Enquête sur la rémunération - Les Affaires

Dans les lignes qui suivent, nous décrirons d'abord les bases de la théorie de ... forme de motivation dite contrôlée, voire à l'absence complète de motivation.
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    Enquête sur la rémunération :   Quelles sont les meilleures pratiques pour vous motiver?      RAPPORT SOMMAIRE    Présenté par :  Jacques Forest, Ph. D., CRHA et psychologue organisationnel, professeur, ESG UQAM  Marylène Gagné, Ph. D., professeure, JMSB, Université Concordia  Sarah Girouard, M. Sc., CRHA, doctorante en psychologie industrielle‐organisationnelle, UQAM  Nathalie Houlfort, Ph. D., psychologue organisationnelle, Professeure, UQAM  Laurence Crevier‐Braud, doctorante en psychologie industrielle‐organisationnelle, UQAM   

 

      Octobre 2011     

Description du projet de recherche  Le présent projet de recherche, réalisé auprès des membres de l’Ordre des conseillers en ressources humaines agréés  du Québec, a pour but de vérifier certaines hypothèses en lien avec l’influence de la rémunération sur la motivation  et la démotivation au travail.  En effet, bien que plusieurs pratiques se soient établies dans le domaine de la rémunération au cours des dernières  décennies, une revue attentive de la littérature permet de mettre en évidence qu’il existe encore aujourd’hui  différents courants de pensée quant aux meilleures façons de rémunérer les individus afin de favoriser leur  motivation au travail.   Dans  cette  optique,  le  présent  projet  de  recherche  s’est  donné  comme  objectif  d’apporter  divers  éléments  de  réponse  pour  faire  le  point  sur  cette  importante  question  et  ainsi  orienter  les  professionnels  vers  les  pratiques  les  plus susceptibles d’engendrer des conséquences positives pour les employés et leur organisation.  La figure 1 présente les variables utilisées dans l’étude et les liens qui les relient. Ce graphique est basé sur un modèle  théorique publié en 2008 dans la revue Canadian Psychology par Marylène Gagné et Jacques Forest.  FIGURE 1 : 

   

 

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Dans les lignes qui suivent, nous décrirons d’abord les bases de la théorie de l’autodétermination, une théorie utile  pour comprendre la motivation en milieu de travail. Puis, dans la deuxième section du rapport, quelques statistiques  simples présenteront les caractéristiques des répondants ayant accepté de participer à l’étude. Un portrait succinct  de leur rémunération sera ensuite dressé dans la troisième section. Enfin, dans la dernière partie du rapport,  quelques résultats préliminaires intéressants seront relatés et expliqués. Mais, voyons d’abord les principaux faits  saillants de cette étude.  Faits saillants :  •







 

Il est un fait généralement reconnu que certaines personnes travaillent par intérêt ou pour des valeurs qui les  animent, alors que d’autres sont plus motivés par le souci d’améliorer leur réputation ou encore de  consolider leur situation financière. Il est aussi généralement reconnu que ces deux grands groupes de  travailleurs seront satisfaits s’ils obtiennent ce qu’ils désirent : la satisfaction inhérente à leur travail et  l’utilité sociale pour le premier groupe; la réputation et l’argent pour le deuxième groupe. Or, ceci n’est pas le  cas, car les personnes qui travaillent principalement pour des raisons extrinsèques, comme le salaire ou la  réputation, sont plus enclines à rapporter de hauts niveaux d’épuisement émotionnel et de comportements  de déviance organisationnelle. À l’inverse, les travailleurs qui affirment travailler principalement par intérêt  ou parce que leur travail est utile socialement ont plus d’énergie et fonctionnent de façon optimale. Les  raisons qui expliquent pourquoi les gens travaillent ont donc un impact important sur l’expérience vécue et  ces raisons ne sont pas toutes aussi bénéfiques pour le travailleur et l’organisation.  Les employés dont les besoins psychologiques universels d’autonomie, de compétence et d’affiliation sociale  sont frustrés disent posséder moins de vitalité et avoir de plus fortes propensions à quitter leur entreprise.  Ces résultats concordent avec ceux d’études précédentes ayant démontré que la satisfaction ou la frustration  des besoins psychologiques d’autonomie, de compétence et d’affiliation sociale explique une part  supplémentaire des raisons qui incitent les travailleurs à demeurer en emploi, à être performants, à adopter  plus de comportements de citoyenneté individuelle et organisationnelle (faire plus que ses tâches, aller au‐ delà des attentes), à vivre moins d’épuisement et à avoir plus d’énergie disponible, en plus de mettre plus  d’effort dans leur travail. C’est donc dire qu’au‐delà des simples besoins matériels et économiques, la  satisfaction des besoins psychologiques serait un important prédicteur du fonctionnement optimal au travail,  que les organisations devraient prendre en considération.   Non seulement le fait de travailler principalement pour des motifs extrinsèques, comme l’argent, apporte‐t‐il  plus d’épuisement émotionnel pour le travailleur, mais il semble que la rémunération contingente (de type  pay‐for‐performance) amplifie le fait de travailler pour ces raisons. La rémunération contingente augmente  effectivement l’effort au travail, mais a aussi un certain coût psychologique qui se traduit par une  augmentation du niveau d’épuisement émotionnel lié au travail.  Malgré le fait qu’ils perçoivent comme plus important et qu’ils reçoivent effectivement un plus grand  pourcentage de leur rémunération sous forme de rémunération variable, les employés du secteur privé se  disent moins satisfaits de leur rémunération.    

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1. La  motivation  au  travail :  son  rôle  explicatif  dans  la  relation  entre  les  pratiques  et  les  conséquences  de  la  rémunération  La  motivation  se  définit  comme  l’énergie  qui  pousse  un  individu  à  adopter  certains  comportements  en  vue  de  l’atteinte  d’un  ou  de  plusieurs  objectifs.  Étant  un  concept  multidimensionnel,  on  l’évalue  généralement  selon  trois  caractéristiques : 1) la direction, 2) la durée et 3) l’intensité (Ryan & Deci, 2000). Ainsi, on peut non seulement dire  d’une personne qu’elle est faiblement ou fortement motivée, mais aussi selon quels types de motivation.  Selon  la  théorie  de  l’autodétermination  (Gagné  &  Deci,  2005),  une  théorie  de  la  motivation  qu’il  est  possible  d’appliquer  en  milieu  de  travail,  il  existerait  quatre  types de  motivation  (voir  la  figure  1)  qui  se  situent  sur  un  continuum d’autodétermination du comportement allant d’une forme de motivation complètement autonome, à une  forme de motivation dite contrôlée, voire à l’absence complète de motivation.   Plus précisément, la motivation intrinsèque, que l’on retrouve à l’extrémité « autonome » du continuum, est un type  de motivation exempt de toute forme de pression externe ou interne. Un individu qui serait motivé intrinsèquement  par rapport à son travail dirait qu’il effectue ses tâches et responsabilités pour le simple plaisir que cela lui procure et  pour l’intérêt qu’il porte à son travail.  La  motivation  identifiée,  qui  suit  tout  juste  la  motivation  intrinsèque  sur  le  continuum  de  l’autodétermination  est,  quant à elle, représentée par la réalisation d’une tâche ou d’une activité qu’un employé estime être importante pour  lui.  Toutefois,  cela  ne  signifie  pas  que  cette  tâche  ou  activité  soit  perçue  comme  intéressante  à  ses  yeux;  il  est  possible que cette tâche soit au contraire difficile ou inintéressante. Si on demandait à un employé motivé de façon  identifiée les raisons pour lesquelles il fait son travail, il pourrait répondre, par exemple, que c’est parce que celui‐ci  est en concordance avec ses valeurs personnelles.  La forme de motivation suivante sur le continuum, la motivation introjectée, est alimentée par des pressions internes  qui poussent un individu à agir. La fierté, la culpabilité ou l’anxiété vécues par un employé sont des exemples de telles  pressions  l’amenant  à  se  sentir  obligé  de  participer  à  une  tâche  ou  activité.  Ainsi,  quelqu’un  qui  s’engage  dans  un  projet principalement pour préserver sa réputation serait dit motivé de façon introjectée.  À l’autre bout du continuum, l’extrémité « contrôlée », se trouve la motivation extrinsèque qui correspond au fait de  s’engager  dans  une  activité  afin  d’obtenir  une  récompense  (ex. :  salaire)  ou  d’éviter  une  punition  (ex. :  perdre  son  emploi).  Un  employé  motivé  pour  de  telles  raisons  pourrait  affirmer  qu’il  fait  son  travail  principalement  pour  la  sécurité d’emploi qu’il en retire (Gagné, Forest, Gilbert, Aubé, Morin & Malorni, 2010).  Finalement, comme il est également possible qu’une personne soit tout à fait désintéressée par rapport à une activité  en  particulier,  les  auteurs  de  la  théorie  de  l’autodétermination  ont  également  suggéré  l’« amotivation »,  soit  l’absence totale de motivation, comme dernier concept qui s’ajoute à ces quatre types de motivation pour dresser un  portrait complet des motifs qui déterminent les comportements humains.  En outre, la théorie de l’autodétermination postule qu’il existe trois besoins psychologiques innés : l’autonomie ou le  besoin de pouvoir choisir ses activités et comportements; le besoin de compétence ou le besoin de se sentir bon dans  ce que l’on entreprend; et enfin le besoin d’affiliation sociale ou encore le besoin de se sentir liés aux personnes qui  nous  entourent  (Forest  &  Mageau,  2008).  Lorsque  satisfaits,  ces  besoins  mènent  généralement  aux  motivations  intrinsèque et identifiée, alors que frustrés, ils mènent habituellement aux motivations introjectée et extrinsèque. 

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Un aspect intéressant de cette théorie réside dans le lien qui peut être établi entre différents types de motivation et  les conséquences sur les attitudes et comportements qu’ils engendrent chez les employés.   Notamment, selon les résultats de recherches précédentes, il semblerait que la présence de motivation extrinsèque  en trop grande proportion par rapport aux autres types de motivation, ou la frustration de besoins psychologiques  d’autonomie, compétence et affiliation sociale, entraîne des conséquences défavorables, par exemple, au niveau de  la santé et de la performance des employés. À l’inverse, la présence de motivation autodéterminée en plus grande  proportion par rapport aux autres  types de motivation, ou la satisfaction des  besoins psychologiques, entraîne  des  conséquences positives chez les individus quant à leur performance et leur santé (Baard, Deci & Ryan, 2004; Gagné &  Deci, 2005).  2. Description de l’échantillon des répondants   L’échantillon est composé de 836 personnes invitées à répondre à un questionnaire en ligne au cours du printemps  2011.  Voici  le  détail  des  caractéristiques  des  participants  de  cet  échantillon  et  des  organisations  pour  lesquelles  ils  travaillent :  •









Sexe :  o o o Âge :  o

603 femmes (72,1 %);  231 hommes (27,6 %);  2 personnes n’ont pas répondu à cette question (0,2 %). 

L’âge moyen des répondants est de 38,39 ans (écart‐type = 10,01 ans).   ƒ 200 personnes appartiennent à la génération Y, nées après 1981 (23,9 %);  ƒ 491 personnes de la génération X, nées entre 1962 et 1981 (58,7 %);  ƒ 145 personnes de la génération des baby‐boomers, nées avant 1962 (17,3 %).  Statut d’emploi :  o 782 employés à temps plein (93,5 %);  o 14 employés à temps partiel (1,7 %);  o 28 employés contractuels (3,3 %);  o 10 personnes sans emploi actuellement (1,2 %);  o 2 personnes n’ont pas répondu à cette question (0,2 %).  Ancienneté dans le poste :  o L’ancienneté moyenne dans le poste est de 4,27 ans (écart‐type = 4,68 ans).   ƒ 403 employés ont moins de 3 ans d’expérience dans leur emploi (48,2 %);  ƒ 241 employés ont 3 à 5 ans d’expérience (28,8 %);  ƒ 96 employés ont 6 à 9 ans d’expérience (11,5 %);  ƒ 56 employés ont 10 à 14 ans d’expérience (6,7 %);  ƒ 21 employés ont 15 à 19 ans d’expérience (2,5 %);  ƒ 19 employés comptent 20 ans ou plus d’expérience (2,3 %).  Ancienneté dans l’organisation :  o L’ancienneté moyenne dans l’organisation est de 6,14 ans (écart‐type = 6,71 ans).   ƒ 301 employés ont moins de 3 ans d’ancienneté dans la même organisation (36 %);  ƒ 246 employés ont 3 à 5 ans d’ancienneté (29,4 %);  ƒ 120 employés ont 6 à 9 ans d’ancienneté (14,4 %);  4 

 











 

ƒ 81 employés ont 10 à 14 ans d’ancienneté (9,7 %);  ƒ 31 employés ont 15 à 19 ans d’ancienneté (3,7 %);  ƒ 57 employés ont 20 ans ou plus d’ancienneté (6,8 %).  Syndicalisation :  o 54 personnes occupent un emploi syndiqué (6,5 %);  o 779 occupent un emploi non syndiqué (93,2 %);  o 3 personnes n’ont pas répondu à cette question (0,4 %).  Catégorie professionnelle :  o 15 employés travaillent comme agent/commis de bureau (1,8 %);  o 18 employés travaillent comme technicien (2,2 %);  o 467 employés travaillent comme professionnel/conseiller (55,9 %);  o 113 employés ont un titre de gestionnaire (13,5 %);  o 221 employés portent le titre de directeur (26,4 %);  o 2 personnes n’ont pas répondu à cette question (0,2 %).  Titre professionnel :  o 667 personnes portent le titre de CRHA ou CRIA (79,8 %);  o 167 personnes ne portent pas officiellement le titre de CRHA ni CRIA (20 %);  o 2 personnes n’ont pas répondu à cette question (0,2 %).  Taille de l’organisation :  o 149 des personnes travaillent pour des entreprises qui emploient moins de 100 personnes (17,8 %);  o 274 personnes travaillent pour des entreprises de 101 à 500 employés (32,8 %);  o 101 personnes travaillent pour des entreprises de 501 à 1000 employés (12,1 %);  o 166 personnes travaillent pour des entreprises de 1001 à 5000 employés (19,9 %);  o 146 personnes travaillent pour des entreprises qui comptent plus de 5000 employés (17,5 %).  Type d’organisation :  o 283 personnes travaillent pour des organisations du système public (33,9 %);  o 550 personnes travaillent pour des entreprises privées (65,8 %);  o 3 personnes n’ont pas répondu à cette question (0,4 %).   

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3. Portrait de la rémunération chez les répondants  Cette  section  présente  le  portrait  de  la  rémunération  chez  les  répondants  de  l’enquête,  notamment  en  termes  de  salaire  annuel  avant  impôt,  mode  de  rémunération  (fixe  ou  variable),  pourcentage  de  rémunération  variable  (lorsqu’applicable) et nature des avantages sociaux reçus.  3.1. Salaire de base :  En moyenne, le salaire de base annuel avant impôt des répondants est de 71 310,40 $ (écart‐type = 26 436,39 $).   Voici la répartition des répondants selon leur salaire de base annuel avant impôt :  1,20 %

0,60 %

2,87 %

0,72 % 3,83 %

9,57 %

Moins de 20 000 $ 20 000‐29 999 $ 30 000‐39 999 $

13,52 %

8,37 %

40 000‐49 999 $ 50 000‐59 999 $ 60 000‐69 999 $

9,21 % 15,55 %

70 000‐79 999 $ 80 000‐89 999 $ 90 000‐99 999 $

17,22 %

100 000‐149 999 $ 17,34 %

150 000‐199 999 $ 200 000 $ ou plus

  3.2. Avantages sociaux :  • • •  

797 répondants possèdent des assurances collectives offertes par leur employeur (95,3 %), tandis que 39 des  répondants n’en ont pas (4,7 %);   641  personnes  bénéficient  d’un  régime  de  retraite  avec  leur  employeur  (76,7  %),  alors  que  195  personnes  n’en ont pas (23,3 %);  Enfin, 375 personnes ont une allocation de dépenses (44,9 %), alors que 461 personnes n’en ont pas (55,1 %).   

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3.3. Rémunération variable :  Les résultats montrent que la majorité des répondants (52,39 %) reçoivent une rémunération constituée d’un salaire  de base, comme l’illustre le graphique suivant :  Salaire de base, sans prime à la  performance 

0,24 %

Bonification ou commission, sans  salaire de base

17,34 %

Salaire de base plus une bonification  selon leur performance individuelle 

5,50 % 52,39 %

Salaire de base plus une bonification  selon leur performance de groupe

24,04 % Salaire de base plus une bonification  selon leur performance  organisationnelle  Pas de réponse

0,48 %

  3.4. Pourcentage de rémunération variable :  En moyenne, la portion de la rémunération des répondants accordée en fonction de leur performance est de 6,18 %  (écart‐type = 9,86 %).  Voici la répartition des répondants selon le pourcentage de la rémunération variable qu’ils reçoivent :  0,72 %

1,20 % 2,51 %

0,36 %

0,12 % 2 % ou moins du salaire  3 à 5 % du salaire 

12,20 %

6 à 10 % du salaire  11 à 20 % du salaire  21 à 30 % du salaire  19,38 %

53,83 %

31 à 40 % du salaire  41 à 50 % du salaire  51 à 75 % du salaire 

9,69 %

76 % ou plus du salaire 

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4. Quelques résultats préliminaires  Dans  les  sections  qui  suivent,  divers  résultats  concernant  la  rémunération  des  répondants  seront  présentés.  Il  est  important de rappeler que dans le cadre du présent projet de recherche, la motivation au travail est considérée sous  l’angle d’un mécanisme explicatif, liant certaines pratiques de rémunération à leurs conséquences (voir figure 1). En  ce sens, voici quelques résultats succincts démontrant comment agissent ces divers types de motivation.  4.1. Les récompenses contingentes à la performance, la motivation et leurs diverses conséquences :  •





Le fait de percevoir les récompenses contingentes à la performance comme étant présentes dans son travail  serait lié à plus de satisfaction par rapport à sa rémunération, à plus d’efforts fournis dans la réalisation de  son travail, mais aussi à plus d’épuisement émotionnel lié au travail.  Le fait de percevoir les récompenses contingentes à la performance comme quelque chose d’important dans  son  travail  prédirait  également  le  fait  d’être  motivé  de  façon  contrôlée,  plutôt  que  d’être  motivé  de  façon  autonome.  Ainsi,  il  est  possible  d’affirmer  que  la  rémunération  est  une  condition  nécessaire,  mais  non  suffisante pour une motivation de qualité.  Le fait d’avoir une motivation dite contrôlée prédirait diverses conséquences pour les employés, notamment  une plus grande satisfaction par rapport à la rémunération reçue, la production d’un plus grand effort dans  son travail et aussi un plus grand épuisement émotionnel lié à son travail. 

Bien qu’informatives, ces relations directes en disent peu quant à l’application pratique de tels résultats. Cependant,  si l’on tient compte de l’ensemble de ces variables, il est possible de tirer les conclusions suivantes :  •



 

Les personnes qui perçoivent la rémunération contingente comme importante dans leur emploi fournissent  plus d’efforts au travail, mais ces efforts seraient, en partie, le résultat du développement d’une motivation  contrôlée  envers  ce  travail,  c’est‐à‐dire  que  l’intensification  des  efforts  est  motivée  par  l’attente  d’une  récompense ou le désir d’éviter une punition.   Les personnes qui perçoivent la rémunération contingente comme importante dans leur emploi ont tendance  à  vivre  plus  d’épuisement  professionnel.  La  motivation  contrôlée  qu’ils  ont  envers  leur  travail  est  un  des  mécanismes  explicatifs  de  cette  relation.  Autrement  dit,  les  travailleurs  avec  une  motivation  contrôlée  ressentiraient une pression externe qui les pousserait au bout de leurs forces, jusqu’à l’épuisement.   

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4.2. Quelques autres mécanismes explicatifs intéressants :  Il  a  été  démontré  que  la  motivation  au  travail  constitue  un  facteur  déterminant  pour  expliquer  la  satisfaction  par  rapport  à  sa  rémunération,  les  efforts  au  travail  et  l’épuisement  émotionnel.  Toutefois,  les  explications  suivantes  nous apparaissent également possibles et intéressantes :  •





Un résultat particulièrement parlant et qu’aucun responsable de la rémunération ne devrait ignorer concerne  l’équilibre fragile existant entre la relation liant la rémunération contingente à l’effort supplémentaire qu’est  prêt  à  fournir  un  employé  pour  obtenir  un  bonus,  et  la  relation  liant  ce  bonus  potentiel  au  risque  d’épuisement  émotionnel  pesant  sur  l’employé  désireux  de  l’obtenir.  En  effet,  lorsque  considérées  simultanément, il est possible de déduire de ces trois variables que plus un employé accorde de l’importance  à la rémunération contingente, plus il risque de vivre de l’épuisement, en grande partie parce qu’il déploie un  effort trop grand pour réaliser ses tâches. Ainsi, il est légitime de voir au‐delà des seuls effets positifs de la  rémunération contingente. De plus, il est important de noter ici que les résultats des analyses menées jusqu’à  présent montrent que cette relation est particulièrement forte.  Deux  autres  éléments  peuvent  intervenir  pour  expliquer  la  relation  qui  lie  les  récompenses  contingentes  à  une plus grande satisfaction par rapport à la rémunération. Il s’agit notamment de la perception de justice et  d’équité qu’a l’employé de la rémunération qu’il reçoit. Ainsi, il s’avérerait particulièrement important pour  les  praticiens  de  la  rémunération  de  s’assurer  de  l’équité  et  de  la  justice  de  leur  système  s’ils  veulent  que  leurs pratiques de rémunération contingente soient satisfaisantes pour les employés.  Par  ailleurs,  il  semblerait  qu’une  raison  pouvant  expliquer  pourquoi  les  personnes  qui  reçoivent  une  rémunération  contingente  sont  plus  prédisposées  à  fournir  des  efforts  au  travail  soit  la  satisfaction  par  rapport à leur rémunération. Ceci vient donc souligner davantage l’importance pour les entreprises de fournir  une rémunération qui saura satisfaire leurs employés, c’est‐à‐dire une rémunération juste et équitable. 

4.3. La satisfaction par rapport à la rémunération en tant qu’antécédent :  Comme la satisfaction de la rémunération peut à la fois être vue comme un antécédent et une conséquence dans le  modèle proposé, d’autres analyses ont été conduites afin de voir comment cette variable pouvait prédire les autres  attitudes et comportements des employés. Voici donc quelques résultats intéressants :   •



La satisfaction par rapport à la rémunération prédit le déploiement d’un plus grand effort au travail, une plus  faible intention de quitter son organisation, mais également un plus grand épuisement émotionnel chez les  répondants de cette étude.  La  satisfaction  par  rapport  à  la  rémunération  prédit  une  plus  grande  motivation  contrôlée  chez  les  participants. 

De ces relations directes peuvent également être déduites des relations plus complexes, notamment pour expliquer  les résultats surprenants liant la satisfaction par rapport à sa rémunération et l’épuisement émotionnel des employés  ainsi que la satisfaction par rapport à sa rémunération et une motivation contrôlée :  •

Par exemple, selon les résultats des analyses, la satisfaction par rapport à sa rémunération apporterait une  contribution significative pour prédire l’épuisement émotionnel, de telle sorte que plus une personne serait  satisfaite  de  sa  rémunération,  plus  elle  présenterait  de  risques  d’épuisement.  Bien  que  ce  résultat  puisse  sembler complètement contre‐intuitif, une explication basée sur la théorie de l’autodétermination peut être  avancée,  à  savoir  que  pour  se  dire  satisfait  de  sa  rémunération,  il  est  nécessaire  d’y  avoir  préalablement  9 

 



réfléchi. Or, le simple fait de porter à l’attention de quelqu’un sa rémunération peut être ressenti par celui‐ci  comme  une  forme  de  contrôle  externe  et  ainsi  le  mener  à  développer  une  motivation  dite  « contrôlée »,  c’est‐à‐dire à accorder moins d’importance au travail lui‐même pour se concentrer sur la pression ressentie  et y répondre (Murayama, Matsumoto, Izuma & Matsumoto, 2010). Ce serait alors le fait d’avoir ce type de  motivation qui viendrait expliquer la relation entre la satisfaction de la rémunération et l’épuisement chez un  employé.  Une autre explication à la relation surprenante découverte entre la satisfaction par rapport à la rémunération  et l’épuisement  émotionnel déduite  des résultats  obtenus jusqu’à maintenant  toucherait l’effort fourni par  les  employés.  En  effet,  selon  la  norme  de  réciprocité  (Gouldner,  1960),  quelqu’un  qui  est  satisfait  de  sa  rémunération voudra probablement aider son organisation, en retour de la rémunération satisfaisante qu’il  en reçoit. Ainsi, cet employé pourrait vouloir fournir des efforts intenses et soutenus dans son travail, mais  finir par s’épuiser à la tâche. Selon ces résultats, tout porte à croire que la réciprocité économique ait un coût  psychologique  important.  Enfin,  dans  un  cas  comme  dans  l’autre,  il  est  important  de  mentionner  que  ces  relations  apparaissent  comme  fortes  et  significatives  dans  les  résultats  préliminaires.  Des  études  supplémentaires devront être réalisées pour mieux comprendre cette dynamique. 

4.4. Qu’arrive‐t‐il si les besoins psychologiques d’un employé sont frustrés?  En milieu organisationnel, une variable d’intérêt pour les gestionnaires et responsables des ressources humaines est  bien sûr la motivation. Dans la figure dépeinte plus haut, on peut voir qu’à la source du développement des diverses  formes  de  motivation  se  trouvent  les  besoins  psychologiques  d’autonomie,  de  compétence  et  d’affiliation  sociale.   Voici donc quelques résultats des analyses effectuées jusqu’à maintenant concernant ces besoins :  •





 

Un  des  facteurs  importants  pour  expliquer  la  démotivation  chez  les  employés,  démotivation  qui  selon  les  résultats  d’études  précédentes  mènerait  à  des  conséquences  négatives  autant  pour  l’employé  que  pour  l’entreprise,  serait  la  frustration  des  besoins  psychologiques  d’autonomie,  de  compétence  et  d’affiliation  sociale. Ainsi, s’il n’est pas possible pour une entreprise de satisfaire tous les besoins psychologiques de ses  employés, il demeurerait d’une importance capitale de s’assurer au moins de ne pas les frustrer.  Quant aux conséquences négatives que cette frustration peut entraîner chez un employé, il semblerait, par  exemple,  que  plus  ses  besoins  innés  et  universels  d’autonomie,  de  compétence  et  d’affiliation  sociale  sont  frustrés, moins celui‐ci se sentira rempli de vitalité, c’est‐à‐dire vivant, plein d’énergie et alerte au travail.   Et quant aux conséquences négatives que cette frustration peut avoir pour un employé, il semblerait que plus  ses  besoins  psychologiques  sont  frustrés  dans  le  cadre  de  son  travail,  plus  cette  personne  aura  de  fortes  intentions de quitter son organisation.   

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4.5. Travailler dans une organisation publique ou privée : quelles différences?  Des  analyses  ont  été  conduites  afin  de  vérifier  s’il  existait  des  différences  statistiques  entre  les  employés  d’organisations  de  type  public  et  ceux  d’entreprises  privées,  par  rapport  à  diverses  variables  reliées  à  leur  rémunération. En effet, il est légitime de se demander si les employés du secteur privé sont différents des employés  du secteur public. Plus précisément, sont‐ils motivés par des pratiques différentes en termes de rémunération ou, au  contraire, y a‐t‐il des pratiques universellement bonnes ou mauvaises en la matière?  En fait, les résultats des analyses ont permis de découvrir que, comparativement aux personnes travaillant dans une  organisation  publique  (moyenne  =  3,08  sur  une  échelle  de  1‐pas  du  tout  en  accord  à  7‐tout  à  fait  en  accord),  les  personnes  travaillant  dans  les  entreprises  privées  croient  que  les  récompenses  contingentes  à  leur  performance  occupent une place plus importante dans leur emploi (moyenne = 3,40).  En cohérence avec cette différence, il semble que les personnes travaillant dans les entreprises privées reçoivent une  plus grande part de leur rémunération sous forme de rémunération variable (moyenne = 7,74 %), par rapport à leurs  collègues des organisations publiques (moyenne = 3,83 %).  Enfin,  résultat  intéressant,  malgré  le  fait  qu’elles  reçoivent  des  bonis  à  la  performance,  augmentant  ainsi  potentiellement leur revenu d’emploi, les personnes travaillant dans les entreprises privées seraient moins satisfaites  de leur rémunération, plus précisément de leur niveau de salaire, de leurs avantages sociaux et de la façon dont est  administrée leur rémunération, que les personnes travaillant pour les organisations publiques. Ces dernières seraient  en effet satisfaites de leur rémunération et plus précisément de leur niveau de salaire, de leurs avantages sociaux et  de la façon dont est administrée leur rémunération.  Ce résultat contre‐intuitif étant plutôt intrigant, d’autres analyses quant aux conséquences de la rémunération et de  la  motivation  sur  différentes  attitudes  et  comportements  au  travail  ont  été  effectuées  afin  de  voir  s’il  existait  également des différences à ce niveau entre les employés des entreprises privées et ceux du secteur public.   Voici à ce sujet quelques faits marquants quant aux conséquences divergentes des pratiques de rémunération dans  les secteurs public et privé :  •



En segmentant l’échantillon en fonction du type d’organisation, on observe que, malgré les efforts au travail  qu’elle  engendre,  plus  la  rémunération  variable  représente  un  pourcentage  important  du  salaire  d’un  employé, plus elle a de risque d’aboutir à une réduction de la performance en termes de résultats chez les  employés  du  secteur  privé.  Chez  les  employés  du  secteur  public,  il  n’existe  toutefois  pas  de  différence  significative.  Des  analyses  supplémentaires  seront  effectuées  avec  de  nouveaux  échantillons  afin  d’éclaircir  cette  relation.  Néanmoins,  il  faut  noter  que  dans  ce  secteur,  les  employés  reçoivent  un  pourcentage  significativement moins important de rémunération variable, ce qui pourrait expliquer pourquoi l’effet sur la  performance diffère entre les deux milieux.  Plus  encore,  il  semblerait  que  pour  les  employés  du  secteur  public,  le  fait  de  percevoir  leur  rémunération  comme contingente à leur performance puisse les amener à adopter des comportements contre‐productifs  au  travail,  soit  des  comportements  déviants  dirigés  vers  l’organisation  ou  vers  leurs  collègues.  Chez  les  employés du secteur privé, un tel effet n’a toutefois pas été relevé. 

Par ailleurs, les secteurs public et privé partageraient plusieurs similitudes quant aux conséquences des pratiques de  rémunération suivantes :  11   





Les employés qui perçoivent que la rémunération contingente à leur performance est très importante au sein  de leur entreprise ont tendance, dans les deux cas, à fournir des efforts pour accomplir au mieux les tâches  qui leur sont assignées, à être satisfaits de leur rémunération et à être épuisés émotionnellement.  Un  facteur  déterminant  pour  expliquer  la  satisfaction  ressentie  vis‐à‐vis  la  rémunération  résiderait  dans  la  nature équitable ou non de la rémunération offerte aux employés d’organisations publiques comme privées  de même que dans les principes de justice appliqués par le système de rémunération dans leur entreprise. 

En somme, il semblerait qu’au public comme au privé, une bonne pratique pour motiver les gens soit de leur offrir  une rémunération qui semble juste et équitable à leurs yeux lorsqu’ils se comparent à des personnes occupant des  postes  similaires  dans  leur  organisation  et  à  l’extérieur,  et  lorsqu’ils  prennent  en  considération  leur  rendement  personnel.   En  résumé,  cela  contredit,  en  partie,  les  croyances  selon  lesquelles  il  serait  justifié  d’adopter  des  pratiques  de  rémunération  différentes  dans  les  organisations  publiques  et  les  entreprises  privées  en  raison  de  leur  contexte  singulier, puisque pour plusieurs résultats obtenus, la rémunération contingente à la performance semble engendrer  les mêmes conséquences positives et négatives chez les employés des deux secteurs, bien qu’à des niveaux parfois  différents.   

 

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Conclusion  En terminant, il importe de mentionner que les analyses reliées à ce projet de recherche se poursuivront, les résultats  rapportés  ici  ne  représentant  que  les  analyses  préliminaires  réalisées  à  ce  jour.  De  plus,  un  article  dans  la  revue  officielle de l’Ordre des conseillers en ressources humaines agréés, Effectif, est prévu à l’hiver 2012 afin de rapporter  les résultats plus complets de cette étude. Nous allons également publier des articles scientifiques plus pointus sur  différentes parties du modèle.   Par ailleurs, d’autres organisations ont déjà démontré leur intérêt à participer à des projets sur le même thème, ce  qui  permettra  d’étudier  plus  à  fond  les  effets  de  la  rémunération  sur  la  motivation  au  travail  des  employés  et  de  découvrir si les mêmes résultats se répètent dans différents contextes.  Si la motivation au travail vous intéresse et que votre organisation est d’accord pour participer à une étude sur les  effets motivationnels de la rémunération, nous vous invitons à communiquer avec le chercheur responsable du projet  M. Jacques Forest ([email protected] ou 514 987‐3000, poste 3310) pour de plus amples renseignements.     

 

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Bibliographie :  Baard, P., Deci, E. L. & Ryan, R. M. (2004). Intrinsic need satisfaction: A motivational basis of performance and well‐ being in two work‐settings. Journal of Applied Social Psychology, 34, 2045‐2068.  Forest, J. & Mageau, G. (2008). La motivation au travail selon la théorie de l’autodétermination. Psychologie Québec,  25, 33‐36.  Gagné, M. & Deci, E. L. (2005). Self‐determination theory and work motivation. Journal of Organizational Behavior,  26, 331‐362.  Gagné,  M.  &  Forest,  J.  (2008).  The  study  of  compensation  systems  through  the  lens  of  Self‐determination  theory:  Reconciling 35 years of debate. Canadian Psychology, 49, 225‐232.  Gagné, M., Forest, J., Gilbert, M‐H., Aubé, C., Morin, E. & Malorni, A. (2010). The motivation at work scale: validation  evidence in two languages. Educational and Psychological Measurement, 70, 628‐646.  Gouldner, A. W. (1960). The norm of reciprocity: A preliminary statement. American Sociological Review, 25, 161‐178.  Murayama,  K.,  Matsumoto,  M.,  Izuma,  K.  &  Matsumoto,  K.  (2010).  Neural  basis  of  the  undermining  effect  of  monetary  reward  on  intrinsic  motivation.  Proceedings  of  the  National  Academy  of  Science  of  the  United  States  of  America, 9 p.  Ryan,  R.  M.  &  Deci,  E.  L.  (2000).  Self‐determination  theory  and  the  facilitation  of  intrinsic  motivation,  social  development, and well‐being. American Psychologist, 55, 68‐78.   

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