Dans un mois, cela fera soixante-dix ans que la Gestapo a arrêté celui ...

confia à la maîtresse de maison, à qui il avait laissé le soin d'écouter la BBC: “Si un message passe avec 28, c'est pour moi“. Alors quelques minutes plus tard, ...
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Miribel a une histoire, une histoire qui parfois a fait l‘Histoire. Du nom d‘une rue à une plaque commémorative, une balade en terres miribelanes peut mettre en valeur ces souvenirs, parfois oubliés. Dans un mois, cela fera soixante-dix ans que la Gestapo a arrêté celui qui, quelques semaines auparavant, était encore présent à Miribel, sous le nom de Max, seul nom qu‘on lui connaissait d‘ailleurs dans cette zone de la Côtière. Plus qu‘une anecdote, cette histoire a vu se dessiner les MUR, Mouvements Unis de la Résistance, alors que de grandes figures œuvraient dans l‘ombre a l‘élaboration d‘un plan qui allait bouleverser l‘issue de la Seconde Guerre Mondiale, au moins pour la France. Parmi ces figures, on retrouve des illustres, tels Jean Moulin évidemment, mais aussi d‘autres qui, s‘ils sont moins connus, ont tenu un rôle primordial dans cette épopée, à l‘image de Henri Deschamps. Car s‘il est vrai que de France ou de Navarre le nom de Moulin peut trouver meilleur écho dans les jeunes mémoires que Deschamps, ii ne faut pas omettre le fait qu‘Henri Deschamps fut un grand résistant, ce qui lui vaut aujourd‘hui d‘avoir une école et une avenue à son nom sur la commune. Henri Deschamps justement, tout commence par lui. Cet homme, enseignant de mathématiques, fut un hôte particulièrement apprécié, un hôte qui a également permis, avec son épouse, de retracer quelques anecdotes et péripéties vécues en ce temps-là. Tout commence par un parachutage, dans la nuit du 1er au 2 janvier 1942, où trois hommes tombent du ciel: Max, délégué pour la zone sud du Comité National 1

de la France Libre, Hervé et Sif, deux autres “hommes de l‘ombre“. Et six mois plus tard, Henri Deschamps prenait contact avec ce même Hervé, devenant par là même, le 1er septembre, l‘agent P2, chargé de mission pour les parachutages en zone sud au compte du mouvement Franc-Tireur. Alors quand en décembre 1942 un certain Max débarqua sur la Côtière, c‘est tout naturellement que la famille Deschamps se retrouva chargée de l‘accueillir dans son foyer. Pour l'anecdote, ce premier séjour fut plus long que prévu puisque l‘avion devant ramener Max à Londres eut une semaine de retard; pour autant tout au long de cette semaine supplémentaire, comme le reste du temps qui suivra, celui qui se faisait appeler Max demeurait silencieux. Bien des années plus tard, Henri Deschamps confia par ailleurs qu‘il “taisait tout ce qui touchait à son passé. Il laissait dans l'ombre ce qui avait été sa vie, non par défiance, mais par précaution, parce qu'il possédait ce sens profond de la clandestinité qui imposait une perpétuelle discrétion“. Max revint chez les Deschamps avec une mission : établir la formation effective des MUR Le mois suivant, Max revint chez les Deschamps, avec une mission, évidemment secrète, qui revêtait une importance plus capitale encore qu‘à l‘accoutumée: établir la formation effective des MUR. C‘est d‘ailleurs de cette manière que bien du beau monde est passé par notre non moins belle commune. Parmi ces personnes, on retrouve notamment Henri Frenay, chef du mouvement Combat, Emmanuel d‘Astier de La Vigerie, fondateur du mouvement Libération, et Jean-Pierre Lévy, chef de Franc-Tireur, qui échangeaient donc au cours de réunions pour travailler l‘unification de leur mouvement respectif. Et c‘est ici même, chez les Deschamps, que Moulin et les autres convives ont mené moultes discussions, tantôt tempétueuses tantôt encourageantes. C‘est ici même que Jean Moulin, réussissant à composer avec les désirs de chacun, a donné naissance aux MUR. La maman de Léontine a fêté ses 28 ans Quelques semaines plus tard, Max revint chez ses hôtes, où il rencontra Jules Moch, qui s‘était évadé du Portalet en février 43 avant de se réfugier à Miribel en l‘attente d‘un départ pour l‘Angleterre. Les deux hommes, qui se connaissaient bien depuis la Guerre d‘Espagne, ont alors dialogué, principalement de plans et missions. Comme d‘habitude, Max repartit, et finit par revenir, pour la dernière fois. Cette fois il était accompagné du général Delestraint, et alors que tous deux étaient épuisés, Moulin confia à la maîtresse de maison, à qui il avait laissé le soin d‘écouter la BBC: “Si un message passe avec 28, c‘est pour moi“. Alors quelques minutes plus tard, quand elle s‘approcha de lui pour répéter la phrase qui venait d‘être diffusée, “La maman de Léontine a fêté ses 28 ans", il bondit, cela signifiait qu‘un avion britannique viendrait prendre les deux hommes sur le terrain de Montmorot. Dans la précipitation, il oublia ses gants, que Mme Deschamps remit à sa bonne en lui expliquant: “Courrez vite les donner au plus grand des deux messieurs !“ Max se retourna, leur lançant: “J'essaierai de vous donner des nouvelles“. C‘était là les dernières paroles que les Deschamps entendirent de la bouche de Moulin.

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Le 4 juin 1943, Klaus Barbie descendit en gare de Miribel L‘après-midi du dimanche 4 juin 43, en gare de Miribel, trois membres de la Gestapo, parmi lesquels Klaus Barbie, descendirent du train. Les Miribelans, connaissant l‘engagement des Deschamps, se précipitèrent pour les avertir. Madame Deschamps partit se cacher dans le cimetière, puis se réfugia à Marlieux avant de gagner le maquis de la Corrèze, tandis qu‘Henri partit pour Londres, avant de revenir début octobre 43 en France, à Manziat. Trouvant donc maison vide chez les Deschamps, la milice arrêta la sœur de Mme Deschamps puis s‘installa dans la maison afin d‘être présente sur Miribel. Si bien des bruits ont couru sur les exactions perpétrés par la Gestapo en cette demeure, aucune preuve n‘a pu être apporté sur ce point. Dans le même temps, le général Delestraint fut arrêté le 9 juin, puis douze jours plus tard, ce fut le tour de Jean Moulin, ou Max pour les Deschamps et tant d‘autres. Si les cérémonies ont pour but d‘exercer un devoir de mémoire, c‘est avant tout aux habitants de se souvenir qu‘il n‘y a pas de grande Histoire sans petites histoires. En voici une qui s‘est déroulé à Miribel. Le 5 septembre 1954, dixième anniversaire de la libération de Miribel, une plaque commémorative était apposée au 16 de la Grande Rue, et lorsque dix ans plus tard les cendres de Moulin étaient déplacés au Panthéon, un certain Henri Deschamps était présent pour rendre un dernier hommage à un grand homme, un résistant, mais aussi un ami. K.P.

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