In Nomine Technologie et Spiritualité
Le smartphone. Introduction à mon travail. Il est le pont, le passage le plus direct reliant notre réalité à l’alter-monde virtuel. Il est Black Mirror, écran froid et brillant de l’information ; Reflet intelligent de notre monde. Technologie et spiritualité, deux mots accolés qui place la technologie sous un regard religieux ; relation ambivalente et complémentaire tant la technologie peux faire religion de par leur problématiques communes ; un questionnement qui fait écho dans mes pièces. Les problématiques qui en découlent, d’une part formelle ( transformation physique, sociale, pratique photographique ) et d’autre part ayant trait au métaphysique permettent le développement logique amenant à la dimension spirituel de mon travail ou comment tenter de répondre à ce questionnement par l’art.
La photographie est mon medium de prédilection, elle est pour moi malléable et apte à répondre à toutes mes envies. Sans différenciation technique ( numérique, argentique, mobile, screen capture ) je crée des images illustrant mes recherches ; elle est le ciment de ma production multi-medium, première pierre posé à mes réflexions. Mobile, terme affilié à cette nouvelle mouvance photographique inhérente à l’apparition du smartphone. Phénomène de massification des images, incident.
7 photographies Instagram 20x20cm Accrochage variable
Incident. 18 Novembre 2014 Metz, un incendie se déclare dans un camp de réfugié en périphérie de la ville. « Champignon atomique, explosion, incendie. Le spectateur se pose la question de l’incident, cherche la réalité dans ces différentes perceptions mais celle ci est absente. L’écran physique fait écran à la réalité. » Incident est une installation photographique composé de 7 photographies récupérées sur Instagram ( réseau social de photographie mobile ). Les 7 photographies sont toutes des perceptions différentes de l’incident altérant la réalité. Multiples représentations de ce nuage sans origine distincte, Simulacre photographique. « La notion de réalité a été embrouillée par la profusion des images » Susan Sontag, Sur la photographie simulacre, n.m ( source cnrtl ) Image ou représentation figurée d’une chose concrète. Apparition, fantôme, vision sans réalité Apparence qui se donne pour une réalité. Objet factice qui en imite un autre Notion importante dans ma production ; l’écran n’est pas présent physiquement, il est imité, suggéré, caché derrière le voile du simulacre.
Tirage Offset 120g Dimensions 1185x1750 mm
« Le simulacre n’est jamais ce qui cache la vérité – c’est la vérité qui cache qu’il n’y en a pas. Le simulacre est vrai » Jean Baudrillard, Simulacre et simulations Réalité dissimulée tout comme l’objet de mon discours. Trace contemporaine de notre existence. Trace physique. Never Offline « Trace résiduelle ancrée dans la main suite à une utilisation massive. Empreinte suggérant la disparition de l’objet. Et si l’objet disparaissait que nous resterait-il ? Comment ce vide serait vécu ? » Never Offline est une photographie se voulant in situ. Imprimée au format affiche JC Decaux dans le but d’un affichage public, la photographie reprend des codes publicitaires simples d’impact de l’image. Une main distinctement ouverte, sur sa surface se dessine les contours d’un smartphone ( simulacre ) Jouant sur la gestalt ( théorie de la perception de la forme ), la trace suggère la forme de l’objet, en l’occurrence du smartphone, son négatif ; et par son absence en renforce la présence et l’impact visuel.
L’impact d’un objet social. Sa trace. Présent partout autour de nous, dans nos mains, nos poches. Il est nouvelle forme de discussion. L’Iphone c’est la vie Deux personnes débattent par smartphone interposé d’une situation : deux personnes qui se parlent par smartphone interposé et se trouvant au même endroit. La pièce se présente sous la forme d’un dispositif vidéo. Une télévision écran plat est accroché au mur, dans celle ci est diffusé une boucle vidéo, on y voit les mains de deux personnes tenant un smartphone, l’écran n’est pas visible et par conséquent, la discussion. Celle ci est rythmée par le son des claviers. Accroché à côté, un Ipad où est diffusé une vidéo fond noir de la même durée que celle de la télévision. Au moment même où une phrase clef est présente dans la discussion, celle ci s’affiche sur l’Ipad.
L’Iphone c’est la vie Durée 5min Format 16:9
La pièce propose une mise en abîme du sujet à travers la forme. Le débat entre les deux protagonistes se retrouvent alors contraint par la forme du discours, contraint par les règles et codes de cette nouvelle forme de discussion. Amenant à la révélation de constats clefs. « L’Iphone c’est la vie », « Il est contemporain », « C’est une autre forme d’humanité ». La relation être/écran, nouvelle forme d’humanité. Matérialisant les postulats de la science-fiction de K.Dick. La technologie ouvre les portes d’une nouvelle ère où la technologie se fait spiritualité.
Science is Fiction « Qu’est ce que la fiction ? K.Dick y répondait par cela : « Science is a fiction » La technologie est nouvelle forme de nature. Mandelbrot, un mathématicien, a cherché la présence du nombre d’or, des suites pythagoriciennes, de Fibonnaci. Il a découvert les fractales. » Science is Fiction est une pièce performative de type Vjing. Le Vjing est à la vidéo ce que le Djing est à la musique. Video set d’une durée de 9mins, la performance crée une parallélisme entre visuels de fractales ( grille > technologique > organique ) et les propos enregistrés de K.Dick lors d’une conférence à Metz sur la science-fiction en 1977. La voix de K.Dick fait écho aux images, les images répondent à celle ci.
Video set Durée 9.13 mins
« … Clearly science is a fiction … » « … Technology is a new world ... »
Cette performance, lien entre cette première partie de discours, ces premières productions et mon questionnement fondamental : Technologie et spiritualité ? La technologie est elle nouvelle forme de spiritualité. ? Gesture et Prières « Naissance d’une nouvelle gestuelle, apogée de l’être/écran. Le smartphone comme extension de la main ou la main comme extension du smartphone. La forme explore cette ambivalence sous un regard lié au spirituel. »
Tryptique photographique Impressions Offset contrecollées sur panneaux de bois. Dimensions 594 x 420 mm
Gesture est un triptyque photographique. Chaque photographie représente une main tenant un smartphone dans une pose/gestuelle officielle homologuée par Apple dans leur publicités. La main tient l’objet religieusement, le sacralise. La forme y contribue également car la photographie se veut ancré dans une tradition picturale liée au Ténébrisme et aux codes de la peinture religieuses de Caravage. ténébrisme, nm ( source cnrtl ) style de peinture où la lumière directe, sans diffusion, produit des effets de lumière contrastés avec les zones non éclairées qui dominent et servent de fond. Ainsi les volumes se détachent en pleine lumière sur les ténèbres qui les environnent. « L’obscurité dans ses images est quelque chose de négatif, l’obscurité est où la lumière n’est pas, et c’est pour cette raison que la lumière se heurte sur ses figures et objets comme sur les formes pleines et impénétrables » Rudolf Wittkower
3 impressions 3D de mains échelle 1 Hauteur 200mm
Ce travail photographique a abouti à la réalisation d’une autre pièce, Prières. Prières est une installation faisant écho à Gesture. Les trois gestuelles sont reprises dans trois sculptures en impression 3D à l’echelle 1 de la main. L’absence de l’écran, du mirror, amplifie la spatialité de ces nouvelles postures religieuses. Imprimées en 3D et disposées sur des socles en hauteur, le spectateur doit lever les yeux pour voir la pièce, regarder symboliquement vers le divin. la forme et le fond se retrouvent alors en relation directe.
Technologie et religion. Deux thématiques qui dans leur fondement même semblent être communes. Car au delà de l’aspect utilitaire la relation être/écran s’ancre dans le métaphysique. Backspace et Black Mirror « Backspace est un constat post moderne Portrait d’albâtre flottant dans l’espace et le temps, Fissuré, Figé au travers de l’écran. Dans le vide du reflet. » Portrait photographique d’un auto-portrait réalisé en plâtre. La pièce reprend les codes picturaux de la tradition du masque mortuaire, ou « dernier portrait » comme il est appelé. Eidolon numérique. Spectre intelligent qui ne sera jamais effacé. L’alter-ego virtuel ne serait il pas une continuité de la tradition platonicienne de l’immortalité de l’âme ? « l’âme est «un mouvement qui se meut soi-même» elle ressemble aux Idées, aux Formes idéales, au divin, la pensée qui seule est immortelle » Platon, Phédon Une esthétique de la disparition.
Tirage offset mat 60g contrecollé sur plaque d’aluminium Dimensions 520x494mm
«L’Homme éblouit de lui même, fabrique son double, son spectre intelligent, son reflet [...] Nous sommes là encore dan le domaine de l’illusion cinématographique, du mirage de l’information précipitée dans l’écran [...] ce qui est donné, c’est justement de l’information mais pas de la sensation, [...] cette impassibilité scientifique fait que plus l’Homme est informé plus s’étend autour de lui le désert du monde» Virilio; L’ Esthétique de la Disparition Ce philosophe critique la société de l’écran. Il a peur de la disparition du corps. Les présences virtuelles que l’on met en scène témoignent que l’Homme a cessé de croire en son existence simple et propre, en ses sensations. Loin, de signifier l’absence du vivant, ces clones l’enveloppent d’une autre visibilité.
Á cela répond Black Mirror. L’installation renvoie le spectateur à la perception de son corps au travers de l’écran. Semblable à une stèle, elle positionne la frontière mince entre notre monde et cet alter-monde; nous confronte à notre Eidolon. Un rapport frontal et violent dans le Simulacre. Reflet dans le verre noir. Spectre dénué de toute chair.
Plaque de verre noir 1235 x 600mm Socle béton cellulaire 500x600x750mm Dimensions 500x600x1985mm
La chair, élément nous rattachant au monde terrestre dans la tradition platonicienne. Empêchant de nous rapprocher du divin. Les transhumanistes y arriveront il ? transhumanisme, nm ( source cnrtl ) mouvement culturel et intellectuel international prônant l’usage des sciences et des techniques, ainsi que les croyances spirituelles afin d’améliorer les caractéristiques physiques et mentales des êtres humains. Le transhumanisme considère certains aspects de la condition humaine tels que le handicap, la souffrance, la maladie, le vieillissement ou la mort subie comme inutiles et indésirables. Dans cette optique, les penseurs transhumanistes comptent sur les biotechnologies et sur d’autres techniques émergentes.
Post-Human Era. Une ère qui est plus proche que ce que l’on ne pense, arrivant à grand coup de milliards d’investissement dans la Singularity University. Apogée de la spiritualité technologique, remettant en cause des dogmes millénaires. L’ être et l’ écran laisserait place à l’être écran. Perdrions nous notre humanité ? Une suite logique à mon travail de recherche théorique et plastique tout en prolongeant cette tension permanente entre le medium et sons sens.
