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Contexte

ETUDE “SAVE THE ALPINE RIVERS!” UN ETAT DES LIEUX DE L’EAU DOUCE DANS LES ALPES

L’arc alpin constitue le premier château d’eau du continent européen. De nombreuses villes, parfois même assez éloignées du Massif Alpin, dépendent directement de cette ressource pour leurs besoins en eau potable et pour l’approvisionnement en énergie. Les rivières alpines remplissent de nombreux services écosystémiques pour les 180 millions d’habitants des bassins versants du Rhône, du Rhin, du Po et du Danube. Elles abritent également une diversité faunistique et floristique unique et constituent d’importants corridors écologiques.

Durant des siècles, les multiples activités humaines ont eu des impacts sur les milieux aquatiques, affectant les conditions physicochimiques des cours d’eau, modifiant leur morphologie, leur régime hydrologique et, par conséquent, menaçant leur exceptionnelle biodiversité.

Contact France : Florelle Marioton Chargée de projets alpins WWF France [email protected] +33 6 31 49 68 20

La quasi-totalité des bassins versants est aujourd’hui sévèrement affectée par les activités anthropiques. Dans l’arc alpin, les principales altérations hydromorphologiques sont dues à la production d’énergie hydraulique, à la protection contre les inondations ainsi que, depuis des décennies, aux dérèglements climatiques. La menace de l’hydroélectricité

L’hydroélectricité joue un rôle particulièrement important, que ce soit à petite ou à grande échelle. Les ouvrages hydroélectriques, implantés en fonction des besoins en énergie dans tous les types d’ hydrosystèmes, se présentent souvent sous la forme de conduites forcées alimentant des centrales ou de barrages plus ou moins grands, au fil de l’eau. Les rares tronçons de rivières naturelles encore inexploités constituent donc un potentiel hydroélectrique convoité. Si l’on considère, d’une part, le fort potentiel hydroélectrique des cours d’eau alpins et, d’autre part, leur importante diversité et leur valeur écologique et paysagère, la construction de nouvelles centrales hydroélectriques fait émerger des intérêts contradictoires entre production d’énergie renouvelable et protection des écosystèmes aquatiques. 89 % des rivières alpines sont impactées par les pressions humaines

Situation des rivières alpines : un constat alarmant Un grand nombre de rivières alpines sont gravement impactées par les pressions anthropiques. Celles dont les habitats naturels sont intacts, donc en très bon état écologique, représentent seulement 11% du réseau hydrographique alpin. Les grandes rivières sont dégradées Les grandes rivières sont particulièrement impactées. 44 % d’entre elles, dont le Rhône, le Rhin ou le Piave, en Italie, montrent un régime hydrologique altéré par les prélèvements d’eau, les éclusées liées à l’hydroélectricité et/ou les retenues d’eau. De la même manière, 42 % de ces grandes rivières ne remplissent pas les conditions d’un bon état morphologique. Citons par exemple le Rhône, l’Inn et la Traun, en Autriche, ou encore l’Isar, en Allemagne. Plus d’un quart d’entre elles sont d’ailleurs considérées comme lourdement aménagées voire artificialisées. Les plaines alluviales sont quasi inexistantes

Les plaines alluviales sont en train de disparaître des Alpes

Si l’on en croit les nombreux rapports sur la disparition des anciennes ripisylves rassemblés au cours de cette étude, le déclin des plaines alluviales et des zones humides peut maintenant être évalué à l’échelle de l’arc alpin. Seuls 8% des rivières, soit 4 669 km, conservent ces annexes fluviales à haute valeur écologique. Historiquement, les plus grandes rivières ont toujours été associées à leur plaine alluviale. Or, de nos jours, seuls 18 % d’entre elles en gardent quelques reliques, dont les régions amont du Rhin, du Gail, en Autriche, et du Calavon, en France.

La situation des rivières de taille moyenne montre une tendance similaire. Les plaines alluviales qui subsistent sont bien souvent détériorées et les processus dynamiques fortement limités. S’appuyant sur la base de données complète développée pour cette étude, une classification des « priorités de protection » a été réalisée à partir de trois critères : l’état écologique au sens de la Directive cadre sur l‘eau (DCE), les aires protégées au sens de l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN) et l’existence de plaines alluviales naturelles.

Les leçons qu’il faut en tirer 1. La disponibilité des données à l’échelle des pays de l’arc alpin est variable et les données sont difficiles à harmoniser L’étude a montré que certaines données de la DCE sont manquantes ou ne sont pas officiellement disponibles. En outre, les procédures de collecte et d’allocation des données ne sont pas transparentes, conduisant à des difficultés pour rassembler l’ensemble des informations nécessaires. Enfin, il n’y a aucune harmonisation des données et peu d’échange de savoir-faire entre les Etats membres. Ceci devrait être amélioré à l’avenir. 2. Les rivières alpines sont toujours menacées Les écosystèmes aquatiques sont menacés par de nombreuses pressions, notamment par les altérations morphologiques induites par la construction de nouvelles centrales hydroélectriques. Alors que les petites rivières sont les moins altérées, la probable augmentation des microcentrales hydroélectriques, notamment sur les petits affluents et les têtes de bassins versants, menace leur intégrité écologique. 3. Les rivières alpines souffrent déjà de pressions existantes Si l’on examine le réseau hydrographique évalué, l'échelle et l'ampleur des pressions se révèlent considérables. Pour ne donner qu’un exemple, l’Autriche, qui abrite la plus grande partie des rivières alpines, possède plus 5 000 centrales hydroélectriques implantées sur des cours d’eau de toutes tailles. La construction de plus de 100 nouvelles centrales est planifiée dans les prochaines années, aggravant les conditions déjà désastreuses des rivières alpines autrichiennes. La Suisse et la France se trouvent dans une situation très similaire et il est très probable qu’il en soit de même pour tout l’arc alpin. 4. Les rivières alpines doivent faire face à la menace du changement climatique

Dans un avenir proche, les rivières alpines devront faire face à de nouvelles menaces, parmi lesquelles le changement climatique est certainement la plus importante. Les événements météorologiques extrêmes, tels que les sécheresses ou les inondations, deviendront très probablement plus fréquents dans l'arc alpin en raison des bouleversements dans le régime annuel des précipitations. Cependant, certains de ces effets négatifs sur les habitats fluviaux peuvent être atténués par la plus forte résilience des rivières naturelles par rapport aux rivières affectées par les pressions humaines. 5. Les rivières alpines souffrent d’un manque de protection efficace Les rivières alpines les plus naturelles manquent souvent d’une protection appropriée. Étant donné la rareté de ces écosystèmes aquatiques, il est essentiel de réfléchir à de nouveaux outils permettant de préserver leur intégrité écologique de manière efficace.

Le WWF recommande… …d’améliorer la qualité des données Dans un premier temps, les procédures d'acquisition et de mise à disposition des données devraient être plus transparentes et harmonisées entre les Etats membres. De plus, chaque acteur institutionnel devrait être activement engagé dans la mise à jour de ces données. Il est également urgent de constituer une base de données exhaustive des installations hydroélectriques, existantes ou en projet, outil indispensable pour évaluer et restaurer les continuités écologiques des rivières à l’échelle de l’arc alpin. Enfin, la caractérisation et la quantification des impacts des pressions humaines sur les cours d’eau alpins sont nécessaires et devraient être l’objet de travaux spécifiques dans un futur proche.

…de définir des « zones refuges » (ou « No-Go areas ») Les « zones refuges » devraient être mises en œuvre dans les Plans de gestion de district hydrographique, de manière à mettre l'accent sur les bassinsversants intacts. Une attention toute particulière devrait être

portée sur les rares tronçons de rivières en bon ou très bon état écologique, associés à des plaines alluviales ou des zones humides et ne bénéficiant d’aucune protection. Les « zones refuges » devraient agir comme un outil de gestion stratégique mais ne peuvent se substituer à la réglementation en vigueur sur la protection des milieux aquatiques.

…de restaurer les rivières dégradées et prévenir toute nouvelle atteinte Les plaines alluviales, les zones humides et les grandes rivières sont parmi les écosystèmes les plus menacés des Alpes. Un effort important doit donc être fait pour inverser le processus de dégradation de ces milieux et restaurer les régimes naturels des cours d’eau. Une attention toute particulière doit être portée aux cours d’eau jouant naturellement un rôle dans la protection contre les inondations. Toute nouvelle dégradation de cours d’eau, contraire aux objectifs d’atteinte et de maintien du bon état écologique formulés par la DCE, devra aussi être évitée.

…de développer une stratégie pan-alpine de gestion des rivières assurant l’équilibre entre protection de la nature et réponse aux besoins humains Près de 14 millions de personnes à travers 8 pays différents vivent dans les Alpes. Cette forte pression humaine met aujourd’hui en péril de nombreux milieux aquatiques alpins uniques et qui fournissent de nombreux services écosystémiques aux populations. L’eau douce est certainement parmi les ressources les plus importantes et pourtant les plus menacées. Il est donc indispensable de développer des stratégies permettant d’équilibrer les besoins de protection des écosystèmes et de satisfaire dans le même temps les besoins humains. La DCE est une première réponse à cette vaste problématique, imposant la mise en œuvre de programmes régionaux de gestion des bassins-versants. Elle ne prend cependant pas en compte les effets indirects de facteurs comme le changement climatique ou l’étalement des espèces invasives. Leur influence étant pourtant considérable, ces éléments devraient être au cœur des politiques de gestion des milieux aquatiques.