Développement durable et création des richesses ... - unesdoc - Unesco

7 oct. 2010 - Science, Technologie et Innovation pour le développement durable en Afrique par Shamila NAIR- ...... l'importance de la préparation universitaire dans la formation ...... le Niger, le Burkina Faso, le Bénin, le Togo et la.
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OCTOBRE 2010

Développement durable et création des richesses en Afrique

UNESCO AFRIQUE

Développement durable et création des richesses en Afrique

Directeur de publication Ann Therese NDONG-JATTA Directrice, UNESCO-Dakar

Comité éditorial Ann Therese NDONG-JATTA Saidou Sireh JALLOW Mohamed Chérif DIARRA Shamila NAIR-BEDOUELLE Hassana ALIDOU Agnès BEYNIS

Composition et mise en page Agnès BEYNIS Polykrome Dakar

Conception page de couverture Ousmane Dago NDIAYE

Impression Polykrome Dakar

ISSN : 0850 - 1432

© UNESCO 2010

Les appellations employées dans cette publication et la présentation des données qui y figurent n’impliquent de la part de l’UNESCO aucune prise de position quant au statut juridique des pays, territoires, villes ou zones, ou de leurs autorités, ni quant au tracé de leurs frontières ou limites. Les idées et les opinions exprimées dans cette publication sont celles des auteurs ; elles ne reflètent pas nécessairement les points de vue de l’UNESCO et n’engagent en aucune façon l’Organisation.

SOMMAIRE EDITORIAL UNESCO Afrique n°2: Développement durable et création des richesses en Afrique par Ann Therese NDONG-JATTA

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EDUCATION • Alphabétisation pour le développement durable en Afrique par Yao YDO

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• La contribution du programme d’éducation de base en Afrique (BEAP) de l’UNESCO au développement durable en Afrique subsaharienne par Saïdou Sireh JALLOW

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• Education pour le Développement Durable, Enseignement et Formation Techniques et Professionnels et création des richesses par Hervé HUOT-MARCHAND, Jean MEGE and Gorka GAMARRA

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• Formation des enseignants, Education pour le Développement durable et Création de Richesses en Afrique : l’expérience de l’UNESCO par Mohammed Chérif DIARRA

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• Prévention des conflits et développement durable : le paradigme de la région des Grands Lacs par Ada POUYE

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• Défis au développement durable : la féminisation de la pandémie du VIH en Afrique de l’Ouest et du Centre comme exemple par Ulla Pauliina KALHA

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SCIENCE Science, Technologie et Innovation pour le développement durable en Afrique par Shamila NAIR-BEDOUELLE

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CULTURE Les enjeux de la préservation et de la sauvegarde du patrimoine par Christian NDOMBI

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DOCUMENT Droit d’auteur et droits voisins : Etude sur l’adoption d’un mécanisme d’identification aux niveaux national et régional par Ndèye Abibatou Youm Diabé SIBY

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Editorial UNESCO Afrique n°2 Développement durable pour la création de richesses en Afrique Le développement durable représente un élément primordial pour la création de richesses en Afrique. L’action constante de production des connaissances et d’application d’innovations en vue de la consolidation des acquis du passé constituent des facteurs pouvant contribuer à la croissance économique et à la prospérité de ce continent, qui regorge des richesses. La production d’idées et de connaissances et leur application sont considérées comme des éléments essentiels du développement durable. Comment ce postulat est-il exprimé dans le mandat de l’UNESCO ? Quel apport pour la croissance et le développement de l’Afrique ? Il s’agit là de questions pertinentes qui forment la base de la thématique de cette seconde édition de la revue UNESCO Afrique. Les différents articles tentent d’y apporter des réponses. Les richesses, les connaissances, les idées doivent être produites /créées et utilisées pour apporter des améliorations nécessaires au niveau de vie ou à la qualité de vie des populations. Les effets des procédés et de leur impact sur l’environnement constituent des préoccupations importantes dans le processus du développement durable. La richesse ne se crée pas à partir du néant. Elle part d’idées et de processus de pensée qui se manifestent à travers les interactions entre les personnes et leur environnement physique et qui se traduisent par l’élaboration de techniques d’extraction et de transformation des ressources naturelles afin de satisfaire les besoins de la société. Les interactions qui ont lieu à l’intersection des systèmes naturel et humain peuvent freiner le fonctionnement du système naturel qui, à son tour, aura un effet sur le système humain (voir la série Histoire de l’Humanité et le Programme l’Homme et la Biosphère de l’UNESCO).

En fait, lorsque nous créons de la richesse, améliorons le niveau de vie des populations et développons nos sociétés, il s’avère nécessaire de réaliser cela dans les limites du système naturel – le système de survie de la planète Terre dont est tributaire la société. Ceci pose la question à la fois des approches techniques de création de richesses et des modèles de consommation de ces richesses. L’histoire de l’interaction entre les êtres humains et leur environnement physique montre que la dégradation de l’environnement était considérée comme une préoccupation sérieuse il y a de cela plus d’un demi-siècle tout comme elle l’est aujourd’hui, avec la menace de réchauffement de la planète, de l’augmentation du niveau de la mer et des catastrophes naturelles toujours fréquentes et de plus en plus intenses comme les sécheresses, les inondations, les ouragans etc. La responsabilité humaine ou anthropogénique de ces éléments et d’autres est, à présent, largement reconnue. Et, malgré les connaissances produites par le biais de la recherche et la prise de conscience suscitée par le rapport de la Commission Mondiale sur l’Environnement et le Développement (CMED, 1987) et la Conférence Mondiale sur l’Environnement et le Développement tenue en 1992 à Rio de Janeiro, au Brésil, sur le rôle de l’homme dans l’affaiblissement des systèmes de survie de la terre et de la nécessité du développement durable, il semble que les attitudes n’ont pas encore changé de manière significative. Les attitudes et les modèles de comportement des populations et des gouvernements ainsi que des structures gouvernementales doivent être amenés à évoluer pour davantage de changement qui est crucial à la réalisation du développement durable. Le mode de vie actuel, non viable à terme, adopté par la plupart des sociétés, continuera à avoir un effet

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Editorial

négatif sur les écosystèmes dans la mesure où les systèmes de survie de la planète ne pourraient plus assurer la survie comme nous le savons. La culture actuelle du développement qui, en Afrique, ne tient pas compte du principe de l’accumulation des connaissances, des techniques et des valeurs pour une paix et une croissance durables, doit changer puisqu’elle équivaut à se faire du tort à soi-même. Ce deuxième numéro de la revue UNESCOAfrique porte sur le développement durable pour la création de richesses en Afrique. Il contient des articles sur une large gamme de sujets liés au mandat de l’UNESCO et cherche à montrer la contribution des programmes de l’Organisation au développement durable en vue de la création de richesses. Les contributions couvrent le mandat et domaines de compétence de l’UNESCO, à savoir l’éducation, les sciences naturelles et la culture. Dans l’ensemble, les articles montrent un effort concerté en vue de la réalisation de l’objectif de développement durable. Toutefois, le développement durable des sociétés continuera à être une utopie si le changement d’attitudes des populations et des gouvernements par rapport à l’environnement, au développement social et humain, à la science et au développement technologique stagne. Pour ce faire, le Programme d’Education de Base en Afrique (BEAP), l’Education pour le Développement

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Durable (EDD), la science, la technologie et l’innovation, l’alphabétisation et les autres sujets traités dans les articles montrent comment ils contribuent à développer petit à petit chez les enfants et les jeunes gens des idées, des connaissances, des attitudes et des actions positives envers l’environnement, ce qui se traduira par une augmentation du nombre de citoyens instruits, actifs sur le plan économique, responsables sur le plan social et sensibles à l’environnement pour assurer plus de prospérité et de paix en Afrique. UNESCO-Afrique numéro 2 a été produit grâce à l’enthousiasme et au dur labeur d’un groupe de personnes dévouées. La contribution apportée par les divers auteurs et les collègues membres du Comité éditorial de ce numéro a été inestimable et mérite d’être mentionnée. Nous espérons que les lecteurs trouveront ce numéro intéressant et utile même s’il ne fait que déclencher une nouvelle perspective sur le travail de l’UNESCO et son lien avec le développement durable et l’édification de sociétés pacifiques.

Ann-Therese NDONG-JATTA

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E

Education

Education Alphabétisation pour le développement durable en Afrique Yao YDO*

Résumé Les défis du développement durable en Afrique ne peuvent être relevés seulement par des activités envisagées dans le secteur formel, comme cela semble être la tendance actuellement dans les pays. Les programmes d’éducation non formelle doivent intégrer les enjeux du développement durable et permettre de former les jeunes et les adultes à leur maitrise, en les dotant de compétences pour agir sur leur environnement immédiat pour leur survie et celle des générations à venir. Ces objectifs ne peuvent être réalisés que si les formations offertes sont sous-tendues par une utilisation effective des langues maternelles comme médium, pour garantir des acquisitions et compétences pérennes.

Contexte et cadre conceptuel En 2002, le Sommet mondial sur le développement durable tenu à Johannesburg a recommandé à l’Assemblée Générale des Nations Unies de proclamer une Décennie des Nations Unies de l’éducation en vue du développement durable (DEDD, 2005-2014) et qui reconnaisse clairement la nécessité croissante d’intégrer les questions et principes de développement durable dans l’éducation et l’apprentissage. La Conférence mondiale sur l’éducation pour le développement durable tenue en 2009 à Bonn, Allemagne nous rappelle les éléments contextuels qui doivent nous pousser à développer une nouvelle vision de l’éducation. Parmi ces défis on retient les principaux notamment la pauvreté et l’inégalité, les guerres et conflits qui sévissent dans nos communautés et pays, l’impact du changement climatique et la crise économique et financière actuelle. Aussi, l’UNESCO a rappelé dans sa note conceptuelle de la conférence que « le développement durable est un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à satisfaire leurs propres besoins. Cela implique un équilibre et une

intégration des aspects environnementaux, économiques et sociaux du développement, tout en tenant compte de la dimension culturelle. Le développement durable est effectivement devenu le principe directeur d’options de développement justes et équitables, qui profitent à chacun, partout. La réalisation du développement durable exige un changement généralisé des mentalités et des comportements. Or, l’éducation est reconnue depuis longtemps comme essentielle à sa réalisation » (Commission Brundtland, 1987). L’éducation pour le développement durable (EDD) vise à autonomiser les individus grâce au développement de comportements, compétences et connaissances qui leur permettront de prendre des décisions éclairées pour eux-mêmes et leur milieu, aujourd’hui et à l’avenir, et de traduire ces décisions en actes qui permettent de construire des communautés multilingues et multiculturelles caractérisées par une paix et cohésion sociale entre les peuples mais aussi une productivité socio-économique et culturelle qui améliore la qualité de vie et le bien-être des citoyens. Plus spécifiquement, l’EDD s’articule autour de ces cinq principes auxquels on peut y ajouter d’autres en fonction des contextes :

* Yao YDO, Conseiller régional pour l’Alphabétisation et l’Education non formelle, UNESCO-Dakar UNESCO AFRIQUE N° 2 - Développement durable et création des richesses en Afrique

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Education plus large comme l’acquisition des connaissances et compétences de base dont chacun a besoin dans un mode en rapide évolution, est un droit fondamental de la personne humaine. Dans toute société, elle est nécessaire en soi et elle constitue l’un des fondements des autres compétences de la vie courante….l’alphabétisation a aussi pour effet de stimuler la participation aux activités sociales, culturelles, politiques, et économiques et de favoriser l’éducation tout au long de la vie ». (Ibid.). CONFINTEA V a été aussi très pratique en s’inspirant du rapport de Delors (1996) pour promouvoir le thème de « l’apprentissage tout au long de la vie comme un droit, un moyen, une joie et une responsabilité partagée », sur la base des cinq piliers de l’apprentissage que sont : – apprendre à connaître, apprendre à faire, apprendre à vivre ensemble et apprendre à être. Un lien étroit est ainsi établi entre l’alphabétisation durable et le développement durable. Conscients de cette situation, la communauté internationale et les gouvernements africains se sont engagés à joindre les efforts pour augmenter les taux d’alphabétisation dans le continent.

Programme UNESCO d’Alphabétisation à Buterere, Province de Bujumbura, BURUNDI

C’est dans cette optique que pour atteindre les objectifs de la Décennie des Nations Unies pour l’alphabétisation (DNUA) et atteindre les objectifs de l’Education pour Tous (EPT), l’UNESCO a lancé l’initiative LIFE (2006-2015): Savoir pour pouvoir. LIFE incarne non seulement l’expression concrète du droit à l’éducation, qui relève quant à lui des attributions et du devoir des gouvernements, mais elle contribue surtout à la responsabilisation et à l’autonomisation des citoyennes et citoyens. En leur permettant d’acquérir les compétences nécessaires pour lire et écrire et d’autres

©UNESCO/Michel Ravassard

• une éducation qui permet aux apprenants d’acquérir les techniques, les savoir-faire, les valeurs et les connaissances nécessaires pour garantir un développement durable ; • une éducation accessible à tous les niveaux et quel que soit le contexte social (environnement familial et scolaire, lieu de travail, communauté) ; • une éducation qui forme des citoyens responsables et favorise la démocratie en permettant aux individus et aux communautés de jouir de tous leurs droits tout en remplissant leurs devoirs ; • une éducation qui prévoit la formation tout au long de la vie ; • une éducation qui permet à chacun de s’épanouir de manière équilibrée.

L’UNESCO rappelle que l’éducation doit être perçue comme une approche ou un processus transdisciplinaire et holistique de l’enseignement et l’apprentissage dans les contextes formel et non formel. La conférence sur l’éducation des adultes tenue à Hambourg en 1997 (CONFINTEA V) a donné une définition multidimensionnelle de l’alphabétisation qui tienne compte des principes du développement durable. Ainsi le paragraphe 11 de la Déclaration de Hambourg stipule que : « L’alphabétisation, conçue dans une acceptation 12

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Education compétences de vie qui leur permettent de mieux appréhender les défis auxquels ils sont confrontés, améliorer leur qualité de vie et participer activement aux activités socioculturelles, économiques et culturelles dans leur milieu.

La place et rôle de l’Alphabétisation et l’Education Non Formelle (AENF) dans la promotion de l’EDD en Afrique L’analyse des programmes éducatifs (formel et non formel) laisse perplexe en termes de satisfaction des besoins des apprenants pour un développement durable. L’éducation formelle qui ne repose pas nécessairement sur les réalités socioculturelles et économiques et les besoins d’apprentissage des apprenants, a souvent un impact négatif sur l’apprentissage et le rendement scolaire. Compte tenu du fait que les enseignements dans le formel commencent dans des langues étrangères aux apprenants, l’apprentissage dans le contexte africain est fondé sur la mémorisation qui ne favorise pas le développement d’un apprentissage optimal, l’esprit critique et les savoir-faire, qui constituent les pierres angulaires de l’EDD. D’autre part, l’accès limité à l’éducation formelle de qualité tout comme les déperditions massives du système actuel sont les facteurs qui favorisent le fort taux d’analphabétisme qui caractérise la plupart des pays africains. Le Rapport Mondial sur l’Education pour Tous (2010) indique que 38% de personnes âgées de quinze ans ou plus sont analphabètes soit 153.000.000 de jeunes et adultes. Plus de 70% de jeunes et adultes du Burkina Faso, Guinée-Conakry, Mali et Niger sont analphabètes. Notons aussi que dans tous les pays africains les jeunes filles et femmes constituent la majorité de la population analphabète. Malheureusement, les études menées dans divers contextes et tous les continents montrent que l’analphabétisme a un impact négatif sur les individus tout comme les communautés. Le fort taux d’analphabétisme auquel sont confrontés les pays africains est un frein au développement durable. Comment peut-on développer un pays quand plus

de 50% de la population active n’a pas accès aux nouvelles connaissances et compétences nécessaires dans un monde en perpétuelle mutation ? L’importance de l’alphabétisation et l’éducation non formelle pour le développement durable s’avère indéniable. L’analyse des rapports nationaux sur l’éducation des adultes (préparation de la conférence mondiale sur l’éducation des adultes CONFINTEA VI) et les rapports d’évaluation à mi-parcours de la mise en œuvre de LIFE dans les pays africains, nous indique que des progrès positifs sont engrangés dans la prise en compte de l’alphabétisation durable dans les politiques de développement et la promotion de programmes d’AENF qui tiennent compte des principes fondamentaux de l’EDD. Cependant les mêmes rapports révèlent que des efforts considérables de plaidoyer et communication doivent être déployés afin que l’AENF soit considérée comme une priorité dans les politiques de développement des pays africains. Nous présentons ci-dessous les progrès réalisés tout comme les défis qu’il faut relever afin que l’AENF contribue de manière considérable au développement durable des pays africains. Les politiques et programmes AENF tiennent-ils compte des objectifs de développement durable ? Le développement en général requiert l’existence de cadres politiques favorables, des compétences humaines, une utilisation optimale des ressources financières dans le cadre de la mise en œuvre de ces politiques. Il ressort de l’analyse des rapports d’évaluation de la mise en œuvre de LIFE en Afrique et de l’état des lieux sur l’éducation des adultes en Afrique, qu’en général, certains programmes d’AENF mis en œuvre dans les pays ont permis d’engranger des acquis positifs qui contribuent à promouvoir l’EDD.

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Education Reconnaissance politique Tous les pays africains reconnaissent politiquement l’importance de l’AENF pour le développement. Dans certains pays cette reconnaissance est marquée par la création d’un ministère chargé de l’alphabétisation (Bénin et Mali). Dans ceratins autres pays comme le Burkina Faso et l’Erythrée, une approche intersectorielle de l’AENF est de plus en plus promue grâce à une coordination plus effective des activités d’AENF menées au sein des différents ministères (ministère de l’éducation, ministère de la santé, ministère du développement social, ministère du travail, etc.). D’autres ont accru leur budget national consacré à l’AENF pour booster le sous-secteur et améliorer les taux d’alphabétisation (Bénin, Burkina Faso, Mali, Nigeria).

La vision de l’alphabétisation autonomisante comme socle de l’EDD L’idée d’une alphabétisation durable qui consiste à aller au-delà de la simple maîtrise des savoir lire, écrire et compter, est désormais largement comprise et promue par les acteurs du nonformel, qui de plus en plus mettent l’accent dans les programmes sur l’acquisition de techniques, de compétences de vie et de savoir-faire pratiques immédiatement utilisables dans leur quotidien, à travers des programmes d’alphabétisation fonctionnelle. L’analyse des programmes montre qu’il y a une compréhension partagée de l’alphabétisation comme première étape pour accéder à d’autres savoirs et compétences visant à satisfaire les besoins personnels, collectifs et environnementaux, dans le cadre d’une éducation tout au long de la vie. La grande majorité des programmes d’AENF pour adultes sont assortis d’identification et mise en œuvre d’activités génératrices de revenus qui permettent notamment aux femmes de créer des richesses à 14

travers des activités comme le maraîchage, l’élevage, l’embouche bovine, l’artisanat, etc. (Burkina Faso, Gambie, Sierra Leone, Sénégal, Mali, Niger). Dans nombre de programmes d’AENF, à l’issue des formations de base en alphabétisation, les bénéficiaires sont organisés en associations ou coopératives autour d’unités de productions ; ce qui permet de mutualiser les efforts et d’accroître les gains et bénéfices, impliquant ainsi une amélioration sensible des conditions de vie.

EDD et qualité des programmes LIFE a permis d’améliorer la qualité des programmes d’AENF dans plusieurs pays africains à travers le renforcement des capacités nationales dans la formulation, la révision et la mise en œuvre de politiques nationales d’alphabétisation et éducation non formelle dans les pays. L’aspect «genre » est pris en compte dans les politiques et les programmes et de plus en plus de femmes sont impliquées dans les activités AENF ; ces femmes sont formées et mènent des activités socio-économiques permettant d’améliorer les conditions de vie et la santé des familles. De nombreux programmes d’AENF mis en œuvre par l’état ou les ONGs promeuvent les droits des femmes et des filles en contribuant à lutter contre certaines pratiques néfastes comme l’excision, le mariage précoce, la violence faite aux femmes etc., à travers des activités post alphabétisation de sensibilisation et d’information basées sur ces thématiques. En matière de santé familiale, les programmes dans les zones rurales ont permis de doter les bénéficiaires de compétences pour un mieux-être (compétences nutritionnelles, sensibilisation au VIH/SIDA, hygiène alimentaire, santé néonatale et maternelle, etc.). Il importe cependant de noter le relatif impact de ces programmes, qui n’arrivent pas à faire évoluer rapidement et significativement les mentalités.

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Education De plus en plus de pays ont mis en œuvre des réformes éducatives sous-tendues par une vision holistique basée sur un curriculum qui promeut une interaction positive entre les alternatives éducatives non formelles et l’enseignement formel. Le curriculum de l’AENF tient compte des cultures, de l’économique, du contexte géographique et des besoins de formation des apprenants. L’utilisation des langues et cultures locales dans l’alphabétisation et enseignement non formelle contribue à l’amélioration des apprentissages dans les centres communautaires et favorise la participation active des groupes marginalisés comme les filles et les femmes. Les recherches ont à suffisance démontré que tout apprentissage qui commence dans la langue maternelle de l’apprenant, garantit des acquisitions non seulement rapides, mais surtout durables. A titre d’illustration, notons que les différents modèles d’éducation multilingue promue au Burkina Faso, au Mali et ailleurs ont permis de réduire le cycle primaire d’une année et de doter les apprenants de savoirs et de savoirfaire plus pertinents et plus pérennes. L’enseignement multilingue (ou non formel) constitue donc un modèle d’éducation de qualité qui a démontré son efficacité et son efficience. Les contenus curriculaires répondent aux principes et objectifs de l’éducation pour le développement durable car : « Les activités permettent à la fois d’associer l’acte d’apprendre à l’acte de produire, donc de remédier à l’aspect élitiste et ségrégatif de l’enseignement dispensé par le système éducatif en vigueur et de revaloriser les métiers manuels. Les activités culturelles pratiquées sont les contes et proverbes, les chants et danses et la musique avec les instruments traditionnels du milieu. Les activités de production sont la culture d’un champ et d’un jardin scolaire, parfois l’élevage, la menuiserie, la poterie, le tissage, la teinture… Les activités sont choisies par l’ensemble des acteurs, selon les compétences que peuvent apporter les parents en fonction de leurs savoir-

faire, mais aussi en fonction de la culture locale, du climat, du terrain et de l’accès à l’eau » (Hélen Cheron, 2008 et Ilboudo, 2010). La campagne d’alphabétisation de l’Afrique du Sud promue par le gouvernement trouve son succès dans la mobilisation massive des populations rurales mais aussi la qualité du curriculum de l’AENF qui comprend l’enseignement de la lecture, l’écriture et le calcul en langues locales et l’anglais mais aussi les thèmes comme la santé, le genre, l’environnement et l’éducation à la citoyenneté. Dans presque tous les pays africains, les acteurs de l’AENF (gouvernements, associations, ONGs, etc…) ont développé et mis en œuvre des programmes d’éducation à la citoyenneté et aux droits humains, qui promeuvent la démocratie et la reddition des comptes (accountability). De plus en plus de femmes et d’hommes en milieu rural comprennent et peuvent citer leurs droits, mais ne sont toujours pas suffisamment équipés pour les revendiquer et les défendre. Le développement d’un esprit critique pour des choix civiques informés lors des processus électoraux pour une citoyenneté complète, reste un des points faibles des programmes d’AENF et LIFE qui devraient appuyer les pays pour améliorer cela. Comme exemple de bonnes pratiques, on peut citer le travail réalisé au Kenya par l’ONG Green Belt Movement fondé par le Prix Nobel de la Paix, Wangari Matai, œuvre pour le renforcement des capacités des filles et des femmes en développant des programmes qui permettent à ces apprenantes d’acquérir des compétences pour prendre en charge leur santé reproductive, lutter contre le VIH/SIDA, promouvoir des habitudes nutritionnelles appropriées, et acquérir leur propre indépendance et une autosuffisante grâce à la gestion des activités génératrices de revenus. De programmes similaires qui promeuvent le genre sont développés un peu partout dans les zones rurales et urbaines dans la plupart des pays africains.

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Education En Ouganda, l’association communautaire dénommée Uganda Rural Literacy and Community Development Association (URLCODA) a développé un programme qui lie avec succès ses activités de promotion de l’alphabétisation avec l’éducation pour le développement durable dans la province de Arusha en utilisant une approche qui intègre l’alphabétisation et les compétences de vie, la conservation de l’environnement et la gestion des activités génératrices de revenus dans le programme de formation des formateurs de l’AENF et des apprenants.

Comment optimiser les acquis ? Les facteurs de réussite de l’alphabétisation durable pour un développement durable sont connus. La mise en œuvre de LIFE a permis d’identifier les pistes pour promouvoir plus efficacement une alphabétisation durable pour un développement durable en Afrique. On peut retenir quelques recommandations issues des évaluations.

Concrétiser davantage la volonté politique et l’allocation de ressources adéquates Les efforts consentis en matière de planification et d’allocation de ressources, le sous-secteur AENF reste sous financé et les pays doivent davantage se mobiliser et mobiliser leurs partenaires pour des appuis plus conséquents. Des efforts doivent encore être faits pour une prise en compte de l’AENF dans les stratégies et autres programmes nationaux de développement. Les ressources humaines et le budget alloué à l’AENF sont souvent très insuffisants et ils ne permettent pas de couvrir les besoins. Dans ce contexte, les bonnes pratiques restent limitées à des projets dont les résultats ne sont pas capitalisés. Les pays doivent davantage investir dans la formation des cadres pour une meilleure planification et gestion du sous-secteur, qui manque d’une masse critique de personnel 16

qualifié pour sa promotion. Les pays doivent renforcer les centres de formation en AENF ainsi que le réseautage. Les centres de formation en AENF doivent être renforcés et des stratégies sous-régionales et régionales de la formation doivent être développées. Des approches efficaces de la formation des ressources humaines en AENF doivent être développées avec l’appui technique de l’UNESCO, qui à travers son Initiative TTISSA, de formation des enseignants, devrait contribuer aux efforts nationaux pour la formation des personnels de l’AENF. La coopération Sud-Sud, Nord-Sud et le partage d’expériences, devraient être renforcés pour mieux optimiser les ressources pour les formations des cadres de l’AENF en Afrique. De fortes recommandations ont été formulées pendant CONFINTEA VI afin que les gouvernements et la communauté internationale notamment les partenaires techniques et financiers redoublent d’efforts et priorisent l’AENF dans leurs actions.

Promouvoir la recherche pour soutenir le plaidoyer L’UNESCO devrait, à travers LIFE, aider les pays à mener des recherches pour déterminer l’envergure de l’analphabétisme mais aussi développer un plaidoyer efficace basé sur des preuves qui établissent une relation étroite entre l’AENF et le développement durable dans les communautés. Des résultats probants sont enregistrés sur le terrain montrant l’efficacité de l’AENF dans la création des richesses, l’amélioration de la santé, la promotion sociale, etc., qui restent à être documentés pour soutenir le plaidoyer et l’UNESCO devra s’y investir à travers LIFE, en soutien aux pays.

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Education Développer un curriculum holistique de l’éducation Le BEAP recommandé par les pays et que promeut l’UNESCO, soutient la vision d’une éducation de base qui intègre le formel et le nonformel, et qui dote les individus (jeunes et adultes) de savoirs et de savoir-faire leur garantissant une insertion socio-économique et leur donne les bases nécessaires à une éducation tout au long de la vie. L’éducation de base doit être conçue comme un ensemble contenant différentes offres éducatives et diverses modalités (formelle, non- formelle, autres offres alternatives, etc.). Le BEAP recommande le développement d’un curriculum pour les différentes modalités, mais qui favorise des interactions positives grâce aux passerelles entre l’enseignement non formel et le formel notamment.

Optimiser l’utilisation appropriée des technologies de l’information et de la communication (TIC) Les technologies de l’information et de la communication (TIC) offrent de nouvelles possibilités pour promouvoir l’AENF et l’EDD dans les pays africains. En effet, grâce à l’utilisation des TIC, la formation à distance peut être développée afin d’atteindre les populations partout où elles se situent. Certains programmes novateurs ont permis de promouvoir et utiliser les TIC, notamment le téléphone portable comme moyens et outils d’alphabétisation. L’exploitation qui en est faite reste cependant en deçà du potentiel, au regard de la vulgarisation du téléphone dans les communautés rurales. Le développement de logiciels en langues nationales en cours dans les pays, avec l’appui de Microsoft, constitue une opportunité pour une plus grande utilisation de l’ordinateur comme médium d’alphabétisation. L’accord de partenariat en vue avec le BREDA permettra à travers LIFE de contribuer à promouvoir cette approche novatrice.

Conclusion Afin de promouvoir des programmes d’AENF plus pertinents, à même de contribuer à l’EDD, les gouvernements, l’UNESCO et les partenaires techniques et financiers ainsi que les organisations de la société civile devraient redoubler d’efforts pour trouver les moyens permettant de (i) renforcer les capacités nationales en planification, et suivi-évaluation des programmes d’AENF; (ii) mobiliser les partenaires pour un plus fort appui technique et financier; (iii) promouvoir les TIC dans les contenus AENF. En ce qui concerne l’UNESCO, les recommandations faites à Ouagadougou lors de l’atelier d’évaluation de LIFE permettront au BREDA de revisiter ses priorités et sa stratégie d’appui à la mise en œuvre de LIFE, avec l’appui de l’Institut de l’UNESCO pour l’Education Tout au Long de la Vie (UIL) et des Bureaux hors-Siège, pour faire de l’AENF le socle du développement durable, notamment dans les communautés rurales et dans les milieux défavorisés.

Bibliographie •

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CHLEBOWSKA, K. 1990. L’autre Tiers monde, les femmes rurales face à l’alphabétisation.



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UNESCO. 2009. Proceedings. World Conference on ESD. Bonn.



YDO, Y. 1995. L’alphabétisation des adultes : les représentations de l’écrit chez des néo-alphabètes. Thèse de doctorat. Grenoble. France.

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Education La contribution du programme d’éducation de base en Afrique (BEAP) de l’UNESCO au développement durable en Afrique sub-saharienne Saidou Sireh JALLOW*

Résumé Depuis son apparition, à la fin des années 80, et sa vulgarisation pendant plusieurs décennies, le concept de développement durable retient l’attention de la communauté internationale. Ce concept a été conçu du fait des préoccupations de plus en plus vives suscitées par la dégradation des moyens de survie sur la terre parallèlement au développement des pays, à telle enseigne que l’avenir de la terre et de ses habitants est menacé. Plusieurs conférences internationales et régionales de haut niveau ont été organisées, conférences au cours desquelles la communauté internationale a convenu de prendre des initiatives afin d’améliorer la qualité de vie sans pour autant détruire les systèmes de survie de la terre dont dépend et continuera de dépendre l’humanité pour plusieurs générations. La réalisation de cet objectif était considérée comme une responsabilité collective qui concerne chaque individu, chaque pays et chaque organisation de la planète. C’est ainsi que l’Assemblée Générale des Nations Unies a décrété la période 2005-2014 Décennie de l’Education pour le Développement Durable afin de prendre en charge cette préoccupation mondiale et en reconnaissance du rôle majeur de l’éducation dans le changement des comportements nécessaire pour induire ce changement de paradigme. Outre son rôle prépondérant dans la vulgarisation de la Décennie, l’UNESCO a mis en place des structures et des programmes afin de soutenir la Décennie et s’est efforcée d’intégrer le développement durable dans tous ses programmes. Le présent document s’intéresse au Programme d’Education de Base en Afrique, à ses principes, à son approche et à ses effets clés afin de montrer comment il apporte sa contribution à la réalisation du développement durable. Il convient de noter que l’objectif ultime du BEAP est d’augmenter le nombre d’enfants et de jeunes qui bénéficient d’une éducation de qualité d’une durée suffisante pour faire d’eux des citoyens économiquement actifs, socialement responsables et soucieux de l’environnement. Il s’agit de citoyens qui participent à la construction d’un avenir durable.

Introduction En décembre 2002, l’Assemblée Générale des Nations Unies a adopté la résolution GA 57/254 déclarant 2005-2014 Décennie des Nations Unies de l’Education pour le Développement durable (DESD). Cela faisait suite au rapport de la Commission mondiale sur l’Environnement et le Développement (CMED) (1987), intitulé Notre

Avenir commun, qui avait été accueilli avec enthousiasme. La résolution reconnait le rôle important que l’éducation pourrait jouer dans le développement durable et désigne l’UNESCO comme l’organisme moteur pour la promotion de la Décennie. L’UNESCO avait ensuite créé les structures et processus susceptibles de

* Saidou Sireh JALLOW, Consultant, Programme Education de Base, UNESCO-Dakar UNESCO AFRIQUE N° 2 - Développement durable et création des richesses en Afrique

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Education promouvoir le développement durable, notamment en mettant en place, au niveau de son Siège, à Paris, la Section de la Décennie de l’Education pour le Développement durable, et s’était efforcée d’intégrer la notion de durabilité et de développement durable dans tous les programmes mis en œuvre dans ses différents secteurs d’intervention. Ainsi, les programmes de l’UNESCO visent à favoriser la compréhension et la pratique du développement durable. Le Programme de l’UNESCO, l’Education pour un Développement durable (EDD), œuvre déjà à l’intégration des principes, des valeurs et pratiques du développement durable dans tous les aspects de l’éducation et de l’apprentissage dans le but d’aider les populations à développer des comportements, des aptitudes et des connaissances susceptibles de leur permettre de prendre, à leur profit et au profit des tiers, aujourd’hui et demain, des décisions éclairées et de se conformer à ces décisions (http://www.unesco.org/en/esd/). Le Programme d’Education de Base en Afrique (BEAP) est aussi un programme de l’UNESCO qui contribue au développement durable. Le présent article tente de démontrer comment le BEAP, en tant qu’approche, œuvre en faveur du développement durable. Il montre aussi comment l’augmentation du nombre d’apprenants/citoyens ayant les comportements, aptitudes et connaissances leur permettant d’agir de manière responsable vis-à-vis de l’environnement, l’amélioration de l’efficacité du système éducatif et la réduction des abandons, la mise en adéquation des programmes avec les besoins du marché du travail et les besoins en capital humain des économies nationales et l’amélioration de la qualité de l’éducation et des compétences des diplômés dans le but de les rendre plus efficaces et efficients peuvent, par leurs effets conjugués, contribuer au développement durable. Les sections suivantes de l’article s’intéressent au concept de développement durable, à l’initiative BEAP et à la manière dont cette dernière contribue au développement durable. 20

1. Qu’est-ce que le developpement durable ? 1.1 Origines du Développement durable Depuis des temps immémoriaux, c’est-à-dire depuis l’ère de l’homo sapiens jusqu’à celle de l’homme moderne, les êtres humains ont toujours compté sur leur environnement physique pour satisfaire leurs besoins fondamentaux : se nourrir, se vêtir, s’abriter, s’approvisionner en énergie et autres commodités de la vie (UNESCO 1994 : Cf. également la collection de l’UNESCO Histoire de l’Humanité). Au fil des millénaires, les technologies extractives en mutation, la nécessité urgente de nourrir des populations de plus en plus nombreuses associée à l’acceptation, au niveau mondial, de l’idée selon laquelle la nature serait une ressource à conquérir et à dominer pour satisfaire nos besoins, ont entraîné une profonde détérioration des systèmes environnementaux et de survie sur la terre, à tel point que la civilisation humaine est encore aujourd’hui menacée de disparition. La forte accélération du développement économique et social enregistrée au cours des cinquante dernières années a eu des effets très dommageables sur les systèmes environnementaux et les relations/interconnexions ont, à leur tour, influé et continuent d’influer négativement, sur les systèmes humains (économique, social, culturel et politique) et leur aptitude à soutenir et à améliorer la qualité de vie des populations de la planète. L’activité humaine ayant conduit à la déforestation pour les besoins de l’agriculture, de l’établissement des populations et des réseaux de transport; à la surexploitation des ressources halieutiques et des espèces sauvages, à la réduction de la biodiversité, à l’émission de gaz à effet de serre et à la pollution individuelle et industrielle des cours d’eau et des plans d’eau continue de susciter, entre autres conséquences, la désertification et les sécheresses prolongées, les inondations exceptionnelles, les disparitions sans

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Education précédent d’espèces, le changement climatique et ses corollaires. En réalité, la planète Terre est et continue d’être confrontée à un grave danger, un danger contre lequel il convient d’agir, et vite ! La mise sur pied de la CMED et l’organisation de la conférence de Rio sur l’environnement et le développement sont intervenus sur ce fond de détérioration continue des systèmes environnementaux et de survie de la Terre et ses manifestations dans les systèmes humains. L’équilibre précaire entre les composantes du système naturel (sols, végétation, plans d’eau, air) et les systèmes naturel et humain a été perturbé. Il est donc peu étonnant que le concept du développement (développement durable) recommandé par la CMED (1987) dans son rapport soit opportun et qu’il ait reçu un accueil largement favorable. Le Plan d’Action adopté à l’issue de la Conférence mondiale de Rio, l’Agenda 21, est très détaillé et reconnaît, notamment, la contribution importante que l’éducation, en particulier l’éducation de base, pourrait apporter en suscitant une prise de conscience, en induisant un changement des comportements et en redessinant l’avenir.

1.2 Définition du développement durable Il existe plusieurs définitions du développement durable qui sont fonction des orientations de l’auteur ou du sujet examiné. La définition la plus courante de cette expression est certainement celle qu’en donne la CMED (1987) dans son rapport (Notre Avenir commun) qui présente le développement durable comme « le développement qui répond aux besoins économiques actuels sans compromettre la capacité de la planète à satisfaire les besoins des générations futures ». L’idée centrale est d’arriver à une relation stable entre les activités humaines et le monde naturel. Cela veut tout simplement dire que les générations présentes ont le droit d’extraire des ressources de leur environnement physique afin de satisfaire leurs besoins, mais ce droit ne doit pas compromettre le droit des

générations futures d’exploiter également leur environnement physique pour satisfaire leurs propres besoins. L’équité (intergénérationnelle), la croissance économique associée à la protection de la qualité de l’environnement, la réduction de la pauvreté, l’éducation et la création de richesses ainsi que les obligations morales des générations successives de faire de telle sorte que l’aptitude des générations futures à satisfaire leurs besoins ne soit pas compromise font partie des idées qui sous-tendent le développement durable. Il importe de noter que le développement durable et sa pratique vont au-delà des limites de l’environnement pour entrer dans le domaine humain qui touche aux systèmes et pratiques de la société, comme nos systèmes de production, nos systèmes industriels, nos modes de consommation, nos systèmes énergétiques, nos valeurs culturelles, nos systèmes politiques, nos systèmes éducatifs, etc. La mise en œuvre de tous ces systèmes a des impacts sur les systèmes naturels. C’est aussi au sein de ces systèmes humains que se trouvent les solutions à la crise de l’environnement, qui a motivé l’élaboration du rapport Brundtland. C’est pourquoi nous entendons aujourd’hui parler d’actions menées au plan local pour réaliser le développement durable, comme le recyclage des déchets, la plantation d’arbres, la reforestation et la conservation de l’eau. Les acteurs de la scène internationale ont aussi refusé d’être en reste et nous assistons à la mise en place d’alliances mondiales pour protéger les espèces menacées de disparition, lutter contre le changement climatique, la désertification et la dégradation de l’environnement, promouvoir l’éducation pour tous, pour ne citer que quelques-unes des initiatives prises. Le présent article s’intéresse à la manière dont l’éducation, en particulier le Programme de l’Education de Base en Afrique, contribue au développement durable. Dans les sections suivantes est expliqué ce qu’est le BEAP, ses

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Education principes, son approche et ses caractéristiques clés et la manière dont il œuvre à la réalisation du développement durable.

2. Qu’est-ce que le Programme d’Education de Base en Afrique (BEAP) ? 2.1 Origines du BEAP Au cours des deux dernières décennies, les acteurs de l’Education, notamment les Etats membres africains, ont eu de plus en plus tendance à soulever certaines questions, dans le cadre de diverses déclarations de politique et programmes d’action internationaux (Cf. WCEFA : Jomtien 1990 ; le Forum sur l’EPT et son Cadre d’Action de Dakar, 2000 ; la DDEA 2006-2015 de l’UA et son Plan d’Action ; l’Appel à l’Action de Kigali, 2007 ; la Biennale de l’ADEA, 2008 ; la Conférence régionale africaine sur la Petite Enfance, 2009), sur le développement de l’éducation de base en Afrique, en particulier en ce qui concerne l’accès à l’éducation, l’équité, la qualité et l’utilité pratique de l’éducation. Ces documents ne concernent que quelques-unes des principales déclarations de politique internationales et régionales et les programmes d’action visant la prise en charge des enjeux liés à l’accès à l’éducation et à l’équité dans l’éducation, la qualité et la pertinence de l’éducation de base. Les initiateurs du BEAP se sont inspirés des conclusions de ces consultations et des consultations similaires.

2.2 Justification du BEAP Même si l’accès à l’éducation primaire a enregistré une hausse significative en Afrique subsaharienne au cours de la dernière décennie, de nombreux enfants (environ 45 millions d’enfants d’âge scolaire), en particulier les enfants désavantagés et vulnérables, demeurent exclus du système éducatif formel (UNESCO, 2010a). Les systèmes éducatifs sont généralement inefficaces aussi bien en ce qui concerne leurs 22

mesures internes que leurs mesures externes. Les taux de réussite sont faibles, notamment pour ce qui est de la transition entre cycles (du primaire au secondaire), qui est rendue plus difficile notamment par les examens sélectifs de passage au secondaire. Les taux de redoublement et d’abandon scolaire sont élevés et les programmes nationaux sont souvent inadaptés et en inadéquation avec les besoins du marché du travail et les besoins en capital humain de la plupart des économies de la région (Gakusi, 2010). L’inefficacité étant synonyme de déperdition, on peut tout naturellement conclure que les systèmes d’ éducation génèrent un taux considérable de déperdition. La qualité de l’éducation n’a pas connu la même évolution que l’accès à l’éducation. Fournir une éducation de qualité demeure un défi majeur pour l’Afrique subsaharienne. Les études du PASEC et du SACMEQ relatives aux aptitudes des élèves de l’enseignement primaire à la fin des années 90 et au début de l’année 2001 en Afrique australe et dans quelques pays francophones de l’Afrique subsaharienne mettent en évidence l’existence de graves difficultés de lecture et de communication et la faiblesse du niveau en français et en mathématiques. C’est la même situation, marquée par les mauvais résultats, qui prévaut aussi en Afrique occidentale (Gakusi, 2010). Il a été constaté que plus d’un demi-siècle d’investissements dans l’éducation n’a pas donné les résultats excomptés dans les pays africains. Les diplômés sont à peine alphabétisés ou armés pour faire face aux défis de l’enseignement secondaire ou du monde du travail. La plupart des pays africains se caractérisent par le nombre important de jeunes désabusés, peu instruits ou pas assez qualifiés pour trouver un travail. Ce qui prévaut au sein des jeunes c’est « l’envie effrénée de s’échapper vers l’Occident par tous les moyens ». Très souvent, les compétences techniques de haut niveau requises sont recrutées à l’étranger. A l’exception de quelques très rares apprenants très

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Education doués et chanceux, les systèmes d’éducation des pays africains n’ont apparemment pas réussi à produire des individus dotés d’aptitudes, de compétences, d’attitudes et valeurs requises pour se prendre en charge. Une quantité suffisante de capital humain de qualité constitue pourtant un préalable au développement. En tant qu’instrument susceptible de permettre la réalisation de certains des objectifs de la Deuxième Décennie de l’Education en Afrique (2006-2015) de l’UA, de l’Appel à l’Action de Kigali (2007) et des conclusions de la Biennale 2008 de l’ADEA, entre autres documents stratégiques, le Programme d’Education de Base en Afrique (BEAP) représente la réponse de l’UNESCO à ces défis.

vie ; l’éducation inclusive, notamment l’équité ; le rôle central de la qualité et la pertinence ; les aptitudes et les compétences en tant que processus et résultats de l’apprentissage; la démocratisation de l’accès et de la participation à l’éducation ainsi que de la participation à la prise de décision ; les modes de transmission (dès la petite enfance) et l’application d’une démarche holistique dans le développement de l’éducation de base (Cf. le Document de Politique du BEAP). Ces principes sous-tendent les efforts consentis en matière d’éducation en vue de préparer les jeunes à la vie tout court et à la vie active. Le BEAP est conçu comme une démarche essentielle visant à promouvoir ces principes à tous les niveaux du système éducatif. Pris ensemble, ces prinncipes facilitent une démarche intégrée vers la réalisation de tous les objectifs de l’EPT.

2.3 Définition du BEAP Le Programme d’Education de Base en Afrique est une initiative soutenue par l’UNESCO qui vise à promouvoir une vision élargie de l’éducation et de la protection de la petite enfance (EPPE). Il s’agit d’une éducation de base de qualité pour tous, d’une durée de 9 ans. BEAP se focalise sur les aptitudes et les compétences en tant que processus et résultats, comportements et valeurs de l’apprentissage qui préparent les apprenants aux niveaux d’éducation plus élévés et au monde du travail. A cet égard, le BEAP cherche à mettre en place un cadre pour promouvoir les approches globales de la réforme de l’éducation de base afin d’améliorer la qualité, la pertinence et l’équité de l’éducation par une meilleure adéquation entre l’éducation et les attentes et différents besoins des apprenants et de la société.

En rendant ces principes opérationnels, les pays jouent un rôle moteur sous la supervision de l’UNESCO et de ses partenaires, en identifiant les défis et les faiblesses du système éducatif qui empêchent le système d’inscrire et de conserver tous les enfants à l’école, de dispenser une éducation de qualité ou d’améliorer la pertinence de l’éducation pour les apprenants et la société. Les pays déterminent comment ils doivent s’y prendre pour relever les défis et identifier les domaines par lesquels il convient de commencer ainsi que le calendrier des activités qualifiées de « point d’entrée ». Le présent document constitue la feuille de route nationale du BEAP appelée à orienter les initiatives nationales. Les pays mettent en place un comité technique national chargé de gérer les réformes et de servir de lien entre le pays et les partenaires dans le cadre de ces réformes.

2.4 Principes et Approches clés du BEAP Les principes clés qui sous-tendent l’éducation de base telle qu’envisagée par le Programme d’Education de Base en Afrique recoupent plusieurs notions, comme le « droit à l’éducation » (y compris le droit à achever la totalité du cycle) ; l’apprentissage tout au long de la vie et l’apprentissage embrassant tous les aspects de la

2.5 Le BEAP en marche Depuis son lancement, en 2008, le programme a initié et permis un dialogue politique de haut niveau avec les Etats membres africains afin de réexaminer leurs systèmes d’éducation en ce qui concerne leur efficacité, leur efficience et leurs résultats. Quelque neuf (9) pays, au nombre desquels la Gambie,

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Education l’Ethiopie, la Tanzanie, Djibouti, les Seychelles, Maurice, le Burkina Faso et le Rwanda, ont déjà mis en œuvre le BEAP tandis que quinze (15) autres, parmi lesquels les pays de l’UEMOA et de la CEEAC/CEMAC, ont été sensibilisés au programme par le biais de consultations nationales et régionales.

Comment le BEAP contribue-t-il au développement durable ? La section suivante s’intéresse à l’approche du BEAP et au développement durable. ©UNESCO/Saidou S. Jallow

Le curriculum étant l’expression politique du modèle de société dont un pays souhaite se doter et constituant le cœur du processus de l’éducation, il est considéré comme très important pour les réformes du BEAP. Dans le cadre du BEAP, l’UNESCO apporte son soutien au renforcement des capacités des concepteurs de programme et des spécialistes de l’assurance qualité ainsi qu’aux formateurs de formateurs afin de les familiariser aux nouvelles approches de l’élaboration et de la réforme des programmes, notamment à l’élaboration de programmes basés sur les compétences. C’est à cette fin que 33 spécialistes de 8 pays, parmi lesquels l’Ouganda, les Seychelles, la Côte d’Ivoire, le Kenya, l’Ethiopie et la Zambie, ont été formés, en juillet 2009, au Tanzania Institute of Education (TIE), à la maîtrise des nouvelles approches de l’élaboration des programmes.

programme qui se focalise sur les aptitudes et compétences nécessaires à l’éducation de base pendant 9 années ininterrompues. Par ailleurs, pour appuyer les efforts visant à créer, au niveau de la région, une masse critique de spécialistes de programmes chargés d’apporter leur appui aux réformes des programmes envisagées, au niveau national, par l’initiative BEAP, il est procédé au renforcement des capacités du TIE, grâce à l’appui technique et financier du BIE et de l’UNESCO-BREDA, afin qu’il puisse servir de centre régional pour l’élaboration des programmes d’éducation. Un centre similaire destiné aux pays francophones est en cours d’identification. Dans le même ordre d’idées, Maurice a été désigné pour accueillir un centre régional d’éducation et de protection de la petite enfance (EPPE) chargé, entre autres, de dispenser une formation à ceux qui prennent soin des tout-petits et de permettre des recherches sur les questions touchant à la petite enfance.

Réunion sur l’élaboration des curricula

Une assistance technique est également fournie aux pays souhaitant réformer leurs programmes. Ainsi, avec l’appui technique du BIE-UNESCO et le soutien financier de l’IMOA, la Gambie a été en mesure de définir son propre cadre national de 24

3. Le BEAP en tant que contribution au développement durable

Il faut reconnaître que la contribution que le BEAP peut apporter au développement durable n’est pas très évidente. Certains peuvent se demander quel est le rapport existant entre l’éducation de base et le développement durable, voire avec la durabilité elle-même. Cependant, il n’est pas besoin de faire des recherches très approfondies pour s’en rendre compte. Le BEAP, en tant qu’approche, a pour but ultime de produire des citoyens dotés d’aptitudes et de

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Education compétences pratiques dans les domaines des mathématiques, de la communication et des sciences et de leur application aux enjeux de la vie pratique; des citoyens ayant des attitudes positives vis-à-vis d’eux-mêmes, de leur propre communauté et du reste du monde et imprégnés de valeurs personnelles caractérisées par l’ouverture d’esprit, la tolérance de la diversité et la promotion de la paix au sein des populations et des communautés. Ce genre de citoyen est fortement apte et susceptible de soutenir le développement économique et social de sa société, de promouvoir la paix et la justice tout en respectant les limites de l’environnement naturel. L’objectif de l’approche du BEAP est de produire des citoyens très instruits, à l’esprit critique, honnêtes, justes et amoureux de la paix, tolérants et intelligents, capables de trouver un emploi, de vivre dans la limite de leurs moyens et de contribuer au développement de leur communauté et de leur pays, tout en préservant l’environnement et la possibilité, pour les générations futures, d’améliorer leur qualité de vie. Le BEAP œuvre dans ce sens en contribuant à augmenter le nombre et la qualité des diplômés par l’amélioration des mesures visant à renforcer l’efficacité du système éducatif et en privilégiant la qualité et la pertinence. La contribution du BEAP peut être étudiée à deux niveaux, d’abord au niveau du système éducatif et de sa gestion (macro), ensuite au niveau de l’individu (micro) – le produit du système éducatif – inspirés par les principes et pratiques préconisés par le BEAP.

3.1 Amélioration de l’efficacité interne du système éducatif L’amélioration des taux de réussite et la réduction des redoublements et des abandons scolaires, par exemple, permettront de renforcer l’efficacité du système éducatif et sa capacité à absorber un plus grand nombre d’enfants. Les améliorations, en termes d’efficacité du système éducatif, induites par le BEAP par la réduction des redoublements

et des abandons scolaires ainsi que par la levée des obstacles au passage du primaire au premier cycle du secondaire permettront d’augmenter le nombre d’enfants qui arrivent au bout de leurs neuf (9) années d’études ininterrompues dans l’éducation de base. Cela permettra à un plus grand nombre d’enfants de tirer profit de l’acquisition de connaissances, aptitudes et compétences cruciales, des changements de comportement et de l’esprit d’entreprise acquis à l’issue de leur formation dans le cycle de l’éducation de base. Ces atouts constituent fondement sur lequel les jeunes s’appuieront pour prendre des décisions éclairées au sujet de l’environnement et de leur mode de vie. Suite à la mise en place de quelques éléments du BEAP, certains pays, parmi lesquels la Gambie et le Rwanda, ont obtenu des taux élevés de passage entre cycles, réussissant ainsi à faciliter l’accès à l’enseignement secondaire dans des délais très courts. Le Rwanda a récemment fait part d’une augmentation de 40% de ses taux de passage à des niveaux plus élevés.

3.2 Amélioration de l’efficacité externe du système éducatif L’amélioration de la pertinence ou de l’adéquation entre les différentes aptitudes acquises par les diplômés de l’école et celles requises par le marché du travail et les besoins nationaux en termes de capital humain préconisés par le BEAP renforcera l’aptitude à l’emploi et la productivité des jeunes. Cette situation va certainement contribuer au développement économique et social des pays. Ainsi, le cadre national des programmes d’études de la Gambie, qui vient d’être finalisé et est appelé à guider l’élaboration des curricula/programmes dans le préscolaire et au cours des neuf années de l’éducation de base, est mieux adapté au monde du travail et aux besoins nationaux de capital humain que les précédents, qui étaient généralement basés sur les examens. La Gambie,

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Education après avoir décidé d’élaborer un nouveau cadre curriculaire, une mesure considérée comme l’un des principaux enjeux du système éducatif et point d’entrée du BEAP, elle l’a harmonieusement intégré, sous l’objectif « éducation de qualité » dans une demande de financement à l’IMOA qui a reçu un écho favorable.

développement durable et aux volets similaires du programme scolaire associés à l’acquisition de comportements, d’aptitudes et de connaissances pour favoriser la prise de décisions éclairées à leur profit et au profit de tiers, aujourd’hui et plus tard, et de mettre en œuvre ces décisions.

3.4 Amélioration de la qualité de l’éducation

Fournir une EPPE/DPE de qualité aux 0-6 ans renforce les chances de succès à l’école en posant de solides fondations et lorsqu’elle est accompagnée de 9 années ininterrompues d’éducation de base pour tous les enfants, jusqu’à l’âge de 15 ans, elle augmente les chances de réussite à l’école et au travail et contribue, ce faisant, à la consolidation des fondations pour une prise en charge plus satisfaisante des p r o b l è m e s rencontrés dans la vie et au travail. Ainsi, la suppression des examens sélectifs à l’issue du cycle primaire en optant pour l’évaluation continue, avec des contrôles ponctuels de la qualité de Elèves en classe du primaire, Dakar, Sénégal l’apprentissage par le biais de tests de compétence organisés à l’issue des 3e et 5e années contribuera à augmenter de façon significative le nombre d’enfants réussissant la transition du primaire au premier cycle secondaire. Cela permettra d’augmenter le nombre d’enfants/élèves qui bénéficieront des volets du programme qui touchent à l’éducation à l’environnement, à la sensibilisation au 26

Les améliorations apportées, en termes de qualité de l’éducation, se traduisent par de meilleurs résultats de l’apprentissage. L’éducation de base de qualité fournie par le système scolaire, associée au nombre important d’enfants achevant l’éducation de base de qualité, permettra d’accroître le nombre de jeunes dotés de la capacité d’acquérir des aptitudes et spécialisations de haut niveau. Cette situation

© UNESCO/Mario Bels

3.3 Construire une base solide pour assurer le succès

devrait ensuite favoriser une réponse plus efficace aux enjeux écologiques et sociaux en générant des solutions, notamment des solutions endogènes. Une plus grande ouverture aux procédés nouveaux/modernes, la compréhension des liens complexes entre les environnements naturel et humain et l’équilibre entre les éléments de l’environnement naturel, ainsi que les aptitudes et

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Education compétences pratiques acquises les rendront plus sensibles à leurs environnements physique et social. Ainsi, ils seront en mesure de prendre, en toute connaissance de cause, des décisions relatives à leur environnement et la vie en général et de se conformer à ces décisions. Nous avons tenté, dans les paragraphes cidessus, de montrer comment le BEAP favorise une meilleure démocratisation de l’éducation, la qualité et la pertinence de l’éducation, les atouts du système et les aptitudes et compétences ainsi que les comportements et valeurs qui devraient, en définitive, induire le développement durable. Les atouts internes et externes du système éducatif générés par le BEAP, de même que les améliorations de la qualité et de la pertience générées par le BEAP augmenteront le nombre de jeunes instruits, qualifiés, économiquement actifs et socialement responsables, ce qui donnera une grande importance à la qualité de l’environnement. En bref, c’est cela que l’on entend par développement durable.

Conclusion Si le concept du développement durable trouve son origine dans le Rapport Brundtland (CMED, 1987), paru il y a plus de deux décennies, il demeure encore actuel, par exemple, en ce qui concerne le réchauffement climatique, qui représente aujourd’hui une grande menace pour la survie de notre planète. Le rapport de la commission a permis de faire mieux comprendre les relations réciproques qui existent entre les systèmes naturels et la dynamique de l’interface entre les systèmes naturel et humain, ainsi que la responsabilité morale des populations de préserver l’environnement au profit des générations futures. Le rapport et la Conférence de Rio, qui s’est tenue par la suite, ont suscité la prise d’initiatives (aux niveaux mondial, régional et national) en faveur d’un développement tenant compte des limites des systèmes naturels et des droits des générations futures au développement.

Le BEAP est un programme régional de l’UNESCO qui va contribuer au développement durable du continent. L’objectif du BEAP est de créer des opportunités de promouvoir une éducation de qualité, pratique et accessible à tous les enfants et d’améliorer les résultats de l’apprentissage ainsi que les profils des apprenants à la sortie, de telle sorte que les pays puissent compter sur des citoyens très instruits et conscients qui contribueront au développement économique et social de manière durable.

Bibliographie 1. Association for the Development of Education in Africa (ADEA), 2008 Biennale on Education in Africa, Beyond Primary Education: Challenges and opportunities to expanding learning opportunities. 2. Gakusi, Albert-Enéas, 2010, ‘African Education Challenges and Policy Responses: Evaluation of the Effectiveness of the African Development Bank’s Assistance’, African Development Review, Vol. 22 No. 1. 3. Union Africaine (UA) 2006. Deuxième Décennie de l’Education en Afrique, 2006-2015. AU, Addis Abeba 4. UNESCO 1990, Conférence mondiale sur l’Education Pour Tous, Jomtien, Thailande 5. UNESCO, 1994, History of humanity: Pre-history and the beginnings of civilisation. De Laet, S. J. et al (eds.), UNESCO Publishing, Paris 6. UNESCO, 2000.Conférence mondiale sur l’Education: Cadre d’action de Dakar. UNESCO 7. UNESCO 2008. The BEAP Policy Paper. UNESCO, Paris 8. UNESCO 2010a, EFA Global Monitoring Report, 2010: Reaching the Marginalised. UNESCO Publishing/Oxford University Press, Paris/Oxford 9. UNESCO 2010b, UNESCO Strategy for the Second Half of the United Nations Decade for Sustainable Development. UNESCO Education Sector, 2010/ED/UNP/DESD/PI/1, March 2010. 10. World Commission on Environment and Development, WCED (1987). Our Common Future. 11. http://www.unesco.org/en/esd/

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Education Education pour le Développement Durable, Enseignement et Formation Techniques et Professionnels et création des richesses Hervé HUOT-MARCHAND, Jean MEGE et Gorka GAMARRA*

Résumé Cet article propose un tour d’horizon des liens entre enseignement et formation techniques et professionnels (EFTP). Après un bref rappel des principaux concepts liés au développement durable, à l’éducation en vue du développement durable (EDD) et à l’EFTP, l’article approfondit les liens entre EFTP et EDD en s’attachant à expliquer pourquoi il convient de lier ces deux aspects, en réalisant un rappel historique des synergies ainsi qu’une analyse régionale et en proposant des pistes pour renforcer ces liens. Enfin, la dernière partie revient sur la réduction de la pauvreté et la création de richesse et le rôle de l’EFTP.

Introduction Lors de la Conférence mondiale de l’Unesco sur l’Education pour le Développement Durable tenue à Bonn en avril 2009, il s’est clairement établi que « La réalisation du développement durable exige un changement généralisé des mentalités et des comportements1 ». Ce changement ne peut se faire qu’à travers l’utilisation de l’éducation, en soutenant une éducation pour le développement durable.

I. Cadre conceptuel : l’EDD et l’EFTP A. Le développement durable En premier lieu, il faut établir le champ d’action du développement durable : en effet, qu’est exactement le concept développement durable, et que regroupe t-il?

Selon la définition donnée par la Commission Brundtland en 1987, le développement durable peut se résumer comme : « un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à satisfaire leurs propres besoins2 ». Au terme de ses travaux3, la Commission mondiale de l’environnement et du développement a produit un rapport intitulé « Notre avenir à tous » (1987). Communément appelé « Rapport Brundtland », ce rapport popularisera l’usage de l’expression « développement durable4» et sa définition. En 1992, à Rio de Janeiro au Brésil s’est déroulé le Sommet de la Terre, aussi appelé Conférence des Nations Unies sur l’environnement et le développement (CNUED). Les participants5 ont défini les principes fondamentaux et établi le

* Hervé HUOT-MARCHAND, Expert sectoriel, Section Enseignement et Formation Techniques et Professionnels (EFTP) Jean MEGE et Gorka GAMARRA, Section Education en vue du Développement durable (EDD). 1

Pag.2. Document d’information. Conférence mondiale de l’UNESCO sur l’éducation pour le développement durable. 31 mars-2 avril 2009 Bonn, Allemagne. Au terme des travaux de la Commission, Mme Brundtland dira de ce mandat : « […] certaines personnes souhaitèrent que cette enquête soit limitée aux « problèmes de l'environnement ». Ce qui aurait été une grave erreur. L'environnement ne peut être séparé des actions, des ambitions et des besoins de la personne humaine. […] Mais, attention, l'environnement est le lieu où chacun de nous vit et le développement est ce que nous essayons de faire pour améliorer notre sort à l'intérieur de ce même lieu. Les deux sont inséparables » (Gro Harlem Brundtland, Notre avenir à tous, Avant-propos, 1987). 3 Les travaux de la Commission mondiale de l’environnement et du développement ont été marqués par deux catastrophes environnementales et humanitaires majeures qui font aujourd’hui partie de l’histoire de l’humanité : la catastrophe survenue à Bhopal en Inde (1984) de même que l’explosion à la centrale nucléaire à Tchernobyl en Ukraine (1986). 4 La traduction française de Notre avenir à tous a été publiée par la maison d'édition québécoise Les Éditions du Fleuve en 1988. Il est intéressant de noter qu’on y traduit l’expression « sustainable development » par « développement soutenable » et non par « développement durable ». Mais avec le temps, c’est l’expression « développement durable » qui a prévalu dans le langage courant. 2

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Education programme d’action « Agenda 21 ». Le Sommet de la Terre a également donné naissance à la Déclaration de Rio sur l’environnement et le développement6, un document capital pour l’affirmation d’un engagement à l’échelle internationale envers les principes du développement durable. À la suite de ce Sommet, des institutions internationales ont été constituées pour que se concrétisent les engagements pris par les nations présentes. Parmi ces institutions, la Commission du développement durable (CDD) des Nations Unies assure depuis 1992 la promotion des principes et des pratiques associés au développement durable au niveau international. En 2002, le Sommet mondial sur le développement durable de Johannesburg en Afrique du Sud a été l’occasion pour les participants de renouveler leur engagement envers les principes définis dans la Déclaration de Rio et les objectifs du programme Agenda 21, et aussi de progresser dans ce sens en mettant la priorité sur certaines cibles, parmi lesquelles :

Stockholm) a souligné l’importance de l’éducation pour faire face aux problèmes du milieu humain. En 1992, le document adopté à l’issue de la Conférence des Nations Unies sur l’environnement et le développement (CNUED) à Rio de Janeiro dans le chapitre 36 stipule que « l’éducation est essentielle pour promouvoir le développement durable et améliorer la capacité des individus à s’attaquer aux problèmes d’environnement et de développement ». En 2002, le Sommet mondial sur le développement durable tenu à Johannesburg a réaffirmé cet engagement et a recommandé à l’Assemblée Générale des Nations Unies de proclamer une Décennie des Nations Unies de l’éducation en vue du développement durable (DEDD, 2005-2014) qui reconnaît clairement « la nécessité croissante d’intégrer les questions et principes de développement durable dans l’éducation et l’apprentissage ».

• l’élimination de la pauvreté; • la modification des modes de consommation et de production non viables; • la protection et la gestion des ressources naturelles.

Ainsi « L’éducation pour le développement durable vise à doter les individus des comportements, compétences et connaissances qui leur permettront de prendre des décisions éclairées pour eux-mêmes et les autres, aujourd’hui et à l’avenir, et de traduire ces décisions en actes.»7

B. L’éducation en vue du développement durable

En termes plus pratiques les valeurs ajoutées d’EDD8 peuvent se résumer ainsi :

Dans le cadre de l’évolution du développement durable, l’éducation a pris peu à peu une place indispensable pour faire progresser le développement durable. En 1972, la Conférence des Nations Unies sur l’environnement humain (Conférence de

• une éducation qui permet aux apprenants d’acquérir les techniques, les savoir-faire, les valeurs et les connaissances nécessaires pour garantir un développement durable ; • une éducation accessible à tous les niveaux et quel que soit le contexte social

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Rassemblant près de 200 représentants de gouvernements, et un grand nombre d’organisations non gouvernementales (ONG). D’autres textes ont été adoptés lors de cette rencontre : -la Convention sur la diversité biologique; la Convention-cadre sur les changements climatiques (et son corollaire, le protocole de Kyoto); la Convention sur la lutte contre la désertification; la Déclaration sur la gestion, la conservation et le développement durable des forêts.7 Http: //www.unesco.org/fr/esd. 8 Http: //www.unesco.org/bpi/pdf/memobpi39_sustainablevpt_fr.pdf 6

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Education (environnement familial et scolaire, lieu de travail, communauté) ; • une éducation qui forme des citoyens responsables et favorise la démocratie en permettant aux individus et aux communautés de jouir de tous leurs droits tout en remplissant leurs devoirs ; • une éducation qui prévoit la formation tout au long de la vie ; • une éducation qui permet à chacun de s’épanouir de manière équilibrée.

L’UNESCO à travers la recommandation révisée concernant l’enseignement technique et professionnel (2001), définit l’expression «enseignement technique et professionnel» comme « ceux des aspects du processus éducatif qui, en plus d’une instruction générale, impliquent l’étude des techniques et des sciences connexes, et l’acquisition de capacités pratiques, d’attitudes, d’une compréhension, et de connaissances en rapport avec les professions des divers secteurs de la vie économique et sociale ».

Et les principaux thèmes de travail sont9 : - Urbanisation durable - Consommation durable - Paix et sécurité humaine - Développement rural - Diversité culturelle - Égalité entre les sexes - Santé - Environnement

L’EFTP est complexe et présente plusieurs facettes. Il est façonné par certains paramètres dont les principaux sont : • l’EFTP peut relever des attributions de plusieurs ministères ce qui lui confère un caractère multisectoriel ; • l’apprentissage théorique et l’apprentissage pratique peuvent constituer des éléments importants de l’EFTP. C’est au moyen de l’EFTP que des connaissances et des compétences spécialisées peuvent être acquises à l’école, dans des centres de formation spécialisés et au travail ; • l’EFTP peut s’articuler dans l’enseignement secondaire, post-secondaire et supérieur ; • l’EFTP peut englober la formation initiale des débutants de même que la formation tout au long de la vie professionnelle des actifs. Il peut également ouvrir les portes de l’enseignement post-secondaire et supérieur ; • l’EFTP peut faire partie du système éducatif formel, mais peut également être dispensé de façon informelle au travail ou par des dispositifs non formels.

C. L’Enseignement et la Formation Techniques et Professionnels L’expression « Enseignement et Formation Techniques et Professionnels » (EFTP) fait référence à toute une gamme d’expériences d’apprentissage pertinentes au monde du travail et pouvant avoir lieu dans une variété de contextes d’apprentissage (établissements éducatifs, lieu de travail, etc.). En effet, l’EFTP comprend l’apprentissage destiné à développer les compétences dans la pratique de métiers donnés, et l’apprentissage destiné à préparer l’entrée dans le monde du travail en général. Dans les deux cas, l’apprentissage peut être destiné à mener à l’accès direct au marché du travail ou à servir de base à l’accès à l’enseignement et à la formation supérieurs en vue d’une insertion dans des métiers spécifiques.

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De manière plus récente10, l’UNESCO-BREDA a établi, à l’appui du plan d’action de l’Union Africaine pour la deuxième décennie de l’éducation (2006-2015), un cadre d’action en vue de promouvoir la réforme de l’EFTP en Afrique

Pour en savoir plus. Unité Education au Développement Durable. Unesco. http: //www.unesco.org/fr/esd. UNESCO-BREDA, Cadre d’action pour l’EFTP, février 2009.

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Education subsaharienne. Ce cadre d’action pour l’EFTP «s’applique à l’enseignement technique et professionnel, sous toutes ses formes et tous ses aspects, dispensé dans les établissements d’enseignement ou sous leur responsabilité, par les pouvoirs publics, le secteur privé ou selon d’autres modalités d’éducation organisée, formelle ou non formelle, visant à garantir que tous les membres de la communauté auront accès aux chemins de l’apprentissage tout au long de la vie ». Le cadre d’action pour l’EFTP s’intéresse, par ailleurs, aux acquis de l’apprentissage professionnel informel lorsqu’ils apportent une contribution à un processus d’enseignement et de formation tout au long de la vie.

II. Liens entre EDD et EFTP En décembre 2002, l’Assemblée générale des Nations unies a adopté une résolution proclamant une Décennie des Nations unies pour l’éducation en vue du développement durable (DEDD11) de 2005 à 2014, dont l’UNESCO est chef de file. L’éducation en vue du développement durable (EDD) est une éducation qui permet aux apprenants d’acquérir les techniques, les savoirfaire, les valeurs et les connaissances nécessaires pour garantir un développement durable. Dans le cadre de cette DEDD, il ne saurait y avoir de croissance économique à long terme sur une planète dépouillée de ses ressources naturelles. L'éducation pour le développement durable a donc pour tâche principale d'enseigner à la société des comportements responsables et le respect de l'environnement : « Elle s’emploie à intégrer les principes, les valeurs et les pratiques indissociablement liés au développement durable à toutes les formes d’éducation et d’apprentissage, afin que nous puissions relever les défis sociaux, économiques et environnementaux du XXIe siècle. »12. Dès lors, 11 12

ces deux types d’éducation sont indissociables et complémentaires et les synergies doivent donc être favorisées afin de contribuer à une création durable de richesses. Les paragraphes suivants nous permettront d’analyser les liens entre EFTP et EDD afin de contribuer à une création durable de richesses.

A. Pourquoi lier EDD et EFTP ? Comme précisé par le Centre international pour l'enseignement et la formation techniques et professionnels, en tant que consommateur et producteur de ressources, ou plus précisément, en tant que secteur intervenant dans la transformation de ressources, l’EFTP est concerné à de nombreux titres par les aspects de la durabilité. A titre d’exemples, la déforestation ou la surexploitation des ressources naturelles peuvent menacer la capacité des générations futures à satisfaire leurs besoins. Ainsi, l’EFTP se doit de relever le défi de la réorientation autour des principes de l’EDD afin d’inculquer aux apprenants le respect de la préservation et l’utilisation durable des ressources de manière à favoriser une création durable de richesses. Dotés de ses compétences, par l’intégration de l’EDD au sein de l’EFTP, les apprenants seront à même d’effectuer des activités durables aujourd’hui et demain. Intégrer les principes de durabilité au sein du secteur de l’EFTP, par le biais de l’EDD, permettra également le maintien du niveau sur le marché du travail, élément indispensable à la durabilité de l’emploi. La formation continue et des adultes, dispensée aux travailleurs menacés de perdre leur emploi peut aboutir à un emploi durable qui aura aussi des répercussions sur l’avenir de leurs enfants. Enfin, la durabilité a des retombées majeures sur les entreprises et l’industrie, notamment dans le cadre de la responsabilité sociale et environnementale des entreprises. De

http://www.unesco.org/fr/esd/decqde-of-esd/ www.unesco.org/fr/esd

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Education nombreuses entreprises rendent compte à leurs actionnaires et à leurs partenaires dans la communauté des résultats de leur activité économique, mais aussi de ses répercussions sociales. De nombreuses entreprises et opportunités d’emploi nouvelles voient aussi le jour (écotourisme, contrôle environnemental, développement communautaire durable, écoconception, recyclage, sources d’énergie alternatives, réhabilitation des sols, etc…). L’EFTP en formant les travailleurs de demain se doit ainsi de prendre en compte ces évolutions et l’EDD peut ainsi contribuer au renforcement des compétences sur ces thèmes.

B. Les liens entre EDD et EFTP : Rappel historique Le lien entre le développement durable s’est fait très rapidement, notamment depuis 1999 lors du 2e Congrès International sur l’ETP (« Éducation et formation tout au long de la vie : un pont vers l’avenir », Séoul, Corée), qui aboutit à la nécessité d’actualiser la vision du « 1er Congrès International sur le développement et l’amélioration de l’ETP » (Berlin, 1987), afin qu’elle prenne en compte les questions contemporaines (TIC, genre, mondialisation, développement durable, etc.). Le concept de développement durable y est maintes fois abordé, par exemple : « Nous avons conclu que l’Enseignement Technique et Professionnel, partie intégrante de l’apprentissage tout au long de la vie, a un rôle crucial à jouer dans cette nouvelle ère car il constitue un outil efficace pour réaliser les objectifs d’une culture de la paix, d’un développement durable respectueux de l’environnement, de la cohésion sociale et de la citoyenneté internationale13».

Générale de l’UNESCO), décrit l’ETP comme devant être entre autres « un instrument pour promouvoir un développement durable, respectueux de l’environnement », et ayant au moins comme but de « donner aux individus les moyens de contribuer, dans le cadre de leur profession et dans d’autres sphères de la vie, à l’avènement d’un développement durable ». • en 2004, la Réunion Internationale d’Experts sur l’EFTP, organisée par l’UNESCO à Bonn sur le thème « Apprendre par le Travail, la citoyenneté, et la durabilité », renforce cette synergie entre EFTP et DD : - d’une part avec la « Déclaration de Bonne» faite à l’issue des travaux, qui établit un lien privilégié entre l’EFTP et le Développement Durable, elle proclame notamment que « l’EFTP doit être la cheville ouvrière permettant de réduire la pauvreté, promouvoir la paix, préserver l’environnement, assurer à tous une meilleure qualité de vie et conduire à un développement durable »; - d’autre part, avec la proposition d’un plan d’action pour l’EFTP et le développement durable, afin que l’UNESCO régisse ses actions dans le cadre de la DEDD. Ce plan d’action fait apparaître sept stratégies entrecroisées : i) Promotion et conception ii) Soutien à l’analyse et au développement des politiques nationales d’EFTP iii) Lignes directrices pour la planification et la mise en œuvre iv) Programmes de renforcement des capacités et de formation v) Matériels, ressources et équipements de soutien à l’apprentissage vi) Réseaux et partenariats dans l’EFTP vii) Suivi, évaluation et recherche.

Cette implication n’a cessé de se poursuivre : • la « Recommandations révisée sur l’ETP » (adoptée en 2001 lors de la 31e Conférence 13

En outre, le document de l’UNEVOC « Orienter l’Enseignement et la Formation Techniques et Professionnels vers le développement durable »

UNESCO (1999), Rapport final, préambule des recommandations UNESCO AFRIQUE N° 2 - Développement durable et création des richesses en Afrique

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Education décrit comment la durabilité peut être appliquée à l’EFTP : « […] l’éducation et la formation des travailleurs doivent promouvoir la compréhension de la durabilité pour que la bonne gestion des ressources, de l’environnement et de la santé devienne plus efficace. Les tendances qui se manifestent dans les secteurs de la production et des services suggèrent que les compétences et aptitudes tant fondamentales que transférables seront durables à long terme pour les déplacements d’emplois et les changements technologiques. L’EFTP durable se préoccupe du renouvellement des compétences individuelles, des besoins de compétences sur le marché du travail, et de la transformation du monde du travail. Les préoccupations majeures de l’EFTP telles que l’égalité des sexes et l’égalité ethnique au poste de travail, la santé et la sécurité au travail, l’utilisation circonspecte des ressources et la réduction des déchets, etc. se trouvent également au coeur de la durabilité. L’application à l’EFTP des principes du développement durable s’accomplit au mieux de manière globale et planifiée par leur intégration dans les curricula d’EFTP, leur incorporation dans les plans des installations d’EFTP, la modification de l’acquisition, de l’utilisation et de l’élimination des matières consommables utilisées pour la formation, la sélection des lieux d’apprentissage, l’amélioration des pratiques de maintenance courante et préventive, la formation et le recyclage des instructeurs d’EFTP, etc. »

C. Comment renforcer les synergies entre EDD et EFTP ? Les points précédents montrent l’importance de la promotion des concepts du développement durable au sein de l’EFTP. Ces tendances économiques et sociales suggèrent que l’éducation et la formation des travailleurs doivent promouvoir la compréhension de la durabilité pour que la bonne gestion des ressources, de 14

l’environnement et de la santé devienne plus efficace. Les tendances qui se manifestent dans les secteurs de la production et des services suggèrent que les compétences et aptitudes tant fondamentales que transférables seront durables à long terme pour les déplacements d’emplois et les changements technologiques. L’EFTP durable se préoccupe du renouvellement des compétences individuelles, des besoins de compétences sur le marché du travail, et de la transformation du monde du travail. Les préoccupations majeures de l’EFTP telles que l’égalité des sexes et l’égalité ethnique au poste de travail, la santé et la sécurité au travail, l’utilisation circonspecte des ressources et la réduction des déchets, etc. se trouvent également au coeur de la durabilité. L’application à l’EFTP des principes du développement durable s’accomplit au mieux de manière globale et planifiée par leur intégration dans les curricula d’EFTP, leur incorporation dans les plans des installations d’EFTP, la modification de l’acquisition, de l’utilisation et de l’élimination des matières consommables utilisées pour la formation, la sélection des lieux d’apprentissage, l’amélioration des pratiques de maintenance courante et préventive, la formation et le recyclage des instructeurs d’EFTP, etc.

D. Les liens entre le DD et l’EFTP au niveau régional L’EFTP fait partie intégrante de la contextualisation de la stratégie mondiale de la DEDD en Afrique subsaharienne (ASS), décrite par le document de « projet de Stratégie d’EDD en ASS ». Ceci à deux niveaux de prise en compte : • une volonté forte et affirmée de prendre en compte l’EFTP dans la stratégie, en faisant apparaître explicitement ce secteur dans un des quatre axes prioritaires de mise en œuvre14 ;

« [axe 1 :] Promouvoir l’Education de base. Il s’agit non seulement d’Education à la fois formelle et non formelle mais aussi de l’enseignement technique et professionnel qui a connu un recul sensible dans la plupart des pays de la région »

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Education • d’une manière implicite, comme élément à part entière du secteur de l’éducation, l’EFTP est une partie prenante incontournable et surtout essentielle de la stratégie de l’EDD en ASS. A ce titre, l’EFTP s’intègre en tant que cible des cinq objectifs stratégiques de la SEDD en ASS : i) Renforcer la cohérence et l’engagement au niveau politique pour la mise en œuvre de l’éducation en vue du développement durable aux niveaux régional et national, ii) Elargir la sensibilisation du public et renforcer la mise en pratique des principes de développement durable dans le vécu à la fois individuel et collectif, iii) Promouvoir un système éducatif qui valorise les cultures africaines surtout dans leurs dimensions qui contribuent au développement socio-économique durable, iv) Améliorer la qualité de l’éducation dans toutes ses dimensions dans une optique de développement durable, v) Consolider et diversifier les partenariats autour de l’éducation en vue du développement durable. Cette volonté forte et implicite de prise en compte du secteur de l’EFTP se confirme dans le résumé analytique : « La stratégie englobe des suggestions relatives aux dispositions institutionnelles pour sa mise en œuvre, son financement, et son suivi. Elle insiste, par ailleurs, sur la nécessité de promouvoir d’une part, un enseignement professionnel et technique adapté aux besoins de l’économie et tenant compte des préoccupations environnementales, d’autre part, l’éducation non formelle ».

15 16

III. EFTP, lutte contre la pauvreté et création de richesses A. Lutte contre la pauvreté et création de richesses : des concepts et interrelations parfois complexes Il conviendrait tout d’abord de préciser le sens entendu de la « lutte contre la pauvreté », car la définition même de la pauvreté varie grandement selon les pays et leurs contextes socioéconomiques, culturels, environnementaux, et politiques, même si dans toutes ces variations la notion de « privation » s’y retrouve transversalement profondément ancrée. Sa conception usuelle est souvent celle adoptée par la Communauté internationale, définissant l’extrême pauvreté par « un revenu inférieur à un dollar par jour » (dans les économies fortes, ce seuil peut être porté à deux dollars par jour). Cette définition unidimensionnelle et monétaire se retrouve en première ligne des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) dont le premier15 est de « réduire l’extrême pauvreté et la faim », se décomposant en deux cibles dont la première est de « réduire de moitié, entre 1990 et 2015, la proportion de la population dont le revenu est inférieur à un dollar par jour ». C’est un des huit objectifs interdépendants (déclinés en 18 cibles et 48 indicateurs) adoptés en 2000, à l’initiative des Nations Unies, lors d’une réunion internationale de 147 Chefs d’État et 189 gouvernements, qui a permis d’aboutir à la « Déclaration du Millénaire » manifestant une16 « volonté forte d’œuvrer pour le droit au développement, la paix et la sécurité, l’égalité des sexes, l’élimination de la pauvreté sous ses nombreux aspects et le développement durable de la personne humaine ».

http://www.un.org/french/millenniumgoals/index.shtml Rapport « Indicateurs pour le suivi des progrès accomplis dans la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement », Groupe des Nations Unies pour le Développement, p3, 2005 UNESCO AFRIQUE N° 2 - Développement durable et création des richesses en Afrique

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Education Face à cette dimension restreinte du concept de pauvreté, il serait intéressant de réfléchir à d’autres angles d’entrée et d’appréciation de la lutte contre la pauvreté, notamment dans le contexte de l’Afrique subsaharienne. La limite économique internationale a néanmoins l’avantage de permettre une appréciation précise de l’évolution de l’éradication de ce type de pauvreté et de vérifier par là même la pertinence (ou non) des stratégies internationales actuelles par rapport à ce type d’éradication. Les défis de cette lutte semblent quelquefois démesurés en Afrique subsaharienne, dans des économies à croissance souvent faible. L’espoir d’actions efficientes est cependant permis même dans ce contexte, car comme le rappelle la Banque Mondiale, « le rythme de réduction de la pauvreté dépend davantage d’autres facteurs que de la croissance17 ». Ainsi au niveau mondial, si certains pays connaissent une augmentation annuelle forte de leur PIB par tête (Chine : +8% par an entre 1999 et 2004) en même temps que des réductions annuelles fortes de leur pauvreté (Chine : environ 12% par an sur la même période), ce lien n’est pas partout vérifié. On note quelquefois une diminution forte de la pauvreté avec une croissance quasi nulle du PIB par tête (cas du Brésil entre 1999 et 2002), une diminution faible de la pauvreté alors que le PIB croît nettement (cas du Mozambique entre 1996 et 2002), et même des augmentations de pauvreté alors que le PIB croit (cas du Laos sur 1997-2002 et du Pérou sur 1996-2003).

B. Réduction de la pauvreté : un bilan mitigé surtout en ASS Différentes sources permettent de faire un bilan, notamment le rapport de la Banque Mondiale concernant le suivi des OMD19. Huit ans après

leur lancement, le bilan global des OMD est très mitigé : les quelques progrès qui ont été constatés restent bien insuffisants et à ce rythme, les objectifs fixés risquent de ne pas être atteints en 2015 pour beaucoup de pays. Concernant notamment l’OMD numéro un de lutte contre l’extrême pauvreté, il faut noter cependant des progrès mondiaux significatifs dans les pays en voie de développement, tant en valeur absolue (le nombre de personnes) que relative (pourcentage de la population) : ainsi le nombre de personnes dont le revenu est inférieur à un dollar par jour serait passé de 1247 millions en 1990 à 985 millions en 2004, soit une baisse globale de 21%, et annuelle de 1,5%. Pouvant être certainement imputé à la Déclaration du Millénaire, la diminution annuelle moyenne fait apparaître en outre une accélération de la réduction de la pauvreté sur les périodes 19811999 et 1999-2004, avec un taux annuel moyen de diminution qui passe respectivement de 1,4% à 2,4%. Si ce rythme est maintenu, la projection au taux de ces cinq dernières années laisse espérer une diminution à 721 millions de personnes en dessous de un dollar par jour en 2015, soit une diminution déjà salutaire de 42% entre 1990 et 2015, proche des 50% fixés. Cependant, au-delà de ce bilan mondial, il faut noter que les progrès régionaux diffèrent fortement : ainsi, si l’Asie de l’Est et du Pacifique a dors et déjà dépassé sa cible pour l’OMD1 (en enregistrant déjà 9% de pauvreté en 2004 avec une cible à 14,9% en 2015), l’Afrique subsaharienne reste fortement à la traîne avec 41,1% de pauvreté estimée en 2004 et une projection en 2015 à 35,6% contre 23,4% en cible. De plus, la problématique de la lutte contre la pauvreté dépasse le secteur rural pour lequel on

17

Présentation « MDG : Global Monitoring Report », 2007 Source : Banque Mondiale – Development economics 19 Présentation « MDG : Global Monitoring Report », 2007 18

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Education associe souvent directement le manque d’opportunités de formation et la pauvreté. Une bonne part des défavorisés se trouve également en milieu urbain, notamment dans le secteur informel qui représente20 environ 90% en moyenne des emplois en ASS, et qui selon une de l’Agence Française de étude21 Développement, peut se définir d’une certaine manière comme un secteur « à la logique de marginalité et de pauvreté et situant, par conséquent, les activités qu’il développe dans une logique de survie22 ». Le développement de systèmes d’EFTP pertinents en ASS doit prendre en compte ce facteur important de l’environnement socio-économique, afin de lutter efficacement contre la pauvreté en Afrique.

C. L’EFTP, un outil indéniable pour la lutte contre la pauvreté et la création de richesses

programme éducatif de l’UNESCO, ceci pour au moins son prochain biennium d’activité 20102011. L’EFTP, partie intégrante de l’initiative Éducation pour tous, est reconnu internationalement comme un outil décisif pour la croissance économique. En effet, le but de l’EFTP est d’aider les apprenants à acquérir les compétences, les connaissances et les attitudes nécessaires pour préparer les carrières professionnelles, entrer dans le monde du travail et favoriser une citoyenneté active et un apprentissage tout au long de la vie. Par son orientation vers le monde du travail et l’acquisition de compétences et de qualifications, l’EFTP joue un rôle essentiel pour la croissance économique d’un pays et la réduction de la pauvreté en assurant l’insertion économique et sociale des individus et des communautés marginalisées, et donc la génération de revenus.

© UNESCO/Niamh Burke

Le succès de l’enseignement primaire universel dans les pays en développement ces dix Ce rôle majeur des dernières années a systèmes d’EFTP débouché sur une pour la lutte contre la énorme pression pauvreté et la systémique pour le c r o i s s a n c e développement de économique, est l’enseignement clairement identifié secondaire, aussi dans la bien général que « Recommandation technique et révisée concernant professionnel. Les l’EFTP » (2001), qualifications sont document normatif de plus en plus de l’UNESCO sur considérées lequel se sont comme essentielles engagés les États au développement membres: « l’EFTP de l’éducation, à Jeunes femmes en atelier de textile - Adwa, Ethiopie doit être un moyen l’entrée sur le de faciliter la marché du travail et à la croissance économique, ce qui justifie et explique que l’EFTP soit l’un des réduction de la pauvreté ». Ce rôle prépondérant quatre grands domaines prioritaires du a été réaffirmé par les experts internationaux 20

Source : Rapport « Dakar+7 » du Pôle de Dakar, échantillon de pays africains, graphique 7.2 p 197 « La formation en secteur informel, note de problématique », Document de travail n°15, AFD, mars 2006 22 Ibid, p5. Cet élément se base en outre sur une autre étude du Ministère des Affaires Étrangères (France) 21

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Education réunis à Bonn en 2004 sur le thème « Apprendre par le travail, la citoyenneté et la durabilité » (Séoul+5), dont la « Déclaration de Bonn » a conclu à la priorité de placer l’EFTP comme axe central de la politique du Développement durable et précise : « Nous […] déclarons que l’EFTP doit être la cheville ouvrière permettant de réduire la pauvreté ». D’ailleurs, ce lien fort entre développement des dispositifs d’EFTP et développement des pays rejoint certaines analyses montrant clairement que les pays les plus développés d’ASS sont ceux qui ont des taux de couverture de l’EFTP les plus élevés. Ce n’est donc pas un hasard si l’EFTP figure également comme une des sept priorités du plan d’action de la Deuxième Décennie (2006-2015) pour l’Éducation en Afrique (DDEA) de l’Union Africaine. La volonté internationale est donc forte à appuyer la pertinence du développement des systèmes d’EFTP. La même Déclaration de Bonn proclame d’ailleurs que « l’EFTP ne devrait plus être considéré comme une voie optionnelle et marginale ». Le rapport Dakar+7 a rappelé pourtant l'existence de grandes disparités sur le continent africain en matière d'EFTP, traduisant la variété des contextes et des choix politiques des différents pays. Il a également mis en évidence (notamment dans son chapitre 7) l'urgence d'une réforme du secteur, en faisant état d'un EFTP demeurant très largement inadapté dans ses modes formel et non formel, inadaptation traduite dans des taux de sous-emploi visible et invisible très importants en ASS.

IV.Conclusions et perspectives Cette réorientation de l'EFTP autour de l’EDD doit ainsi concilier des objectifs de long terme avec une stratégie de court terme sur les dispositifs de formation. A court terme, il importe de concevoir une stratégie d'amélioration ou de mise en oeuvre

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de dispositifs alternatifs, attractifs et pertinents prenant en compte les valeurs de l’EDD, participant de manière performante, sur un large public, à l'insertion des individus sortants du primaire et au traitement efficace de l'exclusion. A long terme, dans la perspective d'une éducation de base incluant le premier cycle du secondaire, c'est au terme de cette éducation de base que devraient prendre place des dispositifs facilitant l'insertion directe au monde du travail de manière durable. Les progrès actuels sur la scolarisation primaire universelle ont été importants depuis le Forum de Dakar en 2000, ils doivent se poursuivre d’ici 2015. La lutte contre la pauvreté ne saurait porter réellement ses fruits sans une approche plus globale, synergique et multisectorielle des différents objectifs de l’Éducation Pour Tous, ce qui concerne à la fois les pays eux-mêmes mais aussi les partenaires techniques et financiers. Dans ce cadre, l’EFTP a un rôle crucial à jouer : ses dispositifs sont une des clés essentielles en vue d’un développement durable des pays, à condition qu’ils soient mis en place de manière adaptée et pertinente dans les pays d’ASS, ce qui est possible comme en témoigne un certain nombre de bonnes pratiques existantes dans ces pays. Lier l’EDD à l’EFTP, comme nous l’avons vu, favorisera ainsi le caractère durable du développement des systèmes d’EFTP et de son impact, sur à la fois, la croissance économique et la réduction de la pauvreté. Avec la pression numérique grandissante sur les dispositifs post-primaires (et/ou post-basiques), mais aussi avec les difficultés d’emploi des jeunes formés dans les marchés spécifiques d’ASS, le regain d’attention sur ce secteur est grandissant, et il devient ainsi urgent et opportun de redoubler d’énergie et d’espoir pour mettre en place les solutions adéquates.

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Education Bibliographie et liens hypertextes UNESCO-BREDA Cadre d’action pour l’EFTP, UNESCO, février 2009, www.dakar.unesco.org Cadre de référence pour un Plan international de mise en œuvre de la DEDD des Nations Unies. Http : //unesdoc.unesco.org/images/0014/001486/148650E.pdf Plan international de mise en œuvre de la DEDD. http://unescodoc.unesco.org/images/0014/001423/142311F.pdf Décennie des Nations Unies pour l’éducation au service du développement durable (DEDD 2005-2014) : les deux premières années. http://unescodoc.unesco.org/images/0015/001540/154093f.pdf Projet pour une stratégie d’éducation en vue du développement durable (2006). Rapports issus du travail effectué afin d’établir un état de lieu entre 2006 et 2008 présentés lors de la Conférence de Bonn et des ateliers effectués à Dakar (l’Afrique de l’Ouest et du Centre) et à Nairobi (pays de l’Afrique de l’Est et du Sud). Document d’information. Conférence mondiale de l’UNESCO sur l’éducation pour le développement durable. 31 mars- 2 avril 2009. Bonn, Allemagne. Déclaration de Bonn. 2009. Conférence mondiale de l’UNESCO sur l’éducation pour le développement durable. Déclaration de Bonn (Apprendre pour le travail, la citoyenneté et la durabilité) http://www.unevoc.unesco.org/pubsdir.php? akt=id&st=&id=2004_004&lg=fr Work, Learning and Sustainable Development: Opportunities and Challenges, http://www.unevoc.unesco.org/article/Work%2C+Learning+and+Sustainable+Development%3A+Opportunities+and+ Challenges.html Skills to Last: Broadly Transferable Sustainable Development Skills for the Canadian Workforce, http://www.unevoc.unesco.org/fileadmin/user_upload/pubs/SkillsToLast.pdf Finding the common ground: Is there a place for sustainability education in VET?, http://www.ncver.edu.au/research/proj/nr4021.pdf Finding the common ground: Is there a place for sustainability education in VET?: Support document, http://www.unevoc.net/fileadmin/user_upload/pubs/Mazzotti_Common_Ground.pdf Plans de travail élaborés conjointement par les pays de l’Afrique sub-saharienne et BREDA à l’issue des ateliers de Dakar et Nairobi. Juin et juillet 2009. Charte de la Terre. http://www.unesco.org/fr/esd/programme/ethical-principles/the-earth-charter/ Unité de l’Education au développement durable - http://www.unesco.org/fr/esd/ Conférence mondiale de l’UNESCO sur l’éducation pour le développement durable. http://www.esd-world-conference-2009.org/fr/programme/2-avril-2009.html Plan international de mise en œuvre de la Décennie : http://unesdoc.unesco.org/images/0014/001473/147361F.pdf Décennie des Nations Unies pour l’éducation au service du développement durable (DEDD 2005-2014) : les deux premières années. http://unesdoc.unesco.org/images/0015/001540/154093F.pdf Education for sustainable development and climate change. 2009. Paris, Unesco. 4p (Policy Dialogue: ESD and development policy, No.4) - http://unesdoc.unesco.org/images/0017/001791/179122e.pdf Rapport mondial de suivi sur l’Education Pour Tous. 2010. http://www.unesco.org/en/efareport/reports/2010-marginalization/ Convention-Cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (ratifiée par 191 pays actuellement) http://unfccc.int/resource/docs/convkp/convfr.pdf et son Protocole de Kyoto http://unfccc.int/resource/docs/convkp/kpfrench.pdf United Nations Environment Programme - http://www.unep.org/ Division for Sustainable Development - http://www.un.org/esa/dsd/index.shtml L’Initiative de la Charte de la Terre - http://www.earthcharterinaction.org/contenu/

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Education Formation des Enseignants, Education pour le Développement durable et Création de richesses en Afrique : l’expérience de l’UNESCO Mohamed Chérif DIARRA*

Résumé Cet article met en évidence le lien entre la formation des enseignants, l’éducation pour le développement durable (EDD) et la création de richesses en Afrique à travers le regard institutionnel de l’UNESCO. L’étude cherche à lier les trois concepts, non seulement en tant que composantes de l’éducation mais aussi en tant qu’activités qui sont au cœur des interventions de l’UNESCO en Afrique. Il ne s’agit pas, en soi-même, d’une étude empirique qui cherche à démontrer les relations entre les trois variables. L’étude soutient plutôt que la formation des enseignants peut contribuer à l’EDD et que cette dernière peut, à son tour, contribuer à la création de richesses. Elle met également l’accent sur le fait qu’ils ont bien des points communs relatifs notamment à leurs objectifs et à leur contenu. L’étude entame une réflexion approfondie sur la façon dont la formation des enseignants et le développement durable peuvent contribuer à la création de richesses étant donné le fait que les deux concepts englobent plusieurs aspects fondamentaux de l’éducation qui est elle-même en corrélation étroite avec la croissance économique matérialisée essentiellement par la création de richesses. Les résultats montrent que la formation professionnelle des enseignants, le développement durable et la création de richesses sont en corrélation et peuvent influer l’un sur l’autre. Trois conclusions principales se dégagent. Premièrement, la formation des enseignants peut contribuer au développement durable (DD). Deuxièmement, le développement durable (DD) peut être un puissant facteur déterminant de la création de richesses. Troisièmement, la création de richesses peut être très favorable dans un contexte où la formation professionnelle des enseignants et l’éducation pour le développement durable (EDD) vont de pair.

Introduction L’UNESCO, conformément à son mandat de boîte à idées et de laboratoire de nouvelles idées, a lancé de nombreuses initiatives pour faire face aux défis éducatifs spécifiques en Afrique pendant la dernière décennie. Le lancement d’une pléthore d’initiatives, notamment l’Initiative pour la Formation des enseignants en Afrique subsaharienne (TTISSA) en 2006 ; l’Initiative Savoir pour Pouvoir (LIFE) en 2005 et EDUSIDA en 2004, indique non seulement l’urgence que l’UNESCO accorde à ces priorités mais constitue également, entre autres, les priorités et les réponses de l’Organisation à ces défis brûlants

(manque d’enseignants, taux d’analphabétisme élevés et taux de prévalence VIH/SIDA élevés) auxquels l’Afrique est confrontée. Par ailleurs, la Décennie de l’Education pour le Développement durable -DESD- lancée par les Nations Unies (2005-2014) dont l’UNESCO est l’Agence Leader, constitue une autre initiative importante qui cherche à intégrer les principes, les valeurs et les pratiques du développement durable dans tous les aspects de l’éducation et de l’apprentissage afin de faire face aux problèmes d’ordre social, économique, culturel et environnemental auxquels le monde est confronté au 21e siècle.

* Mohamed Chérif Diarra, Consultant, UNESCO-Dakar UNESCO AFRIQUE N° 2 - Développement durable et création des richesses en Afrique

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Education Au cœur de ces initiatives, se situe l’appui que peut apporter le secteur de l’éducation, ou mieux, le rôle fondamental que l’éducation elle-même peut jouer en faisant face à ces questions sur le continent africain. L’article n’est pas, en soi, une étude empirique qui cherche à montrer les relations entre ces trois variables. Il s’agit plutôt d’une tentative de raisonnement visant à démontrer que la formation professionnelle des enseignants peut contribuer à l’Education pour le Développement Durable (EDD) et que cette dernière peut, à son tour, contribuer à la création de richesses en Afrique. L’article a pour autre objectif de présenter, sur le plan pratique, les interventions de l’UNESCO dans ces trois domaines pour essayer de donner plus de visibilité à l’action de l’Organisation, à travers le continent africain, dans la formulation et la mise en œuvre des politiques éducatives ainsi que dans la pratique. Cette approche est fondamentalement conforme à la mission principale de l’UNESCO et montre de manière pertinente aussi que l’institution mérite beaucoup de reconnaissance de la part du grand public.

Enoncé du problème La croissance exponentielle enregistrée par de nombreux systèmes éducatifs africains au début des années 1980, et caractérisée par une hausse considérable du taux brut de scolarisation au primaire, a rendu plus complexe la situation déjà fragile dans laquelle ils ont été embourbés pendant des décennies. La capacité des Ministres africains de l’Education à faire face à ces questions a été mise à rude épreuve. Face à la montée de la demande sociale en matière d’éducation et à l’amenuisement des ressources financières aggravé par le ralentissement économique des années 1980, l’offre d’infrastructures scolaires, de matériels et d’équipements didactiques et surtout l’offre

d’enseignants n’ont pas suivi le rythme de la demande en matière d’éducation en Afrique. La situation s’est exacerbée dans les années 1990 étant donné que les conséquences désastreuses des politiques d’ajustement structurel de la Banque Mondiale ont induit la fermeture de nombreuses institutions de formation des maîtres et la retraite anticipée de centaines et de centaines d’instituteurs expérimentés dans de nombreux pays africains. Il y a eu donc un manque d’enseignants dans de nombreux pays avec des conséquences de longue durée. La demande d’enseignants dépassait de loin et dépasse encore l’offre d’enseignants sur le continent. Les institutions de formation pédagogique n’arrivent pas à former suffisamment d’enseignants diplômés pour satisfaire la demande croissante. On a estimé qu’il fallait 1,6 million de nouveaux postes et 4 million d’enseignants supplémentaires pour l’Afrique subsaharienne d’ici à 2015 pour réaliser l’objectif de scolarisation primaire universel (UPE). Il faut davantage d’enseignants encore si l’on tient compte des autres niveaux d’éducation, tels que l’Enseignement Technique et la Formation Professionnelle (ETFP) ainsi que l’enseignement supérieur. Etant donné que les Etats-membres africains ne pouvaient pas suffisamment faire face au défi que représente le manque d’enseignants, ils se sont tournés vers l’UNESCO pour obtenir de l’aide et pour profiter de son leadership. L’Initiative pour la Formation des Enseignants en Afrique subsaharienne (TTISSA)1 , d’une durée de dix ans sous l’égide de l’UNESCO, fut conçue et lancée en 2006 en tant que solution alternative pour faire face au défi que représente le manque d’enseignants, défi auquel l’Afrique subsaharienne a été confrontée pendant des décennies. Dans un contexte marqué par le manque d’enseignants, les deux principaux piliers de la formation des maîtres, la formation initiale et la

1 Pour obtenir des informations sur TTISSA, visiter le site de l’UNESCO au www.unesco.org/hed/ted ou consulter la documentation sur le sujet telle que le Bulletin de TTISSA

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© UNESCO / Thierry Bonnet

que l’enseignant constitue un facteur clé du processus de production de l’éducation, la qualité de nombreux systèmes éducatifs africains s’est par conséquent détériorée au fil du temps étant donné que plus en plus d’enseignants non qualifiés ont été recrutés et déployés dans le système. L’Initiative pour la Formation des enseignants en Afrique subsaharienne (TTISSA) lancée par l’UNESCO, qui vise à augmenter le nombre et à améliorer la qualité des enseignants en Afrique subsaharienne, constitue précisément une initiative de l’UNESCO soigneusement conçue et qui représente une approche holistique à la résolution de ce problème crucial. En raison de la corrélation entre les composantes de l’éducation, l’interface entre les diverses initiatives de l’UNESCO devient une question d’importance capitale. Perçue sous cet angle, la question fondamentale que l’on peut poser, par exemple, est celle de savoir comment la formation des enseignants, à travers les politiques, les matériels didactiques et notamment le programme d’études, peut contribuer à la promotion des objectifs du développement durable sur le continent africain. Cette question et beaucoup d’autres se situent au cœur du débat sur la formation pédagogique et le développement durable.

Une enseignante avec ses élèves, Sénégal

formation continue, prennent de nouvelles dimensions significatives. Ainsi, la mission assignée à la formation des enseignants devient impérative. Les pays africains ont formulé les politiques de formation initiale en tant que partie principale de leur offre d’éducation, de la réglementation, du contrôle et du suivi des responsabilités. Ces politiques visent d’abord à augmenter le pool d’enseignants et donc à satisfaire la demande d’enseignants. Dans le même esprit, les politiques de formation continue sont formulées en vue non seulement d’améliorer le niveau de qualification des enseignants n’ayant reçu aucune formation mais également d’augmenter leur offre sur le marché du travail. Pour satisfaire la demande d’enseignants, l’écrasante majorité des pays africains ont mis en œuvre des stratégies et des priorités analogues. Les résultats de la recherche (Pôle de Dakar, 2009), montrent qu’un recrutement massif d’enseignants non qualifiés, dont beaucoup n’ont jamais assisté à une session de formation professionnelle des enseignants à plus forte raison fréquenté une école normale formelle, a été entrepris en Afrique. Ainsi, de nouvelles catégories d’enseignants, telles que les maîtres contractuels, les enseignants volontaires et les enseignants communautaires, ont vu le jour. Vu

Considérant que le développement durable est un concept économique articulé autour d’un modèle d’utilisation des ressources par les êtres humains qui attire l’attention sur la fragilité et la capacité de prise en charge des systèmes (Stivers 1976), et tenant compte de la notion selon laquelle l’homme est au début et à la fin de tout processus de développement, il devient impératif de le mettre au cœur de la relation entre la formation pédagogique et le développement durable. Cet article se propose d’étudier ce type d’interaction.

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Education La création de richesses se manifeste et se développe lorsque certaines conditions, qui pourraient être d’ordre économique, social, comportemental et attitudinal, sont réunies. Dans un certain sens, l’association de facteurs humains et économiques facilite l’accumulation de richesses dans divers cadres environnementaux à travers l’Afrique. A ce propos, la limite entre l’éducation, le développement durable et la création de richesses peut être floue, ce qui signifie que ces trois concepts sont inextricablement liés. Cette conceptualisation clé de l’interaction possible entre l’éducation et ses composantes que sont la formation professionnelle des enseignants, le développement durable et la création de richesses, n’a pas souvent fait l’objet d’étude. C’est ce que cet article se propose de faire. Ainsi, on va soulever des questions clés et y apporter des réponses ensuite. Quelles sont les conditions précises qui favorisent le plus la création de richesses ? Quand est-ce que de telles conditions sont réunies? Comment la formation professionnelle des enseignants et le développement durable contribuent-ils à cette transformation ?

Cadre conceptuel Dans cette étude, on tente d’expliquer le lien entre la formation professionnelle des enseignants, le développement durable et la création de richesses. Trois aspects principaux sont examinés : 1) le concept de perfectionnement des enseignants par le biais de l’Initiative pour la Formation des enseignants en Afrique subsaharienne (TTISSA) et les autres interventions de l’UNESCO, notamment celles de l’Institut International de Renforcement des Capacités en Afrique (IIRCA)2 ; 2) le concept d’éducation pour le développement durable ; et 3) le concept de création de richesses. Les trois concepts ont beaucoup attiré l’attention des spécialistes, des chercheurs et des économistes partout dans le monde étant donné l’abondance 2

de littérature sur chacun de ces aspects, ADEA (2004), Dyllick et al. (2002), UNESCO (2004), BREDA-Pôle de Dakar (2009) et Little (1991). La perfectionnement des enseignants fait partie du concept plus large de la formation des enseignants. Selon le Pôle de Dakar (2009), la formation des enseignants se réfère aux politiques et procédures conçues pour doter les enseignants des connaissances, des attitudes, des comportements et des compétences nécessaires pour accomplir leurs tâches efficacement à l’école et dans la salle de classe. Le rôle de l’enseignant susmentionné est, dans une large mesure, le maillon de jonction entre le perfectionnement des enseignants et l’éducation pour le développement durable (EDD). Ce point précis sera examiné amplement dans cette étude. Ainsi, le Pôle de Dakar (2009) souligne davantage l’importance de la préparation universitaire dans la formation pédagogique avant l’emploi. La formation initiale et formation continue des enseignants sont complémentaires et fondamentales pour la réussite des étudiants. Le concept de développement durable a été vulgarisé en 1987 avec la publication du « Rapport Brandtland » - le Rapport de la Commission Mondiale sur l’Environnement et le Développement. Défini en tant que concept, le développement durable signifie « satisfaction des besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à satisfaire leurs propres besoins », Rapport Brandtland (1987). Les écoles de pensée économique divergent dans leur approche du développement durable. A titre d’exemple, selon les économistes de l’environnement, l’utilisation intensive des ressources mondiales de toutes sortes conduit à leur épuisement au fil du temps. Cette notion d’utilisation des ressources et celle de la capacité de charge des systèmes dans le cadre du développement se situent au cœur du débat sur le développement durable.

Pour plus d’informations sur l’Institut International de Renforcement des Capacités en Afrique (IIRCA) créé par l’UNESCO, visiter le site www.unescoiicba.org

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© UNESCO / Raki Bal

L’éducation a été associée au développement et son impact sur le développement durable : durable afin de créer une terminologie qui souligne le rôle que peut jouer l’éducation dans le processus • améliorer la qualité de l’éducation de base ; de développement durable tourné vers le bien-être • réorienter les programmes d’éducation et les et l’intérêt de l’humanité. Cette manière de penser programmes d’enseignement en vigueur pour n’est pas nouvelle car nombre de spécialistes et faire face au problème du développement d’éducateurs, Banks (1968), Chantia (2006) et durable ; Weinberg (1971) partagent le point de vue selon • susciter la prise de conscience et favoriser la lequel l’éducation constitue un moyen de compréhension au niveau du public ; et changement social et peut aussi résoudre de • assurer la formation au profit de tous les nombreux maux et problèmes sociaux et que sans secteurs de la société privée et civile. un bon réservoir de capital humain de qualité et une population instruite, le développement peut être voué à l’échec, Diarra (2008). Plusieurs sources soulignent le fait que l’éducation pour le développement durable (EDD) est une vision de l’éducation qui cherche à responsabiliser les gens en vue de créer un avenir viable. Le concept de culture, en tant que thème sous-jacent essentiel, se situe au cœur de l’éducation pour le développement durable (EDD). De nombreux acteurs jouent un rôle important dans la réalisation du développement durable. Parmi eux Formation des enseignants en TIC, Niamey, Niger figurent les gouvernements, les entreprises, les Dans l’environnement marqué par rareté des établissements d’enseignement, les media, les ressources dans lequel nous vivons en Afrique, et jeunes, etc… mais la liste n’est pas exhaustive. caractérisé par l’extrême pauvreté de la majorité Ces parties prenantes ont des points de vue et des populations, chacun veut s’enrichir des philosophies différents et parfois divergents rapidement d’une façon ou d’une autre. Qu’ils sur le développement durable. Le véritable défi soient salariés ou travailleurs indépendants, tous qui nous attend donc est celui de savoir comment les travailleurs créent de la richesse en étant les regrouper en un ensemble coordonné et productifs. Dans une optique commerciale, ils cohérent qui soit efficace et engagé à poursuivre créent même plus de richesses s’ils investissent la réalisation des objectifs du développement leur argent durement gagné dans des stocks, des durable sur le continent africain. biens, des actions, de manière à garantir des plus-values. Dans les sociétés africaines, on crée L’Agenda 21, la résolution du Rapport Brandtland des richesses en élevant du bétail, en mettant en relative à l’éducation, identifie l’éducation comme location des propriétés y compris des locaux à étant un outil essentiel à la réalisation du usage commercial, en accumulant de l’or et en développement durable et fait quatre propositions faisant du commerce. Le but ultime de ces d’action suivantes en vue d’améliorer le secteur transactions est d’accroître son actif net ou la UNESCO AFRIQUE N° 2 - Développement durable et création des richesses en Afrique

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Education valeur totale de ses richesses. La richesse est l’abondance de ressources ou de biens matériels précieux ou le contrôle de tels avoirs. Le concept revêt une certaine importance dans tous les domaines de l’économie, notamment dans l’économie du développement. La richesse se réfère également à l’accumulation de ressources, qu’elles soient abondantes ou non. En économie, la richesse représente l’actif net dont dispose une personne, un ménage ou une nation, c’est-à-dire la valeur de tous ses avoirs nets de tout passif dû à un certain moment dans le temps. Il est reconnu essentiellement que la création de richesses renvoie à des stratégies et à des actions dans lesquelles les gens s’engagent pour accumuler la richesse matérielle en augmentant progressivement leur actif net au fil du temps. A titre d’exemple, en Afrique, la création de richesses peut être confondue avec la génération de revenu initiée à travers des activités visant principalement à lutter contre la pauvreté en augmentant le revenu ou l’actif net des populations. A l’issue de cette brève introduction sur les trois concepts que sont la formation pédagogique, l’éducation pour le développement durable et la création de richesses, l’étude tentera, dans la section suivante, d’examiner les relations possibles ou plutôt l’interface entre ces concepts dans le contexte africain. Dans le même esprit, on se concentrera sur le rôle fondamental que joue l’UNESCO dans le cadre de ces initiatives, surtout à travers le rôle de son Institut International de Renforcement des Capacités en Afrique (IIRCA) concernant tout ce qu’il entreprend en matière de formation des enseignants sur le continent africain.

Lien entre la formation des enseignants, le développement durable et la création de richesses D’une manière générale, l’éducation a été 46

décrétée base du développement durable dans différentes tribunes internationales à travers le monde notamment Rio de Janeiro (1992), Johannesbourg (2002) et Bonn (2004). Ceci n’est pas surprenant en raison des nombreux bénéfices personnels et sociaux qu’elle procure de même que ses externalités. A l’instar de l’éducation elle-même, plusieurs de ses composantes telles que l’Alphabétisation et l’Enseignement Technique et la Formation Professionnelle (TVET) jouent le même rôle. Que dire de la formation des enseignants ? Compte tenu de son rôle essentiel dans la formation d’un citoyen bien équilibré de par son caractère, son attitude, son comportement ainsi que le développement de ses aptitudes et de ses compétences, il est évident que la formation des enseignants peut jouer un rôle important dans le développement durable plus particulièrement sa composante comportementale qui a une incidence positive sur le développement économique. Par ailleurs, considérant le fait que le développement durable dépasse les questions environnementales et prend en compte les dimensions sociale, culturelle et économique du développement, il ne fait aucun doute que la formation des enseignants peut entrer en jeu à ce niveau-là. L’interface entre la question environnementale et la dimension socio-culturelle se situe au cœur du débat sur le développement durable de nos jours. Il est généralement admis que la réalisation du développement durable nécessitera l’équilibrage des considérations d’ordre environnemental, social et économique dans la quête du développement et l’amélioration de la qualité de vie. En fait, la formation des enseignants peut contribuer de façon significative à cet effort. En premier lieu, c’est le début de la création du capital humain. En second lieu, elle transmet des connaissances et des compétences qui seront utilisées dans le processus de développement. En troisième lieu, elle suscite la prise de conscience vis-à-vis des questions

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Education environnementales et contribue à la formation du caractère et du comportement. Un certain nombre d’idéaux et de principes sous-tendant la pérennité ont été identifiés. Parmi ceux-ci figurent l’équité intergénérationnelle, l’égalité entre les sexes, l’existence de sociétés justes et pacifiques, la tolérance sociale, la préservation de l’environnement et sa restauration, la lutte contre la pauvreté et la conservation des ressources naturelles. Compte tenu de sa complexité, le développement durable nécessite une approche interdisciplinaire. Les universitaires peuvent, de manière critique et pro-active, s’engager dans la réflexion sur la question et faire des suggestions pour la formulation et la mise en œuvre de stratégies et de politiques, notamment les politiques nationales afférentes aux enseignants pour faire face aux questions liées au développement durable. A cet effet, la recherche constitue un moyen clé. Des équipes pluridisciplinaires de chercheurs y compris des spécialistes d’origines diverses peuvent élaborer et mettre en œuvre, ensemble, des propositions de recherche conjointes sur l’environnement. Il est évident que le rôle que tous les types et tous les niveaux d’éducation peuvent jouer dans ce processus revêt une importance particulière. Les résultats d’une telle recherche peuvent influencer la prise de décision afférente à la pérennité.

Interface entre la formation des enseignants et le développement durable S’il est largement reconnu que l’éducation contribue au développement durable, la façon dont la formation des enseignants peut y contribuer n’a pas été documentée dans une très large mesure, notamment en ce qui concerne les nombreuses interventions effectuées par le Point focal de l’IIRCA à Dakar à travers le continent africain. De 2004 à 2009, environ 35 sessions de formation pédagogique qui se focalisent sur

différents aspects des principes de développement durable ont été menées. En fait, il est bien reconnu que la formation professionnelle des enseignants peut contribuer au développement durable de trois manières : 1) la formulation et la mise en œuvre de politiques, stratégies et priorités ; 2) l’intégration de composantes relatives au développement durable dans le programme et les modules de formation pédagogique ; 3) l’élaboration de matériels didactiques englobant des composantes liées au développement durable. Ainsi l’IIRCA, antenne opérationnelle de l’UNESCO pour le renforcement des capacités des enseignants et la gestion des institutions de formation pédagogique en Afrique, a été performante. Elle peut faire mieux. Un nombre plus important de composantes liées au développement durable peut être intégré dans ses programmes, une initiative qui pourrait étudier les liens entre la formation pédagogique et la recherche sur le développement durable, le rôle des enseignants dans la sensibilisation et le rôle de l’école en tant qu’institution dans le processus. En fait, la formation pédagogique est une composante clé de l’éducation à ne pas négliger, ne serait-ce qu’en termes de nombre (les enseignants représentent avec leurs élèves une composante clé du système éducatif). Dans cette optique, l’importance des programmes d’études dans le système éducatif, en tant que vecteur de plusieurs concepts, méthodologies et procédures et fondements de ce qui doit être enseigné et appris, est un chef-d’oeuvre du développement durable. Ainsi, la formation pédagogique peut contribuer au développement durable d’une manière significative par le biais des trois liens suivants sur lesquels l’IIRCA a travaillé pendant des années en Afrique et qui doivent être renforcés.

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Education 1. Les politiques, les stratégies et les priorités de la formation des enseignants Les résultats de la recherche montrent que les pays en Afrique de l’Ouest, à l’exception de la Guinée Conakry et de la Gambie, n’ont pas élaboré de politiques de formation pédagogique, encore moins de politiques nationales afférentes aux enseignants et prenant en compte des composantes liées au développement durable. Les futurs travaux de l’IIRCA peuvent précisément se focaliser sur cette tâche importante. La formulation et la mise en œuvre des politiques et stratégies de formation pédagogique intégrant des composantes de développement durable constituent un objectif majeur à viser dans un avenir proche.

2. Les programmes d’études de la formation pédagogique Il est reconnu par bon nombre d’éducateurs que l’impact de l’éducation sur les populations instruites par le biais d’un système est principalement perçu au niveau de ce qui est enseigné (le programme d’études) et la façon dont il est enseigné (la méthodologie). Aussi, ce qui est enseigné a un effet important sur le comportement, l’attitude, le caractère, le sentiment, la façon de penser et le mode de vie des élèves en ce sens que les composantes liées au développement durable intégrées dans le programme d’études des institutions de formation pédagogique auront une incidence sur la vie de milliers et de milliers de personnes et, ce faisant, auront un impact énorme sur le développement durable. Il s’agit d’une situation où tout le monde gagne puisque de nombreux citoyens bien formés, qui sont conscients du développement durable, deviennent des agents actifs de développement. Les bénéfices personnels et sociaux de l’éducation sont tout simplement inestimables.

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3. Matériels didactiques L’utilisation de matériels didactiques tels que les manuels, les cartes, les cahiers, les images à coller sur les murs et éléments similaires dans les établissements et institutions de formation pédagogique qui prennent en compte les questions liées au développement durable à l’échelon local, national et international, montre l’importance et l’utilité du développement durable. Ces matériels contribuent à la formation du caractère, du comportement, du sentiment, de l’attitude et de la façon de vivre des enseignants et des élèves et aident à les transformer en citoyens qui sont réellement conscients des problèmes liés au développement durable et de leurs conséquences. Pour cette raison et beaucoup d’autres, l’IIRCA doit revisiter une partie de son programme pour y inclure lesdites composantes. Si l’on pousse la réflexion sur les dispositions de l’Agenda 21 qui soulignent le rôle de l’éducation en tant que catalyseur-clé du développement durable et son impact sur les problèmes environnementaux à travers le continent ainsi que le rôle central des êtres humains dans le processus, les observations ci-après nous viennent systématiquement à l’esprit.

• Amélioration de la qualité de l’éducation de base Le but ultime des activités de l’IIRCA consacrées à la formation pédagogique en Afrique est d’améliorer les aptitudes et les compétences de nombreux enseignants non qualifiés qui enseignent dans nos écoles sans aucune qualification professionnelle qui leur permette d’être efficaces dans la salle de classe et d’avoir un impact positif sur les résultats scolaires des élèves et des étudiants. En l’absence d’enseignants de qualité, il ne peut pas y avoir d’éducation de qualité parce que les enseignants

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Education sont un facteur important qui contribue à l’amélioration de la qualité de l’éducation de base en Afrique. Une éducation de base de qualité signifie des enseignants mieux formés qui sont également conscients des questions environnementales et s’impliquent beaucoup dans tous les aspects de la préservation de l’environnement sur le continent.

• Réorientation des programmes d’enseignement et des programmes d’études existants pour prendre en compte le développement durable Il est intéressant de noter que l’on peut parvenir au développement durable par le biais de la transformation des programmes d’études des établissements d’enseignement primaire et des établissements d’enseignement secondaire en Afrique. La modification du programme d’études représente beaucoup plus qu’une façon d’enseigner les questions liées à l’environnement. Elle peut contribuer à résoudre la question plus large de l’élaboration de nouvelles politiques en apportant des changements à la manière de penser et d’agir. La modification des programmes d’études peut porter principalement sur le contenu de celui-ci, la nature et la portée du contenu, le temps consacré à l’enseignement, le temps consacré aux tâches à accomplir et aux autres considérations clé. C’est là que réside le vrai défi en raison du rôle fondamental que le programme d’études joue en tant que vecteur pour inculquer de nouvelles attitudes, un nouveau comportement et de nouvelles valeurs à l’apprenant.

• Susciter la prise de conscience et favoriser la compréhension au niveau du public Bien que les activités de formation pédagogique soient destinées adaptées principalement aux enseignants elles constituent un moyen important pour susciter la prise de conscience et favoriser la compréhension des questions de

développement durable à l’intérieur et à l’extérieur de la salle de classe en Afrique. En effet, les enseignants représentent une partie importante de la population et ont une influence notamment sur des millions et des millions d’enfants qui font partie intégrante des générations futures. C’est la raison pour laquelle il s’avère très important de placer l’enseignant au cœur de toute action à mener dans ce domaine.

• Assurer la formation en faveur de tous les secteurs de la société privée et civile Il serait bon d’exploiter les aspects de la formation du secteur privé et de la société civile en raison de la valeur ajoutée que cela apporte. Ce type de formation peut être assuré pour les catégories de personnel des entreprises et les membres des organisations de la société civile et plusieurs autres catégories de personnel qui n’ont bénéficié d’aucune formation en développement durable. Il serait également intéressant d’offrir ce type de formation aux communautés rurales en raison de leur interaction avec l’environnement et de leur position importante dans ce domaine.

Formation des enseignants, Développement durable et Création de richesses La formation des enseignants peut contribuer de façon significative à la réalisation des objectifs du développement durable si les programmes de formation pédagogique sont conçus comme ceux de l’IIRCA. Ce qui est évident cependant c’est la contribution importante que la formation pédagogique peut apporter à la réalisation des buts et objectifs du développement durable et également les nouvelles aptitudes et compétences qu’elle transmet aux enseignants et directeurs d’école. Il est reconnu que le fait d’assurer plus de formation; sur le tas pour les ouvriers du secteur industriel, initiale ou continue pour les enseignants; accroît le stock de connaissances et donc le revenu et la valeur nette d’un salarié. A cet égard, il faut veiller à ce que la

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Education plupart des ouvriers aient l’opportunité de bénéficier, au cours de leur carrière professionnelle, au moins d’une session de formation qui met l’accent sur plusieurs aspects du développement durable. La création de richesses peut être un thème transversal pour la formation des enseignants et le développement durable et devrait avoir un grand intérêt pour l’UNESCO en Afrique en raison de l’impact de l’éducation sur la pauvreté. Il est bien reconnu que l’éducation est un outil puissant pour promouvoir la mobilité sociale et que la pauvreté est un obstacle à l’éducation dans bon nombre de sociétés dans le monde. Les travailleurs qui sont mieux formés, que ce soit des enseignants, des travailleurs sociaux ou des ouvriers, gagnent plus d’argent et génèrent donc plus de richesses. On peut donc soutenir qu’il existe un lien entre la formation professionnelle des enseignants, le développement durable et la génération de richesses en Afrique en ce sens que, dans des conditions normales, la formation des enseignants peut impulser le développement durable et ce dernier peut, à son tour, impulser la génération de richesses. L’avantage comparatif que l’UNESCO et l’IIRCA ont en matière de formation pédagogique est de tirer profit de l’expérience et des connaissances qu’ils ont accumulées au fil des ans, de prendre des initiatives hardies orientées vers une révision générale du programme d’études relatif à la formation professionnelle des enseignants et d’y intégrer plus de composantes du développement durable.

Conclusions et Implications L’UNESCO a, pendant longtemps, été confrontée à un problème majeur concernant le renforcement de sa visibilité dans le monde. Ainsi, la question clé est la suivante : est-il opportun pour une Organisation telle que l’UNESCO de se vendre et si la réponse est « oui» de quelle manière cela devrait-il se faire ? Il existe 50

plusieurs façons d’atteindre cet objectif. L’approche choisie par le BREDA est de présenter les réalisations et initiatives de l’UNESCO par le biais d’une revue. Un nombre important de parties prenantes (ministres, partenaires, organisations de la société civile, milieu universitaire, syndicats et entreprises) est d’avis que la revue est un moyen pouvant parfaitement contribuer à atteindre cet objectif. Cet article avait pour objectif d’étudier le lien entre la formation des enseignants et le développement durable et d’évaluer l’impact que ce dernier peut avoir sur la création de richesses en Afrique en utilisant comme toile de fond quelques-unes des activités-phares de l’UNESCO à travers le continent, notamment ses programmes de formation pédagogique mis en œuvre par l’IIRCA, son antenne opérationnelle en termes de renforcement des capacités. Après avoir examiné et analysé les concepts de formation professionnelle des enseignants, de développement durable et de création de richesses en Afrique, nous sommes parvenus aux conclusions ci-après. En premier lieu, la formation professionnelle des enseignants est liée au développement durable en ce qui concerne ses politiques, ses stratégies et ses priorités de même que ses programmes de formation et ses matériels didactiques tels que les manuels et éléments similaires. Par exemple, l’on peut soutenir que le contenu des programmes, qu’ils soient destinés aux établissements et institutions de formation des enseignants ou aux écoles primaires, peut sans aucun doute promouvoir le concept de développement durable et toutes ses composantes. Vu sous cet angle, l’impact des programmes d’études sur la formation du caractère, de l’attitude et du comportement de l’apprenant est fortement prouvé dans bon nombre d’études à travers le monde et plus particulièrement en Afrique. En second lieu, le développement durable est, à son tour, un puissant facteur déterminant de la

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Education génération de richesses. En général, plus les personnes sont instruites, plus leur revenu est élevé. Plus elles sont spécialisées, plus elles deviennent des citoyens productifs. De nombreuses études ont démontré, de façon convaincante, qu’un niveau d’éducation et de formation plus élevé est fortement en corrélation avec un revenu plus élevé (Cohn et Geske 1991) et (Diarra 1997). Les apprenants y compris les enseignants ou les élèves-maîtres qui ont bénéficié d’une bonne instruction, surtout en ce qui concerne les questions liées au développement durable, sont susceptibles d’avoir un revenu plus élevé et, de fait, apportent une contribution plus significative à la génération de richesses pour eux-mêmes et pour les autres, cela va sans dire. En troisième lieu, l’interaction entre la formation professionnelle des enseignants, le développement durable et la génération de richesses est bidirectionnelle. En d’autres termes, la formation professionnelle des enseignants a un impact sur le développement durable qui, à son tour, a un impact sur la génération de richesses. L’interaction est également possible dans l’autre sens. La génération de richesses réduit la pauvreté et crée des conditions favorables au développement durable et à la formation des enseignants en Afrique. L’interaction entre ces trois concepts aura, à long terme, une incidence positive sur la génération de revenus ou de richesses en Afrique.

l’Organisation peut renforcer davantage sa propre visibilité en Afrique.

Références ADEA (2004). Bamako+5. Association for the Development of Education in Africa Conference on Contract Teachers in Africa, Bamako: Mali. Banks, O. (1968): Sociology of Education. B.T. Gastford Ltd. London. Chatia, A. (2006). Edication as a Means of Social ChangeStudy with Regard to Dhakut, a Group of Living in Disttrict Bahraich, Uttar Pradesh. Anthropologist, 8(4): 267-274. Cohn, E. & Geske, T. (1990). The Economics of Education. (3rd;ed;). Oxford: Pergamon Press. Diarra, M.C. (1997). Educational Costs and Cost Recovery in Developing Countries; The Case of Mali. Unpublished Dissertation. Baton Rouge: Louisiana State University. Diarra, M.C. (2007): Education and Human Capital Development in Africa in Shaping a New Africa (book chapter), Kit Publishers, Amsterdam, The Netherlands. Dyllick, T. & Hockerts, K. (2002). Beyond the Business Case of Corporate Sustainability. Business Strategy and the Environment, 11 (2): 130-141. Little, J. W. (1993). Teachers’ Professional Development in a Climate of Educational Reform. Educational Evaluation and Policy Analysis 15 (129-151). Fullan, M. & Hargreaves, A. (2005). Teacher Development and Educational Reform. New York. Rouledge. New World Encyclopedia (2010).

Enfin, compte tenu du fait que les conditions spécifiques à un pays telles que l’existence de bons établissements d’enseignement et de bons programmes de formation facilitent la génération de richesses dans tous ses aspects et contribuent de façon significative à son augmentation au fil du temps, l’UNESCO peut souhaiter investir davantage dans des programmes dont les effets et la valeur ajoutée sont bien documentés et dont la contribution à la lutte contre la pauvreté sur le continent est bien prouvée. Ce faisant,

Pole de Dakar (2009). Teacher Methodological Toolkit. Dakar: Senegal. United Nations (1987). “Report on the World Commission on the Environment and Development. General Assembly Resolution 42/187. December 1987. Unesco, (2005). The Teacher Training Initiative of SubSaharan Africa (TTISSA). Paris: France. Weinberg, C. (1971)): Education and Social Problem. New York: The Free Press.

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Education Prévention des conflits et développement durable : le paradigme de la région des Grands Lacs Ada POUYE*

Résumé La promotion de la culture de la paix est la colonne vertébrale des programmes de l’UNESCO avec une articulation sur les piliers constitués par les fondamentaux que sont l’éducation, la science y compris les sciences humaines et sociales, la culture et la communication. L’articulation avec la décennie de la paix coordonnée par l’UNESCO est une raison suffisante pour nous interroger sur les enjeux du développement durable (DD) dans le contexte de conflits multiformes qui embrasent actuellement la région des Grands Lacs. Cette interrogation est d’autant plus pertinente qu’elle se pose cinq ans avant l’évaluation de l’atteinte des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD).

I. Introduction Le siècle qui vient de se terminer est marqué par un tournant historique sans précédent avec une mondialisation progressive qui a accéléré le processus d’intégration dans le marché mondial des différentes économies. La fin de la guerre froide a accéléré ce processus avec l’uni polarisation de la loi du marché et la fin des guerres mondiales classiques. La disparition des blocs a rendu possible les nouvelles dépolarisations sur des axes d’intérêts économiques et géostratégiques autour du contrôle de matières premières essentielles pour le siècle commençant surtout dans le contexte de changements climatiques, vecteur de toutes les incertitudes. La survenue plus fréquente des catastrophes naturelles telles que le Tsunami et Katerina sont là pour nous rappeler la fin de toutes les certitudes en matière de développement. En effet, depuis le Sommet de la terre tenu à Rio en 1992, tous les experts du développement se sont accordés sur la nécessité

d’une conscience mondiale pour la mise en œuvre d’un programme commun pour le DD. Une importante déclaration a été faite à la fin du sommet pour mettre en évidence le lien entre environnement et DD en s’appuyant sur trois conventions majeures à savoir : • Convention cadre des Nations Unies sur les changements climatiques ; • Convention sur la diversité biologique ; • Accords sur la désertification et la pêche en haute mer. Déjà en 1970, l’UNESCO a organisé une conférence sur l’homme et la biosphère, deux ans avant la conférence sur l’environnement humain tenue à Stockholm qui a mis l’accent sur la nécessité de la prise en compte de l’environnement dans les politiques de développement. C’est dire que le concept de développement durable s’est nourri et enrichi des réflexions internationales et de la poussée des mouvements

*Ada POUYE Conseiller en Communication et développement communautaire, Manager du Projet Réseau de prévention des conflits dans la région des Grands Lacs et la Corne de l’Afrique, UNESCO-PEER – Programme Régional d’éducation pour les Urgences et la Reconstruction, Nairobi - Kenya UNESCO AFRIQUE N° 2 - Développement durable et création des richesses en Afrique

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Education écologiques notamment durant le sommet sur les OMD en 2001 et le sommet mondial de Johannesburg sur le développement durable en 2002. Aujourd’hui, il y a un consensus international sur le fait que les piliers du développement durable sont le développement économique, le développement social, et la protection de l’environnement. L’UNESCO a jeté les bases pour l’intégration de la culture dans le DD. L’histoire des années 1990 est jalonnée par les conflits dans l’une des régions les plus riches de l’Afrique constituée par la région des Grands Lacs, zone de forêts et de matières premières, une des régions les plus convoitées par les puissances multinationales. Il suffit de prendre les vols sur Kinshasa, par exemple, ou pour le Soudan pour se rendre compte que la guerre reste une opportunité pour accumuler des butins de guerre sous la forme de minerais. En outre, les mutineries qui ont éclatées au sud ouest de l’Ouganda en octobre 1978 et qui ont abouti à la fuite de Idi Amin Dada en 1979 avec un lourd tribu (plus de 100.000 victimes), le génocide survenu au Rwanda en 1994 (plus de 800.000 victimes) et les crises récurrentes au Burundi au moment où le régime Mobutu venait d’être lâché par les multinationales et les puissances occidentales en disent long sur les turpitudes de la géopolitique de la région des Grands Lacs. Malgré tous les processus de réconciliation entamés ici et là avec des élections démocratiques et les pressions de la Cour Pénale Internationale sur quelques chefs de guerre, la région reste toujours fragile avec des bandes armées transfrontalières, une forte présence de la piraterie internationale et des mouvements issus des flancs de ce que les observateurs désignent comme Al-quaida. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, la pauvreté grandissante pour ne pas dire l’exclusion dans la région des Grands Lacs, la fragilité des institutions, la forte croissance démographique

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avec son corollaire l’épuisement des ressources, la progression des maladies sont autant de paramètres pour la récurrence des conflits et leur incidence sur le développement durable. Au jour d’aujourd’hui, les conflits armés ont des répercussions au niveau des moyens d’existence notamment sur la sécurité alimentaire, l’accès aux services sociaux de base (santé et éducation), l’accès à l’eau potable et l’hygiène et sur l’environnement. Il faut reconnaître que sans un environnement politique apaisé et sans politique de prévention et de résolution des conflits armés aucun Etat ne peut atteindre les Objectifs du Millénaire pour le Développement.

II. Contexte Les attaques des tours jumelles du World Trade Center, le 11 septembre 2001, la nouvelle piraterie internationale dominante en Somalie, les migrations internationales massives observées et la récurrence des conflits à travers le monde constituent un nouveau paradigme de la globalisation. Aujourd’hui, la paupérisation croissante des différentes couches sociales, les catégorisations sociales et politiques qui ont toujours caractérisé le monde (la guerre entre les pays du Nord pour le contrôle du marché pré et post colonial, les blocs Est et Ouest, les pays du Tiers-Monde et les pays développés, la guerre froide et les guerres de décolonisation) nous placent en face de nouveaux paradigmes structurés autour des valeurs de civilisation et des effets secondaires de la globalisation. L’humanité a fait face à des guerres de conquête de territoires, des guerres de religions avec l’inquisition, des guerres mondiales. On parle de globalisation des marchés en refusant la globalisation de la distribution des richesses. Les guerres qui déchiraient les pays développés sont aujourd’hui maitrisées par ceux-là mêmes qui les transposent et les expérimentent par pays du Sud interposés. L’expérience en cours dans la région des Grands Lacs ne fait pas exception dans cette géopolitique mondiale.

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Education En effet, la région des Grands Lacs, après celle de l’Afrique de l’Ouest, est à la fois la plus peuplée et la plus fertile de l’Afrique au sud du Sahara. Il s’agit de la région composée de 11 pays (Angola, Burundi, Centrafrique, Congo, République Démocratique du Congo, Kenya, Rwanda, Soudan, Ouganda, Tanzanie et Zambie) avec une population estimée à plus de 150 millions d’habitants sur une superficie de quatre millions de kilomètres carrés. En raison de la concentration de zones volcaniques et de grands lacs avec des superficies variant entre 1.720 km2 (Lac Kyogo) et 68.100 km2 (Lac Victoria) et du climat tempéré, la région des Grands Lacs constitue une région très fertile avec un élevage intensif de bovins et de caprins. La particularité de cette région réside dans la densité de la population surtout dans les pays comme le Rwanda, le Burundi et l’Ouganda, berceau d’anciennes monarchies. En plus, elle est la source du Nil, terreau de toutes les convoitises externes. Sa situation géographique et sa proximité avec le monde arabe en font une zone tampon exposée à toutes sortes de conflits armés d’une violence sans précédent dont la forme la plus achevée constitue le génocide intervenu au Rwanda en 1994 avec plus de 800.000 morts. Très convoitée en tant que source du Nil, la région intéressa pendant longtemps les Européens. Les premiers à arriver dans la région en nombre important furent les missionnaires. Ils connurent un succès limité dans la conversion des autochtones. Le contact accru avec le reste du monde conduisit à une série d'épidémies catastrophiques concernant à la fois les êtres humains et le bétail. La population de la région décrut énormément, jusqu'à 60 % dans certaines zones. La région n'est revenue à son niveau démographique précolonial que dans les années 1950.

Considérée comme une région à grand potentiel après l'indépendance, elle a subi, au cours des dernières années, des guerres civiles, des violences intenses et un génocide, qui l'ont laissée dans un grave état de pauvreté dont seuls le Kenya et la Tanzanie sont épargnés. La crise politique au Kenya, en janvier-février 2008, combinée avec une crise sociale aigue et l’exacerbation des tensions ethniques ont révélé la fragilité du dernier bastion de la région des Grands Lacs, pays hôte de la plupart des refugiés de la région. Ainsi, en un temps record, le Kenya a pu dénombrer, selon les Nations Unies, plus de 1.300 morts suite à la crise post électorale.

III. Cadre conceptuel Le développement durable est défini par la Commission mondiale sur l’environnement et le développement durable comme une intégration des objectifs économiques, sociaux et environnementaux de manière à maximiser le bien-être de la collectivité sans compromettre la capacité des générations futures de subvenir à leurs besoins. Le mot est lâché. Il faut un monde plus solidaire et équitable avec les générations futures, moins égoïste quant à l’exploitation de la nature et des ressources mondiales qui constituent un patrimoine universel. Les crises politiques, écologiques et sociales procèdent toutes de la même logique de remise en cause du bien-être de l’humanité toute entière. Au delà de ces crises, il s’agit de mieux gérer la gouvernance mondiale avec des règles et normes en adéquation avec les objectifs de partage, de viabilité et de durabilité des choix politiques, économiques, sociaux, environnementaux et culturels qui permettent de satisfaire les générations actuelles et sans compromettre le bien-être des générations futures comme stipuler dans l’Agenda 21. Le monde n’a jamais été aussi riche en termes de potentialités et de ressources et malgré tout le tintamarre sur le développement

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Education durable, au jour d’aujourd’hui, les générations actuelles et futures n’ont jamais fait face à des risques aussi grands et complexes sur leur devenir. Il convient de reconnaître que dans la plupart des pays africains avant la colonisation, les peuples ont pu mettre en place des stratégies appropriées de prévention et de résolution des conflits armés sous l’arbre à palabre ou en échange de bons procédés pour les réparations ou les arbitrages. L’avènement de la Première et Seconde guerres mondiales a précipité l’Afrique dans la globalisation au rythme imposé par les grandes puissances avec en prime la déstructuration des espaces homogènes de vie.

IV. Relations entre conflits et dévelopment durable 1. La récurrence des conflits et leur ampleur dans la région des Grands Lacs : la région des Grands Lacs est l’une des régions les plus affectées par les conflits post ajustements structurels Dans Migrations et déplacements de population dans les Grands Lacs africains : le temps de l'Afrique des comptoirs et des seigneurs de la guerre ? Guerre régionale et acteurs internationaux autour du Kivu: les enjeux politiques (1995-1998), William J. nous rappelle des faits saillants « Le génocide rwandais et sa principale conséquence, à savoir l'énorme exode qui en découla, a représenté le signal d'une profonde mutation historique en termes de mouvements et de déplacements de population pour l'Afrique centrale, mais aussi pour certains pays de l'Afrique australe et de l'Afrique de l'Ouest. Cette déflagration a non seulement 1

contribué à réactiver d'anciens réflexes identitaires latents et à rendre plausibles d'éventuels redécoupages territoriaux, mais les violences qui l'ont accompagnée paraissent avoir aussi exercé un effet de contagion et une onde de choc en termes aussi bien politiques qu'économiques. Ainsi, beaucoup d'observateurs évoquent aujourd'hui l'idée d'une résurgence tant d'une Afrique des Comptoirs, où ce sont désormais les prédations qui servent de modèle économique, que d'une Afrique des seigneurs de la guerre, consécutive à l'effondrement des structures des armées régulières »1. Ces constats faits dans la région des Grands Lacs jurent d’avec la décomposition de la plupart des Etats exposés aux effets néfastes de l’ajustement structurel combinés avec la marche forcée vers les conférences nationales. Paradoxalement un grand pays comme la République Démocratique du Congo (RDC), malgré l’abondance de ses matières premières et la richesse de son sous-sol constitue un grenier pour les forces multinationales, les milices et les pays environnants. Les différentes forces politiques en présence se sont réparties les zones les plus dotées de matières premières pour les exploiter de manière indue au détriment des communautés qui y vivent. A cela, il faut ajouter que toutes les opportunités en matière de commerce informel constituent une aubaine pour tous les pays voisins.

2. Le caractère transfrontalier des conflits Le caractère transfrontalier des conflits rend complexe les réponses à apporter par la communauté internationale et l’exploration des solutions renvoie à une dynamique qui interpelle la culture, les valeurs communes des peuples, les

Migrations et déplacements de population dans les Grands Lacs africains : le temps de l'Afrique des comptoirs et des seigneurs de la guerre ? : Deuxième partie: Guerre régionale et acteurs internationaux autour du Kivu: les enjeux politiques (1995-1998)/Migrations and transfers of population in the Great Lakes Region of Africa : the time of the trading posts and of the lords of war ? : Regional war and international actors around the Kivu : the political stakes (1995-1998) ; 1999, n° 39-40 (218 p.)

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Education

Dans ces conditions, le développement durable dans une perspective d’intégration est très Militaires, Ethiopie éloigné avec les conflits récurrents qui ont pour corollaire la destruction des cadres macro et micro économiques stabilisés, la destruction des infrastructures sociales de base pour l’éducation et la santé. Il s’agit de piliers essentiels pour le développement durable. Il ne peut pas y avoir de développement durable sans paix. Ainsi l’ancien Directeur Général de l’UNESCO M. Koichiro Matsura, á

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l’occasion du lancement international de la Décennie des Nations Unies pour l’éducation au service du développement durable en mars 2005 déclarait que l’éducation á la paix est un élément clé d’une éducation de qualité laquelle requiert notamment des programmes et des manuels nouveaux et pertinents qui contribuent á la promotion des valeurs universelles partagées et du dialogue entre les civilisations, les cultures et les peuples3. C’est dire que l’éducation est un prérequis pour la prévention des conflits à côté des paramètres liés á la bonne gouvernance, aux

© UNESCO / Niamh Burke

liens ethniques et de sang pour des populations qui vivent entre plusieurs réalités socioculturelles uniformes, contradictoires et diversifiées. Aucun pays n’est á l’abri de ce qui se passe chez son voisin dans la région (Burundi, République Démocratique du Congo, Ouganda, Rwanda et Tanzanie). Les Etats eux-mêmes s’immiscent dans les affaires intérieures de leurs voisins. L’Ouganda et l’Angola se sont respectivement portés au secours de la rébellion du Front Patriotique Rwandais (FPR) au Rwanda en 1990 et 1997 et du Général Denis Sassou Nguesso au Congo-Brazzaville en octobre 1997. Une première coalition d’Etats s’est constituée contre le régime du Maréchal Mobutu (l’Ouganda, le Rwanda, le Burundi, le Zimbabwe, l’Angola) ; une deuxième s’est nouée pour soutenir le régime de M. Laurent-Désiré Kabila dans l’ex-Zaïre (le Zimbabwe et l’Angola), tandis qu’une troisième s’y opposait (le Rwanda et l’Ouganda)2.

politiques économiques inclusives de développement et au respect des droits de l’homme. La paix est une question d’équilibre et d’équité au niveau de la répartition des ressources, de la gouvernance, du développement social et culturel, et de sentiment commun d’appartenance à la nation, à la communauté de vie.

Mwayila Tshiyembe : Ambitions rivales dans l’Afrique des Grands Lacs ; Le monde diplomatique, January 1999 Discours choisis de M. Koichiro Matsura (2005-2006) ; Les enjeux du développement durable UNESCO AFRIQUE N° 2 - Développement durable et création des richesses en Afrique

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Education Les concepts majeurs dans le domaine de la prévention des conflits, la résolution des conflits, la transformation des conflits et la consolidation renvoient aux dynamiques de la communication pour le changement de comportement. L’ampleur des conflits dépend des perceptions dominantes pour donner aux conflits des dimensions nationales, sous-régionales, régionales, et internationales. Et les perceptions sont des amplificateurs sociaux sur lesquels les parties en conflit l’instrumentalisent par le jeu du pouvoir pour construire des attitudes conséquence des malentendus, des préjugés et de l’intolérance. L’analyse des faits montre que les formes et la fonction des conflits sont révélatrices du degré de cohésion sociale ou de la déstructuration sociale. Lewis A. Coser nous indique que la conflictualité peut être un élément structurant de la communication. La conscience citoyenne provoquée par la guerre en Irak et en Afghanistan contre l’administration Bush est un indicateur sur le fait que le conflit peut être un facteur de fédération des consciences et d’unité nationale. La théorie des besoins humains développée par Manfred Max-Nef consiste à considérer que priver des communautés et des individus des moyens pour satisfaire leurs besoins humains primaires est á la base de la plupart des conflits. Il s’agit de la théorie du développement humain á l’échelle. Tous les concepts relatifs à la prévention des conflits, la transformation des conflits, la résolution des conflits, la gestion des conflits, doivent être revisités à la lumière de la nature des conflits qui agitent depuis plusieurs décennies la région des Grands Lacs. Le changement de paradigme des conflits post colonisation, des conflits de la guerre froide et des conflits de leadership sous- régionaux doit être réinvesti pour une lecture critique des processus en cours dans la résolution des conflits et la consolidation de la paix.

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V. Discussions et interprétation L’instabilité de la région des Grands Lacs a été à la base de la mobilisation de la Communauté internationale pour mettre en place un dispositif de résolution des conflits. C’est ainsi qu’en 2004, l’Union Africaine et les Nations Unies ont mis en place un secrétariat conjoint de la Conférence Internationale des Grands Lacs (CIGR). La nature des conflits dans la région a pris des formes plus dramatiques sous couvert de la fragilité des Etats aussi bien du point de vue de la gouvernance que du point de vue de la structuration socio économique des Etats en question. S’agit-il de la manifestation de la crise de la globalisation avec la fin de la guerre froide ou des signes de la recolonisation en marche sous des formes pernicieuses pour le contrôle des ressources naturelles devant la faillite de la plupart des Etats centraux ? Avec la mondialisation surtout des moyens de production et des medias, quelle est la relation de cause à effet entre le développement durable et la prévalence des conflits dans la région des Grands Lacs ? Quels sont les intérêts géostratégiques qui sont en jeu dans cette région depuis plus de dix ans après la chute du mur de Berlin qui a consacré la fin de la guerre froide ? En effet, c’est dans les années 1970 que les institutions financières internationales ont commencé à changer d’axes pour les prêts (barrages, centrales électriques) au profit des plans d’ajustement structurel dont le rôle principal est de forcer les pays qui sollicitent des prêts auprès de la Banque mondiale et du FMI, à restructurer l’ ensemble de l’économie sur la bas d’une libéralisation à outrance. Ces conflits récurrents au niveau de la région des Grands Lacs ne sont pas une des conséquences des plans d’ajustement structurel dans un environnement géopolitique assez complexe avec

Emmanuel Bombande, Rôle de la société civile dans la prévention des conflits et la consolidation de la paix, 5 novembre 2005.

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Education les pays de l’Afrique australe. C’est plus particulièrement en 1979 que le G7 invite la Banque Mondiale et le FMI à mettre en œuvre des programmes d’ajustement structurel pour faire face á l’explosion de la dette. Sur le continent, quand l’Etat - pris dans l’étau de la dette et des mesures imposées par le Fonds monétaire international (FMI) - ne paie plus les salaires des fonctionnaires et abandonne écoles, hôpitaux, transports, « la guerre est une alternative à une économie de paix qui ne nourrit plus : la kalachnikov est le meilleur moyen de production5 ». Les laissés-pour-compte de l’exode rural, les jeunes « bricoleurs » des quartiers sont la chair à canon des guerres civiles. Beaucoup sont des enfants-soldats initiés très tôt à l’horreur, parfois enrôlés de force, comme par l’Armée de résistance du Seigneur, au nord de l’Ouganda : « Un crime sans nom, qui fait se consumer des générations entières6 ».7 A la logique du tout marché est associée la démocratie. C’est l’ère de la défense des droits de l’homme comme pré-requis pour la libéralisation de l’économie des pays dont le trait dominant est la construction d’un Etat post colonial sur un tissu social et politique assez fragile. La faillite des Etats-nations hérités de la colonisation (Somalie, Ouganda, Centrafrique, Burundi, Rwanda, RDC etc.) pour ne citer que ceux qui sont dans la région des Grands Lacs, ne constitue-t-elle pas la traduction de la reproduction / greffage d’un mode de gouvernance et d’un système politique qui n’a aucun ancrage culturel sur la société ? La dissolution de l’Etat s’effectue dans deux directions apparemment opposées. D’un côté,

plusieurs formes de territorialité s’entrecoupent, s’affrontent et se relaient, produisant, au passage, un amas de forces endogènes qui se dissipent et se neutralisent mutuellement. De l’autre, l’imagination autoritaire a pris des formes multiples, notamment celle d’une institution militaire paranoïaque et d’une culture de la tricherie. Des conflits à répétition déchirent les régions qui servent d’épicentre à la production pétrolière. Sans prendre la forme de guerres classiques, ils opposent des communautés les unes aux autres, à l’intérieur d’un même pays, dans des régions connues pour leurs richesses minérales et pour l’intensité de l’exploitation d’une ou de plusieurs ressources naturelles par des compagnies multinationales.8 Le processus de déconstruction/déstructuration des Etats post coloniaux passe par la lutte pour le contrôle des ressources avec une justification sur la base de paramètres sociaux désintégrateurs pour réinventer de nouvelles identités. Les paramètres sociaux liés á l’ethnicité, la stratification sociale, les lignages, et l’identité n’ont-ils pas été occulté au profit de l’universalisme oppressant des systèmes politiques de la Grèce antique et du siècle des lumières. Les formations sociales des sociétés africaines traduisent les déchirements assez importants qui ont traversé l’histoire de l’Afrique. Le découpage du continent africain décidé par 14 pays occidentaux (l’Allemagne, la France, l’Angleterre, l’Espagne, le Portugal, la Belgique, la Russie, la Suède, la Norvège, les Pays-Bas, le Luxembourg…. et les Etats-Unis) entre le 15 novembre 1884 et le 26 février 1885 à Berlin avait scellé le destin du continent sur des bases artificielles dont les conflits récurrents sur le continent sont la traduction la plus achevée. L’accord de Berlin a pu limiter les conflits entre

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Stephen Smith : L’Afrique aux Africains…. en armes ; Libération, 29 November 1998 Dossiers de l’autre Afrique, 10 February 1999 7 Philippe Leymarie ; Ces guerres qui usent l’Afrique ; Le monde diplomatique, April 1999 6

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Education Figure 1 : Cadre logique de l’analyse des conflits selon le Réseau régional d’alerte et de réponses précoces de l’Afrique de l’Ouest (WARN).4

CAUSES SOUS JACENTES

CAUSES ASSOCIEES

Conditions contextuelles qui alimentent le conflit

C O N F L I T S

Situation et circonstances (Politique) légitimité politique Social (Mobilisation des communautés

Ex: Elections truquées Tensions Inter religieuses

(Social) Groupe ethnique au pouvoir est une minorité (Social) Discrimination

Causes directes Jeunes /crime Chômage

(Économique) Détérioration économique

A R M E S

(Histoire) Histoire récente de la violence (Militaire) Sécurité Militaire

les pays qui cherchaient des moyens de survie à travers de la matière première hors de leur territoire (un pays comme la République démocratique du Congo a des frontières communes avec 12 pays !). Ce partage de Berlin n’a pas empêché, cependant, l’avènement de la Première et de la Seconde guerre mondiale. Il est important de souligner que l’après deuxième guerre mondiale a imposé aux puissances occidentales et aux pays du Sud de favoriser l’intégration économique régionale. Cette situation est á la base de la volonté affichée des fondateurs de l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA) de s’appuyer sur les 8

Communautés Economiques Régionales (CEDEAO, CEEAC, COMESA, SADC, et UMA) pour favoriser l’intégration régionale et ainsi réduire les conflits. Le développement durable, un enjeu pour la résolution des conflits dans la région des Grands Lacs L’Afrique comprend 35 des 50 pays les moins avancés (PMA). Caractérisés par l’extrême pauvreté de leur population, ils sont l’épicentre de nombreuses crises - alimentaires, sanitaires, conflictuelles -.

Achille Mbembe, Les frontières mouvantes du continent africain; Le monde diplomatique, November 1999

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Education Figure 2 : Principales zones de conflits par Cécile Marin et Philippe Rekacewicz, janvier 2000. Dossier de la documentation française

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Education Toutes les recherches sur la géostratégie s’accordent sur le fait que l’exploitation des ressources naturelles a joué un rôle dans un quart des 50 derniers conflits, qui ont fait plus de 50 millions de victimes dans les années 90. L’environnement dans lequel évolue le continent depuis les indépendances est jalonné par des conflits multiformes et des crises financières, ce qui fait que la croissance économique africaine a été faible avec quelques nuances. Cinq pays (Botswana, Lesotho, Ile Maurice, Maroc, Tunisie) ont triplé leur revenu par tête entre 1960 et 2005. Par contre, 9 pays (Centrafrique, Liberia, Madagascar, Niger, République Démocratique du Congo, Sierra Leone, Somalie, Tchad, Zimbabwe) avaient un revenu par tête en 2005, inférieur à celui de 1960. Quelque chose de fondamental est entrain de se passer sous nos yeux avec la modification des circuits financiers qui alimentent la politique de l’aide en Afrique. Les produits agricoles sont désormais des valeurs refuges vis-à-vis des marchés financiers. Les sources de financement se multiplient: micro-finance, fonds souverains, banques islamiques, fondations privées, fonds des travailleurs immigrés et de la diaspora. Le Parlement britannique a établi que l’élite africaine (une partie des 200,000 Africains résidant aux USA) détient entre 700 et 800 milliards de dollars dans les centres financiers de la planète. Les flux transnationaux liés à l'argent sale ont ainsi dépassé 1.000 milliards de dollars en 20079. Depuis le début du XXIe siècle, la Chine constitue une nouvelle donne dans la géopolitique mondiale. Le commerce entre la République Populaire de Chine et l’Afrique a connu une progression sans précédent avec 39,7 milliards de dollars en 2005; 55,5 milliards en 2006, et 73,3 milliards en 2007. La Chine vient aujourd’hui après les Etats-Unis et avant la France en termes

de volume de transactions commerciales avec l’Afrique et, en ligne de mire, le contrôle du réservoir des matières premières, minières et énergétiques (or, platine, vanadium et pétrole). L’Angola et le Soudan, producteurs de pétrole en Afrique subsaharienne, ont fourni les deux tiers des importations chinoises d’Afrique en 2007. La croissance économique constitue, de nos jours, un vecteur sur lequel les performances économiques d’un pays sont appréciées par la communauté internationale. Selon François Perroux, la croissance économique peut être définie comme l'augmentation soutenue de la production de biens et de services dans une économie sur une période donnée, généralement une période longue. En pratique, l'indicateur utilisé pour la mesurer est le produit intérieur brut.10 Les modèles de croissance économique reposent sur le postulat des progrès techniques et sur trois mécanismes á savoir l’apprentissage par l’expérience, l’accumulation du capital humain (compétences, niveau d’éducation de la population) et le financement des infrastructures publiques ou privées11. La focalisation des institutions financières internationales sur la croissance économique pose un vrai débat sur la question de l’amélioration des conditions de vie des populations surtout leur mieux-être qui ne peut être que relatif selon les niveaux de développement des pays en question. Ainsi, cette conception de l’évolution des économies doit être corrélée avec la notion de développement durable. Et le développement durable dans le rapport Brundtland se traduit par la satisfaction des besoins des générations du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs12. Est-il possible d’envisager la croissance économique et le développement sans la prise en compte des vecteurs culturels et de valorisation de soi comme partie intégrante de la nouvelle humanité en

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L'Afrique subsaharienne: de la décolonisation à la mondialisation ; Dossier de la documentation française, September 2008 François Perroux: Dictionnaire économique et social ; Hatier, 1990 11 Paul Romer; Endogenoeous technological change, Journal of political economy, October 1990 12 Gro Harlem Brundtland, Chair of the International Commission on; Notre avenir à tous est soumis à l’Assemblée nationale des Nations unies en 1986. 10

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Education chantier avec la marche forcée de la globalisation ? La promotion de la culture de la paix, la culture de la diversité enrichissante, la potentialisation des atouts économiques et sociaux de chaque peuple et de chaque continent sont les clés de l’avenir. 2015, c’est déjà aujourd’hui pour l’atteinte des Objectifs du Millénaire pour le Développement qui va certainement connaître un report. Les menaces en cours dans beaucoup de pays notamment le réchauffement climatique avec une accentuation des catastrophes naturelles et des conflits humains pour l’accès aux ressources (énergie, eau, terres cultivables etc..) constituent autant de défis à relever afin que l’humanité puisse bâtir un espace viable pour tous au delà des identités et des espaces d’appartenance.

VI. Conclusion Nous pouvons conclure par une citation de l’ancien Directeur Général de l’UNESCO, M. Koichiro Matsuura. Il disait que les actes de terrorisme ne peuvent jamais se justifier, quels qu’en soient les motifs et que la communauté internationale a besoin d’une conception fondée sur le respect des droits de l’homme, le respect mutuel, le dialogue interculturel et l’atténuation de la pauvreté. N’est-ce pas là tout l’enjeu de la promotion de la prévention des conflits dans les pays affectés par des crises de toutes sortes pour davantage garantir le mieux-être aux générations actuelles et futures ? Les efforts pour la reconstruction des pays en post conflit doivent être à la mesure de la mobilisation pas seulement des parties en conflit et du financement de la communauté internationale mais aussi de la participation active de la société civile et des communautés de vie pour briser le cercle vicieux de la monopolisation des ressources et de la mal gouvernance. Gageons que les efforts combinés dans le cadre de la Décennie de l’éducation pour le développement durable sous la coordination de l’UNESCO (2005-2014) et l’atteinte des Objectifs du Millénaire pour le Développement puissent constituer autant d’atouts pour les générations actuelles et futures. D’ores et déjà une chose est

certaine : avec 6000 groupes ethniques et 5000 langues recensées par l’UNESCO en 2001, il ne peut pas y avoir de développement durable sans une paix universelle et l’acceptation du monde comme un champ de diversité culturelle et biologique.

Bibliographie 1. Achille Mbembe, Les frontières mouvantes du continent africain; Le monde diplomatique, novembre 1999 2. L'Afrique subsaharienne: de la décolonisation à la mondialisation ; Dossier de la documentation française clos en septembre 2008 3. François Perroux: Dictionnaire économique et social ; Hatier, 1990 4. Mwayila Tshiyembe : Ambitions rivales dans l’Afrique des Grands Lacs ; Le monde diplomatique, janvier 1999 5. Discours choisis de M. Koichiro Matsura (2005-2006) ; Les enjeux du développement durable 6. J. William: Migrations et déplacements de population dans les Grands Lacs africains : le temps de l'Afrique des comptoirs et des seigneurs de la guerre ? : Deuxième partie: Guerre régionale et acteurs internationaux autour du Kivu: les enjeux politiques (1995-1998)/Migrations and transfers of population in the Great Lakes Region of Africa: the time of the trading posts and of the lords of war ? : Regional war and international actors around the Kivu : the political stakes (1995-1998) ; 1999, n° 39-40 (218 p.) 7. Emmanuel Bombande, Rôle de la société civile dans la prévention des conflits et la consolidation de la paix, 15 novembre 2005 8. Stephen Smith : L’Afrique aux Africains…. en armes ; Libération, 29 novembre 1998 9. Philippe Leymarie ; Ces guerres qui usent l’Afrique ; Le monde diplomatique, avril 1999 10. Paul Romer; Endogenoeous technological change, Journal of political economy, October 1990 11. Gro Harlem Brundtland, Présidant la Commission mondiale sur l’environnement et le développement ; Notre avenir à tous est soumis à l’Assemblée nationale des Nations unies en 1986. 12. Pierre Preche Afrikara ; La Conférence de Berlin : L’equarissage du continent noir par l’Occident ; 26 février 1885 13. OXFAM : Baromètre de la protection des civils 2008 14. Rapport du Programme des Nations Unies pour l’Environnement ; février 2009 15. Jared Diamond, Collapse; How societies choose to fail or succeed (2005); Chap. 10; Malthus in Africa : Rwanda’s genocide 16. Meike Westerkamp, Moira Feil, Alison Thompson; Regional cooperation in the Great Lakes Region: A contribution to peace building 17. Serge Michailof, Markus Kostner and Xavier Devictor; Post conflict recovery in Africa: an agenda for the Africa region.

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Education Défis au développement durable : la féminisation de la pandémie du VIH en Afrique de l’Ouest et du Centre comme exemple Ulla Pauliina KALHA*

Résumé Le présent article met en lumière l'impact négatif de la pandémie du VIH sur le développement durable. Le VIH limite la création de richesses en affaiblissant les capacités des ménages et en augmentant les dépenses publiques, en particulier celles liées à la santé, aux besoins sociaux de base. Le VIH entrave la croissance économique et accroît la pauvreté en rendant les personnes vulnérables encore plus vulnérables. La communauté internationale, les gouvernements et la société civile déploient conjointement d’énormes efforts pour lutter contre le VIH. Dans le domaine de l'éducation, ces efforts comprennent le cadre d'action EDUSIDA, une initiative de l’ONUSIDA qui, sous la direction de l'UNESCO, vise à intégrer le VIH et le SIDA dans les systèmes éducatifs et à se servir davantage de l'éducation comme un « vaccin social ». Les efforts conjugués de l'ONU concernent également la promotion des opportunités de collaboration et de synergies intersectorielles, ainsi que le suivi de la pandémie. Se basant sur des données récentes sur le VIH/SIDA en Afrique subsaharienne, et en se focalisant plus particulièrement sur l’Afrique de l’Ouest et du Centre, l’article met l’accent sur la féminisation de la pandémie, une tendance émergente qui laisse penser qu’une action plus ciblée s’impose. Des actions renforcées, multisectorielles et novatrices, qui prennent en compte la vulnérabilité des femmes et des jeunes filles face à la pandémie du VIH avec une participation active des hommes, sont nécessaires. Cet article souligne que le secteur de l'éducation a un rôle important à jouer dans le cadre de ces interventions tandis qu'il pourrait également bénéficier davantage de l'analyse socioculturelle de la dynamique de genre et de pouvoir.

Introduction : Le concept de développement durable Le concept de « développement durable » a été présenté en 1987 par la Commission Mondiale sur l'Environnement et le Développement dans son rapport, « Notre Avenir Commun », également connu sous le nom de rapport Brundtland. En se concentrant sur les ressources naturelles et sur la manière de les préserver pour les générations futures tout en répondant aux besoins du présent, il souligne la relation d’interdépendance qui existe entre le développement économique et l’environnement. Dans son premier chapitre, le rapport déclare : « Ces échecs qu’il nous faut surmonter ont pour

cause la pauvreté et la myopie avec laquelle nous avons recherché la prospérité. De nombreuses parties du monde sont prises dans une spirale infernale : les plus démunis sont obligés d’exercer des pressions excessives sur l’environnement pour vivre au jour le jour; l’épuisement de l’environnement ne fait que les appauvrir davantage, rendant leur survie encore plus difficile et précaire. La prospérité à laquelle sont parvenues d’autres parties du monde est souvent fragile, car elle repose sur des pratiques agricoles, forestières et industrielles dont les bénéfices et les progrès ne sont possibles qu’à court terme. » (Rapport de la Commission mondiale sur l’Environnement et le Développement, 1987 : Chapitre 1.II.3).

* Ulla Pauliina KALHA, Coordonnatrice du programme VIH/SIDA pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre, UNESCO-Dakar UNESCO AFRIQUE N° 2 - Développement durable et création des richesses en Afrique

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Education La Déclaration de Rio de 1992, sur l'environnement et le développement à son tour, a placé les êtres humains au cœur des préoccupations relatives au développement durable, en mettant l’accent sur le droit « à une vie saine et productive en harmonie avec la nature» (ONU, 1992 : Principe 1). Dans ce contexte, coopérer à la tâche essentielle de l’élimination de la pauvreté et de la réduction des différences de niveaux de vie est indispensable pour parvenir au développement durable. La Déclaration souligne également le rôle vital des femmes dans la gestion et l’exploitation économiquement viable de l’environnement, et met l’accent sur l’importance de leur totale participation pour parvenir au développement durable (ONU, 1992). Par la suite, les Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD), lancés lors du Sommet des Nations Unies pour le Millénaire en 2000, ont été conçus pour servir de feuille de route visant à améliorer les conditions de vie des plus démunis. Dans ce contexte, on a reconnu que le développement durable est un ensemble complexe qui ne peut être atteint sans se concentrer simultanément sur les différents secteurs dont le fait de veiller au développement économique et social équitable, en mettant un accent particulier sur les populations vivant dans la pauvreté ; en responsabilisant les femmes et les jeunes filles ; en assurant la santé maternelle et infantile ; en luttant contre la propagation à l’échelle mondiale de maladies telles que le VIH, la tuberculose et le paludisme ; et en œuvrant pour une gestion efficace de l'environnement et des ressources naturelles, ainsi que pour la gouvernance démocratique et les droits humains. (Voir par exemple l'ONU, 2010).

Le VIH, une menace pour le développement durable et la création de richesses L'ancien Directeur Exécutif de l’ONUSIDA, Peter Piot, a réitéré lors du Sommet mondial sur le 66

Développement Durable qui s’est tenu à Johannesburg en 2002, également connu sous le nom de Sommet de la Terre 2002, que le développement durable ne sera possible que si le VIH et le SIDA sont maîtrisés, et pour ce faire, de nombreuses questions doivent être traitées. Il est devenu évident qu'avec sa portée mondiale, la pandémie du VIH épuise le capital humain et les capacités institutionnelles qui sont des préalables au développement durable, et que le VIH a un impact négatif sur la création de richesses. D'une part, elle affaiblit les capacités des ménages, notamment en termes d’activités génératrices de revenus, et d’autre part, elle contraint les Etats à accroître les dépenses publiques, notamment celles de santé et de satisfaction des besoins sociaux de base, ce qui peut ralentir la croissance économique et le développement d'autres secteurs. (Voir par exemple IRIN 2002 ; ONU, 2005a ; ONUSIDA, 2002). Le rapport du Sommet, « VIH/SIDA, ressources humaines et développement durable », précise que dans les pays très affectés de l'Afrique subsaharienne, l'épidémie a réduit à néant les acquis et intensifié la pauvreté et l'insécurité alimentaire. Par exemple, l’association de conditions atmosphériques défavorables, d’errements en matière de politique, de dégradation environnementale et du SIDA a provoqué la famine dans plusieurs régions du continent. Le rapport souligne la nécessité de se pencher en même temps sur le développement rural, la sécurité alimentaire et les politiques agricoles ainsi que sur la pandémie. Par ailleurs, les études menées en Afrique et en Asie révélent que les revenus des ménages affectés par le VIH étaient souvent inférieurs de moitié à ceux de ménages moyens. La demande croissante de revenus supplémentaires, et l’intensification des coûts d’entretien des ménages, la prise en charge des enfants par les femmes et les filles, rendent la population féminine particulièrement vulnérable. En outre, la transmission verticale mère-enfant du VIH augmente davantage le taux

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Education de mortalité maternelle et infantile. Une étude entreprise en Zambie en 2000 a révélé que 65% de ménages se désintégraient après le décès lié au SIDA d’un adulte membre clé de la famille. Le VIH avait également créé une situation doublement difficile dans les systèmes éducatifs, pierre angulaire du développement durable. Alors que la qualité de la formation et de l'éducation se dégrade, la pandémie a baissé le nombre de personnes pouvant jouir des avantages de l'apprentissage et acquérir des compétences pour garantir une création de richesses durables. L'épidémie a de toute évidence compromis les efforts en faveur de l'Education pour tous (EPT), car les familles pauvres retiraient leurs enfants, notamment les filles, de l'école, tandis que les enseignants et le personnel d’appui mourraient de l'épidémie. La communauté internationale avait ainsi un défi en perspective (ONU, 2005a ; ONUSIDA, 2002).

EDUSIDA - La lutte contre le VIH/SIDA au moyen de l'éducation Suite aux recommandations du Sommet de la Terre 2002, les efforts en vue d’endiguer la pandémie du VIH se sont intensifiés dans divers secteurs, et la collaboration intersectorielle a été renforcée aux niveaux international et national par les différentes parties prenantes dont les gouvernements, les ONG et les organismes internationaux. Tel que réaffirmé dans le rapport du Sommet, l'éducation est inextricablement liée à plusieurs éléments qui contribuent au développement durable, et qui sont hypothéqués par le VIH. Il a été reconnu que l'éducation permet aux gens de sortir de la pauvreté, et qu'elle est étroitement liée à la croissance économique à long terme. L’éducation améliore aussi la santé – et, alors que la bonne santé peut être considérée comme une condition nécessaire à l’apprentissage, la mauvaise 1

santé, quant à elle, augmente par la suite la vulnérabilité des sociétés, et réduit les avantages tirés de l'éducation. En conséquence, le Comité ONUSIDA des agences de co-parrainage1 a lancé EDUSIDA, l'initiative mondiale sur l'éducation et le VIH/SIDA, en mars 2004. L'UNESCO a reçu pour mandat de diriger ce processus (voir ONUSIDA 2002 ; UNESCO 2008 : 7). Tandis que le développement global des systèmes éducatifs contribue à l'éradication du VIH, la mise au point d'une éducation spécifique au VIH est tout aussi importante. EDUSIDA fut créée comme un cadre d’action pour le secteur de l'éducation pour faire face au VIH et au SIDA afin d’atteindre l’EPT et les OMD liés à l’éducation. EDUSIDA vise également à assurer l’accès universel à la prévention, au traitement, à l’appui, et à améliorer la coordination et la coopération globales entre les divers programmes. EDUSIDA vise la qualité de l'éducation en adaptant le contenu, les programmes et les matériels didactiques, et veille aussi à ce que le VIH et le SIDA soient intégrés dans les programmes de formation des formateurs et de soutien. Au niveau de la politique, de la gestion et des systèmes, EDUSIDA soutient l'inclusion de la réponse du secteur de l'éducation dans la stratégie nationale relative au VIH et au SIDA et assure l’orientation et le suivi de la réponse du secteur. Elle utilise également toutes les formes d'éducation - formelle, non-formelle et informelle – pour s’assurer de la mise en place effective des points d'entrée clés du VIH, notamment l'éducation sexuelle, la santé scolaire et les programmes sur l’alimentation, l’éducation par les pairs, l’apprentissage et les interventions communautaires, y compris les compétences pour la vie, l’alphabétisation et l’éducation des adultes, les communications et les médias, le traitement du VIH et du SIDA, l’éducation des jeunes scolarisés et non scolarisés (UNESCO, 2008).

Les organismes de co-parrainage de l’ONUSIDA sont le HCR, l’UNICEF, le PAM, le PNUD, le FNUAP, l’ONUDC, l’OIT, l’UNESCO, l’OMS et la Banque mondiale. UNESCO AFRIQUE N° 2 - Développement durable et création des richesses en Afrique

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Education Les interventions menées par l’UNESCO ces dernières années en Afrique de l’Ouest et du Centre comprennent l’appui à l’élaboration de politiques en matière de SIDA ainsi que l'intégration du VIH et du SIDA dans les programmes scolaires et les programmes de formation des enseignants. A titre d’exemple, en 2008 et 2009, six pays d’Afrique Centrale ont choisi de travailler ensemble à la réforme des programmes d'études pour intégrer le VIH et les thèmes connexes. Cela a donné lieu à un document de programme d’études sous-régional harmonisé normalisant le contenu de toutes les disciplines scolaires. De même, en Afrique de l’Ouest, depuis 2007, l'UNESCO travaille avec des partenaires nationaux en Guinée-Bissau pour élaborer une politique nationale relative au VIH et au SIDA pour le secteur de l'éducation, qui définit les actions entreprises dans ce secteur en matière de prévention, de traitement, de prise en charge et de soutien pour le personnel enseignant et les élèves. Ces actions seront intégrées dans le plan global du Secteur de l’Education, au moment de sa révision. Il est évident que les résultats de ces efforts ne seront palpables que dans les années à venir. Parmi les autres activités impliquant tous les secteurs de l'UNESCO, figurent la diffusion des connaissances sur les programmes de prévention, de traitement, de prise en charge et de soutien, la lutte contre la stigmatisation et la discrimination, la promotion des droits humains et la sensibilité au genre, ainsi que l’appui aux enseignants et aux jeunes gens infectés et affectés par le VIH. La participation au sein des équipes conjointes régionales (JURTA) et nationales (JUNTA) de l'ONU a permis une approche multisectorielle et un suivi conjoint des efforts déployés par les organismes de coparrainage de l'ONUSIDA. Presque une décennie après le Sommet de la Terre de Johannesburg, le VIH continue de compromettre le développement durable en Afrique subsaharienne en dépit des actions concrètes entreprises dans divers secteurs dont 68

l'éducation. La Conférence mondiale de l'UNESCO sur l'Education pour le Développement Durable, tenue à Bonn (Allemagne), en 2009, a rappelé à la communauté internationale l’importance que revêt la satisfaction des besoins en matière de santé de millions de personnes à travers le monde. Elle a souligné que le développement durable ne peut être possible sans la santé et que la bonne santé est également le résultat d'une éducation de qualité efficace pour le développement durable. La conférence a recommandé de faire de l'éducation sanitaire, en particulier sur le VIH/SIDA, une des priorités du développement durable et de l'EDD et d’encourager les partenariats et les échanges aux niveaux national et international afin de s’attaquer à ce problème complexe (UNESCO 2009).

La pandémie du VIH en Afrique de l’Ouest et du Centre - quelques tendances positives et négatives En 2001, on estimait à 19,7 millions le nombre de personnes vivant avec le VIH en Afrique subsaharienne. En 2009, le nombre de personnes infectées par le VIH dans cette même région était estimé à environ 22,4 millions. Toutefois, alors que le nombre absolu de personnes séropositives était en hausse, le nombre de nouvelles infections avait diminué. En 2001, on comptait 2,3 millions d'adultes et d’enfants nouvellement infectés par le VIH. En 2009, le nombre de nouvelles infections avait baissé (ONUSIDA ET OMS 2009). En 2008, le Point sur l'Epidémie du SIDA indiquait que dans 14 des 17 pays africains disposant de données d’enquête suffisantes, la proportion de jeunes femmes enceintes (âgées de 15 à 24 ans) vivant avec le VIH était inférieure à celle de 2000-2001. Dans sept pays, la baisse du nombre des infections était égale ou supérieure à 25 % ce qui est égal à l’objectif de baisse fixé pour 2010. Un léger repli de la prévalence a été

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Education constaté à travers l’Afrique. Parmi ces pays en Afrique de l’Ouest et du Centre, figurent le Mali, le Niger, le Burkina Faso, le Bénin, le Togo et la Côte d’Ivoire. La prévalence parmi la population en Sierra Leone et au Ghana est restée stable. Au Ghana, la prévalence parmi les jeunes semble être en baisse. Dans les cas du Bénin, du Burkina Faso et de la Côte d’Ivoire, un repli important a été enregistré en milieu urbain (ONUSIDA 2008, 36). En outre, avec l'élargissement de l’accès au traitement ces dix dernières années, notamment avec l'introduction de traitements antirétroviraux à prix réduit (ARV), le nombre de décès annuels dus au SIDA a chuté (voir ONUSIDA 2008 ; ONUSIDA & OMS 2007 ; 2008 ; 2009). Malgré ces bonnes nouvelles qui portent à croire que les efforts déployés par diverses parties prenantes nationales et internationales ont porté leurs fruits, beaucoup reste à faire. L’Afrique subsaharienne reste la région la plus durement touchée par le VIH, avec 68 % de nouvelles infections chez les adultes et 91 pour cent chez les enfants, 67 % du total des personnes vivant avec le VIH et 72 % de décès liés au SIDA en 2008 dans le monde (ONUSIDA &OMS, 2009:21). Alors que la prévalence du VIH en Afrique de l’Ouest et du Centre a toujours été inférieure à celle observée en Afrique de l’Est et en Afrique Australe, l'épidémie est encore considérée comme grave dans cette région. Les variations sont relativement grandes entre les pays, et les disparités à l’intérieur des pays sont élevées. Il existe aussi de grandes différences au niveau de la prévalence entre la population de manière générale et certains groupes à risque. Au CapVert, en Gambie, au Niger et au Sénégal, la prévalence du VIH chez les adultes est inférieure à 1 % environ, et y est ainsi considérée comme une épidémie maîtrisée, tandis qu’en République Centrafricaine, l’épidémie est généralisée, la prévalence atteignant jusqu’à 6,3 %. En outre, au Nigeria, la prévalence varie d’un Etat à l’autre,

allant de moins de 1 % à plus de 10 %. Le Nigeria est, en Afrique de l’Ouest et du Centre, le pays le plus affecté par l’épidémie en termes de nombre absolu. Selon les données de 2005, le pays était, après l’Afrique du Sud, le deuxième pays ayant la proportion la plus élevée de personnes vivant avec le VIH. De même, au Burkina Faso, la prévalence varie entre 0,2 et 4,2% selon les régions, et au Togo, elle varie entre plus de 8% dans la zone urbaine de Lomé et moins de 2% dans la région des Savanes (voir ONUSIDA & OMS 2007; 2009 ; ONUSIDA, 2008). Au Sénégal, où les efforts nationaux visant à faire face au VIH et au SIDA ont commencé tôt, avec, dès le départ, une forte participation de la société civile, la prévalence est restée généralement faible. Actuellement, l’estimation parmi la population en général est de 0,7% (voir CNLS 2010 : 11). Cependant, les différences entre les régions sont importantes. Dans la région sud de la Casamance, l'épidémie s’est déjà généralisée, avec un taux de prévalence compris entre 2,2 et 2,5% environ, la population féminine étant manifestement plus vulnérable à l'infection que les hommes. Parmi les groupes tels que les professionnel(le)s du sexe et les hommes qui ont des rapports sexuels avec des hommes (HRSH), la prévalence avoisine ou dépasse 20% et à Ziguinchor, elle atteint 30% parmi les professionnelles du sexe (ONUSIDA & OMS, 2007, 22). La même tendance est observée dans beaucoup d'autres pays d’Afrique de l’Ouest et du Centre, parfois avec des taux dépassant 40%, en Guinée-Bissau jusqu’à 49,4% parmi les professionnels du sexe. Comme cela s’est vu dans les pays d’Afrique de l’Est et Australe, un fort taux de prévalence chez les groupes à risque peut conduire à une épidémie généralisée (OMS 2010); (CNLS et autres 2010 ; ONUSIDA & OMS 2009).

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Education La féminisation de la pandémie Même si l'utilisation de préservatifs avec des partenaires non réguliers est en hausse en Afrique de l’Ouest et du Centre, et même s’il existe des signes indiquant un déclin des rapports sexuels avec des partenaires non réguliers, les rapports sexuels restent le principal mode de transmission dans la sous-région. Il a été constaté en particulier que les rapports sexuels tarifés non protégés sont la principale cause de l'épidémie en Afrique de l’Ouest et du Centre (ONUSIDA & OMS, 2007:18, 20). Il existe également des preuves selon lesquelles en Afrique de l’Ouest les professionnelles du sexe, leurs clients et les HRSH constituent les populations les plus touchées et les relais les plus importants dans l'épidémie du VIH (la Banque mondiale, 2008: XII). Les recherches montrent que les hommes ayant des professions à forte mobilité ont des rapports sexuels payants. En outre, la prévalence du VIH chez les HRSH est relativement forte. Ces hommes sont souvent mariés ou ont également des rapports sexuels avec des femmes. Avec des taux d'utilisation de préservatifs toujours faibles, ils constituent une passerelle de transmission du VIH, prouvant ainsi que les relations hétérosexuelles dans les couples stables sont devenues un important mode de transmission et exacerbent la vulnérabilité des femmes (la Banque mondiale, 2008 ; ONUSIDA & OMS, 2009). Les femmes représentent 50% du total des personnes vivant avec le VIH dans le monde et au moins 60% en Afrique subsaharienne. On note une féminisation accrue de la pandémie dans cette région (ONUSIDA & OMS, 2009 : 21-22). Par exemple, au Sénégal, le rapport des séropositifs est actuellement de 1 homme pour 2 femmes, ce qui traduit un changement spectaculaire par rapport à 1986-1996, lorsque le rapport était de 4 hommes pour 1 femme. Malgré les efforts prometteurs déployés, la transmission mère-enfant reste élevée car les 2

femmes enceintes n'ont toujours pas un accès adéquat aux tests de dépistage (CNLS et autres; 2010). Même si pendant plusieurs années la responsabilisation et la prise en compte des jeunes, en particulier les filles, ont été un aspect important des programmes de prévention, la féminisation observée chez les adultes semble également être une réalité chez les jeunes. Actuellement, dix millions de jeunes, entre 15 et 24 ans, vivent avec le VIH et le SIDA dans le monde. Rien qu’en Afrique subsaharienne, 3,4 millions de jeunes sont séropositifs, et selon le Rapport Mondial sur la Jeunesse publié en 2005, le VIH et le SIDA sont la principale cause de mortalité chez les jeunes. Les jeunes femmes sont deux à trois fois plus susceptibles d'être séropositives que les jeunes gens, et le taux de nouvelles infections est de plus en plus élevé chez les jeunes femmes (ONU, 2005b ; voir aussi FNUAP, 2010)2. Déjà en 1997, sur la base des expériences menées en Asie, une étude du PNUD (Cohen 1997) montrait que les femmes et les ménages dirigés par des femmes sont les plus pauvres parmi les pauvres. Lorsqu’elles sont privées d'éducation, de logement, de services de santé et de « moyens d’existence durables », les femmes sont obligées de chercher des stratégies de survie qui exposent un nombre de plus en plus croissant d’entre elles au VIH. Les données recueillies par cette étude montrent également que la pandémie du VIH augmentait l'inégalité entre les sexes et réduisait l’accès des filles à l'éducation, y compris l’éducation à la santé. Elle a conclu que les jeunes femmes sont partout victimes de discrimination sociale, économique et politique, et souvent d’exploitation. La vulnérabilité accrue des femmes et des filles à l'infection à VIH en Afrique subsaharienne est liée

Correspondance mail avec le CNLS, 7-10-2010, relative à différentes études effectuées au nivau national.

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Education non seulement à leur structure biologique mais également aux facteurs sociaux, économiques, juridiques et culturels. Par exemple, il existe des preuves qui indiquent que i) la pauvreté et les mauvaises conditions de vie, notamment dans les taudis urbains et les zones de peuplement informelles, exacerbent la vulnérabilité des femmes et des filles au VIH, et ii) les femmes et les filles ont une autonomie limitée pour se protéger contre le VIH dans les sociétés africaines. Les normes sociales relatives aux rôles liés au genre et aux rapports de force, qui incluent l’acceptation sociale des violences physiques et sexuelles faites aux femmes, ainsi que le statut inférieur des femmes dû à l'analphabétisme, à l'accès limité à l’éducation et aux moyens d’existence, jouent un rôle important. D'une part, l’insécurité financière peut conduire au mariage forcé et précoce, aux violences sexuelles, et à la traite des jeunes femmes. D’autre part, les inégalités entre les sexes et les normes socioculturelles qui perpétuent les inégalités diminuent le respect des droits légaux des femmes et limitent leur accès aux services d’appui essentiels dont ceux concernant le VIH et la santé reproductive, induisant souvent des violations des droits humains (ONUSIDA & OMS, 2009 ; ONUSIDA, 2010). En Afrique subsaharienne, les femmes ne sont pas seulement vulnérables en termes de protection contre l'infection à VIH. La vulnérabilité des femmes séropositives, et en particulier leur vulnérabilité économique, est aussi une réalité. Le taux de prévalence parmi les femmes divorcées, séparées ou veuves a tendance à être plus élévé que celui des femmes célibataires, mariées ou vivant en concubinage. Par exemple, des données récentes recueillies en Guinée suggèrent que les veuves ont presque sept fois plus de chances de vivre avec le VIH, et le statut de séropositif est trois fois plus fréquent chez les femmes divorcées ou séparées que chez les femmes célibataires (ONUSIDA & OMS, 2009:22 - 23).

Intensification des efforts en vue de réduire la féminisation de la pandémie Du point de vue macro-économique, l'éducation des femmes est une source essentielle d’appui à la croissance économique à long terme et c’est une des clés du développement durable. Selon les statistiques de l’éducation des femmes a un impact positif sur la croissance du PIB, ainsi que sur la santé, l'éducation et la productivité des générations présentes et futures. Parmi les autres résultats positifs de l'éducation des femmes, figurent les faibles taux de fécondité, et la réduction du taux de mortalité maternelle et infantile (Lawson 2008). Une étude menée en 2006 par ActionAid a passé en revue tous les résultats tirés des recherches publiées entre 1990 et 2006 sur l'impact de l’éducation des filles sur le comportement sexuel et le VIH. L’étude a constaté qu’avant 1995, ce sont en fait les femmes instruites qui étaient plus vulnérables à l'infection à VIH, probablement parce qu’elles avaient de meilleures perspectives économiques, ce qui influait sur leur mobilité et sur le nombre de leurs partenaires sexuels. Ainsi, ce n’est pas l’éducation uniquement, mais plutôt, comme l’a révélé cette étude, l’éducation spécifique en matière de VIH qui peut faire la différence : après 1995, avec une meilleure connaissance du VIH, les filles et les femmes ayant fait des études poussées, avaient plus de chances de négocier des rapports sexuels protégés, réduisant ainsi leur risque d'infection à VIH. Les filles qui avaient terminé le cycle secondaire étaient moins exposées à l’infection à VIH et avaient plus de rapports sexuels protégés par rapport à celles qui n’avaient terminé que le cycle primaire. Les adultes plus instruits avaient une influence positive sur les jeunes femmes quant à l'utilisation de préservatifs, et un meilleur niveau d'éducation permettait d’amener aussi les garçons et les hommes à avoir des rapports sexuels protégés, réduisant ainsi leur risque d'infection à VIH. Au nombre des recommandations, figuraient la proposition relative

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Education à l’éducation des filles comme un «vaccin social » contre le VIH, ainsi que la lutte contre la dynamique de genre et des rapports de force dans les contacts sexuels pour aider les filles et les garçons à faire face à la pression de leurs pairs et aux stéréotypes négatifs. La capacité de l’école à faire face aux stéréotypes négatifs liés au genre, à assurer une éducation sanitaire et sexuelle portant sur le VIH et à promouvoir l'utilisation de préservatifs a été soulignée et mise en tête des priorités à exploiter. En outre, l'étude souligne l'importance de la lutte contre les violences sexuelles ainsi que les rapports sexuels entre enseignants et filles (Hargreaves et Boler, 2006). Alors que l'accès des femmes à une éducation de qualité a un impact positif sur la productivité et la réduction de la pauvreté, et donc sur le développement durable, seule une éducation spécifique en matière de VIH peut faire la différence dans la lutte contre la pandémie. Tandis que les femmes sont plus vulnérables au VIH, en partie à cause des considérations et des valeurs liées au sexe féminin dans beaucoup de cultures, les considérations et les valeurs liées au sexe masculin ont un même rôle à jouer dans la vulnérabilité des femmes qu’elles perpétuent. En fait, ces valeurs masculines rendent parfois les hommes également vulnérables. Une étude menée au Burkina Faso sur l'accès aux traitements antirétroviraux indique qu’il est plus facile pour les femmes de parler de leur sérologie VIH au sein de leur réseau social. Les hommes, par contre, ont du mal à révèler leur sérologie VIH, ils luttent pour préserver leur image sociale et leur position dominante. Ainsi, la honte et le besoin de préserver une bonne image sociale entravaient l'accès des hommes au traitement (Bila & Egrot 2008.) L'étude met en évidence la complexité liée au genre et le rôle que les barrières culturelles peuvent avoir sur le succès des programmes axés sur le VIH. L'étude effectuée par ActionAid propose l’éducation des filles en tant que « vaccin social» contre le VIH. Cependant, elle souligne aussi la 72

nécessité d’aborder la dynamique des rapports de force entre hommes et femmes. Dans le même esprit, l'Agenda pour une Action Accélérée au niveau des Pays en faveur des Femmes, des Filles, de l’Egalité de Genre et contre le VIH 20102014, récemment lancé par l’ONUSIDA et l’UNIFEM, franchit une nouvelle étape en mettant un accent plus poussé sur le travail en collaboration avec les hommes : « […] les opinions traditionnelles et stéréotypées sur les femmes, les hommes, les filles et les garçons, et sur les relations entre eux, attribuant un rôle de dominée aux femmes et un rôle de dominant aux hommes, entravent l’efficacité de la riposte au sida. L’engagement des hommes et des garçons dans la mise en œuvre du présent Agenda pour une action accélérée au niveau des pays est donc décisif. Les hommes doivent travailler avec les femmes en vue de l’égalité du genre, remettre en question les définitions néfastes de la masculinité et mettre fin à toutes les formes de violence à l’égard des femmes et des filles. La responsabilité des hommes envers leurs enfants et la prise en charge de leur famille sont fondamentales pour le travail de prévention contre le VIH autant que leur implication dans l’atténuation des effets de l’épidémie. Un changement d’attitude et de comportement des hommes et des garçons et dans les rapports de force inégaux entre les femmes et les hommes est essentiel à la prévention contre le VIH chez les femmes et les filles » (ONUSIDA 2010, 5). L’Agenda pour une action accélérée au niveau des pays vise un renforcement de la réponse multisectorielle en faveur des femmes, des filles et de l'égalité de genre. Il appelle à la création d’un environnement propice au respect des droits humains des femmes et à la prise en compte des besoins des femmes vivant avec le VIH. Ceci comprend une concentration sur les approches globales de prévention contre le VIH, des programmes sur la santé sexuelle et reproductive ainsi que la lutte contre les violences faites aux

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Education femmes. Il reconnaît que les pays ont besoin d’orientation stratégique et de soutien pour connaître leur épidémie et la riposte adaptée afin de répondre efficacement aux besoins des femmes et des filles. Dans le même contexte, les pays ont aussi besoin d’être aidés dans la planification des stratégies nationales de lutte contre le VIH et de développement, dans l’élaboration de plans opérationnels, de cadres de suivi et d'évaluation et de budgets pour répondre à ces besoins (ONUSIDA, 2010.)3

Conclusions et défis pour le futur Malgré les efforts déployés par la communauté internationale, les gouvernements et la société civile, le VIH reste une grave menace pour le développement durable en Afrique. Tandis que l’Afrique subsaharienne reste la région la plus touchée par le VIH, on note des signes de repli de la prévalence et des nouvelles infections et une certaine stabilisation. A quoi aurait ressemblé le monde sans les actions entreprises? Sans les interventions multisectorielles, l’épidémie de VIH serait encore plus grave, et il y aurait très probablement davantage de pauvreté, moins d'accès à l'éducation, moins d'opportunités de création de richesses, davantage de problèmes de santé, des taux de mortalité maternelle et infantile plus élevés, et même plus de violations des droits humains, pour ne citer que quelques-unes des conséquences imaginables. Il est indispensable de recueillir davantage 3

d'informations pour comprendre les raisons de l’inégalité existant entre les sexes en termes d'infections à VIH et voir quelles mesures adopter pour accorder la priorité aux activités sensibles au genre. Ceci est aussi important dans le contexte du développement durable, et en particulier pour garantir de façon équitable des opportunités pour la création de richesses. En Afrique de l’Ouest et du Centre, les rapports sexuels- occasionnels, tarifés ou dans les couples stables – constituent le principal mode de transmission du VIH. Selon les statistiques, la forte prévalence chez les professionnel(le)s du sexe fait d’eux/d’elles et de leurs clients une passerelle importante de transmission du VIH. On a également montré que les femmes instruites qui connaissent le VIH sont mieux placées pour négocier des rapports sexuels protégés - et que le fait d’assurer plus d'éducation responsabilise les garçons et les hommes et les amènent à avoir des rapports sexuels protégés, réduisant ainsi l'infection à VIH. Il faut, semble til donc, renforcer l’appui au secteur de l’éducation en général et de l’éducation des femmes et des filles en particulier, tout en veillant à l’intégration du VIH dans les programmmes. Il est également recommandé de revoir les programmes d’éducation existants et à venir et ceux liés au VIH avec une approche genre. L’éducation sexuelle et l'éducation en matière de VIH à l’école est un moyen puissant, « le vaccin social », pour acquérir les connaissances et les compétences, et apprendre les attitudes et les valeurs qui permettront de mieux se protéger contre l'infection à VIH. L’action au niveau du secteur de l’éducation formelle mais aussi non

Les engagements au niveau mondial et régional prennent en compte les besoins et les droits des femmes et des filles, dans le cadre d’une riposte efficace au VIH dans le contexte plus large de la Charte des Nations Unies (1945) et de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme (1948). Parmi les différents accords internationaux traitant des questions relatives aux femmes, à l’égalité de genre, à la santé et aux droits humains, figurent la Déclaration et le Programme d’Action de Vienne (Conférence mondiale sur les Droits de l’Homme, 1993), le Programme d’Action de la Conférence internationale sur la Population et le Développement (1994) et la Déclaration et la Plateforme d’Action de Beijing (1995), ainsi que les instruments internationaux de défense des Droits de l’Homme et les engagements et conventions régionaux tels que la Convention sur l’Élimination de toutes les Formes de Discrimination à l’égard des Femmes (1979) et son Protocole facultatif de 1999, le Protocole de la Charte africaine des Droits de l’Homme et des Peuples relatif aux Droits de la Femme en Afrique (2005). En outre, les pays se sont engagés à intensifier les ripostes au SIDA en faveur des femmes à travers la Déclaration d’Engagement sur le VIH/SIDA (2001) et la Déclaration Politique sur le VIH/SIDA (2006), la Déclaration du Millénaire des Nations Unies et les Objectifs du Millénaire pour le Développement (2000). (Voir aussi ONUSIDA 2010.) UNESCO AFRIQUE N° 2 - Développement durable et création des richesses en Afrique

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© UNESCO / Katy Anis

Education

Panneau éducatif dans une école

formelle, qui constitue un moyen important pour atteindre les populations hors du milieu scolaire, doivent être renforcées. L’utilisation des multimédia et des nouvelles technologies devrait également être exploitée pour atteindre le plus grand nombre. La féminisation de la pandémie en Afrique subsaharienne soulève la question de la perpétuation du manque relatif de pouvoir des femmes et des filles dans ces sociétés. L'éducation peut jouer un rôle en renforçant les femmes et les filles pour les amener à se protéger. Elle peut aussi renforcer les compétences nécessaires pour assurer les moyens d’existence, et permettre ainsi aux femmes et aux filles d'éviter de se lancer dans des stratégies de survie qui les exposent au VIH. Toutefois, se protéger n’est pas qu’une question de connaissance, c’est aussi avoir le pouvoir de négocier et de prendre des 74

décisions. Il importe donc de travailler également avec les garçons et les hommes et d’aborder les questions les concernant. Les questions telles que les images sociales liées au genre, la honte ainsi que la stigmatisation et la discrimination notamment, sont, semble t-il, des domaines importants sur lesquels il faut se pencher. Les hiérarchies sociales et culturelles, et la dynamique des rapports de force liés au genre, y compris la dynamique des rapports de force intergénérationnels, liées à la fois à l’âge et au genre, nécessitent une plus grande attention. En résumé, il faut de plus en plus associer les efforts dans le secteur de l'éducation aux connaissances culturelles, sociales et humaines afin de préparer une riposte adéquate à la féminisation du VIH et assurer que le développement durable devienne une réalité.

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Education Cadre des résultats de l'ONUSIDA 2009-2011: neuf domaines prioritaires En 2009, l’ONUSIDA, conjointement avec ses co-parrains, a lancé un ensemble de résultats spécifiques pour dynamiser l’appui, orienter les investissements futurs et mobiliser une action ciblée et concertée : Nous pouvons réduire la transmission du VIH par la voie sexuelle. Nous pouvons empêcher que les mères meurent et que les bébés soient infectés par le VIH. Nous pouvons faire en sorte que les personnes vivant avec le VIH bénéficient d’un traitement. Nous pouvons éviter que les personnes vivant avec le VIH meurent de la tuberculose. Nous pouvons protéger les consommateurs de drogue contre l’infection à VIH. Nous pouvons supprimer les lois punitives, les politiques, les pratiques, la stigmatisation et la discrimination qui gênent les ripostes efficaces au SIDA. Nous pouvons mettre un terme à la violence faite aux femmes et aux filles. Nous pouvons responsabiliser les jeunes pour les amener à se protéger contre le VIH. Nous pouvons renforcer la protection sociale en faveur des personnes affectées par le VIH. Source ONUSIDA 2009 :10

Références Bila, B. & M. Egrot 2008 : Accès au traitement du sida au Burkina Faso : les hommes vulnérables ? Spécial hors série n° 1 — Novembre 2008, Science et technique, Sciences de la santé. http://halshs.archives-ouvertes.fr/docs/00/37/92/87/PDF/Bila2008.pdf CNLS et al. 2010: Rapport de Situation sur la Riposte Nationale à l’Epidémie de VIH/SIDA. Sénégal 2008-2009. Suivi de la session extraordinaire de l’Assemblée générale des Nations Unies sur le VIH /SIDA (UNGASS) de 2001 – Sénégal 2010. République du Sénégal, Conseil National de Lutte contre le SIDA, Secrétariat Exécutif National, Programme Commun des nations unies du le VIH/SIDA. Mars 2010.

Hargreaves, James & Boler, Tania 2006: Girl Power: the Impact of Girls’ Education on HIV and Sexual Behaviour’. Education and HIV Series 01. ActionAid International. http://www.actionaid.org.uk/doc_lib/girl_power_2006.pdf IRIN 2002: Earth Summit: Interview with Peter Piot, UNAIDS Executive Director, Johannesburg, 2 September 2002, IRIN Africa. http://www.irinnews.org/report.aspx?reportid=39923 Lawson, Sandra 2008: Women Hold Up Half the Sky. Global Economics Paper No: 164, Goldman Sachs Economic Research. March 4, 2008. http://www2.goldmansachs.com/ideas/demographic-change/women-hold-up-half-of-the-sky.pdf Report of the World Commission on Environment and Development 1987: Our Common Future. Transmitted to the General Assembly as an Annex to document A/42/427 - Development and International Co-operation: Environment. UN Documents Gathering a Body of Global Agreements. http://www.un-documents.net/wced-ocf.htm The World Bank 2008: West Africa HIV/AIDS Epidemiology and Response Synthesis. Characterization of the HIV epidemic and response in West Africa: Implications for prevention. World Bank Global HIV/AIDS Program Report. November 2008. http://siteresources.worldbank.org/INTHIVAIDS/Resources/375798-1132695455908/WestAfricaSynthesisNov26.pdf UN 1992: Rio Declaration on Environment and Development

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Education United Nations Conference on Environment and Development, 14 June 1992. A/CONF.151/26 (Vol. I) http://www.un-documents.net/rio-dec.htm UN 2005a: Johannesburg Plan of Implementation. UN Department of Economic and Social Affairs. Division For Sustainable Development. The United Nations, 11 August 2005. http://www.un.org/esa/sustdev/documents/WSSD_POI_PD/English/POIToc.htm UN 2005b: World Youth Report 2005. Young people today, and in 2015. http://www.un.org/esa/socdev/unyin/wpayaids.htm UN 2010: We can end poverty 2015, Millennium development goals. A gateway to the UN system’s work on the MDGs. http://www.un.org/millenniumgoals/ UNAIDS 2002: HIV/AIDS, human resources and sustainable development World Summit on Sustainable Development Johannesburg 2002. Geneva, Switzerland. UNAIDS/02.48E (English original, August 2002) ISBN 92-9173-223-0 http://data.unaids.org/publications /IRC-pub02/jc865-wssd_en.pdf UNAIDS 2004: Report on the Global AIDS Epidemic, 4th Global Report. UNAIDS/04.16E. English original, June 2004. http://www.unaids.org/bangkok2004/GAR2004_pdf/UNAIDSGlobalReport2004_en.pdf UNAIDS 2008 : Report on the Global AIDS Epidemic. August 2008. http://www.unaids.org/en/KnowledgeCentre/HIVData/GlobalReport/2008/2008_Global_report.asp UNAIDS 2010: Agenda for Accelerated Country Action for Women, Girls, Gender Equality and HIV, Operational plan for the UNAIDS action framework: addressing women, girls, gender equality and HIV. http://data.unaids.org/pub/Agenda/2010/20100226_jc1794_agenda_for_accelerated_country_ action_en.pdf UNAIDS & WHO 2003: AIDS Epidemic Update. December 2003. http://www.who.int/hiv/pub/epidemiology/en/epiupdate2003_I_en.pdf UNAIDS & WHO 2007: AIDS Epidemic Update. December 2007. http://www.unaids.org/en/KnowledgeCentre/HIVData/EpiUpdate/EpiUpdArchive/2007/ UNAIDS & WHO 2008: Report on the Global AIDS Epidemic. July 2008. http://www.unaids.org/en/KnowledgeCentre/HIVData/GlobalReport/2008/2008_Global_report.asp UNAIDS & WHO 2009: AIDS Epidemic Update. December 2009. http://data.unaids.org/pub/Report/2009/JC1700_Epi_Update_2009_en.pdf UNDP 1997: Cohen, Desmond 1997: The HIV epidemic and sustainable human development. Paper prepared for the 4th International Congress on AIDS in Asia and the Pacific, October 1997 UNDP. Issues Paper No. 29. http://www.undp.org/hiv/publications/issues/english/issue29e.html UNESCO 2008: EDUCAIDS Framework for Action. January 2008 – Second edition. UNESCO 2009: World Conference on Education for Sustainable Development (31 March - 2 April 2009, Bonn, Germany) Workshop report. http://www.esd-world-conference-2009.org/fileadmin/download/workshops/ESD2009WS6_Report.pdf UNFPA 2010: Preventing HIV/AIDS. HIV Prevention for Girls and Young Women Report Cards. http://www.unfpa.org/hiv/reportcard.htm WHO 2010: WHO presentation at the meeting of the Joint UN Team on HIV, by Dr Barryson Andriamahezafy, Praia, Cap Verde 08/02/2010. WHO & UNICEF & UNAIDS 2009: Towards Universal Access: Scaling up priority HIV/AIDS interventions in the health sector. Progress Report 2009. Geneva, World Health Organization.

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Sciences

Sciences Science, Technologie et Innovation pour le développement durable en Afrique Shamila NAIR-BEDOUELLE*

Résumé La Constitution de l’UNESCO stipule comme premier objectif, la contribution au maintien « de la paix et de la sécurité en favorisant la collaboration entre les Nations par le biais de l’éducation, de la science et de la culture à l’effet de renforcer le respect universel pour la justice, l’Etat de droit, les droits humains et les libertés fondamentales ». Ces valeurs universelles que sont les droits humains se situent au cœur du mandat de l’UNESCO et c’est dans cet esprit que l’UNESCO voit les progrès de la science et de la technologie, en mettant l’accent sur les forums scientifiques internationaux, les ateliers et les programmes de recherche communs dans le souci de partager et de faire progresser les connaissances scientifiques et la compréhension. De tels échanges entre les décideurs, les scientifiques, les représentants d’organisations internationales et d’institutions universitaires constituent le point nodal du travail de l’UNESCO en matière de promotion de la collaboration, de la réflexion et de l’action internationales au service de la paix et du développement. Les trois facteurs essentiels que sont l’environnement, le social et l’économique constituent le socle du développement durable. Le développement durable signifie que les besoins de la génération présente devraient être satisfaits sans pour autant compromette la capacité des générations futures à satisfaire leurs propres besoins. Il s’agit de sauvegarder la capacité de la terre à soutenir la vie dans toute sa diversité. Il est fondé sur les principes de démocratie, d’égalité de genre, de solidarité, d’Etat de droit et de respect des droits fondamentaux, y compris la liberté et l’égalité des chances pour tous. Il vise l’amélioration constante de la qualité de vie et du bien-être sur terre en faveur des générations présentes et futures. Il encourage une économie dynamique avec le plein emploi et un niveau élevé d’éducation, la protection sanitaire, la cohésion sociale et territoriale et la protection de l’environnement dans un monde pacifique et sûr, respectant la diversité culturelle. Compte tenu de ce qui précède « Ce n’est pas une exagération d’affirmer que sans la science, il ne peut y avoir de développement durable » (UN, ECOSOC, 1995). Cette étude a pour objectif de donner une vue d’ensemble du rôle de la science et de la technologie dans l’agenda du développement durable en Afrique. Elle ne se limite pas à un thème particulier et elle ne donne qu’un aperçu non-exhaustif du rôle que la science et la technologie pourraient jouer dans le développement socio-économique et durable en Afrique. Les vocables de « science pour la pérennité, science durable » sont évoqués et expliqués dans l’intention de démontrer le rôle des deux conceptions liées entre elles en Afrique aujourd’hui. L’article s’intéresse à quelques-uns des repères tant politiques qu’onusiens en rapprochant la science et le développement durable sur le continent. * Shamila NAIR-BEDOUELLE, Coordonnatrice du Groupe S&T des Nations Unies, UNESCO-Paris UNESCO AFRIQUE N° 2 - Développement durable et création des richesses en Afrique

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Sciences Contexte Le Rapport Brundlandt et le Chapitre 35 de l’Agenda 21 Le Rapport de 1987 de la Commission mondiale pour l’Environnement et le Développement intitulé « Notre avenir commun », appelé communément le Rapport Brundlandt, a introduit le concept de « développement durable » en vue d’établir le lien entre le développement économique et l’environnement et leur interdépendance. Les conclusions de la Conférence de la CNUED à Rio de Janeiro en 1992 et la Déclaration de Rio, englobent 27 principes reflétant des préoccupations liées à l’environnement, à l’inégalité et au développement. Le concept de développement durable a été officiellement approuvé et l’Agenda 21 a été signé par plus de 150 pays comme le Plan d’action du 21e siècle. Des chapitres intersectoriels qui évoquent le lien avec la science sont les suivants : Chapitres 31 « Communauté scientifique et technologique », 34 « Transfert d’une technologie écologiquement rationnelle, la Coopération et le Développement des capacités », 36 « Promouvoir l’éducation, la sensibilisation et la formation » et 37 « Mécanismes nationaux et Coopération internationale pour le renforcement des capacités dans les pays en développement ». Parmi eux, c’est le chapitre 35 de l’Agenda 21 qui a explicitement mis l’accent sur «La Science au service du Développement durable ». La Commission des Nations Unies pour le Développement durable (CDD), créée peu de temps après la Conférence de Rio, est chargée de superviser l’exécution de l’Agenda 21. La CDD a, depuis lors, organisé des sessions sur la « Science au service du développement durable» afin de faire des recommandations sur les politiques et de renforcer davantage la contribution de la science au développement durable. Les conclusions dégagées étaient les suivantes : une meilleure évaluation de l’impact 80

humain sur l’environnement et les ressources naturelles et la mise en place de la masse critique de chercheurs et d’ingénieurs nécessaires pour mettre au point et adapter des technologies et des systèmes écologiquement rationnels afin d’assurer le développement agricole et industriel.

La science, la technologie et les OMD En septembre 2000, 189 Etats membres de l’ONU ont adopté les Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD). Il s’agit de fixer des objectifs précis, limités dans le temps, pour réaliser de véritables progrès par rapport aux problèmes de développement les plus urgents auxquels nous sommes confrontés. L’éventail des OMD va de l’éradication de la pauvreté aux partenariats mondiaux. Leur réalisation aura un impact direct sur la vie et les perspectives d’avenir de milliards de personnes dans le monde. Lorsque les Objectifs du Millénaire ont été fixés en 2000, les moyens nécessaires pour leur réalisation n’avaient pas été identifiés. Depuis lors, le partenariat mondial pour le développement a pris forme progressivement autour des OMD. Malheureusement, à l’heure actuelle, tous les résultats de l’évaluation à miparcours pointent dans la même direction : le degré de réalisation des Objectifs du Millénaire pour le Développement est bien en deçà des attentes. Des progrès importants ont été enregistrés dans la réalisation de tous les huit objectifs mais nous ne sommes pas sur la bonne voie, des résultats restent insuffisants par raport à nos engagements. De nouveaux défis tels que le changement climatique et la crise alimentaire viennent s’ajouter au problème. Le caractère intersectoriel de la science sousentend qu’il n’y a guère de problèmes sociaux auxquels la science ne peut apporter une contribution, dès lors, la réalisation des OMD exigera que l’on mette l’accent sur les sources clés de la croissance économique, plus particulièrement

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Sciences celles qui sont liées à l’utilisation des nouvelles connaissances scientifiques et technologiques. La science n’est jamais suffisante pour résoudre un problème entièrement, cependant, son application au développement est toujours nécessaire. L’absence générale d’intégration de la science et de la technologie dans le processus de planification du développement national vient en premier sur la liste des obstacles majeurs à la réalisation des OMD.

La science et la technologie en Afrique A ce stade, il importe de donner une vue d’ensemble de la progression vers l’engagement politique en faveur de la science et de la technologie sur le continent (pour plus d’informations, veuillez consulter les références). Le Plan d’Action de Lagos (PAL) de 1980 était un projet visionnaire, ambitieux et sans précédent relatif à la manière de stimuler la volonté d’autonomie collective et de favoriser le développement durable du continent africain. Les tentatives ultérieures pour donner les grandes orientations du développement de l’Afrique se sont inspirées de ce cadre d’action visionnaire. Le Nouveau Partenariat pour le Développement de l’Afrique (NEPAD) est un engagement pris par des dirigeants africains et fondé sur une vision commune et la conviction ferme et partagée qu’ils ont le devoir impérieux d’éradiquer la pauvreté et de placer leurs pays, tant au plan individuel que collectif, sur la voie de la croissance et du développement durable et, en même temps, de participer activement à l’économie mondiale. (NEPAD, Abuja, Oct. 2001). Mais le NEPAD est plus qu’un engagement. Il représente un changement de paradigme dans la façon dont les Gouvernements et les peuples africains conçoivent leur stratégie de développement. Une sélection d’un ensemble de priorités essentielles pour faire décoller et soutenir la croissance et le développement est une composante centrale de cette stratégie. Le NEPAD est considéré comme une vision à long terme d’un

programme de développement «pour les Africains et par les Africains ». L’accès à la science et à la technologie constitue un défi majeur à la réalisation de la vision et des objectifs spécifiés dans le PAL et les cadres d’action ultérieurs pour le développement socioéconomique. Le Plan d’application de Johannesburg adopté par les gouvernements au Sommet mondial sur le Développement durable (SMDD) concerne, dans une large mesure, le rôle de la science et de la technologie dans la réalisation des objectifs de développement durable. Bon nombre de ses recommandations sont relatives à la mobilisation et à l’orientation de la science et de la technologie pour résoudre les problèmes liés au déficit énergétique, à l’insécurité alimentaire, à la dégradation de l’environnement, aux maladies, à l’insécurité en matière d’approvisionnement en eau et beaucoup d’autres défis liés au développement durable. Le Plan invite la communauté internationale à promouvoir le développement technologique, le transfert de technologie et sa diffusion en Afrique. La première Conférence ministérielle africaine sur la Science et la Technologie (novembre 2003), organisée par le Secrétariat du NEPAD conjointement avec l’Afrique du Sud et l’UNESCO, a adopté une « Ebauche de Plan d’action » pour la science et la technologie et créé le Conseil Ministériel Africain pour la Science et la Technologie (AMCOST) et son Comité directeur pour la Science et la Technologie en tant que structure globale de gouvernance pour déterminer les priorités et les politiques continentales afférentes au développement et à l’application de la science et de la technologie à la transformation socio-économique de l’Afrique. L’AMCOST (Dakar 2005) a adopté le Plan d’Action consolidé pour la Science et la Technologie de l’Afrique et a convenu de mettre en place un Mécanisme pour la Science et l’Innovation en Afrique en tant que système de financement pour la mise en œuvre du Plan d’action.

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Sciences Convaincus que la science, la technologie et l’innovation sont essentielles pour le développement et la croissance économique du continent, les Chefs d’Etat et de Gouvernement de l’Union africaine ont approuvé, en janvier 2007, le Plan d’Action consolidé (PAC) pour la Science et la Technologie en Afrique et adopté la Déclaration d’Addis-Abeba sur la Recherche scientifique pour le Développement. Le PAC trace les grandes orientations des programmes et des questions de politique spécifiques et met l’accent sur la nécessité de renforcer les capacités du continent à exploiter, appliquer et développer la science et la technologie afin d’éradiquer la pauvreté, de lutter contre les maladies, d’endiguer la dégradation de l’environnement et d’améliorer la compétitivité économique. L’UNESCO a accompagné l’UA dans ces efforts visant à prendre en compte la science et la technologie dans l’agenda pour le développement économique du continent africain. La production de connaissances concerne véritablement l’organisation de la science - la génération de connaissances scientifiques et techniques relatives aux problèmes de l’Afrique et l’identification de voies et moyens précis pour résoudre les problèmes. C’est ce qu’on appelle souvent R&D. L’innovation technologique implique la génération de produits, de procédés et de services précis. La vision de ce « Plan d’action consolidé de la Science et de la Technologie » est celle d’une Afrique délivrée de la pauvreté et bien intégrée dans l’économie mondiale en termes de connaissances. C’est cette vision qui sous-tend les programmes et les projets dont les grandes orientations sont données dans le présent document. Elle repose sur trois piliers conceptuels liés entre eux. Il s’agit : a) du renforcement des capacités, b) de la production de connaissances ; et c) de l’innovation technologique. Dans ce contexte le renforcement des capacités se réfère à la création, à l’amélioration et à la mobilisation des compétences humaines, des infrastructures 82

matérielles, des ressources financières et des politiques nécessaires pour exploiter et mettre à profit la science et la technologie en vue de résoudre les problèmes spécifiques de l’Afrique. L’UNESCO agit comme un catalyseur, par le biais de ses programmes scientifiques pour permettre aux Etats membres de faire face aux aspects multidimensionnels liés à la paix et à la pauvreté, tout en encourageant le dialogue des différentes cultures et des différents systèmes de connaissance. Avec son mandat relatif à la science, l’UNESCO est le premier défenseur, au sein du Système des Nation Unies, du pouvoir de transformation de la connaissance scientifique au service de la paix, de la réduction de la pauvreté et du développement durable en favorisant le dialogue, la collaboration, la coopération, l’établissement de réseaux, le renforcement des capacités ainsi que le partage des connaissances avec la communauté scientifique, les décideurs et la société civile, à l’échelon mondial, régional et national. L’UNESCO joue également son rôle en tant que membre de l’équipe dans le cadre de l’approche « Delivering as one », -Unis dans l’action-. Elle a été désignée par le Conseil économique et social comme le Coordonnateur du Groupe Science et Technologie de l’ONU, comprenant 13 Institutions onusiennes qui soutiennent la mise en œuvre du PAC de l’Union africaine. A l’échelon régional, l’UNESCO est le seul organisme de l’ONU à avoir été désigné pour siéger au Comité directeur de l’AMCOST. La Commission de l’UA pour les Ressources humaines, la Science et la Technologie a procédé au lancement du Groupe africain pour la Science et la Technologie afin d’améliorer la coordination panafricaine et d’éviter de ce fait le double emploi et le gaspillage des ressources. Le Groupe africain pilotera des programmes chargés de la mise en œuvre du PAC. L’UNESCO a joué un rôle clé dans la création du Groupe africain pour la Science et la Technologie et a été élue Rapporteur.

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Sciences Contexte La connaissance – notamment la connaissance scientifique – est devenue l’un des instruments les plus puissants pour relever les défis majeurs dans le monde, allant de la réduction de la pauvreté à la dégradation de l’environnement en passant par le changement climatique. Le concept de Développement durable est la relation existant entre trois facteurs liés entre eux : le développement économique et social et la protection de l’environnement. Toutefois, le développement durable n’est pas uniquement une question relevant de la science et de la technologie. C’est également un défi éthique et moral. Il s’agit de veiller à ce que le désir de progrès et de bien-être soit équilibré par un respect des traditions culturelles et des ressources naturelles. Il s’agit de favoriser la connaissance, les compétences, les valeurs, les comportements et les modes de vie nécessaires pour un avenir durable. La limite aux systèmes de survie a suscité la compréhension de la notion de développement durable. Toutefois, la science ne nous a pas encore fourni des informations pour prévoir et concevoir des stratégies durables. Dans la description qu’il a faite de la science et de la technologie appliquée à la pérennité, le Président de la « UK Royal Society (Mai, 2004) l’a justement résumé en ces termes: « Prenez, par exemple, l’objectif d’éradication de la misère et de la faim. Il existe des composantes de sciences sociales d’ordre économique, politique et culturel pour atteindre cet objectif. Mais, les sciences et technologies physiques et biologiques seront également d’une importance capitale, par exemple, pour l’amélioration des méthodes et technologies agricoles, des techniques et systèmes de préparation et de distribution des produits alimentaires et de renforcement de l’éducation de base relative aux besoins nutritionnels. C’est tout à fait simple : sans l’existence d’infrastructures scientifiques et d’une expertise importantes dans les pays les plus

pauvres, il leur sera difficile, voire impossible, de trouver des solutions. Cela les rendra encore plus dépendants de l’aide et de l’assistance des nations plus développées au plan scientifique. En d’autres termes, sans la capacité ancrée dans le système éducatif dans les établissements scolaires, à l’université et dans les laboratoires de recherche, et sans des institutions telles que les académies pour servir de structure d’appui aux bons chercheurs afin qu’ils puissent travailler dans les pays concernés, il y a peu de chances que la science puisse être exploitée pour faire face aux besoins des pays ou même que ces pays soient capables d’absorber et d’utiliser la science générée ailleurs.» Etant donné que les avancées scientifiques, les innovations technologiques connexes et les infrastructures d’accompagnement ainsi que les changements institutionnels font constamment évoluer les images de la science aujourd’hui, les chercheurs et les directeurs de recherche africains sont exposés au regard scrutateur du public. Il s’agit d’un éventail de problèmes sociaux, économiques et politiques complexes qui nécessitent une compréhension de l’impact de leur recherche sur le développement durable. Quels sont les systèmes de connaissances et les filières de connaissances qui exploiteront au mieux la science pour le développement durable en Afrique ? L’interaction humaine avec l’environnement est influencée par le processus culturel ; ces processus se sont à leur tour développés en synergie étroite avec les systèmes naturels. Cette interdépendance créatrice n’est nulle part plus apparente qu’en Afrique.

La science de la pérennité La «science de la pérennité» se réfère non seulement à la prise de conscience de la nécessité de mieux prendre en considération les contextes sociaux et économiques qui influent sur la nature des voies et moyens fondamentaux pour l’application de la science et de la technologie au

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Sciences processus de développement, mais également à la formation de la base des connaissances et des filières de connaissances (voir ci-après) relatives à la façon de mieux adapter la science et la technologie en général aux besoins des populations. Il existe un besoin pressant pour l’acquisition de connaissances sur la pérennité et l’élaboration de cette discipline à l’échelon mondial, régional et national. Quel type de «science » ou de « sciences » contribuerait plus efficacement à l’évaluation de l’impact humain sur l’environnement et vice-versa ? (Cash et al, 2003). Le secteur privé a évolué pour devenir un acteur majeur dans la R&D. La mondialisation, l’effet de la libéralisation des marchés, les incitations financières et les partenariats privé-public l’ont amené à se détourner de la satisfaction des besoins des populations démunies pour garantir ses intérêts commerciaux. Ainsi, le dilemme des chercheurs africains lié à la pertinence, à l’obligation de rendre compte en matière de performance et aux ressources englouties dans de nouvelles « filières de connaissances » les rend vulnérables. Ces filières de connaissances nécessitent une compréhension des questions interdisciplinaires concernées. La plupart des groupes et individus qui sont parties prenantes ont été formés avec une faible concentration sur les disciplines et une approche réductrice de l’organisation de programmes de recherche. Aussi, l’on craint qu’ils ne soient pas tout à fait sûrs de la façon de mettre à profit leurs connaissances pour élaborer des projets pratiques. Et la crainte qui existe est que la qualité scientifique peut, de ce fait, être compromise. L’approche scientifique aux systèmes de la Terre est fondamentalement interdisciplinaire mais elle a ses racines dans une tradition de recherche physique et biologique solide qui domine encore les formes et la nature de l’enquête scientifique. Les programmes de recherche devraient être conçus d’une manière interdisciplinaire pour 84

saisir la causalité multiple du changement de l’environnement en Afrique, sans négliger naturellement les compétences adéquates dans les disciplines.

La science durable Aujourd’hui plus que jamais, la science est une source vitale d’enrichissement sur les plans éducatif, intellectuel et culturel dans les sociétés et économies fondées sur la connaissance. La science et la technologie peuvent apporter une contribution inestimable au développement, par exemple, en atténuant le fardeau des maladies et l’insécurité alimentaire, en facilitant la communication, en permettant un suivi de l’environnement mondial et national pour réduire au minimum les conflits et sonner l’alerte pour les catastrophes naturelles et en permettant de mettre au point de nouvelles méthodes d’utilisation de l’eau, de l’énergie et autres ressources naturelles. L’Afrique a besoin d’un «réseau de systèmes d’innovation » avec des agents dont l’interaction déterminerait l’impact novateur des interventions fondées sur la connaissance, notamment celles liées à la recherche scientifique. La créativité économique concerne en fait la qualité des « liens technologiques » et des « flux de connaissances» entre les agents économiques. Lorsque les interactions sont dynamiques et progressives, l’on fait souvent de grands bonds technologiques novateurs. L’AMCOST soutient la thèse selon laquelle « la science et la technologie sont développées et appliquées avec plus d’efficacité dans un environnement national et régional utilisant une approche fondée sur un «système d’innovation » qui est défini comme un réseau d’institutions interactives publiques et privées, de politiques et de programmes qui génèrent, importent, modifient et diffusent de nouveaux biens et services générés par la recherche pour réaliser la croissance économique et améliorer la qualité de

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Sciences vie ». Le NEPAD est en train de mettre au point un ensemble commun d’indicateurs d’innovation pour évaluer le statut de l’Afrique en matière de Science et Technologie. Comme résultat clé de cette action : une vue claire de l’innovation africaine qui sera mise à jour fréquemment produite fréquemment. L’UNESCO et son institut de statistique (ISU), en collaboration avec le NEPAD et l’UA, ont procédé au lancement de programmes régionaux dans le but de renforcer les capacités en termes d’indicateurs de science et technologie. Le renforcement durable des capacités est un processus lent et l’investissement dans ce domaine est nécessaire, maintenant, pour que l’Afrique ait une chance de développer les capacités nécessaires en science, technologie et recherche dans les années à venir. Les pays doivent disposer d’une stratégie cohérente et transparente qui les aide à identifier leurs priorités en science, technologie et recherche et à veiller à ce que celles-ci soient dûment prises en compte lors de l’élaboration de leurs documents stratégiques de réduction de la pauvreté. Le renforcement des capacités comprend non seulement la formation et le développement de la prochaine génération de chercheurs (capacités humaines) mais également le réglement de la question du « délabrement des infrastructures » en Afrique. Le maintien des filières de connaissances scientifiques nationales existantes et les efforts visant à les porter à un niveau plus élevé, pour empêcher une fracture plus prononcée en termes de connaissances, devraient être ancrés dans l’ensemble des stratégies de développement nationales comme un repère pour le suivi du développement économique. L’absence d’une masse critique de chercheurs qualifiés, pour mener la recherche et appliquer les connaissances scientifiques nécessaires pour faire face aux problèmes environnementaux et ceux liés au développement, marginalise leur participation aux programmes de recherche internationaux.

La prise de décisions scientifiques pour le développement durable est axée sur des questions complexes pour lesquelles des informations scientifiques interdisciplinaires et multidisciplinaires provenant tant des sciences naturelles que sociales sont nécessaires pour apporter des solutions viables à court et long termes. Les Académies de Science, représentant la diversité des disciplines scientifiques, peuvent apporter une contribution inestimable à la conception, au suivi et à l’évaluation du paysage scientifique et technologique national. La récente Conférence consacrée au thème « La Science avec l’Afrique » a abrité une pré-manifestation sur « le rôle des académies de sciences dans le développement socio-économique de l’Afrique » (Addis, juin 2010). L’indépendance des Académies quant à la promotion de l’education et de la culture scientifique au sein des institutions et le public leur permet de générer des recommandations en matière de politiques à l’intention des gouvernements et de définir les priorités nationales dans les stratégies de développement nationales.

Analyse-évaluation de la Science durable La science durable met l’accent sur l’interaction dynamique entre la nature et la société. A l’heure actuelle, aucune science et technologie, aucune région ou aucun pays n’est auto-suffisant. Les principales économies caractérisées par une recherche intensive, qu’elles soient émergentes ou développées, sont obligées de considérer leur propre développement dans un contexte de mondialisation et de concurrence mondiale. Elles sont confrontées à des défis très similaires – la mobilité de la connaissance et la difficulté de se l’approprier sur le plan institutionnel ou national, la concurrence mondiale pour les disciplines et les laboratoires de recherche relevant de la Science et de la Technologie et la nature de plus en plus mondiale de la production de connaissances scientifiques – mais elles peuvent également bénéficier des nouvelles opportunités

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Sciences de coopération stratégique dans les principaux domaines technologiques émergents. Pourtant, il existe très peu de connaissances quant à la façon de créer et de maintenir des institutions qui exploitent avec efficacité la science et la technologie pour le développement durable. Une compréhension critique fait défaut à la société et les preuves relatives aux types de programmes, les dispositions institutionnelles, les partenariats, les filières et les systèmes de connaissance peuvent aider à exploiter, avec plus d’efficacité, la science et la technologie en vue de la pérennité et du développement durable. Sur quelles hypothèses sont fondées les politiques scientifiques et technologiques? De quelle façon les innovations en matière de politique dans les autres domaines influent-elles sur le contexte dans lequel s’effectue la recherche ?

l’acquisition et l’absorption de la technologie et pour améliorer leurs activités. Le PAC reflète les objectifs communs de l’Afrique et son engagement en faveur d’actions collectives pour développer la science et la technologie et les mettre à profit pour la transformation socioéconomique du continent et son intégration dans l’économie mondiale. Il va sans dire que les politiques scientifiques nationales ancrées dans les plans de développement nationaux sont essentielles pour la mise en œuvre du PAC mais ne sont pas « indépendantes ». Quelles sont les combinaisons politiques nécessaires pour mieux exploiter les connaissances en Afrique ? Le renforcement des capacités dans le domaine de la science au service du développement durable et l’exploitation du fruit des découvertes scientifiques ne peuvent se faire que dans un cadre d’action global pour la politique afférente à la science et à la technologie.

Le « Défi de l’Afrique » Chaque pays doit avoir accès à la connaissance scientifique et avoir la capacité de la mettre à profit pour se développer. Le financement de la recherche, rien que pour l’intérêt mondial, a diminué les capacités des pays à bénéficier de la recherche diligentée et à utiliser les résultats de cette recherche dans le cadre de l’élaboration de leur politique. La mission universelle de l’UNESCO est soutenue par sa capacité à initier des actions qui tiennent compte de la diversité de ses Etats membres et du caractère distinctif des différentes régions géographiques. Les programmes de l’UNESCO traitant de la science en Afrique sont mis en adéquation avec les besoins des Etats membres et le PAC. Chaque pays n’a pas besoin d’être à la pointe de la science, il a cependant besoin de capacités nationales pour identifier les avantages potentiels de la technologie et adapter la nouvelle technologie à ses besoins et contraintes. Les gouvernements ont de plus en plus besoin de capacités en R&D pour leur permettre de réguler 86

L’UNESCO a une longue tradition d’assistance aux Etats membres dans les revues de la politique scientifique, une tradition qui remonte au début des années 1960. Ces efforts ont abouti à une série de réunions ministérielles en Afrique, connues sous le nom de CAST (Conférence des Ministres chargés de l’Application de la Science et de la Technologie au Développement en Afrique) y compris CASTAFRICA. Les autorités nationales ont de plus en plus pris conscience de l’importance de l’élaboration des politiques et stratégies nationales dans le domaine de la science et de la technologie, en tant que condition préalable pour des politiques de développement efficaces. En conséquence, bon nombre d’Etats membres africains ont sollicité et sollicitent toujours le concours de l’UNESCO pour l’élaboration des politiques scientifiques nationales. L’UNESCO a procédé au lancement de l’Initiative africaine pour la Science, la Technologie et la Politique d’innovation (ASTIPI) pour renforcer les capacités en matière de révision et de reformulation de politiques et

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Sciences donner des conseils en matière de politique aux pays africains ne disposant pas de politique nationale. L’UNESCO a un triple rôle à jouer dans la politique afférente à la Science, la Technologie et l’Innovation : en tant que groupe de réflexion pour l’élaboration de politiques, en tant que guide pour la réforme des politiques nationales et de catalyseur de la coopération régionale et internationale. Les décideurs africains devraient identifier et répertorier les besoins précis en politique scientifique, en compétences, en sensibilisation et en infrastructures ; les aspects sociaux, économiques et juridiques y afférents afin que l’impact de la recherche puisse être évalué avec plus de succès que par le passé. Les décideurs ont donc besoin de nouveaux outils avec lesquels ils peuvent évaluer la qualité des informations pour orienter le choix et l’utilisation de l’information scientifique. La gouvernance, le principe de la précaution et la pérennité devraient être fondamentalement liés l’un à l’autre pour définir les marges à l’intérieur desquelles la société se développe progressivement et élimine les options non-durables. Aujourd’hui, les défis auxquels sont confrontés le développement et l’application de la science et de la technologie à titre de contribution au développement durable en Afrique ne sont pas différents de ceux évoqués par l’AMCOST en 2003 et comprennent les éléments suivants : • des liens faibles entre les institutions scientifiques et le secteur privé ; • la faiblesse des dépenses des secteurs public et privé consacrées à la recherche et au développement (R&D) ; • des politiques scientifiques et technologiques dépassées dans la plupart des pays ; • la non-inclusion de la science et de la technologie dans les plans de développement nationaux ; • le manque de compréhension du caractère

intersectoriel de la science et de la technologie ; • la compréhension limitée de la science et de la technologie de la part du public ; • une communication de mauvaise qualité à tous les niveaux en ce qui concerne l’impact de la science et de la technologie ; • la fuite des cerveaux notamment les chercheurs, les ingénieurs et les techniciens ; • la mobilité intercontinentale ; et • la répartition faible et insuffisante des institutions ou centres de R&D ; • des infrastructures de R&D en état de délabrement ; • des investissements marginaux dans le domaine de l’enseignement scientifique.

Quelle est la pertinence du rôle de la science pour l’Afrique au 21e siècle ? De quelle science stratégique l’Afrique a-t-elle besoin aujourd’hui ? Et quelles réponses la science peut-elle offrir face aux défis de l’Afrique? Ce sont là des questions qui devraient nourrir le débat sur la «science durable et la science pour la pérennité » en Afrique, en tant que condition préalable au développement, à la croissance économique et à l’éradication de la pauvreté.

Conclusion Compte tenu de l’omniprésence de la science et la technologie dans la société moderne et dans la recherche de solutions aux problèmes sociaux, une ouverture et une transparence accrues sont nécessaires. Un engagement plus ferme, en s’écartant du modèle traditionnel, pour diffuser le système de « gouvernance » dans lequel les ressources et les influences liées au pouvoir sont plus largement réparties et partagées entre les différents acteurs est également nécesssaire. Cette gouvernance participative, avec des combinaisons de politiques et des choix politiques pour tirer profit de la science et de la technologie, exige des connaissances. Les acteurs de la

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Sciences société civile constituent une partie importante de la gouvernance dans le cadre des initiatives motivées par la demande. Les politiques doivent être mises en adéquation avec les besoins. Le développement durable constitue l’un des défis les plus incontournables du monde d’aujourd’hui. Nous devons nouer de nouveaux partenariats en rassemblant les parties prenantes venant de toutes les couches de la société, dans les différentes régions, secteurs et disciplines, pour relever ce défi. Le développement durable exige de larges partenariats et une coopération régionale renforcée. Il nécessite également une approche intersectorielle, qui rassemble la connaissance de fond des différents secteurs et disciplines. De toute évidence, l’éducation a un rôle essentiel à jouer à cet égard. Nous devons éduquer les populations – notamment les jeunes – en leur inculquant la signification du nouveau concept associant le développement durable à la science et à la technologie et ses implications de grande portée sur la façon dont nous menons notre vie. Perrings (2007) assimile le «Saint-Graal de la science de la pérennité » à l’amélioration de notre capacité à prévoir, en tant que condition pour l’atténuation des risques en faveur des générations futures. Ainsi le principal défi associé à la création d’une «science de la pérennité » est l’élaboration de modèles de changement de système prévisionnels et évolutifs, qui permettent à la société d’évaluer les options d’atténuation par rapport aux options d’adaptation. La création d’une science de la pérennité se réfère au

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développement des capacités, aux méthodes et modèles d’analyse des problèmes mais également aux modèles de prévision et de prévoyance avec une possibilité d’atténuation et d’adaptation. L’évolution de la technologie réduit inexorablement le facteur temps; plus d’informations ont été générées au cours des 30 dernières années que pendant les 5000 années qui les ont précédées. Le 21e siècle est considéré comme le siècle de la connaissance, avec des progrès spectaculaires dans le domaine de la science et de la technologie et une croissance économique jamais égalée. Sur ce point, il convient de citer Nelson Mandela, Londres, Trafalgar Square, février 2005: « Une pauvreté généralisée et une inégalité indécente sont des fléaux si horribles de notre époque – une époque pendant laquelle le monde se targue d’avancées stupéfiantes dans le domaine de la science, de la technologie, de l’industrie et de l’accumulation de richesses – qu’elles doivent être classées comme des maux sociaux au même titre que l’esclavage et l’apartheid ». Ceci est le paradoxe de notre temps, les inégalités grandissantes dues à la fracture en matière de connaissances ont engendré un monde en difficulté. Nous devons dépasser la découverte et faire face aux besoins et aux préoccupations des humains, en attribuant un nouveau rôle à la science afin de mettre à profit les filières de la connaissance pour le développement durable de notre continent.

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Culture

Culture Les enjeux de la préservation et de la sauvegarde du patrimoine Christian NDOMBI*

Résumé La culture est aujourd’hui reconnue comme un des piliers du développement durable. Et, l’UNESCO, à travers la Déclaration sur la diversité culturelle (2001), la Convention pour la sauvegarde du patrimoine immatériel (2003) et la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles (2005), fait de sa sauvegarde non seulement une question éthique mais aussi d’engagement de tous les Etats membres. La notion de développement durable recouvre ainsi aussi bien la préservation des ressources naturelles, la diversité biologique que la protection de la diversité de toutes les cultures du monde. L’article souligne avec pertinence les liens entre patrimoine et développement durable et met en exergue une expérience novatrice qui mérite d’être mieux connue : celle des Chantiers-écoles dont l’objectif principal est la restauration du patrimoine par des jeunes qui reçoivent dans ce cadre une formation aux différents métiers du patrimoine et qui utilisent les savoirs et matériaux locaux. Au regard des définitions du patrimoine et du développement durable par les organisations internationales et par les acteurs du développement, s’il n’est pas facile d’identifier à première vue les points de convergences de ces deux notions, il est par contre assez aisé de faire des recoupements. C’est dans la Déclaration universelle de l’UNESCO sur la diversité culturelle adoptée en 2001 que nous trouvons une des mises en garde les plus élaborées sur le patrimoine : « Le patrimoine, sous toutes ses formes, doit être préservé, mis en valeur et transmis aux générations futures en tant que témoignage de l’expérience et des aspirations humaines, afin de nourrir la créativité dans toute sa diversité et d’instaurer un véritable dialogue entre les cultures »(1). Le patrimoine est donc à la base de la mémoire collective de l’humanité et de son l’identité. Il faut par conséquent non seulement le préserver mais aussi le transmettre.

Et, si « l’objectif du développement durable est de répondre aux besoins des générations actuelles sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs » (2), il y a alors lieu d’établir une interaction entre patrimoine et développement durable fondée sur le principe de vulnérabilité. Il s’agit là dans l’un et l’autre cas d’attirer l’attention des populations (dépositaires et acteurs) et de la communauté internationale sur l’extrême importance de l’« héritage » à léguer dans les meilleures conditions aux générations à venir. C’est précisément dans ce sens que l’UNESCO considère que la culture est fortement liée au développement durable. La Convention de l’UNESCO sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles intègre la culture dans le développement durable de manière concrète en stipulant Article 13 Intégration de la culture dans le développement durable « Les Parties s’emploient à intégrer la culture dans leurs politiques de développement,

*Christian NDOMBI, Spécialiste du programme Culture, UNESCO-Dakar 1 2

Voir 1 bibliographie Voir 2 bibliographie

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Culture à tous les niveaux, en vue de créer des conditions propices au développement durable et, dans ce cadre, de favoriser les aspects liés à la protection et à la promotion de la diversité des expressions culturelles ». On le voit, les enjeux de préservation du patrimoine rejoignent ceux du développement durable. Le patrimoine et le développement durable renvoient tous les deux, de manière évidente, à la protection et transmission de l’héritage pour l’avenir. Le premier pas normatif en faveur du patrimoine est l’adoption en 1972 par l’UNESCO de la Convention concernant la protection du patrimoine culturel et naturel qui dans son préambule stipule : « La dégradation ou la disparition d’un bien du patrimoine culturel et naturel constitue un appauvrissement néfaste du patrimoine de tous les peuples du monde » (3). Le patrimoine se caractérise surtout par sa vulnérabilité. La pollution, l’urbanisation sauvage, la destruction des forêts, le tourisme de masse, les guerres…sont autant de menaces qui peuvent devenir de véritables dangers pour le patrimoine et qui sont de plus en plus dénoncés par les acteurs du développement durable. Aussi la portée du patrimoine, tout comme celle du développement durable va-t-elle au-delà des frontières nationales et concerne-t-elle toute l’humanité. La culture est aujourd’hui reconnue comme un des piliers du développement durable. Et, l’UNESCO, à travers la Déclaration sur la diversité culturelle (2001), la Convention pour la sauvegarde du patrimoine immatériel (2003) et la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles (2005), fait de sa sauvegarde non seulement une question éthique mais aussi d’engagement de tous les Etats membres. C’est ainsi que pour l’UNESCO, la notion de développement durable recouvre aussi bien la préservation des ressources naturelles, la diversité biologique que la protection 3

de la diversité de toutes les cultures du monde. Qu’en est-il donc du pilier culturel du développement durable en Afrique ? Comment en effet le patrimoine peut-il être considéré comme un des leviers du développement et comment le tourisme culturel peut-il contribuer à la valorisation du patrimoine et à la préservation de l’identité culturelle ? Voilà deux interrogations essentielles qui peuvent aider, à travers des exemples, à montrer l’interaction entre patrimoine et développement durable. L’héritage culturel et historique de l’Afrique est sans doute une de ses plus grandes ressources. Et pourtant, les organisations internationales et les organismes de développement ont longtemps considéré la préservation du patrimoine comme une « sous-priorité » par rapport à la satisfaction des besoins primaires. Cependant, certains visionnaires avaient déjà compris le rôle de la culture. « La culture est au début et à la fin du développement » disait le Président Léopold Sédar Senghor. Aujourd’hui, personne ne doute de cette évidence. On assiste à la transformation des ressources culturelles en ressources économiques tangibles. L’Afrique a un patrimoine matériel et immatériel extrêmement riche, divers et varié qu’il faut préserver et sauvegarder pour les générations futures. Mais la plupart des pays africains ne considèrent pas la préservation de ce patrimoine comme une priorité de leur politique de développement. Dans de nombreux pays, il n y a pas de politique de sauvegarde du patrimoine. Et, lorsqu’elle existe, les budgets alloués à la restauration sont souvent très faibles. Les grands chantiers sont financés par la coopération internationale ou sont à l’abandon. Les particuliers, propriétaires des biens classés, n’ont pas les moyens d’engager des travaux de restauration selon les normes. Il n’est pas rare de voir des sites et des bâtiments, monuments en

Voir 3 bibliographie

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Culture ruine et qui deviennent de véritables dangers publics et qui après des années disparaissent. Sur le plan international, les pays africains déplorent le faible nombre des sites inscrits sur la Liste du patrimoine mondial. En effet, sur 890 sites inscrits sur la Liste du patrimoine mondial de l’humanité, l’Afrique n’en compte qu’une centaine (4). Le Ghana, l’Afrique du Sud, le Bénin, le Cap Vert, le Kenya, la Tanzanie, le Sénégal…sont connus par leurs sites naturels et culturels inscrits sur la Liste du Patrimoine mondial de l’humanité. El Mina Castle au Ghana, Ouidah au Bénin, Gorée au Sénégal, reçoivent des milliers de touristes chaque année. On ne peut donc pas nier que ces sites d’une nature particulière sont malgré tout source de devises pour ces pays. Mais on peut également se demander s’il y a une réelle politique de préservation de ces sites. Y a-t-il des informations sur la préservation des sites et qui sont données aux touristes ? Combien de sites à travers le continent sont dans un état de délabrement avancé et certains ont même disparus et avec eux une partie de l’histoire. En réalité, tous les pays africains ont des sites naturels et culturels qui peuvent faire l’objet de promotion touristique mais très peu sont valorisés d’abord au niveau interne et encore moins au niveau sous-régional et continental. Aussi, les populations n’en tirent-ils aucun bénéfice et de ce fait n’accordent pas une grande attention à la dégradation des sites. Il ne s’agit pas de mettre en avant une logique marchande mais simplement d’une évidence selon laquelle si les populations tirent un certain profit du site, elles ne ménageront aucun effort pour le préserver. Dans ce cas, chaque habitant est garant de la sauvegarde du site au-delà de l’idée de « génération future ». J’aime raconter cette anecdote où sur une des plages des Seychelles un touriste après s’être mouché a jeté son mouchoir sur le sable fin ; le mouchoir fut 4

ramassé par un Seychellois qui passait et fut mis dans une poubelle. Quelle belle leçon ? ce pays vit grâce à la beauté de ses plages qu’il faut préserver. Quelle belle leçon. Un certain tourisme est de plus en plus décrié car tout en étant générateur de revenus pour les communautés, il peut également causer la dégradation culturelle de l’environnement. Dans certains pays d’Afrique, par exemple, au Congo des objets historiques ont été vendus aux touristes. De plus, à cause de la recherche de ressources, l’artisanat, l’art, dans de nombreux pays (Sénégal, Mali…) est en train de changer de nature ; il devient plus standard, moins varié, moins authentique. D’une ville à une autre et d’un pays à un autre, on trouve les mêmes objets. Les cérémonies traditionnelles et les danses de masque ont perdu, pour certains, leur statut sacré et sont même exécutées pour de l’argent. Les forêts sacrées qui étaient préservées pour les rites et la fabrication des masques disparaissent peu à peu avec l’utilisation par les populations du bois de chauffe du fait qu’on ne leur propose pas d’alternative. Ces phénomènes et tant d’autres sont néfastes à la préservation du patrimoine et surtout sont en train de vider les cultures africaines de leur richesse et de leur spécificité en les transformant en culture « uniforme » basée davantage sur le tourisme. C’est un réel danger qui risque d’aboutir d’une part, à une paupérisation de la culture authentique et d’autre part, à un tourisme décroissant. Mais il convient de relativiser et de préciser que « mieux contrôlé », le tourisme peut jouer un rôle positif dans la préservation du patrimoine en facilitant l’interaction et les échanges culturels. Afin d’assurer que le tourisme joue un rôle positif dans le développement plusieurs mesures devraient être prises et des informations pratiques données aux touristes avant et pendant la visite. Le plus grand danger sinon le danger le plus imminent concerne le patrimoine culturel immatériel (5) et se situe dans la chaîne de

Voir 4 bibliographie UNESCO AFRIQUE N° 2 - Développement durable et création des richesses en Afrique

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Culture transmission des savoirs et savoir-faire qui, dans de nombreux cas n’est plus assurée. Des travaux de collectes, d’inventaires souvent épars sont faits ici et là mais sans véritable coordination ni stratégie. Mais à la base de la réflexion, il y a d’une part, le respect et la valorisation de ce patrimoine et d’autre part, l’interaction avec le développement touristique et l’amélioration des conditions de vie des populations. Il n’est pas toujours facile de cerner la contribution du patrimoine culturel immatériel au développement encore moins comment il est créateur de richesses. Des festivals, danses et musiques traditionnelles sont autant de manifestations culturelles qui se déroulent dans les villages et dont on ne mesure pas toujours l’impact qu’ils pourraient avoir en matière de recettes et d’amélioration des conditions de vie des communautés détentrices des droits. Les artisans traditionnels (tisserands, vanniers, potiers) dont la quasi-totalité n’a pas de formation professionnelle sont dotés d’un savoir et d’un savoir-faire remarquables qui leur permet de fabriquer des produits de qualité. Souvent passionnés par leur travail, ces artisans ne rêvent que d’une chose transmettre ces connaissances aux jeunes. Mais que constatons-nous ? Les jeunes vont à la recherche d’un travail plus rémunérateur et la chaîne de transmission tend à se briser. Une réflexion sur cette question s’impose de toute urgence en particulier pour la formation en design et pour l’accès au marché. On peut remarquer déjà aujourd’hui sur la quasitotalité des marchés africains des produits standards avec pour conséquence le fait que c’est davantage le client qui fixe le prix que le vendeur ou l’artisan. Comme on le voit ici, la préservation, la transmission des savoirs passe par l’amélioration des conditions de vie et du « statut» de l’artisan. Il y a là une réflexion à mener. 5 6

Des initiatives de formation en droit d’auteur sont prises aujourd’hui en Afrique par des bureaux nationaux de droit d’auteur pour faire prendre conscience aux artisans qu’ils peuvent vivre de leurs créations pour peu qu’ils connaissent leurs droits, sachent protéger leurs œuvres et que l’Etat applique la loi. Mais s’il y a dans le domaine de la restauration du patrimoine une expérience novatrice qui mérite toute notre attention, c’est celle des Chantiers-écoles (6) que nous pouvons découvrir à Saint-Louis au Sénégal. En effet, le chantierécole dont l’objectif principal est la restauration du patrimoine, permet à la fois la formation des jeunes aux métiers du patrimoine en mettant l’accent sur l’utilisation des matériaux locaux et la création d’emplois nouveaux pour les populations et les artisans. Formés dans les différents métiers et aux techniques par exemple de la chaux, du fer forgé, à la peinture d’art, à la menuiserie et au traitement des matériaux, les jeunes des Chantiers-écoles peuvent par la suite travailler, avec une certaine expertise, sur différents bâtiments et promouvoir ainsi les métiers du patrimoine. Il y a là un lien évident entre patrimoine, emploi et développement. On constate d’ailleurs souvent avec regret la disparition des métiers liés à la restauration. Aussi, pour la restauration, utilise-t-on des matériaux que l’on trouve sur le marché ; on ne se souci pas de préserver. Il n’est pas rare de chercher en vain des personnes formées dans le domaine de la restauration des bâtiments. Avec les nouveaux emplois, on peut espérer arriver à de meilleures restaurations qui respectent les règles de préservation et de protection. Il faut cependant que les jeunes formés à ces métiers se regroupent et s’organisent notamment en coopératives ou en groupements pour pouvoir travailler de manière synergique sur les chantiers et pallier ainsi le manque de personnes qualifiées.

Voir 5 bibliographie Voir 6 bibliographie

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Culture On le voit, la restauration du patrimoine, à travers les chantiers-écoles peut être une activité créatrice d’emplois nouveaux et génératrice de revenus pour les populations. Elle permet non seulement la valorisation des savoirs traditionnels en matière de protection de l’environnement mais aussi l’utilisation des matériaux locaux. S’il est vrai comme nous venons de le montrer que la restauration du patrimoine peut être créatrice d’emploi et de richesse, il faut reconnaître également qu’elle coûte chère et que les populations n’ont pas toujours les moyens pour entreprendre les divers travaux. Les fonds publics ou privés alloués ou consacrés à la protection, préservation et restauration du patrimoine ont tendance à diminuer au profit de ceux consacrés à la construction d’immeubles modernes qui répondent de plus en plus à une logique économique. Des campagnes d’information et de sensibilisation en faveur de la restauration du patrimoine doivent être davantage menées. Des formations dans les métiers de la restauration doivent être soutenues pour permettre aux jeunes d’avoir accès à ces nouveaux emplois et de garantir une amélioration des conditions de préservation du patrimoine.

Quelques perspectives A travers le tourisme, le patrimoine a intégré l’univers économique. Et, le tourisme demeurera un atout pour le patrimoine s’il préserve une logique culturelle qui prend en considération les enjeux économiques. Le tourisme peut, en effet, être un véritable outil de préservation du patrimoine si un partenariat stratégique est noué entre les populations locales, l’Etat, les gestionnaires de sites, les touristes et si les sites contribuent à améliorer les conditions de vie des populations locales. Et, un certain tourisme culturel peut être un levier de 7

développement sur la base du patrimoine matériel et immatériel comme produit. Il faut pour cela améliorer les capacités de gestion des sites et sauvegarder le patrimoine immatériel par des enregistrements, la fabrication des CD /DVD, des produits dérivés qui seraient mis à la disposition des populations et des touristes. A l’échelle sousrégionale et continentale, il est sans doute nécessaire d’établir une synergie entre les sites des différents pays et, l’idée de création d’un réseau africain des sites de la traite atlantique (RASTA) (7), lancée il y a quelques années par le Directeur du patrimoine culturel du Sénégal, M. Hamady Bocoum, mérite d’être concrétisée. Le projet d’itinéraires et circuits touristiques avec l’Organisation mondiale du tourisme (OMT) pourrait également être relancé dans le cadre de l’intégration sous-régionale et régionale. Enfin, les festivals, les salons qui sont des manifestations culturelles qui ont le mérite de valoriser, au niveau continental et international, le patrimoine immatériel et de le préserver d’une certaine manière devraient être encouragées et soutenues comme facteur de l’intégration régionale.

Bibliographie 1. Déclaration universelle de l’UNESCO sur la diversité culturelle, UNESCO, 2001 Article 7 2. Rapport Brundtland : Notre avenir à tous – Commission mondiale sur l’environnement et le développement, 1987 Editions Lambda, 2005 432p 3. Convention pour la protection du patrimoine mondial culturel et naturel, UNESCO 1972. Lire Préambule 4. Liste des sites du patrimoine mondial 2009-2010, Centre du Patrimoine mondial, UNESCO, 2009 5. Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel, UNESCO 2003 Article 2 : définition du concept de patrimoine culturel immatériel par l’UNESCO 6. Hamady Bocoum et Vincent Duvigneaud : « La seconde vie de l’Assemblée territoriale du fleuve. Un chantier-école à Saint-Louis du Sénégal ». Edition Institut du patrimoine Wallon, Namur, 2009, 98p, pp 29-95 7. Hamady Bocoum « Le Réseau Africain des sites de la Traite Atlantique (RASTA) ». Rapport, UNESCO-BREDA, Février 2005, 165p

Voir 7 bibliographie UNESCO AFRIQUE N° 2 - Développement durable et création des richesses en Afrique

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Document Droit d’auteur et droits voisins : Etude sur l’adoption d’un mécanisme d’identification aux niveaux national et régional Mme Ndèye Abibatou Youm Diabé SIBY Directrice Générale, Bureau Sénégalais du Droit d’Auteur (BSDA)

Contexte Le contexte actuel caractérisé par une crise sans précédent présente la spécificité de n’épargner aucune région du monde, du coup les pays sous- développés fortement éprouvés déjà par des difficultés de tous ordres se trouvent davantage fragilisés. C’est dire la nécessité de s’interroger et de se poser de sérieuses questions sur « quelle stratégie mettre en œuvre pour atteindre les objectifs de développement en mettant la Culture au cœur de la stratégie par la promotion de l’industrie culturelle ». La contribution remarquable du capital intellectuel dans l’économie mondiale est une chance et une opportunité, compte tenu, de la diversité culturelle et de la diversité éthique, à condition que la situation de la protection des droits de Propriété intellectuelle soit retenue parmi les indicateurs de performance. En vérité, la Culture avec ses secteurs tous rentables et viables offre de réels avantages comparatifs susceptibles de constituer un levier de développement. Dans cette vue, la création doit-elle être promue et l’investissement encouragé à travers un environnement incitatif, l’objectif final étant la création et le développement d’une industrie forte et compétitive. A travers les industries culturelles, des réponses appropriées pour l’atteinte des objectifs de développement sont apportées par la création de richesses. Sans industrialisation, aucun Etat ne peut remplir les conditions de croissance économique. Au plan normatif, s’il est admis que l’existence d’une législation moderne sur le droit d’auteur et les droits voisins constitue un pré-requis, pour autant, cela n’est pas suffisant pour attirer l’investissement ; en plus, il faut des garanties suffisantes pour l’effectivité des droits conférés. L’existence d’un environnement vertueux pour la diffusion et l’exploitation licite des œuvres encourage la création de contenus de qualité et diversifiés et attire les détenteurs de capitaux. Ces deux éléments contribuent à promouvoir une industrie forte, compétitive. Il est de notoriété publique que l’absence de loi et/ou l’insuffisance de celle-ci sont deux obstacles majeurs pour développer la création. En vérité, le bouillonnement culturel sans égal, enregistré dans tous les secteurs de la création n’a pu produire hélas les effets escomptés en terme d’impacts économiques et, l’enseignement à tirer est que la contrefaçon plus communément appelée la piraterie gangrène la Culture. En effet, la

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Document lutte contre la contrefaçon est la préoccupation la plus communément partagée par les Etats. Celleci prend de graves proportions avec la possibilité de faire des copies à l’identique grâce à la technologie conséquente. C’est dire que la protection est un impératif de développement.

Diagnostic La piraterie comme frein au développement de l’industrie culturelle. Les causes de la piraterie sont multiples et de divers ordres notamment : • Sous développement juridique Il s’agit là d’une cause avérée qui explique le niveau de développement contrasté de la piraterie selon que le pays protège effectivement, ne protège pas suffisamment sinon pas du tout la Propriété intellectuelle. A l‘évidence, seul le critère de l’effectivité des droits fait la différence , c’est dire que les pays qui ne protègent pas suffisamment le droit d’auteur et les droits voisins offrent des zones de prédilection aux contrefacteurs : • enjeux économiques considérables : avec une garantie de rentabilité assurée et à moindre coût : les œuvres piratées sont toutes à succès et le pirate ne supporte aucune charge de production ; • absence de professionnalisation du secteur de la distribution ; • difficultés d’accéder à des créations licites dans les zones éloignées de la capitale favorisent fortement l’activité des contrefacteurs. C’est pourquoi, l’institution de la carte de distributeur, en concertation avec les titulaires de droits, s’impose sans évidemment occulter la reconversion sociale de ceux qui exercent présentement illicitement l’activité de revendeurs de produits illicites ; • Non-régulation de l’environnement numérique, alors que, Internet est un circuit construit par l’homme qui offre une audience mondiale. L’homme n’a pas le droit de se laisser dépasser ; il lui faut dompter la technologie par l’adoption d’un mécanisme approprié pour réguler et encadrer l’activité économique dans l’environnement numérique. L’institution d’un régulateur mondial est une préoccupation pour créer les conditions d’un commerce équitable ; • coûts de production assez élevés. Une fiscalité incitative devra être prévue dans l’attente d’asseoir une industrie culturelle forte. Quant aux conséquences, elles sont également aussi nombreuses et nous pouvons en citer entre autres : • les conséquences culturelles : risques de tarissement de la création dont les incidences sur l’humanité sont simplement incalculables ;

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Document • les conséquences économiques : maintien du sous développement étant entendu qu’en l’absence d’un environnement incitatif, il est impossible de développer une industrie culturelle forte et compétitive ; • les conséquences sociales avec l’aggravation de la pauvreté et de tous ses effets désastreux. Après un tel état des lieux absolument préoccupant, quelle proposition formuler ? Toute proposition doit tenir compte des atteintes aux droits aussi bien dans l’environnement analogique avec les supports contrefaisants que dans l’environnement numérique, cette fois-ci avec la dématérialisation des supports avec comme vecteur l’Internet et la téléphonie qui ont donné lieu à de nouveaux modèles économiques le téléchargement et la vidéo à la demande.

Proposition de lutte contre la contrefaçon dans l’environnement analogique La communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) qui, il y a déjà plus de dix ans comptait plus de Deux Cent Quatre Vingt Dix Millions d’habitants (290 000 000), offre un marché intéressant pour les Etats membres compte tenu de la politique communautaire. Chaque Etat membre constitue un marché potentiel qui doit inciter à la promotion de l’initiative privée pour la création et le développement de l’industrie culturelle. En revanche, le constat qui s’impose est que les industries culturelles implantées dans les différents Etats membres, toutes sans exception, traversent de sérieuses difficultés qui risquent de compromettre gravement leur survie. Au demeurant, il convient de reconnaître que de gros efforts ont été consentis par des Etats dont les sociétés de gestion collective ont adopté un identifiant pour sécuriser les supports licites, et, ainsi permettre aux Administrations investies d’une mission régalienne de prévention et de répression de renforcer les capacités d’intervention. D’une société à une autre le système varie de même que le niveau de sophistication du mécanisme mis en place. A titre d’exemple, il y a lieu de faire observer que le Ghana et la Côte d’Ivoire ont été les précurseurs, suivis par le Sénégal avec l’hologramme comme mécanisme et plus tard par le Burkina Faso, le Mali, le Bénin, la Guinée et le Niger avec la banderole. L’hologramme dont la maquette est protégée à l’Organisation Africaine de la Propriété Intellectuelle est la propriété du BSDA. A ce jour, plus de 80% des sociétés l’ont adopté. A travers la mise en place d’un tel mécanisme, les Sociétés ont voulu atteindre les objectifs suivants : • encourager la création ; • Sécuriser l’environnement de la production/création et l’investissement ; • Favoriser la diversité des expressions culturelles ; • Maintenir les emplois existants et Créer de nouveaux emplois ; • Créer des richesses compte tenu des différents métiers de la création à la distribution en passant par la production et la distribution ; • Lutter contre la pauvreté. UNESCO AFRIQUE N° 2 - Développement durable et création des richesses en Afrique 103

Document A la pratique, les divers systèmes ont tous montré leurs limites. Aussi, est-il de plus en plus question d’adopter une démarche commune et concertée, c'est-à-dire, une approche globale pour l’harmonisation des moyens de prévention et des mesures de répression.

Au titre des mesures juridiques Sur le plan de la qualification des faits Il importe d’avoir la même définition en matière d’atteintes au droit de propriété intellectuelle notamment en matière de reproduction non autorisée d’une œuvre, c'est-à-dire, la réalisation de copies illicites (le cas de libre utilisation pour la reproduction d’une copie pour usage privé du copiste étant exclu) et, en matière de communication publique d’une œuvre de l’esprit. Le besoin d’une harmonisation s’avère utile notamment en matière de : • Qualification de l’infraction ; • Procédures et sanctions : pour avoir la même définition des faits constitutifs de l’atteinte.

Adoption d’un règlement communautaire sur les procédures et sanctions Une proposition d’un règlement communautaire sera, à l’issue des réflexions, élaborée et soumise à adoption. Une telle mesure contribuera à faciliter la libre circulation des produits et évitera aux producteurs la double sécurisation dans le pays de production, et, celui de distribution et un accès des produits au moindre coût sera assuré aux populations. Erection de la contrefaçon en délit douanier pour répondre aux exigences relatives aux mesures aux frontières et lutter efficacement contre l’importation et l’exploitation des produits contrefaisants. Avec tout ce que cela induit en termes de poursuites et de sanctions, la Douane verra ses prérogatives renforcées pour mieux jouer son rôle de soldat de l’économie et ainsi contribuer à la création et au développement d’une industrie locale forte et compétitive.

Sur la contrefaçon numérique Les exploitations illicites dans l’environnement numérique atteint un niveau très préoccupant : les téléchargements et la VOD illicite sont en train d’impacter négativement l’industrie musicale. Il s’avère aussi nécessaire de promouvoir les utilisations légitimes de contenus protégés par le droit d’auteur et les droits voisins, car, la viabilité de la technologie dépend du respect du contenu. La technologie et le contenu ont besoin d’un cadre vertueux. Aussi, la création doit-elle être mise au premier plan, elle constitue l’alpha et l’oméga.

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Document L’adoption d’une réponse concertée face aux exploitations illicites de contenus par l’Internet ou la téléphonie est une préoccupation pour la survie des nouveaux modèles économiques. L’Etat doit travailler avec toutes les parties prenantes pour imaginer des solutions efficaces et pérennes et réprimer dès que les conditions sont réunies (en l’occurrence le contenu est identifié, l’utilisateur est identifié, c'est-à-dire, l’internaute est localisé), l’érosion des revenus des artistes à travers la dévalorisation de la valeur unitaire de l’œuvre ayant des impacts sérieux sur la création. Les départements en charge de la Culture en concertation avec ceux en charge des Technologies de l’Information et de la Communication et de l’Economie doivent se retrouver pour véritablement élaborer une stratégie de croissance fondamentalement axée sur l’économie du savoir. En vérité, face aux conséquences dévastatrices de l’irresponsabilité financière et juridique, on assiste à une perte du sens de la création et de la valeur des créations. La contrefaçon est une menace qui doit être combattue individuellement et collectivement avec des moyens techniques, financiers et des ressources humaines qualifiées. Dans chaque pays, tout au moins pour ceux n’en disposant pas, une Brigade de lutte contre la contrefaçon doit être créée avec des moyens humains et techniques appropriés. Pour les pays dotés d’une telle structure, des moyens de fonctionnement seront fournis et à terme les Brigades seront connectées entre elles ; ce qui permettra, en temps réel, de traquer les produits contrefaisants et les délinquants. Pour développer la coopération avec Interpol, la Police des Polices, la mise en réseau des Brigades sera encouragée. Sera également encouragée, la signature d’une convention entre les Opérateurs de Télécommunication et les créateurs. Ainsi, l’Industrie de la Technologie s’assurera de la viabilité des nouveaux modèles économiques tels que le téléchargement et la vidéo à la demande.

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