusieurs phénomènes. Une révision générale de la législation au niveau national, l’accroissement des menaces et la Révision générale des politiques publiques (RGPP) nous obligent à repenser notre organisation, en harmonisant les pratiques des armées et en redistribuant les effectifs. La piraterie a ainsi

réorienté les besoins vers la protection des navires à la mer. À partir de 2008, des équipes de protection ont été embarquées à bord de bâtiments civils. Simultanément, les navires militaires prenaient conscience de l’importance de disposer de brigades de protection de haut niveau nécessitant l’appui renforcé des fusiliers marins dans la préparation et l’encadrement. On assiste ainsi à une réelle

VEDETTE DE PELOTON DE SÛRETÉ MARITIME ET PORTUAIRE DE LA GENDARMERIE MARITIME.

18  COLS BLEUS  N° 2968  26 MARS 2011

professionnalisation de la Protection Défense, qu’elle soit exercée par des spécialistes (les fusiliers marins) ou par d’autres marins embarqués. Plus que jamais, des militaires avertis sont indispensables pour dissuader et intervenir contre les actes de malveillance. D’ailleurs, la spécialité de fusilier est probablement la seule qui voie ses effectifs augmenter à partir de 2010 (et jusqu’en 2014) et elle continuera

de proposer un métier attractif. Des décisions importantes ont jalonné cette évolution. En 2008, la Direction du personnel militaire de la Marine (DPMM) a créé 70 postes de quartiermaîtres et matelots de la flotte (QMF) de spécialité fusilier à bord des bâtiments. L’élément de protection nautique au profit des navires français en escale au port autonome de Djibouti a été pérennisé en 2009. L’année précédente, une équipe de protection embarquée (EPE) permanente est prépositionnée à Djibouti, en mesure de renforcer tout navire sensible transitant dans le golfe d’Aden.

SURVEILLANCE DE BATEAUX CIVILS PAR LES FUSILIERS MARINS.

LES PELOTONS DE SÛRETÉ MARITIME ET PORTUAIRE La sûreté des approches maritimes et des plans d’eau intérieurs de nos grands ports est une des missions confiées à la Marine nationale, seule force disposant d’une parfaite maîtrise des espaces maritimes et des métiers de la mer. Cette responsabilité est en grande partie déléguée à la Gendarmerie maritime depuis le 1er juillet 2006. Elle lutte contre les menaces affectant le transport maritime et ses infrastructures (actions terroristes, transport illicite de marchandises et de clandestins), qui sont autant d’actes de malveillance de droit commun. Cette mission novatrice a nécessité la création des pelotons de sûreté maritime et portuaire (PSMP). Composés d’une quarantaine de militaires, les PSMP sont implantés au Havre, à Port-de-Bouc et à Marseille-Joliette. Ils assurent essentiellement la sûreté des plans d’eau se trouvant dans les limites administratives de chaque port, des chenaux et des zones d’attente jusqu’à la limite des eaux territoriales. Cette surveillance implique des échanges de renseignement avec de nombreuses autorités militaires, judiciaires et administratives, le centre de renseignement de la Marine, les ports autonomes, la gendarmerie départementale, les services de police, la Direction du renseignement militaire, la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) et la Direction de la protection et de la sécurité de la défense (DPSD). Les PSMP offrent ainsi une capacité de réaction permanente (24h/24, 365 j/an) et agissent au profit des préfets (maritime et de département) comme des autorités judiciaires (procureur de la République). Pour ces PSMP, la Marine réceptionnera prochainement huit vedettes de sûreté maritime et portuaire de 12 mètres propulsées par deux moteurs à hydrojet.

2008 a également marqué la création d’un nouveau détachement de protection permanent Outre-mer, à la base navale d’Abou Dhabi aux Émirats arabes unis. L’intensification des missions des EPE a dès lors obligé la Force maritime des fusiliers marins et commandos (Forfusco) à y affecter, en plus des fusiliers marins, des commandos marine et des membres de brigades de protection. Comme la plupart des États, la France ne reconnaît pas aux propriétaires de navires marchands la possibilité d’employer des gardes armés privés à bord de leurs navires. L’emploi des armes hors du territoire national reste une prérogative régalienne, confiée aux armées, sous le contrôle des autorités politiques qui en définissent l’opportunité et les modalités. En garantissant la sécurité de son pavillon, l’État s’assure également que les conditions du recours à la force restent conformes

ÉQUIPE DE PROTECTION EMBARQUÉE ASSURANT LA PROTECTION DE CERTAINS NAVIRES À LA MER.

au droit et cohérentes avec l’action menée par la communauté internationale. Armées par la Marine nationale, les équipes militaires de protection embarquées constituent l’outil de sécurisation individuelle des navires dont l’État décide de protéger le transit ou les activités. Elles sont engagées depuis 2008 en océan Indien pour dissuader et contrer la menace de piraterie. Notons que ces EPE ont d’ailleurs aujourd’hui acquis leur notoriété. En 2010, ce sont elles qui ont notamment permis de repousser de nombreuses attaques au large de la Somalie et des Seychelles. 

LES BRIGADES DE SURVEILLANCE DU LITTORAL Comme leur nom l’indique, les brigades de surveillance du littoral (BSL) de la Gendarmerie maritime assument leurs missions le long des côtes. Le rivage est un critère de délimitation des compétences entre préfet maritime et préfet terrestre. Il importe d’avoir une force capable d’assurer le continuum entre la terre et la mer. La France compte plus de 7 000 kilomètres de côtes, les BSL sont ainsi réparties pour compléter un maillage territorial cohérent avec l’activité maritime et l’implantation des autres unités de la Gendarmerie maritime et de la Gendarmerie nationale. Les BSL ont donc cette agilité qui leur permet d’opérer en mer au plus près des côtes (police de la navigation et des pêches, secours et assistance aux plaisanciers le cas échant, etc.), mais aussi le long du littoral (police judicaire, circulation militaire, escorte de convois sensibles au profit de la Marine nationale). Chacune des neuf BSL – stationnées respectivement à Boulogne-sur-Mer, Cherbourg, Brest, Lorient, Rochefort, Lège-Cap-Ferret, Port-la-Nouvelle, Marseille et Toulon – est équipée de motos, de véhicules et d’une embarcation pneumatique, constituant ainsi l’une des chevilles ouvrières de l’action de l’État en mer (AEM). COLS BLEUS  N° 2968  26 MARS 2011  19

ACTION DE L’ÉTAT EN MER et fonction garde-côtes

PARFAITES COLLABORATIONS La fonction garde-côtes ayant fêté son premier anniversaire en décembre dernier, un premier bilan peut ainsi être établi. Coup de projecteur sur une organisation phare de l’action de l’État en mer. 1 Née avec le discours du président de la République le 16 juillet 2009, la fonction garde-côtes a réellement vu le jour à l’occasion du comité interministériel de la mer du 8 décembre 2009. Grâce à l’instauration d’une fonction garde-côtes, la France a ainsi conservé une organisation de l’action de l’État en mer (AEM) adaptée, regroupant l’ensemble des institutions participant à cette fonction. La France possède depuis de nombreuses années une organisation maritime, l’action de l’État en mer, qui lui donne toute satisfaction pour la réalisation des missions régaliennes en mer. Cette formule permet de plus d’éviter l’exclusion a priori des marines militaires européennes qui ont toutes vocation à participer à cette « fonction », à une époque où leur contribution va prendre de plus en plus d’importance en raison des enjeux de sécurité en mer nécessitant des moyens de plus en plus sophistiqués.

Structures et mécanismes La fonction garde-côtes s’articule d’abord autour d’un comité directeur qui se réunit sous l’autorité du secrétaire général de la mer, représentant du Premier ministre. Le comité directeur contribue à la définition des politiques conduites au titre de la fonction garde-côtes et à l’identification des priorités d’action et des mesures d’organisation en découlant. Com-

MISE EN PLACE D’UN BARRAGE À PARTIR DE L’ARGONAUTE LORS D’UN EXERCICE DE LUTTE CONTRE UNE POLLUTION MARITIME.

posé des directeurs des principales administrations intervenant en mer, dont le chef d’état-major de la Marine, en tant que représentant du chef d’état-major des armées, il constitue l’instance d’animation et d’arbitrage de la fonction garde-côtes. Ce comité s’est déjà réuni à plusieurs reprises et a permis de donner des impulsions significatives dans certains domaines de la politique maritime de notre pays. Actuellement, le comité directeur travaille activement sur la définition de

priorités nationales pour l’action de l’État en mer. Elles seront bientôt validées par le Premier ministre et serviront de référentiel pour permettre aux

administrations de conduire leur politique d’acquisition de moyens et de définir leurs missions. Une autre tâche importante réside dans la préparation

LES ENJEUX DE LA MARINE OUTRE-MER La zone économique française, dont 97 % se trouve Outre-mer, est l’objet d’une forte activité de la Marine en réponse à l’augmentation des activités illicites, aux risques liés à la circulation maritime, au besoin de préservation des ressources halieutiques et environnementales. Il faut y ajouter l’aide d’urgence lors de catastrophes naturelles et le soutien aux populations. Au plan capacitaire, il convient d’adapter les moyens aux spécificités de chaque théâtre et surtout de la mission, en distinguer les tâches militaires nécessitant des vecteurs d’intervention rapide permettant l’emploi de la force armée (police des pêches et de la navigation, Narcops, piraterie…), de celles à caractère plus interministériel s’accordant d’une moindre vitesse (missions administratives…). Le dénominateur commun à ces missions demeure leur caractère hauturier, qui exige un porteur capable d’agir loin dans la durée et conjuguant ainsi tenue à la mer, endurance, robustesse et mise en œuvre de ses engins dans des conditions d’environnement sévères. 20  COLS BLEUS  N° 2968  26 MARS 2011

LES GUETTEURS SÉMAPHORIQUES VEILLENT 24H SUR 24. ARRAISONNEMENT D’UN SKIFF TRANSPORTANT DES STUPÉFIANTS PAR L’ÉQUIPAGE DE LA FRÉGATE DE SURVEILLANCE VENTÔSE DANS LES CARAÏBES.

3 QUESTIONS LE POINT SUR L’ACTION DE L’ÉTAT EN MER Quel bilan pour la sauvegarde maritime en 2010 ? Aucun grand événement de mer n’a marqué l’espace maritime français au cours de l’année 2010. Les faibles quantités de produits stupéfiants saisis au cours de ces douze mois semblent n’avoir été qu’un ralentissement conjoncturel, le bilan 2011 au 1er mars étant d’ores et déjà quatre fois supérieur à l’an dernier. Toutes les autres activités sont en croissance, en particulier le bilan de nos moyens concourant au sauvetage de la vie humaine en mer (409 personnes secourues), ou en matière de déroutement de navires de pêche en infraction dans le cadre de la police des pêches (56 navires déroutés). Pourquoi développer la coopération interministérielle ? L’action de l’État en mer connaît ces dernières années une évolution radicale en raison de l’évolution des enjeux et des technologies. L’océan est en voie de globalisation. Il est devenu un espace où les organisations criminelles se livrent désormais à toutes sortes d’activités illicites (trafic de stupéfiants, piraterie…). C’est aussi une zone de préoccupation environnementale. Par ailleurs la technologie, si elle rend cet espace de plus en plus accessible, permet de mieux contrôler les activités en mer. Toutes ces raisons font que la Marine, pour remplir ses missions, doit désormais agir dans un cadre interministériel très étroit. Le partage des informations, la mutualisation des moyens et la coopération sont désormais des réalités quotidiennes. Elles sont non seulement des gages d’efficacité pour des missions valorisantes mais constituent aussi une ouverture exceptionnelle de la Marine vers d’autres ministères et d’autres publics.

LES DAUPHIN DE SERVICE PUBLIC SONT BASÉS AU TOUQUET, À CHERBOURG, LANVÉOC, LA ROCHELLE ET HYÈRES POUR LA RECHERCHE, LE SECOURS ET LE SAUVETAGE EN MER.

d’un schéma directeur pour les moyens aériens (avions de surveillance maritime et hélicoptères) des différentes administrations. Le centre opé-

LES SÉMAPHORES, QUEL RÔLE ? La mer est l’espace de prévention par excellence. Au plus proche des côtes, la mer territoriale et ses approches est une zone dans laquelle chaque État exerce ses droits pour protéger ses intérêts et son territoire, mais assume aussi ses responsabilités vis-à-vis de la réglementation maritime internationale. Répartis sur les 7 000 km de côtes métropolitaines, les 59 sémaphores remplissent des missions de défense maritime du territoire et d’action de l’État en mer. C’est par l’observation du trafic et des approches françaises que l’on acquiert la connaissance de ce qui se passe devant nos côtes. La couverture du dispositif permet également de reporter un navire d’intérêt signalé lorsqu’il s’approche de nos côtes.

rationnel de la fonction garde-côtes (CoFGC) est entré en fonction en septembre 2010. Adossé à l’état-major de la Marine mais travaillant au profit du SGMer, il est composé d’officiers appartenant à toutes les administrations intervenant en mer. Le CoFGC agrège au niveau central les informations d’intérêt maritime et apporte un soutien aux autorités centrales lors d’événements de mer. Il met aussi à disposition des autorités et des administrations le référentiel documentaire de l’action de l’État en mer. Il fournit également des analyses permettant de réorienter le dispositif AEM et anime un réseau national, européen et international avec les autres centres en charge des questions maritimes.

Quel emploi de l’Adroit dans le dispositif AEM ? La mise à disposition de l’Adroit par DCNS pour une durée de trois ans permettra d’éprouver ses qualités en matière d’intervention dans les vastes espaces de notre ZEE. La première année, le patrouilleur sera déployé en Méditerranée pour réaliser des missions de sauvegarde maritime : surveillance des approches ou des eaux à statut particulier (économique, écologique), police des pêches et lutte contre les activités illicites. Il participera également aux activités de prospection à l’export, notamment en Afrique du Nord (Algérie, Maroc) et sur le pourtour méditerranéen (Grèce).

La Marine, un rôle pivot

L’exemple de la Polynésie

INTERCEPTION DE PIRATES PRÉSUMÉS À BORD DE SKIFFS PAR L’ÉQUIPAGE DE LA FRÉGATE ANTI-SOUS-MARINE JEAN DE VIENNE LORS DE L’OPÉRATION ATALANTE.

La fonction garde-côtes s’est aussi lancée dans un projet original de mutualisation des moyens de surveillance et de veille maritimes en Polynésie française. Partant du constat que plusieurs administrations avaient des besoins convergents, le Premier ministre a demandé la mise en place d’un centre des opérations maritimes commun en Polynésie française. Ce programme a pour objectif de rassembler les systèmes de surveillance et de direction

des opérations dans un centre commun pour améliorer l’efficacité de chaque administration. Il a déjà renforcé de façon très sensible le dialogue inter-administrations et l’échange d’informations. Le transfert du MRCC des affaires maritimes vers l’état-major interarmées de la Polynésie à l’été concrétisera ce projet et permettra la montée en puissance de ce centre promis à un bel avenir.

D’autres projets ambitieux ont été mis en route. La Marine a pris la responsabilité de la conduite d’un groupe de travail de la fonction garde-côtes destiné à définir, pour le compte du SGMer, les besoins des différentes administrations dans le domaine de la surveillance maritime. Le travail est considérable car les enjeux sont importants (montée de la criminalité en mer, besoin de protection des nouvelles aires marines protégées…) et les nouvelles technologies foisonnantes (satellites, drones…). Enfin d’importantes études sont actuellement menées pour mettre en place des bâtiments interministériels multimission (projet B3M) dans certaines zones maritimes outre-mer. Le projet le plus avancé concerne la zone maritime sud de l’océan Indien. Les travaux n’en sont qu’au début, mais pour le moment assez prometteurs.  COLS BLEUS  N° 2968  26 MARS 2011  21

MCO naval

LA RÉVOLUTION DE VELOURS 2010. Le maintien en condition opérationnelle (MCO) des bâtiments de la Marine a dû opérer une mue tous azimuts pour parer aux défis et contraintes de demain. Une révolution dictée par un mot d’ordre : optimiser la préparation des forces et leur soutien. Retour sur une année charnière. 1 Une succession de changements majeurs ont redessiné de fond en comble l’organisation des armées. À commencer par le lancement des bases de défense (BdD), visant à décharger les forces des missions de soutien de l’homme. La création de ces services de soutiens interarmées et la mutation du commissariat de la Marine ont largement redéfini l’approche du soutien aux bâtiments. Une fois passée l’inévitable période de rodage à ces nouvelles procédures, la réforme du soutien devra faciliter le travail des équipages de la flotte grâce, notamment, à la mise en place d’un guichet unique. Autres évolutions, c’est désormais le service logistique de la Marine (SLM) qui assure l’approvisionnement, le magasinage des rechanges et le fonctionnement des ateliers militaires. Associé au service de soutien de la flotte (SSF), il constitue aujourd’hui l’un des fers de lance du maintien en condition opérationnelle (MCO) naval. La rationalisation de la fonction munitions est aussi engagée, avec la création du service interarmées des munitions (SIMu), qui prendra en charge la pyrotechnie des sites SSF de Fontvieille (Bouches-du-Rhône) et Tourris (Puy-de-Dôme). LE BCR SOMME AU BASSIN À TOULON.

22  COLS BLEUS  N° 2968  26 MARS 2011

La flotte de guerre de demain se construit aujourd’hui Une modernisation lourde des composantes océaniques de la dissuasion nucléaire est en marche. L’admission au service actif du SNLE Le Terrible et

DES MARINS CHEZ LES INDUSTRIELS

PREMIÈRE IPER DU SNLE LE TÉMÉRAIRE. UNE OPÉRATION LOURDE QUI NÉCESSITE LE DÉMONTAGE DE 30 000 MATÉRIELS ET LA MOBILISATION DE 700 PERSONNES.

La Marine étudie de près des échanges de personnel avec des industriels. Rien de tel pour aguerrir les marins aux technologies modernes qu’ils devront bientôt mettre en action : système de combat des FDA et Fremm, électricité haute tension, installations frigorifiques de nouvelle génération… Ces échanges doivent aussi permettre de maintenir des compétences sur des systèmes dont l’entretien est rendu complexe par leur ancienneté. En retour, des industriels ont témoigné leur intérêt d’amariner leurs équipes de manière durable. De sorte que l’échange dépasse la simple découverte. L’occasion pour les marins de faire part à leurs hôtes civils de leurs préoccupations et attentes de clients…

ÉLECTRICIENS D’ARMEMENT SUR MACHINE DE TIR, TOURELLE DE 100 MM.

la mise en service opérationnel (MSO) du missile balistique M51 d’une portée de 9 000 km ont doté la Force océanique stratégique (Fost) d’outils performants, à la pointe de la technologie. La refonte au standard M51 des trois autres SNLE est com-

mencée. Elle est réalisée lors d’importantes périodes de travaux couplées à des indisponibilités pour entretien et réparations (IPER). La composante aéronavale de la dissuasion n’est pas en reste. Rafale et Super Étendard Modernisé du porte-avions

3 QUESTIONS TRANSFORMATIONS DU MCO NAVAL Quelle place auront les moyens militaires de soutien (MMS) dans la Marine de demain ? Les MMS constituent un pan essentiel du maintien en condition opérationnelle de nos bâtiments. Ce sont eux qui assurent la continuité du MCO en palliant certaines difficultés techniques (par exemple, dans le cas des obsolescences rencontrées sur les armes-équipements). Pôle d’expertise et d’analyse, les moyens militaires de soutien permettent d’offrir aux marins des cursus qualifiants. Surtout, ils garantissent l’autonomie de la Marine en zone de crise en lui donnant une capacité d’intervention militaire immédiate. Quelles seront les évolutions à venir pour l’entretien de surface des bâtiments ? Les systèmes de peinture vont inéluctablement évoluer sous l’effet des contraintes réglementaires et industrielles. La Marine s’efforce de retenir des systèmes permettant de minimiser le travail des équipages : il est déjà envisagé d’acquérir progressivement des outils de préparation des surfaces plus efficaces et plus simples d’emploi. En parallèle, le SSF mène des études comparatives auprès d’industriels et d’autres marines militaires pour bénéficier de leur retour d’expérience.

INTERVENTION D’UN QUARTIER-MAÎTRE ÉLECTRICIEN AU PC MACHINE.

Charles de Gaulle assurent depuis 2010 la mise en situation opérationnelle (MSO) du missile nucléaire ASMP-A (Air-sol moyenne portée amélioré), doté d’une nouvelle tête et d’une portée accrue, grâce à une propulsion par statoréacteur. Le renouvellement des bâtiments de premier rang de la Marine bat aussi son plein : la frégate Horizon de défense aérienne Forbin a été admise au service actif en fin d’année. Son sistership, le Chevalier Paul, le suivra de peu, courant 2011. Les Fremm et SNA de classe Barracuda seront les prochains fleurons à intégrer la flotte de combat (respectivement en 2012 pour la Fremm Aquitaine et en 2017 pour le SNA Suffren). En vue de leur installation en port-base, la Marine a dû concevoir un schéma directeur prenant en compte les nouvelles spécificités de ces trois types de bâtiments ultramodernes.

Plan Dispoflotte 2015 Objectif : permettre à la Marine de faire face aux défis futurs dans un envi-

ronnement budgétaire toujours plus contraint. Conscient du besoin crucial d’optimisation des méthodes de MCO naval, l’état-major de la Marine a ordonné l’exécution d’un plan de bataille. Nom de code : Dispoflotte 2015. Tout juste engagé, il s’articule en cinq axes : – renforcer le management des arrêts techniques, afin de mieux les préparer et mieux les conduire ; – assurer la continuité et la pérennité des moyens militaires de soutien (MMS), pour améliorer le service rendu aux bâtiments et leur soutien opérationnel ; – définir une gestion des compétences « adaptée maintenance » permettant de définir des cursus de carrière valorisés pour les maintenanciers ; – adapter l’organisation du travail aux bâtiments futurs, dont l’une des caractéristiques importantes est la réduction des effectifs ; – valoriser les conditions de travail des équipages en recentrant l’activité des marins sur les tâches apportant une plus-value professionnelle. 

INSTRUCTION SUR LES MESURES VIBRATOIRES EN MACHINE.

Quel est le rôle des maintenanciers ? La Marine de guerre exige une capacité autonome d’intervention technique à la mer, nécessitant de prendre en charge une partie du MCO préventif et correctif. Or l’arrivée de nouveaux bâtiments automatisés à équipages réduits implique un réajustement de la maintenance. Les maintenanciers seront appelés à jouer un rôle pivot. Qui sont-ils ? Il s’agit de marins spécialistes, disposant d’un savoir-faire reconnu dans leur domaine d’expertise, consolidé par une expérience embarquée significative et bénéficiant d’un parcours de carrière qualifiant. Quant aux opérations de maintenance du ressort de l’équipage, elles seront réalisées par de jeunes marins, opérateurs en conduite, encadrés par les OMS de leur service pour les opérations courantes, ou par des marins plus expérimentés (les maintenanciers) pour les opérations nécessitant une expertise aiguë. COLS BLEUS  N° 2968  26 MARS 2011  23

MCO aéronautique navale

TRANSFERTS ET MUTATIONS Le paysage aéronautique se modifie, ses structures évoluent. Le point sur les récents changements, ceux en cours et à venir. devra également s’adapter pour garantir la réalisation des dépannages urgents nécessitant son concours. De plus, le SIAé sera chargé de maintenir et compléter les qualifications des personnels techniciens militaires qui lui sont transférés. Ces connaissances acquises seront ensuite utilement valorisées lorsque ces militaires reviendront en flottilles opérationnelles à l’issue de leur affectation au SIAé. Notons que l’ensemble de ces prestations a été contractualisé par la Simmad au SIAé.

Bordeaux, un transfert étudié

CHAÎNE DE MAINTENANCE DE L’E2C225 HAWKEYE À CUERS.

1 L’aéronautique navale est en cours de restructuration. L’évolution de la Structure intégrée du maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques de la Défense (Simmad) et l’adossement au Service industriel de l’aéronautique (SIAé) sont les événements majeurs qui marquent cette recomposition. Depuis le 1er janvier 2011, la Marine a effectivement transféré au SIAé les ateliers et aires de visites préventives de ses bases d’aéronautique navale (BAN) de Bretagne et de Hyères, ainsi

que les 950 personnels (630 militaires et 320 civils) qui y travaillaient. Le transfert des trois BAN de l’Ouest a par ailleurs conduit à la création d’un nouvel établissement : l’Atelier industriel aéronautique (AIA) de Bretagne, avec une direction implantée à LannBihoué. Quant à la BAN de Hyères, ses activités et le personnel concerné ont été en grande partie transférés à l’AIA de Cuers qui existait déjà. En termes de localisation géographique il n’y a que peu de changements pour la Marine, puisque le SIAé est venu

MAINTENANCE DES ATLANTIQUE SUR LA BAN LANN-BIHOUÉ.

24  COLS BLEUS  N° 2968  26 MARS 2011

implanter des antennes sur chacune des BAN. En revanche, les travaux à réaliser dans le cadre du soutien des aéronefs, jusqu’à présent gérés en interne par la Marine, seront dorénavant commandés au SIAé qui

Maîtrise d’ouvrage déléguée du MCO aéronautique, la Simmad connaîtra aussi pour sa part une profonde mutation, à la fois géographique et structurelle. En effet, à l’été 2012, cet organisme quittera le site de Brétigny en région parisienne pour se réorganiser en une structure bipolaire, avec un pôle Direction à Paris (Balard) et un pôle Conduite à Bordeaux. Avec le transfert d’environ 240 marins, personnels civils et militaires, à Bordeaux, le grand Sud-Ouest devient un nouveau bassin d’emploi de la Marine pour le personnel de l’aéronautique

QUELLES CONSÉQUENCES POUR LE PERSONNEL CIVIL ET MILITAIRE DE L’ADOSSEMENT AU SIAé ? Après avoir été informés individuellement, par courrier, du transfert de leur poste au SIAé, les agents qui ont fait le choix de rester dans leur poste au sein de l’antenne SIAé ont été mutés à compter du 1er janvier 2011. Leur gestion relève depuis cette date de l’armée de l’Air. Les quelques agents qui n’ont pas souhaité rejoindre le SIAé sont tous reclassés, dans leur bassin d’emploi, à la suite de leur entretien avec l’antenne mobilité reclassement. De même, au 1er janvier 2011, 629 marins des différents services techniques de nos BAN ont vu leurs postes transférés sous la responsabilité d’un organisme à vocation interarmées, le Service industriel de l’aéronautique (SIAé). Ils continuent d’exercer leur métier dans les mêmes dispositions au sein des ateliers industriels de l’aéronautique (AIA) Bretagne et Cuers-Pierrefeu. Ainsi, contrairement au personnel civil, leur gestion reste du ressort de l’AGE Alavia. Une affectation au SIAé s’inscrit totalement dans le cursus professionnel de nos marins ainsi que dans le cadre général de la nouvelle politique relative aux durées d’affectation, qui privilégie notamment l’alternance entre affectations opérationnelles et affectations de soutien. Cette alternance est particulièrement recherchée pour les techniciens de l’aéronautique navale tant pour étoffer leur parcours professionnel que pour entretenir la compétence de dépannage des flottilles et des détachements embarqués : c’est bien là la spécificité de l’aéronautique navale !

2 QUESTIONS TÉMOIGNAGE DE MARIN SUR LES AIA Quelles compétences faut-il pour embarquer sur une unité ? Le niveau de connaissances et de compétences exigé pour embarquer n’a pas changé : la formation qui était auparavant dispensée au sein des BAN (ateliers, visites) sera à présent dispensée au sein des antennes SIAé (dans les mêmes ateliers ou sur les mêmes aires de visites). En revanche, si les marins du SIAé acquièrent des compétences de niveau industriel dans le cadre de leurs activités au SIAé, ces connaissances ne pourront être que bénéfiques pour accéder à davantage de responsabilités lorsqu’ils reviendront au sein des forces.

TECHNICIEN AÉRO SUR UN ATLANTIQUE 2. MAINTENANCE DE L’ARMEMENT D’UN ATLANTIQUE 2.

Comment avez-vous vécu votre passage à l’AIA Cuers ? Je suis arrivé dans un environnement régi par des procédures claires et logiques, et je n’ai donc pas eu de difficultés particulières à m’adapter. C’était par ailleurs intéressant techniquement car j’ai pu acquérir de nouvelles compétences et me consacrer pleinement à l’entretien des aéronefs qui m’étaient confiés. J’ai demandé à revenir dans une flottille pour renouer avec un autre type d’activité, comme le dépannage en milieu opérationnel. J’aurai plus de contraintes familiales pendant cette période, mais je l’accepte d’autant mieux que j’envisage de retourner au SIAé après cette affectation. Cette alternance de postes me permettra de ne pas tomber dans la routine en maintenant un bon niveau de connaissances techniques.

navale, puisque des implantations existeront ainsi à Saint-Aignan, à Bordeaux, à Cazaux et à Mont-deMarsan. La Marine reste très attentive aux conditions d’accueil des marins en Aquitaine, concernant notamment les célibataires géographiques ou les marins en famille. À ce titre, une mission EMM/Alavia s’est rendue à Bordeaux afin de constater que les dispositions étaient prises pour faciliter les ATLANTIQUE DEVANT UN HANGAR DE LA BAN LANN-BIHOUÉ.

conditions d’accueil, de travail et d’hébergement des marins qui y seront transférés. Enfin, l’extension de la ligne TGV vers Bordeaux (2013) devrait à terme diminuer les temps de trajet vers la Bretagne.

Des Patmar à Lann-Bihoué Le transfert de la flottille 21F à LannBihoué s’inscrit également dans le prolongement des mesures prises à l’été 2008 et plus particulièrement de la décision de fermeture de la BAN Nîmes-Garons. En conduisant au regroupement des deux flottilles de Patmar sur un site unique, cette mesure permet surtout d’optimiser le soutien du parc Atlantique 2, particulièrement sollicité. Ce processus d’optimisation se poursuivra avec une seconde phase associant le SIAé qui dispose depuis peu d’un outil industriel performant de proximité avec l’AIA Bretagne. Cette dernière étape doit aboutir, après étude par la Marine et le SIAé, de la meilleure solution de rationalisation, à la mise en place d’une organisation du soutien étatique du parc ATL2 optimisée, conciliant à la fois l’efficience du soutien industriel (NSI) et l’efficacité du soutien opérationnel (NSO), garantissant ainsi aux deux flottilles de Patmar désormais regroupées sur la BAN de LannBihoué les conditions nécessaires afin de mener à bien leurs missions. L’heure est indéniablement à l’optimalisation dans l’aéro.  COLS BLEUS  N° 2968  26 MARS 2011  25

SOUTIEN

LA LOGIQUE D’OPTIMISATION En ébullition, le secteur du soutien change de visage pour être plus productif au service des forces. Ses défis sont nombreux et pour certains en phase finale de définition, dictés à la fois par la logique d’optimisation globale interarmées, mais aussi par la volonté de mieux utiliser les savoir-faire spécifiques. 1 Le soutien fait l’objet de profondes mutations, passées ou à venir, qui sont la traduction des travaux conjugués du Livre blanc et de la réforme générale des politiques publiques (RGPP). Les réformes ont vu le jour dès 2008 et s’engagent sur plusieurs années. Mais pour faire le point sur ces vastes chantiers, encore faut-il dissocier les branches d’un secteur aux multiples casquettes. Ce soutien est soit commun, c’est-àdire interarmées et placé sous ordres du commandant interarmées des soutiens (Comias) ; soit spécifique, c’està-dire relevant d’une armée, à l’exemple du service de soutien de la flotte (SSF) ou du service logistique de la Marine (SLM) ; soit spécialisé par des services (service de santé des armées, service des essences des armées, service de l’infrastructure de la défense).

Tout ceci a pour cadre l’organisation interarmées des soutiens. La Marine continue d’assurer elle-même la maintenance propre aux forces aéronavales. On parle de soutien spécifique.

Le soutien spécifique Le regroupement des soutiens communs interarmées a conduit la Marine à repenser l’organisation de ses soutiens spécifiques afin de dégager de nouvelles synergies au bénéfice des forces. C’est ce qui a motivé le réagencement des bases navales, avec la création du service logistique de la Marine (SLM). Ce dernier assure le soutien en termes de maintenance et de prestations logistiques du domaine naval. Les antennes du SLM sont sous la responsabilité des commandants des bases navales et elles reprennent les activités des ateliers militaires de la flotte (AMF). À sa création, son premier directeur, le commissaire général Armand, avançait alors qu’« un esprit commun SLM se créera rapidement autour des défis à

Le soutien commun Pour l’accomplissement de ses missions – mutualisation des moyens et accroissement de l’efficience de l’ensemble des organismes concernés – le Comias coordonne notamment l’action du nouveau service de commissariat des armées (SCA). Amorcée en janvier 2010, la fusion des services des commissariats des trois armées et du SGA a donné naissance à un opérateur unique pour les soutiens communs. Désormais, des hommes et des femmes issus du commissariat de la Marine travaillent pour le SCA et sont placés sous l’autorité du chef d’étatmajor des armées. « La plus-value du SCA comporte trois aspects : la mutualisation des moyens, l’harmonisation des situations et surtout l’amélioration de la performance du soutien de l’homme », explique le commissaire général Jean-Marc Coffin, directeur central du SCA. Le nouveau service couvre les fonctions d’administration générale, finance et comptabilité, logistique. En revanche, certaines autres fonctions historiques des commissariats, comme la solde, sont prises en charge par la direction des ressources humaines de chacune des armées. Son organisation comprend une direction centrale et des organismes extérieurs. 26  COLS BLEUS  N° 2968  26 MARS 2011

DIRISI

LE SSF RESTE MAÎTRE D’OUVRAGE DU MCO DES BÂTIMENTS DE SURFACE ET DES SOUS-MARINS. LE SECTEUR DU SOUTIEN ÉVOLUE VERS L’HARMONISATION DES PROCÉDURES AU SERVICE DES FORCES EN OPÉRATIONS.

La Direction interarmées des réseaux d’infrastructure et des systèmes d’information de la Défense (Dirisi) est l’opérateur unique des SIC de la Défense. Son rôle est de répondre aux besoins des forces, des directions et des services du ministère en leur proposant la solution technique la mieux adaptée, la plus performante et la moins coûteuse. Pour cela, elle a absorbé plusieurs services de télécommunication de tout horizon depuis 2005. Que ce soit un navire, un détachement de commandos, des troupes en Opex ou une base de défense en métropole, le client de la Dirisi doit recevoir les services dont il a besoin dans un certain contexte d’emploi. La Dirisi a un effectif de 11 000 personnes, dont 960 marins, et sa direction centrale est implantée au fort du Kremlin-Bicêtre.

LE SERVICE DU COMMISSARIAT DES ARMÉES Le Service du commissariat des armées a été créé le 1er janvier 2010 pour regrouper les anciens commissariats d’armée. Sous les ordres du chef d’état-major des armées, il opère prioritairement au profit des forces. Il couvre des fonctions multiples : administration générale, finance et comptabilité, logistique au sens du soutien de l’homme et du combattant. Certaines fonctions prennent une dimension nouvelle notamment dans le domaine de la comptabilité générale, en revanche d’autres, comme la solde, sont prises en charge par chaque armée. Tout ceci avec pour but : de participer substantiellement à la réduction des effectifs dédiés au soutien commun, de rationaliser les structures actuelles pour ne garder qu’un tiers de l’existant, et enfin de porter l’harmonisation des procédures administratives et financières au sein des armées. DÉSORMAIS, DES HOMMES ET DES FEMMES DU COMMISSARIAT DE LA MARINE TRAVAILLENT POUR LE SCA SOUS L’AUTORITÉ DU CHEF D’ÉTAT-MAJOR DES ARMÉES.

relever pour que les bateaux puissent appareiller et naviguer ». L’année dernière son budget s’élevait à 77 millions d’euros. Dans le nouveau paysage du soutien qui se dessine, le maintien en condition opérationnelle (MCO) des forces demeure donc du ressort de la Marine. Le service de soutien de la flotte (SSF) reste maître d’ouvrage du MCO des bâtiments de surface et des sous-marins et donneur d’ordres du nouveau SLM. Il a déjà fait la preuve de son savoir-faire en matière de globalisation des contrats, d’ouverture à la concurrence et d’objectifs de résultats. Soutien spécifique et soutien interarmées s’inscrivent dans une logique de complémentarité au service des forces.

Le soutien spécialisé Dernier volet de redistribution des cartes pour le secteur soutien : le soutien dit « spécialisé ». Le soutien pétrolier par exemple est revenu totalement

au service des essences des armées. De même, la logistique des munitions a quitté le giron du SSF pour le nouveau service interarmées des munitions (SIMu, arrêté de création le 7 mars dernier). La Dirisi a elle aussi, depuis plusieurs années, absorbé plusieurs services de télécommunications (voir encadré). Pas de révolution donc, mais une évolution inévitable et raisonnée. Ce qu’il faut retenir de ces efforts successifs : dans la logique d’optimisation globale du soutien, un effort important a été porté pour prendre en considération les contraintes particulières des opérations aéronavales. Le capitaine de vaisseau Chaufrein du pôle Soutiens et finances de l’état-major parisien rappelle la stratégie globale qui a présidé à l’optimisation des soutiens : « Le cumul des optimisations par métier est censé être plus efficient que le cumul des optimisations par milieu, que nous connaissions jusqu’à maintenant. » 

DÉSORMAIS, SEUL LE SERVICE DES ESSENCES DES ARMÉES PILOTE LA LOGISTIQUE DE TRANSPORT.

LE NOUVEAU SERVICE LOGISTIQUE DE LA MARINE (SLM) REPREND LES ACTIVITÉS DES ATELIERS MILITAIRES DE LA FLOTTE (AMF).

3 QUESTIONS LA RÉFORME DU SOUTIEN Peut-on tirer un premier bilan de l’interarmisation de la fonction soutien ? L’ampleur de la réforme et son caractère récent ne permettent pas encore de tirer de conclusions. Néanmoins, les évolutions sont considérables et trouvent aujourd’hui leurs réalisations concrètes dans la vie quotidiennes de nos marins. Et elle présente des opportunités non négligeables, comme l’harmonisation des procédures administratives. Comment la réforme est-elle accueillie dans la Marine ? Toute modification inquiète, c’est inhérent à chaque réforme, mais les marins sont sûrement de ceux qui s’adaptent le plus facilement au souffle du changement. Il faut constater un maintien du niveau de prestations lors des récentes évolutions, ce qui est d’ores et déjà positif. Un service interarmées peut-il percevoir les contraintes du marin embarqué ? L’essentiel réside dans le dialogue de gestion entre forces et services pour faire comprendre les besoins particuliers. COLS BLEUS  N° 2968  26 MARS 2011  27

BASE de défense

REFONTE GLOBALE Les bases de défense (BdD) sont une réalité depuis le 1er janvier 2011. Les phases expérimentale en 2009, puis pilote en 2010 ont maintenant laissé place à une organisation qui s’applique sur tout le territoire et pour toutes les unités militaires. Pour la Marine, cela se traduit notamment par des regroupements au sein des BdD de Brest-Lorient, de Toulon et de Cherbourg. 1 Le rôle des bases de défense est de fournir des prestations d’administration générale et de soutien commun (AGSC), de façon harmonisée et mutualisée, pour l’ensemble des formations ou services du ministère de la Défense implantés dans le périmètre de la BdD. Pour ce faire, les procédures ont été ou sont en cours d’évolution, en s’inspirant des bonnes pratiques relevées dans des services comparables. La phase pilote de 2010 a permis de confirmer les choix d’organisation et de fonctionnement à mettre en place pour l’ensemble des BdD. Une phase de montée en puissance lui succède et durera jusqu’à l’été 2011, pour parfaire la mise en place des moyens, des procédures et du personnel. Dans la Marine, les défis à relever sont doubles : pour les BdD il s’agit de mettre en place les nouvelles organisations et de s’approprier des processus pour soutenir des formations non marines et pour les formations concernées qui changent d’unité support (sémaQUELLES NOUVEAUTÉS POUR LES BDD D’OUTRE-MER ? Fonctionnant déjà sous un mode très interarmisé depuis plusieurs années, l’Outre-mer adopte sans difficulté l’embasement : neuf BdD sont créées (cinq Outre-mer, EAU, Djibouti, Gabon, Sénégal). Les commandants de ces bases de défense sont les Comia (Comsup, Comfor) des forces de présence et de souveraineté. Cet embasement vient en parallèle d’une réorganisation du commandement outre-mer, à l’été 2011, qui prévoit la disparition des adjoints d’armées, responsables de l’essentiel du soutien organique d’armée sur leur territoire d’implantation. Les directeurs du commissariat outre-mer (Dicom) sont devenus les chefs des GSBdD. 28  COLS BLEUS  N° 2968  26 MARS 2011

L’ADMINISTRATION ET LE SOUTIEN TECHNIQUE DE PROXIMITÉ SONT DÉSORMAIS DU RESSORT DES BASES DE DÉFENSE.

phores, Comar, unités de la Gendarmerie maritime…) au profit d’un GSBdD (groupement de soutien des bases de défense), de se familiariser avec des pratiques nouvelles. La Marine possède déjà une vraie culture de base militaire avec ses bases navales déjà existantes. Mais l’effort commun de rationalisation des armées demande des mesures d’économies nettement plus importantes pour conserver et préserver les capacités opérationnelles qui sont le cœur de la mission des armées. Dans ces conditions, les mutualisations de moyens sont un mode efficace de gestion, car elles permettent d’optimiser leur emploi tout en améliorant leur rendement. Il s’agit donc d’aller plus loin et de profiter de l’esprit de la réforme des bases de défense pour regrouper les moyens par métier, puis les adapter et les redistribuer dans une double logique de pool (les services) et de proximité (les antennes). Cependant, la logique d’antennes ne doit pas contribuer à un éparpillement des services. L’enjeu est donc de maintenir la cohésion d’ensemble des services au profit des forces et la gestion des activités sur les sites aux occupants nom-

comme les directions du commissariat de la Marine. Des formations se sont séparées du personnel en charge du soutien, les services spécialisés se réorganisent autour d’antennes… L’objectif est que les unités soutenues ne ressentent pas de dégradation de la qualité de service de soutien. Après deux mois de fonctionnement, la plupart des interlocuteurs sont maintenant identifiés. breux. C’est un défi important auquel s’attelle avec énergie la chaîne de commandement. Au-delà de toutes les avancées, les différents acteurs de la réforme s’accordent à constater le resserrement de la communauté de défense autour de la satisfaction des besoins des forces. Ce recentrage sur l’essentiel est sans conteste le meilleur atout pour réussir pleinement cette réforme ambitieuse. De nouvelles normes de soutien sont mises en place, des guides et des outils de prestations les accompagnent. De nouveaux acteurs, tels que le groupement de soutien de la base de défense ou le service du commissariat des armées, sont apparus dans les ports, d’autres au contraire ont disparu,

Vers l’harmonisation du soutien Demain, des outils informatiques « métier » joueront le rôle de guichet unique. En attendant ces outils à l’horizon 2012 ou 2013, le rôle – et parfois la difficulté – du commandement est d’informer le plus largement possible pour que chacun trouve ses interlocuteurs et que la chaîne de soutien soit maintenue en situation optimale. C’est un des enjeux clés de cette période, qui demande une énergie importante à tous. Plusieurs améliorations ont déjà été menées dans le cadre de la réforme. Les effets de la gestion en pool n’ont pas tardé à se manifester. À Brest par exemple, il a été possible de réguler le fonctionnement de l’ensemble des

centres de restauration situés dans la base navale, d’en harmoniser la charge et de réduire les effectifs sans pour autant amoindrir la qualité du service. L’harmonisation des procédures de soutien à l’ensemble du ministère permettra par ailleurs d’offrir un niveau de service standard et équitable, et de développer des systèmes d’information par métier, qui facilitent les commandes pour les usagers et allègent la charge de travail pour les services. Le déploiement et la consolidation du référentiel de soutien commun sont en cours. À Brest, les audits réalisés au cours du 4e trimestre 2010 sur les quinze domaines de soutien standard ont permis d’identifier les forces et faiblesses de l’organisation mise en place dans la BdD pilote et d’établir un plan d’action adapté. Il en résulte une clarification des rôles des différents acteurs du soutien, une définition plus précise des prestations et, par là même, une amélioration des services. Le dispositif de soutien par les BdD va favoriser à court terme une véritable cohérence entre organismes et soutenus, grâce à l’harmonisation des procédures. 

3 QUESTIONS LA COHÉSION DES ÉQUIPAGES Quelle place pour le personnel civil ? À terme, un objectif de 60 % de civils est visé pour les GSBdD, pour une moyenne nationale de l’ordre de 42 % aujourd’hui. Brest-Lorient, Cherbourg et Toulon ont déjà atteint cet objectif. L’enjeu est de conserver un volume de personnel « projetable » avec les forces. La Marine prend particulièrement en compte l’alternance entre les postes embarqués et à terre dans les carrières des marins. Quelle identité pour les marins en GSBdD ? Doit-on garder sa coiffe pendant l’appel aux couleurs(1) ? Faut-il porter un treillis durant une cérémonie alors que l’on n’est pas fusilier marin(2) ? Derrière ces interrogations se pose la question plus large de l’identité des marins au sein de ces structures. La réponse de l’état-major des armées précise que : « Les GSBdD sont des formations nouvelles, interarmées, n’ayant aucun passé identitaire, où le personnel militaire reste attaché à son armée et son arme d’origine. » Concernant les marins affectés en GSBdD, comme en formation interarmées ou interalliés, la tradition demeure, ils ne portent normalement pas d’insigne d’unité, sauf à titre exceptionnel sur ordre spécifique du commandement. Quel avenir pour les cercles et foyers ? Les cercles et foyers des armées sont des outils de cohésion sociale qui disposent de sites adaptés à recevoir les formations et services ; d’un statut juridique prévu pour assurer le bon déroulement de ces activités ; de moyens financiers et surtout de personnel capable d’aider à l’organisation des activités de cohésion. La Marine pourra légitimement utiliser leurs services afin de poursuivre sa politique de cohésion.

(1) Dans les établissements des autres armées ou dans un cadre interarmées, les marins adoptent le comportement des autres militaires ; en particulier, ils saluent au lieu de se découvrir. (2) Les marins ne portent pas de treillis (à l’exception des fusiliers marins), qui ne correspond à aucune tenue réglementaire en vigueur dans la Marine.

COLS BLEUS  N° 2968  26 MARS 2011  29

FREMM

FREMM LES FRÉGATES DE L’AVENIR Lancé en novembre 2005, le programme des frégates multimission (Fremm), destinées à remplacer l’essentiel des bâtiments d’escorte des flottes française et italienne, est le plus grand programme naval jamais réalisé en Europe. 1 Signé en novembre 2005 en coopération avec l’Italie, le programme Fremm (frégate multimission) prévoyait initialement l’acquisition de dixsept frégates françaises pour remplacer les frégates ASM type Tourville et Georges Leygues, ainsi que les avisos. Ces frégates devaient se décliner en deux versions, l’une à vocation antisous-marine (ASM), l’autre adaptée aux actions vers la terre (AVT). Le contrat a été renégocié en septembre 2009 pour prendre en compte la réduction de format retenue par le

rienne, les Fremm seront des bâtiments très polyvalents. Elles ont vocation à être employées dans toutes les missions dévolues à la Marine : sûreté de la Force océanique stratégique (Fost), escorte d’unités précieuses, embargo, sécurisation des axes maritimes, action de l’État en mer… Fortement armées (torpilles MU90, missiles Aster, MM40 block 3, artillerie de 76 mm), elles mettront en œuvre, en version ASM, le missile de croisière naval MdCN, qui leur confèrera une dimension stratégique. Elles constitueront à terme l’épine dorsale de la Force d’action navale (FAN), en regroupant en une série homogène près des deux tiers des frégates de premier rang.

RÔLE DE L’ÉQUIPAGE DE CONDUITE Jusqu’à la réception contractuelle du navire par l’État, l’Aquitaine reste la propriété de DCNS, son concepteur et constructeur. La conduite d’un bâtiment en armement demeure néanmoins un domaine d’expertise des marins. C’est pourquoi la Marine nationale fournit à l’industriel un noyau d’équipage dont la mission est triple : conduire le bâtiment durant les essais à la mer en assumant les responsabilités de la sécurité, de la sécurité nautique et de la sûreté ; agir en appui de l’équipe de programme intégrée (EDPI) et de la commission permanente des programmes et des essais (CPPE) pour vérifier que les performances requises sont atteintes ; et s’approprier progressivement le nouveau navire pour préparer son arrivée dans les forces. Afin de préserver l’acquisition du savoir et des compétences, l’équipage de conduite de l’Aquitaine aura majoritairement vocation à rester à bord jusqu’à l’admission au service actif de la frégate : il verra progressivement son effectif augmenter pour constituer l’équipage opérationnel dès l’été 2012. 30  COLS BLEUS  N° 2968  26 MARS 2011

Point calendaire sur le programme

LA FREMM AQUITAINE.

Livre blanc de juin 2008 à dix-huit bâtiments de premier rang. Le programme Fremm porte désormais sur onze unités (neuf Fremm ASM, suivies de deux Fremm à vocation antiaérienne, baptisées Freda), destinées à entrer en service entre 2013 et 2023 pour remplacer progressivement les F67, les F70 et les FAA, avec un rythme moyen de production d’une frégate par an. Nonobstant leurs dominantes ASM ou antiaé-

Mise à flot en avril 2010 et révélée en présence du président de la République le 4 mai suivant, l’Aquitaine, première de la série, prépare aujourd’hui sa première sortie à la mer, prévue au mois d’avril 2011. La Normandie est en cours d’assemblage dans la forme de Lorient et la première tôle de la Provence a été découpée en présence du chef d’état-major de la Marine (Cemm) le 17 décembre 2010. Pour mémoire, la deuxième frégate de la série initiale a été vendue au royaume du Maroc ; cette frégate sera mise à flot en septembre 2011. Quatre Fremm sont donc actuellement en construction sur le site de DCNS Lorient.

Les avancées de Fremm Les innovations sur Fremm sont nombreuses tant d’un point de vue technique qu’organisationnel. Parmi les progrès technologiques, on retiendra principalement : - une passerelle intégrée, qui permet d’assurer la conduite nautique par une équipe réduite en toutes circonstances ; - la gestion centralisée de toutes les installations de la plate-forme ; - un système de combat totalement

3 QUESTIONS QUELS DÉFIS POUR LES ÉQUIPAGES OPTIMISÉS ? Quelle sera l’ampleur de l’optimisation ? Une Fremm de 6 000 tonnes sera armée par 94 membres d’équipage. À titre de comparaison, une Fasm de 4 800 tonnes est armée par 220 personnes. La logique d’optimisation de l’effectif des équipages sur un bâtiment de combat de premier rang multimission n’a jamais été aussi poussée dans la Marine nationale. Qu’est-ce que cela implique pour l’équipage ? L’équipage optimisé sera apte à conduire le bâtiment et combattre dans toutes les situations. Cependant, les premières analyses menées font apparaître que certaines charges habituellement dévolues à l’équipage ne pourront plus être intégralement assurées : le volume de maintenance et d’entretien courant à réaliser excédera ses capacités, la formation et l’entraînement du personnel à bord par « compagnonnage » devront être réalisés préalablement à l’embarquement, l’entretien des superstructures, très gourmand en main d’œuvre, nécessitera l’implication de moyens extérieurs et enfin la préparation de missions très spécifiques (MdCN, GE…) devra être confiée à des organismes spécialisés.

intégré, avec des IHM pensés pour favoriser la mise en œuvre par un volume limité de spécialistes ; - une gestion des flux (vivres, munitions, consommables…) optimisée grâce à un design du bâtiment innovant. Ces avancées permettent de réduire l’équipage à 108 personnes, détachement NH90 compris. Il s’agit ici du principal défi à relever, qui impose de repenser en profondeur l’organisation interne de ces bâtiments, mais aussi l’ensemble de leur environnement à terre (soutiens, formation, filières RH…).

Focus sur l’Aquitaine La première découpe de l’Aquitaine a eu lieu en mars 2007. Un équipage de conduite a été constitué en septembre 2010 à Lorient, au sein du groupe des

bâtiments de surface en construction (GSURF). Le capitaine de vaisseau Benoît Rouvière en prendra le commandement le 29 mars 2011 et sera alors chargé de mener, avec son équipage, les essais à la mer pour permettre l’acceptation du bateau à l’horizon de l’été 2012. Pendant cette phase d’armement, l’Aquitaine restera la propriété de DCNS. L’équipage de conduite va progressivement monter en puissance pour constituer le premier équipage opérationnel de l’Aquitaine à l’été 2012. Il sera maintenu à bord lorsque le bâtiment rejoindra la FAN et son port d’attache de Brest au second semestre 2012, pour effectuer ses premières missions de sûreté de théâtre et sa TLD, avant son admission au service actif programmé à l’été 2013. 

Quelles tâches devront être réorganisées ? Il convient de développer des structures d’appui adaptées, capables d’assurer ces compléments de prestations : déport à terre des fonctions que l’équipage ne peut assurer à bord, renfort pour le MCO au port-base, en mer ou en escale, pré-embarquement pour la formation et l’entraînement devant être acquis avant de rallier une Fremm, renfort et/ou externalisation pour la préservation du patrimoine et l’entretien des extérieurs, cellules de suivi spécifiques pour certains modules opérationnels, pool de personnel mutualisé pour la gestion administrative… Toutes les énergies sont mobilisées pour identifier les solutions les plus efficientes pour faire face à ce défi des équipages optimisés.

AMÉLIORATION DES CONDITIONS DE VIE Étudiée très en amont du programme, l’amélioration des conditions de vie reprend les avancées majeures des bâtiments récents en service (quatre personnes maximum par poste avec sanitaires intégrés, accès à Internet dans les lieux de détente…). Les nouveautés de Fremm résident dans : • l’optimisation du flux de vivres, sur un seul pont, afin de rationnaliser et limiter les « corvées » ; • l’automatisation de la sécurité et de la sûreté permettant l’allègement de la fraction de service ; • la prise en compte du facteur humain comme critère déterminant dans la conception des postes de quart. COLS BLEUS  N° 2968  26 MARS 2011  31

BARRACUDA

LES BARRACUDA AURONT DU MORDANT Lancée en 2007, la construction de la nouvelle classe de sous-marins nucléaires d’attaque français prendra dix ans. En décembre 2017, la Marine nationale alignera son premier Barracuda. Ce sera le Suffren, actuellement en construction. Par-delà une amélioration poussée de la discrétion, des capacités de détection, de l’aptitude aux déploiements de longue durée, de la puissance de feu et de l’évolutivité des systèmes d’information et de commandement, deux avancées majeures caractérisent le programme Barracuda : la capacité de frappe en profondeur contre des objectifs terrestres et les opérations spéciales. Tour d’horizon de la nouvelle génération de SNA. 1 Le programme Barracuda prévoit la construction de six sous-marins nucléaires d’attaque (SNA) en remplacement des sous-marins de type Rubis. D’un déplacement en plongée d’environ 5 200 tonnes, le futur SNA français dispose des qualités manœuvrières lui permettant d’opérer par petits fonds et de déployer des nageurs de combat. Une architecture renforcée et une capacité à naviguer durablement dans des eaux très chaudes accroissent son endurance à la mer. La conception de ce sous-marin nucléaire d’attaque intègre de nombreuses innovations, puisant en grande partie dans l’effort de recherches qui a accompagné la conception des sousmarins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE, notamment dans le domaine de la discrétion acoustique, avec des objectifs particulièrement ambitieux). De même, la chaufferie nucléaire est directement dérivée de celle qui équipe actuellement les SNLE, redimensionnée aux besoins en puissance et en énergie d’un navire plus petit. Le système de combat Sycobs a quant à lui été développé et réalisé en commun avec celui du Terrible. Dotés d’une capacité d’emport d’armes plus importante que leurs prédécesseurs, les sous-marins de type Barracuda sont en mesure de tirer le Scalp naval (ou missile de croisière naval). Des mâts optroniques remplacent désormais les traditionnels périscopes. Les Barracuda disposent également d’une meilleure capacité d’intégration au sein d’une force navale, via des systèmes d’information et des moyens de communication performants. Grâce à une automatisation accrue et à l’amélioration de certains postes de quart, soixante personnes suffisent à armer les Barracuda, soit une dizaine de moins qu’à bord des Rubis. Le confort de l’équipage a aussi été revu à la hausse : les sous-mariniers logeront désormais dans des postes 32  COLS BLEUS  N° 2968  26 MARS 2011

VUE D’ARTISTE DU BARRACUDA.

de quatre à six personnes. Mieux, la taille des couchages et les tirants d’air au-dessus de chaque bannette ont été significativement augmentés.

La construction du Suffren La construction du Suffren, tête de série, progresse rapidement. La réalisation de l’ensemble des tronçons de

coque est terminée et la quasi-totalité des sections est déjà assemblée. De nombreux équipements sont en cours d’essais ou de qualification : vannes principales, pompes, turbines et l’essentiel de l’appareil propulsif. La structure de supportage de la chaufferie nucléaire a été transférée pour achèvement de Cherbourg au

site DCNS d’Indret avec trois mois d’avance sur la date prévue. La cuve et les principaux éléments de la chaufferie nucléaire y seront progressivement intégrés pour que le module complet puisse être embarqué en 2012. En parallèle, la conception détaillée des IHM (pupitres, vues de conduite) se poursuit en impliquant les futurs utilisateurs. Dans ce domaine, la réalité virtuelle est devenue un outil indispensable pour ajuster avec une précision inégalée l’emplacement des commandes et des équipements. L’emménagement des locaux opérationnels est en phase terminale. Prochaine étape : soumettre ces locaux à une évaluation en règle par des sous-mariniers de toutes générations. Les processus d’intégration des nouvelles armes (le missile de croisière naval, la future torpille lourde F21 et l’Exocet SM39 Block II mod 2) s’accélèrent pour débuter la réalisation des tubes lance-armes.

Enfin, concernant les sous-marins suivants, la découpe de la première tôle du Duguay-Trouin a eu lieu en juin 2009. De nombreux tronçons de coque sont déjà terminés. La commande du troisième sous-marin de la série devrait intervenir avant l’été 2011.

Montée en puissance du premier équipage Le premier équipage du Suffren sera constitué en 2014. Les marins seront d’abord formés aux nouveaux sys-

tèmes embarqués, avant d’entamer la validation des équipements sur les plates-formes d’intégration, les essais à quai, puis la rédaction des consignes de conduite. En 2015, dès que les premiers simulateurs seront disponibles, l’équipage s’entraînera à la mise en œuvre du sous-marin. Objectif : être en mesure de prendre la mer dès le mois d’avril 2016 pour les premiers essais à la mer. À l’été suivant, le Suffren rejoindra Toulon, son port-base, afin d’effectuer les essais du système de combat. 

3 QUESTIONS LE PROGRAMME BARRACUDA EN PERSPECTIVE Pourquoi le programme s’appelle-t-il Barracuda ? Le barracuda est un poisson carnivore de grande taille. Son corps est allongé avec une mâchoire inférieure proéminente capable d’infliger de grandes déchirures. Dans la plupart des cas, le barracuda est de couleur foncée avec de fines rayures argentées. C’est un prédateur particulièrement redoutable qui compte, pour la chasse, sur l’effet de surprise et la fulgurance. Le barracuda est généralement un poisson solitaire, mais il sait chasser en banc. Il peut vivre dans les mers ouvertes aussi bien qu’à proximité des récifs, des ports et des estuaires où il est particulièrement à l’aise à proximité de la surface. Il a l’allure d’un prédateur vorace, intimidant et même effrayant. Le sous-marin d’attaque Barracuda fait peser cette même menace. Quels sont les noms attribués aux premiers sous-marins de la série ? Les sous-marins de la classe Barracuda porteront les noms des vainqueurs des grandes batailles navales françaises. Au sein de la série, le Suffren et le Duguay-Trouin évoquent pour la Marine un équilibre entre la Provence et la Bretagne, l’escadre et la guerre de course, les marines de Louis XIV et de Louis XVI. Les noms de ces deux grands marins, dont les principales qualités étaient l’audace et l’énergie, sont en parfaite concordance avec la valeur militaire de ces sous-marins d’attaque. Quel est le planning d’admission au service actif des Barracuda ? Le Suffren en décembre 2017 ; le Duguay-Trouin en mars 2020 ; le sous-marin n°3 en mars 2022 ; le sous-marin n°4 en mars 2024 ; le sous-marin n°5 en mars 2026 et le sous-marin n°6 en mars 2028.

COLS BLEUS  N° 2968  26 MARS 2011  33

NH90

« CAÏMAN PRÊT » Nouveau venu dans la famille des hélicoptères, le NH90, baptisé Caïman, a entraîné une véritable réflexion quant aux méthodes de travail et d’emploi de ce concentré de technologie au service de la Marine nationale. 1 Trois hélicoptères NH90 Marine ont été livrés en 2010 au Cepa/10S(1) à Hyères, quatre autres suivront en 2011. Baptisé Caïman, l’hélicoptère multirôle révolutionne le monde des voitures tournantes, en alliant matériaux composites, commandes de vol électriques et surtout une panoplie de senseurs digne d’un Patmar dernière génération, intégrés à un système de mission très automatisé. Les méthodes de travail et d’emploi ont été totalement repensées avec un nouveau concept d’équipage : pilote assisté d’un Tacae (officier de conduite de mission), plus un opérateur senseurs (Senso). Ce dernier sera également chef cargo et treuilliste. Toute la documentation, y compris celle relative à la maintenance, est numérisée et en langue anglaise. Un bon niveau d’anglais est donc nécessaire pour opérer sur Caïman, tant pour les techniciens que pour les équipages. À cette fin, la Marine propose de nombreux stages de mise ou de remise à niveau en anglais.

LE CAÏMAN EN CHIFFRES • Masse max. : 11 000 kg • Motorisation : 2 RRTM 322 – 2 343 ch chacun • Vitesse en palier : 150 Kt • Autonomie : 4 h • Autonomie sur zone : 30 min à 180 Nq sans réservoir supplémentaire, 30 min à 220 Nq avec réservoir supplémentaire • Capacité cabine : 14 pax – 12 civières

LES MISSIONS DU CAÏMAN • Lutte au-dessus de la surface ; • lutte anti-sous-marine ; • soutien d’une force navale ; • contre-terrorisme maritime ; • secours en mer ; • action de vive force (lutte contre les trafics et la piraterie) ; • CTM (guidage dispositif et transport de commandos). 34  COLS BLEUS  N° 2968  26 MARS 2011

Montée en puissance Fort d’une centaine de personnes, le détachement Cepa/NH90 conduit en parallèle trois missions : le suivi du programme en collaboration avec l’industriel et les différents pays partenaires ; l’expérimentation opérationnelle de la machine, qui doit conduire à valider le nouveau concept d’équipage ; ainsi que la formation des personnels et des équipes techniques. Dès l’automne 2011, la flottille 33F sera recréée et s’installera dans le bâtiment CAMOHC(2) bâti « sur mesure » sur la BAN de Lanvéoc. Elle assurera l’alerte Secmar(3) puis contre-terrorisme maritime avec deux puis trois équipages de Caïman, et prendra ainsi graduellement le relais des EC225. En 2012, il est prévu que les équipages de Caïman assurent l’alerte Secmar à Hyères et à Cherbourg. La flottille 31F sera alors réactivée avant les premiers embarquements sur FDA, puis Fremm prévus en fin d’année 2012.

Le Caïman : un programme majeur en train de se concrétiser Comme toujours, un plan de montée en puissance est suspendu à un calen-

drier de livraison. Ce dernier, soutenu durant les trois premières années, se poursuit au rythme de deux Caïman par an jusqu’en 2021, date prévue d’admission au service actif de la dernière Fremm. Au total, vingt-sept machines ont été commandées. Les sept premiers Caïman seront livrés au standard 1, qui propose l’essentiel des capacités futures de l’appareil (cf. schéma) hormis l’emport des charges extérieures : leurres, torpilles et réservoirs supplémentaires. Les premiers appareils au standard 2 arriveront dès 2012. Les Caïman standard 1 seront ultérieurement mis au niveau du standard 2.

À terme, treize des vingt-sept Caïman seront dotés d’une rampe facilitant les opérations de chargement, mais tous les Caïman auront la capacité de recevoir l’un des quatorze « kits ASM » constitué des ensembles Sonar, système bouées et MU90… Si en absence du kit, le Caïman peut emporter quatorze hommes équipés en soute, la présence du kit lui permet tout de même de conserver une capacité cargo. Ainsi, la Marine possèdera un moyen polyvalent embarqué, apte à remplacer, avec des capacités bien supérieures, les différents types d’hélicoptères de combat en service aujourd’hui.

EC225 : EN ATTENDANT LE CAÏMAN La Marine a acquis deux EC225, dont le premier est arrivé le 19 avril 2010, onze jours avant le retrait des Super Frelon. Appareil de 11 tonnes offrant 30 minutes de travail utile à 220 Nm (avec réservoirs supplémentaires), il est aujourd’hui le moyen Secmar lourd de la façade Atlantique. Depuis, 780 heures de vol ont été réalisées. Plusieurs opérations de sauvetage ont été conduites, dont la récupération de treize marins dans leur canot de sauvetage, suite à la collision de leur chimiquier YM Uranus avec un cargo, ainsi que l’évacuation de nuit de sept personnes après le chavirage de leur catamaran Spirit of Antigua.

D’un point de vue technique, le Caïman intègre un système de pliage des pales automatique, un harpon et une structure composite particulièrement adaptée à son exploitation en atmosphère saline. Il sera mis en œuvre à partir des frégates Horizon et Fremm, dont les plates-formes et hangar sont dimensionnés pour l’accueillir. Il

pourra bien sûr embarquer si nécessaire sur les BPC, porte-avions et futurs remplaçants des pétroliersravitailleurs.  (1) Centre d’expérimentation pratique et de réception de l’aéronautique navale. (2) Centre Atlantique de mise en œuvre des hélicoptères de combat. (3) Secours maritime.

3 QUESTIONS ADAPTATIONS POUR LE CAÏMAN Quelle est la plus-value apportée par le Caïman ? Avec le kit dédié à la lutte ASM, le Caïman disposera d’un sonar trempé « Flash », d’un lanceur de bouées et de la torpille MU90. Son autonomie, les performances de ses capteurs et la MU90 en feront un complément redoutable de la frégate. En lutte au-dessus de la surface, le Caïman étendra considérablement l’horizon tactique de la frégate, avec son radar 360°, sa guerre électronique et sa liaison 11. À terme, le futur missile ANL(1) lui donnera même une capacité d’action. La frégate possèdera donc un « mini Patmar » embarqué, un MPH(2) également capable d’assurer les fonctions logistiques d’un hélicoptère de soutien. Quelle formation pour les techniciens du Caïman ? Le personnel ne sera plus formé « sur le tas » en unité, mais arrivera en flottille déjà formée et opérationnelle. Cette formation spécifique Caïman se déroulera avec l’Alat au CFIA(3) du Luc, en deux temps. Pour cela, des outils modernes de simulation et d’apprentissage autonome seront mis à disposition des stagiaires. Les opérateurs en ligne (OL) destinés à la mise en œuvre seront formés en trois semaines. Dans un deuxième temps, les dépanneurs en ligne (DL) suivront un cours de treize

semaines, 50 % théorique, 50 % pratique, tant pour les spécialités Porteur qu’Avionique. Quelle formation pour le personnel volant ? Nouveauté pour l’aéronautique navale française, l’équipage habituel d’un Caïman sera composé d’un pilote, d’un officier de conduite de mission (Tacae) et d’un opérateur système (Senso). Le Tacae aura un rôle d’assistant pilote pour les phases de vol délicates et recevra donc une instruction aéronautique particulière. Les équipages suivront une qualification de type (QT) au CFIA, puis un volet maritime aéronautique et tactique au GEI de Hyères qui sera équipé d’un simulateur à partir de 2015. Découpée en modules dissociables, cette formation sera vraisemblablement dispensée aux équipages en un seul bloc tactique de douze mois permettant de fournir aux BPH des équipages immédiatement opérationnels (ASF et ASM). Des compléments spécifiques seront nécessaires pour certaines qualifications nécessitant davantage d’expérience aéronautique (Secmar – AVF – CTM). (1) Missile anti-navire léger, commun au Panther Standard 2, programme phare de la coopération franco-britannique. (2) Maritime patrol helicopter. (3) Centre de formation interarmées.

COLS BLEUS  N° 2968  26 MARS 2011  35

LA MARINE À PARIS en 2014

RÉORGANISATION GÉNÉRALE Le visage de la Marine à Paris sera totalement différent d’ici 2014. Les grandes « manœuvres » du déménagement prévu dans sa majeure partie sur le site de Balard, ainsi que la réorganisation générale ont débuté depuis le 1er janvier 2011. 1 D’ici 2014, une réorganisation complète du paysage de la Marine à Paris attend les marins affectés en Îlede-France. La « manœuvre » de réorganisation débute cette année, avec la création de la base de défense le 1er janvier 2011 et la cession d’emprises de la Marine en région parisienne. Le basculement des équipes commencera en 2012 et s’achèvera en 2014, lorsque l’état-major s’installera à Balard. À partir du printemps 2011, le centre Commandant Millé de Houilles accueillera, aux côtés du commandement de la Gendarmerie maritime et de la Dirisi, les organismes de la Marine qui doivent quitter Dugny et Toussus-le-Noble, comme la CPPE et le transit de la Marine. Les sites de Dugny et Toussus seront aliénés à l’été 2011 et cédés à des collectivités ou à des entreprises. Le centre de Houilles pourrait ainsi devenir l’un des derniers sites de la Marine en région parisienne. Au-delà de 2015, son avenir sera déterminé après la réorganisation de la Défense, de la Dirisi notamment. Comme dans les ports, les unités parisiennes voient leur soutien commun et leur administration générale assurés par la base de défense d’Île-de-France (BdD IdF). Le site de la Pépinière se videra peu à peu de ses occupants

À TERME, LE CENTRE COMMANDANT MILLÉ RESTERA LA SEULE IMPLANTATION PUREMENT MARINE EN RÉGION PARISIENNE.

marine et les activités actuellement placées sous la responsabilité de Comar Paris seront soit transférées vers l’interarmées, soit maintenues en interne marine. En revanche, pour la période transitoire 2011 à 2014, le site se densifiera ponctuellement pour accueillir des organismes de la défense concernés par les travaux de construction à Balard. En 2014, le Centre administratif de la Marine à Paris sera réparti entre les différentes entités d’administration : Balard et GSBdD de l’École militaire, le SRM ira à Vincennes pour être

colocalisé avec les homologues des autres armées. Enfin et à partir d’avril 2011, le com-

mandement de la Marine à Paris sera confié au directeur du Centre d’enseignement supérieur de la Marine

LE BÂTIMENT HISTORIQUE DE L’HÔTEL DE LA MARINE, DONT L’AVENIR EST EN COURS DE RÉFLEXION.

LE FUTUR HAUT COMMANDEMENT DES ARMÉES L’ADMINISTRATION CENTRALE DES ARMÉES COMPRENDRA EN PLUS DIVERSES DIRECTIONS CENTRALES, TELLES QUE LA DIRECTION DU SERVICE DE SANTÉ, DU COMMISSARIAT DES ARMÉES, DU SERVICE DES ESSENCES, DU RENSEIGNEMENT MILITAIRE, DU SERVICE DE SOUTIEN DE LA FLOTTE…

L’AVENIR DE L’HÔTEL DE LA MARINE Les réflexions sur l’utilisation de l’Hôtel de la Marine après le départ de l’état-major vers Balard sont engagées à très haut niveau. Un appel à projets avait été lancé fin 2010 pour sélectionner un opérateur privé capable d’exploiter et de gérer ce site exceptionnel relevant du patrimoine national, dans le cadre d’un bail de longue durée. Cette procédure est actuellement suspendue dans l’attente des résultats des travaux d’une commission indépendante, dont la création a été décidée par le président de la République. Cette commission, qui rassemble des personnalités du monde patrimonial et culturel ainsi que des hauts fonctionnaires, est présidée par M. Valéry Giscard d’Estaing. Avec la capacité d’auditionner toutes personnes ou institutions souhaitant donner un avis sur l’affectation future du bâtiment, la commission devra, d’ici l’été, proposer des orientations concrètes prenant en compte l’ensemble des aspects patrimoniaux, juridiques et financiers d’un tel dossier.

36  COLS BLEUS  N° 2968  26 MARS 2011

(CESM). L’équipe actuellement en place à la Pépinière reste toujours conduite par le chef d’état-major de Comar Paris.

Regroupement des états-majors, directions et services du ministère En 2015, le haut commandement des armées s’installera dans les deux parcelles composant le site de Balard. La signature du contrat pour la construction du futur siège du ministère de la Défense et du haut commandement des armées à Balard est prévue fin avril 2011. Le site sera composé de deux parcelles : la parcelle Ouest sur laquelle sera élevée le projet architectural du bâtiment principal du ministère de la Défense (130 000 m2) et la parcelle Est, actuelle Cité de l’Air, qui sera rénovée. L’extrême ouest du site, dit « corne ouest », verra la construction d’immeubles de bureaux permettant la valorisation immobilière du site. Balard accueillera à terme 9 300 personnes, dont 3 500 militaires. La construction de ce « Pentagone à la française » se fera grâce à un partenariat public-privé. Le ministère de la Défense paiera une redevance annuelle pendant trente ans au terme desquels il deviendra propriétaire de l’immeuble. Le regroupement à Balard permettra de vendre les emprises parisiennes et de mobiliser le produit des cessions (estimées à 600 millions d’euros) pour les programmes d’équipement de la Défense, tout en évitant de devoir financer la rénovation des bâtiments et les réseaux informatiques existants, généralement vétustes. Le chantier, qui mobilisera jusqu’à 2 500 personnes, débutera en janvier 2012 pour s’achever en juin 2014 (www.info-chantier-balard.fr).

3 QUESTIONS FONCTIONNEMENT DU REGROUPEMENT À BALARD Combien de marins à Balard ? À Paris, les marins seront tous à Balard ou presque… On y trouvera les organismes tels qu’ils existent aujourd’hui, pour la plupart avec des effectifs moindres ou séparés en plusieurs entités, comme la DPMM dont l’échelon de mise en œuvre sera en dehors de Paris. Ainsi, en 2015, sur 9 300 personnes travaillant à Balard, on comptera environ 1 240 marins qui se répartiront approximativement ainsi : - la direction de la Marine (CEMM, EMM, EMO, DPMM, IMN, SSF) : 460 ; - le cabinet du ministre et autres organismes centraux (DAS, DGISC, DICOD…) : 110 ; - EMA et organismes relevant du Cema : 300, dont DRM (Paris) : 50 ; - CPCO : 40 ; - Dirisi : 150 ; - DGA et organismes rattachés : 60 ; - SGA et organismes rattachés : 80 ; - organismes de soutien à Balard : 40. Il subsistera cependant une mâture avec son pavillon à la corne : ce sera au CESM, dont le directeur devient le nouveau Comar Paris au 1er avril 2011. Quelles seront les capacités d’hébergement des célibataires géographiques à Paris ? Depuis le 1er janvier 2011, les capacités d’hébergement des cadres célibataires et célibataires géographiques – officiers, officiers-mariniers et civils de la Défense des trois armées – sont mutualisées dans le cadre de la base de défense. Les modalités d’hébergement en casernement des militaires du rang restent inchangées. Le volume du parc d’hébergement permet à ce jour de satisfaire toutes les demandes. Les marins ont désormais accès à tous les sites, notamment intra-muros. Le lieu d’hébergement est décidé par la BdD IdF selon une logique de proximité du lieu de travail, qui prend en compte les contraintes et impératifs de service, selon une priorité prononcée par l’autorité fonctionnelle. Plus d’informations sur le site de Comar Paris : http://comarparis.marine.defense.gouv.fr/index.php/hebergement Et pour les marins qui n’iront pas à Balard ? Balard ne peut en effet accueillir tout l’échelon central. D’autres emprises seront conservées en région parisienne ou créées ailleurs. Ainsi, Comar Paris rejoindra l’École militaire, et les services de recrutement et de psychologie de la Marine devraient s’installer à Vincennes. L’EMM sera réorganisé (voir encart travaux HCA) et quelques-uns rejoindront les ports ou Houilles. Le changement le plus important reste le déplacement d’une partie de la Direction du personnel militaire de la Marine (DPMM) : bureaux de gestion, de la formation et de mise en œuvre de la politique de condition militaire. Si Tours était retenue, la Marine se rapprocherait alors des DRH des deux autres armées, dont l’implantation à Tours est actuelle ou imminente.

Le haut commandement des armées à l’horizon 2014 L’appellation « haut commandement des armées » (HCA) recouvre l’étatmajor des armées et l’ensemble des états-majors d’armées. Le projet Balard a vocation à rassembler en un seul lieu le haut commandement des armées et les autres entités centrales du ministère du même niveau : DGA, SGA, CGA, directions du ministère… L’objectif est d’optimiser le fonctionnement des structures de direction du ministère. En ce qui concerne les armées, la transformation du HCA est une réforme structurante visant à donner au Cema les moyens les plus efficients pour assumer ses responsabilités. Ainsi, le HCA va se doter d’ici 2014 de nouvelles entités, issues principalement

LE SITE DE BALARD DANS SA VERSION ACTUELLE ET FUTURE.

de l’EMA actuel, que sont les centres interarmées (CIA) dans les domaines des opérations (CIA OPS) – incluant le CPCO –, des ressources humaines (CIA RH), des relations internationales (CIA RI), du soutien (CIA Sout) – incluant le CPCS (Centre de planification et de conduite du soutien) –, et

dans le domaine des capacités et budget (CIA Capabud). Ces entités travailleront au profit de l’EMA, des directions et des chefs d’état-major d’armée. Ils assumeront une partie des missions remplies aujourd’hui par les étatsmajors et se verront transférer à ce titre les effectifs dédiés.

Les méthodes de travail seront rénovées. Les outils seront communs aux entités du ministère colocalisées sur le site. Simbad sera le système d’information (SI) partagé par tous au sein de l’administration centrale et le SI Arc@de permettra au sein du ministère la gestion de courrier et la gestion de documents.  COLS BLEUS  N° 2968  26 MARS 2011  37

ÊTRE MARINêtre combatif

CONFORTER NOTRE SAVOIR-ÊTRE RENFORCER NOS SAVOIR-FAIRE Un an après le lancement du plan « Être marin, Être combatif », visant à l’éducation des jeunes sur les valeurs de l’institution, mais aussi à leur préparation au métier de marin, à ses contraintes et à ses risques, quel est le bilan de ce programme audacieux ? 1 La période actuelle est dense en changements et les réformes engagées transforment profondément les conditions d’exercice du métier de marin. Mais pour la Marine, c’est une priorité majeure de conserver durablement des équipages compétents et qualifiés, capables d’œuvrer utilement en toutes circonstances et fiers de servir. De plus, le contexte des missions exige des marins aguerris tant physiquement que mentalement. Car au-delà même des missions de combat de haute intensité auxquelles la Marine doit se préparer, les activités opérationnelles en mer peuvent conduire un équipage à faire face à des expériences humainement éprouvantes, y compris lors de missions de sauvegarde. C’est pour répondre à ces exigences que la Marine s’est engagée dans la mise en œuvre d’une politique à deux volets visant l’amélioration de l’exercice du métier de marin militaire.

Être marin Qu’est-ce qu’être marin ? Que signifient les mots Honneur, Patrie, Valeur, Discipline ? Les réponses à ces questions constituent le socle du plan « Être marin ». Conçu pour conforter le sens de l’engagement, le plan d’action se décline selon trois grands domaines d’action : le renforcement de l’identité et du sentiment d’appartenance ; le commandement et l’accompagnement des marins ; et l’amélioration des conditions d’exercice du métier. Un an après le lancement du plan, il est possible de faire un premier bilan d’étape. Tout d’abord, il a été bien accueilli par les unités. Outre le développement de l’embarquement chez les jeunes recrues, le plan d’action s’est traduit par le renforcement du cérémonial et des témoignages de reconnaissance et de satisfaction envers les marins (lettres de félicitations, remise du sabre lors du passage au grade de premier maître…). 38  COLS BLEUS  N° 2968  26 MARS 2011

UN HYMNE POUR LA MARINE

PORTRAIT D’UN MATELOT LORS D’UNE GARDE D’HONNEUR À BORD DU PORTE-AVIONS CHARLES DE GAULLE. FORMATION À L’AGUERRISSEMENT : EXERCICE D’ABORDAGE D’UN BÂTIMENT.

À la suite du concours lancé par le chef d’état-major de la Marine début 2010, deux propositions ont été retenues parmi dix-neuf textes variés et d’excellente qualité qui alimenteront le répertoires des chants de marins. Les deux textes sélectionnés, mis en musique d’ici l’été, nous permettront de disposer d’un hymne qui aura vocation à accompagner nos cérémonies et d’une marche destinée aux défilés. Chanté d’une même voix, cet hymne exprimera avec force ce qui nous rassemble : nos valeurs, notre identité, l’esprit d’équipage.

Une multitude d’actions a également vu le jour sous l’initiative des diverses autorités. Elles visent le renforcement de l’esprit d’équipage et la valorisation des instances de concertation. D’autres touchent directement à la condition du personnel comme, par exemple, la mise en place d’une cellule de soutien et d’information des familles du personnel parti en mission. Dans un autre domaine, des initiatives concernent plus directement le développement des compétences (le sens du leadership particulièrement) et l’accompagnement des marins (comme la présentation d’un projet professionnel défini avec le capitaine de compagnie et présenté aux membres du conseil d’unité). Cette politique s’inscrit dans la durée et l’exercice du commandement en constitue la clé de voûte. Pour contribuer à la réalisation de ce plan, la Marine dispose de nombreux atouts qui ne doivent pas, dans les esprits, être occultés par les difficultés du quotidien : – un métier à part, qui appelle au dépassement de soi, dont la quintessence reste l’esprit d’équipage ;

LE LIVRET SUR LES VALEURS

« VALEUR », AVEC HONNEUR, PATRIE ET DISCIPLINE. DES VALEURS PRÉSENTES SUR TOUS LES BÂTIMENTS.

– des missions porteuses de sens et reconnues, au moment où une nouvelle ambition maritime se dessine pour la France ; – une histoire, une identité, des traditions, des valeurs intemporelles et fortes ; – le renouveau des moyens, flotte de combat et aéronefs d’armes, avec l’arrivée des BPC, des Fremm, des Barracuda, des frégates Horizon, des Rafale ou des NH90.

Le livret sur les valeurs, actuellement en cours d’édition, est le résultat d’une large consultation des marins. La formalisation de l’identité « marin », ainsi que la définition des quatre mots gravés sur les bâtiments est le fruit d’une réflexion basée sur 319 « chartes des valeurs » en provenance des unités, d’une enquête sociologique de terrain, ainsi que sur des réflexions issues d’un séminaire de commandement. Bien entendu, la façon de définir l’identité du marin et les valeurs varie selon l’âge, le grade et le métier, mais tous les témoignages tendent vers une vision commune : les valeurs de la Marine relèvent de grands principes partagés par tous. Ce livret se veut un patrimoine commun pouvant inspirer l’engagement et les actions de chaque marin. Nul ne peut faire l’économie d’une réflexion permanente sur le sujet : Mon action, mon engagement sont-ils conformes à ce que je suis et aux valeurs que je défends ?

Être combatif L’objectif de la politique de renforcement de l’aptitude à faire face aux situations critiques, plus communément désignée sous le vocable « être combatif », vise à mieux préparer les équipages à l’ensemble des missions qui peuvent leur être confiées, en particulier les plus violentes et potentiellement traumatisantes. Touchant directement à la raison d’être des marins, cet aspect du plan connaît

L’EPMS UNE COMPOSANTE À PART ENTIÈRE DE LA PRÉPARATION OPÉRATIONNELLE Bien plus qu’un simple changement d’appellation, c’est le cœur de la mission du moniteur qui a évolué. Hier tourné vers la préparation physique, il concourt désormais à la préparation opérationnelle des forces. Organisé en grand pôle au sein des forces organiques, le service EPMS est résolument orienté vers la préparation et le maintien en condition physique et mentale du personnel opérationnel. Il développe quatre grandes orientations pour préparer le marin à assumer ses fonctions transverses : • la préparation opérationnelle, sous la forme de séances de TIOR (techniques d’interventions opérationnelles rapprochées) et de CAC (corps à corps), s’adresse spécifiquement aux équipes de visites, aux gradés « coupée », ainsi qu’aux équipes de sécurité ; • la prise en charge individuelle permet aux marins concernés de retrouver leur aptitude (surcharge pondérale, retour de blessure…) et ce, en lien étroit avec le service de santé ; • la préparation mentale prépare le militaire à la gestion du stress, à optimiser son sommeil en temps de crise ; elle participe à la résilience lors du retour à quai par des séances de TOPP (technique d’optimisation du potentiel professionnel, sophrologie) et de PNL (programmation neurolinguistique) ; • l’aguerrissement du marin passe par des activités de cohésion et d’émulation autour de parcours à dominante aquatique, en mer comme en piscine. Le service EPMS est ainsi au plus près des forces pour répondre au mieux aux besoins spécifiques du personnel embarqué de la FAN, besoins différents de ceux des fusiliers et commandos, du personnel de l’aéronautique navale ou encore du personnel sous-marinier de la Fost. Cette nouvelle organisation est adaptée aux spécificités des organiques, l’EPMS est en lien direct et adapté à l’emploi, il concourt à préparer individuellement le marin à assumer pleinement son rôle à bord.

PRÉPARATION OPÉRATIONNELLE.

une forte adhésion. Ainsi les unités ont rivalisé d’imagination sous la forme d’actions particularisées à leurs spécificités ainsi qu’à leurs contraintes. Les moniteurs d’entraînement physique militaire et sportif (EPMS) sont des acteurs majeurs dans la conception et la conduite de toutes ces activités. Au sein des forces, les modalités de mise en œuvre sont très diverses avec par exemple la mise en place de stages d’aguerrissement par la division entraînement d’Alfan, l’organisation de challenges sportifs ou d’activités physiques intenses comprenant notamment des

parcours aquatiques éprouvant l’endurance et la combativité des élèves dans les écoles, la réalisation de séances matinales de sport collectif pour les équipages. Certaines visent à une meilleure préparation physique du combattant, d’autres à améliorer sa préparation mentale. Toutes ont néanmoins en commun la volonté de promouvoir le dépassement de soi, de renforcer la cohésion et la solidarité dans l’effort, voire l’adversité, et de stimuler l’esprit d’équipage. L’évolution du sport dans la Marine comme outil de préparation au combat n’entre cependant pas en concurrence avec la pratique du sport de loisir. Les actions afférentes aux plans « Être marin » et « Être combatif » interagissent et se renforcent mutuellement. Leur réussite nécessite de valoriser les hommes et les femmes, de les encourager et de stimuler leur sentiment d’appartenance à la Marine nationale afin de les pousser à savoir endurer collectivement et à se dépasser pour le succès de la mission. 

PRÉPARATION MENTALE : EXERCICE SÉCURITÉ. RETOUR D’INTERVENTION D’UN BINÔME POMPIER LÉGER.

COLS BLEUS  N° 2968  26 MARS 2011  39

FIER d’être marin

QUESTIONS À QUATRE VOIX Des unités opérationnelles : 68 bâtiments de combat et de soutien, 10 sous-marins nucléaires, 211 avions et hélicoptères de combat et de soutien. Des missions sur tous les océans : plus de 350 personnes sauvées en mer chaque année, 41 pirates capturés en 2010… Et des hommes : 42 300 hommes et femmes, militaires et civils, dont 4 400 officiers, 23 500 officiers mariniers, 8 300 quartiers-maîtres et matelots et 6 100 civils. La Marine nationale en 2011. Et une fierté, celle d’être marin. Questions à quatre d’entre eux de métiers et d’horizons différents.

QM JOSEPH ROSE 24 ANS, DANS LA MARINE DEPUIS 2008, AFFECTÉ À FRANCE SUD – RELAIS TERRESTRE DE LA FOST

M. GILBERT CAGNOL 53 ANS, DANS LA MARINE DEPUIS 1999, AFFECTÉ À LA BAN HYÈRES, ADJOINT AU CHEF DE SERVICE NAVIGABILITÉ HÉLICOS

1 Dans quelle situation vous êtesvous senti le plus fier de servir comme marin ? Sans hésitation, lors de mon déploiement comme élément de protection embarquée (EPE) sur des thoniers aux Seychelles. C’était ma première mission embarquée, la première fois que je mettais mon instruction de fusilier marin à l’épreuve de la mer. En enfilant mon pare-balles sur le pont de ce thonier, j’ai soudain ressenti un frisson. On sentait que ça pouvait devenir chaud à tout moment. À cet instant, enfin, je me sentais un guerrier prêt à servir. Quelques jours plus tard, une embarcation nous a foncé dessus, sourde aux appels du patron de pêche. Les chargeurs de Famas étaient engagés, nos doigts frôlaient la queue de détente. Le bâtiment suspect a rebroussé chemin à la lisière de la zone d’ouverture du feu. Des pirates ? On ne le saura jamais. En scrutant l’intrus à la jumelle, aucune arme n’était visible à bord. Ça avait l’air d’une banale barcasse de pêcheurs. En trois mois et demi, ce fut la seule vraie chaude alerte. 40  COLS BLEUS  N° 2968  26 MARS 2011

«

La Marine ? L’envie d’un métier sportif et guerrier. Et l’appel de la mer, bien sûr !

»

Quelle est votre expérience de l’esprit d’équipage ? Lors de cette mission EPE aux Seychelles, j’ai ce souvenir des heures passées sur le pont avec mes camarades, à fouiller l’horizon à la jumelle de jour comme de nuit. Cette atmosphère de tension soude les hommes. Et puis, j’étais le jeunot de la troupe, le bidou ! Dans la Marine, il y a cette tradition voulant que le plus jeune ait droit à un traitement à part. Les aînés du groupe m’ont pris sous leurs ailes pour m’apprendre leur métier, tandis que je devais sacrifier aux sympathiques corvées du bidou. Fêter les anniversaires, par exemple. Ce passage de relais n’a pas de prix, c’est là-dessus que repose l’esprit d’équipage, la bonne ambiance à bord. Quand on part loin des siens, loin de tout, c’est à ça que l’on se raccroche pour que le moral ne flanche pas. 

1 Comment ressentez-vous le fait d’être civil dans un monde de marins? Dans mon domaine, je n’ai jamais observé de différences de fond entre civils et militaires. L’aéronautique est un monde très technique, il n’y a aucune place à l’improvisation. Seule l’excellence est permise. Marins ou civils, nous sommes tous des professionnels aguerris, issus de la même culture « aéro » et tournés vers la même mission : mettre en l’air à tout moment nos vingt et un hélicos dans les meilleures conditions de sécurité. Avec ou sans uniforme, quand on est compétent, on est respecté. En quelles occasions êtes-vous particulièrement fier de servir au sein de cette communauté de marins ? Savoir que mes longues années d’expérience sont un des maillons de la chaîne qui contribue à assurer 24 h/24 la disponibilité opérationnelle des hélicos de la BAN et la sécurité de nos pilotes en

«

vol, c’est une fierté au quotidien. Une lourde responsabilité aussi… Mais c’est ça qui me fait me lever le matin ! Quelles sont les traditions de la Marine auxquelles vous attachez de l’importance ? Difficile de rester insensible aux cérémonies militaires. J’ai toujours des frissons lorsque j’entends la Marseillaise. Nous autres civils ne revêtons peut-être pas l’uniforme, mais il ne faut pas s’y tromper. Nous sommes fiers de notre appartenance à la Marine, fiers de servir notre pays. Si nous sommes là, ce n’est pas un hasard. Cette fibre militaire, nous la tenons de longue date. Beaucoup, comme moi, sont tombés dedans quand ils étaient petits. À 15ans, j’entrais à l’École de formation technique de Toulon avec la ferme intention de devenir pilote. L’histoire en a décidé autrement, mais j’ai passé toute ma carrière à servir mon pays, à ma manière. 

J’ai été pendant vingt ans ingénieur à la DGA, dans un service très orienté “armée de l’Air”. Enfin, je n’étais pas si éloigné que ça de la Marine, puisque j’ai travaillé sur le missile anti-radar AS-37 Martel, missile qui armait aussi les Atlantique de l’aéro.

»

«

SM GWENAËLLE SARZAUD 26 ANS, DANS LA MARINE DEPUIS 2004,

Être marin en trois mots ? La fierté, l’océan et l’intégrité.

AFFECTÉE À LA DIRISI-CIRISI BREST

1 Pourquoi être devenue marin ? À cause de mon père, marin d’État. Depuis ma plus tendre enfance, je l’ai vu partir en mission. J’ai appris la Marine à travers lui, à travers ses expériences et ses mots. Je suis entrée dans la Marine pour naviguer. En sortie de cours, j’ai eu la chance de pouvoir embarquer sur la frégate De Grasse. Un véritable privilège d’autant plus qu’il n’y a pas beaucoup de places embarquées pour le personnel féminin. Depuis, j’ai fait deux affectations à terre, dont une à Ceclant sous-terrain n°4, puis celle à la Cirisi où mon métier consiste à concevoir des sites Intramar, à procéder à leur installation et au soutien.

partenir à la France et de la représenter. La Marine, ce sont aussi le voyage, des missions variées, comme le soutien à des populations isolées, la protection… Être marin, c’est rendre service à la France et l’honorer. Ce sont toutes ces valeurs qui m’ont incité à m’engager et à naviguer. Grâce à mon papa marin, je savais également que partir en mer, c’était vivre pleinement des missions et la vie d’équipage. Ce sont ces valeurs de cohésion et cet esprit de corps, que l’on ne retrouve pas forcément dans le civil, qui m’ont incitée à m’engager. Sur le De Grasse, j’ai ainsi appris la vie d’équipage et à m’ouvrir aux autres

Être marin, cela signifie quoi au juste pour vous ? À mes yeux, c’est appartenir à une grande famille. C’est aussi le port de l’uniforme. C’est la fierté d’ap-

À vos proches ou amis non initiés aux us et coutumes Marine, que leur racontez-vous ? Je leur raconte la vie embarquée, le rythme de travail, la vie en mer et la

»

vie à terre. Je leur raconte les escales comme celle marquante que j’ai vécue en Russie. Je me souviendrai longtemps de cette arrivée avec les marins russes alignés sur les extérieurs, la musique militaire, la gravité de l’instant. Tout ça pour honorer notre présence à nous les Français. Notre fierté était immense. Pour résumer, je dis à ces gens que la Marine, c’est la découverte incessante. La découverte de gens, d’endroits et de situations qui révèle chacun et lui permette de s’accomplir. 

CF RÉMI THOMAS 37 ANS, DANS LA MARINE DEPUIS 1993, COMMANDANT SNA ÉMERAUDE, ÉQUIPAGE « ROUGE » 1 Pourquoi être devenu marin ? Je suis devenu marin pour servir dans les forces armées françaises. Le devoir, l’engagement et la patrie sont des valeurs qui sonnaient assez justes à mes oreilles. J’ai dès lors voulu être militaire, puis militaire sur la mer car il y avait l’océan et la promesse d’aventures. Après deux ans de prépa sur une paillasse, l’appel du large était fort ! Ensuite, j’ai été attiré par les sous-marins du fait de leur dimension technique, de la complexité de la plate-forme et de cette faculté à faire vivre plusieurs dizaines d’hommes dans un espace exigu à proximité d’une chaufferie nucléaire. Être marin, cela signifie quoi au juste pour vous ? C’est d’abord le sens de l’engagement qui peut d’ailleurs aller jusqu’au sacrifice ultime. L’engagement implique la disponibilité et le don de soi au quotidien. Cet engagement est d’ailleurs une valeur très sollicitée chez tout marin embarqué. On demande beaucoup aux marins, ils donnent beaucoup pour quelque chose qui les dépasse. Ils le font pour leur

pays, la Marine et leur équipage. C’est ce que j’appelle le phénomène de « transcendance ». Être marin, c’est aussi être professionnel et rigoureux. La fierté est également une autre valeur partagée par les marins. Je suis fier de servir avec mes hommes et de partager des valeurs communes. Encore une fois, le tout vaut plus que l’ensemble des parties. Toutes ces valeurs font que chacun donne son maximum et doit se transcender tout en pensant à son camarade. Tout ça, c’est la force d’un équipage.

«

Je suis fier des missions menées actuellement par la Marine. Il n’y a qu’à regarder la flotte actuelle présente sur tous les océans. Il n’y a qu’à écouter les commentaires envieux de nos camarades d’autres marines.

»

Être marin en trois mots ? Je me répète mais c’est savoir s’engager. C’est fondamental lorsque l’on rejoint la Marine. C’est aussi être courageux car être marin reste un métier à risques. Les sous-mariniers servent dans un univers difficile subissant sans cesse des agressions. C’est également être fidèle car ces valeurs ne valent que si elles sont partagées dans la durée. Enfin, c’est être honnête car c’est un métier qui ne tolère ni la lâcheté, ni le mensonge. On peut commettre des erreurs mais il faut savoir vite les assumer.  COLS BLEUS  N° 2968  26 MARS 2011  41

COLS BLEUS N°2968 26 MARS 2011 CRÉDITS PHOTOS ET ILLUSTRATIONS COUVERTURE MARIE BABEY, MATIN CALME À BORD DE L’ORION. 2E DE COUVERTURE INFOGRAPHIE : SERGE MILLOT/MN SOMMAIRE JOHANN GUIAVARCH/MN ÉDITO PAGES 4-5 : MN

CEMM FR/UK PAGES 6-7 : MN MARINE AU COMBAT PAGE 8 : MN PAGE 9 : STÉPHANE DZIOBA/MN – MN – JOËL TRIANTAFY/MN PLANISPHÈRE OPÉRATIONS PAGE 10 : VINCENT MAUPILE/MN PAGE 11 : YANNICK BISSON/MN – SERGE CHARMOILLAUX/MN PAGE 12 : MN – JOHANN GUIAVARCH/MN PAGE 13 : PIERRE-FRANÇOIS WATRAS/MN – CC LOUXOR/MN PROJECTION DE FORCE PAGE 14 : JACQUES TONARD/MN – MN PAGE 15 : JACQUES TONARD/MN – MN SÛRETÉ DES APPROCHES ET DISSUASION PAGE 16 : MN – JÉRÔME HARY/MN PAGE 17 : JEAN-JACQUES LE BAIL /MN – ALAIN MONOT/MN - MN PROTECTION DÉFENSE PAGE 18 : MN PAGE 19 : MN (DROITE HAUT) - GHISLAIN MIRAT/MN (GAUCHE) ANNE-FLORE CABURET/MN (DROITE BAS)

COLS BLEUS TARIFS DES ABONNEMENTS Ces conditions d’abonnement prennent en compte la parution désormais bimensuelle du magazine. Trois options sont possibles : 6 mois soit 10 numéros, 1 an soit 21 numéros, 2 ans soit 42 numéros. France métropolitaine

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Spécial*

AEM ET FONCTION GARDE-CÔTES PAGE 20 : MÉLANIE DENNIEL/MN – VANESSA ÉLISABETH/MN – VENTÔSE/MN PAGE 21 : MÉLANIE DENNIEL/MN – JEAN DE VIENNE/MN MCO NAVAL PAGE 22 : JULIE BARTHÉLÉMY/MN – MATHIEU LE BRESNE/MN PAGE 23 : NELLY QUINSAT/MN – AURÉLIE FAVA/MN – LAËTITIA RAPUZZI/MN MCO AÉRO PAGE 24 : MN PAGE 25 : JEAN-JACQUES LE BAIL/MN SOUTIEN PAGE 26 : MN – JACQUES TONARD/MN PAGE 27 : ALAIN MONOT/MN (HAUT ET MILIEU) – LAËTITIA RAPUZZI/MN (BAS) BDD PAGE 28 : MN – ALAIN MONOT/MN PAGE 29 : INFOGRAPHIE SERGE MILLOT/MN

FREMM

France métropolitaine

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* Le tarif spécial est conditionné par l’envoi d’un justificatif par le bénéficiaire. Il est réservé aux amicalistes, aux réservistes, aux moins de 25 ans, aux personnels civils et militaires de la Défense et aux mairies ou correspondants Défense.

Bulletin à retourner à l’ECPAD accompagné de votre règlement à l’ordre de : Agent comptable de l’ECPAD, à l’adresse ci-dessous : Établissement de communication et de Production audiovisuelle de la Défense Service Abonnements 2 à 8 route du Fort – 94205 Ivry-sur-Seine CEDEX Tél. : 01 49 60 52 44 / Fax : 01 49 60 59 92 Courriel : [email protected] Si vous souhaitez recevoir une facture, merci de cocher la case 

PAGES 30-31 : DCNS

BARRACUDA PAGES 32-33 : DCNS NH90 PAGE 34 : M. DAL SOGLIO/MN - MN PAGE 35 : GRÉGOIRE CHAUMEIL/MN – M. DAL SOGLIO/MN

MARINE À PARIS EN 2014 PAGE 36 : MN PAGE 37 : MINISTÈRE DE LA DÉFENSE ÊTRE MARIN/ÊTRE COMBATIF PAGE 38 : MN – JOHANN GUIAVARCH/MN PAGE 39 : ALBATROS/MN – ANNE-FLORE CABURET/MN – MATHIEU CLAISSE/MN FIERS D’ÊTRE MARIN PAGES 40-41 : MN 4E DE COUVERTURE JOHANN GUIAVARCH/MN COLS BLEUS REMERCIE TOUS CEUX QUI ONT CONTRIBUÉS À LA RÉALISATION DE CE NUMÉRO.

bimensuel DE LA MARINE NATIONALE

RÉDACTION : 2, rue Royale – 75008 Paris  Tél. : 01 42 92 17 17 – Télécopie : 01 42 92 17 01  E-mail : [email protected] – Internet : www.defense.gouv.fr/marine  Directeur de la rédaction : CF Jérôme Baroë  Rédacteur en chef adjoint : LV Gwennan Le Lidec  Secrétaire : SM Anaëlle Baslé  Rédacteurs et journalistes : LV Charlotte Berger, EV Grégoire Chaumeil, ASP Florian Martin, Stéphane Dugast  Infographie : Serge Millot  Directeur de la publication : Hugues du Plessis d’Argentré, capitaine de vaisseau commandant le service d’information et de relations publiques de la Marine  Abonnements : 01 49 60 52 44  Publicité, petites annonces : ECPAD, pôle commercial – 2 à 8, route du Fort, 94205 Ivry-sur-Seine Cedex – Thierry Lepsch – Tél. : 01 49 60 58 56 – Télécopie : 01 49 60 59 92  Conception-réalisation : Idé Édition, 33, rue des Jeûneurs, 75002 Paris – Direction artistique : André Haillotte – Secrétaire de rédaction : Céline Le Coq – Rédacteurs graphiques : Bruno Bernardet, Virginie Gervais, Nathalie Pilant, Laurent Villemont  Photogravure : Beauclair – 15, avenue Bernard-Palissy, 92210 Saint-Cloud  Imprimerie : Quebecor – 6, route de la Ferté-sous-Jouarre, 77440 Mary-sur-Marne  Les manuscrits ne sont pas rendus, les photos sont retournées sur demande. Pour la reproduction des articles, quel que soit le support, consulter la rédaction  Commission paritaire n° 0211 B 05692/28/02/2011  ISBN : 00 10 18 34  Dépôt légal : à parution  42  COLS BLEUS  N° 2968  26 MARS 2011