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7.89 · University of Strasbourg. Jean-Christophe Foltête ... 28.93 · University of Franche-Comté ... ThéMA – UMR 6049 CNRS-Université de Franche-Comté.
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Évaluer les choix d’itinéraires pédestres en milieu urbain

Arnaud Piombini — Jean-Christophe Foltête ThéMA – UMR 6049 CNRS-Université de Franche-Comté 32, rue Mégevand F-25030 Besançon cedex [email protected] [email protected] RÉSUMÉ.

La revalorisation de la marche à pied comme mode de déplacement en milieu urbain implique que l’on dispose de connaissances toujours plus précises sur les pratiques des piétons, notamment en ce qui concerne les choix d’itinéraires parmi un ensemble d’alternatives potentielles. Dans cette perspective, nous proposons d’appliquer aux déplacements piétonniers les modèles d’affectation probabilistes de flux, habituellement utilisés pour les modes de transport motorisés. Ces modèles sont fondés sur des hypothèses relatives au comportement des individus ; à ce titre, nous les considérons comme des outils de simulation permettant de tester des comportements pédestres variés. Deux types de modèles ont été mis en œuvre : le Logit multinomial simple et le Logit multinomial hiérarchique. En faisant varier les paramètres de rationalité et de regroupement des alternatives, puis en comparant les résultats issus des différentes simulations à des trajets réels recensés à travers deux enquêtes (à Lille et Besançon), nous montrons qu’il est possible de définir des règles de comportement adaptées à la simulation de la mobilité pédestre. ABSTRACT.

Promotion of walking in urban environments is creating a need for the generation of a new and more precise knowledge on walking practices. This is especially the case when it comes to routes choices among a set of potential alternatives. The use of traffic assignment model requires the integration of hypotheses on the individual behaviours that are simulated. We therefore consider traffic assignment models as tools allowing us to test various pedestrian behaviours. Two types of model have been implemented: multinomial logit model and nested MNL model. The variation of rationality and alternatives pooling parameters has been conducted. The comparison between the results of the different models and real routes as they were recorded from field surveys (in Lille and in Besançon) has been made. We are thus showing that it is possible to define behaviour rules to pedestrian mobility. MOTS-CLÉS :

marche à pied, modèles d’affectation des flux, modèle Logit multinomial simple, modèle Logit multinomial hiérarchique, choix d’itinéraires.

KEYWORDS:

walking, traffic assignment model, multinomial logit model, nested MNL, model routes choice.

Géomatique – 17/2007. Dynamiques urbaines, pages 207 à 225

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Géomatique – 17/2007. Dynamiques urbaines

1. Introduction Depuis plusieurs décennies, la mobilité pédestre en milieu urbain n’a cessé de régresser au profit des modes de transport motorisés et les mesures instaurées pour enrayer ce déclin n’ont pas eu l’effet escompté (Wiel, 1999). Il apparaît donc important de comprendre les choix individuels des personnes qui utilisent la marche à pied comme moyen de locomotion, d’autant que certaines recherches ont montré la possibilité d’acquérir des données fines sur les déplacements piétonniers (Hill, 1983 ; Foltête et al., 2002 ; Genre-Grandpierre et Foltête, 2003 ; Guérin-Pace, 2003). Parmi les recherches existantes, une part importante d’études est focalisée sur les facteurs perceptifs expliquant le comportement des piétons. L’impact du trafic automobile (Moles et Rohmer, 1982 ; Hine, 1996) ou le rôle des éléments paysagers (Zacharias, 2001) sur la perception des piétons ont par exemple été analysés. Récemment, des études ont aussi porté sur le lien entre le choix du mode de transport ou de la destination et le contexte du déplacement (Handy, 1996 ; Joo et Rodriguez, 2004). D’autres recherches tentent de reproduire les comportements des individus par l’intermédiaire d’une description précise de l’environnement ; elles portent en général sur les déplacements motorisés, modélisés par le biais de Systèmes MultiAgents (Eubank, 2001), même si certains travaux commencent à être appliqués aux déplacements pédestres (Haklay et al., 2001 ; Kerridge et al., 2001 ; Bazzani et al., 2003). Le thème abordé ici est la modélisation des choix d’itinéraires effectués lors des déplacements pédestres en milieu urbain. Afin d’analyser les choix des marcheurs parmi les différents itinéraires possibles, nous postulons que les individus agissent de manière rationnelle en effectuant toujours un choix optimal (homo economicus). Ainsi, nous supposons qu’ils disposent de toutes les informations relatives à leur environnement et qu’ils s’en servent pour déterminer leurs comportements. Ils sont alors capables d’associer à chaque alternative une valeur de « coût », puis d’effectuer un classement de ces possibilités. Ce postulat fait l’objet de vives critiques, notamment de la part des sociologues, des psychologues et même de certains économistes. Comme l’affirme McFadden (2000) : « cette théorie économique ressemble quelque peu à la biologie » en ce sens qu’elle intègre le phénomène perceptif de l’homme de manière très superficielle et systématique. Toutefois, les méthodes basées sur la rationalité (choix du plus court chemin) restent encore largement adaptées pour l’étude des comportements de mobilité (McFadden, 2000). En effet, l’adjonction de paramètres tendant à paramétrer trop finement les comportements des individus n’améliore pas forcément l’efficacité des modèles de mobilité (Eubank, 2001). Partant de l’hypothèse de rationalité des individus (minimisation de la distance à parcourir), il est possible de développer des modèles prédictifs des flux. Concernant les modes de transport motorisés, les modèles d’affectation probabiliste de flux sont souvent utilisés pour estimer l’utilisation potentielle des tronçons de voirie (Dial,

Choix d’itinéraires pédestres

209

1997 ; CERTU, 1998 ; Cascetta et al., 2002). Ils permettent, après un calcul des plus courts chemins potentiels, de déterminer la fréquentation attendue sur le réseau viaire à partir de données recensant les origines-destinations (OD) des déplacements. Dans cet article, nous proposons d’appliquer ce type de modèles à l’estimation des flux piétonniers. A partir de données d’enquête acquises sur les villes de Lille et Besançon, nous montrons comment déterminer les valeurs des paramètres du modèle en fonction d’une distribution connue de parcours piétonniers réels.

2. Matériel et méthodes

2.1. Données utilisées Deux enquêtes de déplacements ont été effectuées à Lille et Besançon en 2001, dans le cadre d’un programme Action Concertée Incitative « Ville », financé par le Ministère français de la recherche (Foltête et al., 2002). Ces enquêtes, administrées par téléphone, ont permis de recenser plus de 1600 trajets pédestres effectués régulièrement, en associant à chacun de nombreux attributs : motif, fréquence, durée estimée, perception, etc. Les parcours ont été enregistrés précisément et intégrés dans un SIG. L’analyse de ces données a déjà apporté quelques résultats, notamment sur le rôle du « potentiel local de marche à pied » (Genre-Grandpierre et Foltête, 2003) ; il s’agit ici de les utiliser pour décrypter les choix d’itinéraires des enquêtés, en comparant les trajets effectifs à l’ensemble des trajets possibles, disponibles a priori pour chaque origine-destination (OD). Afin de ne travailler que sur des trajets dont les contextes de choix sont relativement semblables, nous avons sélectionné deux aires d’étude en fonction de la distribution des trajets relevés lors des enquêtes. Ainsi, ces zones n’englobent que quelques quartiers mais conservent une densité de trajets conséquente et statistiquement satisfaisante (257 trajets à Lille ; 371 à Besançon). La figure 1 montre la distribution de niveaux de fréquentation des deux aires d’étude. Les algorithmes de plus court chemin qui seront utilisés par la suite nécessitent la modélisation topologique du réseau viaire : des tronçons de voirie sont définis comme la somme des arcs situés entre deux carrefours. Le poids affecté à chaque tronçon correspond simplement à leur longueur.

2.2. Détermination de l’ensemble des trajets possibles L’objectif de la recherche étant d’étudier les comportements des piétons en milieu urbain, la première étape consiste à déterminer l’ensemble des choix potentiels pour chaque OD recensée lors des enquêtes. Ces choix correspondent à tous les itinéraires qualifiés de raisonnables permettant de joindre chaque couple de

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Géomatique – 17/2007. Dynamiques urbaines

points. En effet, chaque piéton réalisant un déplacement se trouve face à un ensemble de voies disponibles qui, avant que ses choix n’interviennent, correspond à la somme des tronçons potentiellement accessibles (Augoyard, 1979). Pour connaître ce potentiel, très différent d’un trajet à l’autre, il faut mettre en œuvre un calcul des plus courts chemins.

Figure 1. Les aires d’étude et leur fréquentation piétonnière

Pour une OD donnée, le calcul du plus court chemin est effectué ici en utilisant l’algorithme de Dijkstra (1959). Parallèlement, il faut utiliser une technique particulière pour calculer les parcours alternatifs au plus court chemin. Ces parcours sont révélés par changement aléatoire de l’impédance : la longueur des tronçons est modifiée dans la limite de 100 à 150 % par rapport à leur longueur réelle, l’algorithme étant alors susceptible de « découvrir » un nouveau plus court chemin

Choix d’itinéraires pédestres

211

en fonction des modifications apportées par l’attribution de nouvelles longueurs. Moyennant un nombre suffisant d’itérations et une élimination des parcours redondants, tous les chemins potentiels sont ainsi déterminés.

2.3. Utilisation des modèles d’affectation des flux Parmi les nombreux outils de modélisation utilisés pour traiter de la question des déplacements (essentiellement motorisés) des individus, les modèles stochastiques de choix d’itinéraires et d’affectation des flux semblent particulièrement intéressants dans le cadre d’une étude de la marche à pied. Les principes fondateurs de ces modèles sont les suivants (Dial, 1971) : 1. Toutes les alternatives, considérées comme raisonnables peuvent être empruntées (il faut cependant définir ce qu’est une alternative raisonnable) ; 2. Si deux alternatives ont le même coût, elles seront affectées d’une probabilité de choix égale ; 3. Lorsque deux alternatives ont des coûts différents, la moins coûteuse aura une probabilité de choix supérieure. Deux familles de modèles sont utilisées : le modèle Probit (voir par exemple Gleyze, 2001 ; 2003) et le modèle Logit. Ce dernier est plus couramment usité comme en témoigne l’abondance de la littérature consacrée aux différentes déclinaisons de ce modèle (CERTU, 1998 ; Rodriguez et Joo, 2004 ; Zhang et al., 2004). Il s’agit d’un modèle de choix discret puisqu’il permet d’analyser les choix opérés parmi un panel d’options limité. Connaissant le coût de chaque option, il permet de modéliser les comportements des individus. On distingue en général deux grandes familles de modèles Logit qui proposent une affectation stochastique des flux (CERTU, 2003) : le Logit multinomial simple et le Logit multinomial hiérarchique.

2.3.1. Le modèle Logit multinomial simple appliqué aux choix d’itinéraires pédestres Le modèle Logit multinomial simple (LMS) distribue les probabilités d’usage d’un tronçon de voirie en fonction du nombre de plus courts chemins susceptibles de l’emprunter (ce qui, nous le verrons ultérieurement, peut être vu comme un inconvénient). Ce modèle s’appuie sur un postulat d’indépendance des différents plus courts chemins, propriété dite IIA (Independence of Irrelevant Alternatives1). A l’heure actuelle, la plupart des modèles Logit utilisés pour l’affectation de flux sur les réseaux le sont sous cette forme même si, concrètement, l’hypothèse IIA est rarement vérifiée. 1

Indépendance des alternatives non pertinentes

212

Géomatique – 17/2007. Dynamiques urbaines

En théorie, chaque alternative est affectée d’un coût Ck égal à sa longueur. En ajoutant ensuite à ce coût une variable aléatoire εk représentant les erreurs de perception éventuelles des piétons, on obtient le coût perçu Vk :

Vk = C k + ε k

[1]

Ensuite, pour estimer l’utilité mesurée Uk de chaque alternative, il suffit d’établir une relation inversement proportionnelle au coût perçu Vk (Gleyze, 2001 ; Henn, 2001) :

U k = − µ ⋅ Vk

[2]

où µ correspond à la rationalité supposée des piétons (µ ne peut être estimé et doit être fixé par le modélisateur). L’utilité Uk est une fonction aléatoire, puisque la variable de perception εk a été introduite dans le modèle. Toutefois, le LMS de base n’utilise pas cette formulation aléatoire de l’utilité. En effet, si l’on considère que les alternatives sont complètement indépendantes entre elles, alors on peut supposer que les variables aléatoires εk le sont également. Ceci ne remet pas en cause l’hypothèse selon laquelle les piétons risquent d’évaluer de manière non rationnelle la longueur des différents trajets possibles ; cela signifie plutôt que ces erreurs d’évaluation sont relativement homogènes d’une personne à l’autre. Malgré le caractère critiquable d’une telle méthode, nous supposerons donc que la population de piétons est homogène et estime les coûts de manière identique. Si les variables εk sont indépendantes et identiquement distribuées2 telles que,

∀k , k ′ (k ≠ k ′) cov(ε k , ε k ′ ) = 0

[3]

on en déduit que la probabilité Pk qu’un piéton choisisse l’alternative k s’exprime comme suit :

Pk =

e − µ ⋅C

∑e

k

− µ ⋅C k ′

[4]

k′

On peut noter que la probabilité Pk n’est ici fonction que du coût des différentes alternatives (composant déterministe de l’utilité) et du paramètre µ ; elle suit dès lors une loi logistique (Nakache et Turlot, 1994). Comme µ ne peut être estimé, il doit par conséquent être fixé : ceci permet de disposer d’une latitude relativement large pour simuler les comportements pédestres. Quand µ tend vers l’infini, on considère que l’erreur d’évaluation est faible, le piéton étant rationnel et empruntant le trajet le 2

Distribution des aléas selon une loi de Gumbel

Choix d’itinéraires pédestres

213

moins coûteux (i.e. le plus court). A l’inverse, lorsque µ tend vers 0, l’erreur est élevée puisque l’évaluation de toutes les alternatives est identique, quelle que soit leur longueur : l’usager choisit indifféremment une des options disponibles (figure 2).

Figure 2. Probabilités de choix de cinq trajets en fonction du paramètre µ (rationalité supposée des piétons)

Plus on augmente µ, plus on donne les moyens aux piétons virtuels de maximiser leur fonction d’utilité. On suppose alors que les individus sont capables d’effectuer un classement ordinal des itinéraires potentiels en fonction de leur efficience. Lorsque µ tend vers 0, on postule en revanche que les erreurs d’appréciation des distances l’emportent. Quelle que soit la valeur de µ, il est possible d’attribuer une valeur de fréquentation (ou charge) théorique moyenne Ct à chaque tronçon et pour chaque trajet :

Ct =

1 Nk

∑P

k

i∈k

[5]

Concrètement, toutes probabilités étant égales par ailleurs, un tronçon sur lequel passent cinq chemins potentiels aura une probabilité d’emprunt supérieure à celle d’un tronçon ne comptabilisant que trois passages. Cependant, l’hypothèse IIA implique que le rapport des probabilités de deux trajets dépend seulement de leur utilité sans prendre en compte l’utilité des autres alternatives (figure 3). Ce problème, plus connu sous le nom de paradoxe bus bleu /

214

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bus rouge, a été mis en évidence par Debreu (1960). Dans le cas de la marche à pied, l’hypothèse IIA n’est pas du tout vérifiée car, pour ce faire, il faudrait que les alternatives potentielles n’aient en commun aucun tronçon ! Respecter cette hypothèse engendre donc des probabilités d’usage des tronçons irréalistes. Ce biais peut en partie être résolu en évitant de recenser les chemins trop identiques car plus ils sont ressemblants (nombreux tronçons en commun), moins les alternatives peuvent être distinguées.

Figure 3. Deux exemples d’application du modèle Logit (d’après CERTU, 2003)

2.3.2. Le modèle Logit multinomial hiérarchique (LMH) Le modèle Logit multinomial hiérarchique décrit notamment par Ben-Akiva et Lerman (1985) a été conçu dans le but de remédier aux défauts de l’hypothèse IIA. Selon l’hypothèse de base du modèle, les processus de choix des individus s’apparentent à des regroupements dans différents clusters, pour finalement former un arbre de décisions (McFadden, 1984). Il s’agit d’une procédure de choix à plusieurs étapes, chacune d’entre elles étant modélisée par une procédure de type Logit (Koppelman et Sethi, 2000). Cette structure hiérarchique maintient l’hypothèse IIA pour les alternatives de chaque cluster et l’on peut formuler le même postulat d’indépendance entre tous les clusters d’un même niveau (application de l’IIA aux clusters).

Choix d’itinéraires pédestres

215

Figure 4. Exemple de modèle Logit hiérarchique

Dans un premier temps, le regroupement des alternatives se fait selon un critère de ressemblance ; chaque groupe est formé par des chemins suffisamment identiques. La première étape consiste alors à choisir un groupe parmi les n groupes d’alternatives selon une loi probabiliste. La seconde étape permet de choisir une alternative parmi celles présentes dans le groupe en question. Dans la figure 4, les deux alternatives trop identiques pour être réellement distinguées sont regroupées et ne représentent plus alors qu’une seule alternative. Les flux empruntant cette alternative (1/2 ; Logit de niveau 2) sont ensuite ventilés entre les deux chemins qui la composent (1/4 – 1/4 ; Logit de niveau 3). Même si dans l’exemple présenté ci-

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dessus il n’y a que deux niveaux hiérarchiques, le nombre d’emboîtements est souvent plus conséquent, le modèle Logit étant alors appliqué une nouvelle fois au sein de chaque cluster. Le nombre de niveaux du modèle ne supporte théoriquement pas de limites même si sa multiplication engendre une complexité accrue. Dans notre cas, il n’est pas fixé a priori puisqu’il est dépendant de la configuration de chaque trajet. Ainsi, il varie en fonction du nombre de parcours disponibles et de leur degré de ressemblance. L’algorithme fonctionne assez simplement puisqu’il recherche, pour chaque OD, le plus court chemin optimal et balaye ensuite tous les autres trajets théoriques enregistrés afin de repérer d’éventuelles similitudes. Deux cas de figures apparaissent : – si le plus court chemin ne ressemble à aucun des précédents, alors il devient lui-même une nouvelle alternative « réelle » ; – si le plus court chemin est semblable à une alternative déjà enregistrée, alors il intègre le cluster en question. Une fois que l’arbre de décision hiérarchique est dressé, les probabilités de chaque cluster sont alors calculées via un LMS et redistribuées à chaque plus court chemin composant le cluster. Le calcul est ensuite réitéré à l’intérieur de chaque cluster. La probabilité qu’un piéton choisisse un plus court chemin dans un cluster est alors égale au produit de la probabilité dite marginale de choisir le cluster et de la probabilité conditionnelle d’opter pour l’alternative en question à l’intérieur de ce même cluster.

Figure 5. Hiérarchie dans un LMH

Choix d’itinéraires pédestres

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En faisant varier le seuil de regroupement des alternatives, on simule ainsi les comportements des piétons (figure 5). En pratique, plus le pourcentage est élevé, plus la capacité de différenciation supposée est basse ; les individus ne regroupent que très peu les alternatives potentielles et forment ainsi peu de clusters. Poussé à l’extrême, le modèle paramétré par un pourcentage fixé à 100 % simule l’absence totale de capacité de distinction des alternatives. Ceci revient à utiliser un LMS puisque les alternatives redeviennent indépendantes. Inversement, lorsque le pourcentage s’abaisse, les piétons regroupent davantage les alternatives (ce qui minimise le nombre de potentialités réellement perçues par les individus), chaque cluster comptant alors davantage de trajets théoriques. Même si d’autres expériences ont été menées à des niveaux très inférieurs, dans le cadre de déplacements motorisés notamment (Cascetta et al., 2002), nous n’abaisserons pas le pourcentage au maximum et nous nous limiterons à un seuil fixé à 60 %. En deçà, il semble en effet que la structure devienne trop emboîtée ; ceci impliquerait que le piéton regroupe tous les chemins potentiels pour ne former, au final, qu’une seule et unique alternative.

2.4. Evaluation de la pertinence des modèles de flux Chaque modèle permet d’estimer le degré d’utilité et donc de probabilité d’emprunt des tronçons de voirie pour chaque OD. Plusieurs méthodes permettent de comparer ces estimations avec les valeurs de fréquentation réelle. Il est d’abord possible de considérer le résultat agrégé de l’ensemble des OD effectuées, en sommant dans chaque tronçon d’une part, les valeurs de probabilité issues du modèle, d’autre part, le nombre de personne empruntant ce tronçon. Dans ce cas, un coefficient de détermination calculé entre ces deux séries de valeurs permet de connaître le pouvoir explicatif du modèle. Cependant, l’analyse du résultat agrégé de l’ensemble des OD ne permet pas d’explorer véritablement les comportements individuels, car on peut difficilement admettre l’existence d’une préférence globale, définitive et applicable à chacun et dans tous les cas. Les choix sont plutôt relatifs et effectués au regard des options disponibles, « les déplacements correspondent à la somme de décisions individuelles (…) pour comprendre les déplacements dans leur ensemble les chercheurs doivent donc comprendre les différences décisionnelles entre individus » (Handy, 1996). Ainsi, à l’échelle des OD considérées indépendamment les unes des autres, il est possible de mettre en parallèle les valeurs d’utilité issues du modèle et la réalisation effective du trajet, qui prend alors la forme d’une variable binaire « tronçon utilisé / tronçon non utilisé ». Une analyse de variance univariée appliquée à cette partition binaire permet ensuite de juger de l’adéquation du modèle. Les deux critères pris en compte sont la part de variance expliquée (r2) ainsi que le degré de significativité.

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3. Application à la modélisation des comportements pédestres dans les centresvilles de Lille et Besançon En faisant varier les paramètres censés modéliser les comportements pédestres, 50 modèles ont été testés. Les trois paramètres ont pris les valeurs suivantes : – taux d’allongement par rapport au plus court chemin (TAPCC) : 110 et 120 % ; – le paramètre de rationalité µ : 0, 10, 30, 50 et 100 ; – le pourcentage de longueur commune au-delà duquel les potentialités sont regroupées en clusters : 60, 70, 80, 90 et 100 %.

Figure 6. Exemples de cartes de charges issues de l’application des modèles

La figure 6 illustre l’application de ces modèles aux OD disponibles sur le site de Lille. On peut constater que la modification des paramètres ne change pas radicalement la distribution des niveaux de charge des tronçons. 3.1. Prédiction des charges affectées aux tronçons Il s’agit de la phase de validation du résultat agrégé des modèles puisque l’on teste leur robustesse pour l’ensemble des piétons enquêtés, en comparant charge théorique et charge réelle pour chaque tronçon. Les tableaux suivants présentent les coefficients de détermination des relations statistiques. Tous les modèles fournissent des résultats significatifs même si, dans l’ensemble, ils fonctionnent mieux à Besançon qu’à Lille. Il semble que le paramètre µ, qui simule la rationalité des piétons, soit le déterminant essentiel de l’amélioration des

Choix d’itinéraires pédestres

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modèles. Les meilleurs résultats, à Besançon comme à Lille, sont obtenus avec un µ fixé à 50. Ceci correspond donc à une rationalité relativement bonne et démontre que les piétons tendent à minimiser les distances parcourues. Le regroupement des alternatives quasi identiques via le LMH semble n’agir que de manière secondaire en contribuant à améliorer ponctuellement les corrélations pour une valeur de µ donnée.

TAPCC

Seuil de regroupement des alternatives

TAPCC

Seuil de regroupement des alternatives

110 %

60

70

80

90

100

120 %

60

70

80

90

100

0

0,709

0,741

0,741

0,747

0,743

0

0,544

0,583

0,570

0,562

0,561

10

0,756

0,775

0,777

0,780

0,775

10

0,649

0,674

0,661

0,649

0,647

30

0,819

0,821

0,827

0,829

0,823

30

0,798

0,798

0,801

0,795

0,789

50

0,834

0,832

0,842

0,847

0,843

50

0,831

0,829

0,837

0,841

0,837

100

0,823

0,822

0,830

0,836

0,834

100

0,823

0,822

0,830

0,836

0,833

µ

µ

Tableau 1. Intensité des relations entre charges simulées et charges réelles des tronçons à Lille (coefficient r2, p