elever ses enfants le mieux possible

Le renversement des rôles : une situation plutôt courante de nos jours est le ..... par le couple tout entier, ou par l'un ou l'autre des parents ; en tout cas, elle a été ...
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I - ELEVER SES ENFANTS LE MIEUX POSSIBLE

Il ne suffit pas de posséder une scie ou un marteau pour être un menuisier habile. Consciemment ou non, les parents élèvent souvent leurs enfants de la façon dont ils ont euxmêmes été élevés. Par conséquent, les erreurs dans les méthodes éducatives sont parfois transmises de génération en génération. Un ancien proverbe hébreu déclare : « Ce sont les pères qui mangent des raisins verts, mais ce sont les dents des fils qui sont agacées ». Toutefois, les Ecritures montrent que l’on n’est pas obligé de suivre le modèle laissé par ses parents. On peut choisir une voie différente, une bonne direction et prendre bien soin de ses enfants. Pourvoir aux besoins de vos enfants, sur les plans matériel, spirituel et affectif est un privilège et une responsabilité. Donnez un bon exemple ; les parents ne peuvent pas donner ce qu’eux-mêmes ne possèdent pas. Assurez-les de votre amour ; montrez à vos enfants, par des paroles et par des gestes, que vous les aimez, et faites-le souvent : « l’amour bâtit ». La discipline ; l’importance de la discipline administrée avec amour. Que les pères n’exaspèrent pas leurs enfants, afin qu’ils ne se découragent pas. Les parents ne doivent pas corriger trop sévèrement leurs enfants, revenir sans cesse sur leurs défauts ou critiquer les efforts qu’ils font. Comme on peut le lire dans la Bible, « il me faudra te châtier dans une juste mesure » (Jérémie 46 ; 28). Comment les parents sauront-ils si la discipline qu’ils administrent est efficace ? Ils peuvent se poser cette question : quels sont les effets de la discipline que j’applique à mes enfants ? Elle doit instruire. Il faut que votre enfant en comprenne la raison. Les parents doivent également se soucier des conséquences d’une punition. Certes, la plupart des enfants sont tout d’abord irrités par la discipline, mais ils ne devraient jamais être effrayés, se sentir abandonnés ou en conclure qu’ils sont foncièrement méchants. Il faut sanctionner vos enfants de telle sorte qu’ils aient le sentiment d’avoir des parents qui les aiment et les soutiennent. L’art de diriger : « Un sage écoutera et gagnera en enseignement, et un homme intelligent est celui qui acquiert l’art de diriger » raconte un proverbe. Soyez prompts à discerner les principes qui s’appliquent à la vie de famille, et à opérer les changements nécessaires.

II - LE PERE, UN HOMME

« Papa, tu n’oublies pas mon tournoi ? » supplie Amaury, 11 ans, au-dessus de son bol de céréales. C’est vendredi, jour de compétition de tennis ; Amaury est en finale régionale. Patrick, son père, a déjà raté les matches précédents, à cause de son travail. Amaury a été très déçu. Mais cette fois, son père a promis : il sera là. A 18 heures, appel du patron, qui a besoin d’une information. Patrick hésite : à cette heure-là, il devrait déjà être parti. Il n’ose pas faire dire qu’il est absent – il a connu deux périodes de chômage, il doit se montrer plus disponible. Quand il arrive sur le terrain de tennis, le match est terminé. Et Amaury a perdu… Ce même Amaury a été élève à Savio pendant quatre ans. Son père n’a pas « daigné » assister à l’inscription de son fils ; il n’a d’ailleurs « jamais » mis les pieds à l’école ; il n’a jamais connu l’univers dans lequel évoluait son fils durant ces quatre années. Quelle confiance…, mais quel manque d’intérêt, quel manque d’amour à l’égard de son fils… Amaury a tout fait pour attirer l’attention de son père : ado introverti, il a toujours été demandeur pour jouer dans toutes les pièces de théâtre que je proposais lors des fêtes de fin d’année. Amaury me répétait : « Mon père sera fier de moi ; il sera surpris et je lui montrerai que je ne suis pas le minable qu’il croit ». Malheureusement, le papa en question n’a jamais assisté à une fête d’école ; il disait à son fils qu’il serait présent, mais en vain… Ironie du sort : il participait tous les ans à des tournois de tennis… Le jour de notre fête d’école était jour de tournoi… Amaury attendait son père ; je craignais qu’il ne s’écroule et refuse de jouer au dernier moment ; mais non ! Amaury avait une parole, contrairement à son père, et jouait devant les parents… des autres copains. Sa maman était présente certes, mais le père n’avait pas tenu sa promesse. Une fois la fête passée, lors du dîner, je voyais un ado triste, désappointé, qui ne pouvait s’empêcher de pleurer. La soirée était longue pour Amaury : j’avais du mal à trouver les mots qui pourraient le réconforter car rien ne pouvait excuser l’attitude de ce père absent. Ecartelés entre vie de famille, vie professionnelle et loisirs, voilà l’inconfortable situation de nombreux pères aujourd’hui. Autant les mères abordent facilement cette question de l’arbitrage entre les priorités, autant ce sujet est rarement évoqué dans les conversations masculines. « Au travail, on ne parle de sa famille que sous l’angle positif, explique Henri, cadre dans une grande firme ; on montre la photo de ses enfants, beaux et bronzés, à la plage ou au ski, mais on n’aborde jamais les difficultés éducatives, si ce n’est sur le ton de la plaisanterie, pour bien montrer qu’on assure ». On veut d’autant plus sauver les apparences que la pression professionnelle n’a jamais été aussi forte. Selon l’Institut français de l’anxiété et du stress (Ifas), près d’un salarié sur quatre ressent un surstress, c’est-à-dire un niveau de stress présentant un risque pour la santé. Parmi les hommes interrogés présentant un surstress, 41,5 % estiment qu’il résulte des tensions entre la vie professionnelle et la vie privée. Laisser l’entreprise empiéter sur la vie privée : voilà le risque aujourd’hui. Jean-Emmanuel Ray, directeur du DESS Ressources Humaines à Paris-I et auteur du Droit au travail à l’épreuve des NTIC (nouvelles technologies de l’information et de la communication), explique : « Les ordinateurs portables et Internet favorisent une exportation du travail vers le domicile, un mouvement souvent encouragé par l’employeur. Cela ne paraît pas très dangereux pour la vie privée : c’est très excitant d’être connecté en permanence, mais, si l’on

ajoute le mobile professionnel, cela revient à être affublé d’une laisse électronique qui s’avère difficile à détacher ». A la plage, le scénario est assez fréquent : on voit le père bondir vers son portable, et tenter de répondre d’une voix calme à son patron ou à un client inquiet. Allez donc ensuite vous remettre au château de sable avec le petit dernier ! « Les débuts de carrière sont de plus en plus difficiles » explique Bernard Hévin, consultant au Dojo, organisme de formation spécialisé dans le développement personnel, et « la plupart des hommes que je rencontre concilient très mal leur début de carrière et leur vie de famille ». Paul, 38 ans, travaille dans une banque d’affaires. « Chez nous, il est d’usage de prendre un verre avec le patron, sur le coup de 20h, pour discuter de la journée. Il serait très mal vu de manquer ce rendez-vous. C’est un peu à celui qui partira le plus tard ! » Le téléphone cesse de sonner vers 18h et, pour beaucoup, la tentation est grande de rester travailler pour profiter du calme. Jacques, 45 ans, père de trois enfants, dirige une petite entreprise de plomberie : « Mes semaines sont bien loin des 35 heures. Je suis chez mon premier client à 8h et je termine ma journée vers 20h30 avec la comptabilité. Si je ne tiens pas ce rythme, je peux fermer la boutique… Les charges sont lourdes ». Je comprends tout à fait ces différents témoignages : concilier vie de famille et vie professionnelle est très difficile aujourd’hui, et pourtant…

QUELQUES CHIFFRES…

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59% des pères donnent le bain à leur bébé aujourd’hui (39% en 1985) 55% se lèvent la nuit pour le nourrir (38% en 1985) 65% changent ses couches à l’occasion (44% en 1985) 9% des pères assistent aux réunions de parents d’élèves 50% des pères séparés ne voient plus du tout leurs enfants ou moins d’une fois par mois 25% ne les voient plus du tout.

III - DE L’IMPORTANCE DE LA PRESENCE PATERNELLE

Dans quels domaines constate-t-on un impact spécifique de la présence du père ? Dans la socialisation en premier lieu. Pendant la première année de vie. Le père peut encourager et donner suffisamment confiance en soi au petit enfant. J’ai observé que les bébés de 9 mois avec des pères impliqués étaient en sécurité quand le père les quittait : ils ne manifestaient pas de panique, contrairement à ceux dont les pères étaient plus du genre papa poule. J’ai été frappé de voir à la piscine les pères tourner davantage les enfants vers l’extérieur, vers les autres enfants ou les moniteurs, alors que les mères gardaient davantage l’enfant dans des jeux en face-à-face. De même, quand un père change son bébé, il le fait souvent sauter en l’air, joue avec lui, alors que la mère le maintient davantage dans une relation fusionnelle par des câlins et des caresses. Ce sont des enfants plus sociables par la suite ? Le père a tendance à être, plus que la mère, un pont social entre le cocon originel et la société. Mes travaux ont confirmé que des enfants de 3 ans avec des pères impliqués et différenciés sont mieux préparés à affronter la vie de groupe. Ils étaient plus sociables, attirés par les jeux à plusieurs et moins solitaires. En observant des enfants de 3 à 5 ans, j’ai découvert qu’ils étaient davantage capables de résoudre des conflits avec diplomatie plutôt que par l’agressivité, ils utilisaient de préférence la parole que les coups. Les jeux physiques avec le père (combats, courses…) apprennent à l’enfant à comprendre les règles, à envisager un partenaire, et à le respecter. L’influence paternelle sur le langage… Là aussi, le père joue un rôle de pont. J’ai constaté que les pères considèrent les bébés comme des personnes plus tôt que leur femme. Avec un bébé de 3 mois, les pères utilisent trois fois plus souvent que les mères le prénom de l’enfant. Avec des enfants de 2 ou 3 ans, le père a tendance à utiliser un vocabulaire plus précis que la mère quand il s’adresse à l’enfant, car il est moins familier de son langage. Par exemple, la mère parlera d’un « gros chat », alors que le père dira « léopard » ou « lion ». De plus, il incite davantage les enfants à reformuler des phrases incorrectes et donc à se rendre compréhensible par d’autres personnes que la famille. Dès l’âge de 15 mois, l’enfant se comporte différemment avec son père et avec sa mère : l’enfant de 20 à 23 mois demande plus au père de l’aider dans ses activités (tour de cubes, jeux de construction), parce que le père le gratifie moins et le met davantage au défi que la mère. En revanche, les enfants de cet âge sont plus expressifs avec leur mère sur leur état psychologique. Les pères seraient-ils plus stimulants ? Oui. On le voit dans la façon de guider un apprentissage. Exemple : dans un jeu d’encastrement avec des enfants d’environ 20 mois, les mères intervenaient davantage pour aider leur enfant, tandis que les pères les incitaient à résoudre seuls la difficulté. Quant aux bébés, ils avaient tendance à être plus performants en présence de leur père. Cela nous a fait dire que le père appelle plus à l’autonomie que la mère. De même quand ils lisaient un livre à leur enfant de 2 ans environ, les pères étaient plus centrés sur l’histoire et y maintenaient l’attention de l’enfant de façon directive, alors que les mères le guidaient moins et lui laissaient la liberté de faire des digressions . Les pères s’engagent plus que les mères dans la réalisation d’une tâche. Y a-t-il un lien entre l’investissement précoce des pères et leur relation future avec leur enfant ? Cela demande des études suivies sur 15 à 30 ans, et c’est très lourd scientifiquement. Sur des périodes plus courtes, on établit une corrélation positive entre

l’engagement précoce avant même la naissance et le fait que le père soit aussi présent dans les années qui ont suivi. Pruet, un psychologue américain, a assuré un suivi sur une douzaine d’années. Il en a conclu qu’une implication accrue du père avait des effets durables pendant la période de latence et même dans la préadolescence.

IV - ATTENTION MESSIEURS ! VOS ENFANTS VOUS ATTENDENT, ET LEUR GOÛT DE VIVRE DEPEND DE VOUS EN GRANDE PARTIE !

La grande tentation des pères d’aujourd’hui, c’est l’absence. Pourquoi cette désertion de la vie familiale ? La faute n’est pas imputable qu’à la pression professionnelle. L’ambition masculine, la soif de reconnaissance professionnelle et sociale, n’y sont pas étrangères. Autre cause du désengagement masculin dans notre société, la féminisation de l’éducation à la maison comme à l’école. Ce phénomène incite les pères à se soustraire aux tâches paternelles. « Ils en viennent à croire que leur importance n’est pas démontrée, remarque Patrick Ben Soussan, pédopsychiatre de l’hôpital de Marseille, que leurs enfants n’ont pas vraiment besoin d’eux, que tout le monde à la maison peut se débrouiller sans eux ». Devant la pression des mouvements féministes, la crise de l’autorité, et la dilution de la responsabilité paternelle encouragée par la loi, l’homme a cédé du terrain pas à pas. Depuis le milieu du XXe siècle, ce mouvement de « dépersonnalisation » n’a fait que s’accentuer. Pour avoir souhaité un père uniquement symbolique, on en a fait in gêneur à qui l’on interdit d’entrer dans la bulle mère enfant, et l’on s’est réclamé de Freud et de Lacan pour dévaluer le père « paternisant ». De fait, qui donc retrouve-t-on aux réunions de parents, aux rendez-vous de médecin, aux conduites au judo et aux anniversaires des amis ? La mère, trop souvent. Que se passet-il alors dans la tête de l’enfant ? Il va vite comprendre qui fait quoi dans la répartition des rôles et des temps, que maman est très chargée et que papa se décharge un maximum de ce qui le concerne. De là à penser qu’il n’est pas très important pour son père, il n’y a qu’un pas… Et si les hommes se trompaient de combat ? C’est la conviction de Patrick Ben Soussan : « Les pères sont assurés qu’ils doivent passer leur temps à trimer pour garantir l’avenir des leurs. Pour garantir le bien-être de leur famille. Les pères luttent pour avoir et en oublient d’être ». Depuis plusieurs années, l’exercice de l’autorité n’est plus considéré comme abusif, les psychologues en ont fait une valeur positive et incitent les parents à mettre des limites. Attention messieurs ! Il y a une façon masculine d’exercer l’autorité, de désigner les limites, d’énoncer les interdits ! Vos enfants vous attendent et leur équilibre, leur goût de vivre, dépendent de vous en grande partie. Dieu merci, le père n’est plus la figure rigide, paralysante ou ridicule véhiculée au siècle dernier. Au cinéma et dans les livres, on assiste à un regain d’intérêt pour la paternité. N’est-ce pas un signe d’une aspiration générale au retour des pères, dans une société adolescente ou trop maternalisée ? Pour autant, il ne s’agit pas que les pères deviennent des mamans bis en singeant leur femme. « Nombreux sont ceux qui sont tentés d’imiter les mères dans leurs comportements, constate le Dr Gérard Strouk, gynécologue, dans son livre Je vais être papa. Ils veulent donner de la tendresse et de l’amour à leur enfant, être très proches de lui physiquement, et ne surtout pas être des pères Fouettard. Il faut leur expliquer qu’ils peuvent être des pères tendres et aimants, tout en étant les garants de la loi ». Le père est nécessaire pour casser la fusion entre mère et enfant. Le père donne envie à l’enfant de grandir, il le pousse plus que la mère dans ses retranchements. Quand je fais un match de ping-pong avec mon fils Joffrey, je ne le laisse jamais gagner pour lui faire

plaisir. Le père tourne vers la conquête, il lance des défis. Par lui, le monde des adultes devient fascinant. Si le père a été bien présent et a bien joué son rôle de séparateur entre la mère et l’enfant, l’adolescence se passera facilement. Je suis en mesure de pouvoir dire aujourd’hui, sans beaucoup me tromper, qu’il existe une corrélation entre la présence du père dans la vie de l’enfant et ses performances intellectuelles et scolaires. L’enfant dont le père est à ses côtés aura envie de travailler. Emmener son fils un jour à son travail quand c’est possible, bricoler avec lui, le confronter à la réalité de l’existence, voilà un rôle incontournable pour le père. Il est fini le temps où ce dernier apprenait son métier à son fils ; en revanche, il continue à transmettre son savoir sur la vie. Voilà une vraie responsabilité des pères ; ce n’est pas tant l’aspect matériel qui est premier, même si cela importe assurément ; c’est surtout une affaire de transmission des valeurs : dire la beauté du monde, épeler les plaisirs de l’existence – et des souffrancesaussi, montrer que demain se construit aujourd’hui, ouvrir le monde de la pensée. Il est là pour parler, de tout, souvent. Le temps passé entre le père et ses enfants est un moment privilégié : c’est lui qui valide le comportement de l’enfant. L’image que l’enfant a de lui-même, c’est celle que lui renvoie son père. C’est un révélateur. Si le père supervise le travail de ses enfants, les pousse dans les domaines où ils sont doués, ils réussiront d’autant mieux et auront confiance en eux. La maman s’inquiète toujours pour son enfant et n’ose pas le lancer dans la vie ; au père de lui faire prendre des risques, de lui donner des droits. Le père a, en particulier, un rôle important à jouer dans la conquête de l’effort : il montre ce qui vaut la peine d’être conquis et donne le courage d’y accéder. Comment ? En posant à l’enfant des objectifs à sa taille de façon à ne pas le décourager, des exigences qui prouvent qu’il considère son enfant comme capable. Donner la loi, exiger des résultats ou des comportements, c’est le propre du père. « Quel est le fils auquel son père ne donne pas de leçons ? » demande saint Paul. « Autorité » vient du latin « augere », « faire croître », « faire grandir ». L’autorité est un outil formidable pour l’éducation dont il ne faut pas avoir peur. Car ce n’est pas tant un pouvoir qu’un service.

V - LE FOYER ET SON INFLUENCE

Les parents doivent bâtir un foyer heureux où l’amour règne. C’est là leur première responsabilité. Dans ce foyer, la relation conjugale a plus d’importance que la relation parents-enfants car c’est de sa qualité que dépendent la sécurité de l’adolescent ainsi que la force des liens qui le rattacheront à ses parents. Il est donc de toute première importance que le mari et la femme aient entre eux les meilleures relations possibles car c’est sur cette base qu’ils pourront sérieusement essayer d’avoir une meilleure communication avec leur adolescent. Les problèmes conjugaux peuvent causer des difficultés à nos adolescents. Chaque adolescent, sans exception, a besoin de parents au mariage stable, basé sur le respect, l’amour et une bonne communication. La capacité de communiquer ses sentiments, et particulièrement ceux qui ne sont pas agréables, est indispensable dans le mariage. Cette capacité de dire honnêtement et ouvertement ce qu’on a sur le cœur est absolument critique et cela tout spécialement dans les périodes de stress. Plus, c’est elle qui déterminera si oui ou non un stress quelconque va consolider ou briser un mariage. Le renversement des rôles : une situation plutôt courante de nos jours est le renversement des rôles, situation dans laquelle un parent demande à un enfant de combler ses besoins affectifs. Alors que cela peut arriver dans n’importe quel foyer, cela arrivera plus facilement dans une famille mono parentale. Certains parents seuls sont tentés d’utiliser leurs adolescents comme des collègues ou des confidents et il leur est difficile de régler ce problème car ils n’ont pas de conjoints pour partager avec eux les soucis adultes du foyer. Les parents seuls, à cause de leur solitude, du sentiment de ne pas être à la hauteur de leur tâche ou de leur rôle, de la dépression ou pour toute autre raison, trouvent par moment qu’il leur est difficile de ne pas traiter leurs adolescents comme des contemporains. Ces parents peuvent avoir tendance à partager intimement des informations personnelles que l’adolescent n’a pas encore la maturité de comprendre. De tels parents cherchent à être « les meilleurs amis » de leurs adolescents plutôt que de maintenir de saines relations parent enfant. Que nous soyons marié ou célibataire, en tant que parent nous devons toujours maintenir notre position de père ou de mère dans le foyer. Nous avons la responsabilité de combler les besoins affectifs de nos adolescents. Si nous renversons cette loi naturelle en leur demandant de nous nourrir affectivement, nous leur faisons du mal et nous détruisons notre relation avec eux. Nous devons obtenir notre nourriture affective ailleurs, mais jamais chez nos enfants. Je n’ai jamais aimé me poser en autorité pour personne et tout particulièrement pas pour mes enfants. Je suis, moi aussi, tenté de traiter mes enfants comme des amis contemporains, mais je n’ose le faire. Certes, je suis aimable et amical avec eux et j’aime rire et avoir du plaisir avec eux. A l’occasion, je partage avec eux des informations personnelles appropriées, mais je le fais dans un seul but : les éduquer et jamais pour me satisfaire affectivement. Je ne dois pas oublier que je suis leur père et qu’ils ont besoin de mon autorité et de ma gouverne. Si j’abandonne ou si je néglige ma responsabilité d’être l’autorité dans mon foyer, -avec Isabelle naturellement, car elle aussi doit assurer sa position d’autorité,- mes enfants ne seront pas heureux. Ils ne se sentiront pas en sécurité et ils auront tendance à acquérir de mauvais comportements.

Je ne dois pas utiliser mes enfants ou mes adolescents comme des conseillers, des épaules sur lesquelles je peux pleurer, des supports moraux ou des collègues. Bien sûr, je peux à l’occasion leur demander leur opinion ou leurs conseils, pour autant que je ne le fasse pas de manière à les inciter à me nourrir affectivement. Je ne peux leur demander de faire en sorte que je me sente mieux. Il n’y aurait pas moyen d’être ferme envers mes adolescents de façon constante, si je dépendais d’eux pour mon bien-être affectif. En tant que parents, notre première responsabilité est de faire sentir à nos enfants que nous les aimons véritablement. Notre deuxième responsabilité est d’être pour nos enfants des figures d’autorité et de les discipliner avec amour. Savez-vous quelle est la question la plus importante qui hante l’esprit de votre adolescent ? Sans même en être conscient, il demande continuellement : « M’aimezvous ? » Cette question, d’une façon absolue, est la plus importante de sa vie et ce n’est pas avec des mots qu’il la pose mais avec des gestes, à travers sa conduite. « M’aimez-vous ? » Votre réponse est au plus haut point déterminante. Si vous répondez « non », votre adolescent n’atteindra jamais tout son potentiel et il n’agira pas au mieux de sa capacité. Il faut donc que vous puissiez répondre « oui ». Mais là est le problème, peu de parents disent « oui ». Oh ! Ce n’est pas qu’ils n’aiment pas, non, mais ils ne savent pas comment dire « oui ». Ils ne savent pas manifester leur amour à leurs adolescents. Si vous aimez votre adolescent inconditionnellement, il sentira que votre réponse à sa question est « oui ». Si vous l’aimez conditionnellement, il manquera d’assurance et sera enclin à faire de l’anxiété. Votre réponse à cette question critique « M’aimez-vous ? » déterminera en bonne partie l’attitude fondamentale que votre adolescent aura envers la vie. Vous rendez-vous compte combien elle est cruciale ? Une des principales raisons pour lesquelles les parents ne savent pas communiquer leur amour à leurs adolescents est que ceux-ci, tout comme les jeunes enfants, sont « orientés vers les comportements alors que les adultes sont en premier lieu orientés vers les mots ». Si vous avez dans votre cœur un chaud sentiment d’amour pour votre adolescent, c’est merveilleux, mais ce n’est pas suffisant. Il est extraordinaire de dire à un adolescent : « je t’aime », et il faudrait le faire, mais ce n’est pas assez. Si vous voulez que votre adolescent sache et sente que vous l’aimez, vous devez aussi l’aimer avec des gestes et des actes, car il est encore fondamentalement orienté vers les comportements. Ce n’est qu’à ce moment qu’il pourra, dans son cœur, dire « oui, mes parents m’aiment ». Votre adolescent constate votre amour à son égard à travers ce que vous dites et ce que vous faites. Mais ce que vous faites a plus de poids. Votre adolescent est beaucoup plus affecté par vos actions que par vos mots. Il est également important que vous vous rappeliez que votre adolescent a un réservoir affectif. Ce réservoir, naturellement, est figuratif, mais son comportement est très réel. Votre adolescent a certains besoins affectifs et selon qu’ils sont comblés ou non (à travers l’amour, la compréhension, la discipline), ils déterminent comment il se sent : content, fâché, déprimé ou heureux. Ce réservoir émotif plein ou vide affecte également très fortement sa conduite : il sera obéissant, désobéissant, geignard, désinvolte, enjoué ou renfermé. Naturellement, plus son réservoir sera plein, plus ses sentiments seront positifs et meilleure sera sa conduite. Maintenant, permettez-moi de faire une des plus importantes déclarations dans cet Opuscule : VOUS NE POUVEZ ESPERER QUE VOTRE ADOLESCENT SOIT LUIMÊME ET AGISSE DE SON MIEUX QUE DANS LA MESURE OU SON RESERVOIR AFFECTIF EST PLEIN. Ainsi, votre responsabilité en tant que parent est de faire tout votre pouvoir pour garder son réservoir affectif plein.

DES REFLECTEURS D’AMOUR

On peut s’imaginer que les enfants et les adolescents sont comme des miroirs. En général, ils reflètent l’amour mais ils ne l’amorcent pas. Si on leur donne de l’amour, ils le rendent, mais s’ils n’en reçoivent pas, ils n’ont rien à donner en retour. L’amour inconditionnel est reflété inconditionnellement et l’amour conditionnel est retourné conditionnellement.

DES RESERVOIRS AFFECTIFS

Comme nous l’avons déjà dit auparavant, émotionnellement, affectivement, les adolescents sont des enfants. Pour vous donner une illustration de ce fait, étudions en quoi un adolescent ressemble à un enfant de deux ans : tous deux ont des désirs d’indépendance et tous deux ont des réservoirs affectifs ; l’un et l’autre désirent être indépendants et à cette fin ils utilisent l’énergie qui leur vient de leur réservoir affectif ; lorsque celui-ci est à sec, l’adolescent et l’enfant de deux ans font la même chose, ils retournent tous deux vers le parent pour faire le plein afin de pouvoir à nouveau tendre vers l’indépendance. Par exemple, supposons qu’une mère a amené son enfant de deux ans dans un lieu qui lui est inconnu, à une réunion quelconque. Au début, l’enfant s’accroche à sa mère pour recevoir un soutien émotif. Lorsque son réservoir affectif est plein, l’enfant commence alors à exercer son indépendance en faisant quelques explorations. Au début, tout ce qu’il peut faire c’est simplement se tenir près de sa mère et regarder autour de lui, mais alors que son réservoir affectif se vide, l’enfant va à nouveau chercher sa mère pour faire le plein grâce au contact visuel, au contact physique et à l’attention concentrée. Bientôt, il est à nouveau prêt à exercer son indépendance. Maintenant, avant que son réservoir ne soit à sec, il peut se rendre jusqu’à la fin de la rangée de chaises où est assise sa mère ou encore il peut entrer en communication avec une autre personne qui se trouve auprès d’elle. Vous comprenez ce qui se passe ? L’enfant doit constamment revenir auprès de son parent pour remplir à nouveau son réservoir affectif et cela afin de pouvoir poursuivre la quête de son indépendance. C’est exactement la même chose qui se passe avec l’adolescent et tout particulièrement le jeune adolescent. Il peut recourir à divers moyens pour exercer son indépendance et parfois les moyens qu’il trouve sont plutôt perturbants ou bouleversants. Pour cette démarche, il a besoin de l’énergie de son réservoir affectif et où en fera-t-il le plein ? Bien sûr chez ses parents ! Un adolescent va chercher à affirmer son indépendance par des moyens typiques de l’adolescence : il fera des choses tout seul, ira dans des endroits sans sa famille, il défiera les règles de ses parents. Mais au bout d’un certain temps, il fera une panne sèche et il reviendra vers ses parents pour un nouveau remplissage et en tant que parents d’adolescents, c’est ce que nous devons désirer. Nous devons désirer que notre adolescent puisse venir à nous, chaque fois qu’il en aura besoin, pour sa mise au point affective. Voilà plusieurs raisons pour lesquelles ce remplissage est tellement important : - les adolescents ont besoin d’une très grande quantité de soins affectifs pour pouvoir agir de leur mieux, pour grandir et atteindre tout leur potentiel.

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Ils ont désespérément besoin d’avoir des réservoirs affectifs pleins afin de ressentir la sécurité et la confiance en eux qu’ils doivent posséder pour faire face aux pressions de leurs copains et aux autres exigences de leur société d’adolescents. Sans cette confiance, les adolescents ont tendance à succomber aux pressions de leurs semblables et ils ont de la difficulté à maintenir des valeurs morales saines. - Le remplissage affectif est crucial, car alors qu’il a lieu, il est possible de garder ouvertes les lignes de communication entre les parents et les adolescents. Lorsque le réservoir d’un adolescent est vide et qu’il cherche l’amour de ses parents, la communication est beaucoup plus facile. La majorité des parents ne savent pas du tout combien il est important pour leur adolescent qu’il se sente libre de venir à eux pour faire le plein de son réservoir affectif. Alors que l’adolescent recherche son indépendance, il peut bouleverser ses parents à un tel point que ceux-ci vont se mettre à réagir avec une émotivité exagérée et généralement avec une colère excessive. Cette attitude, lorsqu’elle survient avec trop de démesure ou trop fréquemment, rend extrêmement difficile et peut-être même impossible le retour de l’adolescent vers ses parents pour ses remplissages affectifs. C’est au moment où la communication parent enfant est rompue qu’un adolescent peut se tourner vers ses copains pour rechercher auprès d’eux les soins affectifs dont il a besoin. Cette situation est dangereuse et fréquemment désastreuse. En effet, c’est à ce moment que l’adolescent devient très susceptible de céder aux pressions de ses copains, aux influences de cultes religieux et aux personnes sans scrupule qui abusent des jeunes gens. Lorsque votre adolescent vous met à l’épreuve en essayant d’être indépendant par une conduite inappropriée, vous devez être prudent et veiller à ne pas réagir avec une émotivité exagérée. Cela ne veut pas dire qu’il faille passer par-dessus une mauvaise conduite. Vous devez exprimer vos sentiments honnêtement mais d’une manière convenable : sans colère extrême, sans cris, sans paroles grossières, sans attaques verbales envers votre enfant et sans perdre la maîtrise de vous-même de toute autre manière. Regardez-le sous cet angle : si quelqu’un que vous connaissez réagit avec excès et sort de ses gonds, cela n’affecte-t-il pas vos sentiments à son égard ? Votre respect pour lui ne diminuera-t-il pas et cela d’autant plus qu’il perd le contrôle de lui-même souvent ? Plus un parent perd la maîtrise de lui-même en présence de son adolescent, moins ce dernier éprouve de respect pour lui. Vous devriez faire tous vos efforts pour conserver votre sang-froid, peu importe la manière dont votre adolescent exprime son désir d’indépendance. Vous devez aussi veiller avec soin à garder ouvertes les voies par lesquelles votre adolescent peut retourner vers vous pour faire à nouveau le plein de son réservoir affectif. Ceci est primordial si vous désirez que votre adolescent atteigne l’âge adulte sain et sauf.

VI - QUELQUES QUESTIONS RECURRENTES

COMMENT FAIRE RESPECTER LES INTERDITS LORSQUE L’ON EST PARENT ?

L’autorité n’est ni la violence, ni la brutalité, mais une présence, une force, que l’enfant doit sentir. La coercition peut prendre de multiples formes, elle est incontournable si l’on veut faire respecter les règles familiales ou professionnelles. L’exclusion du mauvais joueur en est l’illustration dans le domaine du sport. En ce sens, la pratique prolongée d’un sport ou d’activités manuelles est structurante et complémentaire de l’école. Par elle, l’enfant a des retours immédiats sur son comportement, ses talents, ses limites ou ses fautes. L’abandon des sanctions ne rend pas service. A la Maison Saint Dominique Savio, une année, les élèves sont intervenus eux-mêmes pour que cesse un phénomène qui a envahi le système scolaire : la triche. J’ai dû donc rappeler les règles du jeu et informé des sanctions pour ceux qui y dérogeraient : copie déchirée et rencontre avec les parents. La triche a cessé.

ET SI L’EDUCATEUR EST PERPLEXE DEVANT CES QUESTIONS ?

Les repères de ceux qui ont des convictions constituent des repères. Laisser l’enfant dans le flou, comme dans le trouble, distille l’angoisse et rend vulnérable à toutes les influences. L’enfant ne se construit pas dans une guimauve mais sur du roc. Certains parents, au moment de l’adolescence, refusent les conflits. Au contraire, l’adolescent qui commence à s’opposer a besoin d’être contrarié. Prendre le contre pied de ce que disent ses parents lui fait du bien et l’oblige à argumenter de manière cohérente. L’affectif mièvre et sirupeux qui, par peur de faire de la peine, tolère des actes répréhensibles, conduit finalement à l’intolérance à l’égard des personnes. Eduquer, c’est, au-delà du conditionnement, chercher à faire jaillir la personnalité de l’enfant. En effet, nous donnons à l’enfant un milieu de vie, un cadre familial et social, et toutes sortes de matériaux sur lesquels se construit sa personnalité. L’exercice de l’autorité est aussi une forme de pression sur celui que l’on désire voir grandir. Mais l’éducateur, s’il sait rester humble, vise ultimement à redonner le pouvoir à celui qu’il éduque. L’éducateur travaille en quelque sorte à sa propre disparition, à son effacement progressif. Il transmet avec le souci que l’adolescent reprenne son enseignement, ses expériences, avec sa propre originalité, ses propres talents, et non qibla imite servilement.

L’ACTE EDUCATIF NE PEUT-IL SE PASSER D’EXPLICATIONS ?

Dire et montrer. Les deux. On a beaucoup insisté sur la cohérence entre ce que l’on dit et ce que l’on fait. N’oublions pas d’associer la raison de l’enfant, de l’adolescent à ce que l’on va faire.

UN EDUCATEUR DOIT ACQUERIR BEAUCOUP DE VERTUS

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La prudence : pour apprendre à l’enfant à prendre des risques pesés et évalués ; La force : pour tenir ferme sans violence devant les crises ; La justice : pour savoir récompenser et punir à bon escient ; La tempérance : car vous ne pouvez pas demander à un enfant de se maîtriser si vous ne maîtrisez pas vos passions. On peut encore ajouter l’humilité de celui qui sait qu’il est lui-même en chemin.

JE M’OPPOSE, DONC JE SUIS

Platon écrivait à Socrate : « Notre jeunesse est mal élevée, elle se moque de l’autorité, n’a aucune espèce de respect pour les anciens… Nos enfants d’aujourd’hui ne se lèvent pas quand un vieillard entre dans une pièce, ils répondent à leurs parents et bavardent au lieu de travailler ». L’opposition est une manifestation à la fois banale et fréquente. Quand elle s’exprime sur un mode exacerbé, elle est le nœud d’une multitude d’impasses. L’éventail, large, va des petites oppositions quotidiennes au refus massif, concernant des choix dont les conséquences semblent particulièrement graves. Cette opposition a des portées différentes selon le lieu où elle s’exerce. Sur le terrain commun de l’espace familial, il s’agit de prises de position à l’égard des usages. L’adolescent remet en cause les horaires des repas, les habitudes alimentaires. Les parents se plaignent. « Au repas, il est toujours le dernier, il se goinfre, sans respect pour les autres et quitte la table avant la fin ». Son habillement peut heurter les parents, ou bien c’est le bruit, ou d’autres manifestations exubérantes qui deviennent sources de tensions. Ces prises de position, limitées dans leurs conséquences pour la famille, ont une extrême importance pour l’adolescent. Par là, il teste ses capacités d’autonomie et voit si elles sont reconnues par son entourage. Jacques PREVERT écrivait dans « La Pluie et le beau temps » : « Je connaissais le geste pour rester vivant Secouer la tête Pour dire non Pour ne pas laisser entrer les idées des gens ». La marge de manœuvre s’avère souvent étroite pour les parents, entre se plier aux exigences parfois tyranniques de l’adolescent et refuser à tout prix de reconnaître ces désirs d’autonomie. D’emblée, certaines de leurs initiatives sont perçues comme des prises de position cassantes. Pareil enjeu se retrouve sur le territoire de l’adolescent : sa chambre. Qui

ne connaît le désespoir des parents à l’égard du désordre parfois monumental de la chambre, et l’exacerbation des échanges qui en résultent ! Il s’agit là de la revendication d’un espace personnel qui soit respecté par les parents. Il y a, enfin, le domaine où se manifeste plus clairement le désir des parents à l’égard de l’adolescent : les études et les projets qu’ils ont envisagés pour lui. Ici l’idéal et les rêves des parents sont directement questionnés et mis en cause. Il est important de ne pas rester prisonniers de cette opposition significative. On voit bien comment, dans cette contestation exprimée par le jeune, s’intriquent ses initiatives et la façon dont elles sont reçues, acceptées ou non par son entourage.

S’OPPOSER QUAND ON N’A PAS DE PLACE

S’opposer à l’autre se manifeste comme une des seules possibilités de « se faire entendre » quand on est tributaire de l’image, du projet, du désir des autres, notamment des parents. L’adolescence est un temps qui surprend d’abord celui qui s’y engage. Ce qu’il fait valoir de ses projets tranche avec la représentation que les autres ont de lui, avec ce que les autres pensent de lui. « Toujours, pendant leurs disputes à mon sujet, je suis gênée, comme s’ils ne parlaient pas de moi mais d’une autre Anne, la bonne petite fille à ses parents… » Écrivait Anne Ernaux dans son livre intitulé « La Honte ». Cet écart renforce l’incertitude vis-à-vis de soi-même, vis-à-vis de l’avenir, des choix et des engagements à prendre, et vis-à-vis de ceux qui peuvent aider à fouiller ces interrogations. Il implique aussi de faire le deuil des illusions et des idéaux perdus. La difficulté d’un tel mouvement prend de l’ampleur quand les projets de l’adolescent surprennent les parents, les désarçonnent. Ils se saisissent alors du risque réel supposé pour justifier leur position de réserve et de refus. Or, si le risque peut avoir des traits réel – ce peut être le risque d’une sortie tardive, d’une mauvaise fréquentation, d’un choix de vie ou de profession paraissant inadapté, etc…, il est souvent un prétexte où se cristallisent les inquiétudes personnelles des parents, leurs inquiétudes imaginaires parfois, liées à leur perception de leur enfant. Fréquemment, ce type de confusion survient dans des liens familiaux où les enfants se sentent depuis longtemps coincés par ce que leurs parents attendent d’eux sans égard pour ce qu’ils sont. Leur opposition s’affirme de manière d’autant plus marquée et tranchée. Il importe de repérer tout de suite sur quoi se cristallise l’opposition de l’adolescent, si l’on veut désamorcer l’affrontement. Mais le prétexte qu’il trouve est à la fois si ancien et si familier à tous les membres de la famille qu’il peut passer inaperçu. Dès qu’une marge de manœuvre, un espace pour se démarquer, « un peu d’air » sont aménagés pour l’adolescent, il reprend à son compte ce à quoi il s’opposait jusqu’alors : les traits de l’idéal familial. L’opposition se joue ainsi souvent sur l’idéal du parent à l’égard de l’adolescent. Par exemple, le refus scolaire survient alors que le père ou la mère est enseignant ; un malaise physique ou une maladie fonctionnelle touche un adolescent dont l’un des parents est médecin. Ces symptômes témoignent d’une révolte à se trouver réduit à être l’objet du parent. Le symptôme se constitue dans le domaine où l’enfant se trouve investi, parce que la manière dont on rêve à sa place ne lui permet pas de se sentir reconnu. C’est une raison fréquente d’opposition et de refus. L’adolescence et l’accès au monde adulte conduisent chacun, même s’il reste influencé par cet idéal, à l’articuler, à le replacer par rapport à son désir et à sa subjectivité. Si ce

n’est pas le cas, seuls l’opposition, l’affrontement et l’agressivité protègent l’adolescent d’être confondu avec ses parents qui, imposant leurs propres idéaux, semblent le réduire à eux-mêmes, sans égard pour son individualité. Il risque de se supposer confondu à eux.

LE « TEST » PERMANENT

Par l’opposition, le jeune teste la fiabilité de ses parents. La navigation de l’adolescence appelle de vérifier la solidité des balises que constituent les parents, et l’on constate le désarroi des adolescents quand ces balises font défaut. La dérobade parentale conduit l’adolescent à surenchérir dans l’opposition pour qu’à l’extrême, leur opposition s’affirme. Les parents sont souvent déconcertés par la gravité apparente, ou par l’exacerbation des manifestations de l’adolescent, qu’ils rapportent spontanément à son état de santé, alors qu’il s’agit plutôt des conséquences de leur propre manque de réaction. Si les adolescents sont travaillés par l’exigence de leurs désirs – qui justifie le sérieux de l’attention à leur porter -, ils ne peuvent assumer ceux-ci qu’en s’appuyant sur les repères et les limites que posent et tiennent les parents, et sur la fiabilité de ceux-ci. Sinon, l’opposition aux autres et le refus se substituent pour le sujet à l’expérience d’incertitude, de manque intérieur, voire de désarroi qui génère parfois le désir.

PAS D’ENVIE

Le manque d’envie, c’est l’inhibition. L’inhibition discrète, comme la timidité, se voit fréquemment chez les adolescents. Elle porte à conséquence et s’avère invalidante si elle est très forte. Elle se repère dans l’absence de projets, de souhaits, d’envies personnelles. C’est le « J’sais pas quoi faire… » De l’adolescent. L’inhibition marque une position de retrait par rapport à l’acte. Elle pourrait s’énoncer ainsi : « En moi, pas d’envie, pas de désir que je puisse manifester ». Etre inhibé, c’est rester en deçà d’un acte engageant qui risquerait de livrer aux autres, mais aussi à soi-même, une part de son identité méconnue.

LES FACETTES DE L’IDENTITE

A l’adolescence, l’individu manie certains aspects et facettes de son identité pour s’affirmer. Mais ces maniements risquent d’être trompeurs pour les autres et pour luimême. Rappelons les différents registres d’identification. Il peut s’agir de s’identifier à son désir (« je veux enseigner »), à une figure vue comme idéale (« je voudrais être chanteur, comme MC Solar »), ou de copier les caractéristiques d’un personnage adulé (le crâne rasé de Fabien Barthez). Pour l’adolescent, ces marques d’identité sont liées à l’élan de son désir.

LES RÊVES DES PARENTS

Pour chacun, mettre en jeu son désir réclame de se dégager de la charge affective dont il est porteur, dans le fantasme et les rêves de ses parents. Pendant l’enfance, cette valeur sert de repère silencieux pour soutenir les apprentissages. L’enfant se conforme aux exigences parentales pour accéder, dans le succès des apprentissages, à ce qu’ils attendent, et s’approprier en imagination le pouvoir supposé d’une telle réussite. Les adolescents se trouvent plutôt embarrassés par ce poids. Car ce qui gouverne le rêve des parents, et se projette sur leur progéniture, est un idéal intime qu’ils n’ont pu réaliser. Une charge d’amour-propre est déplacée par les parents sur leur enfant. Toutes ces chimères sont battues en brèche à l’adolescence. L’enfant grandissant manifeste un désir radicalement distinct de celui attendu par ses parents. Les rêves et les espoirs parentaux conservent leur propre vivacité, réactivée par les déceptions ou les désillusions. C’est un passif, une charge dont l’adolescent cherche à s’extraire pour expérimenter ses repères intimes, et pour mettre en jeu son désir dans ses choix personnels. La difficulté est que ces illusions d’adultes perdurent souvent, en dépit des refus de l’adolescent d’y adhérer. Il en témoigne par le symptôme, par les oppositions et les mises en acte. Dans cette charge affective des parents, nous pouvons distinguer plusieurs influences selon que prédomine le piège de l’image, la référence à l’idéal des parents ou l’incidence de leurs fantasmes.

LA QUÊTE DES REPERES

Il est d’autant plus difficile aux parents d’observer de la réserve que les adolescents, parallèlement à leur élan d’autonomie, les sollicitent plus ou moins à leur insu. Cette recherche de repères auprès des parents se fait d’une manière confuse qui favorise l’ambiguïté des réponses. Dans l’esprit de tous, cette démarche semble contredire le mouvement d’autonomie affiché. Pourtant, l’adolescent demande à ses parents de lui maintenir leur intérêt et leur investissement, en dépit de toutes les transformations qu’il ressent en lui. En dépit enfin du sentiment que ses secrètes ambitions d’autonomie peuvent exprimer une part de méchanceté, de violence et même de sacrilège à l’égard de ses parents et du monde adulte. L’appel aux parents se fait là où ils ne s’attendent pas, et là où ils ne peuvent supposer qu’il s’agit bel et bien d’un appel. Le sérieux et la gravité avec lesquels les parents prennent en compte l’adolescence les amènent à penser que leurs enfants vont faire preuve, dans leurs sollicitations, du sérieux et de la gravité attendus. « A son âge, il sait bien ça », « je n’ai pas besoin de le lui dire », « il connaît mon opinion sur le sujet » : autant de remarques livrées par des parents désorientés, déconcertés de devoir incessamment donner des limites, fixer des horaires, refuser les rallonges d’argent de poche. En un mot, les parents sont fatigués de rester des gêneurs, des « vieux ».

Leur enfant attend d’eux qu’ils restent « eux-mêmes » en tant que parents. Cela ne signifie pas pour autant qu’ils restent « les mêmes », fixés dans leurs principes ; mais qu’ils demeurent fidèles à eux-mêmes, avec leurs travers inévitables, et l’exigence nouvelle de pouvoir prendre acte de ces travers. La navigation maritime nécessite de faire régulièrement le point, de tracer sa route à partir de balises, de phares et de points fixes. Cela s’avère impossible à faire si ces points bougent. Pareillement, la navigation de l’adolescence exige la fiabilité des repères qui soient affirmés comme tels, c’est-à-dire énoncés, représentés ou figurés. Si les parents ne tiennent pas leur position, s’ils se dérobent, on constate un grand désarroi chez les adolescents et une surenchère dans leur mode d’appel. Les parents s’étonnent toujours de devoir répéter les mêmes choses, de devoir témoigner de leur propre logique, de leurs principes, de leurs idées, de leurs croyances. Toutefois, si les sollicitations se font ainsi, n’est-ce pas justement parce qu’il s’agit de domaines particulièrement sensibles aux parents, chers à leur cœur et sur lesquels ils vont se montrer entiers ? Ils sont, de fait, étonnés que leurs prises de position soient immédiatement décriées, critiquées, rejetées. « Il prend systématiquement le contre-pied de ce que nous pensons ! » ou « Il refuse tout ce que nous lui avons appris ». Cette dimension de l’opposition mérite d’être développé. L’affirmation par les parents de leurs repères est l’occasion pour les adolescents d’être « contre ». Quel appui considérable que de pouvoir s’opposer, que de se dire « contre », même si ce type d’appui risque de générer la confusion ou une part de violence ! Il est important pour les parents d’affirmer, de toutes les manières possibles, leur position qui servira d’appui à l’adolescent. La difficulté est qu’ils vont se trouver embarrassés par leurs manques. Soit ils éprouvent de la gêne à laisser deviner leurs limites, soit ils sont mis en cause dans leurs travers, dans leurs infidélités à leurs jugements ou idées. Ces failles provoquent les remarques, les critiques, les rejets des adolescents. Autant de points où s’exerce leur sagacité pour dénoncer les contradictions adultes. C’est dans leurs renoncements que les parents sont sollicités… et critiqués, dans l’écart entre leurs actions et leurs principes qu’ils sont pris à partie. Dans cette démarche, la prise de position des parents les confronte à leurs défaillances, à leurs contradictions, à leurs failles : autant de domaines où l’amour-propre est ébranlé, où ils doivent réajuster le jugement et l’estime qu’ils se portaient à eux-mêmes. Ils sont amenés à réviser ce qu’ils imaginaient d’eux dans un véritable travail de deuil. Ce travail de deuil ne manque pas d’accomplir ses effets sur leurs enfants, puisque ceux-ci s’inscrivent dans le prolongement de l’estime qu’ils ont d’eux-mêmes. A faire le deuil de ce qu’ils imaginaient être, ils libèrent du même coup leurs enfants des secrets espoirs dont ils les avaient chargés. Ce « travail » sollicite les parents dans leur identité. Ce qu’ils découvrent eux-mêmes, ils doivent se le réapproprier. Il ne faut pas – et c’est là une autre difficulté – que ces défaillances, ces lâchetés ou infidélités remettent en cause leurs positions de parents. Ce serait alors prendre à témoin les adolescents de leurs défaillances et les en rendre complices. En ce sens, une complicité peut se jouer entre les adolescents et leurs parents. Le travail de deuil des parents peut déclencher des réactions inattendues. Ainsi, la critique, l’acharnement, voire la disqualification par l’adolescent de ses parents, souligne, paradoxalement, qu’il cherche à conserver d’eux une image idéale à laquelle il refuse de devoir renoncer. Ce sont là des points à garder à l’esprit, pour tenir sa place de parent, mais qui ne peuvent être explicités comme tels à l’adolescent. Enfin, les adolescents interrogent les parents sur leurs positions distinctes d’homme et de femme. Ils révèlent ainsi leur propre incertitude à l’égard du désir, leur manière de mettre en jeu leur sexualité, leur rapport personnel à la jouissance et au monde. A ce titre, la sollicitation des adolescents est souvent ressentie comme très directe, très crue, puisqu’elle ne fait plus appel aux parents comme à une entité « unifiée » mais comme à deux

subjectivités distinctes, un père et une mère qui sont avant tout homme et femme. Comment les parents restent-ils engagés dans leur désir ? L’adolescent « calque » fréquemment son comportement sur celui de son père ou de sa mère. Du coup, les parents se trouvent directement concernés par cette « copie ». Cette dimension de désir dans le couple parental est souvent questionnée par l’adolescent sous forme de provocation. Il introduit la contradiction, l’affrontement, la rivalité entre deux êtres jusqu’alors perçus dans leur globalité de parents. Cette globalité peut être figurée par le couple tout entier, ou par l’un ou l’autre des parents ; en tout cas, elle a été jusque là « unifiante » pour lui. Elle ne laisse pas de place à l’unité subjective de chaque parent, que le désir suppose.

LA FIABILITE DE LA PAROLE

Il importe que sur les points où l’adolescent sollicite ses parents, ceux-ci témoignent de ce qu’ils pensent et fassent bien ce qu’ils disent. A charge pour lui de tenir compte ou non de ce repère, de se situer vis-à-vis de lui, et de s’en démarquer s’il le juge nécessaire. En tout cas, l’affirmation parentale doit être posée : »Je pense que cela est important pour toi. Il est possible que je me trompe. Mais je prends cette décision précise et je m’y tiens ! » Cette prise de position des parents affirme leur désir. Il peut s’agir de fixer une limite (« Ne rentre pas après 22 heures »), de se dégager des projets de l’adolescent (« A toi d’assumer tes responsabilités »), ou d’introduire une position nouvelle (être un peu plus disponible pour lui, par exemple). En tout état de cause, la parole dite doit être fiable. Les adolescents testent cette fiabilité. Pour eux, la fiabilité inadaptée, elle peut être modifiée par la suite. L’essentiel tient à l’ajustement entre ce qui est dit et ce qui est fait.

SOMMAIRE

I – ELEVER SES ENFANTS LE MIEUX POSSIBLE

II – LE PERE, UN HOMME

III – DE L’IMPORTANCE DE LA PRESENCE PATERNELLE

IV – ATTENTION MESSIEURS !

V – LE FOYER ET SON INFLUENCE

VI – QUELQUES QUESTIONS RECURRENTES

VII – L’ATTENTION CONCENTREE, QUELLE PREUVE D’AMOUR !

VIII - CONCLUSION

VII - L’ATTENTION CONCENTREE, QUELLE PREUVE D’AMOUR !

Il faut du temps pour fournir une attention concentrée à un adolescent et c’est pourquoi elle est plus difficile à offrir qu’un contact visuel ou physique. Il est rare que les parents aient à faire un réel sacrifice pour établir ces contacts mais l’attention concentrée exige du temps et parfois beaucoup de temps. Oui, elle demande un réel sacrifice car vous aurez souvent à la manifester alors que vous aimeriez plutôt faire autre chose. En effet, il arrive souvent que, au moment précis où les parents ont le moins envie de la lui donner, l’adolescent ait un besoin désespéré d’attention concentrée. Donner de l’attention concentrée à votre adolescent, c’est lui donner votre pleine et entière attention d’une manière telle qu’il se sente réellement aimé et qu’il puisse savoir qu’il a tant de valeur en lui-même qu’il mérite votre vigilance, votre appréciation et votre respect absolu. Une attention concentrée doit permettre à votre adolescent de sentir qu’il est pour vous, ses parents, la personne la plus importante au monde. Il faudrait que l’on puisse donner aux adolescents le sentiment qu’ils sont des individus uniques. Peu d’adolescents possèdent ce sentiment, mais quelle différence cela fait en eux, lorsqu’ils l’ont ! Or, ils ne peuvent recevoir ce message qu’à travers une attention concentrée. Elle est donc excessivement importante pour le développement de leur estime personnelle. Plus, elle affecte profondément leur capacité de créer des liens et d’aimer les autres. Je le répète, je crois qu’une attention concentrée est le besoin le plus exigeant de l’adolescent. Malheureusement, la majorité des parents ont réellement de la difficulté à le combler. Il y a à cela plusieurs raisons : d’abord, ces autres choses qu’ils font pour leurs adolescents, les faveurs, les cadeaux et les permissions spéciales qu’ils leur accordent, semblent pour un temps remplacer une attention concentrée. Ces choses peuvent être bonnes en elles-mêmes, mais c’est une erreur grave que de les utiliser à la place d’une réelle attention concentrée. Ensuite cette substitution est tentante pour les parents car les faveurs et les cadeaux sont plus faciles à donner et ils prennent moins de temps. Cependant, les adolescents n’agissent pas, ils ne se sentent pas et ils ne se conduisent pas de leur mieux s’ils ne reçoivent pas cette précieuse commodité : une attention concentrée de la part de leurs parents.

LES PRIORITES

Il est impossible que je puisse m’occuper de chaque obligation et de chaque responsabilité de ma vie comme je le voudrais. Il n’ y a tout simplement pas assez

De temps pour tout cela. Alors que faire ? La seule solution possible – et elle n’est pas facile – est que je détermine quelles sont mes priorités, que j’établisse mes objectifs et que je planifie mon temps pour les accomplir. Je dois arriver à être maître de mon temps pour arriver à m’occuper tout d’abord de choses importantes. Quelles sont les priorités de votre vie ? Quelle place vos enfants y ont-ils ? Ont-ils la première priorité, la deuxième, la troisième ? Il faut que vous le déterminiez, car à moins que vous ne le fassiez, vos enfants n’auront qu’une faible place dans votre vie et ils souffriront de votre négligence à des degrés divers. Il n’y a que vous-même qui puissiez déterminer ce qui est important dans votre vie. La vie est tellement pleine d’imprévus que vous ne pouvez compter sur des occasions illimitées pour entourer de tendresse vos enfants. C’est pourquoi il vous incombe de créer des occasions pour le faire ou de prendre avantage les besoins de votre adolescent. Ces occasions seront moins nombreuses que vous ne l’auriez cru car vos enfants ne sont adolescents que pour un temps très court.

LA NECESSITE D’UNE ATTENTION CONCENTREE

L’attention concentrée n’est pas une faveur que vous offrez à votre adolescent si le temps vous le permet. Non, c’est pour lui un besoin critique. Fondamentalement, sa façon de se percevoir et la façon dont il va être accepté par son entourage, seront déterminées par la manière dont ce besoin est comblé. Si un adolescent ne reçoit pas d’attention concentrée, il va se mettre à ressentir une anxiété qui ira croissant car il aura la pénible impression que tout autre chose est plus importante que lui. N’étant pas sûr de lui, il sera entravé dans sa croissance émotive et psychologique. Il est facile d’identifier un tel adolescent. En général, il est moins mûr ou moins sûr de lui que les adolescents dont les parents ont pris le temps de remplir leur besoin d’attention concentrée. Ce malheureux adolescent est souvent replié sur lui-même et il a de la difficulté à s’entendre avec ses camarades. Il perd facilement la face et il réagit mal dans les conflits. Il est excessivement dépendant des autres, et particulièrement de ses copains aux pressions desquels il est plus en danger de céder. Certains jeunes adolescents, au contraire, et en particulier les filles privées d’attention concentrée de la part de leurs pères, semblent réagir de manière opposée. Elles sont plutôt bavardes, elles savent manipuler leur monde, être dramatiques et souvent séductrices. On les considère comme des enfants précoces, enjouées et mûres. Mais en grandissant, ce comportement ne change pas et il devient graduellement de moins en moins convenable. Bientôt, alors qu’elles sont des adolescentes plus âgées, elles deviennent antipathiques à leurs camarades et aux adultes. Cependant, même à une heure aussi tardive, une attention concentrée venant tout spécialement de leurs pères, peut agir puissamment pour corriger leur comportement frustré, diminuer leur anxiété et les libérer afin qu’elles puissent reprendre leur croissance vers la maturité.

COMMENT FOURNIR UNE ATTENTION CONCENTREE

J’ai trouvé que le meilleur moyen pour donner une attention concentrée à un adolescent est de systématiquement mettre de côté du temps afin de se trouver seul avec lui. Déjà, vous devez penser combien il doit être difficile de faire cela et vous avez raison. A mon avis, trouver du temps pour être seul avec un adolescent en dehors de toute autre distraction, est l’élément le plus ardu d’une bonne éducation. Mais il faut l’admettre, bien éduquer un enfant demande du temps et trouver du temps dans notre société hyperactive est laborieux surtout lorsque les parents doivent entrer en compétition avec tous les autres centres d’intérêt qui accaparent leurs adolescents. Aujourd’hui, comme jamais auparavant dans toute l’histoire du monde, les adolescents sont plus influencés par l’extérieur que par leur propre famille. Cela prouve encore une fois l’importance cruciale de l’attention concentrée. Il faut faire des efforts fantastiques pour arracher du temps à des horaires chargés, mais le faire c’est se réserver des récompenses extraordinaires, car c’est une chose merveilleuse que de voir son adolescent heureux, en sécurité, bien aimé par ses camarades et les adultes, étudiant et se conduisant de son mieux. Cependant, soyons francs, une telle satisfaction ne vient pad automatiquement et pour l’obtenir les parents doivent payer un prix : trouver le moyen de passer du temps seul avec chacun de leurs enfants. Il est donc difficile d’organiser son temps. J’essaie de conserver autant de temps que possible pour mes enfants. Accompagner ma fille Clémence, le samedi matin, à la piscine, ou le mercredi, à son cours de piano, assister à un match de basket dans lequel joue mon fils Joffrey le samedi après-midi ou le dimanche matin, sont des moments de bonheur partagé extrêmement précieux pour nous tous. Ce n’est que dans de semblables contextes, alors qu’ils sont seuls et en dehors de toute pression, que les parents peuvent construire cette relation spéciale et indélébile dont chaque enfant a si désespérément besoin pour pouvoir faire face aux réalités de la vie. Un enfant chérit de tels moments et il s’en rappelle alors que, pendant les années tumultueuses de l’adolescence, la vie devient, pour lui, particulièrement difficile. Lorsqu’un parent donne à son enfant ou à son adolescent une attention concentrée, il peut aussi en profiter pour lui donner des contacts visuels et physiques car c’est au cours de ces périodes d’attention concentrée que ceux-ci auront le plus de signification et d’influence sur la vie d’un enfant. De plus, il est important que vous saisissiez chaque occasion que vous pouvez avoir de passer quelques moments additionnels, seul avec votre adolescent. Par exemple, vous pouvez vous trouver seul avec lui pour quelques instants seulement alors que tout le monde est parti ou est dehors. Vous pouvez profiter de cette circonstance pour remplir son réservoir affectif et ainsi éviter les problèmes d’une panne sèche. Ce moment d’attention concentrée peut être très court mais un instant ou deux peuvent faire des merveilles. Chaque instant compte car l’enjeu est élevé. Qu’y a-t-il de pire qu’un fils ou qu’une fille adolescent rebelle ? Qu’y a-t-il de plus réjouissant qu’un adolescent bien équilibré ? Certes, il faut le répéter, l’attention concentrée prend du temps. Elle est difficile à donner d’une manière suivie et elle est souvent fatigante pour des parents déjà épuisés. Mais elle est l’agent le plus puissant pour garder plein le réservoir affectif d’un adolescent. Donner de l’attention concentrée, c’est investir pour l’avenir. Alors que les enfants grandissent, ces moments d’attention concentrée doivent être prolongés. Les enfants plus âgés ont besoin de temps pour se dégeler, pour laisser tomber leurs jeunes défenses et pour se sentir libres de partager leurs pensées intimes tout particulièrement celles qui peuvent les troubler. Les enfants qui entrent dans l’adolescence ont besoin de passer « plus » de temps avec leur famille, pas moins. Il est tellement facile de croire que, comme les adolescents

deviennent si rapidement indépendants et comme ils « semblent » vouloir passer de plus en plus de temps loin de leur famille, il faille passer de moins en moins de temps avec eux. C’est ici une des erreurs les plus dévastatrices que font les parents d’aujourd’hui. Très souvent, tandis que leurs enfants entrent et avancent dans l’adolescence, ils se mettent à utiliser leur temps libre pour des activités qui satisferont leurs « propres » besoins de détente. Chaque adolescent que je connais interprète cela comme un rejet et il a le sentiment très net que ses parents s’occupent de moins en moins de lui. Non, plus que jamais, les adolescents ont besoin du temps et de l’attention de leurs parents. Chaque jour, ils font face à de très fortes influences et malheureusement, beaucoup de ces influences sont maladives, malsaines et parfois carrément mauvaises. Si vous voulez que votre adolescent se débatte dans le monde d’aujourd’hui, vous devez passer du temps constructif avec lui et cela d’autant plus s’il passe à travers les remous de son âge. Si vous prenez le temps de remplir ses besoins, votre adolescent acquerra de la confiance et une intégrité personnelle qui lui permettront de penser pour lui-même et de choisir le genre de valeurs par lesquelles il mènera sa vie. Il développera la force de résister aux influences destructrices de ces personnes qui n’ont que peu ou pas de respect pour lui et veulent tout simplement l’exploiter. Vous pouvez être de bonne volonté, mais trouver difficile de vous occuper de votre adolescent lorsqu’il passe par des périodes de mauvaise humeur et qu’il n’a aucune envie de communiquer. Cela est typique de l’adolescence. Il faut alors se rappeler un secret : les défenses psychologiques de l’adolescent sont très fortes et il faut du « temps » pour qu’elles s’abaissent lentement jusqu’au point où il devient capable de communiquer avec vérité et de partager avec vous ce qu’il a vraiment à l’esprit. Avez-vous retenu ce mot magique ? Il faut du TEMPS.

INSTRUISEZ VOTRE ADOLESCENT

Lorsque votre adolescent manifeste sa colère directement, réjouissez-vous et plus il le fera avec des mots, mieux ce sera. A ce moment, déterminez à quel niveau se situe votre adolescent sur l’échelle de la colère. Considérez en quoi il le fait incorrectement. Rappelez-vous que votre désir est d’ « instruire » votre enfant dans la voie qu’il doit suivre. Tout d’abord, félicitez-le pour ce qu’il a fait de bien dans l’expression de sa colère. Après cela, vous pouvez lui faire prendre conscience des façons déplacées qu’il utilise (comme dire des mots vulgaires) et lui demander de les corriger. Choisissez le moment favorable et alors demandez-lui d’opérer une correction à la fois. Votre but est d’ « instruire » votre enfant à grimper l’échelle de la colère, « un échelon à la fois ». La plupart des parents s’attendent à ce que leurs enfants expriment leur colère avec maturité et qu’ils le fassent à l’échelon le plus élevé, « sans aucune éducation ». Cela équivaut à dire à un étudiant en tennis, avant sa première leçon : « Je crois que maintenant vous devriez être plus ou moins prêt pour le championnat ». Il existe certains cas où il est impossible de résoudre une colère comme, par exemple, lorsque la personne qui enflamme notre colère n’est pas accessible. Dans de telles circonstances, l’adolescent doit apprendre à utiliser d’autres moyens d’apaiser sa colère. Il peut faire de l’exercice, parler avec une personne mûre, se changer les idées en faisant une activité agréable ou en passant quelques moments seul, d’une manière détendue.

On peut aussi instruire un enfant à diriger sa propre colère en lui apprenant l’art de prévenir certaines colères par la « cognition » : c’est-à-dire, en utilisant un raisonnement intellectuel actif en vue de réduire la colère. Par exemple, j’ai pu remarquer, au cours des années, chez mes élèves, un changement merveilleux dans leur capacité de contrôler leur colère. Au lieu de réagir strictement avec émotivité, ils ont appris à utiliser plus fréquemment leur raisonnement. Il y a deux ans, lorsqu’il jouait au foot, un élève s’emportait à l’occasion s’il voyait un joueur faire quelque chose qui était manifestement mal et surtout si cela l’amenait à subir une douleur physique. A la fin de l’année scolaire, je pus remarquer un certain progrès. La majorité des adultes règlent leur forte colère d’une manière inappropriée : ils peuvent perdre le contrôle d’eux-mêmes et déverser leur colère sur la mauvaise personne. Ils peuvent chercher à faire du tort par derrière aux personnes envers aux personnes envers lesquelles ils sont fâchés et utiliser à cette fin une conduite passive agressive, indirecte et enfantine. Et tout cela, parce que personne ne les a jamais instruits sur la manière la plus appropriée d’exprimer leur colère. Qui a failli à sa tâche ? Sans aucun doute, ce sont les parents. Chaque jour vous pouvez constater ces moyens enfantins d’exprimer la colère : un mari et sa femme hurlent, crient et s’injurient mutuellement. La femme ou le mari a une aventure uniquement pour rendre à l’autre la monnaie de sa pièce. Un employé fait un mauvais travail pour détruire les intérêts de son employeur. Un directeur d’école abuse de son autorité envers un professeur d’école. Un professeur s’oppose subtilement à son directeur. Des groupes d’intérêts particuliers cherchent à léser les intérêts matériels des autres. De tous côtés, vous subissez les résultats de colères mal résolues. C’est un des plus grands problèmes dans le monde des affaires aujourd’hui et il entraîne de mauvais comportements tant chez l’employeur que chez l’employé. Soixante à quatre-vingt pour cent des problèmes dans n’importe quelle organisation sont des problèmes reliés au personnel car les personnes qui ont appris à exprimer leur colère avec maturité sont si rares ! La plupart des gens savent très bien la cacher superficiellement lorsqu’ils se trouvent en face des autres, mais leur colère ressort plus tard et de façon inappropriée. Une des choses les plus importantes qu’il faut comprendre au sujet de la colère lorsque nous nous occupons d’employés, de syndicats, de gouvernement ou d’adolescents, c’est qu’elle est inévitable. Elle peut survenir dans n’importe quelle relation humaine. Le fait le plus important après celui-ci, c’est que la colère aura tendance à augmenter et à devenir de plus en plus difficile à contrôler et même explosive, si on ne s’en occupe pas. Plus elle sera difficile à contrôler, plus elle sera destructrice. Il faut donc trouver des moyens de la tuer dans l’œuf lorsqu’elle découle de malentendus ou, lorsqu’elle est justifiée, faire en sorte qu’elle se dégonfle lentement puis se résolve. Un tel contrôle n’est naturel pour personne. La maturité que révèle une résolution appropriée de la colère s’acquiert par beaucoup de pratique et de temps.

VIII - CONCLUSION

Nous avons vu ce que pouvait signifier, pour des parents confrontés à l’adolescence de leur enfant, de faire le pas les conduisant à passer de ce qui serait le « métier » de parents au « travail » de parents. Ce travail n’est pas à réduire à l’unique dimension de la souffrance. Comme tout travail, il produit un nouvel élément, une plus-value, une place où l’adolescent trouve la possibilité de s’engager dans ses choix. Il engage ainsi une dimension de lui-même dont la souffrance passée témoignait qu’elle lui faisait défaut. On ne saurait, pour autant, affirmer que le « travail » des parents soit un but pour l’adolescent ; ce ne peut être qu’un moyen. Un moyen qui permette à chacun de se dégager de sa dépendance du désir des adultes. Un moyen qui autorise l’adolescent à mettre en jeu ce qu’il désire le plus profondément dans sa vie. Un moyen qui l’ouvre à la liberté de découvrir les repères de son identité. De ce fait, les parents perdent leur utilité quand l’adolescent fait ce franchissement. Ce pas augure un autre temps, exigeant et douloureux, de leur travail. Mais en travaillant ainsi, ils ont tenu leur place de parents et sont restés fidèles à eux-mêmes. Ce qu’ils ont permis ne justifie pas d’alimenter un culte quelconque des parents. L’adolescence des enfants sollicite à nouveau le désir des parents, mais aussi les exigences qu’ils y rencontrent. Le « travail des parents » consiste pour chacun à tenir compte des exigences. Il s’agit pour eux d’en témoigner, auprès de l’adolescent, dans la position symbolique qu’ils ont alors à tenir.

DECEMBRE 2005

SIXIEME OPUSCULE

ÊTRE PARENTS AUJOURD’HUI