Je ne serai jamais celui qui vendra l'âme européenne

... NBC News et explique les évolutions à venir de la chaîne européenne, notamment l'avenir de l'antenne turque. .... rents actionnaires dans la politique édito-.
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3 - Lundi 12 juin 2017

N°6432 / www.lettreaudiovisuel.com

“Je ne serai jamais celui qui vendra l’âme européenne d’Euronews” INTERVIEW. Michael Peters, CEO d’Euronews, détaille les objectifs et la mise en application du plan stratégique Next. Il précise aussi l’entrée au capital de NBC News et explique les évolutions à venir de la chaîne européenne, notamment l’avenir de l’antenne turque. Quelles ont été les raisons de l’élaboration du plan Next d’Euronews qui entre en application ? Nous faisons partie d’une industrie qui vit actuellement la plus grande révolution de son histoire, à l’identique de celle qu’à connu la musique. Dès 2012, j’ai pris conscience qu’Euronews devait repenser sa façon de faire de l’information, de la distribuer et de la vendre. J’ai dû convaincre mes actionnaires qu’un nouveau partenaire était nécessaire pour avoir les moyens de nous réinventer. En juillet 2015, Naguib Sawiris est devenu l’actionnaire principal d’Euronews (à hauteur de 53 %, puis de 60 %, ndlr). Après cela, j’ai réfléchi à un plan de transformation complète, le plan Next, présenté et validé par les actionnaires en avril 2016. Quels en sont les principaux axes ? C’est un plan ambitieux. Il réinvente totalement notre manière de travailler. Nous redéployons complètement les ressources. Il a été dit que 43 postes étaient supprimés. Cinq postes sont réellement été impactés (hors la fermeture de l’antenne ukrainienne). Nous sommes maintenant dans une phase de recrutement. Nous avions jusqu’à présent une façon de fonctionner unique, certes, mais elle commençait à être obsolète. Elle s’appuyait sur un multiplex : une vidéo unique associée à autant d’audio que nous avions de langues, soit 12. Ce système arrivait à une limite. Quelle était cette limite ? Nous avions un côté universel, peut-être trop. Plus il y a de langues, plus il est difficile, à partir d’un contenu unique, d’être spécifique pour une audience visée. Cela donnait l’impression qu’Euronews était une chaîne en anglais, traduite dans de nombreuses langues. Cela dégradait la perception de notre marque car nous n’avons jamais été une chaîne traduite. L’idée de Next est de trouver un moyen de délivrer 12 éditions différenciées, les unes des autres. En quoi est-ce différent de ce que proposent France 24 ou Al-Jazira, par exemple ? Ces chaînes proposent deux, voire trois langues. Notre challenge a été d’être capable de proposer 12 éditions différentes, à budget constant. Nous n’avions pas les moyens pour 12 régies finales, 12 capacités satellitaires, etc.. J’ai imaginé un moyen original, dont je revendique la paternité, pour créer ces 12 éditions avec une seule régie finale en les distribuant en IP. C’est assez révolutionnaire, personne ne l’avait tenté jusqu’à présent. Le but a été de libérer les journalistes

avons pour cela une enveloppe à 6 chiffres.

Quels sont les autres axes envisagés grâce au partenariat avec NBC ? Trois chantiers sont prévus : le renforcement du digital, le lancement de nouveaux formats (talk-shows, interviews, débats…), notamment dans la langue anglaise qui va être entièrement présentée, et enfin de mettre en place des synergies avec NBC, qui va du coup parler mieux et plus de l’Europe.

de cette contrainte technique pour qu’ils puissent faire un journalisme différent et proposer du contenu qui fasse plus sens à chacune de leurs audiences. Cela ne revient-il pas à chapeauter douze antennes “nationales” ? Nous ne voulons surtout pas transformer Euronews en une chaîne multilocale. Nous ne voulons pas concurrencer les chaînes nationales. Le but est de faire d’Euronews le premier média “glocal” au monde. Aujourd’hui, vous avez soit des médias locaux, soit des globaux (BBC, CNN, etc..). Un média “glocal” traite d’actualité internationale en adaptant son offre aux attentes de ses différents marchés locaux. Nous avons bien entendu un socle commun aux 12 éditions. Grâce au  multiculturalisme qui est dans notre ADN, notre objectif est d’aider le consommateur dans ce monde “d’infobésité” à se faire sa propre opinion en lui donnant une diversité de points de vue. Allez-vous déployer des correspondants en Europe pour créer des contenus propres ? Dès que Next a été voté, je me suis rendu compte que nous manquions de moyens financiers. J’ai cherché un partenaire qui ait envie de mettre ce plan en place. C’est là où nos chemins se sont croisés avec NBC. Next est une des raisons pour laquelle ils ont décidé de nous rejoindre et de nous aider à aller encore plus loin. Avant l’arrivée de NBC, les journalistes produisaient leur contenu avec une enveloppe faible grâce aux agences et aux images des télévisions nationales car nous sommes membres de l’UER. Maintenant, une de mes priorités va être de créer un réseau de correspondants dans toutes les capitales d’Europe. Il sera mis en place avant la fin de l’année. Nous

Quelles sont les interventions des différents actionnaires dans la politique éditoriale d’Euronews ? Media Globe Networks détient Euronews à hauteur de 60  %, NBC est actionnaire à hauteur de 25 % et les actionnaires historiques publics à 15 %. Ces derniers sont les “gardiens du temple”, ils sont garants du fait qu’Euronews ne perde pas sa mission d’intérêt général européenne. Ils gardent l’intégralité de leurs droits et 7 sièges sur 10 dans le conseil éditorial. Nous avons un grand soutien de la Commission européenne, avec laquelle nous avons une vingtaine de contrats commerciaux qui en tout représentent plus de 20 millions d’euros par an. Euronews se revendique comme la chaîne européenne. Elle a pourtant aujourd’hui un actionnariat majoritairement non européen… Je ne serai jamais celui qui vendra l’âme européenne d’Euronews. Ce qui compte n’est pas son actionnariat, mais sa mission d’intérêt général européenne à laquelle Naguib Sawiris et NBC souscrivent intégralement. Que je n’ai pu intéresser un partenaire européen en dit long sur l‘état de l’Europe aujourd’hui. J’ai trouvé un Egyptien et un Américain pour m’aider à faire d’Euronews le média le plus influent sur les affaires européennes. Qu’en est-il de l’antenne turque ? Début 2018, le contrat commercial arrive à terme avec la télévision turque nationale, qui ne souhaite pas le renouveler. Euronews est une entreprise privée, elle n’a pas les moyens de conserver une antenne sans soutien financier. Mais je suis convaincu que ce serait une grande perte que l’antenne turque ferme. Avoir une voix médiatique indépendante en turc  est important, c’est pour cela que je consacre actuellement beaucoup de mon énergie à ce qu’elle ne s’arrête pas. Propos recueillis par Emma Mahoudeau Deleva