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25 nov. 2006 - Si je travaille aujourd'hui comme psychologue et psychanalyste à Valence, j'ai ...... Je ne veux pas de psychanalyse appliquée… Mais.
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25/11/2006 BOURSE AUX IDEES ET AUX OUTILS Présentation et animation : Mmes Nathalie CANRON et Marie-Agnès NOËL Nous vous avons préparé une liste de livres concernant la question du travail social de la TPSE. Cette bibliographie peut alimenter une bibliothèque de service et sera disponible sur le site du CETT. Les personnes ayant lu des livres jugés intéressants et utiles, peuvent, si elles le souhaitent, nous transmettre des synthèses que pourront éventuellement être publiées sur le site. Ayant parlé hier des questions « qui sert-on et que sert-on ? », nous souhaitons aborder aujourd'hui la question « avec quels outils ? ». Comme dans toute culture, on a besoin de parler la même langue, de partager ensemble des valeurs communes. Par le biais des outils qui seront proposés tout au long de cette journée nous allons essayer de voir les valeurs que l'on sert, comment on écrit, qu'est-ce qu'on écrit et pourquoi on écrit. Les services ont grossi et nous avons une mutation du contexte social qui nous oblige, de fait, à écrire ce que l'on fait. Même si des documents ont toujours existé, il y a quand même une volonté générale d'écrire davantage et de plus en plus. Pourquoi écrit-on ? Au fond, c'est aussi pour rendre visible ce que nous faisons, pour l'extérieur. Pour montrer le fonctionnement, les perspectives, et répondre aux exigences d'un environnement qui est en pleine mutation. Nous avons parlé hier de la loi du 2 janvier 2002. On va être dans l'obligation de dire ce que l'on fait, de poser les objectifs. L’écrit permet aussi de renforcer l’identité d'équipe. A plusieurs reprises, Mr RISMANN a dit hier : « ce ne sont pas les individus qui interviennent, c'est un Service qui est nommé ». C'est comme une partition de musique, il faut que nous ayons tous la même partition, après chacun l’interprète en fonction de son savoir faire personnel. Dans ce contexte en pleine mutation, il y a quand même une part de logique économique qui est celle de la rationalisation des objectifs et des dépenses publiques. On cherche à optimiser les rendements des Services comme les nôtres, avec l'objectif d'améliorer la production et d'évaluer le rapport qualité coût. Cela devrait aussi permettre une recherche d'innovation dans les nouveaux dispositifs, pour qu'ils soient plus en adéquation avec les besoins des individus et, éventuellement, trouver de nouvelles modalités de redistribution de l’argent solidaire.

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D'autre part, il y a une logique sociale et culturelle qui est celle de la participation sociale accrue des personnes qui sont au centre du dispositif. On essaie de normaliser les relations entre les prestataires et les bénéficiaires des services, et ce dans le respect de leurs droits. Les documents Les documents qui nous ont été présentés sont tous sous forme de papier, sauf pour un Service de la Loire qui a présenté un document sur un support CDROM. Les documents sont très variés, cela va du petit feuillet jusqu'au « pavé ». On a remarqué qu'il n'y a pas beaucoup de couleur. L'utilisation de la couleur apparaît plutôt dans les plaquettes que nous avons supposé être destinées aux familles, voire aux partenaires. En fait, dans l'analyse que nous avons faite, pour certains documents, on ne sait pas à qui ils sont adressés. Beaucoup de documents sont datés et ils sont plutôt récents. Sous un même titre on retrouve des contenus et des réalités diverses. C'est le cas des projets de service, par exemple, dont la forme et le fond du contenu sont très différents d'un Service à l'autre. Bien sûr, ça permet toute une richesse, mais cette hétérogénéité peut aussi poser question sur nos identités. On retrouve là le paradoxe qui traverse nos Services et aussi le besoin de repères et d’identité. En ce qui concerne le livret d'accueil il peut se présenter sous forme d'un feuillet simple ou d'une brochure plus importante. On s'est posé la question de savoir à qui est destiné ce livret, qui le lit. Parmi les documents présentés, il y a, par exemple, un protocole de collaboration entre un Conseil Général et un Service de TPSE, un guide pratique et pédagogique et un projet institutionnel. Il y a beaucoup de plaquettes présentant la TPSE aux partenaires et aux usagers et également de nombreux projets de service. Il y a aussi un projet individuel d'intervention Au titre des documents à caractère interne, il y a un certain nombre de fiches de poste du délégué à la tutelle et aussi des autres fonctions (du chef de service à l'agent d'entretien). Dans les fiches de poste du délégué à la tutelle, on note une diversité qui révèle aussi un peu le flou de l'identité du délégué à la tutelle. Il y a aussi un rapport d'activité, un guide des procédures, un référentiel de TPSE… Il a des outils comme des comptes-rendus de synthèses faits par un Service à l'ouverture et à la clôture d'une mesure (synthèses qui ne sont peutêtre pas pratiquées par tous les Services).

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Nous aimerions vous poser les questions suivantes : -Comment l’écrit se formalise dans vos Services ? -Qui écrit, qui partage ? -Qui relit, qui valide, qui rend le document diffusable ? Notre démarche n'est pas de critiquer les documents et on ne va pas débattre de la « qualité » des documents. Ce qui nous intéresse c'est de savoir comment cette production de documents s'est construite au niveau des Services, pourquoi ce besoin a-t-il émergé. Était-ce à l'initiative de la direction ou des chefs des services ? Y a-t-il eu une démarche participative ? Comment cela a crée des liens parmi l'équipe ? Quelles ont été les difficultés rencontrées ? Mme Nicole DOYOTTE – UDAF - 42 Dans notre Service nous avions un guide des procédures sur support papier. Avec l'arrivée d'un nouveau directeur, nous avons entrepris une démarche qualité qui nous a mené à réécrire les procédures. Nous avons décidé de créer un site intranet et tous nos documents y sont publiés. Ce travail concret sur les procédures a été fait en équipe (les délégués, les secrétaires, les comptables …). Le projet de service est en cours actuellement ; ce sera également un travail d'équipe, mais on a fait appel à un organisme extérieur pour nous aider à réfléchir. Un comité de pilotage, constitué du Directeur et des Chefs de Service, valide les documents. Notre conseil d'administration a fait, à partir de la chartre de la tutelle, une chartre du travail social. Sur le site intranet, on a mis tous les documents relatifs à l'exercice des mesures, mais également tout ce qui concerne la vie de l'institution et des salariés : le guide du salarié, les informations sur la convention collective… Ceci permet par exemple aux nouveaux embauchés d'avoir à disposition toutes les procédures, et de connaître tous les imprimés utilisés dans le Service. On publie également sur le site les articles de la revue de presse de la direction ainsi que les articles des ASH qui peuvent intéresser le Service. On y trouve aussi des informations concernant le personnel, comme les naissances, les départs, les embauches... Ce site est devenu un outil de communication interne très important. Le site est mis à jour par l'informaticien, pour la partie technique, et par une secrétaire, pour la mise en forme des documents. A chaque fois qu'un utilisateur s'aperçoit qu'il faut modifier tout ou partie d'un formulaire par exemple, il le signale à son Chef de Service et le comité de pilotage étudie le sujet et donne suite.

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Mr Rolland CARO – UDAF 50 Suite à une action formation, on a élaboré et mis en place depuis la rentrée un livret d'accueil. Le délégué à la tutelle présente le livret d'accueil à la famille, en deux exemplaires, lors de la première visite. A coté de ce livret d'accueil il y a le contrat de projet individualisé, que l'on présente en 3 exemplaires (un qui reste avec la famille, un destiné au délégué et le troisième à l'institution). Même si dans la pratique individuelle ce type de document existait déjà, le Service a pu le normaliser et l'harmoniser pour en faire un support commun. Pour l'instant, on n'a pas encore de retour quant à la manière dont les familles perçoivent ces documents. En tout cas, on pense que maintenant on donne aux familles une information plus lisible et plus adaptée, et on est s'est attaché à respecter les règles de la loi du 2 janvier 2002. Si on n'avait pas eu précédemment un projet de service et des outils de procédures, on n'aurait pas pu élaborer ce nouveau livret, c'est une continuité. Mr Eric GOYARD – CSEB 34 Notre projet de service, représente une bonne année de travail avec un consultant qui a travaillé en collaboration avec tout le personnel. C'était un travail de A à Z, car le service TPSE n'avait pas ce type de document avant. Le livret d’accueil est un document mis en service depuis 4 ans et qui ne cesse de s’améliorer. La toute première version a été faite en interne, mais en partenariat avec le juge des enfants et les directeurs des agences départementales dans un souci d'ouverture. On l'a testée pendant un an et il nous a paru intéressant d'harmoniser tous ces outils. On a ensuite complété le livret d'accueil avec le règlement de fonctionnement, la chartre des droits et libertés et le document individuel de prise en charge (il nous fallait également respecter la loi, les services d'AEMO étant assujettis à la loi du2 janvier 2002). On a articulé cet ensemble de nouveaux documents avec les procédures internes. En premier entretien, je reçois systématiquement toutes les nouvelles familles au Service (prioritairement) et je leur donne le livret d'accueil. Ce premier entretien a lieu dans les 15 jours qui suivent l'arrivée de la mesure au Service. On reprend les axes forts de ce livret en terme de droits et de devoirs, mais on passe plus de temps avec le document individuel de prise en charge. En gros, le discours que l'on tient aux familles à ce moment là c'est que la mesure n'est pas venue par hasard (mais parce que vous la vouliez ou que l'on vous y a contraints) et que la situation à la fin de la mesure doit être différente de celle du début. Pour y arriver on va passer par les objectifs et l'évaluation de ces objectifs.

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Trois à quatre mois après le début de la mesure, il y a ce que l'on appelle la réunion de projet, qui permet de reprendre les premiers objectifs fixés et surtout les repositionner par rapport à l'échéance. On précise bien quels sont les impératifs pour que la mesure s'arrête. Mais on ne fait pas signer, ce n'est pas un contrat et il n'y a pas de sanction en cas de non respect des engagements. Mme Nicole DOYOTTE – UDAF 42 Dans le cadre de la démarche qualité qui a abouti au site intranet et au guide des procédures, nous avons beaucoup travaillé sur la notion de client, et avons fait le choix de dire que le client était le magistrat et en aucune façon les familles. Ce qui détermine un client c'est que le client peut choisir son fournisseur, peut changer de fournisseur et c'est lui qui paye son fournisseur. Pour écrire nos procédures nous avons donc envoyé un questionnaire à tous les magistrats, qui nous ont répondu à 80%, et cela a permis d'avancer dans cette écriture. Mme Jacqueline DESRIEUX -UDAF 69 Notre livret d’accueil a été élaboré en 2003-2004 par toute l'équipe en réunion de service. Il est donné par le Chef de Service aux familles, lors du 1er entretien qui a lieu au Service. Ce document rappelle les droits et explique ce qu'est la mesure de tutelle, comment le Service est organisé, avec qui les familles seront en contact, comment se passe la mesure, comment elle se termine. Deux annexes ont été ajoutées au livret - la chartre des droits et libertés et la chartre de la tutelle. Sur le livret est collée un étiquette personnalisée avec quelques repères : le nom du délégué et sa permanence, le nom du tribunal, le numéro de SS de la famille. Il y avait l'intention d'élaborer aussi un projet de service TPSE avec une aide extérieure, mais pour l'instant cela n'a pas abouti. Mr Didier CHEFNEUX – UDAF 69 En fait, le service AEA avait un projet de service et on nous a demandé d'élaborer un projet de service TPSE. Mais nous avons préféré avoir d'abord un projet institutionnel. On va travailler maintenant sur ce projet institutionnel dans lequel on intégrera le Service TPSE et les autres services. Le projet de service AEA existant y sera intégré et peut-être modifié. Mme Nathalie CANRON Il nous paraît intéressant d'arriver à réunir des gens qui élaborent ensemble et produisent un document. C'est un partage où l'on peut dire ce qu'on a envie de faire, qui oblige à accepter que l'autre ne pense pas pareil, qui oblige à laisser de coté un certain nombre de valeurs. Le fait de faire valider par d'autres et l'intervention d'un consultant extérieur permettent d'amener un regard nouveau.

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Mme Marie-Agnès NOEL Comme nous l'avons dit, parmi les documents que vous nous avez confiés, il y a un certain nombre de plaquettes présentant la TPSE aux partenaires. Nous aimerions savoir ce que ces plaquettes vous ont apporté en terme de collaboration avec les partenaires sociaux. (Un participant non identifié) Il me semble que nous sommes dans le cadre des obligations. Tous ces documents, qui abondent aujourd'hui, ne viennent pas d'une volonté des équipes. Ça vient de l'extérieur. Les institutions rentrent dans le cadre des obligations. Est-ce que le cadre de obligations va amener les institutions à se poser la question du sens des missions ? Peut-être, mais ce n'est pas si évident. On colle trop à la question du document. Mme Nathalie CANRON Il y a effectivement un enjeu de société. Il y a des Services, comme ceux de l'AEMO, qui sont assujettis à la loi du 2 janvier 2002. Mais même pour ceux qui n'y sont pas soumis, il y a une pression extérieure qui nous y oblige. Mais si nous l'utilisons uniquement pour caler la demande extérieure et que nous ne nous posons pas la question du sens, il faut attraper cet outil pour nous. (Un participant non identifié) La question du sens n'a pas encore été posée, on reste dans le cadre des obligations. De quel choix cela relève de donner à l'usager la chartre des droits individuels ou pas? Mme Nathalie CANRON C'est justement la question posée au départ. Indépendamment de l'outil et du support, qu'est-ce que ça produit chez les gens ? Est-ce que c'est intéressant ou pas ? Ou bien est-ce que c'est juste une question de règlementation ? Mme Marie-Agnès NOEL Je ne suis pas sûre du tout que ces documents aient tous émergé d'une obligation légale, d’une commande extérieur ou des financeurs. Les documents anciens prouvent bien que cet intérêt est en dehors des obligations légales de la loi du 2 janvier 2002. « Comment on communique ? Qu'est-ce qu'on dit ? Qui on est ?» - cela a bien un sens. Et, au-delà du sens, il y a aussi un questionnement de nos pratiques et de nos valeurs. Mme Nathalie CANRON C'est bien un travail d'équipe et c'est pour cela que l'on posait la question : « Qui écrit ? »

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25/11/2005 POUR QUOI ET POUR QUI ECRIT-ON?

LA QUESTION DES ECRITS PROFESSIONNELS DANS LE CONTEXTE DE LA TUTELLE AUX PRESTATIONS SOCIALES ENFANTS Intervention de Mr Jacques RIFFAULT, Directeur pédagogique de l’IRTS Ile-de-France, Montrouge - Neuilly-sur-Marne, auteur de « Penser l’écrit professionnel en travail social » (nouvelle édition à paraître en 2006, chez Dunod). En guise de présentation personnelle, je voudrais me rappeler devant vous du véritable « choc » qu’a constitué pour moi, au tout début de mon entrée dans le secteur professionnel de l’éducation spécialisée et du travail social, la toute première lecture de ce qui s’appelait, et s’appelle encore très souvent un « rapport de comportement ». C’était à la fin des années 70, et cela se passait dans un foyer de l’enfance, où je me retrouvais éducateur contractuel, après avoir fait pas mal d’autres choses, des études de philosophie par exemple, et occupé divers postes d’auxiliaire dans l’éducation nationale. Ce « choc » a pris la forme d’une question, récurrente depuis, et que je souhaite vous transmettre : accepterais-je, pour moi-même, d’être mis en mots à la manière dont les enfants et les familles sont mis en mots dans ces textes ? Se poser la question de cette façon, c’était bien sûr y répondre. Non, je ne l’accepterais pas. Évidemment ennuyé d’une telle interrogation et de la réponse qui s’y accolait, j’ai d’abord mis cela au compte de l’ignorance et du manque de formation, jusqu’à ce que ce problème prenne une autre forme : celle d’une difficulté d’écriture que je n’avais jamais rencontré jusque là, puisque j’avais plutôt, comme on dit, « la plume facile ». Dans le contexte de cet exercice professionnel majeur que constitue écrire un rapport de comportement, je buttais sur la question du contenu : quoi dire, quoi décrire, quoi mettre (sur le papier) ? Là encore j’ai mis cela au compte du manque de formation. Pour autant, celle-ci n’a rien modifié. Elle m’a simplement permis de comprendre les codes ou les modèles professionnels à l’œuvre, tout en me laissant avec mes questions et mes embarras.

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Etant philosophe, ou en tous cas essayant de l’être, j’ai choisi de ne pas les refouler mais au contraire d’y appuyer une réflexion qui n’a cessé depuis, et a fini par la publication d’un livre et d’une série d’articles portant sur la question de l’écrit dans les situations professionnelles du travail social et sur les dispositifs pédagogiques susceptibles d’en faire changer la nature, et anticipant sur les dispositions légales en matière de droit des usagers, telles que la loi de janvier 2002 mais aussi la réforme de l’assistance éducative judiciaire ont été conduites à les préciser notamment pour ce qui concerne l’accessibilité aux dossiers. Cette présentation étant faite, venons en aux écrits produits ou à produire dans le cadre de la TPSE. 1°) Il convient d’abord de préciser, ou de se rappeler, que ceux-ci relèvent de la problématique générale des écrits prenant place dans la protection de l’enfance. La TPSE est une mesure judiciaire de protection de l’enfance qui combine approche éducative et économique. En ce sens, il n’est pas absurde de parler « d’éducation budgétaire des parents » comme effet possible d’une mesure de tutelle exercée avec succès au meilleur bénéfice du ou des enfants. Pourtant (j’emprunte une partie des propos qui suivent à Marie-Christine BENICHOU, votre vice-présidente, auteur d’un mémoire de Maîtrise sur le sujet), sans même parler de l’ambiguïté maintenue du terme « tutelle », son aspect éducatif et le lien de cette mesure avec la protection de l’enfance sont souvent cachés derrière une confusion avec la tutelle aux prestation sociales adultes qui s’adressent à ceux qu’on nomme, en raison des effets de leur maladie, de leur handicap ou de leur situation de dépendance, du joli nom « d’incapables majeurs ». Il faut donc, avant toute réflexion sur les écrits prenant place dans l’activité quotidienne de la TPSE, réaffirmer les principes. Les textes sont d’ailleurs finalement assez précis.  Article L.552-6

du code de la sécurité sociale : « Dans le cas où les enfants donnant droit aux prestations familiales sont élevés dans des conditions d’alimentation, de logement et d’hygiène manifestement défectueuses, ou lorsque le montant des prestations n’est pas employé dans l’intérêt des enfants, le juge des enfants peut ordonner que les prestations soient en tout ou partie versées à une personne physique ou morale qualifiée dite tuteur aux allocations familiales ».  Le décret

de 1969 définit les fonctions de ce « tuteur » : « Le tuteur aux prestations sociales reçoit les fonds versés par les services ou organismes débiteurs. Il doit affecter les prestations à caractère familial ou destinées à des enfants aux besoins exclusifs de ceux-ci et aux dépenses de première nécessité les concernant, en particulier aux dépenses d’alimentation, de chauffage et de logement. Dans le cadre de sa gestion, il est habilité à prendre toute mesure de nature à améliorer les conditions de vie et à exercer auprès des parents une action éducative en vue de la réadaptation complète de la famille. »

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La

procédure, enfin, est précisément cadrée et garantit les droits des personnes notamment en obligeant le magistrat à tenir une audience contradictoire au cours de laquelle la famille peut apporter ses explications et donner son avis, et en donnant la possibilité de faire appel de la décision. Il n’est pas inutile de rappeler en complément que les allocations familiales ne sont pas un droit des parents qui pourrait être supprimé, mais un droit propre et inaliénable de l’enfant.

Ce détour par les textes et ce qu’ils disent de la finalité de la mesure de TPSE, permet d’affirmer que si il existe un enjeu spécifique pour les écrits rendant compte de la mise en œuvre d’une mesure de TPSE, il est, au-delà de ce qui concerne le déroulement de la mesure, dans la défense et l’illustration de son sens éducatif. Cela signifie que le texte doit rendre compte de la mise en œuvre d’une mesure, éducative dans son principe, qui certes porte sur les aspects économiques mais ne se limite pas à ceux-ci et s’appuie sur le travail effectué avec les parents sur les questions de gestion du budget familial pour les rendre davantage sujets et responsables d’une éducation satisfaisante de leurs enfants. Dans ce contexte, il n’y a pas de différence de nature profonde entre une mesure de TPSE et une mesure d’AEMO judiciaire. Les deux sont aux prises avec la contradiction majeure de l’aide contrainte, qui prétend s’appuyer sur une mesure stigmatisante et disqualifiante pour requalifier. On peut reprendre ici la judicieuse formule de Marie-Christine BENICHOU de « mesure disqualifiante dans son exercice mais requalifiante dans son expérience ». Pour qu’une mesure de TPSE soit requalifiante dans son expérience, il faut sans doute, avec tous les aléas de ce processus, que la famille, ou ce qui en tient lieu, soit positionnée comme actrice et que s’institue en quelque manière une sorte de co-gestion. Un autre aspect des textes qui cadrent l’exercice de la TPSE concerne, on l’a vu, la procédure judiciaire du « contradictoire » et aboutit au même point. Le principe dit du « contradictoire » est un principe essentiel du Droit français, et au-delà de la Démocratie. Il n’est pas inutile de rappeler ici la manière dont le juge CHAZAL, connu pour son œuvre dans le domaine de la protection judiciaire de l’enfance, définissait l’autorité judiciaire dans son commentaire de l’ordonnance de 1958. « Parce que judiciaire, elle confère aux familles et aux mineurs l’ensemble des garanties que tout justiciable est en droit d’attendre de la justice de son pays :  garantie d’indépendance d’abord, le juge dans sa fonction juridictionnelle ne recevant de directives ni du pouvoir exécutif ni des autorités administratives (…)  garantie dans l’exigence de la preuve des faits qui motivent l’intervention (…)  garantie enfin dans le fait que le débat devant le juge doit avoir un caractère contradictoire, l’ordonnance du 23 décembre 1958 disposant que « le mineur, ses parents ou gardiens peuvent faire choix d’un conseil ou demander au juge des enfants qu’il leur en soit désigné un ». 61

Il a quand même fallu un rapport – le rapport Deschamps – en 2001 pour « réintroduire » cette procédure dans la justice des mineurs, et en rappeler un des moyens principaux, l’accessibilité du dossier pour toutes les parties. Au-delà du strict respect du Droit, c’est le contenu et le sens même des procédures et des mesures judiciaires en protection de l’enfance en danger qui sont en cause ici. Comme le disait le rapport Deschamps : «il n’y a pas de combat dans cette affaire délicate et souvent douloureuse de l’assistance éducative, mais un souci de trouver ensemble, parfois dans la confrontation, titulaires de l’autorité parentale et autorité judiciaire, la solution propre à assurer la protection de l’enfant. Cette solution qui peut passer par des confrontations doit au final être acceptée par les parents qui, s’ils sont privés partiellement ou momentanément de leur autorité parentale, doivent en retrouver le plein usage dans les meilleurs délais. (...) Ainsi les familles, invitées à adhérer aux mesures imposées, doiventelles se mobiliser pour y mettre fin dans les meilleurs délais. Le respect des règles de droit et plus particulièrement du caractère contradictoire de la procédure est de nature à favoriser ce mouvement : c’est la connaissance de tous les éléments du dossier qui peut permettre à tous les acteurs de ce dossier et plus particulièrement aux parties de le faire évoluer dans un sens favorable à la famille et à l’enfant. » Voilà, pour cette cartographie du débat sur les écrits prenant place dans la TPSE. Vous y aurez compris que ce n’est pas seulement des écrits dont il s’agit, mais bien sûr des pratiques au sein desquelles ils se déploient, notamment pour « rendre compte » (mais pas seulement), et de la place que celles-ci donnent ou non à ceux sur qui s’exercent, ou à qui s’adressent, les mesures. 2°) Les écrits, quels que soient leurs qualités ou leurs défauts « littéraires » ou « cliniques » (pauvres ou riches, bien écrits ou illisibles, intéressants ou lassants, engagés ou neutres…) viennent comme un reflet, certes déformé, des pratiques. Et ils donnent à voir souvent davantage ce qu’ils cachent que ce qu’ils disent. On peut s’amuser à les critiquer…. J’ai pris connaissance de quelques échantillons d’écrits produits dans plusieurs de vos services. Ils ne sont ni meilleurs ni pires que ce qu’on peut lire par ailleurs. Leur point commun est d’être le plus souvent des « écrits sur ». Les auteurs y décrivent la situation financière d’une famille, les problèmes de celle-ci à l’origine de la mesure, et, perdurant ou non, l’attitude des membres de cette famille à l’égard de la tutelle, ses « progrès » dans la gestion… Mais c’est toujours des autres qu’on parle, comme si celui qui écrit se trouvait en dehors de la situation, ou en surplomb, et pouvait en livrer une description –le mot est lâchéobjective, alors qu’il est bien entendu partie prenante de cette situation et qu’il en construit lui-même pour une part les représentations avec ce qu’il est, ses propres normes personnelles ou professionnelles, et que c’est enfin lui, comme auteur, qui écrit, c'est-à-dire donne la tonalité et organise la perception synthétique de la situation par le style qu’il emploie, le choix des 62

mots et de la syntaxe, le ton plutôt en faveur ou en défaveur de la personne : tout cela se joue en effet pour l’essentiel entre les mots, dans le style, c'està-dire dans l’habitation personnelle de cet écrit. Chacun peut faire cette critique lui-même. Par exemple en comptant le nombre de mots ou d’expression à connotation affective ou émotionnelle positive, ou à connotation affective ou émotionnelle négative, en déconstruisant les rapports, en y traquant les interprétations « sauvages » c'est-à-dire, à bien regarder ce qui est écrit, non explicitées ni argumentées, ou se présentant comme des « faits », en oubliant que les « faits » sont toujours le résultat d’une construction intellectuelle destinée précisément à les établir et à les discriminer, à commencer par le processus qui aboutit à ce qu’on retienne tel élément plutôt qu’un autre, dans un ensemble forcément changeant, complexe et multiforme…. Nous n’avons pas le temps de faire ce travail dans le cadre d’une conférence. Ce que je voudrais simplement dire, c’est que de tels « écrits sur » ne mettent pas que l’auteur en difficulté, mais aussi le lecteur. Quand on lit de tels écrits, on est bien obligé de croire l’auteur. Mais du coup ça ne donne pas à penser. Ce n’est pas inducteur d’une réflexion, et donc ça n’aide pas dans les processus de décision. Et si le lecteur est l’usager, comme c’est maintenant la règle possible, il ne le dira pas forcément, mais il se dira à luimême « qu’est ce qu’il en sait celui là de mes problèmes ?... » et parfois il pourra même dire « je ne suis pas celui ou celle que vous croyez ». Nous pourrons revenir là-dessus dans la discussion. 3°) Je préfère indiquer maintenant quelques voies possibles à mon sens par lesquelles on pourrait sortir de cette difficulté des « écrits sur » qui confondent le plus souvent rendre compte d’une action et « rapporter » (de quel droit ? en réponse à quelle demande ? dans quel but ?) les faits et gestes ou les pensées supposées d’autrui. Tout d’abord il faut je crois procéder à un déplacement d’objet. Dans la pratique dominante des « écrits sur » c’est effectivement l’autre ou les autres qu’il s’agit d’objectiver dans leurs comportements ou les causes de ces comportements. Il s’agit bien alors de les considérer comme des objets d’observation, de diagnostic, de réflexion, d’écriture, et les textes ainsi produits ne seraient que la communication à autrui de ces résultats en lui demandant de croire l’auteur sur parole alors qu’il est pris dans la relation avec l’objet/sujet de son discours. On peut sortir de cette aporie constitutive en essayant de dire ou d’écrire en première personne quelque chose non pas de l’autre ou des autres, mais de la relation telle que je la vois et la comprends, de ma place, en essayant d’en construire un récit réflexif adressé à autrui. C’est alors la relation qu’il s’agit de penser par la production d’un texte qui s’efforce d’en donner un récit crédible possible. Cela change tout. Si c’est la relation qu’il s’agit de penser et de mettre en texte, il faut affirmer d’entrée de jeu qu’elle ne pourra jamais s’élucider et restera une énigme. Cela ne dispense pas d’essayer d’en penser et d’en dire quelque chose en première personne, en assumant cette position en toute responsabilité, c'està-dire en acceptant les limites de la subjectivité et en mettant celles-ci au travail. Ce qui importera alors ce seront les questions que l’auteur se posera 63

sur cette relation et les tentatives de réponse qu’elles initieront, qu’il lui faudra confronter aux autres, à la logique, à leur congruence avec ce qui est déjà connu de la situation… Au fond il s’agira de soutenir ce qui vient à l’idée en commençant par se le rendre clair et en le confrontant à tout ce qui pourrait venir le contredire, ce que Platon appelait « le dialogue de l’âme avec elle-même » et que nous tenons depuis pour la pensée. L’écriture se fera alors « problématologique », c'est-à-dire, selon l’expression du philosophe Michel MEYER, « articulant un discours sur les questions qui en rendent compte ». La modalité « récit » apparaît ici comme la plus adéquate. Etant une mise en scène de l’agir humain dans laquelle nous tentons de nous rendre intelligibles et de rendre intelligible à autrui une succession d’évènements, y compris d’évènements de pensée, qui, pris isolément, ne signifieraient rien d’autre que de s’être produits, le récit construit ce qui devient ainsi une histoire, c'est-à-dire un ensemble cohérent possible. C’est évidemment une construction et il peut y en avoir plusieurs se rapportant à la même succession d’évènements, mais si cette construction se soutient de la mise en énigme qui la provoque, elle produit un récit ouvert, s’interrogeant sur sa propre possibilité et donc sur sa crédibilité, se proposant et s’exposant plutôt que s’imposant à un ou des lecteurs connectés de la sorte aux mêmes interrogations. Réfléchir sur la relation tout en la racontant, c’est ce que les travailleurs sociaux font tous les jours, et les délégués à la tutelle aussi. Mais l’écriture donne à ce processus une dimension que l’échange oral ne peut pas avoir. Écrire, ce n’est pas seulement nommer les choses, c’est aussi interroger la capacité des mots à représenter les choses pour un lecteur absent et libre de sa lecture, qu’il faut cependant tenter de contrôler suffisamment de telle sorte que la reconstruction et l’interprétation qu’il va opérer sur le texte en le lisant soit la moins éloignée possible de l’intention initiale de celui qui écrit. Dans ce contexte, et pour le dire autrement, si je veux faire voir ce que je vois, il me faut en même temps faire voir comment je vois ce que je vois. L’écriture oblige et permet tout à la fois de « voir et se voir en train de voir ». C’est cette possibilité et cette obligation qui lui donnent une place privilégiée dans les processus de pensée, et c’est là la véritable source à laquelle elle doit être reconnectée. Reste la question majeure : Pour qui écrit-on ? Au-delà de ce que dit désormais la loi, c’est évidemment « pour » celui et ceux à qui est destinée la mesure de TPSE. Il faut ici distinguer « écrire pour » et « écrire à ». J’écris « au » juge, mais j’écris « pour » la famille et surtout pour les enfants qui sont les principaux bénéficiaires de la mesure.

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Cela signifie, au-delà de la lecture possible qu’ils pourront en faire, que mon écrit doit pouvoir être lisible par eux et surtout qu’ils puissent en faire quelque chose pour eux. Ce principe, dès lors qu’on s’efforce de l’appliquer, change tout : le choix des mots, la syntaxe, la tonalité et le contenu des textes. Cela ne veut bien sûr pas dire s’appuyer sur ce principe pour « censurer » ce qui doit être dit, mais invite plutôt au respect et à la reconnaissance humaine des usagers, y compris dans les propos parfois très durs ou en tout cas douloureux que nous sommes souvent amenés à devoir tenir, dans leur intérêt ou celui de leurs enfants. Pour faire cela, tenir cette position, il faut se sentir soi-même sujet, libre et responsable. Toutes ces réflexions sur les écrits débouchent ainsi sur le nécessaire travail de subjectivation, c'est-à-dire de reconnection de l’acteur social qu’est le délégué à la tutelle au sujet qu’il est et qu’il demeure et qui reste la véritable source de toute relation, de tout lien et de toute écriture. Ce travail implique évidemment chacun et sa sécurité intérieure, mais aussi les institutions et la sécurité qu’elles permettent ou ne permettent pas. A ce point, la question de l’écriture renvoie à l’éthique (comment devons nous vivre ensemble et quels sont les principes communs qui rendent cette vie non seulement possible mais désirable ?) et à la politique (quelles sont les règles communes qui garantissent l’exercice de ces principes ?). D’où l’idée d’une « politique institutionnelle de l’écrit », à élaborer dans les services et avec les partenaires, représentants des usagers compris, et dont l’acte fondateur serait la question renvoyée à tous : « Pour quoi et pour qui écrivons nous ? » Mme CANRON A un moment vous avez dit « on doit écrire sur » -quelle serait l’orthographe de « sur »? Mr Jacques RIFFAULT Je dirais que pour cesser d’écrire sur (sans accent circonflexe) il faut écrire sûr (avec accent circonflexe). Mme Nathalie CANRON J’ai trouvé intéressant aussi la question du destinataire de l’écrit : écrire à et écrire pour. Mr Bertrand RAVON La famille c’est qui ? Quand on parle de la famille, on parle de qui ? Des enfants ? Des parents ? Je suis encore plus touché qu’hier par la sémantique de l’adresse. Mme Nathalie CANRON Il très important dans l'exposé des faits de rappeler comment est composée cette famille. Dans les rapports, il est important de rappeler qui sont les protagonistes de la situation, qui on rencontre, poser le cadre et seulement après donner la situation.

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Mr Bertrand RAVON Il y a la question de l'écriture collective et du sujet collectif. Pour pouvoir dire « je » il faut être autorisé par l’équipe dans laquelle on intervient. Quelle est la place de cette équipe et comment arriver à dire « je », « nous », « on » ? Mr Jacques RIFFAULT Sur cette affaire de subjectivation, d'équipe, sur le fond je suis d'accord car on n’est pas sujet tout seul. C'est d'ailleurs pourquoi j'ai dit qu'il fallait aboutir à une politique institutionnelle de l'écrit. Ce qui n'est pas à comprendre comme un formatage mais à comprendre comme l'élaboration progressive d'un « nous ». « Nous » c'est une conjonction de personnes, une conjonction de sujets. Ce « nous » là existe très peu. Je ne crois pas qu’il existe une écriture collective. Dans les formations que je fais, pour aboutir à un texte que tous puissent revendiquer comme étant leur propre production il faut que tous y participent. Pour ce faire, on va détailler ensemble, paragraphe par paragraphe, ce que l'on souhaite voir dans le texte en question. Chacun va donner sa proposition écrite et le groupe va choisir la proposition qui lui paraîtra la plus adéquate. La vraie écriture collective n’existe pas ou presque pas. Mme Bernadette FLAMENT - UDAF 26 Quand on parle au nom de l’Udaf, on écrit donc nous. Comment se positionner ? Mr Jacques RIFFAULT Il faut dans l'introduction de chaque texte indiquer votre situation, c'est-àdire que vous agissez « au nom de ». Donc, il faut indiquer « cet écrit est rédigé par Mme X en qualité de représentante de l’institution Z », ce qui veut dire que l'écrit engage Mme X mais également l'institution qu'elle représente. Il faut s'arranger pour que le lecteur ait le moins d'occasions de mal entendu possible. L’univers de la langue est par définition l'univers du mal entendu. C’est parce qu’on est dans le mal entendu du langage qu’il faut essayer d'être un peu plus précis. Dans les textes il faut toujours dire dans quel contexte il est réalisé, et à partir de là vous avez donné la clé de lecture et le lecteur comprend. Quand je travaillais avec des adolescents je faisais avec eux les rapports destinés aux magistrats et je tenais compte de leurs commentaires ou réactions à la lecture de chaque paragraphe. En introduction j'indiquais que le rapport avait été construit en présence de l'adolescent et que dans le texte on y trouvait ses réactions à la lecture. Du coup les magistrats avaient la mise en scène du travail éducatif.

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Mme Marie-Agnès NOEL Je pense que beaucoup d'entre nous se sont retrouvés dans les constats de nos écrits professionnel, notamment par le constat que la majorité de nos écrits sont des écrits binaires et que nous avons beaucoup à réfléchir sur la façon de progresser. Je retiens que nos écrits sont le reflet de nos pratiques. Dans ce sens, les personnes pour qui nous sommes mandatés sont-elles sujets ? Sont-elles objet de notre travail ? Ce constat ne s’applique pas uniquement aux rapports destinés aux juges des enfants. Cela interroge aussi toute forme d’écrits, toute tenue du dossier social, nos notes personnelles … Mr Jacques RIFFAULT Pourquoi écrire ? Il y a une idéologie et l'idée c'est que l'écriture ce n’est pas un outil, ce n'est pas un instrument. On croit que l’on écrit pour communiquer. Non, on écrit pour voir clair dans son monde, pour construire son monde. Je vais vous citer un exemple : à un moment, dans l'enquête que j'avais faite, je suis allé dans un institut médico-éducatif où la directrice, médecin psychiatre, et le chef de service, éducateur spécialisé, avaient débarrassé tous les salariés de l'institution de toute tache d'écriture en disant que c'était inutile de perdre du temps à écrire des documents qui ne seraient pas lus, autant être dans la relation avec les jeunes, les parents etc. C'était là le résultat d'une réflexion, le médecin psychiatre avait même fait sa thèse sur l’écriture. J'ai rencontré les gens et je suis tombé sur un jeune, embauché depuis 4 mois, qui disait comme les autres qu'il n'y avait pas besoins d'écrits. Mais, au bout d'un moment, il m'a dit « mais moi j'écris » et il m'a expliqué que, suite à une situation d'indécision à la fois professionnelle et personnelle, il avait commencé à écrire. En fait, cela lui permettait de démêler ce qui était de lui et ce qui n'était pas de lui. Donc, on n'écrit pas pour communiquer. On écrit pour déposer, mais surtout pour construire son monde, mettre en ordre son monde.

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25/11/2006 L'analyse des pratiques comme outil des professionnels au service de l'intervention Par Mme HENRI-MÉNASSÉ, psychologue clinicienne à Valence Introduction Si je travaille aujourd'hui comme psychologue et psychanalyste à Valence, j'ai au départ une formation d'assistante sociale et une pratique d'éducatrice spécialisée. Je me suis beaucoup déplacée sur le terrain du travail social et c'est ce qui, au fil du temps, a donné naissance à mon intérêt pour l'analyse de la pratique. À l'arrière-plan, se trouve donc l'expérience personnelle de la réalité des lieux de pratique qui certainement a pesé dans mon investissement. Actuellement, j'interviens moins en analyse de la pratique et travaille davantage à la transmettre comme pratique à part entière dans une formation universitaire destinée aux psychologues ou formateurs qui souhaitent la mettre en œuvre. Ce que je vais vous dire au cours de cette intervention sera en partie au moins appuyée sur une expérience de l'analyse de la pratique effectuée auprès du Service des Tutelles de l'UDAF de la Drôme, avec lequel j'ai travaillé pensant une dizaine d'années. La façon dont le sujet m'a été proposé m'a fait penser que, peut-être, les participants de ce forum ne connaissaient pas tous l'analyse de la pratique et qu'il fallait, pour commencer, faire rapidement un petit tour de présentation de cette activité et voir en quoi elle pouvait avoir un sens dans la durée de l'exercice professionnel. Dans un deuxième temps, je déplierai quelques points concernant la rencontre de l'analyse de la pratique pour les tuteurs au regard de la population avec laquelle ils travaillent. Origines L'analyse de la pratique est une pratique bâtarde, métisse. C'est une pratique qui amalgame une série de représentations venues de pratiques antérieures. La première s'ancre du côté d'une pratique américaine, le case-work, dont on pourrait dire qu'il est lui-même une relecture de l'esprit des lumières, exporté sur le continent américain et retravaillé par les dynamiques du « do-it-yourself ». Le case-work était quelque chose de tout à fait innovant qui soutenait l'idée que pour les travailleurs sociaux il était important de proposer une aide dans laquelle la personne aidée était actrice. La devise du case-work pourrait être « aide toi et le ciel t'aidera ». Le case-work va retraverser l'Atlantique et rencontrer dans une école du service social londonienne, Michaël BALINT, psychanalyste et médecin. Son nom va rester attaché à cette méthode.

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Invité par sa femme, qui travaillait dans cette école, à venir animer une session de case-work, Balint propose au groupe de travailler différemment, de laisser de coté la lecture de l'analyse des cas, sur laquelle se basait de manière serrée la méthode du case-work, et d'associer librement sur ce qui leur venait à propos d'une situation de pratique. Il a plus tard, développé cette façon de procéder auprès de groupes de médecins et ce dispositif de travail a fait l'objet d'un investissement très important par des praticiens souvent très seuls dans leur rencontre avec leurs patients. La pratique du « Balint » s'est vite évadée du champ de la médecine pour se promener du côté du social. Cette approche à ainsi migré et quelques psychologues ont commencé à la mettre en œuvre dans les années 60. Il faut ici recontextualiser un peu. La profession de psychologue était très récente et il y avait alors peu de psychologues sur le terrain. Dans la région lyonnaise, au départ, seuls 4 ou 5 d'entre eux mettaient en œuvre le Balint. Dans la région Rhône Alpes, la dimension des réseaux interpersonnels est telle qu'il est encore relativement possible de suivre « l'itinéraire » des filiations dans les pratiques sociales. C'est ainsi, que l'on pourrait dire que l'ouverture d'un centre de formation semble avoir été déterminante dans le nouage entre l'analyse de la pratique et le terrain, et dans la façon dont par la suite elle à été transmise. L'ACFPS (Association Communautaire de Formation aux Pratiques Sociales), au travers de ses deux établissements de formation Recherches et Promotion et Loire-Promotion, a mis au cœur de la formation de l'éducateur, au coeur du dispositif l'analyse de la pratique. Rappelons qu'une formation est un endroit où l'on change. C'est un endroit où l'on essaye de s'identifier à quelque chose qui est une représentation que l'on a de la professionnalité, une représentation de soi dans l'avenir, souvent idéalisée. Quand un dispositif est au cœur d'une formation et qu'il en est le lieu vivant, le lieu même où la transformation s'élabore, il s'en trouve aussi extrêmement investi. Cela é été le cas pour ces deux centres de formation. Les éducateurs de retour dans leurs terrains professionnels ont parlé de l'analyse de la pratique et ont demandé à ce que cela ait lieu dans les établissements. Ainsi s'opère une première migration. Les établissements se sont rapidement trouvés en panne de psychologues pour mettre en œuvre l'analyse de la pratique, et comme entre temps, des « bataillons » de psychologues avaient été formés par l'université, (à l'origine c'était surtout des intervenants extérieurs qui faisaient l'analyse de la pratique), les établissements se sont tournés vers elle pour demander des intervenants. C'est ainsi que, progressivement, l'analyse de la pratique est rentrée à l'université, par la petite porte, celle de la formation permanente, mais s'est aussi trouvé « labellisée » par l'université et les universitaires. Du fait de la diversité des lieux et des gens qui la mettent en œuvre, elle va être une pratique multiforme. Il y a certainement beaucoup de façons de faire l'analyse de la pratique. Nous voyons dans l'équipe même du Diplôme universitaire d'Analyse de la pratique, à Lyon II, que partager une représentation de ce qu'est l'analyse de la pratique, laisse intact nombre de différences dans la mise en œuvre parce qu'une part importante du dispositif repose sur les composantes personnelles de l'intervenant. 70

Qu'est-ce que c'est l'analyse de la pratique ? C'est un dispositif de parole en groupe où il est question d'évoquer dans un lieu où la confidentialité est assurée, des questions de toute nature relevant de la rencontre professionnelle. Il est important, pour proposer une écoute dégagée du discours habituel de l'institution que l'intervenant soit extérieur. Mais il existe aussi des intervenants en interne, c'est-à-dire des psychologues d'une institution qui vont faire de l'analyse de la pratique avec tout ou partie du personnel de la même institution. C'est un espace destiné à poser des questions liées à ce que chacun rencontre dans sa pratique quotidienne, et qui va être pris dans un double mouvement : celui du soutien permanent à la professionnalité et celui du soutien au « mouvement de prendre soin » –C'est une pratique de mi-chemin entre former et prendre soin. Ce qui sous-tend ce travail, est l'idée que l’on n'a jamais fini de devenir professionnel. Nous pourrions dire, en souriant, que quand on fini par « être » professionnel, on est peut-être un « professionnel fini ». De la même manière que l'on n'a jamais fini d'être « je » tant qu'on est vivant, parce que tous les jours on rencontre des choses différentes. On ne peut rester psychiquement vivant et actif dans les positions professionnelles qu'en interrogeant en permanence ce que l'on fait, comment on le fait et « qui on est » quand on le fait. L'analyse de la pratique c'est aussi, de manière plus basique et basale, le lieu où l'on va pouvoir collectivement prendre soin de soi. Non pas comme en thérapie, mais prendre soin de soi, être dans un endroit dans lequel on peut penser et mettre hors de soi en parlant, dans un groupe de pairs, avec un confort suffisant, ces choses difficiles à dire ou à penser et auxquelles les pratiques sociales se confrontent. L'analyse de la pratique est avant tout le lieu d'une narration. L'endroit où l'on va raconter des histoires et où l'on va aussi « re-humaniser » les histoires horribles que chacun rencontre, et permettre ainsi de remettre au centre des préoccupations les personnes dont le groupe de professionnels doit prendre soin, de façon à ne pas les transformer en « objets », en objets de la mesure comme l'on pourrait dire l'objet d'une manipulation, ou l'objet d'un abus de pouvoir. Donc, l'analyse de la pratique ce serait tout cela et sûrement encore plein d'autres choses. Mais il y a un certain nombre de choses que l'analyse de la pratique n'est pas. Toujours en souriant un peu, et à partir d'une expérience reposant sur un assez grand nombre d'institutions, on peut faire le constat que l'analyse de la pratique c'est très bien quand ça marche, mais on se demande souvent pourquoi ça marche car finalement elle n'a pas grand-chose pour marcher. Tout d'abord, cela marche très, très, bien dans les institutions qui vont très bien. Elle ne « marche » pas mal dans des institutions qui ne vont pas très bien mais peut ne pas marcher du tout dans les institutions qui vont très mal. Simplement parce que l'analyse de la pratique ce n'est pas un lieu de régulation des tensions institutionnelles. Ce qui ne veut pas dire que de temps à autre, elle n'a pas à traiter avec quelque chose qui fait crise dans une institution. Il n'y a d'ailleurs aucune institution qui ne traverse, à un moment ou un autre de son histoire, des périodes de crise. Et répétons-le, la crise est avant tout un phénomène mutatif, un opérateur -parfois douloureux- de changement.

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Mais l'analyse de la pratique n'est pas un dispositif chargé de soigner une institution qui a « bobo à l'âme ». En revanche c'est un endroit infiltré en permanence par le fond institutionnel, ce qui le fonde et ce qui s'y déploie. Par exemple, une institution qui s'occupe de délinquants, le jour où elle va mal elle a tendance à « délinquer ». De même, qu'une institution qui s'occupe de personnes sourdes quand elle va mal, « n'entends » plus rien. Ces phénomènes d'homomorphie, de résonance et d'emboîtement des registres psychiques sont aujourd'hui bien connus. On pourrait se demander ce qui se passerait dans une institution qui s'occupe de tutelles le jour où elle va mal… Et pour rester dans ce genre de question peut-être que c’est du côté de l'excès que pourrait ici se poser le problème. Il est à se demander si l'excès de liberté dans la gestion des mesures, qui peut aussi ouvrir à un excès de solitude et un excès de désintérêt, n'est pas la pire chose qui puisse arriver à la pratique des tuteurs ? L’endroit où l'analyse des pratiques va se dérouler L'analyse de la pratique dans une institution, ouvre un lieu qui va venir se surajouter à d'autres. C'est un espace de médiation. Des professionnels vont se parler à partir et à travers une médiation qui est la pratique. Mais le travail de tuteur est lui aussi, et avant tout, un travail de médiation ordonné par le juge. La présence de cet acteur sera rappelée par le texte de l'ordonnance qui fonctionne comme un metteur en scène imposant une rencontre entre le tuteur mandaté pour exercer la tutelle et la famille X. Famille qui est peut-être demandeuse de la tutelle ou peut-être pas, mais qui est obligée de rencontrer le délégué. C'est sous l'égide de ce metteur en scène, quelque peu contraignant que va se placer la tutelle. Il est nécessaire de faire le détour par la mesure parce qu'elle structure le rapport entre les acteurs de façon particulière. En effet, les mesures judiciaires liées à la protection de l'Enfance ont un caractère éducatif, et sont une façon de faire offre d'aide dans des situations familiales devenues délicates ou douloureuses, il s'agit de ce que l'on pourrait nommer une offre contrainte. Une mesure judiciaire qui fait offre, c'est-à-dire qui propose une aide pour qu'un usager retrouve une place dans une communauté sociale, et qui à un caractère coercitif, en ce qu'elle oblige les personnes à prendre soin des enfants ou d'elles-mêmes. Inévitablement, les tuteurs doivent se débrouiller avec ce double mouvement. Il est difficile de tenir ces deux dimensions sans basculer d'un côté ou de l'autre. Comment faire, pour ne pas basculer du côté du tout beau de l'offre ou du tout radical de la contrainte ? C'est sur le terrain ainsi balisé que vient prendre place l'analyse de la pratique. La situation est d'autant plus complexe que les tuteurs ne rencontrent pas une seule famille, mais des dizaines et que leurs problématiques sont souvent fort différentes. Une tutelle aux prestations familiales, cela peut être un coup de pouce donné à un groupe familial qui a une difficulté pas très grave et relativement passagère, qui a des ressources et qui va profiter tout de suite de ce qui est mis à sa disposition.

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Mais cela peut aussi se situer sur le terrain d'une histoire depuis longtemps souffrante, dans laquelle il y du « détricotage » symbolique sur plusieurs générations. Les tuteurs vont alors se retrouver avec des situations de chronicité et de répétition, absolument implacables, qui peuvent les renvoyer eux-mêmes, tout droit à des positions de désespoir suscité par les sentiments d'impuissance convoqués dans la rencontre. Évidemment penser la tutelle dans le premier cas et dans le deuxième ne revient pas au même. Et s'il y a plusieurs façons de faire l'analyse de la pratique, il apert aussi qu'il y a plusieurs façons d'exercer les mesures de tutelle. Pour répondre à cette diversité, il ne saurait y avoir de « procédure » unique d'exercice des mesures et il reste à être souple et inventif. Deux mots encore sur l'aspect coercitif. En terme psychique, nous pourrions dire que la mesure de tutelle fonctionne comme un dispositif contenant. Ainsi dans les familles qui seraient en risque d'éclatement, de dispersion, de partir en morceaux, le côté contraignant de la mesure est justement ce qui va permettre de garantir la sécurité de tous jusqu'à ce que le « travail de prendre soin », que propose la mesure, soit suffisamment soutenant pour aller de l'avant. Dans ce contexte, l'argent va être un précieux agent de médiation, permettant de fabriquer une zone d'échange, un langage commun avec d'autres qui ne parlent pas encore forcément la même langue. Cet outil de médiation représente une opportunité considérable pour les tuteurs, c'est la raison pour laquelle, cette mesure leur permet bien souvent d'être les seuls à pouvoir conserver des liens avec des familles en situation précaire. La question des dettes dans les mesures de tutelle Bien sûr c'est toujours sur fond de difficulté budgétaire que l'on demande aux tuteurs d'intervenir dans des situations familiales. Souvent là où il y a des dettes importantes. Mais aucune dette ne ressemble à une autre et il convient de se rappeler qu'une dette n'est pas autre chose qu'un symptôme, traduisant une ou des difficultés ou souffrances particulières. Pour préciser un peu cela nous allons nous arrêter un instant sur une forme de dette très présente et souvent à l'origine des mesures : la dette de loyer. Lorsqu'en fin de mesure, une dette de loyer se trouve résorbée, par l'effort conjoint de tous les acteurs et qu'il ne s'en crée pas de nouvelle, qu'il n'y a pas de répétition, si le départ du tuteur n'engendre pas de « rechute », et bien nous conclurons tranquillement qu'il était question d'une difficulté passagère ou d'un travail d'éducation budgétaire et que la mesure à atteint son but. En revanche si la situation de dette de loyer se chronicise, c'est sans doute qu'il est question d'autre chose, et il peut être alors opportun de comprendre ce que représente cette dette et ce qui en terme de dynamique psychique la fabrique et l'entretien.

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En effet, payer un loyer c'est payer un « chez-soi », pour être chez-soi, « exister » chez- soi. Mais qu'est-ce que c'est « chez-soi » ? « Chez-soi » c'est l'endroit où l'on est tranquille, où l'on peut se sentir bien, sans se poser de questions sur l'image que l'on donne aux autres, c'est l'endroit où se trouvent nos possessions, les choses auxquelles on tient. C'est surtout le lieu que l'on partage avec nos proches, avec ceux avec lesquels on vit. C'est donc aussi le lieu où l'on aime, où l'on rêve, où parfois l'on se passionne, où parfois l'on déteste et où l'on souffre parfois. « Chez-soi » est ainsi un haut lieu de notre vie psychique et affective. Dans bien des situations familiales, les tuteurs évoquent des « chez-soi » peu investis, tristes ou en grand désordre. Et si alors, pour ces usagers, « chez-soi » au lieu d'être l'espace de tranquillité, l'abri serein, renvoyait depuis longtemps, peut-être depuis toujours, à un endroit où l'on a eu faim, à un endroit où il faisait froid, à l'endroit où avaient lieu les disputes familiales... Et puis, si tous ces « chez-soi » ramenaient tout droit au tout premier chez-soi ? C'est-à-dire « un utérus maternel qui ne voulait pas de moi ». Et si, tout à coup, « chez-moi », était aussi l'endroit où je ne peux pas payer ma dette parce que si personne ne veut de moi, eh bien pourquoi devrai-je à mon tour payer pour ce « logement-utérus rejetant ? ». Ces réflexions, qui ne prétendent évidemment pas donner de clés pour comprendre le sens des dettes, toujours prises dans l'histoire individuelle de chaque sujet, témoignent simplement de la façon dont les mouvements psychiques, le plus souvent parfaitement inconscients, viennent faire irruption du côté de la réalité. Mais l'on peut mesurer à cette aune combien, lorsqu'il est question de dette de loyer, les choses peuvent devenir très compliquées. Par exemple, lorsque en présence du tuteur les personnes affirment qu'elles vont payer le loyer, elles sont le plus souvent sincères. Et souvent, cependant, elle ne le font pas…Ce n'est pas ce que l'on a vite fait, à partir de jugements péremptoires, de nommer de la « mauvaise volonté », c'est bien plus compliqué : simplement, quelque chose, à l'intérieur d'elles, que ces personnes ne contrôlent pas, s'oppose de façon radicale, et vitale parfois, au fait de payer la dette de loyer. Une des dernières situations entendue peu avant d'arrêter le travail avec les services de l'UDAF est, de ce point de vue, tout à fait emblématique. Il s'agit d'une famille en tutelle depuis longtemps avec des problèmes de loyer récurrents. La tutrice travaille à la résorption de la dette, et cela marche une première fois, la tutelle s'interrompt. La dette reprend, la tutelle aussi, et cela dure. Longtemps. La tutrice finit par gérer elle-même le paiement du loyer et tout va bien, quand elle s'interrompt et en confie la charge à la famille, la dette à nouveau se creuse. Les enfants grandissent, cela se passe plutôt bien pour eux, mais bientôt il n'y aura plus d'allocations familiales et il faut quand même réussir à régler, une fois pour toutes, ce problème de paiement du loyer.

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Toute la famille se mobilise, même le patron du père, et dans un bel élan toute la dette de loyer est réglée, et des petits remboursements échelonnés prévus. Tout semble pour le mieux, y compris le réel soulagement des acteurs familiaux… Et le lendemain, le père de famille décompense et se retrouve hospitalisé en service de psychiatrie. La tutrice se souviendra alors que cet homme avait été abandonné à la naissance. On pourrait penser, ici, que la dette, avec ce qu'elle drainait du côté de l'angoisse, de la rancune, de la douleur, de la difficulté d'être, en somme avait au fil du temps constitué un symptôme qui avait permis à cet homme de se tenir debout et d'assumer, au fond pas si mal, sa position de père. Dans cette situation, nous pouvons penser que maintenir cette dette de loyer revenait pour lui à maintenir quelque chose d'ouvert du côté de la filiation. En tout cas fermer la dette de loyer retentit comme une condamnation à une douleur intolérable. Un risque de mort psychique. C'est là un exemple extrême, mais on pourrait parler aussi des dettes récurrentes de santé, de chauffage, etc… On voit bien que ce qui va se répéter, est au-delà du raisonnable, et demande une prise en compte tout à fait particulière, mais vers laquelle on ne peut pas amener les gens sauf à mettre en œuvre un forçage catastrophique. Les tuteurs pour leur part dans ce genre de situation sont confrontés à leur impuissance à « rendre les gens autonomes ». Effectivement, dans un certain nombre de situations, l'autonomie idéalisée par les travailleurs sociaux et les institutions qui les mandatent n'est pas possible… Il reste la position d'étayage, de soutien…de tutelle. Qu'est ce qui se passe dans l'analyse de la pratique ? Ce qui m'a beaucoup intriguée au départ du travail avec les tuteurs c'était le constat régulier de la désertion des autres travailleurs sociaux dès qu'il y avait une mesure de tutelle. Apparemment cela se passe encore comme cela. Ces situations semblent se présenter comme une « patate chaude ». Une fois que quelqu'un a pu transmettre le dossier, il se dépêche de se mettre aux abonnés absents. Du coup, les tuteurs se retrouvent bien souvent dans un espace d'isolement extrêmement important. Par ailleurs l'organisation institutionnelle redouble la difficulté, en effet, le travail de milieu ouvert renforce souvent le sentiment « d'être seul » avec ses mesures et chaque tuteur en recevant un dossier, peut se sentir à la fois l'unique interlocuteur et l'unique responsable de son devenir... Dans ce contexte, l'analyse de la pratique donne l'opportunité à chaque professionnel de parler avec les autres, de partager ses difficultés ses inquiétudes et de ne pas se sentir totalement isolé dans des histoires de défaillances, dans le « je ne sais pas faire » ou « je ne sais plus faire », ou « je n'en peux plus ». Au bout de quelques années d’expérience, il apparaissait clairement, et à vous dire vrai ce n'était pas tout à fait une surprise, que plus les situations étaient « névrotisées », c'est-à-dire, en jargon psy, plus les difficultés des familles ressemblaient sensiblement à celles de tout un chacun, plus il y avait de monde en capacité d'intervenir.

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Il apparaissait aussi, à l'inverse, que plus les situations familiales faisaient apparaître des souffrances graves appartenant au registre des grandes « désymbolisations », plus la dégradation des situations relationnelles était avérée, moins il y avait de travailleurs sociaux présents - nous connaissons tous ces mesures d'AEMO ou de prévention dites « inexerçables » - et plus le dispositif social reposait sur la mesure de tutelle. Cet état de fait se traduit régulièrement par un sentiment de pression sociale accrue sur la personne du tuteur restant en place, qui se trouve alors convoqué dans une dangereuse position de toute puissance. Autrement dit, plus les situations tirent vers le versant d'une organisation psychotique des liens intrafamiliaux, plus elles sont compliquées, plus il y a difficulté à faire tiers, et moins il y a de personnes en position et en capacité de le faire. C'est d'ailleurs comme cela qu'on met, avec le secours des grandes institutions des secteurs du soin, de l'éducation et de la rééducation, comme la justice, l'école ou la santé publique, très tranquillement, hors de la société une partie non négligeable de la population. Et vous le voyez ici, cela ne s'adresse pas seulement aux usagers des services de tutelle. J'ajouterai que les pratiques de terrain montrent aussi comment la défaillance de la prévention primaire, pratiquement démantelée par les effets du premier processus de décentralisation, à conduit en deux décennies à une judiciarisation de la souffrance. De ce côté-là, les trajectoires des personnes qui aboutissent aux mesures de tutelle sont tout à fait impressionnantes. En effet, je vous parle ici de ces sujets qui se battent avec des formes de souffrances anciennes, multiples, « désymbolisées ». Souffrances et rejets qui prennent un tel poids dans la réalité, que ces personnes ne peuvent entrer dans les catégories de représentations de la majorité d'entre nous, dans ce que nous partageons plus ou moins, certes, mais qui fait qu'au bout du compte nous avons le sentiment d'appartenir à une culture, une société. Pour assurer leur survie, ces sujets ne peuvent entrer dans des moules. Là encore, non par mauvaise volonté, mais parce que ce n'est simplement pas représentable pour eux. Alors il y a des dettes, des actes qui peuvent paraître bizarres et incompréhensibles. Et comme il n'y a pas toujours les mots et que les actes sont étranges, vous, tuteurs, allez entendre ce qui se passe dans leur univers avec vos ressentis qui vont se trouver au cœur de la rencontre. Ces sujets, - les tuteurs le disent souvent - sont fatigants, sont usants. Ce sont des gens qui pompent, qui vident… tous ces mots que l'on entend sont précieux parce qu'ils parlent à la fois de ce qu'ils vous font vivre et de ce qu'ils vivent, eux aussi. Comment ces hommes et ces femmes, ces enfants parfois se sentent « pompés », « vidés », « lâchés », « perdus », « abandonnés »… Tous ces gens qui vous donnent le sentiment de dispersion par exemple… Bien sûr c'est vous qui éprouvez la dispersion dans votre travail, mais en grande partie parce que vous avez reçu en dépôt, dans la rencontre avec eux, une part de leurs propres sentiments de dispersion ou de morcellement et d'impuissance.

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Ainsi, le plus souvent à votre insu, êtes-vous amenés à être des réceptacles de la souffrance d'autrui, ce qui peut vous conduire à avoir besoin d'espace décodeur, afin de séparer ce qui vous appartient, de ce qui appartient à ceux qui viennent poser cela à l'intérieur de vous parce qu'ils n'ont pas de place psychiquement pour se représenter quelque chose du monde et de leur rapport à celui-ci. Leur demande implicite c'est que quelqu'un puisse se représenter leur souffrance, pour, peut-être, pouvoir se la réapproprier eux-mêmes et en faire quelque chose ultérieurement. C'est un jeu d'élaboration long et complexe, que la psychologie et la psychanalyse, nomme comme relevant de la relation transféro-contretransférentielle ; jeu toujours présent entre eux et vous, et le plus souvent, bien sûr, sans que cela soit réellement conscient. L'analyse de la pratique justement travaille essentiellement à élaborer les dynamiques de transfert et de contre-transfert, dont certaines sont très silencieuses et d'autres qui le sont moins. Du côté des tuteurs, la part silencieuse, c'est-à-dire la part de dépôt psychique correspondant aux projections dont ils font l'objet de la part des usagers, est extrêmement lourde et il est du coup nécessaire qu'ils soient étayés dans leur position professionnelle pour pouvoir penser le travail avec les usagers, pour récupérer leur possibilité de penser et d'investir le travail avec ces usagers. Si ce n'est pas possible, les tuteurs vont devoir se défendre, et c'est normal, mais se défendre en reproduisant exactement ce qui a mis, par le passé, les usagers à mal. Il y a ainsi fort à parier que ces modalités de défense vont être la reproduction, la remise en scène d'un abus de pouvoir, dont les membres de ces familles ont été autrefois victimes. Et, comme vous avez mission de gestion, je suppose que vous aurez pu faire vous-mêmes le constat qu'il n'est pas difficile de perpétrer des abus de pouvoir à partir de l'argent. C'est-à-dire que vous pouvez, « pour leur bien », gérer l'argent comme ceci ou comme cela ; « pour leur bien », faire tel ou tel choix. N'empêche que « pour leur bien », c'est un abus de pouvoir. Parfois, d'ailleurs il faut s'y tenir à l'abus de pouvoir, il n'est évidemment pas question que, parce que quelqu'un à une histoire douloureuse, il soit autoriser à léser un autre, et sans doute les loyers doivent–ils être payés… Simplement, ce n'est pas pareil de le savoir - « j'ai le pouvoir, j'ai le choix de faire telle chose, à la place de l'autre », de le peser dans la relation, de dire ce qui est fait et pourquoi - que d'agir sans que cela soit soumis de votre part à un processus critique. Pour résumer ce point, je dirais que les situations que vous rencontrez sont pleines de gens qui souffrent, et qui souffrent à plein temps. Qu'au titre du mandat qui vous amène à côtoyer ces personnes, vous recevez à chaque rencontre une partie de cette souffrance, et par la suite, parce que vous êtes mobilisé au delà de ce qui vient à votre conscience, vous n'aurez jamais fini d'élaborer ce dépôt psychique, si vous voulez sauvegarder quelque chose d'une position professionnelle. Rassurez-vous, ce n'est pas le propre de votre seule profession, mais cela ne vous soustrait pas pour autant à ce lot commun. En sachant que, si vous ne parvenez pas à trouver un mode d'élaboration de la rencontre avec ces autres souffrants, vous risquez de vous réfugier, par un besoin de protection bien naturel, dans des impasses professionnelles assez courantes. 77

Ainsi, l'un des risques qui vous guette, c'est de recourir à l'idéal par exemple : « la profession de tuteur, c'est super !!! ». Et du coup vous pouvez être amenés à penser « qu'il y a des gens qui font ça super bien… et d'autres pas », avec le risque d'osciller d'une catégorie à l'autre. Ou bien encore, vous pouvez parfois souffrir tellement dans cette place que le seul moyen de survivre c'est d'exercer des mesures de rétorsion, ces fameuses choses que l'on fait pour le bien de l'autre, alors qu'il n'est pas du tout d'accord, « l'autre ». Là, le risque qui vous guette c'est de devenir « des petits blancs ». Dans la société nord américaine, on appelle « les petits blancs » cette catégorie de la population au départ vivant dans les États du Sud, qui est aussi pauvre que les noirs, aussi malheureuse que les noirs, mais qui est blanche et fière de l'être, et qui, à partir de là, peut faire subir à d'autres les humiliations qui la font elle-même souffrir… Un autre risque encore est celui de se réfugier dans la plainte récurrente : « je ne vais jamais y arriver », « on ne s'en sortira jamais », « personne ne nous écoute », « l'institution est méchante », etc. En effet, quand on n'est pas étayé et que les rencontres avec les usagers parlent sans cesse de la folie, de la douleur, de la haine, de l'inceste, de la mort, et bien on peut tomber dans ces pièges. Il n'existe pas de protection solitaire contre cela ; si vous êtes seuls vous risquez de devenir des « bonnes mères » et il n'y a rien de pire. Ce que je veux vous dire par là c'est que lorsque vous vous retrouvez dans la position de « bonnes mères » vous êtes convoqués ou en train d'agir à partir d'une position de toute puissance (à l'image de la mère du nourrisson qui sait, ou prétend seule savoir, ce qui est bon pour son bébé), et risquez de devenir des catastrophes ambulantes… Evidemment, moins vous êtes étayés par vos services plus vous risquez de devenir des « bonnes mères » et plus vous risquez d’être dans un processus d’appropriation des situations (c'est ma situation, mon dossier, mes mesures…). Et comment faire pour sortir de la situation ? Que se passe-t-il le jour où vous êtes malades ? Le jour où vous changez de secteur ? Le jour où vous partez en vacances ou en retraite ? Les usagers sont-ils alors contraints aux regrets éternels de la bonne mère ailleurs en allée ? Qui va pouvoir venir reprendre les situations familiales avec lesquelles vous travailliez ? Vous aurez entendu dans le ton sur lequel je vous dit tout cela la part de provocation que j'ajoute à mon propos. On dit trop peu ces choses-là, qui concernent l'éviction sociale de bon nombre de sujets avec la complicité silencieuse de l'ensemble social. La force de mon propos est à la mesure du silence tissé autour de ce scandale. Si je reviens à l’analyse de la pratique, j'ajouterai donc que c'est un endroit qui sert à garder ouverte la réflexion, qui sert à penser. Cela permet, par exemple, de se dire qu'il est possible de travailler à deux quand c'est trop dur de travailler seul. Ça sert d'étayage et c'est bien utile pour s'interdire de se voir trop bon - ou trop mauvais - dans sa pratique. C’est un endroit pour déposer ce sentiment pénible qu'est la déception. La déception de savoir qu’on ne sera jamais assez bon, jamais suffisant. Ça sert encore à pouvoir se dire, et à dire à d'autres parfois, que l'on n'en peut plus, que l'on ne peut plus avancer. Je pourrais aussi ajouter que l’analyse de la pratique est quelque chose d’assez modeste. C’est un petit bricolage précieux parce que plus nous allons, plus nous avons une société qui supporte mal l’hétérogénéité.

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Les pratiques sociales sont des pratiques d'agents doubles, nous sommes là pour « insérer », « amalgamer », « récupérer » ceux qui peuvent entrer dans les moules dont nous parlions tout à l'heure, ou pour maintenir à distance ceux qui ne le peuvent pas ou qui s'y refusent. De quelque côté que nous nous tournions, nous sommes traîtres à quelque chose ou à quelqu'un. Du coup, ce qui est « différent » de l'ensemble social majoritaire, ou de la représentation que nous en avons chacun, est très vite susceptible de basculer dans le « dangereux ». Et devant le dangereux nous nous reconnaissons tous, évidemment, le droit de nous protéger et le droit de mobiliser la haine. L’analyse de la pratique sert à résister à l’attaque de la haine. A l'attaque de la haine par laquelle l'autre en difficulté vient interroger notre position, notre cohérence, notre visée, et à l'attaque de nos propres mouvements haineux, qui bien sûr peuvent vouloir viser l'autre rendu responsable de nos violents éprouvés de déplaisir et de crainte. L'analyse de la pratique est un endroit où l'on peut réfléchir aussi sur le social et essayer de ne pas basculer dans des systèmes technocratiques. Je parle souvent de ce processus que je nomme la mélancolisation du lien social : l'expérience nous montre que nous portons en héritage, des conflits anciens, au cœur de notre corps social, et qu'une partie de la population dite « en marge », est extrêmement utile au reste de la société, extrêmement utile à la bonne conscience du reste de la société. Cette bonne conscience a vite fait de nous rendre complices « d'un meurtre permanent » qui se perpètre à bas bruit. Si nous ne prenons pas garde, nous risquons, au titre de cette position d'interface que nous occupons en tant que travailleurs sociaux, ou psychologues auprès des institutions, entre le corps social et cette partie de la population qui serait située à la marge, d'être utilisés, souvent à notre corps défendant, comme le bras armé des idéologies normatives essentiellement, surmoïques et cruelles parce que terrifiées. Et de devenir ainsi les acteurs d'un meurtre social réitéré. Une société technocratique qui va répondre par des systèmes de procédure à la souffrance, est une société dans laquelle, la déresponsabilisation individuelle est en marche. Il y a des choses très graves qui peuvent alors se passer, et je rappellerai pour mémoire que le III Reich, par exemple, était un système technocratique avant tout. D’une certaine façon, nous rencontrons actuellement dans notre corps social des systèmes de même nature, qui fonctionnent en contribuant à l'exclusion des plus fragiles d'entre nous, et nous mettons collectivement à mort tous les jours – et c’est important de le dire – dans le registre, oh combien banalisé de l’exclusion. Je ne pense pas que l’on puisse longtemps se soutenir de la « mort » des autres.

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Débat autour de l’analyse de la pratique Mr Bertrand RAVON : Dans cette conclusion il y a, je pense, une ouverture politique. On voit bien comment le fait d’écouter la souffrance, de la recevoir, de l’analyser collectivement dans ces groupes d’analyse de la pratique, est absolument fondamental. Et, en même temps, il y a toujours ce souci d’arriver à traduire ce qui se dit d'aussi important dans ces sessions-là pour en faire des vecteurs d’implication politique dans les institutions, auprès des élus et justement des technocrates. C'est-à-dire, comment peut-on s'y prendre pour arriver à traduire un certain nombre de convictions qui se poursuivent collectivement, auxquelles on s'attache, des raisonnements, des manières de penser collectives ? Comment on peut arriver à les extérioriser pour justement lutter contre les procédures et en faire des savoirs faire d’équipe, qui soient localisés et « instituants » mais pas procéduraux ? Comment s’y prendre ? Mme HENRI-MÉNASSÉ : Je n’ai pas de réponse à cette question dans l’ensemble. Pour l’instant, c’est seulement dans des niches écologiques, des endroits préservés, qu'il me semble que l’on arrive modestement à essayer de rester entre humains, en espérant que ces endroits-là gagnent du terrain peu à peu. Comme je l’ai dit, je travaille aussi comme psychanalyste et je suis souvent désespérée par l’attitude de nombre de mes collègues psychanalystes devant le désintérêt pour la chose politique. Je pense que nous n’avons pas le choix, avec ce que nous entendons et ce que nous voyons, qui évidemment est de l’ordre de l’individuel et du subjectif, mais au bout d'un moment 1 + 1 + 1 cela finit par faire autre chose que 1, et je pense que nous avons des choses à dire des mouvements de fonds auxquels nous assistons. (un participant non identifié) Quelles sont les qualités requises pour un intervenant de l’analyse de la pratique ? En sachant que j'ai eu deux expériences, une très longue et malheureuse avec un clinicien qui exploitait un peu les difficultés personnelles des gens, que j'ai perçu un peu comme un psychanalyste, et une expérience récente dans la tutelle, où un médecin psychiatre ne laissait pas les gens aller trop loin dans l'évocation des problèmes personnels etc. et qui recadrait et décodait les choses. Cette expérience me paraissant quand même plus saine que la première. Qu'est ce que vous en pensez ? Mme HENRI-MÉNASSÉ : Je ne peux pas vous dire qu'elle est la bonne façon. Lorsqu’on fait une analyse de la pratique avec des tuteurs, ce sont les tuteurs qui viennent parler des situations. Il est important que les gens parlent des situations et, au passage, quand on travaille ensemble depuis plusieurs années, on repère « groupalement » que tel tuteur se prend la porte dans le nez toujours de la même façon et que ce n'est peut-être pas la famille qui est en cause, mais quelque chose qui lui appartient, à lui. Cela fait partie de ce que l'on voit dans l'analyse de la pratique. Mais c'est peut-être ailleurs pour la part qui le concerne que le tuteur doit ou peut régler la question.

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J'aurais aussi tendance à penser que quand on parle, on déplace les représentations. Quand on parle ensemble autour d'une situation, il y a la première fois, puis, lors de la deuxième narration on a tous en tête ce qui s'est dit avant, puis vient la troisième fois, etc. Et progressivement on grandit ensemble dans le groupe, on s'appuie les uns sur les autres. Il n'est pas question d'analyser l'un des tuteurs. Il n'y a pas à confondre l'espace du divan et de la cure analytique avec celui de l'analyse de la pratique, même s'il est bien question de subjectivité et de processus psychiques. Qu'est-ce qui se passe entre la personne qui raconte et celle dont il est question ? L'objet de l'analyse de la pratique, c'est ce qui est entre, c'est le contraire d'une pratique de l'objectivité, c'est une pratique de subjectivation. Du coup il n'y a pas de recette. De mon point de vue, l'une des difficultés que j'ai eue avec l'UDAF et je l'ai dit plusieurs fois, est qu'il n'y ait pas de psychologue dans l’UDAF. Dans le cadre de l'analyse de la pratique, dans cette institution-là particulièrement, j'ai eu le sentiment de sortir souvent de ma place pour essayer d'expliciter ce qui était en question et qui de mon point de vue appartenait davantage à un travail qu'un psychologue peut faire du côté institutionnel. Mr Philippe COQUOIN- UDAF 26 : J’ai l’impression que l’analyse de la pratique est un travail en fonction du groupe et non pas de l’institution. C'est bien ce que le groupe amène auprès de l’intervenant… Mme HENRI-MÉNASSÉ : Dans la Drôme j'ai travaillé avec 6 groupes de tuteurs et il n'y en avait pas un pareil à l’autre. Et en même temps ils étaient bien tous des groupes de tuteurs. Et ces groupes, chacun à leur façon, ont tourné autour des mêmes questions pendant longtemps. Mr Philippe COQUOIN- UADF 26 : Ma réflexion était sur l'analyse de la pratique et ce que le psychologue amène qui est à égale valeur par rapport à ce que le groupe amène. Si le groupe n'amène rien, il ne se passera rien. Mme HENRI-MÉNASSÉ : Je ne sais pas ce que le psychologue « amène ». C’est d’abord ce que le groupe amène évidemment. Enfin, ce n'est pas tout à fait juste, le psychologue clinicien, celui qui anime le groupe, amène un cadre. C’est le dispositif dans lequel l'échange va être possible ou pas. Il y a plein de façons de poser le cadre et il y a des conditions d’adéquation que l'intervenant propose (ou pas, ça dépend). Mais on n'est pas obligé de continuer avec quelqu'un avec qui l'on ne parvient pas à travailler. Mr Eric GOYARD –CSEB 34 : …pourrait-on dire que « quand on ne peut pas passer par la porte on passe par la fenêtre » ?

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Mme HENRI-MÉNASSÉ : Je crois que cela ne m'est jamais arrivé d'avoir à passer par « la fenêtre ». Cela dit, je travaille avec de jeunes professionnels qui essaient de passer par la fenêtre. Je pense vraiment qu'il y a des questions de mise en place des dispositifs. Il vaut mieux que l'intervenant sache ce qu'il cherche à faire, s'il ne le sait pas il ne va pas être rassurant pour le groupe et cela ne va pas marcher, même s'il veut passer par la fenêtre, parfois ce n'est pas très utile d'essayer. Mr Jean-Luc POIDEVINEAU - UDAF 49 : Est-ce que vous pensez que dans le cas d'une analyse de la pratique professionnelle la présence d'un cadre hiérarchique peut être un frein ? J'ai vécu une expérience où l'institution, dans un premier temps, disait que les cadres n'avaient pas à être présents. Je souhaitais y participer et je suis allé. On a établi les règles au départ, je n'y étais pas en position hiérarchique, j'amenais également des situations au même titre que les autres personnes. Ensuite l'institution est revenue à la position initiale et na pas souhaité que les cadres soient dans les groupes de l'analyse de la pratique. Ma première expérience avait été réussie et j'aurais aimé participer encore. Mme HENRI-MÉNASSÉ : Je considère qu'il ne m’appartient pas de choisir qui participe au groupe, c’est l’institution et les travailleurs sociaux entre eux qui déterminent qui est présent ou pas. Je travaille avec ceux qui sont là. Simplement, on ne fera pas la même chose quand il y aura un chef de service ou pas, oui la position hiérarchique fait un frein à un certain nombre de mises en parole. Il est difficile de parler de ses échecs pour les élaborer devant quelqu'un qui à un autre moment est en position d'avoir un jugement, par le fait même de la place institutionnelle qu'il occupe. J'ai cependant aussi connu des groupes dans lesquels il y avait tout le monde, mais c'était dans une organisation recourant aux processus de thérapie institutionnelle et cela ne posait pas de problèmes puisqu'il y avait là une détermination interne à l'établissement. Cela dit, encore une fois, les groupes sont tous différents, s’il y a telle personne dans le groupe, il se passera telle chose, sans cette personne il se passera autre chose, et évidemment le statut institutionnel pèse aussi. Mr Eric GOYARD CSEB 34 : Il y a dans ces groupes un caractère de confidentialité - rien ne sort du groupe. Or, habituellement, c'est une commande institutionnelle. Comment l’institution peut-elle savoir si la commande est bien respectée par rapport à ce groupe ? Mme HENRI-MÉNASSÉ : L’institution ne peut que faire confiance. Si elle ne fait pas confiance, elle change d’intervenant. (Un participant non identifié) Au même titre, vous laissez libre l'accès du personnel cadre à l'analyse de la pratique…

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Mme HENRI-MÉNASSÉ J'ai travaillé avec deux types de cadres. Dans les institutions où l'analyse est imposée, comme c'est imposé, les gens viennent. On travaille avec ce qui vient dans la parole, et s'il ne vient pas grand-chose, on ne travaille pas grand-chose. Je dirais quand même que, de la même façon que pour la mesure judiciaire, j'ai toujours eu le sentiment, qu'au bout d’un moment le groupe se mettait au travail et de façon intéressante, pour autant que l'on ait parlé du côté contraignant de la chose. En effet, être professionnel c'est parfois aussi être contraint de penser quelque chose de son boulot. Et j'ai travaillé aussi dans des endroits où l'accès à l'analyse de la pratique était libre. A propos de la confidentialité, je me suis rendue compte qu'avec le temps je n'en parlais plus quand je posais le cadre et que cela finissait par aller de soi. C'est évidemment une composante importante de la confiance dans le groupe, et mon hypothèse est que cette question était intégrée à mon propre « cadre interne ». J'ajouterai encore un mot sur les rapports entre l’intervenant en analyse de la pratique et l'institution. Pour ma part, j'ai choisi de travailler avec les groupes pour une durée limitée, c'est-à-dire, que l'on part pour un an et au bout d'un an on fait le point avec le groupe. A ce moment-là on évalue ensemble l'opportunité de continuer ou pas. L'institution donne ensuite son aval -ou pas. Dans ces rencontres de « bilan », le groupe me donne l'autorisation, ou pas, de faire un rendu compte à l'institution. Il y a des institutions qui demandent des rendus compte et d'autres pas. Si c'est l'institution qui est demandeuse, je n'évoquerai de toute façon que ce que le groupe accepte de rendre public, et de façon très banalisée, par exemple en termes de thématiques, ou de grandes lignes dynamiques, je considère que les contenus plus « personnalisés » n'appartiennent qu'au groupe. En revanche, ces moments de point, peuvent être l'occasion pour qu'une équipe qui souffre, ou rencontre une difficulté particulière puisse choisir de la faire exprimer. Dans les endroits où il n'y a pas d'espace collectif de régulation, il m'est arrivé de faire remonter, lors de ces rencontres avec les cadres institutionnels, l'idée qu'il y avait beaucoup de pression sur telle équipe, ou que tel type de difficulté nécessitait sans doute l'attention des représentants institutionnels. Mais ces contenus sont toujours l'émanation d'une parole autorisée par le groupe ce qui permet de respecter la confidentialité. Cela dit il reste qu'en analyse de la pratique, les participants pensent où disent des choses qui ne vont pas être sans effet sur la réalité, simplement parce qu'on ne peut pas cadenasser la pensée, et que si ce qui est un « penser » individuel ou collectif doit rester piégé dans un seul espace… et bien, on a vite fait de devenir ou bête ou fou. Pour résumer, les contenus de la parole sont confidentiels mais le « penser » ensemble ne l'est pas. Mr Bertrand RAVON : J'aimerais un complément d'information sur quelque chose qui arrive très souvent et qui est la question de la dette de loyer. Cet endettement lié au loyer est revenu à plusieurs reprises. On le cite comme un exemple parmi d'autres, mais il me semble que c'est plus qu'un exemple parmi d'autres. Je crois qu'il y a vraiment un travail de recherche, à faire à partir d'un certain nombre de pistes, comme par exemple la question du « chez-soi », ces défaillances fondamentales que l'on peut avoir à habiter son propre chez-soi. 83

Et puis on a parlé de questions vitales et j'ai presque envie de dire que la façon dont Mme HENRI-MÉNASSÉ a décrit l'impossibilité des personnes à habiter chez elles ce n'est pas qu'une question de vie psychique, c'est une question de survie. Je pense qu'il faudrait intégrer cette idée-là, et la conséquence pour la réflexion c'est non pas de penser à une vie psychique défaillante mais à une survie. Mme HENRI-MÉNASSÉ : C'est tout à fait cela. Beaucoup d'usagers, qui restent longtemps sous mesure de tutelle, ont affaire dans leur vie à quelque chose de l'ordre d'une défaillance très grave. Défaillance à symboliser, à être vivant simplement. Et quand on parle de survie, ce n'est pas un vain mot. Vous rencontrez dans ces mesures certaines personnes qui courent un risque d'effondrement souvent massif. Pour elles, la dette de loyer, canalise quelque chose de l'ordre d'une douleur qui n'a pas de représentation, qu'elles n'arrivent absolument pas à se représenter, et du coup on montre du doigt quelque chose que l'on stigmatise, alors que se cache derrière le symptôme une souffrance monumentale. Mais encore faut-il pour qu'une souffrance soit reconnue qu'il y ait un destinataire qui la reconnaisse et, malheureusement, pour ces usagers il n'y a jamais eu de destinataire, ou pas assez solide, ou pas assez constant. Ce qui explique aussi la force - parfois conflictuelle - des investissements dont vous faites l'objet. À entendre les groupes de travailleurs sociaux pendant des années, je ne manque pas de ces histoires de personnes qui avec des problèmes de dettes de loyer finissent par se retrouver du côté des CHRS, et éventuellement dans la rue ou en psychiatrie dans le temps où se dévoile la précarité de l'organisation psychique sous-jacente. (un participant non identifié) …tout a fait d'accord avec cette notion de dette symbolique. J'avais une autre lecture qui allait dans le même sens avec la notion de désaffiliation dans un certain nombre de situations, ou de reproduction (tout dépend comment on se situe), mais le maintien du symptôme c'est aussi cette quête d'affiliation. Et le fait de rester très longtemps dans la mesure c'est aussi parce que la désaffiliation recherche aussi, à un moment donné, de l'affiliation. Et traiter le symptôme en le résorbant ça ne sert à rien puisque à un moment donné va apparaître une autre dette avec une reproduction de la dette comme maintien du lien filial. Vous avez parlé de l'offre contrainte moi je parle plutôt de l'aide contrainte. Mme HENRI-MÉNASSÉ Je trouve que l'offre va plus loin que l'aide. Il est question d'offrir à quelqu'un le fait qu'un autre « l'attende ». Pas seulement pour l'aider à résorber sa dette. J'en parle ici dans le sens de ma propre pratique où faire une offre de travail veut dire « un s'engager à attendre qu'advienne la subjectivation de l'autre », et ce aussi longtemps qu'il en aura besoin. À part cela, sur la question de la désaffiliation, je suis tout à fait d'accord avec vous.

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(une particpante de l’UDAF 37) Vous avez parlé de l'argent comme outil de médiation. Est-ce qu’on a le temps de « déplier » un peu cette notion ? Mme HENRI-MÉNASSÉ L'argent des prestations familiales est constitué par l'ordonnance comme un objet de négociation entre deux (ou plus) personnes, dont évidemment le tuteur. On pourrait dire que le tuteur est le meneur de jeu au sens où il va proposer des règles, et qu'il va bien falloir apprendre à jouer tous ensemble. Énoncer les règles du jeu c’est aussi s'y soumettre soi-même pour participer à l'élaboration d'un code commun. C'est-à-dire que si le tuteur dit qu'il va faire telle ou telle chose avec l'argent, il doit s'y tenir. Et pareillement pour la famille. Nous savons bien qu'il y a toujours des écarts entre ce qui est prévu et ce qui se passe, à ce moment-là, la règle commune sert à échanger sur la nature et le sens de l'écart. C'est un peu comme jouer à la marchande, en définissant progressivement, ensemble, des codes communs. Des codes qui sont garantis par la parole : quand le tuteur dit que c'est noir, c'est noir, quand il dit que c'est blanc, c'est blanc. Et quand il annonce blanc, et qu'il fait gris ou noir, il doit dire qu'il s'est trompé, ou reconnaître que c'était impossible et dire pourquoi. La médiation, au sens où elle est entendue ici, est la prise d'appui sur un objet partagé qui soutient, par sa permanence et sa fiabilité, le processus de symbolisation. Il peut être, comme dans le cas de l'argent, tout à fait « matérialisé » mais, par exemple, le psychodrame est un travail thérapeutique qui a le récit pour objet de médiation. Souvent les personnes avec qui vous travaillez ne respectent pas leur parole parce que la parole ne veut plus rien dire, parce que, pour eux, l'autre a manqué à sa parole, manque toujours à sa parole. À partir de la médiation, il est vraiment question de reconstituer un langage intelligible, un code. L'argent c'est vraiment un outil intéressant parce qu'il permet d'établir un code entre vous et la famille et puis entre vous, la famille et le reste du monde. C'est pourquoi aussi votre parole a tant d'importance. Mr Eric GOYARD –CBSE 34 Je ne suis pas trop psychanalyse ou tout ce qui est psychologie parce que je pense que très souvent on se trouve dans quelque chose qui relève du flou artistique, on va se regarder le nombril et on va trop loin dans des réponses et c’est très peu opérationnel, voire ça gêne l’opérationnel. Mme HENRI-MÉNASSÉ Le jour où la psychanalyse et la psychologie seront au service de l'opérationnel, j'arrête immédiatement. Je ne veux pas de psychanalyse appliquée… Mais contrairement à vous, je crois que « comprendre » est autre chose qu'une quête narcissique C'est quelque chose qui s'élabore. Mais on peut demander aux personnes qui ont fait l’analyse de la pratique s’ils ont le sentiment que c’est quelque chose d’efficace de leur point de vue ou pas, et bien sûr les avis peuvent être différents.

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Mr Roland CARO - UDAF 50 C’est vrai que l’on peut expliquer les choses avec des mots compliqués, des concepts. Mais il est vrai aussi que pour élaborer un langage commun avec une famille, quand on a de l'expérience, on n'a pas forcément besoin d'aller faire des études de psychologie conséquentes ou de l'analyse de la pratique pendant 15 ans. On peut rencontrer des personnes et faire les choses simplement, concrètement et de manière assez naturelle sur le terrain. Ici, on a un discours et on essaye d'élaborer ensemble pour comprendre mais sur le terrain, en ce qui concerne les personnes, cela peut se faire aussi en toute simplicité. Ce qui n'empêche pas que ces personnes aient besoin d'en parler et de rencontrer d'autres pour se maintenir, et être vigilantes et attentives. Mais au service de qui ? Au service de quoi ? Des fois ce n'est pas si compliqué. Mme HENRI-MÉNASSÉ Ce n'est pas une panacée l'analyse de la pratique. C'est quelque chose qui marche pour autant que l’on ait envie. Et quand on n’a pas envie il ne faut pas y aller. Je trouve simplement que c'est peut-être vous demander beaucoup, que de prendre essentiellement sur vous, sans le soutien d'un groupe de pairs, ces risques inhérents au travail et que j'ai cités précédemment, oscillant entre toute puissance, et l'usure. (une participante non indentifiée ) J'ai beaucoup apprécié de comprendre et cela m’aide à travailler dans les familles. (un partcipant non identifié) Il me semble que l'analyse de la pratique doit rester une option et ne pas avoir de caractère obligatoire. (un participant non identifié) Sur l'opérationnalité et pour répondre aux deux personnes qui en ont parlé précédemment, il me semble important d'essayer de comprendre au moins le processus qui a amené les gens là. Je suis intimement convaincu que les gens s'ils sont arrivés là, c'est qu'ils sont passés dans un processus qui les a amené là. Si on n'arrive pas à comprendre un minimum de choses de ces processus comment pouvons-nous être opérationnels ? Et l'analyse de la pratique est un outil de la compréhension de ces processus pour nous permettre à nous mêmes de créer des processus autres que basics ou opérationnels. Mme HENRI-MÉNASSÉ Je voulais juste redire ceci : vous êtes, dans la position de tuteur, dans la nécessité absolue de poser des actes et d'être opérationnels. Là on est bien d'accord. Pour la psychanalyse et la psychologie les actes ne sont pas des buts en soi. Même si nous savons et vous aussi que, lorsque quelqu'un va mieux, le symptôme peut tomber. Il arrive aussi que le symptôme tombe pour protéger le sujet de choses encore plus souffrantes. Le symptôme est alors « opérationnellement » réduit et le sujet va plus mal. Vous êtes convoqués pour travailler sur une résorption du symptôme.

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De la place de psy, il nous appartient de vous proposer de réfléchir sur ce qui se passe entre vous et les autres. C'est pourquoi l’analyse de la pratique doit éviter l'écueil de l’opérationnalité. En revanche, que ça éclaire quelque chose et que ça ait des répercussions dans vos pratiques, parce que vous pouvez vous approprier ce qui est pensé là dans une préoccupation partagée, est certainement une visée du dispositif. Ou pour le dire encore autrement, ce n'est pas ma parole de psy qui devient un acte. Le fait que nous ayons pensé ensemble une chose que vous reprenez à votre compte, parce que cela rencontre ce que vous éprouvez, vous permet de poser un acte qui vous appartient dans votre pratique. Mr Bertrand RAVON : Est-ce qu'on ne peut pas dire que ce n'est pas l'opérationnalité qui est en cause ici, mais la question d'opérer un déplacement ? Et il me semble, si on reprend l'exemple du « chez-soi », que ce type de réflexion que vous nous proposez nous oblige à opérer un déplacement de compréhension qui est, par exemple, à devenir beaucoup plus attentifs aux attachements qu'on a ou qui restent, et à travailler ces attachements chez-soi, davantage que de vouloir à tout prix travailler l'autonomie. Et donc, ça opère un déplacement dans la réflexivité. Après, l'opérationnalité c'est un autre problème, c'est un problème administratif, c'est un problème de pratique. Mme HENRI-MÉNASSÉ C'est un problème de pratique. Vous, tuteurs, vous êtes obligés d'être efficaces.

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25/11/2005 Quelques caractéristiques communes d'une pratique fondée sur des éléments divers et variés Synthèse des deux journées du forum CETT par Mr Bertrand RAVON « L’art de l’ambivalence » En arrivant à ce forum, je ne connaissais pas beaucoup l’activité des délégués à la tutelle. J’avais lu deux ou trois choses sur leur travail d’où j’avais dégagé ce titre d’ambivalence. Je pense ne pas m’être trompé mais avoir encore mieux compris, à présent, comment ils se définissent. Des travailleurs sociaux presque comme les autres ? S’il fallait leur donner un titre plus sérieux ce serait « les délégués à la tutelle des travailleurs presque comme les autres ». Ce sont en fait des travailleurs presque comme les autres et en même temps avec une professionnalité marquée par l’art de manier l’ambivalence. Je vais essayer d’élaborer cette synthèse autour des «couples» qu’il s’agit de construire comme des tensions paradoxales, des injonctions contradictoires, des conciliations de contraires. A chaque fois j’ai pu repérer des lignes de tension bipolaires. Une des raisons qui amène à dire qu’ils sont des travailleurs sociaux presque comme les autres c’est le fait qu’ils soient toujours presque à la limite. Comme cela a été dit à plusieurs reprises, ce sont les parents pauvres des travailleurs sociaux, dont les mandats sont mal reconnus, et en même temps ce sont les « pompiers du travail social », qui interviennent en ultime recours. Un peu comme les grévistes de la faim qui agissent en dernier recours. Ce point de vue là amène à une première réflexion : « vous êtes hypersensibles, voire caractériels, ce qui fait aussi que vous tenez parfois des positions entières, auxquelles vous n’y croyez absolument pas, à mon avis ». Il y a une première ligne de tension qui se joue toujours dans les termes. Ce matin, avec Mr RIFFAULT il a été question de la grammaire de l’écrit. J’ai, quant à moi, envie de parler de la grammaire de l’action : « quel est le langage de votre action ? » Protection de l’enfance ou insertion sociale ? Je suis très frappé par l’opposition qui est dans les textes, et que l’on voit à l’œuvre dans beaucoup de fascicules, entre d’un coté la protection de l’enfance, et de l’autre coté la précarité sociale.

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C’est comme s’il y avait deux champs avec 2 histoires : d’un coté l’enfance en danger avec l’histoire de la politique de l’intégration, et de l’autre coté le champ de la précarité avec l’histoire de l’insertion sociale. Il semble important de dire quelques mots sur ces deux champs qui obéissent à deux principes de justice très différents : la justice par l’intégration et la justice par l’insertion. La justice par l’intégration est fondée sur le repérage de l’infériorité pensée comme une inégalité. On va alors essayer de combler le manque, de rattraper le retard. On agit suivant le principe de la bienveillance. Ce qui nous fait agir c’est le fait que l’autre est un inférieur, mais un égal ou un « normal » en puissance. Dans le principe de la bienveillance on a affaire à un individu inférieur mais perfectible, il est inférieur pour l’instant mais c’est un semblable en puissance et on l’aide. Lorsqu’on bascule dans le monde de la justice fondée sur l’insertion, qui est très différent malgré les apparences, les repères ne sont pas du tout les mêmes. On ne parle plus d’inégalité mais d’iniquité. On reconnaît l’autre comme un différent, pas comme un semblable. C’est un humain et c’est bien de le penser dans toute sa différence. On ne parle plus de sa perfectibilité mais de sa vulnérabilité. On ne part pas du principe qu’on va devoir l’intégrer dans une communauté de semblables, mais on part du diagnostic selon lequel il est dans la désaffiliation, c'est-à-dire dans un rapport de soustraction à la vie collective et non pas dans un rapport d’intégration. L’individu est désaffilié des deux grands supports sociaux qui sont la famille et le travail. Robert CASTEL parle des désaffiliés comme faisant partie des individus négatifs, c'est-à-dire ceux qui deviennent individus non pas par le surplus d’épanouissement et d’autonomie mais par l’absence d’instruction dans les supports de la vie sociale. Le problème de l’insertion c’est qu’en pensant l’être comme soustrait à la vie collective on exige de lui la contrepartie de l’aide qu’on lui apporte. C'est-à-dire qu’en le construisant comme vulnérable on le construit aussi comme responsable, responsable de son propre échec ou responsable de ce qui lui arrive. La réponse ici n’est pas la réparation mais l’étayage, le soutien et le maintien. Alors que dans le modèle de la bienveillance le risque c’est la déviance, dans ce modèle le risque c’est l’effondrement. Dans l’ambivalence il y a cette tension permanente qui amène le travailleur social à qualifier les personnes entre ces deux registres, ce qui amène à passer d’un modèle à l’autre et à fabriquer du malentendu. Droit commun ou droits de l’homme ? J’estime qu’il serait intéressant pour les travailleurs sociaux, lors d’un autre forum par exemple, d’inviter un super juriste, ou un sociologue du droit pour demander quelles sont les sources du droit qui sont à l’œuvre dans l’exercice des TPSE : droit commun relatif à la protection de l’enfance et à la protection sociale ou droit aux libertés individuelles ? Quelles sont les sources du droit que 90

les travailleurs sociaux manient en permanence, alors qu’ils les maîtrisent à peine ? Ce qui m’amène à suggérer que lorsqu’on agit au nom des droits de l’homme on agit avec autrui au nom de son appartenance à l’espèce humaine ; on agit dans la compassion et non dans la bienveillance. Le travailleur social n’est pour rien dans le malheur de l’autre. Et la responsabilité d’autrui est engagée une fois compensation faite de son handicap. Institution ou administration ? Un deuxième ensemble de difficultés de l’action, commune à de nombreux travailleurs sociaux, tient dans la difficulté à faire tenir ensemble les injonctions de l’ordre institutionnel, les injonctions de la vie quotidienne, les injonctions de la logique de marché, les injonctions de la logique de subjectivation … Il y a là une série de logiques qu’il s’agit de faire coexister, avec le risque de la dérive gestionnaire au moment où le travailleur social se déconnecte de l’institution. Au moment où l’on déconnecte l’administratif du subjectif, on risque de perdre le programme politique institutionnel. Quand on commence par donner la préséance aux procédures administratives c’est déjà une façon de dénier la politique institutionnelle. Quelle politique des individus veut-on ? Il faut se donner les moyens de définir quelle politique des sujets on veut défendre. C’est ce qu’on peut appeler « instituerer » c’est à dire faire exister de façon durable. Sans ce travail permanent des institutions on ne peut pas fabriquer des dispositifs transversaux, on ne peut pas accepter les procédures administratives, on ne peut pas répondre correctement aux juges, etc. Un autre problème que j’ai relevé, et qui me fait peur, est celui autour du débat de la déjudiciarisation ou de la judiciarisation de la TPSE. Cela a été dit à plusieurs reprises et tout le monde semble d’accord sur le cadre judiciaire de la TPSE qui permet l’obligation. Ce cadre de l’obligation, de la contrainte, semble très important. On peut accepter la judiciarisation à condition de travailler en permanence à la déjudiciarisation (accompagner les familles à exercer elles-mêmes leurs droits). Et inversement, dès que l’on parle de la déjudiciarisation il faut être très prudent parce que il y a une collusion dangereuse qui peut se jouer à chaque instant, lorsque l’argument (libéral) des défenseurs des libertés se trouve en résonance avec l’argument administratif pur, dur et froid qui consiste à dire que s’il y a moins de mesures cela coûtera moins cher. Quand on parle de déjudiciarisation il faut toujours savoir qui parle, au nom des droits de l’homme ou au nom des restrictions budgétaires ? Il semble qu’il y a là un travail à faire, qui ne soit ni dénié par l’Institution ni complètement instrumentalisé par la bureaucratie. Il s’agit d’un chantier qui est celui des dispositifs à inventer dans l’espace local (voire dans l’espace national), avec les artisans de l’AEMO, de la commission de surendettement, etc., à condition de renoncer à ses « citadelles ». 91

Il faut faire attention à ne pas se laisser prendre par la dérive bureaucratique, par la dérive causée par les dispositifs lancés par exemple par les CAF appelés «développement social local». Un autre aspect dont on a beaucoup parlé tout le long de ce forum (un peu comme un fil rouge du débat) c’est la temporalité. Il y a exigence d’instituer dans la durée et d’un autre coté il y a cette réalité de l’urgence. Il faut être attentif à tous les signifiants qui parlent du temps. Par exemple, quand on parle de signalements tardifs il faudrait essayer de regarder sur quoi portent ces retards, sur quel type d’action. Est-ce un retard bureaucratique ? Estce un retard de la pratique ? Il faut arriver à tenir la technique et la critique et ça c’est renoncer à la maîtrise et à sa propre autonomie. Il faut ne pas vouloir rester maître de soi, d’où l’importance de construire une équipe. Il faut vouloir perdre la maîtrise pour pouvoir accepter de multiplier les prises (et parfois les emprises) pour que cette maîtrise se socialise. Il faut laisser les acteurs aider les travailleurs sociaux à poser les questions du débat contradictoire (que le Juge pour enfants n’a pas le temps d’assurer) et avoir la capacité à faire tenir des propositions contradictoires. L’ambivalence, cette capacité à faire tenir des positions contradictoires, c’est un argument de droit. Il faut pouvoir répondre à cette impossibilité de tenir l’une des sources du droit qui est le débat contradictoire. Il faut accepter d’avoir des points de vue décalés, différents, surprenants. Une activité centrale : faire exister la famille J’étais un peu critique au début de ce forum, voire dénonciateur, concernant la notion de famille telle que présentée le long du débat. Lorsque la TPSE intervient comme un dernier recours, dans des familles où règnent des diagnostics posés en terme de désaffiliation, il reste à la tutelle de faire exister quelque chose qui n’existe pas. Les travailleurs sociaux doivent faire exister la famille, davantage par la construction de nouveaux modes de liens familiaux que par la réparation et l’exigence de réadaptation de la famille. Il y a un travail de réflexion à mener sur cette question qui touche à la politique des individus. Qu’est-ce que faire exister une famille ? Qui compte-on dans une famille ? Le père, la mère, les enfants … ? Faut-il compter les animaux domestiques ? J’estime qu’il faut avoir une ouverture ontologique, laisser faire les situations, faire confiance aux usagers pour construire avec eux la catégorie de la famille.

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Il faut essayer de regarder ce collectif de la famille comme quelque chose qui se constitue dans la relation d’aide. L’objectif de la relation d’aide est de faire exister la famille. Il y a une dimension à la fois institutionnelle et réflexive. Il faut penser l’équipe réflexive ; une des premières sources de la notion d’équipe étant peut-être de penser l’équipe réflexive. En tant que chercheur, j’essaye de faire exister des patients actifs ou patients acteurs (encore un oxymore). Il ne faut pas renoncer au fait que les handicapés sont des handicapés, que les gens inadaptés sont inadaptés, etc. Ne pas vouloir à tout prix fabriquer de l’autonomie, mais travailler à partir de la dépendance et regarder quelles ressources on peut mobiliser pour étayer ces dépendances. La plupart des personnes sont identifiées non pas par leurs déviances, mais par leurs empêchements à agir. Ce sont ce que j’aime appeler « des personnes empêchées ». Il s’agit de restaurer un travail de reconnaissance avec les ressources que ces personnes ont, et non pas qu’ils pourraient avoir un jour, peut-être. C’est un travail de reconnaissance des dépendances et des ressources (voir le travail de Benoît EYRAUD sur les majeurs protégés, où il met en évidence l’accès à l’autonomie comme un travail d’aménagement de la dépendance qui repose sur le réseau d’appui de proximité des majeurs protégés, tels que voisins, commerçants, tuteurs, etc.). Les conditions d’un travail collectif J’ai été très sensible à ce qui a été dit ce matin, lors de l’intervention de Mr RIFFAULT, sur le fait que le travailleur social puisse devenir un sujet. Ceci est une solution pour bien traiter l’autre, donc traiter l’autre comme un sujet. Le travailleur social est un sujet ; ce qui lui permet de voir l’usager comme un sujet aussi. Il faut éviter l’individualisation négative, c'est-à-dire la désaffiliation totale des travailleurs sociaux et des usagers. Il faut fabriquer des équipes de sujets, des collectifs de sujets, des équipes avec trois sources de construction : dette, souffrance et réflexivité. - La dette est une manière de faire équipe c’est partager une dette commune. Ce qui fait une communauté ce n’est pas l’appartenance à une race commune, à une religion commune, mais la dette, c’est à dire ce que la communauté n’a pas ou ce dont elle ne veut pas s’occuper (une charge commune). C'est le cas, par exemple, de la Communauté de Communes qui s'est formée autour du problème du traitement des déchets, c'est-à-dire, ce dont personne ne veut se charger. Ce n’est pas l’argent qui pose le problème de la dette, l’argent comme opérateur de l’endettement mais l’argent comme révélateur d’un mécanisme d’échange qui fonctionne à la dette et qui montre que la relation d’aide fonctionne aussi comme cela (c’est l’écart de temps entre le don et le contre-don qui s’installe inévitablement par la dette qui constitue fondamentalement tout échange social). - La souffrance c’est ce qui reste avant la déshumanisation, quand on ne souffre plus on tombe dans l’inhumain. Il n’y a que ceux qui souffrent qui peuvent aider ceux qui souffrent, ce que j’avais déclaré dès l'ouverture de ce forum, lorsque j’ai qualifié les délégués à la tutelle comme les parents pauvres du travail social. 93

La souffrance est ce qui reste avant la déshumanisation, quand on ne souffre plus on tombe dans l’inhumain, dans le « déshumain ». La souffrance est la dernière visibilité de l’existence au monde, c’est le dernier endroit où l’on existe. Souffrir et voir souffrir, rendre la souffrance visible c’est une lutte assez efficace, c’est une lutte contre la disparition. - La réflexivité collective, c’est la capacité à faire équipe, en cherchant toujours à élargir les personnes concernées par le problème qu’on essaye de résoudre à plusieurs. D’où l’exigence de réfléchir à plusieurs aux conditions de la visibilité publique des « sans-part » et de tous les « exclus », aux conditions de la construction vraiment partagée d’un espace public qui existe en partie, par ce forum déjà, mais aussi un autre espace, celui ouvert aux autres acteurs qui ont des choses plus ou moins agréables à dire, et autres territoires de l’action.

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25/11/2006 Conclusion et clôture du colloque par Mr Patrice PONS, président du CETT

Il n’est pas facile de trouver les mots pour conclure ce forum, surtout après « le plat de consistance » servi par Bertrand RAVON qui sera probablement long à digérer ! En guise de conclusion, je vous propose des orientations en quatre points (empruntées au CSTS dans son rapport sur « Ethique des pratiques sociales et déontologie des travailleurs sociaux » au chapitre des préconisations) et qui me sont apparues à travers la construction et le déroulement de ces deux journées.

 Privilégier la réflexion et le questionnement sur la dimension du sujet.  Privilégier la réflexion et le questionnement sur la dimension de la mission en continuant à nous interroger sur nos méthodes d’intervention, à la lumière de ce qui a été dit. 

Il y a eu, par exemple, un renversement sur le titre de l’intervention

de Mr RIFFAULT : on s’est posé la question sur les écrits professionnels comme outils de la pratique, et on est arrivé aux écrits professionnels comme élaboration de la pratique. C’est intéressant et ça renverse les choses. Partons donc avec ce type d’interrogation.

 Veiller à maintenir les espaces indispensables à la confrontation et à l’analyse des pratiques. Ces espaces ne doivent pas disparaître au nom de l’efficacité gestionnaire, comme cela a été suffisamment dit. Ces espaces peuvent être multiples et à différentes échelles : équipe, institution, département, région…

 Revendiquer une marge de créativité et une marge d’inventivité des pratiques. Il me reste à remercier Mr RAVON pour son travail pendant ces deux journées et sa synthèse, Mme HENRI-MÉNASSÉ, Mr CLAUZONNIER, Mr RISSMAN, Mr RIFFAULT ainsi que tous les professionnels qui ont accepté de participer à la table ronde, sans oublier Mme COUPET que je remercie tout particulièrement pour avoir eu le courage d’affronter une assemblée de professionnels. Merci aussi, bien sûr, à mes collègues du Conseil d’administration du CETT et à l’UDAF de Valence qui a largement contribué à l’organisation de ce FORUM. Rendez-vous le 20 octobre 2006 au Palais du Luxembourg, à Paris, pour notre prochain Forum autour du 40ème anniversaire de la loi du 18 octobre 1966.  95

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Une bibliographie de base Travail social et problématique de l’action Le travail social en débat(s) J. Ion, ss la dir, coll. Alternatives Sociales, La découverte, 2005. Le travail social dans l’action publique M. Chauvière, Dunod, 2004 Les paradoxes du travail social M. Autès, Dunod, 1999, 2ème ed. revue 2004 La crise de l’Etat-Providence P. Rosanvallon, le Seuill, 1992 Les travailleurs sociaux J. Ion, B. Ravon, La Découverte, 2002 L’identité incertaine des travailleurs sociaux G. Séraphin, L’Harmattan, 2005 Ce qui nous relie A. Micoud, M. Peroni, ss la dir., Ed de l’Aube, la Tour d’Aigues, 2000 Instaurer la relation de service en action sociale et médico-sociale J-R Loubat, Dunod, 2002 L’évaluation en travail social J.P. Blaie, A. Kurc, P.U. de Nancy, 1988 La vie au guichet-Relation administrative et traitement de la misère V. Dubois, Economica, 1999 La responsabilité en travail social P. Verdier, J.P. Rosenczveig, Dunod, 1998 Les Tutelles M. Bauer, T. Fossier, ESF, 1996, 2ème ed. 1999 L’avenir des Tutelles UNAF, Dunod

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Problèmes dans l’action (l’usager et le travailleur social) Vivre dans un monde incertain M. Callon, P. Lascoumes, Y. Barthe, Le Seuil, 2001 La fatigue d’être soi. Dépression et société A. Ehrenberg, O. Jacob, 1998 Travail social et souffrance psychique J. Ion, ss la dir, Dunod, 2005 L’insécurité sociale. Qu’est-ce qu’être protégé ? R. Castel, Le Seuil, 2003 Le lien d’accompagnement P. Fustier, Dunod, 2000 L’action sociale familiale et les CAF : un siècle d’histoire J. Ancelin, la documentation française, 1997 HANDICAP Fragments sur le handicap et la vulnérabilité C. Gardou, Erès, 2005 (une bibliographie exceptionnelle) Frères et sœurs C. Fellous Revue de la CNAF : informations sociales Revue de la FORS : Recherches sociales - www.fors.rs.com Penser l’écrit professionnel en travail social : contexte, pratiques, significations RIFFAULT (Jacques) : Paris, Dunod, 2000, XIII-215 p. Ecrire au juge : rapport, signalement, expertise dans l’aide à la décision judiciaire VIAUX (Jean-Luc). Dir. : Paris, Dunod, 2001, VII-188 p.

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Carrefour d’Echange Technique de la Tutelle aux Prestations Sociales Enfants

Le Conseil d’Administration du CETT Suite à l’Assemblée Générale du 24 novembre 2005 à VALENCE, le Conseil d’Administration a désigné son bureau :

Patrice PONS

Président

Marie-Christine BENICHOU

Vice Présidente

Eric GOYARD

Secrétaire Général

Jean-Yves SCARPITTA

Secrétaire Général

Bruno Olivier SEGISSEMENT

Trésorier

Didier CHEFNEUX

Trésorier Adjoint

Adjoint

Siègent au Conseil d’Administration :

Marie-Agnès NOËL Fabienne OCIO Catherine PIEDELIEVRE Roland CARO Brigitte JOLY

CETT National 13, place de Rungis 75013 PARIS Tél 06 80 64 10 19 - Fax 04 67 09 12 13

http://cett.affinitiz.com

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