guerre juridique autour de l'impression 3D des armes à feu

1 août 2018 - Etats-Unis: guerre juridique autour de l'impression 3D des armes à feu. Marguerite Desforges. Etudiante à l'EM Lyon en double diplôme avec ...
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01 AUGUST 2018

Etats-Unis: guerre juridique autour de l’impression 3D des armes à feu Marguerite Desforges Etudiante à l'EM Lyon en double diplôme avec la Faculté de Droit Lyon II. Sous la direction de Pierre Aïdan, docteur en droit et diplômé de Harvard.

Chroniques juridiques

Temps de lecture : 4 min

Ce mercredi 1er août, devait être autorisée aux Etats-Unis la mise en ligne de fichiers téléchargeables permettant l’impression 3D d’armes à feu. Un tribunal fédéral de Seattle est cependant intervenu pour bloquer la mise en ligne de ces plans numériques. 

Arme à feu en kit à fabriquer chez soi: comment en est-on arrivé là? En 2013, Coby Wilson, jeune texan de 25 ans, lançait le “Liberator”, pistolet entièrement fait de plastique mais tirant à balles bien réelles. En mettant en ligne le fichier permettant d’imprimer cette arme en 3D sur son site internet, il permettait à quiconque était équipé d’une imprimante 3D d’imprimer le “Liberator” chez soi. Le fichier a été téléchargé plus de 100.000 fois avant que le site ne soit fermé par la police fédérale, celle-ci accusant le jeune homme de ne pas respecter les règles concernant l’export des armes à feu. Parce qu’une arme téléchargeable l’est tout aussi bien aux Etats-Unis que partout où Internet est accessible - c’est-à-dire partout dans le monde.

S'ensuivent des années de procédure: en 2015, le jeune homme de 27 ans alors, avait contre-attaqué, en accusant la justice américaine de le priver de sa liberté d’expression et de celle de porter des armes à feu et de violer ainsi les 1er et le 2nd amendements à la Constitution américaine. Et cet argumentaire a semblé assez solide à la justice américaine puisqu’elle a donné raison à Coby Wilson. C’est ainsi qu’on en arrive à la loi remise en cause aujourd’hui qui permet de “télécharger” son arme en plastique, à condition qu’elle ait un calibre inférieur à 50 mm, qu’elle ne soit pas automatique et qu’il ne s’agisse pas d’une arme à munition sans étui. Seule l’impression est autorisée, pas la vente. Saisi en urgence par 8 États, le juge fédéral Robert Lasnik a lancé une injonction interdisant la diffusion de ces fichiers. Même Donald Trump semble percevoir la folie d’une telle “avancée technologique”:

 

“L’ère des armes téléchargeables commence officiellement” Voilà ce qui est inscrit fièrement sur la page d’accueil du site de Coby Wilson, Defense Distributed, lui qui se veut défenseur de la liberté absolue et du 2ème amendement à la Constitution américaine. Après sa victoire face à la justice américaine, il affirmait au journal TechCrunch: “Les armes sont autant téléchargeables que la musique. Il y aura des services de streaming pour les armes semi-automatiques.” Et pourtant, cette vision du futur de l’accès aux armes se heurte à bien des lois américaines. Depuis 1988 (Undetectable Firearms Act), les armes indétectables sont interdites et depuis 1993 ( Brady Act) les “background checks” (vérifications d’antécédents) sont obligatoires pour tout revendeur d’armes licenciées ( Federally licensed firearms

dealers). Or, télécharger une arme comme on télécharge un film, rend impossible tout suivi par les autorités américaines puisque ces “armes fantômes” ne comportent aucun numéro de série, n’apparaissent dans aucun fichier et, plus dangereux encore, sont indétectables par les détecteurs de métaux. Ce processus, d’une simplicité enfantine, donne accès à n’importe qui à un objet, en apparence, tout aussi enfantin: le “liberator” était fabriqué avec le même matériau que les Lego (le plastique rigide ABS). Alors que la Floride fait encore le deuil de ses 17 jeunes lycéens de Parkland  tués en février dernier par un garçon de 19 ans armé, en toute légalité, d’un AR-15. Cette arme semi-automatique serait, grâce à Coby Wilson, directement téléchargeable en ligne. On comprend bien le danger d’une telle liberté d’accès qui permettrait à n’importe qui, dans n'importe quel pays, qu’il soit mineur ou non, reprise de justice ou non de tout simplement appuyer sur “imprimer” et d’obtenir son arme à feu.

Métier d’avenir : devenir développeur web pour un site de téléchargement d’AK-47?

Mise en ligne: 01/08/2018

Rédacteur: Marguerite DESFORGES, étudiante à l'EM Lyon en double diplôme avec la Faculté de Droit de Lyon II. Sous la direction de Pierre Aïdan, docteur en droit et diplômé de Harvard.