L WM1i1i11iii i1il 111 ANGELINA JOLIE - Shearman & Sterling LLP

24 déc. 2014 - tion dans !'arbitrage Ioukos) dans une vaste salle de reunion de. Shearman .... appele ala Maison Blanche pour devenir « sherpa » de George.
3MB taille 51 téléchargements 379 vues
POLE� I QUE Halle aux modes gastronomiques! Pour enfinir avec LA FOOD MANIA

Brillant dehors, MORDANT DEDANS

LES AVOCATS -FRANCAIS

RENCOHTRE Peter Marino

�ARCHITECTE ARCHI LUXE ARCHI CUIR

qui ont vaincu Poutine p.92

p.110

La philosophie le proclame

�ODE

LE SEXE, C'EST ENCORE MIEUX SANS AMOUR

-

Galerie de portraits

DES NOUVELLES REINES DU STYLE

p.56

RfCiT

-

p.128

COMMENT UN SAVANT FOU a

inven Google sans le'sa ir

''� "' auss11

liVRES

"Le cinenuz, c'est du divertissement. Les messages, c'est bon pour lo. poste. "

AGEND.

29 raisons d'aimer 2015

- JACIC WAINU

AUTOPORTRAIT

Florence Foresti relookee par sajille

L CONFE

�WM11i1i1 iii i1il�1111

ANGELINA JOLIE PHOTOGRAPHI£E PAR WUIO TESTIHD nUW£RO 19 JANVIER !015

S EXCLUSIVES

Sesjilms, son mariage avec Brad, ses ambitions politiques... p.76

vonltyfafr. fr

45 ans dans le monde. Au mois de mars 2014, elle a en outre ete distin­ guee aHarvard avec 66 femmes de Ia politique et du droit considerees comme les actrices du progres, en compagnie de l'ex-presidente irlan­ daise Mary Robinson et de Navi Pillay, haut-commissaire des Na­ tions unies aux droits de l'homme. Le jur y a souligne «son intelligence aigue et !'importance de son role dans le monde de !'arbitrage inter­

A cette date, personne ne savait encore que Yas Bani­ faterni remporterait bient6t, au c6te de son mentor, Ia plus longue,

national».

Ia plus sensible, la plus rocambolesque et, al'arrivee, Ia plus cou­ teuse procedure arbitrale de l'histoire. Le 28 juillet 2014, la Cour permanente d'arbitrage de LaHaye a condamne l'Etat russe a verser une indemnite de 50 milliards de dollars (environ 40 milliards d'euros) aux anciens action­ naires de Ia compagnie petroliere loukos pour les avoir expro­ pries indument. Cette decision stupefiante marquait l'aboutis­ sement d'une interminable bataille juridique qui a oppose au pouvoir moscovite une poignee d'oligarques dechus, empri­ sonnes ou exiles. Une partie d'echecs planetaire qui s'est dis­ putee entre Moscou, Londres, Israel et les Pays-Bas mais dont les coups essentiels ont ete joues a Paris, ou les avocats des deux camps (Shearman & Sterling pour les dirigeants de Ioukos, Clear y Gottlieb Steen & Hamilton pour le Kremlin) siegeaient a quelques centaines de metres les uns des autres, dans le quar­ tier de 1'Arc de triomphe. C'est dans ce perimetre prestigieux, derriere Ia fa9ade d'irnmeubles majestueux et dans le secret de cabinets feutres que s'est nouee !'affaire qui a occupe dix ans de Ia vie de Yas Banifaterni et au terme de laquelle Vladimir Poutine a subi sa defaite Ia plus cuisante en quinze annees de pouvoir. as Banifatemi avait

DES JUGES POUR LES RUSSES

12 ans en 1979 quand Ia revolution a eclate dans son pays. Elle vivait aTeheran dans une famille d'intellectuels iraniens progres­ sistes- son pere etait physicien nucleaire-, suivait les cours d'une

our la jeune femme, tout a commence par un

ecole fran cophone reputee et n'avait jamais songe que son monde

coup de telephone, a l'automne 2003. Un pro­

pourra.it un jour basculer. Peu apres Ia chute du shah et l'instaura­

fesseur de droit russe de ses relations vient d'etre

tion de Ia Republique islamique, ses parents s'envolaient pour Ia

consulte en urgence par des clients desempares.

France afin d'y construire une nouvelle vie avec leurs trois enfants.

11 veut signaler a Yas Ia perspective d'un pro­

Eleve modele, Ia jeune fille a suivi de brillantes etudes, couron­

ces hors norme dans lequel ses talents pourront etre precieux.

aHarvard. « Mes professeurs etaient hostiles ace double cursus :

dustriels les plus puissants de Russie, vient alors d'etre empri­

ils pensaient que je n'aurais pas le temps de tout faire, mais le tra­

sonne. Ses associes et ses proches redoutent le pire - pour sa

vail ne me fait pas peur», se rappelle-t-elle en souriant fierement,

vie comme pour leurs affaires. Financier aux traits fins et aux

dans son bureau situe sur les Champs-Elysees, aux murs tapisses

dents longues, Khodorkovski a pris le contr6le de Ioukos en

de cartes maritimes et de releves topographiques. L'un de ses enseignants, l'avocat Emmanuel Gaillard, avait

94

A Moscou, Mikhail Khodorkovski, l'un des in­

nees par un doctorat en droit international a Assas et un master

1996, dans Ia vague de privatisations ordonnee par Boris Elt­ sine, aux debuts de Ia Russie post-sovietique. Depuis lors, Ia

cependant remarque son brio et sa perseverance. « Quand vous

production de ses gisements de l'Oural a double, l'entreprise

aurez soutenu votre these, je vous engagerai », avait-il prornis.

s'est hissee au premier rang des capitalisations boursieres de

C'est ainsi qu'en 19 97, Ia petite fille de Teheran a fait son entree

Moscou et, en 2002, le magazine Forbes classait son dirigeant

au sein du cabinet new-yorkais Shearman & Sterling, qui emploie

26• fortune de Ia planete. L'arrivee de Poutine au Kremlin a

850 juristes dans dix-huit capitales et dont l'antenne franr;aise est

contrarie cette ascension. Le nouveau tsar a exige que les oli­

dirigee par son ancien maitre. Sur 1e site de Ia societe, sa notice

garques lui pretent allegeance. La plupart ont obtempere, tels

biographique mentionne qu'elle est aujourd'hui associee, ex­

Roman Abramovitch, actionnaire de Sibnef t , autre mastodonte

perte en arbitrages intemationaux, specialisee dans les conten­

des hydrocarbures, ou Mikhail Prokhorov, patron d'un puis­

tieux lies au petrole et au gaz, et qu'elle fut classee en 2011 par

sant groupe minier. Pas Khodorkovski. Lui a finance des par­

une revue americaine parmi les meilleurs avocats de moins de

tis d'opposition, laisse entrevoir des ambitions politiques, est

I

VA N I T Y

FA I R

I www.vanltylair.fr

JANVIER

2015

Yale, ce quinquagenaire a !'elegance classique et a!'humour aile jusqu'a defier Poutine en public - « C'est sans doute ce caustique, fils d'un entrepreneur de travaux publics savoyard, qui a tout declenche », estime avec le recul Emmanuel Gail­ est considere comme l'un des pontes du droit de !'arbitrage lard. La scene fondatrice remonte au 19 fevrier 2003. L'avo­ cat en projette Ia video (qui fut versee comme piece a convic­ a travers le monde. Un theoricien autant qu'un praticien: il est !'auteur de l'ouvrage de reference sur le sujet, publie en tion dans !'arbitrage Ioukos) dans une vaste salle de reunion de 1996 et traduit- entre autres- en anglais, en chinois, en es­ Shearman & Sterling aIa decoration rninimaliste. Les images, fil­ pagnol et en arabe; il s'est illustre mees dans les salons d'honneur du en plaidant de nombreux dossiers Kremlin, montrent une trentaine de devant des juridictions interna­ patrons russes assis autour d'une tionales privees oil des milliards immense table. Khodorkovski etaient enjeu (jusqu'aIa decision prend le micro et accuse d'un ton sur !'affaire Ioukos, il avait deja glacial : « Selon quatre etudes in­ etabli un record en obtenant en ternationales, Ia corruption dans 2012 la condamnation du Kowert notre pays s'eleve a 3 0 milliards a 2,5 milliards de dollars d'in­ de dollars par an. » A !'autre bout demnites au profit de la societe de Ia piece, Poutine objecte seche­ americaine Dow Chemical, a pres ment: « Certes, mais d'oil vient Ia I' abandon d'un projet industriel). fortune considerable d'une entre­ S'agissant du cas Ioukos, son dia­ prise comme Ioukos ? Je renvoie Ia gnostic est vite forge : « Que les balle dans votre camp! » Devant le autorites russes aient viole le droit tribunal arbitral, !'ancien conseiller pour abattre un opposant poli­ economique de Poutine, Andrelll­ tique paraissait evident, dit-il. Ce larionov, en relatant !'incident, qu'il fallait trouver, c'est un tribu­ dira : «Dans Ia salle,tout le monde nal pour prendre cette affaire : des avait peur. » Le 25 octobre 2003, juges qui ne seraient pas russes le patron de Ioukos est interpelle a mais dont les Russes accepte­ Ia descente de son jet sur Ie tarmac raient la competence. » d'un aeroport siberien. 11 est accuse de fraude et d'evasion fiscales a La cartographie du capital de grande echelle. Ses cinq vice-presi­ Ioukos apporte la solution. Cree dents sont eux aussi dans le viseur. et implante sur le territoire russe, Deux d'entre eux, Vassili Shakh­ detenu et dirige par des citoyens novski, un ancien conseilrusses, le groupe petrolier ler municipal de Moscou, est en realite place sous le « D'OU VIENT LA FORT NE et Platon Lebedev, finan­ controle d'un echafau­ cier et ami de Khodor­ dage financier complexe kovski, sont ecroues a leur par lequel ses actionnaires tour. Un mandat d'arret ont transfere leurs parts est delivre a l'encontre des dans des structures opa­ D'UNE ENTREPRISE trois autres : Leonid Neques basees a Gibraltar, a COMME IOUKOS? » vzline et Vladimir Dubov, Chypre et sur 1'i'le de Man. anciens membres du ParDes lors, les poursuites lement, et l'homme d'afengagees par !'administra­ faires Mikhai1 Brudno. tion Poutine peuvent etre lis se refugient en Is­ considerees comme visant f/ladimir Poutine a Mikhail Khodorkovski rael. C'est a leur propos des societes etrangeres et le 19 fevrier 2003 que Yas Banifatemi est le litige peut echapper ala justice du Kremlin. Une sollicitee au telephone. «lis vont avoir besoin de conseils », lui dit son interlocuteur. course de vitesse s'engage. Pendant que Khodorkovski crou­ pit en cellule, le fisc harcele son groupe: les arrieres de TVA, L'avocate previent aussitot son superieur, Emmanuel amendes et penalites de retard atteignent au total 24 milliards Gaillard. Si l'affrontement entre les proprietaires de Ioukos et le Kremlin se poursuit , !'affaire peut entrainer un proces de dollars- de quoi pousser Ioukos vers la faillite. Les filiales qui debordera les limites du droit russe. Or c'est justement le russes sont saisies. Elles peuvent etre revendues aux encheres genre de schema dans lequel Gaillard excelle- et pour le cabi­ d'un jour a !'autre. Au meme moment, Vladimir Poutine as­ net, le type de dossier qui peut rapporter gros. Ni lui ni Yas ne soit son pouvoir ala tete de l'Etat. En fevrier 2004, il limoge sont competents pour tenter de faire Iiberer les oligarques em­ son premier ministre, Mikhai1 Kassianov, dernier rescape de prisonnes: leur sort releve de Ia justice penale. En revanche, !'ere Eltsine. Fidele a une conviction tres ancienne selon !a­ les subtilites des conventions internationales et Ia compatibi­ queUe l'Etat doit controler les sources d'energie (c'etait deja lite des interets economiques avec les exigences des traites ont le sujet de sa these, soutenue en 1996 aSaint-Petersbourg), il peu de mysteres pour lui. Professeur aSciences Po Paris et a prepare a ciel ouvert Ia reprise en main de l'economie russe. "*

CONSIDERABLE

JANVIER

2015

www.vanityfair.fr

I VAN IT Y

fA IR

I

95

"""*

Un mois et demi apres, a Londres, Emmanuel Gaillard rencontre pour la premiere fois celui qui va devenir son correspondant officiel dans le dossier loukos : Tim Osborne, un fiscaliste de la vieille ecole que sa haute taille et sa moustache en chapeau de gendarme font ressembler aun officier des Indes. Osborne passe la moitie de ses se­ maines dans ses bureaux principaux de Cheltenham, une petite ville de la EJ campagne anglaise reputee pour son hippodrome. n connait loukos de l'interieur pour avoir, quelques annees auparavant, prepare le transfert de son siege au Royaume­ Uni- operation qui ne s'est jamais faite. Surtout, il est le trustee (administrateur qui, en droit anglo-saxon, detient la propriete d'une societe pour le compte de ses mandants) principal choisi par Khodorkovski et ses associes pour garder sous sa protection les actions du groupe petrolier. C'est avec lui que Gaillard met au point sa declaration de guerre. Au prealable, l'avocat fran�ais s'est assure aupres du comite d'ethique mondial de Shearman & Sterling que la defense de cette cause ultrasensible n'exposait pas le cabinet a des confiits d'interets ni a des retorsions- on ne s'attaque pas impunement aIa grande Russie, meme si le champ de bataille est une cour de justice et avec des argumentsjuridiques en guise d'obus. «C'est un risque que nous acceptons, quitte a etre persona non grata a Moscou », ont tranche les sages de New York. Sitot le feu vert ac­ corde, Gaillard re�it aParis les emissaires de Ioukos. Le prede­ cesseur d'Osbome vient de mourir dans un accident d'helicop­ tere. Le climat est ala paranoia. Une tentative de mediation a ete confiee a!'ancien premier ministre canadien Jean Chretien. Mal­ gre plusieurs entretiens avec Poutine, elle est restee vaine. «Mes interlocuteurs etaient paniques », se souvient Gaillard. Le climat en Russie ne peut guere les rassurer. En septembre 2004, apres une prise d'otages sanglante perpetree par des separatistes tche­ tchenes, Poutine exige et obtient des pouvoirs renforces. Qui ose­ rait contester sa suprematie ?

Le 27 octobre, un courrier offi­ ciel est adresse au ministere russe des affaires etrangeres par Emma­ nuel Gaillard et Yas Banifatemi. Expedie par DHL, le pli contient la « requete aux fins d'arbitrage » presentee par les avocats f ran�ais au nom des actionnaires de Ioukos. En trois pages, le texte indique que les societes etrangeres porteuses de l'essentiel du capital de Iou­ kos contestent les accusations portees contre le groupe et ses dirigeants, et reclament le dessai­ sissement des juridictions russes au profit d'une cour arbitrale. Par securite, une copie conforme est delivree le memejour par coursier a l'ambassade de Russie a Paris. Cette fois, le coup est parti. La riposte de Poutine ne se fait pas attendre. Le 19 decembre 2004, les principaux gisements et sites d'extraction de Ioukos sont cedes au plus offrant devant un tribunal moscovite. L'acquereur n'est autre que l'entreprise d'Etat Rosneft, atravers une societe ecran specialement creee, moyennant 9 milliards de dollars - moins de la moitie de ce que le fisc reclame a Ioukos. Ainsi, en quelques minutes, la compagnie petroliere de Khodor­ kovski n' est plus qu'un immense re­ servoir vide. La vente est une mascarade. Sur les images toumees par la television russe (elles aussi versees au dossier de !'arbitrage), on voit les spectateurs rire dans la salle. «Nos clients ont longtemps cru qu'une negociation se­ rait possible, confie Emmaimel Gaillard. Ace moment-la, ils ont compris que le point de non-retour etait atteint. )) Cinq mois plus tard, Khodorkovski et Lebedev sont condam­ nes aneuf ans de prison ferme, qu'ils purgeront dans un peniten­ cier en Siberie. Poutine peut savourer sa victoire : il a renationalise par la bande un fieuron de l'industrie russe (Rosneft, qui a ab­ sorbe Ioukos, est d'ailleurs dirige par l'un de ses anciens collabo­ rateurs) et puni le plus impertinent des oligarques. Son triomphe parait total. En coulisse, la partie ne fait que commencer.

===�.�=;����"{�

96

I

VAN I T Y

FA I R

I www.vanilyfair.fr

LA COUR SORT SON JOKER

es preparatifs d'un arbitrage international tiennent ala fois du duel al'ancienne et de la course au tre­ sor. Les competiteurs s'entendent sur les details de la procedure au cours de reunions courtoises ou 1 les hommes portent la cravate et les dames sont � en tailleur. Parallelement, les juristes se changent en explorateurs car l'argumentjuridique qui fera mouche peut etre enfoui sous une couche de poussiere, au fond d'une bibliotheque ou sur le rayonnage d'une salle d'archives. Dans les premiers mois de 2005, les premices du proces Ioukos se deroulent sur ces deux fronts. �

JANVIER

2015

appele ala Maison Blanche pour devenir«sherpa» de George Le 2 mars 2005, le cabinet Clear y Gottlieb, dont le siege mon­ dial est lui aussi a New York, informe Emmanuel Gaillard que W. Bush. Gaillard et son equipe doivent lui trouver un rempla­ l'Etat russe l'a choisi comme conseil. Les deux avocats designes, 'Yant au debotte. Le 23 septembre, ils designent l'avocat genevois 1'Americain Robert Greig et l'Autrichienne Claudia Annacker, Charles Poncet, ancien depute au Parlement helvetique. Cette fois-ci, le tribunal est au complet. Mais il faut encore s'assurer sont eux aussi des specialistes de !'arbitrage. Ils informent leurs adversaires fran�Yais que pour la duree de la procedure, ils eta­ qu'il acceptera de juger une telle affaire. Le 31 octobre 2005, une premiere audience preliminaire reu­ bliront leur QG aParis- les echanges en seront simplifies. Yas Banifatemi y voit«une volonte de fair-play». «En recrutant des nit juges et avocats aLaHaye, sous les ors du Palais de la paix. C'est cet imposant biitiment de briques surmonte d'un beffroi confreres aussi semblables et aussi proches, dit-elle, les Russes ont montre qu'ils voulaient un proces modele.» Rien ne dit et dresse au milieu d'un pare qui abrite depuis 1913 le siege de la Cour permanente d'arbitrage. La reunion a pour objet de qu'ils ne l'ont pas regrette apres coup. fixer les regles qui regiront la procedure jusqu'a son terme. Le La premiere etape consiste a choisir les arbitres qui forme­ surlendemain, Vladimir Poutine profite d'une visite ala reine ront le tribunal: des personnalites incontestables, connues dans Beatrix, souveraine des Pays-Bas, pour s'inviter par surprise le monde du droit et des affaires pour leur experience et leur sens de la mesure. Chaque partie en designe un, le troisieme - qui sera le president - doit etre approuve par les deux camps. Les conseils de « Ioukos choisissent Daniel M. Price, juriste che­ vronne qui a negocie les premiers accords com­ merciaux des Etats-Unis avec l'URSS; les avo­ cats de la Russie retiennent Stephen Schwebel, ancien president de la Cour intemationale de QUAND IL A SU QUE NOUS AVIONS EU justice. Mais apres des semaines de pourpar­ lers, impossible de s'entendre sur le choix d'un GAIN DE CAUSE. » president. En application du reglement, La Cour permanente d'arbitrage de LaHaye soumet alors trois noms aux deux parties.«Nous nous sommes plonges dans leurs ecrits, raconte Yas Emmanuel Gaillard Banifatemi: les jugements, les articles, les livres, (avocat des anciens actionnaires de loukos) tout ce qui pouvait nous eclairer sur leur univers intellectuel, leur mode de pensee.» Peine perdue car, al'arrivee, chaque camp re­ sur les lieux. Il prononce un bref discours pour se feliciter de la « resolution paisible des litiges » par la Cour permanente, tient un candidat different. Les services de la Cour sortent alors leur joker : un qu'il qualifie d'institution « de grande valeur», mais les fonc­ tionnaires du Palais voient dans cette intrusion une forme de quatrieme nom a ete consigne sous pli cachete. Le 21 juillet 2005, l'enveloppe pression sur le proces qui se prepare.« Aucun journal n'en a est ouverte: ce sera le Quebecois Y ves parle mais le personnel de La Cour nous a prevenus aussitot, se Fortier, ancien president de la Cour rappelle Emmanuel Gaillard. Visiblement, son passage a ete d'arbitrage international de Londres. interprete comme un avertissement. » Tout est pret? Pas encore. Durant l'ete, UNE EXTRATERRESTRE Daniel M. Price renonce a sieger- il est

POUTINE A BRISE UN VERRE, DE RAGE,

endant ce temps, Yas Banifatemi s'est lancee sur une piste. Elle veut verifier une intuition. En 1994, la Russie a signe la charte europeenne de l'energie adoptee a Lisbonne pour definir une politique commune entre les pays de !'ouest du continent et les anciennes republiques sovie­ tiques. Or ce traite est cense instaurer «des conditions stables et transparentes pour les investisseurs etrangers» et «regler les litiges entre Etats et investisseurs » par la voie de !'arbitrage. Les trusts qui controlent le capital de Ioukos ayant leur siege hors de Russie, ne peut-on les faire beneficier des clauses de la charte? Probleme: le texte n'ajamais ete ratifie par La Douma (l'equivalent russe de 1'Assemblee nationale) mais il est consi­ dere «en application provisoire». « Je me suis dit qu'il fallait demontrer que les autorites russes avaient elles-memes reclame cette application provisoire, explique-t-elle. Dans ce cas, nos adversaires ne pourraient pas refuser I'arbitrage et nous aurions gagne La premiere manche. » JANV IE R

2015

www.vanitylair.fr

I VA N I T Y

FA I R

I

--»

97



Pour consulter les documents preparatoires a Ia redaction de

il releverait en realite

Ia charte de l'energie, elle se rend a Bruxelles, ou le secretariat du

d'une procedure pe­

traite les conserve, passe des journees a scruter des milliers de

nale. Les Russes pre­

pages. Lorsqu'elle deniche enfin les fameux comptes rendus, Ia

tendent en effet que

deception est emelle: ils sont caviardes -Ies noms des pays n'ap­

Ioukos a ete constituee

paraissent pas. Pour obtenir Ia version non expurgee, !'avocate

des l'origine dans !'in­

A

obtient !'aide du gouvernement anglais (l'fle de Man, ouest domi­

tention de frauder.

cilie l'un des trusts de Ioukos, est une dependance britannique).

preuve : ils produisent

«Avec cette recommandation, nous avons ete re�us comme un

des rapports de po­

Etat », se souvient Yas.

les dossiers renferment bien Ia

lice anterieurs a 2003,

preuve qu'elle cherchait. Les avocats du Kremlin sont coinces; ils

censes demontrer que

ne pourront que s'incliner. Pour !'avocate, Ia ran�on de ce sucd:s

le groupe etait sur­

Eureka,

est elevee : « Je passais mes journees et beaucoup de mes nuits

veille de longue date

sur le dossier. Mes proches s'inquietaient pour rna sante. Mon

par les services fis­

pere est mort durant cette periode.