défis et opportunités des services financiers digitaux

7 juin 2019 - l'intégration et à offrir un service homogène. Mowali n'est pas ... cette révolution dans le monde des services financiers digitaux. Interview de ...
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BigTech, interopérabilité, e-commerce :

défis et opportunités des services financiers digitaux

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Riche de sa diversité, avec plus de 1700 consultants et experts répartis dans 11 bureaux à travers le monde et issus de plus de 30 nationalité, Sofrecom est avant tout un réseau de femmes et d'hommes, un puissant réseau de savoir faire et d’expertises qui relie ses clients, les experts Orange, ses partenaires industriels et locaux. Pour plus d’informations, rendez-vous sur www.sofrecom.com/fr.



Sofrecom, The Know-How Network

Sommaire P.4

GAFA et BATX à la conquête des services financiers

P.11 Mowali à l’assaut de l’interopérabilité des paiements

P.6

Les actifs historiques du mobile money fragilisés par les nouveaux modèles

P.14 Le paiement mobile, principal levier de croissance pour l'e-commerce africain

P.9

Les réseaux d’agents au cœur des stratégies de différenciation des fournisseurs de services financiers digitaux

P.16 Le mobile money au service de l’agriculture du futur P.18 Conclusion

Défis et opportunités des services financiers digitaux

Introduction

L

e marché des services financiers digitaux a été bouleversé depuis quelques années par de nouveaux acteurs tels Apple, Facebook ou Alibaba. Le succès fulgurant de services comme Alipay ou Wechat Pay démontre l’intérêt des particuliers et entreprises pour de nouveaux services de paiement en ligne ou des places de marché, parfaitement intégrés dans les outils et services de communication. Aujourd’hui ces Bigtech se tournent vers le continent africain pour poursuivre leur expansion. Pour les opérateurs de télécommunications, principaux leaders des services financiers digitaux en Afrique, cette nouvelle concurrence impacte leurs modèles de conception et de commercialisation de ces services. Longtemps détenteurs quasi exclusifs d’atouts différenciants, ils doivent repenser leur positionnement pour évoluer tout en intégrant ces nouveaux acteurs. L’un de ces atouts reste le réseau de distribution. Bien que copié, ce réseau demeure une force que les opérateurs doivent choyer. Il leur faut recréer de la valeur sur ces points de contacts pour en faire un véritable levier de croissance. Attente forte des consommateurs, l’interopérabilité des services financiers digitaux devient une réalité. Elle ouvre de nouvelles opportunités de croissance pour tous les acteurs. Elle va permettre d’élargir les écosystèmes et de créer de nouveaux services comme le paiement de proximité marchand et le paiement en ligne. De son côté le e-commerce, en plein essor en Afrique, attend également beaucoup des services financiers digitaux pour accompagner son expansion. Ces besoins sont de réelles opportunités de développement de services pour tous les acteurs du secteur. Pour garder une longueur d’avance face aux bouleversements induits par ces nouvelles formes de concurrence, notamment les acteurs OTT (Over The Top), les opérateurs télécoms doivent ainsi repenser leur proposition de valeur et leur modèle d’opérations. À Sofrecom, nos spécialistes vous aident à concevoir et mettre en œuvre vos choix stratégiques pour mener efficacement ces projets. À travers cette nouvelle publication, nous souhaitons délivrer une analyse du marché des services financiers digitaux et des nouveaux défis que les opérateurs de télécommunications doivent relever pour continuer à peser dans ce secteur. Notre ambition : continuer à vous accompagner et éclairer vos choix pour atteindre vos objectifs business et humains. Je vous souhaite une bonne lecture.

Rambert Namy

Directeur Business Consulting, Sofrecom

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GAFA et BATX à la conquête des services financiers Vincent Weber - Consultant manager services financiers mobiles

Depuis plusieurs années, les GAFA1 et BATX2 ont investi les services financiers. Si leurs stratégies et leurs modèles diffèrent en fonction des géographies, ils ont bouleversé le secteur en moins de 5 ans. Ces acteurs issus de l’économie numérique et dont le succès ne faiblit pas occupent désormais une place importante sur ces marchés et continuent à innover.

Pays développés : du paiement mobile au financement des entreprises

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Ces dernières années, les GAFA ont multiplié les initiatives autour des services financiers aux ÉtatsUnis et en Europe. Leur démarche a principalement consisté dans un premier temps à proposer de nouvelles solutions de paiement digital. Dès 2013, Amazon a lancé sa solution Amazon Pay permettant à ses clients de payer en ligne. L’année suivante, Apple Pay a été lancé pour payer avec son smartphone via la technologie sans contact NFC (Near-Field Communications). Google a, quant à lui, regroupé en 2018 sous la marque Google Pay l’ensemble de ses services de paiement (paiement mobile, porte-monnaie électronique, mobile money). L’approche est souvent la même, quel que soit l’acteur : simplifier au maximum l’expérience client et intégrer le paiement dans l’écosystème applicatif des géants du numérique. De nouveaux services financiers ont ensuite été lancés bien souvent au travers de partenariats avec de grands acteurs bancaires. Amazon propose ainsi depuis 2014 des offres de financement à ses marchands. Le géant du e-commerce projette aussi de réaliser des partenariats avec de grands acteurs comme JP Morgan aux États-Unis afin de proposer une assurance-santé dédiée aux salariés. Apple a annoncé en mars 2018 le lancement aux États-Unis du service « Apple Card » adossé à Goldman Sachs et Mastercard. Les intérêts stratégiques de ces acteurs divergent. En intégrant nativement des fonctionnalités de 1 2

paiement dans ses terminaux, Apple cherche à enrichir la proposition de valeur de ses téléphones et à les rendre incontournables dans le quotidien des utilisateurs. Pour Google, l’accès aux transactions de paiement lui permet de collecter de nouvelles données à monétiser. La découverte de son alliance secrète avec MasterCard en septembre 2018 illustre l’enjeu de la « data » pour ce groupe. Ce partenariat permet ainsi à Google de lier les habitudes d’achat hors ligne des consommateurs aux publicités diffusées en ligne. Pays émergents : des approches spécifiques pour répondre aux besoins locaux Mais le terrain de jeu des GAFA ne se limite plus aux pays développés. Plusieurs démarches témoignent d’une volonté forte de s’implanter dans les pays émergents. En Inde, Google Pay compte déjà plus 20 millions d’utilisateurs. Initialement centré sur le paiement, Google cherche désormais à monétiser cette base utilisateurs et a déjà lancé une offre de prêts instantanés en partenariat avec 4 grandes banques indiennes – HDFC Bank, ICICI, Kotak Mahindra et Federal Bank. Facebook confirme également sa position d’OTT (Over The Top) dans les services financiers, à travers la réalisation de premiers pilotes et partenariats avec des banques dans certains pays d’Afrique. Marc Zuckerberg lui-même a fait la promotion du nouvel assistant virtuel (chatbot) qui propose d’aider les clients à utiliser des services

Désigne les géants du web américains : Google, Apple, Facebook et Amazon. Désigne les géants du web chinois : Baidu, Alibaba, Tencent et Xiaomi.

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de paiement et gérer leurs opérations bancaires directement depuis Facebook Messenger. Ainsi les banques locales United Bank of Africa, Diamond Bank et Guaranty Trust Bank au Nigéria ont tenté l’aventure : elles acceptent désormais d’être « désintermédiées » en abandonnant la relation directe avec leurs clients à Facebook. Dans ce modèle, la banque devient le fournisseur du service bancaire, Facebook est alors le distributeur. Les ambitions de Facebook de répliquer ce modèle dans d’autres pays africains ou en Asie sont clairement affichées. Les BATX, géants chinois, ne sont pas en reste et déploient des stratégies agressives d’expansion dans les services financiers. Dans cette course à la diversification dans les services financiers, les géants digitaux chinois se montrent également très efficaces. Les BATX ont construit de véritables plateformes de services financiers qui rencontrent un succès commercial colossal en Chine et se développent rapidement à l’étranger.

des modèles économiques différents : • La première en 2017, Masoko, une plateforme d’e-commerce mettant en relation les vendeurs et les clients Safaricom. L’opérateur reprend les recettes des acteurs mondiaux tels qu’Amazon ou Alipay. • La deuxième, dénommée Bonga, une application de messagerie instantanée sur laquelle les utilisateurs peuvent chatter, transférer de l’argent ou acheter en ligne auprès de commerçants indépendants. Elle intègre nativement les fonctionnalités de paiement de M-Pesa et semble fortement s’inspirer des méthodes qui ont fait le succès de WeChat Pay. Les géants du web, GAFA comme BATX, affichent désormais clairement leur ambition d’étendre leurs activités et chiffre d’affaires dans les services financiers, notamment dans les pays en développement. En Afrique, les opérateurs de mobile money devront certainement faire évoluer leurs modèles pour résister à cette nouvelle concurrence.

Début 2019, le service Alipay, issu du géant de l’e-commerce Alibaba, comptait plus d’un milliard d’utilisateurs actifs dans le monde et plus de 40 millions de commerçants en Chine permettent un paiement via Alipay grâce à un QR code (Quick Response code). Il en est de même pour WeChat Pay qui a su capitaliser sur les utilisateurs de sa solution de messagerie instantanée. Ant Financial, la maison mère d’Alipay, multiplie les partenariats à l’international pour développer l’acceptance d’Alipay et permettre aux touristes chinois de payer dans différents pays avec Alipay. En parallèle, elle rachète ou investit depuis 2015 dans différents acteurs locaux tels que Paytm en Inde, Ascend Money en Thaïlande, Mynt aux Philippines ou Telenor Microfinance Bank au Pakistan. L’entreprise a même tenté en 2017 de racheter, sans succès, l’acteur américain MoneyGram. Ce rachat lui aurait notamment ouvert les portes des marchés africains. Certains opérateurs de mobile money, à l’image du pionnier M-Pesa, anticipent l’arrivée de ces acteurs et préparent leur riposte. Safaricom a ainsi lancé, via son laboratoire d’innovation, deux initiatives sur

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Les actifs historiques du mobile money fragilisés par les nouveaux modèles Sylvain Morlière - Consultant manager sénior services financiers mobiles, Sofrecom

Les opérateurs de télécommunications ont bâti le succès du mobile money sur une série d’actifs différenciants. Longtemps, ils ont disposé d’un accès exclusif à ces ressources. L’impossibilité pour d’autres acteurs de les répliquer ou de les acquérir leur interdisait l’entrée du marché mobile money, ou réduisait significativement leurs chances de succès. Ainsi était-ce le cas des réseaux d’agents ou des interfaces USSD qui constituaient de robustes barrières à l’entrée.

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L’émergence de technologies innovantes et l’évolution des conditions de marché ainsi que de certaines régulations ont largement fragilisé le caractère défensif de ces actifs. L’usage de l’internet mobile est généralement limité sur les marchés de prédilection du mobile money. L'essentiel des transactions mobile money se fait toujours via le canal USSD (voir encadré) dans la plupart des marchés. Historiquement, les opérateurs de téléphonie mobile détiennent un accès monopolistique à ce canal. Ils peuvent en concéder l’usage à des tiers tout en conservant le contrôle et en fixant généralement les prix d’accès. En outre, un acteur qui souhaite mettre à disposition de ses clients un applicatif USSD doit établir des partenariats avec chaque opérateur de télécommunications pour que ses clients puissent y accéder, quel que soit leur réseau mobile. Ce monopole est aujourd’hui fragilisé. Au Kenya, Equity Bank a obtenu dès 2014 une licence de MVNO (Mobile Virtual Network Operator). Cette activité de télécommunications, opérée sous la marque Equitel, a permis à la banque de disposer de son propre canal USSD. Au Sénégal, en avril 2018, l’Autorité de Régulation des Télécommunications et des Postes a libéralisé l’accès aux codes USSD, offrant ainsi aux fournisseurs de services à valeur ajoutée un accès agnostique (tout opérateur) au canal USSD. 1

L’USSD c’est quoi ? L’USSD (Unstructured Supplementary Service Data ou Données de Services Supplémentaires non Structurées) est une fonctionnalité de réseaux téléphoniques mobiles permettant l’envoi et la réception de données. Avec le plus simple des téléphones mobiles (99 % des téléphones sont compatibles), en saisissant une combinaison de type #000#, il est ainsi possible d’accéder à des choix textuels et donc à des services. Parce que les opérateurs ont un accès exclusif à l’USSD, ils ont toujours été en première ligne pour développer les usages dans le domaine du mobile money.

L’USSD bientôt remplacé par les applications mobiles ? L’usage du canal USSD est surtout menacé par l’adoption massive de l’internet mobile et des smartphones. La GSMA prévoit ainsi que le parc de smartphones représentera près de deux tiers des connexions mobiles d’ici 2025 en Afrique subsaharienne tandis que les connexions internet mobile représenteront près de 90 % de ces connexions1.

GSMA, The Mobile Economy Sub Saharan Africa 2018.

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Principaux actifs des opérateurs de mobile money

Caractère différenciant

Réseau d’agents

Données clients

Canaux digitaux/ USSD

Base clients

Cœur de plateforme IT

Modules fonctionnels IT

Licence (ou partenaire)

Savoir-faire/ Budget marketing

Notoriété

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Ceci conduirait probablement les utilisateurs à délaisser l’USSD au profit d’applications mobiles qui apportent une meilleure expérience utilisateur et des fonctionnalités plus riches. À titre d’exemple, en Chine où l’usage de l’internet mobile s’est rapidement étendu, les paiements sont essentiellement réalisés via des applications mobiles. Grâce à la technologie QR code (Quick Response code), celles-ci ont notamment permis de développer les usages du paiement marchand. En Afrique subsaharienne, certains acteurs innovants ne proposent désormais que des services financiers mobiles. C’est le cas du service de paiement mobile Wallet au Nigéria. L’agent banking : quand les banques imitent le modèle de distribution du mobile money Le réseau d’agents constitue un actif majeur du modèle opérationnel du mobile money. Certains analystes considèrent même qu’il constitue la principale « brique » de ce modèle, car il joue un

rôle critique en permettant les transactions de dépôt et de retrait. Il offre par ailleurs un avantage concurrentiel décisif aux services de mobile money : la proximité physique des agents, la flexibilité de leurs horaires ou encore le temps d’attente limité dans ces points de service rendent le mobile money sensiblement plus attractif que les services financiers traditionnels. Pourtant, alors que cet actif était généralement considéré comme difficilement réplicable, des acteurs, autres que les opérateurs de télécommunications, se sont montrés capables de constituer de tels réseaux. Ainsi, dans plusieurs pays, certaines banques ont déployé leurs propres réseaux d’agents indépendants. Sous ce modèle, dénommé agent banking, Cooperative Bank avait déployé plus de 12 000 agents au Kenya début 2017. Equity Bank en revendiquait plus de 25 000 à la même époque. En Afrique de l’Ouest, la Société Générale ambitionne de recruter 8 000 agents d’ici 2020,

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pour soutenir le développement de son service de mobile money Yup. L’usage de l’internet mobile, porte d’entrée pour les nouveaux acteurs Les opérateurs de télécommunications ont capitalisé sur leurs larges parcs clients pour développer l’usage et l’adoption des services de mobile money. Ils ont recruté l’essentiel des utilisateurs de ces services parmi leurs clients mobile, profitant d’« effets de parcs » massifs. L’accès privilégié à ces parcs a constitué un avantage significatif par rapport à d’autres fournisseurs de services financiers. Néanmoins, d’autres acteurs digitaux disposent désormais de parcs d’utilisateurs conséquents dans les pays de prédilection du mobile money. Ainsi Facebook compte plus de 4 millions d’utilisateurs en Côte d’Ivoire, plus de 5 millions d’utilisateurs

au Ghana et près de 20 millions d’utilisateurs au Nigéria1. Parallèlement, l’accès aux données clients n’est plus l’apanage des seuls opérateurs. Ces derniers disposaient historiquement d’un accès exclusif à de généreux gisements de données utilisateurs. Le développement des usages internet permet à d’autres acteurs de collecter à grande échelle de telles données. Les plateformes de médias sociaux sauront probablement exploiter cette opportunité. Mais des acteurs alternatifs, à l’instar de Tala au Kenya, pourront également accéder à de nombreuses données, stockées dans le mobile de l’utilisateur ou résultant de ses usages en ligne. Dans le cadre de leurs travaux de refonte de leurs modèles, les opérateurs de mobile money pourront trouver dans ces initiatives des sources d’inspirations majeures et des opportunités de partenariats stratégiques.

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We are social, Digital in 2018 in West Africa.

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Les réseaux d’agents au cœur des stratégies de différenciation des fournisseurs de services financiers digitaux Julien Guyotte - Consultant sénior services financiers mobiles, Sofrecom

Fin 2017, la GSMA recensait près de 3 millions d’agents mobile money actifs dans le monde. Ces acteurs jouent un rôle clé dans l’opération des services de paiement mobile. Apanage historique des opérateurs de télécommunications, les réseaux d’agents indépendants sont désormais également déployés par leurs concurrents. Dans un contexte de compétition croissante sur le marché des services financiers digitaux, la différenciation se jouera alors sur deux tableaux : la création de valeur par le réseau de distribution, mais aussi la création de valeur pour les agents eux-mêmes.

En collectant les dépôts, les agents assurent la conversion de la monnaie fiduciaire en monnaie électronique et constituent ainsi le principal canal d’alimentation des écosystèmes de mobile money. Ils sont également les principaux interlocuteurs physiques des utilisateurs : ils jouent à ce titre un rôle capital dans le recrutement de clients, l’accompagnement et le conseil apporté à ces derniers. Au-delà, les agents sont au cœur de la proposition de valeur du mobile money. Le service de proximité qu’ils offrent constitue un avantage concurrentiel puissant face aux services offerts par les institutions financières traditionnelles : ils permettent aux utilisateurs d’éviter des trajets coûteux en temps et en argent, de bénéficier d’horaires d’ouverture étendus et d’un temps d’attente sensiblement inférieur à celui « subi » en agences bancaires. Comment améliorer la qualité de service des réseaux d’agents ? La qualité d’un réseau d’agents mobile money s’appuie sur des fondamentaux qui sont désormais bien connus : couverture étendue du territoire, maillage fin et adapté au potentiel des zones, disponibilité de la monnaie électronique et des liquidités, formation initiale et continue des agents, mise en place d’outils de pilotage du réseau, ou encore plan de commissionnement attractif.

Le réseau d’agent n’est plus l’apanage des opérateurs Certains opérateurs de transfert d’argent « over the counter » (OTC) ont bâti leurs propres réseaux d’agents indépendants. Au Sénégal, Wari est ainsi resté pendant plusieurs années le leader du marché du transfert d’argent domestique. Outre la simplicité de l’offre ou une tarification attractive, c’est surtout l’incroyable maillage commercial du territoire par Wari qui a longtemps freiné le développement des challengers locaux. Les banques ne sont pas en reste et adoptent des modèles d’agent banking : Equity Bank au Kenya ou encore le groupe Société Générale en Afrique francophone déploient ou projettent de déployer des réseaux d’agents indépendants à grande échelle.

De nouveaux outils de pilotage permettent ainsi de renforcer la performance d’un réseau d’agents et d’accroître in fine la valeur créée pour les utilisateurs. Ces outils s’appuient sur des capacités analytiques étendues. Ils permettent par exemple d’optimiser le recrutement d’agents pour privilégier les zones à plus fort potentiel. Le choix de l’emplacement des agents s’adaptera ainsi

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aux couloirs de transfert d’argent, en se basant notamment sur des critères liés aux spécificités socio-économiques du pays en question (zones rurales/urbaines, secteur primaire/secondaire…). Les outils de pilotage les plus aboutis appuient également les opérations commerciales et vont jusqu’à générer des plans d’actions concrets. Basés sur l’analyse des indicateurs de performance et directement « poussés » aux équipes commerciales, ils détaillent les actions terrain à engager.

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La gestion des stocks de liquidité ou de monnaie électronique est un axe d’amélioration structurant. Dans plusieurs pays, Sofrecom a pu constater que la réalisation de dépôts et de retraits de sommes importantes demeurait un défi, notamment en zones rurales. Certains outils permettent de prédire la demande ou d’anticiper les ruptures de stock, en s’appuyant sur l’étude de tendances d’usage et de données externes. Les opérateurs de services de mobile money qui sauront garantir la disponibilité des liquidités ou de la monnaie électronique chez les agents disposeront d’un avantage concurrentiel décisif. La formation et l’information des agents restent au cœur de la performance du réseau et de la satisfaction des utilisateurs, dont ils constituent le principal point de contact. La majorité des opérateurs de mobile money ne sont qu’au début du déploiement des nouvelles formes d’interaction que permettent les outils technologiques en la matière. Les médias interactifs, notamment, sont susceptibles d’assurer une formation plus efficace. Ainsi certains opérateurs expérimentent le recours aux tutoriels vidéos, chatbots et voicebots (serveurs vocaux interactifs), ou encore aux réseaux sociaux pour assurer l’information, la formation et l’évaluation de leurs agents. La stratégie de recrutement et de fidélisation des agents est appelée à jouer un rôle capital dans un contexte où les lancements de services financiers digitaux se multiplient. Ainsi, l’Institut Helix estime qu’environ deux tiers des agents distribuant des services financiers digitaux en Tanzanie, en Ouganda ou au Sénégal le faisaient de manière non exclusive en 2015 (ils distribuaient les services de trois fournisseurs en valeur médiane). Pour attirer et s’assurer de la loyauté de leurs agents, les fournisseurs de services financiers digitaux devront développer une proposition de valeur convaincante. Celle-ci passera impérativement 1

par un support performant aux agents. Le réapprovisionnement en liquidités ou en monnaie électronique constitue par exemple l’une de leurs préoccupations majeures (obligation de se déplacer, d’interrompre potentiellement l’activité du point de vente et de perdre les revenus associés à cette activité). Certains fournisseurs ont engagé des réflexions structurantes sur le sujet et des acteurs tels qu’Airtel Ouganda1 ont mis en place des équipes mobiles en charge du réapprovisionnement du réseau. Les opérateurs explorent également les modèles dits « tout UV » (unité de valeur), susceptibles d’être proposés aux agents qui distribuent à la fois des services de mobile money et du crédit téléphonique prépayé. Dans ces dispositifs, les agents n’ont plus à « stocker » conjointement de la monnaie électronique et du crédit téléphonique : ils disposent d’un unique compte de monnaie électronique, laquelle est instantanément convertie en crédit téléphonique lors de l’acte de vente d’airtime. Au-delà de simples programmes de fidélité, la fidélisation des agents passera aussi par une offre de services à forte valeur ajoutée. Pour cela, l’octroi de crédits à conditions préférentielles constituera sans doute un outil puissant. En effet, les besoins en fonds de roulement entravent souvent l’activité des agents (qui tendent à exercer parallèlement une activité de commerce). Les opérateurs de mobile money ont la capacité d’octroyer des crédits sur la base d’un niveau de risque précisément documenté, grâce aux données d’activité des agents, à l’instar des dispositifs déployés pour les marchands par Kopo Kopo en Afrique de l’Est ou de ce que proposent Equity Bank au Kenya ou Airtel Money en partenariat avec Jumo en Ouganda. Conjugués à d’autres services à valeur ajoutée (gestion des stocks, de commande, de facturation), ces solutions constitueront de réels leviers de fidélisation, incitant les agents à concentrer leurs transactions financières sur un même service. La rémunération des agents demeure enfin un élément clé de leur motivation. Outre un plan de commissionnement attractif, les fournisseurs de services financiers digitaux pourront étudier les opportunités de générer des revenus additionnels pour leurs agents. Ainsi, les compétences et les outils acquis dans la distribution de services de mobile money pourraient faire l’objet d’une monétisation élargie : enregistrement de clients pour le compte d’acteurs tiers non concurrents grâce aux outils et procédures de souscription, points relais colis pour des services de vente à distance, etc.

Distribution 2.0: The future of mobile money agent distribution networks, GSMA 2018.

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Mowali à l’assaut de l’interopérabilité des paiements sur le continent africain Interview de Juan Dominguez, Directeur stratégie et développement services financiers Middle East Africa, Orange Les groupes Orange et MTN ont annoncé fin 2018 la création d’une entreprise commune dénommée Mowali qui permettra l’interopérabilité des paiements sur l’ensemble du continent africain. Retour sur cette révolution dans le monde des services financiers digitaux. Quelles sont les réflexions à l’origine du projet Mowali ?

d’être un « enabler » qui va leur permettre de fournir de nouveaux services à leurs utilisateurs.

Les réflexions sur l’interopérabilité ne sont pas récentes. Il y a eu très tôt un consensus du secteur sur son utilité. En effet, un groupe de travail avait été lancé il y a quelques années par la GSMA sur le sujet avec la participation des principaux opérateurs de services de mobile money, dont MTN Group et Orange. Les opérateurs s’engageaient à travailler ensemble pour accélérer la mise en œuvre de services de mobile money interopérables à travers les régions d’Afrique et du Moyen-Orient.

Nous proposons un modèle ouvert à tous les opérateurs, sans condition. Notre plateforme et nos processus sont standardisés de façon à faciliter l’intégration et à offrir un service homogène.

C’est grâce à, ou à cause de, la croissance exponentielle des services et du nombre d’utilisateurs de mobile money ces dernières années que les limites en termes d’usage se sont faites plus visibles. Le modèle actuel, fermé (« closed loop »), ne suffit plus à répondre aux demandes des utilisateurs qui souhaitent envoyer de l’argent à des destinataires plus nombreux, ou payer des services plus variés, au sein et en dehors de leur propre réseau mobile. MTN Group et Orange ont donc souhaité agir de façon proactive, en capitalisant sur les travaux de la GSMA, pour lancer au plus vite un service innovant dont la nécessité, tant du point de vue de l’avenir du secteur que des attentes des consommateurs, ne faisait plus aucun doute. Comment se positionne Mowali par rapport aux offres de mobile money existantes ? Mowali a été conçue comme une offre d’intermédiation technique à destination des opérateurs de mobile money. Notre objectif est

Mowali n’est pas concurrente des opérateurs de mobile money. À l’instar d’un Visa/MasterCard qui n’est pas un concurrent des banques, Mowali ne fait « que » faciliter les flux financiers entre les utilisateurs finaux (clients, marchands, etc.) quels que soient les fournisseurs de services et les pays d’origine et de destination des flux. Ensuite, les opérateurs restent responsables et maîtres de leur positionnement et différenciation : il leur incombe de définir des offres de services, une expérience client et des tarifs attractifs afin de conquérir de nouveaux utilisateurs et d’encourager l’usage. De nombreuses autres initiatives de mise en place d’interopérabilité fleurissent à des niveaux locaux ou régionaux, souvent à l’initiative des gouvernements. Mowali a-t-elle bien sa place dans ce contexte ? Mowali a toute sa place. Les besoins des utilisateurs finaux comme des entreprises sont finalement très similaires d’un pays à l’autre. Nous sommes donc persuadés qu’il est extrêmement pertinent d’apporter une réponse globale au niveau du continent africain. Développer une plateforme d’interopérabilité est complexe et coûteux. Mutualiser des

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investissements et des coûts opérationnels permettra de les optimiser et donc de minimiser les coûts unitaires facturés aux utilisateurs. C’est la clé de la rentabilité. Des initiatives régionales ou locales traiteront plus difficilement des volumes de transactions équivalents, impactant de facto le coût unitaire. Comment les opérateurs vont-ils principalement bénéficier de cette nouvelle interopérabilité ? Bien que les services de mobile money existent depuis déjà plusieurs années, les priorités de la majorité des opérateurs restent, d’une part l’acquisition de nouveaux clients, et d’autre part l’intensification et la diversification des usages.

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La proposition de services attractifs reste clé dans le recrutement d’utilisateurs et le développement des usages. Or la complexité de déploiement d’intégrations bilatérales freine le lancement de nouveaux services, car les fournisseurs de services de mobile money doivent se connecter aux systèmes d’information de chacun des partenaires

avec lesquels ils souhaitent lancer de nouveaux services. Il faut également créer des processus adaptés à chaque partenaire. Avec Mowali, nous voulons lever ces freins en standardisant ces procédures et en proposant aux opérateurs d’accéder à de nombreux partenaires au travers d’une connexion unique. Quels sont les principaux cas d’usage ? Deux cas d’usage concentrent les plus fortes attentes d’interopérabilité : le transfert d’argent entre particuliers et le paiement marchand. Ouvrir un nouveau corridor de transfert en bilatéral nécessite généralement beaucoup de temps. Grâce à Mowali, tout opérateur intégré à la plateforme pourra immédiatement proposer des transferts vers tout autre opérateur connecté. La situation est très similaire dans le cas des paiements marchands. Les systèmes cloisonnés obligent également chaque marchand à, non seulement signer des accords spécifiques, mais

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aussi mettre en place des processus avec chaque opérateur de mobile money. Tout cela va désormais changer : une fois connecté à Mowali, le marchand pourra accepter les paiements de n’importe quel opérateur connecté. Cela va évidemment démultiplier les opportunités commerciales, tant au niveau national qu’international. On peut également imaginer d’autres flux entre les entreprises et les particuliers, entre les gouvernements et les citoyens ou entreprises, ou même entre entreprises. Les possibilités sont infinies : paiement des salaires, paiement des fournisseurs, versement de prestations sociales, paiement de taxes et impôts… La balle est désormais dans le camp des opérateurs pour imaginer les services de demain. L’interopérabilité va-t-elle renforcer la position des opérateurs de mobile money ? L’interopérabilité va certainement renforcer la place des opérateurs en leur permettant d’offrir de nouveaux services à leurs clients. Elle va également faciliter l’interaction avec les banques, les grands marchands, des fintechs, etc. En ce sens, le marché des services financiers digitaux est certainement amené à se réorganiser avec l’arrivée de l’interopérabilité. En se connectant à des opérateurs de mobile money, les banques vont par exemple pouvoir

adresser de nouveaux segments de marché. De leur côté les fintechs, qui peinent parfois à trouver des débouchés, vont pouvoir accéder à de nombreuses opportunités de partenariat. Surtout, ce marché est amené à se développer massivement grâce aux nouveaux usages. Certes la pression concurrentielle ne peut que s’accroître, mais si le volume et la valeur du marché sont multipliés par dix, tous les acteurs seront gagnants !

Comment les stratégies des opérateurs devraient-elles donc évoluer ? Aujourd’hui beaucoup d’opérateurs proposent uniquement des services de mobile money « traditionnels » : cash-in, cash-out, transfert peer-to-peer, etc. Leur différenciation repose principalement sur la taille de leur réseau d’agents et de leur base client. L’interopérabilité va quelque peu gommer ces « avantages ». Il est donc essentiel que les opérateurs développent de nouveaux services innovants et une expérience digitale toujours plus fluide. Ce sont tous ces nouveaux éléments qui devront constituer demain les accroches de leur positionnement et valeur ajoutée.

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Le paiement mobile, principal levier de croissance pour l’e-commerce africain

Interview de Sami Louali, EVP Stratégie, Relations Investisseurs et Services Financiers, Jumia Lancé en 2012 à Lagos (Nigeria), Jumia est une société présente dans 14 pays. Ce leader de l’e-commerce, déclaré « première Licorne d’Afrique » par le Financial Times, a dû relever les mêmes défis que ses équivalents occidentaux (approvisionnement, logistique…) et ceux spécifiques au continent africain. Parmi ces défis particuliers : composer avec les moyens de paiements habituellement utilisés par les consommateurs.

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Quel est le modèle économique de Jumia ? Quand nous avons démarré, Jumia se positionnait comme un e-commerçant classique : nous achetions des produits que nous revendions. À partir de 2014, nous avons opté pour un modèle de place de marché. Aujourd’hui, près de 90 % des ventes sont réalisées par nos partenaires. Notre place de marché propose de tout : mode, électroménager, hi-tech, épicerie… C’est aussi une plateforme de livraison de repas, de réservation d’hôtels ou de vols. Enfin, nous avons une plateforme « Jumia One », dédiée aux services digitaux tels que le paiement de factures (électricité, eau…), la recharge téléphonique, et bientôt l’édition de billets de cinéma. Comment avez-vous abordé le sujet du paiement dans votre activité ? Il y avait très peu de mobile

money en Afrique quand nous nous sommes lancés en 2012, et la carte bancaire n’était pas une solution populaire et sécurisée. Nous avons donc investi dans un outil opérationnel qui nous permet d’accepter du cash lors de la livraison des produits. Après une période d’adaptation, nous sommes arrivés à organiser les flux efficacement, notamment en construisant notre propre place de marché logistique qui nous permet de livrer en direct ou via un partenaire. Le paiement en liquide n’a-t-il pas ses limites ? Accepter du cash nous a permis de lancer notre activité. Mais les contraintes sont en effet nombreuses : le livreur doit avoir la monnaie, cela pose des questions de sécurité pendant le transport, puis il faut arriver à effectuer la réconciliation des flux financiers… Enfin, nous avons constaté qu’en proposant

un paiement à la livraison, les clients ont tendance à changer d’avis plus facilement et refuser la commande. Le prépaiement est donc devenu une priorité. Malheureusement, le marché des paiements est très fragmenté en Afrique. Par exemple, au Nigeria, il y a des cartes internationales, des cartes locales, du transfert bancaire instantané, du paiement en liquide en agence, etc. Nous avons donc mis en place une solution de paiement baptisée « JumiaPay » qui consolide au sein d’un seul compte tous les types de paiements afin de faciliter les achats. Quels progrès doivent être réalisés pour faciliter le paiement en ligne ? D’un point de vue technologique, il y a un effort d’uniformisation à faire. La plupart des acteurs du paiement proposent des API pour se connecter à leurs systèmes qui ne sont pas les mêmes pour

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tous les pays. Cela nécessite des efforts de développement et d’intégration significatifs. Autre point d’amélioration : l’expérience utilisateur n’est pas très adaptée aux achats en ligne (sur un smartphone, il faut des allers-retours entre l’application d’e-commerce, l’application de mobile money, les sms…). Certains pays sont plus en avance, notamment le Kenya où M-Pesa offre un système de paiement très simple pour l’ecommerce. Il en résulte d’ailleurs un plus fort taux de conversion des commandes. Nous travaillons aussi avec des agrégateurs pour les méthodes de paiement qui ne sont pas directement intégrées à JumiaPay. Dans ce domaine, les améliorations concernent le niveau de service, le temps de résolution des incidents et la réconciliation des flux financiers. Il faut cependant noter que le marché est très jeune – beaucoup de ces acteurs n’ont que 2 ou 3 ans d’existence, c’est donc un secteur qui va gagner en maturité. Les services de mobile money peuvent aussi ouvrir sur des services d’épargne ou de crédit. Quels peuvent être les impacts sur votre activité ? Le crédit à la consommation est un service peu développé sur la plupart de nos marchés. Son arrivée va permettre de proposer de nouveaux produits et de faire croître le volume de notre activité. La société Mercado Libre, un équivalent de Jumia en Amérique Latine, fait ainsi plus de 60 % de son volume de vente sur du crédit consommation. Aujourd’hui, chez Jumia, nous sommes à 0 % ! C’est dire à quel point nous attendons le développement

de ces solutions de crédit ! Cela implique qu’elles soient adaptées à l’e-commerce. Il existe déjà quelques options dans différents pays, mais avec des processus administratifs très longs. Il est important de pouvoir gérer la signature électronique et une décision de crédit instantanée. Un autre aspect du crédit est l’avance de paiement, côté marchand. Est-ce envisageable pour Jumia ? Bien entendu. Nous proposons ce type de financement depuis plus d’un an au travers d’une place de marché de prêts aux PME accessible à nos seuls vendeurs. Le principe : nous collectons les données de nos vendeurs (volumes de vente, évaluations en termes de qualité de service, de délais de livraison, etc.) et nous les partageons avec des acteurs du crédit (banques, agences de microcrédit, institutions financières…) qui peuvent accorder un prêt de manière quasi instantanée. Nous avons déjà généré plus de 3 millions d’euros de crédits. Au début, l’initiative était complètement offline, désormais tout le processus est digitalisé : de l’onboarding à l’offre de crédit en passant par le processus de souscription. La prochaine étape est de digitaliser le paiement en automatisant le remboursement des mensualités sur les volumes de vente que nous versons aux vendeurs. Nous créons ainsi un cercle vertueux : cela permet à nos vendeurs de financer leurs besoins, d’investir dans plus de stock, d’achalander de nouvelles catégories de produits, et d’être prêts pour les grands événements commerciaux comme Noël ou le Black Friday.

Le potentiel de développement pour votre activité repose également sur votre capacité à toucher les vendeurs et les acheteurs des zones les plus rurales. Quelle est votre stratégie ? Alibaba a su très bien gérer cet aspect en Chine : offrir un support aux acheteurs et aux vendeurs pour apprendre à créer un compte, gérer sa boutique en ligne, gérer ses stocks, etc. Jumia a de son côté créé une « Jumia Force » : un réseau de plus de 50 000 agents, affiliés à Jumia, qui vendent les produits Jumia à leurs familles, leurs amis, leurs connaissances qui n’ont pas forcément accès à Internet. Ils vont commander sur le site au nom de leurs contacts et reçoivent une commission. L’autre mission de cette « Jumia Force » est de former les vendeurs potentiels pour leur permettre de diffuser leurs produits, au-delà de leur zone géographique habituelle. Quelle est la part d’activité B2B sur votre plateforme ? Pour l’instant, Jumia est une plateforme B2C. Nous sommes en discussion avec plusieurs acteurs, par exemple du monde des engrais, pour permettre aux agriculteurs de commander leurs engrais de manière beaucoup plus simple, moins onéreuse, d’avoir plus de transparence sur les prix. Sur le long terme, comme cela se passe en Europe, le développement du B2B est l’étape suivante. Et à ce titre, notre présence dans 14 pays est un actif très précieux pour nous imposer !

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Le mobile money au service de l’agriculture du futur Antoine Navarro – Consultant manager services financiers mobiles, Sofrecom

Ronan Paillon – Consultant services financiers mobiles, Sofrecom

L’agriculture est un secteur économique prépondérant dans les pays en développement. Pourtant, elle peine souvent à assurer la subsistance des exploitants : en 2015, 85 % des personnes vivant sous le seuil de pauvreté habitaient des zones rurales. La faible productivité, l’exposition aux aléas climatiques et le difficile accès aux marchés à forte valeur ajoutée sont les principaux freins au développement. En permettant l’accès à des services financiers et non financiers adaptés, le mobile a un rôle clef à jouer dans le développement rural et agricole. Imaginons le quotidien connecté de l’agriculteur du futur, plus productif, financièrement inclus, intégré dans une chaîne de valeur et respectueux de l’environnement.

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Mali, 2030. Badra est agriculteur et cultive le sorgho dans la région de Sikasso, au sud est du Mali. Depuis quelques années, il fait partie d’une coopérative agricole. Grâce aux outils numériques et à des partenariats adaptés, il a pu consolider son activité, stabiliser sa production et ses revenus, et entreprendre sereinement de nouveaux projets.

IoT et outils mobiles au service d’une meilleure récolte En début de campagne, le tracker GPS du tracteur de la coopérative indique à Badra que l’un de ses voisins vient de le déposer dans le hangar partagé. Il réserve immédiatement le tracteur sur son mobile et le montant de cette location est prélevé sur son compte mobile money. Une fois le semis terminé, il surveille la température du sol et le taux d’humidité grâce aux capteurs et senseurs qui couvrent son terrain. Connectés grâce au réseau LoRa (Long Range ou« longue portée »), les capteurs achetés via sa coopérative ont une durée de vie de 10 ans et consomment très peu d’énergie. Une interface intuitive lui donne accès à des indicateurs essentiels, mais il a également choisi de partager ces données avec la coopérative. De cette manière, le consultant agricole de la coopérative peut anticiper ses besoins et lui délivrer des conseils lors de ses tournées hebdomadaires.

Quand le taux d’humidité est trop faible, il s’approvisionne en eau auprès des citernes partagées de sa coopérative. Les capteurs connectés de la citerne lui permettent à tout moment de consulter la quantité d’eau qu’il peut prélever, calculée en fonction de la taille de son exploitation et du taux de remplissage, afin de garantir l’équité entre les membres. Pour prélever de l’eau, il scanne le code QR de la citerne qui le reconnaît immédiatement. La citerne débloque la quantité d’eau demandée selon un modèle pay-as-you-go qui prend en compte les règles de la coopérative et la capacité de paiement sur son compte de mobile money. Grâce à son offre mobile dédiée aux agriculteurs, Badra assure la bonne croissance de ses plants. En soumettant une simple photo d’un des plants qu’il croit malade à la communauté d’agriculteurs, il identifie une infection au mildiou et trouve des solutions éprouvées par d’autres exploitants de la région.

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Comme les coopératives de la région travaillent de concert pour répondre aux problèmes les plus fréquents, il accède facilement à une vidéo en langue locale lui expliquant comment traiter ses plans naturellement grâce à une solution peu coûteuse et respectueuse des sols élaborée à partir de plantes locales. Le traitement est dispersé à basse altitude grâce à un drone guidé par une intelligence artificielle qui détecte les plans infectés et vaporise avec précision. Qualité et traçabilité pour une rémunération juste des producteurs Le jour de la récolte du sorgho, la coopérative de Badra se charge de venir récupérer le fruit de son travail. La céréale est pesée sur une balance connectée. Des prélèvements sont également réalisés pour le contrôle qualité grâce au laboratoire portable qui envoie les résultats à un expert à Bamako. La production est ensuite emballée. Tous les sacs disposent d’une puce NFC qui garantit la traçabilité et assure les grossistes que la production respecte le cahier des charges du standard de qualité « CODEX STAN 172-1989 » de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). Cette certification permet à certains membres de la coopérative d’accéder plus facilement aux marchés à l’export et d’augmenter leurs revenus grâce aux premiums que permet la garantie de qualité. Badra reçoit l’argent sur son compte de mobile money. Il peut à tout instant consulter le cours du prix du sorgho sur les marchés malien et mondial et ainsi vérifier que sa récolte a été vendue au juste prix.

l’institution financière et un fournisseur agricole, Badra bénéficiera de tarifs négociés sur l’achat de matériels ou d’intrants nécessaires à la production. Pour s’assurer des revenus récurrents, l’agriculteur met également de côté une partie de sa production qu’il transforme en farine grâce aux moulins à énergie solaire en libre-service de la coopérative. Il vend par la suite la farine sur une place de marché en ligne en postant une annonce sur l’application « sugufyè ». Il trouve un acheteur facilement et se rend au marché à plusieurs heures de voiture avec la certitude de ne pas se déplacer pour rien et d’y rencontrer des acheteurs. Pour la prochaine campagne, Badra pense acheter une nouvelle parcelle. Grâce à ses revenus dont la stabilité est démontrée par la bonne tenue de son compte de mobile money, il obtiendra un crédit à taux avantageux. D’autant que la coopérative se portera garante et déduira le remboursement du paiement des prochaines campagnes. Afin d’éviter tout problème en cas de mauvaise année, il en profite pour souscrire une assurance récolte pour ses deux parcelles. Les drones de l’assurance cartographieront ses champs et pourront le cas échéant constater les sinistres en cas de sécheresse ou d’inondation.

Des services financiers adaptés pour accompagner les agriculteurs La culture du sorgho est cyclique. En octobre, lorsqu’il a tout vendu, Badra sait qu’il n’a plus de grosse entrée d’argent avant l’année suivante. Pour pallier ce problème de trésorerie, il a souscrit un produit d’épargne bloquée auprès de son institution financière. L’argent est débloqué tous les mois sur son compte de mobile money, ce qui lui permet de mieux gérer sa trésorerie. Une petite partie est également épargnée sur un sous-compte dédié jusqu’à la prochaine campagne agricole. Grâce à un partenariat entre

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Conclusion L’Afrique a été incontestablement, durant les dix dernières années, un continent particulièrement dynamique en matière d’innovation dans les services de paiement, de développement d’offres de services par téléphone mobile et de transformation des habitudes des usagers. Cette position singulière, favorisée par la nécessité de suppléer au manque d’infrastructures et par le dynamisme du continent, ne doit pas dissimuler le fait que partout dans le monde, les mécanismes de paiement sont entrés dans une transformation profonde et radicale. Si l’on veut résumer en un mot pourquoi se profile aujourd’hui une « révolution des paiements », on peut dire que c’est parce que TOUT change.

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Toutes ces tendances dessinent, un peu partout, le même mouvement de transformation qui peut se présenter, simplement, comme un puissant mouvement de recomposition de la chaîne de valeur. La digitalisation favorise l’arrivée de nouveaux acteurs issus du monde des géants de l’Internet. Pour des spécialistes de l’analyse des données, l’accès aux informations relatives aux paiements effectués par chaque individu constitue un véritable eldorado, d’abord par la connaissance poussée des besoins de chacun, ensuite parce que le support de paiement qui est désormais le Mobile ou Smartphone est un fantastique support de publicité et d’action commerciale donc une source de revenus complémentaires. À l’évidence, les enjeux associés à la transformation du marché des services de paiement mobiles seront majeurs aussi bien pour les banques traditionnelles que pour les opérateurs de télécommunications. Qu’il s’agisse de transferts de fonds ou des enjeux relatifs à l’inclusion financière, banques et opérateurs télécoms ne peuvent pas laisser les flux leur échapper. Ils doivent faire de la reconquête des parts de marché, un objectif prioritaire. Les facteurs de changement s’accumulent et doivent être traités, dès à présent, de façon structurée. L’enjeu est de continuer à innover pour générer de la croissance et du revenu. La suite… est déjà une autre histoire. Il revient aux différents acteurs du secteur (banques, opérateurs, établissements de crédit...) et aux autorités de la région d’anticiper les évolutions qui s’annoncent, de mesurer leur importance pour le développement du continent et de faire en sorte que ces fantastiques opportunités technologiques, commerciales et réglementaires soient des leviers efficaces au service du développement économique du continent et du mieux-être de ses habitants. Claire Khoury Directrice du marketing, de la communication et de la RSE, Sofrecom

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Responsables éditoriaux : Aurore Guichard, Fanny Millet, Sylvain Morlière

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Contributeurs : Julien Guyotte, Rambert Namy, Antoine Navarro, Ronan Paillon, Vincent Weber

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