Expertise publique, expertise privée, quelle stratégie collective ... - idefie

et de diplomatie économique qui sont autant de raisons d'allier secteurs public et privé. Ceci étant rappelé, comment faire ? On peut partir de trois éclairages ...
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Compte-rendu petit déjeuner IDEFIE du 8 novembre 2016 avec M. Jean-Christophe Donnellier, délégué interministériel à la coopération technique internationale, Président du conseil d’administration d’Expertise France.

Expertise publique, expertise privée, quelle stratégie collective pour l’expertise technique française ?

Jean-Christophe Donnellier : L’ambition de faire travailler ensemble secteur public et secteur privé de l’expertise technique est un des objectifs de la réforme et elle vise un cap qui nous est donné par les grands enjeux internationaux. La question est de savoir comment on parvient à atteindre cet objectif. En effet, l’ambition est claire. Pour autant, tout ne peut se faire du jour au lendemain. La réforme de 2014, création d’Expertise France, nomination d’un délégué interministériel et d’un pilotage de la politique publique française est somme toute assez récente. Les outils de dialogue existent mais ils doivent être rendus pleinement opérationnels. L’opérateur Expertise France, qui a fait approuver son contrat d’objectifs et de moyens à l’été 2016, est encore en construction sur certains de ses procès et est en train définir son modèle économique. La définition d’un mode de relation avec le secteur privé est une composante à part entière de ce modèle. On y travaille. Des comités d’orientation sectoriels sont en cours de constitution, rassemblant acteurs publics et privés intéressés par le renforcement de la position de la France sur les marchés de l’expertise, qui seront chargés de proposer des orientations stratégiques dans leurs différents domaines, et d’organiser les modalités d’un partenariat stratégique entre secteur public et secteur privé, respectant les avantages comparatifs de l’un et de l‘autre et permettant de construire une démarche proactive. Le cap nous est donné par les grands enjeux internationaux auxquels nous avons souscrit, les Objectifs de développement durable, l’efficacité de l’aide au développement… Des orientations fortes et claires ont été fixées par tous les acteurs de la coopération internationale, les Etats ont des responsabilités partagées avec la société civile, les entreprises, acteurs public et privés ont un rôle à jouer et doivent se coordonner, se compléter, travailler ensemble. La transversalité des défis auxquels les Etats sont confrontés appelle à l’adaptation des outils. Des « coalitions » se constituent ; autant de raisons pour rechercher un jeu d’acteurs collectif. Outre le développement durable, la coopération technique poursuit également des enjeux d’influence et de diplomatie économique qui sont autant de raisons d’allier secteurs public et privé. Ceci étant rappelé, comment faire ? On peut partir de trois éclairages pour illustrer les débats engagés et les directions prises.

En premier lieu, il existe une demande internationale forte d’appui au secteur public. Au-delà de la satisfaction des besoins de base des citoyens, les Etats recherchent un appui à la mise en place de leurs politiques, un renforcement des capacités de leurs administrations. Ainsi, de nombreux bénéficiaires souhaitent bénéficier d’un partage de la part d’experts publics, dans le cadre d’une relation de pair à pair. Or si la coopération technique a changé substantiellement et s’est s’adaptée pour ne plus être perçue comme « néo-coloniale » en respectant les principes de l’efficacité de l’aide (le continuum Paris 2005/Accra 2008/Busan 2011), force est de reconnaître que l’expertise publique a ses limites : elle n’est pas disponible sur tous les sujets, elle n’est pas nécessairement adaptée, ni professionnelle, -du point de vue de la capacité à partager – ni même compétitive sur les coûts. En second lieu, la demande reste largement intermédiée par les bailleurs de fonds. La France n’a pas de moyens équivalents à l’Allemagne qui consacre 2 Mds € à la coopération technique et doit donc chercher à se placer le mieux possible sur les financements européens et multilatéraux, auxquels elle contribue par ailleurs. Certains des instruments de financement sont réservés à l’expertise publique, tels que les jumelages institutionnels de l’Union européenne ou sont contractés via des agences publiques ou poursuivant un intérêt général, telle que la gestion déléguée. Dans ce dernier cas, la question que l’on peut se poser est de savoir si le secteur public peut avoir un rôle limité à être ensemblier ou si l’UE attend plus de lui. S’agissant du marché concurrentiel des contrats de services, la constitution de consortiums peut associer agences publiques et firmes privées, quitte à ce que cela soit ces dernières, les privées, qui sollicitent leurs confrères. La multiplication de tels montages serait un des indicateurs de réussite de la réforme de 2014. Enfin, l’association entre le public et le privé est une des voies qui permet de renforcer l’influence et de préparer le terrain pour nos entreprises. Les Allemands l’ont parfaitement compris et la France ne manque pas d’atout pour aider à mettre en place des systèmes juridiques et des normes qui consolident l’environnement des affaires, favorisent le développement économique et qui, en fin de compte, ouvrent des marchés.

Débat : Question : N’y a-t-il pas une chaîne de valeur entre expertise individuelle, souvent privée et opérateurs, publics et privés, les premiers pouvant mobiliser experts individuels et firmes privées ? Réponse : C’est exact mais dans la chaîne de valeur française, il ne faut pas oublier qu’il y a l’Agence française de développement et qu’il est ainsi essentiel qu’au sein du secteur public, il y ait une bonne articulation entre AFD et Expertise France. Q : Quelles leçons tirer des exemples britannique et allemand ? R : Les Britanniques sont réputés pour leur pragmatisme et de fait, ils font très bien travailler public et privé ensemble (Cf. les financements du DFID au profit des firmes de consultants) ou encore mobilisent le privé à des fins d’intérêt général. Par ailleurs, ils se sont organisés récemment pour mieux mobiliser leur expertise publique. Le modèle allemand est différent, les firmes privées travaillent sur

financement du BMZ mais la GIZ n’est pas réputée pour mobiliser l’expertise publique. Les Japonais constituent un autre exemple : les différents acteurs y constituent une chaîne intégrée. Un des participants fait remarquer que les firmes de consultants allemandes et britanniques peuvent compter sur les financements nationaux importants, via les appels d’offres lancés par les institutions publiques sur lesquels elles sont bien placées et disposent ainsi d’un marché intérieur qui leur permet de rester compétitives et d’avoir des prix bas à l’exportation. Q : Comment professionnaliser l’expertise publique ? R : C’est une de mes priorités en tant que délégué interministériel. Nous préparons un texte qui sera adressé aux administrations, dont je souhaite qu’il contribue à cette professionnalisation. Cela est d’autant plus nécessaire qu’un secteur public qui identifiera et valorisera ses avantages comparatifs, y compris en s’inspirant des bonnes méthodes du privé, aura moins de difficulté à travailler avec le secteur privé. Q : Les agents publics peuvent-ils travailler avec le secteur privé ? R : Ils devraient en premier lieu être mobilisés par les opérateurs publics, charge à eux de s’associer avec leurs confrères privés. Inversement, on pourrait imaginer qu’Expertise France mobilise, dans l’immense vivier de l’expertise privée, des spécialistes pour des durées courtes, préparant de futurs projets. C’est un moyen d’être présent sur l’ensemble de la chaîne de valeur et un autre marqueur du succès de la réforme à terme.