Ferguson dans l'engrenage des émeutes

19 août 2014 - Johnson, chef afro-américain de la police ... présenté comme Michael Brown, en train de voler un ... train de marchandises qui relie le sud.
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LE FIGARO

mardi 19 août 2014

INTERNATIONAL

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Ferguson dans l’engrenage des émeutes La Garde nationale a été déployée dans la ville du Missouri, où un jeune Noir a été abattu par un policier.

de la route du Missouri, avait été désigné pour prendre en charge le maintien de l’ordre à Ferguson et était allé marcher aux côtés de manifestants.

THOMAS EUSTACHE £@Thomas_Eustache

ÉTATS-UNIS La tension ne faiblit pas à Ferguson, dans le Missouri, où un jeune Afro-Américain a été abattu par un policier le 9 août. Dans la nuit de dimanche à lundi, la ville de la banlieue de Saint Louis a de nouveau été secouée par des scènes de pillages et d’affrontements entre manifestants et forces de l’ordre. Face à l’incapacité de la police à mettre un terme à ces émeutes nocturnes, qui persistent depuis plus d’une semaine, le gouverneur de l’État du Missouri a pris la décision lundi d’appeler à l’aide la Garde nationale – une force militaire de réserve. Grâce à sa présence, le couvre-feu instauré précédemment n’a pas été mis en place lundi. Avant d’en venir à cette radicale solution militaire, les autorités avaient en effet tenté de pacifier la ville de cette manière. L’échec du couvre-feu a été cinglant : le soir de son instauration, samedi, 200 manifestants sont descendus dans la rue pour exprimer leur colère, générant d’importantes violences. Un homme, notamment, a été grièvement blessé par une balle. La nuit suivante, la police a dû user de gaz lacrymogènes et de véhicules blindés pour disperser les manifestants. Ces derniers, « au nombre croissant et organisés », selon le gouverneur Jay Nixon, comptaient dans leurs rangs des individus venus de l’extérieur de Ferguson et même d’au-delà du Mis-

Une vidéo de surveillance remet le feu aux poudres

La police a dû user de gaz lacrymogènes pour disperser les manifestants, dimanche soir à Ferguson. pour dénoncer les circonstances controversées de ce décès. Selon la police, l’adolescent a été tué après avoir agressé un policier (dont l’identité n’a été révélée que vendredi) et tenté de lui prendre son arme. Pour nombre d’habitants de cette ville à la population majoritairement noi-

souri. Des jets de cocktails Molotov mais également des tirs d’armes à feu ont visé les forces de l’ordre, cette nuit-là - la plus terrible, selon les médias américains. Depuis la mort de Michael Brown, 18 ans, des mouvements destructeurs succèdent aux manifestations pacifiques

CHARLIE RIEDEL/AP

re, cet événement dramatique est toutefois imputable au racisme des fonctionnaires de la police locale, pour la plupart blancs. Le 14 août, la situation avait commencé à se détendre, après que le capitaine Ron Johnson, chef afro-américain de la police

Le Mexique tente de renforcer ses frontières 500 000 migrants tentent chaque année d’entrer illégalement au Mexique par le sud du pays pour atteindre les États-Unis. Un périple de tous les dangers pour les passagers clandestins des « trains de la mort ». DIANE JEANTET

ENVOYÉE SPÉCIALE À BOJAY

AMÉRIQUES Fabricio, un Hondurien de 26 ans, attend patiemment, crayon à la main, que les sœurs de l’auberge pour migrants où il vient de trouver refuge apportent les boulettes de viande préparées par leurs soins. Autour de lui, une dizaine d’autres jeunes hommes attendent également ce qui sera certainement leur dernier plat chaud avant plusieurs jours, dans cette courte étape de Bojay, petite municipalité d’une soixantaine d’habitants à deux heures de Mexico. Sur une feuille de papier, Fabricio dessine un train, puis quelques personnes sur son toit. Ce train, c’est son quotidien depuis 18 jours. Entre eux, ils l’appellent la Bestia, « la bête » en espagnol, ou encore « le train de la mort », pour tous les risques qu’il fait courir à ses passagers clandestins. Ce train de marchandises qui relie le sud du Mexique aux États-Unis ne passe qu’une fois par jour, aux alentours de midi. Quand il passe… Fabricio et les autres en enfourchent le toit, espérant traverser ainsi le pays jusqu’aux États-Unis, terre de tous les espoirs. La gorge serrée, Fabricio parle de son épouse et de son fils de 4 ans qu’il a dû laisser derrière lui au Honduras,

pulation vit au-dessous du seuil de pauvreté, soit avec moins de 3 euros (4 dollars) par jour.

un pays qui figure en tête des 50 pays les plus dangereux au monde. Il évoque les raisons qui l’ont poussé, à deux reprises, à entreprendre un tel voyage : « Je veux simplement offrir à mon fils une éducation meilleure que la mienne. » On estime qu’un demi-million de migrants – une écrasante majorité d’entre eux vient du Honduras, d’El Salvador et du Guatemala – entament chaque année cette croisade périlleuse pour échapper aux conditions économiques déplorables de ces nations, dont plus de la moitié de la po-

Des jeunes déterminés En juin, pour tenter de faire fléchir le nombre record d’enfants migrants non accompagnés arrivant aux ÉtatsUnis, l’Administration américaine fit pression sur le Mexique et les pays d’Amérique centrale pour que ceuxci gèrent mieux leurs frontières. Le Mexique, focalisé depuis des années sur le renforcement de ses frontières avec les États-Unis, délaissant celles du sud, a entamé début août une série de raids au point de départ de la Bestia, dans la ville d’Arriaga, à 280 km du Guatemala. Mais l’inébranlable détermination de ces jeunes migrants représente un réel défi pour les autorités. Diego, par exemple, Hondurien de passage au refuge des sœurs de Bojay, est en marche vers les États-Unis pour la troisième fois. Il admet pourtant que le train l’effraie plus que tout, car les chutes ne pardonnent pas. « Ça va tellement vite, quand tu es dessus, tu as l’impression que tu vas t’envoler », raconte-t-il, du haut de ses 18 ans, presque amusé par ces souvenirs pleins d’adrénaline. « Mais le long des voies, il y a beaucoup d’arbres et tu entends crier “Branche !”, et tout le monde se baisse, explique-t-il. C’est dangereux aussi pour ceux qui sont en bas (entre les wagons), car ils peuvent se prendre les pieds dans des branches au sol. » « Il faut être malin, cacher des petites sommes d’argent un peu partout : sac, chaussettes, tennis, caleçon… Sinon ils te piquent tout », explique Reinel, 28 ans, qui voyage en compagnie de son neveu de 20 ans depuis le Belize pour rejoindre ses frères et sœurs, arrivés illégalement aux États-Unis il y a quelques années à bord de ce même train.

500 km

ÉTATS-UNIS

MEXIQUE

Bojay

Golfe du Mexique

Mexico

Oaxaca

OCÉAN PACIFIQUE

Ixtepec

GUA.

Arriaga Infographie

et ne peut être payée que dans la devise américaine. Pour en être à sa huitième tentative, Kevin, Hondurien de 27 ans, connaît le sort de ceux qui ne possèdent pas cette somme. « Ils te tuent, assure-t-il. J’ai vu ça de mes propres yeux trois fois ; ils te font descendre du train et ils te tuent avec leurs machettes. » Mais pour lui, le pire reste l’épreuve du désert. « Un enfer » où beaucoup perdent la vie. La première fois qu’il l’atteignit, accompagné d’autres migrants, ils durent marcher pendant sept jours, avec pour seuls vivres quelques boîtes de conserve de thon, des galettes et un peu d’eau. En route, il se rappelle avoir dû abandonner l’un des leurs, piqué au cou par un serpent. « On ne pouvait pas le porter et il fallait continuer, alors on l’a laissé sous son arbre », tente-t-il d’expliquer. Mais, malgré l’enfer qui l’attend avant d’arriver à Los Angeles, Kevin ne peut se résigner à renoncer. « Ça me fait peur, mais il n’y a pas d’autre façon, quoi qu’il arrive, il faut avancer. C’est ça la vie du migrant. » ■

Deux actualités, par la suite, ont remis le feu aux poudres. Le 15 août, la police de Ferguson a diffusé une vidéo de surveillance montrant un jeune homme, présenté comme Michael Brown, en train de voler un paquet de cigares vingt minutes avant la fusillade. Cette opération de communication n’a pas manqué de provoquer l’indignation d’une partie des citoyens de Ferguson et de la famille de la victime, qui y ont vu un moyen de réhabiliter l’auteur du tir fatal. Le chef de la police de la ville, Thomas Jackson, a reconnu par la suite qu’il était impossible d’affirmer de manière certaine si le policier ayant tué le jeune homme était au courant de ce vol au moment des faits. Dimanche, enfin, le New York Times a rendu publiques les premières constatations d’une nouvelle autopsie de Michael Brown, réalisée à la demande de la famille. Celles-ci ne sont guère en mesure d’apaiser les esprits : il en ressort que l’adolescent a été touché de face par six balles – deux dans la tête et quatre dans le bras droit. Lundi, le président américain Barack Obama a appelé les forces de l’ordre à faire preuve de retenue face aux manifestations à Ferguson. ■

EN BREF Kiev accuse les prorusses d’avoir tué des réfugiés

Kiev a affirmé lundi que des rebelles prorusses avaient « tiré sur une colonne de réfugiés près de Louhansk », grâce à des armes livrées par la Russie, faisant plusieurs dizaines de morts, dont des femmes et des enfants. Les séparatistes ont, quant à eux, rejeté la responsabilité de ces tirs sur l’armée ukrainienne.

Libye : des frappes d’avions non identifiés Deux avions non identifiés ont bombardé lundi, avant l’aube, près de Tripoli, des positions de miliciens rivaux qui s’affrontent à l’arme lourde pour le contrôle de l’aéroport international. L’état-major et les renseignements militaires ont été chargés d’enquêter sur cette attaque.

Gaza : la trêve est prolongée de 24 heures Lundi soir, les Israéliens et les Palestiniens ont prolongé de 24 heures la trêve actuelle sur la bande de Gaza, en vigueur depuis huit jours. Ils ont ainsi accepté une proposition de l’Égypte qui permet de continuer des négociations au Caire.

Une candidate à l’immigration originaire du Honduras montre le certificat de naissance de sa fille à un agent de contrôle, le 24 juillet près de la frontière américano-mexicaine.

Selon lui, ainsi que pour la plupart de ses compagnons de voyage ce jour-là, ce sont des Honduriens, installés au Mexique, armés de couteaux et de machettes, qui sont à l’origine de la majeure partie des attaques à bord de la Bestia. Les membres de cartels mexicains, eux, ont tendance à concentrer leurs efforts sur la collecte de « rentes » de passage. Cette somme, prélevée à plusieurs reprises dans certains États du sud du pays, s’élève à 100 dollars,

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JOHN MOORE/AFP

Mort pour 100 dollars