Droits des femmes : après MeToo, la bataille continue

héroïnes du quotidien. Certaines ont eu le courage inouï de fuir la violence ; d'autres se bagarrent pour leur emploi, leurs enfants, leur avenir et, surtout, pour les.
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La Marseillaise / vendredi 8 mars 2019

vendredi 8 mars 2019 / La Marseillaise

JOURNÉE INTERNATIONALE DES DROITS DES FEMMES

JOURNÉE INTERNATIONALE DES DROITS DES FEMMES

Dans les Bouches-du-Rhône et le Var, elles veulent un avenir d’égalité

ÉDITORIAL Françoise Verna

Dur combat pour l’égalité

La Journée internationale de lutte pour les droits des femmes ne doit jamais devenir un « marronnier », ce sujet de « saison » qui revient, à date régulière, dans la presse, entre les crêpes de la chandeleur et avant les cloches (en chocolat) de Pâques… Et pourtant, si chaque 8 mars, les colonnes des journaux consacrent une large part aux combats des femmes, c’est pour souvent s’en détourner le reste de l’année. Certains font aussi un malheureux raccourci en parlant de « la journée de la femme » comme ils évoqueraient, au mieux, « la journée du sourire ». C’est insupportable au regard du sort encore réservé à la moitié de l’humanité. Dans ce numéro, La Marseillaise a choisi de faire témoigner des héroïnes du quotidien. Certaines ont eu le courage inouï de fuir la violence ; d’autres se bagarrent pour leur emploi, leurs enfants, leur avenir et, surtout, pour les droits et l’égalité. Un dur combat à mener sans relâche. L’Insee vient de révéler que dans les Bouches-du-Rhône et le Var, les femmes ont un salaire inférieur à 24 % à celui des hommes. Parmi celles qui élèvent seules un ou des enfants, 44 % sont sous le seuil de pauvreté dans la région Sud-Paca. La politique libérale de Macron aggrave les inégalités et, de fait, le sort des femmes. Les ordonnances réformant le code du travail, ont réduit les droits des salariés et les femmes en paient le prix fort. Les entreprises n’ont que peu de contraintes pour mettre fin à ces inégalités que rien ne justifie si ce n’est le patriarcat, ce système de domination qui fait reculer les droits et empêche la conquête de nouveaux à l’instar de la procréation médicalement assistée pour toutes. Pour ces droits à préserver et à conquérir, multiplions le 8 mars !

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Dans l’enquête qui recense des cas d’agression et de harcèlement dans les médias publiée hier, 199 personnes victimes d’agression sexuelle (dont 188 femmes) et 2 victimes de viols ayant eu lieu dans le cadre du travail ont témoigné. PHOTO ROBERT TERZIAN

Droits des femmes : après MeToo, la bataille continue ÉGALITÉ En ce 8 mars, Journée internationale pour les droits des femmes, l’enquête « Entendu à La Redac », recensant des témoignages de victimes d’agressions et de harcèlement dans les médias rappelle combien le chemin à parcourir pour l’égalité hommesfemmes est encore long.

L

e 15 octobre 2017, l’actrice américaine Alyssa Milano publie ce message sur Twitter « Si vous avez été victime de harcèlement sexuel ou d’agression sexuelle, écrivez “Me Too” (Moi aussi en VF) en réponse à ce tweet ». En 24h, le message se propage à une vitesse folle. Les femmes du monde entier adoptent ce hashtag pour témoigner d’agression ou de harcèlement,

parfois subi de manière quotidienne, sans que personne n’y prête attention jusqu’ici. En France, sa déclinaison #BalanceTonPorc inonde les réseaux sociaux. On croyait l’égalité hommes-femmes acquise depuis les grands mouvements féministes des années 70 ? On découvre les témoignages effroyables de femmes agressées quotidiennement dans le métro ou au boulot. Les démocraties occidentales ont la gueule de bois. Un an et demi après, le nombre de plaintes pour viols et

agressions sexuelles enregistrées par les forces de l’ordre a bondi : +17 % pour les viols et +20 % pour les agressions sexuelles en 2018, selon le ministère de l’Intérieur.

Les médias sur le banc des accusés

Depuis 1977, année où cette journée est officialisée par l’ONU, les avancées ne manquent pas : droit de vote pour les femmes en 1946, autorisation de la pilule contraceptive en 1967, droit à l’avortement en 1975, etc. Mais ces acquis ne doivent pas masquer

Des manifestations à Toulon et Marseille À Marseille, rendez-vous à 16h aujourd’hui sous l’ombrière du Vieux-Port à l’appel des collectifs 13 Droits des Femmes, Osez le Féminisme, la Ligue des Droits de l’Homme, l’UD-CGT13, Génération.S Marseille ou encore le mouvement de la Paix. À Toulon, le rassemblement aura lieu à 11h place de la Liberté, notamment à l’appel de la CGT. M.Ri.

les inégalités qui persistent aujourd’hui et les tentatives de remise en cause de certains droits. François Xavier Bellamy, tête de liste LR pour les élections européennes, s’est par exemple récemment dit opposé à l’IVG et l’a assumé. Une position impensable il y a quelques années, y compris pour un responsable de la droite républicaine. En Espagne, en Pologne ou en Hongrie, le droit à l’avortement est de plus en plus menacé. Les inégalités salariales, persistent elles aussi. En France, les femmes gagnent 25 % de moins que les hommes en moyenne. Et les comportements sexistes perdurent. Les collectifs « Prenons la Une », « Paye Ton Journal » et « NousToutes » ont lancé #EntenduALaRedac, une enquête qui recense des cas d’agression et de harcèlement dans plus de 400 rédactions et écoles de journalisme. 1 500 (sur 1 837) personnes déclarent avoir été victimes... Preuve que la route est encore longue. Marius Rivière

Aurore

Aurore

Faustine

Karima

Professeur des écoles, Var

Militante de la cause arménienne, Marseille

Gilet jaune, Marseille

Collégienne, La Seyne « Il y a encore des pays où les filles n’ont pas le droit d’aller à l’école, de travailler, d’être indépendantes, on a un peu tendance trop souvent à l’oublier nous les jeunes générations. Là, j’en parle facilement parce que je sors à l’instant de la projection de Girls Rising organisée dans mon collège Henri-Wallon à La Seyne, un film qui traite de l’éducation des filles et qui montre comment la lutte pour ce droit permet également de se battre contre la pauvreté. Alors, c’est sûr, quand on voit la condition des femmes encore aujourd’hui dans ces pays, on se dit qu’ici on est quand même bien, même s’il reste encore de gros progrès à faire. » T.T.

« Oui le combat continue. Même en 2019. Pourtant, dans l’Éducation nationale, même les disciplines scolaires ont un sexe : le phénomène est bien connu chez les élèves et l’institution scolaire développe des programmes pour lutter contre. Selon le bilan social du ministère, on compte 82 % de femmes chez les professeurs des écoles, mais elles ne sont plus que 64 % chez les certifiés. À partir des agrégés on atteint la parité. Au-dessus les hommes dominent avec seulement 35 % de femmes. Globalement le salaire net moyen des enseignantes atteint 2 371 euros contre 2 664 pour les hommes. »

53 %

G.ST.V.

É.E

« Le mépris de classe contre lequel les gilets jaunes se mobilisent et les inégalités que l’on subit en tant que femmes sont indissociables. Tout ce que l’on veut, c’est être considérée de la même manière, en tant qu’être humain et non en fonction du sexe ou de nos origines sociales. Le chemin reste long avant d’arriver à une égalité réelle. Notamment en termes de salaires, de postes occupés dans les entreprises ou concernant la parité chez les élus. Ce sont surtout les hommes de pouvoir qui créent les inégalités, sociales et entre les sexes, et qui nous humilient. Chez les gilets jaunes, cette égalité va d’ellemême ». A.B

Amélie

Léa

Julie

Marie

Ouvrière CGT à Naval Group, Toulon

Rédactrice en chef Magma, Marseille

Thésarde, Toulon

Lycéenne en Terminale, Gignac

« Ce n’est pas évident de travailler dans un milieu industriel. Concernant le ministère des Armées, il est composé à 38 % de femmes, bien loin des 62 % que composent les femmes dans la Fonction publique. L’écart des salaires femmes-hommes est de 14 % dans la Fonction publique d’État et 80 % des temps partiels sont occupés par des femmes dans le ministère. Le chiffre flagrant étant celui du 80 % de temps partiel, souvent le mercredi, qui est pris à 87 % par des femmes. Les inégalités continuent pour le traitement ou le déroulé de carrières professionnelles. »

« Je compte bien aller manifester aujourd’hui. Il y a beaucoup de choses qui m’indignent. Les femmes sont toujours considérées comme trop « coconnes », trop sensibles ou trop fragiles. Et ça s’en ressent professionnellement : on considère que nous ne sommes pas aptes à faire certaines tâches et on nous paie moins que les hommes à responsabilité égale. Me Too, Balance Ton Porc ont eu le mérite de faire connaître le harcèlement dont on est victime tous les jours. Mais tant que tous les postes à responsabilité seront occupés par des hommes, ça sera compliqué de faire bouger les choses. » M.Ri.

« Les luttes des générations précédentes ont été essentielles. On leur doit nos acquis, obtenus bien trop tard dans le pays des droits de l’Homme. À leur époque, il était encore moins facile de revendiquer ses droits. Le chemin est encore long vers l’égalité des sexes mais je pense que nous sommes sur la bonne voie. Le leitmotiv c’est l’éducation. D’ailleurs, on voit que les hommes s’impliquent davantage, il est moins question de rôle. Il faut aussi condamner les drames. Je pense, par exemple, aux mariages forcés et à l’excision. »

des femmes ont été victimes de harcèlement ou d’agression sexuelle au moins une fois dans leur vie en France, selon un sondage Odoxa publié en octobre 2017.

24 %

C’est la différence entre le revenu salarial net annuel moyen des femmes et celui des hommes en région Provence-Alpes-Côte d’Azur en 2015 selon l’Insee.

57,6 %

C’est le taux d’emploi des femmes en région Paca, soit 6,9 points de moins que les hommes en 2015 selon l’Insee.

G.ST.V.

« La rupture cognitive dans l’orientation de la dimension soignante en rééducation avec l’introduction d’un Serious Game thérapeutique plaçant les patients au cœur de leur réhabilitation. C’est le sujet de thèse, qui parle de handicap et donc d’inégalités, que je mène à l’Imsic dans une unité mixte du CNRS. L’objectif : c’est d’être le maître du jeu. Et ça : on peut le transposer pour les femmes. On voit encore tout le chemin à parcourir pour nous en termes d’égalité. À titre d’exemple, le nombre de femmes diminue à partir du doctorat. Et c’est pire en science. Il faut que ça change. » G.S.T.V.

« Après le bac, je veux faire des études de droit, car depuis toujours, j’ai envie d’aider les autres. Ce matin, en cours, l’un de nos professeurs nous a parlé des violences conjugales, de toutes ces femmes battues et violées au sein de leur couple. Il nous a raconté l’histoire de Jacqueline Sauvage. Ce sont des personnes comme elle, que je veux défendre plus tard, ces femmes qui n’ont pas demandé à se retrouver dans cette situation absolument horrible, et dont elles n’arrivent pas à se sortir seules. C’est en partie pour elles, que je veux devenir avocate. » S.G.