COUR D'APPEL
No: 500-09-000549-899 (505-05-000727-880) Le 15 novembre 1995 CORAM: LES HONORABLES
GENDREAU BAUDOUIN FISH, JJ.C.A.
MICHÈLE GODBOUT, APPELANTE - (demanderesse) c. VILLE DE LONGUEUIL, INTIMÉE - (défenderesse) et PROCUREUR GÉNÉRAL DU QUÉBEC MISE EN CAUSE - (mise en cause)
Nous sommes saisis d'une requête qui recherche la correction de notre jugement et subsidiairement sa rétractation.
Le 14 septembre dernier, nous avons fait droit à l'appel de l'appelante en annulant la résolution de l'intimée, en ordonnant la réintégration de Madame Godbout dans son emploi et en condamnant
+)))))))))))))))))))))))))))))))), * CODE VALIDEUR = E74N73SU6O .))))))))))))))))))))))))))))))))-
*
1995 CanLII 4750 (QC CA)
PROVINCE DE QUÉBEC GREFFE DE MONTRÉAL
-2500-09-000549-899 l'intimée à lui payer une somme représentant le manque à gagner,
première instance.
Notre jugement fait également état de l'absence d'une demande suivant l'article 523 C.p.c. permettant de statuer sur les dommages
pour
supérieure.
la
période
postérieure
au
jugement
de
la
Cour
La requérante nous avait, à l'audience, et sans autre
avis, offert d'être entendue séance tenante, ou d'être crue à son affidavit pour ces dommages.
Devant les objections de l'intimée
qui n'en avait été prévenue que verbalement et n'avait reçu que certains documents d'emploi par télécopieur, deux jours seulement avant l'audition, nous avions écarté cette procédure qui était irrégulière.
Le rôle étant connu et distribué plusieurs semaines
à l'avance, il incombait donc à l'appelante d'établir, par les moyens appropriés, l'actualisation de ses dommages avant l'audition du pourvoi sur le fond. L'opinion écarte aussi l'opportunité, dans les circonstances, de prononcer, proprio motu une ordonnance de renvoi du dossier à la Cour supérieure.
L'intimée prétend que ces
deux conclusions signifient que la Cour a tranché, en la rejetant, la demande suivante incluse à l'avis d'appel:
CONDAMNER la défenderesse-intimée (...) à indemniser la demanderesse-appelante de toutes pertes salariales et autres subies depuis cette date jusqu'au jour de la réintégration, déduction faite de ce qu'elle a gagné ailleurs (...)
+)))))))))))))))))))))))))))))))), * CODE VALIDEUR = E74N73SU6O .))))))))))))))))))))))))))))))))-
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tel qu'établi entre les parties, à la date de l'audition en
-3500-09-000549-899 L'appelante plaide pour sa part que rien n'a été décidé sur
À notre avis, l'appelante pourrait avoir raison, stricto sensu. En effet, la question fut étudiée à l'opinion sans toutefois que l'arrêt formel n'y réfère expressément.
Il y a donc lieu de remédier à cette carence susceptible de compliquer inutilement les relations juridiques futures des parties en apportant les précisions nécessaires.
POUR CE MOTIF, la Cour
ACCUEILLE la requête, sans frais, aux fins d'ajouter à l'arrêt la conclusion suivante:
"REJETTE, parce qu'inexécutoire, la conclusion de l'avis d'appel qui se lit ainsi: CONDAMNER la défenderesse-intimée (...) à indemniser la demanderesseappelante de toutes pertes salariales et autres subies depuis cette date jusqu'au jour de la réintégration, déduction faite de ce qu'elle a gagné ailleurs (...)
tout droits
en
réservant
à
l'appelante
et recours découlant du présent arrêt." +)))))))))))))))))))))))))))))))), * CODE VALIDEUR = E74N73SU6O .))))))))))))))))))))))))))))))))-
*
tous
ses
1995 CanLII 4750 (QC CA)
la demande relative aux dommages postérieurs au jugement du procès.
-4-
PAUL-ARTHUR GENDREAU, J.C.A.
JEAN-LOUIS BAUDOUIN, J.C.A.
MORRIS J. FISH, J.C.A. Me France Saint-Laurent Avocate de l'appelante; Me Pierre Lefebvre Me Jean-Jacques Rainville Avocats de l'intimée. Date de l'audition:
Le 14 novembre 1995
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1995 CanLII 4750 (QC CA)
500-09-000549-899
-5500-09-000549-899
1995 CanLII 4750 (QC CA)
COUR D'APPEL PROVINCE DE QUÉBEC GREFFE DE MONTRÉAL No: 500-09-000549-899 (505-05-000727-880) Le 14 septembre 1995 CORAM: LES HONORABLES
GENDREAU BAUDOUIN FISH, JJ.C.A.
MICHÈLE GODBOUT, APPELANTE - (demanderesse) c. VILLE DE LONGUEUIL, INTIMÉE - (défenderesse) et PROCUREUR GÉNÉRAL DU QUÉBEC, MIS EN CAUSE - (mis en cause)
LA COUR, saisie d'un pourvoi contre un jugement de la Cour supérieure du district de Longueuil, rendu le 31 mars 1989 par l'honorable Gérard Turmel, rejetant avec dépens l'action directe en mullité des résolutions du Comité exécutif et du Conseil municipal
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-6500-09-000549-899 de
l'intimée,
ainsi
que
les
demandes
de
réintégration
et
de
Après étude, audition et délibéré; Pour les motifs exprimés dans les opinions de MM. les juges Paul-Arthur Gendreau, Jean-Louis Baudouin et Morris Fish dont copies sont déposées avec les présentes; ACCUEILLE le pourvoi avec dépens; DÉCLARE nulles la résolution CE 84-1491 du Comité exécutif de l'intimée et la résolution CM 84-1286 du Conseil municipal de l'intimée; DECLARE nulle la résolution du Conseil municipal CM 880217-63 mettant fin à l'emploi de l'appelante; ORDONNE la réintégration de l'appelante dans son poste; CONDAMNE l'intimée à payer à l'appelante, à titre de dommages, la somme de 10 763,47 $ avec intérêts et indemnité supplémentaire calculés selon les règles habituelles.
PAUL-ARTHUR GENDREAU, J.C.A.
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dommages-intérêts de l'appelante;
-7500-09-000549-899
MORRIS J. FISH, J.C.A.
Me France St-Laurent (TRUDEL, NADEAU) Procureure de l'appelante Me Jean-Jacques Rainville Me Mario Saint-Pierre (DUNTON, RAINVILLE) Procureurs de l'intimée Me Jeanne Leclerc (BERNARD, ROY & ASS.) Substitut du Procureur général
AUDITION:
13 octobre 1994
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JEAN-LOUIS BAUDOUIN, J.C.A.
COUR D'APPEL
1995 CanLII 4750 (QC CA)
PROVINCE DE QUÉBEC GREFFE DE MONTRÉAL No: 500-09-000549-899 (505-05-000727-880)
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GENDREAU BAUDOUIN FISH, JJ.C.A.
MICHÈLE GODBOUT, APPELANTE - (demanderesse) c. VILLE DE LONGUEUIL, INTIMÉE - (défenderesse) et PROCUREUR GÉNÉRAL DU QUÉBEC, MIS EN CAUSE - (mis en cause)
OPINION DU JUGE FISH Je suis tout à fait d'accord avec l'opinion de M. le juge
Baudouin.
Je
n'estime
cependant
pas
nécessaire
de
me
prononcer sur l'applicabilité à l'instance de la Charte québécoise des droits et libertés de la personne.
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-1500-09-000549-899 MORRIS J. FISH, J.C.A. 1995 CanLII 4750 (QC CA)
COUR D'APPEL PROVINCE DE QUÉBEC GREFFE DE MONTRÉAL No: 500-09-000549-899 (505-05-000727-880)
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GENDREAU BAUDOUIN FISH, JJ.C.A.
MICHÈLE GODBOUT, APPELANTE - (demanderesse) c. VILLE DE LONGUEUIL, INTIMÉE - (défenderesse) et PROCUREUR GÉNÉRAL DU QUÉBEC, MIS EN CAUSE - (mis en cause)
OPINION DU JUGE BAUDOUIN I. LES FAITS
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L'appelante a été engagée par la Ville de Longueuil comme employée auxiliaire le 7 juin 1985. à
l'essai,
un
poste
d'archiviste
puis
Elle a d'abord occupé, celui
de
préposée
aux
Elle était alors résidente de Longueuil depuis août 1976.
Le
17
février
1986,
son
employeur,
avant
de
lui
accorder la permanence d'emploi, lui fit signer la déclaration suivante:
DÉCLARATION DE LIEU DE RÉSIDENCE HABITUELLE Je m'engage, par la présente, à établir ma résidence habituelle sur le territoire et dans les limites de la Ville de Longueuil dans un délai maximum de seize (16) mois à compter de la date de mon embauchage. Je m'engage également, par la présente, à maintenir ma résidence habituelle sur le territoire et dans les limites de la Ville de Longueuil, pour toute la durée de mon emploi à la Ville de Longueuil. Je comprends et j'accepte que le défaut de remplir les conditions ci-haut décrites justifiera mon renvoi, sans autre avis. (Pièce P-I, m.a. p. 142)
Cet engagement, unilatéralement imposé par l'employeur, faisait suite à la résolution CE 84-1491 du 23 octobre 1984, du Comité exécutif
de
la
ville,
subséquemment
adoptée
par
le
Conseil
municipal le 7 novembre 1984 par la résolution CM 84-1286. Cellesci visent toutes les deux à appliquer une politique générale favorisant l'embauche de citoyens résidents de la municipalité.
Le 21 mai 1986, l'appelante obtint donc le statut d'employée permanente.
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télécommunications de la force policière de cette municipalité.
-3500-09-000549-899 Environ
un
an
plus
tard,
soit
le
29
mai
1987,
de Longueuil, une résidence à Chambly et s'y installa, non sans avoir préalablement informé le directeur du service de police de son déménagement.
Le 19 janvier 1988, la direction du personnel rencontra l'appelante pour tenter de la persuader, en vain, de revenir vivre dans la Municipalité de Longueuil.
Le 17 février 1988, le Conseil municipal de Longueuil, appliquant la politique précédemment adoptée, congédia l'appelante (résolution CM 880217-63).
Il est admis que le seul et unique motif de ce congédiement prestations
est de
le
changement
travail
de
de
domicile.
l'appelante,
sa
La
qualité
ponctualité
et
des sa
disponibilité ne sont aucunement mises en cause.
L'appelante s'est alors pourvue par action directe en nullité et en dommages, alléguant l'illégalité de la résolution en question.
Elle a mis en cause le Procureur général du Québec.
Sa
réclamation qui se chiffrait à quelque 24 111,16 $ fut réduite, lors de l'audition en Cour supérieure, à 10 763,47 $.
Elle demande
donc le paiement de cette somme, la différence entre ce qu'elle +)))))))))))))))))))))))))))))))), * CODE VALIDEUR = E74N73SU6O .))))))))))))))))))))))))))))))))-
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1995 CanLII 4750 (QC CA)
l'appelante acquit avec son conjoint, lui-même policier à la Ville
-4500-09-000549-899 aurait dû gagner à la Ville de Longueuil et ce qu'elle a perçu dans
II. LE JUGEMENT DE LA COUR SUPÉRIEURE
La Cour supérieure ([1989] R.J.Q. 1511) a rejeté sa réclamation pour plusieurs motifs .
Tout d'abord, et de façon
préalable, la Cour est d'avis que la résolution contestée a été régulièrement
adoptée
dans
les
circonstances
de
l'espèce.
Examinant ensuite la validité de celle-ci, la Cour estime qu'elle ne contrevient pas à l'article 10 de la
Charte des droits et
libertés de la personne, L.R.Q. c. C-12, d'une part et, d'autre part,
que
la
Charte
Le
pourvoi
canadienne
n'a,
en
l'espèce,
aucune
application.
de
l'appelante
soulève
deux
points
principaux, soit:
1>
l'applicabilité à l'espèce des dispositions de la Charte canadienne;
2>
la
contravention
de
la
résolution
attaquée
aux
dispositions de la Charte québécoise des droits et libertés et à la loi.
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1995 CanLII 4750 (QC CA)
son nouvel emploi et, enfin, d'être réintégrée dans ses fonctions.
-5500-09-000549-899 En somme la question de droit soulevée par le pourvoi peut être
L'imposition
d'une
clause
contractuelle
posant
comme
condition d'emploi et de continuation de l'emploi le maintien d'une résidence dans les limites de la municipalité-employeur est-elle légale?
La longueur un peu inhabituelle du délibéré devant notre Cour est due tout d'abord au fait qu'un point de droit majeur, à savoir l'application à l'espèce de la norme de l'ordre public judiciaire, n'a pas été développé et discuté à fond par les parties, ni dans leurs mémoires, ni dans leurs plaidoiries. Cour a donc été obligée de le soulever proprio motu.
Notre
Ensuite mes
collègues et moi-même sommes posés la question, également non abordée dans les mémoires, de l'actualisation des dommages subis. Là aussi, notre Cour a été obligée, durant le délibéré, de faire le point sur ce problème.
III. LE DROIT
A. La légalité de la résolution
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1995 CanLII 4750 (QC CA)
résumée de la façon suivante:
-6500-09-000549-899 Je ne m'étendrai pas longtemps sur l'argument liminaire
aurait été irrégulièrement adoptée, parce que la politique visée dans la résolution du Comité exécutif n'aurait pas été valablement approuvée par le Conseil municipal.
Celui-ci, en effet, dans sa
résolution du 7 novembre 1984 a simplement ...« pris acte»... du procès-verbal du Comité exécutif qui avait sanctionné celle-ci. L'appelante prétend que cette résolution du Conseil n'a donc qu'une valeur de constat et non d'approbation.
Comme
l'écrit
le
juge
de
première
instance,
cet
argument porte à faux, puisque le Conseil municipal ne pouvait prendre que quatre initiatives par rapport à la décision du Comité exécutif, soit l'approuver, la rejeter, la modifier ou la lui retourner. Il est évident, en l'espèce, que la décision du Conseil municipal du 7 novembre 1984 ne saurait s'interpréter autrement que comme une approbation.
Or, celle-ci n'a pas à être faite par
l'emploi
sacramentelle,
d'une
formule
mais
peut
au
contraire
s'inférer du contexte.
1> La légalité par rapport à la Charte canadienne
L'appelante a longuement plaidé que la résolution visant l'établissement d'une résidence dans la municipalité devait +)))))))))))))))))))))))))))))))), * CODE VALIDEUR = E74N73SU6O .))))))))))))))))))))))))))))))))-
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soulevé par l'appelante, à l'effet que la résolution contestée
-7500-09-000549-899 être qualifiée de règle imposée par un gouvernement, donc d'acte Elle avance, à cet
égard, que la Ville de Longueuil est une créature du gouvernement provincial et, à ce titre, un simple agent ou mandataire de ce dernier,
ce
canadienne.
qui
justifie
donc
l'application
de
la
Charte
Elle invoque que son droit à la sécurité (art. 7) et
à l'égalité (art. 15) ont été brimés. Ainsi, les trois principales conditions pour que les dispositions de la Charte canadienne puissent être mises en oeuvre se trouveraient réunies.
Pour que la Charte canadienne puisse servir de moyen de contrôle de légalité, encore faut-il que l'acte reproché puisse être
qualifié
d'acte
gouvernemental.
Le
seul
fait
que
les
municipalités soient juridiquement créées par les provinces est insuffisant, en lui-même, à en faire, sans nuances et dans tous les cas, des créatures ou des agents provinciaux d'une part et, d'autre part, à imposer à toutes leurs actions le nécessaire qualificatif d'acte gouvernemental.
La notion d'acte gouvernemental a d'abord été analysée en 1986 dans l'arrêt Syndicat des détaillants, grossistes et magasins à rayons, section locale 580 c. Dolphin Delivery Ltd. , [1986] 2 R.C.S. 573, qui, du moins en obiter, a laissé ouverte la possibilité d'application de la Charte à certains domaines du droit privé (Voir: Y.M. MORISSETTE, Certains problèmes d'applicabilité +)))))))))))))))))))))))))))))))), * CODE VALIDEUR = E74N73SU6O .))))))))))))))))))))))))))))))))-
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gouvernemental au sens de l'article 32(1).
-8500-09-000549-899 des
Chartes
des
droits
et
libertés
en
droit
québécois,
dans
Cowansville, Éditions Yvon Blais, 1988, p. 199).
Le contenu exact
de l'article 32(1) de la Charte a, par la suite, fait l'objet de précisions.
Ainsi, dans
McKinney c. Bureau des gouverneurs de
l'Université de Guelph, [1990] 3 R.C.S. 229, la Cour suprême a développé deux tests devenus classiques: le test institutionnel et le test fonctionnel, même si, à ma connaissance, aucune décision de principe n'a encore été prise relativement à leur application spécifique aux municipalités ou à leurs actes.
Le premier vise à déterminer si l'organisme n'est qu'un mandataire, une sorte d'alter ego du gouvernement provincial ou fédéral, donc un authentique acteur gouvernemental. Ce test entend mesurer
le
degré
gouvernement.
d'autonomie
de
l'organisme
par
rapport
Tout est ici question de circonstances.
au
On ne
saurait donc s'étonner que la Cour ait décidé d'un côté qu'un hôpital ne faisait pas partie de la branche administrative d'un gouvernement provincial (Stoffman c. Vancouver General Hospital, [1990] 3 R.C.S. 483), et, d'un autre côté, qu'une université ou un collège pouvait l'être
( Douglas College c. Procureur général du
Canada, [1990] 3 R.C.S. 570).
C'est donc, selon ce premier
exercice, l'évaluation du degré de contrôle du gouvernement sur l'organisme qui fonde l'application des dispositions de la Charte
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«Application des Chartes des droits et libertés en matière civile»,
-9500-09-000549-899 (Lavigne c. Syndicat des employés de la Fonction publique de
Le second est le test fonctionnel.
Il s'agit, selon
la jurisprudence précitée de la Cour suprême, de déterminer si, malgré l'autonomie dont jouit l'organisme, la fonction précise exercée en l'espèce peut être qualifiée de
gouvernementale.
La
question a bien été résumée par les professeurs H. BRUN et G. TREMBLAY dans leur ouvrage de droit constitutionnel dans les termes suivants:
Suivant le critère fonctionnel, toutes les autres institutions de l'Administration publique sont également sujettes à la Charte, mais eu égard seulement à leurs actes qui sont de nature gouvernementale. La Cour suprême parle de branche exécutive ou administrative où existe une intervention gouvernementale. Ainsi une municipalité est soumise à la Charte pour les règlements qu'elle adopte, mais ne l'est pas pour la convention collective qu'elle signe avec un syndicat d'employés. Il faut dire toutefois qu'il n'est pas toujours aussi facile de faire la distinction entre ce qui est de nature gouvernementale et ce qui ne l'est pas. L'on peut croire que la différence à faire est entre les actes par lesquels l'Administration exerce la puissance publique, c'est-à-dire ceux par lesquels elle exerce unilatéralement la contrainte et d'autre part les actes de pure gestion. (p. 802) (Les soulignements sont les miens.) (H. BRUN et G. TREMBLAY, Droit constitutionnel, 2e éd., Cowansville, Éditions Yvon Blais, 1990)
(Voir aussi: P. GARANT, Droit administratif, 3e éd., Cowansville, Éditions Yvon Blais, 1992, pp. 36 et s.).
Il n'est donc pas exclu qu'une municipalité, malgré l'autonomie institutionnelle dont elle jouit, puisse se trouver soumise
à
la
Charte
pour
certains
actes
+)))))))))))))))))))))))))))))))), * CODE VALIDEUR = E74N73SU6O .))))))))))))))))))))))))))))))))-
qu'elle
*
pose
dans
1995 CanLII 4750 (QC CA)
l'Ontario, [1991] 2 R.C.S. 211 pp. 311 et s.).
-10500-09-000549-899 l'exercice, par elle, d'une authentique fonction gouvernementale.
et L. BORGEAT, Traité de droit administratif, 2e éd., Québec, Presses de l'Université Laval, 1984, T. I, pp. 259 et s.; P. GARANT, Droit administratif, 3e éd., Cowansville, Éditions Yvon Blais, 1992, pp. 36 et s.).
Un
auteur
a
d'ailleurs
récemment
souligné
la
distinction existant entre les décisions municipales qui peuvent avoir un caractère gouvernemental et celles qui relèvent uniquement de l'exercice d'un droit contractuel ordinaire.
Comme l'écrivait,
en effet, Me R. VERDON, Charte canadienne des droits et libertés: les
municipalités
ont-elles
toujours
une
vie
privée?
dans
«Développements récents en droit municipal (1992)», Cowansville, Éditions Yvon Blais, 1992, p. 79:
Pour ce qui est des décisions et activités municipales de droit privé qui seraient intrinsèquement gouvernementales, il y aurait tout d'abord lieu à notre avis d'exclure de cette catégorie, à la lumière des autorités précitées, toute la sphère des relations de travail, qu'il s'agisse des contrats individuels ou des conventions collectives. En cette matière, la municipalité embauche, promeut, démet et débauche ses employés-fonctionnaires à titre d'employeur comme un autre et non pas en tant que puissance publique. Rappelons immédiatement [...] que ce point de vue [...] prend appui sur une incontournable réalité juridique, à savoir qu'une municipalité n'est pas, institutionnellement parlant, un acteur visé par l'article 32 de la Charte, n'étant ni la législature, ni le gouvernement, ni même (il s'en faudrait de beaucoup!) un mandataire de ce dernier. Tout ceci pour rappeler que pour le gouvernement et ses mandataires, il en va tout autrement, puisque chez eux, aucune décision, aucune action n'échappe à la nécessité constitutionnelle d'être conforme à la Charte. (pp. 95 et s.)
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*
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La question a été abordée et discutée par la doctrine (R. DUSSAULT
-11500-09-000549-899 Dans la présente instance, il ne me paraît cependant
l'application à l'espèce de ces deux tests, pour une raison bien simple.
L'appelante invoque, en effet, au soutien de ses prétentions l'article 15 et l'article 7. Elle invoque, en réalité, un droit au travail, droit qu'aucune disposition de la Charte canadienne ne reconnaît formellement.
Le droit au travail est, en
effet, de nature essentiellement économique et ne relève pas, à ce titre,
du
périmètre
de
protection
accordée
par
la
Charte
à
l'article 15 (Irwin Toy Ltd. c. Procureur général du Québec, [1989] 1 R.C.S. 927).
Ensuite, selon une jurisprudence constante, ce
droit ne saurait non plus être fondé sur l'article 7:
l'obtention
ou la conservation d'un travail ne met pas, en effet, en cause la protection de la vie, de la liberté ou de la sécurité de la personne (R. c. Quesnel, (1985) 53 O.R. (2 d) 338 (C.A.O.); R. c. Sylvestre, (1986) 30 D.L.R. (4th) 639 (C.A.F.); Bellehumeur c. Savard, [1988] R.J.Q. 1576 (C.A.Q.)).
Je suis donc d'avis que ce premier motif doit être écarté et que la Charte canadienne, en l'occurrence, ne saurait recevoir application.
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pas nécessaire à la solution du litige, de me prononcer sur
-12500-09-000549-899
Contrairement
à
la
Charte
canadienne,
la
Charte
québécoise vise les rapports de droit privé et donc directement la présente instance.
Encore faut-il, cependant, pouvoir justifier
que l'acte de la municipalité contrevient à l'un ou l'autre des droits spécifiquement protégés par celle-ci.
L'appelante invoque
tour à tour ceux prévus aux articles 1, 3, 5 et 6.
a) Droit à la liberté de la personne (art. 1)
On est souvent tenté, vu la similitude d'expression législative entre l'article 7 de la Charte canadienne et l'article 1 de la Charte québécoise des droits et libertés de la personne, de conclure
que
le
contenu
exact
du
droit
à
la
liberté
est
rigoureusement identique dans les deux cas et, qu'en conséquence, l'ensemble de la jurisprudence canadienne, décidée en vertu de l'article
7,
est
applicable
l'interprétation
à
proposition,
tout
en
donner
à
respect,
en la est
bloc Charte
et
sans
nuance
québécoise.
fondamentalement
à
Cette inexacte.
Certes, la similitude des expressions, la richesse des analyses des tribunaux supérieurs et de la Cour suprême en particulier font qu'il serait illogique et surtout malheureux de se priver du bénéfice de ces réflexions.
Toutefois, les précédents ne peuvent
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1995 CanLII 4750 (QC CA)
2> La légalité par rapport à la Charte québécoise des droits et libertés de la personne
-13500-09-000549-899 valoir que par analogie, et donc comme rationes rationis et non
raison
et
non
celle
personnellement,
à
du
cet
précédent égard,
au
judiciaire. commentaire
Je
souscris
judicieux
du
Professeur André MOREL qui écrivait: (L'originalité de la Charte québécoise
en
péril,
dans
«Développements
récents
en
droit
administratif (1993)», Cowansville, Éditions Yvon Blais, 1993, 65):
« Respecter l'originalité de la Charte, c'est d'abord accepter de mener une démarche intellectuelle qui prenne appui sur le texte - souverain - de la Charte; une démarche qui, dans un effort indépendant d'analyse et d'interprétation, vise à lui faire réaliser pleinement son objet. C'est aussi accepter de ne pas lire la Charte à travers une jurisprudence qui, si autorisée soit-elle, n'est pas nécessairement pertinente et qui risque souvent de nous engager sur des voies qui, acceptables ailleurs, ne sont pas celles auxquelles son économie générale et ses dispositions devraient nous conduire. Même quand les résultats semblent se comparer, voire coïncider avec ceux d'autres lois, la Charte doit continuer de rester la justification
et le fondement ultime de toute solution, à peine d'occulter, comme on ne l'a fait que trop souvent depuis quinze ans, toute l'originalité qu'elle recèle et qui reste à découvrir.» (p. 89)
Ainsi, pour n'en prendre qu'une illustration, une importante différence entre les deux Chartes saute aux yeux.
La
jurisprudence sur la Charte canadienne reconnaît que la protection de l'article 7 ne couvre pas les droits reliés à la propriété, de même que les droits de type socio-économiques (Renvoi relatif au Public Service Employee Relations Act, [1987] 1 R.C.S. 313; Irwin Toy Ltd. c. Procureur général du Québec, [1989] 1 R.C.S. 927).
Au
contraire, la Charte québécoise contient pour sa part, dans son
+)))))))))))))))))))))))))))))))), * CODE VALIDEUR = E74N73SU6O .))))))))))))))))))))))))))))))))-
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comme rationes auctoritatis, c'est-à-dire avec l'autorité de la
-14500-09-000549-899 chapitre
IV,
l'énumération
de
certains
droits
économiques
et
Aucun de ceux-ci, cependant, ne touche directement le droit au travail.
Ceci
étant
dit,
il
me
paraît
difficile
de
lire
l'existence d'un droit à un travail précis et illimité, ou même d'un droit général au travail dans le concept du droit à la liberté protégé par l'article 1 (Voir: Béliveau c. Comité de discipline du Barreau, [1992] R.J.Q. 1822 (C.A.Q.); Schnaiberg c. Métallurgistes Unis d'Amérique, section locale 8990, [1993] R.J.Q. 55 (C.A.Q.)), puisque c'est bien là, à mon avis, la qualification que l'on doit donner au droit réclamé par l'appelante.
Ce n'est pas, en effet,
la liberté de mouvement qu'elle revendique, mais la liberté de travailler ou de garder un emploi sans qu'aucune contrainte ou limite ne lui soit imposée par l'employeur. En d'autres termes, ce qu'elle sollicite est le droit de s'installer où bon lui semble ET d'avoir un emploi.
b) Les libertés de conscience, de religion, d'opinion, d'expression, de réunion pacifique et d'association (art. 3)
Je ne m'attarderai pas longtemps à cet aspect de la question.
Avec la meilleure volonté du monde, je ne puis, en +)))))))))))))))))))))))))))))))), * CODE VALIDEUR = E74N73SU6O .))))))))))))))))))))))))))))))))-
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sociaux législativement protégés.
-15500-09-000549-899 effet, voir comment des libertés qui entrent toutes dans ce que
rapport quelconque avec la situation sous étude, ni directement, ni même par analogie.
c) Le respect de la vie privée (art. 5)
Le contenu exact de ce qu'est la vie privée, selon l'article 5 de la Charte, reste encore à définir.
Plusieurs
auteurs se sont efforcés d'en préciser l'étendue et les contours (Voir: P. GLENN, Le droit du respect de la vie privée, (1979) 39 R. du B. 879; P. MOLINARI et P. TRUDEL, Le droit au respect de l'honneur, de la réputation et de la vie privée: aspects généraux et applications, dans «Application des Chartes des droits et libertés en matières civiles», Cowansville, Éditions Yvon Blais, 1988, p. 197).
Il convient, toutefois contrairement à ce qui a été plaidé oralement devant nous, de ne pas confondre le droit à la vie privée, concept de droit civil et le «Right of Privacy», notion de common
law
et
plus
particulièrement
du
droit
américain,
au
périmètre beaucoup plus large et dont les tribunaux des U.S.A. et des autres provinces canadiennes se sont servis pour définir non seulement le droit à l'intimité stricto sensu, mais aussi certaines libertés publiques (Voir: P. BURNS,
The Law and Privacy: The
+)))))))))))))))))))))))))))))))), * CODE VALIDEUR = E74N73SU6O .))))))))))))))))))))))))))))))))-
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1995 CanLII 4750 (QC CA)
l'on pourrait appeler des libertés de croyance, peuvent avoir un
-16500-09-000549-899 Canadian Experience, (1976) 54 R. du B. can. 1; J. McCAMUS,
The
Orwell», Cowansville, Éditions Yvon Blais, 1985, p. 163).
D'une façon générale, le droit à la vie privée comprend au minimum le droit d'être laissé tranquille, c'est-à-dire celui de jouir
d'une
sphère
irréductible
d'intimité
à
l'intérieur
de
laquelle un tiers non autorisé ne peut librement pénétrer en toute impunité.
Le contenu du droit à l'intimité me paraît d'ailleurs
singulièrement renforcé depuis l'introduction au nouveau Code civil du Québec des articles 35 et s..
Celui-ci, qui d'après sa
disposition préliminaire ...«régit en harmonie avec la Charte des droits et libertés de la personne.... les rapports entre les personnes»... , prévoit désormais un ensemble de règles touchant la protection de la vie privée qui se caractérisent toutes par le désir de préserver la personne contre une intrusion sous quelque forme que ce soit, dans le cercle restreint de sa vie personnelle. On notera d'ailleurs, à cet égard, la similitude entre l'article 5 de la Charte des droits et libertés de la personne et le premier alinéa de l'article 35 C.c.Q..
En l'espèce, je vois donc mal comment le choix d'un lieu de résidence particulier pourrait faire partie du contenu de la vie privée dans le contexte sous étude (Voir: Fraternité des policiers de Val d'Or c. Ville de Val d'Or, D.T.E. 94T - 1442) ou +)))))))))))))))))))))))))))))))), * CODE VALIDEUR = E74N73SU6O .))))))))))))))))))))))))))))))))-
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Protection of Privacy: The Judicial Role, dans «Justice Beyond
-17500-09-000549-899 comment le seul fait de faire connaître à des tiers l'existence de Le concept
de vie privée me paraît beaucoup plus, comme le Tribunal des droits de la personne le mentionne dans Dufour c. Centre hospitalier StJoseph de la Malbaie, [1992] R.J.Q. 825, destiné à protéger ce qui fait partie de la vie intime de la personne, bref ce qui constitue un cercle personnel irréductible, à l'abri des indiscrétions.
De toute façon, même si l'on donnait au concept de vie privée le sens très large et très libéral que l'appelante invoque, il resterait que ce droit peut faire l'objet d'une restriction ou d'une
limitation
contractuellement
acceptée
(Frenette
c.
Metropolitan Life Insurance Co., [1992] 1 R.C.S. 647), ce qui donc serait le cas en l'espèce.
Je m'empresse d'ajouter également que nous ne nous trouvons pas du tout dans la même situation que dans l'affaire Brasserie Labatt Ltée c. Villa, [1995] R.J.Q. 73, qui mettait directement en cause, selon moi, une discrimination basée sur l'état civil et, selon mon collègue Gendreau, une contravention à l'article 5. pas
Dans cet arrêt, en effet, ce qui était en jeu n'était
l'établissement
relocalisation
du
d'un
lieu
domicile
précis
conjugal,
de qui
résidence, emportait
mais
la
certaines
conséquences négatives sur le partage de la vie commune pour le conjoint et les enfants, facteurs qui n'existent pas ici. +)))))))))))))))))))))))))))))))), * CODE VALIDEUR = E74N73SU6O .))))))))))))))))))))))))))))))))-
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1995 CanLII 4750 (QC CA)
sa résidence pourrait constituer une telle atteinte.
-18500-09-000549-899
L'appelante prétend enfin que la condition imposée par la Ville a pour effet de restreindre son droit de propriété. L'obligation de résidence spécifique ferait, selon elle, obstacle à
la
libre
acquisition
ou
disposition
de
ses
biens.
raisonnement, en tout respect, me paraît spécieux.
Ce
En effet,
l'imposition d'une obligation de résidence n'a aucunement pour conséquence
d'empêcher
ou
de
limiter
la
faculté
de
libre
disposition des biens immobiliers ou, à l'inverse, d'obliger à en disposer contre sa volonté.
En outre, et de toute façon, comme dit
précédemment, ce droit si tant est qu'il existait pourrait, lui aussi, faire l'objet d'une limitation contractuelle volontairement acceptée.
Je suis donc d'avis qu'en l'espèce, il n'y a pas de contravention à un droit protégé par la Charte québécoise.
3> La légalité par rapport au Code civil
L'ordre public québécois ne se résume pas seulement aux valeurs protégées par les Chartes ou par la législation ordinaire. En d'autres termes, cette notion n'est pas uniquement
+)))))))))))))))))))))))))))))))), * CODE VALIDEUR = E74N73SU6O .))))))))))))))))))))))))))))))))-
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constituée
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d) Le droit à la libre disposition des biens (art. 6)
-19500-09-000549-899 d'un corpus législatif et ce n'est donc pas au seul législateur
L'ordre détermination.
public
est
aussi
judiciaire
dans
sa
Les tribunaux ont le devoir de le sanctionner et
de le modeler en prenant en compte les valeurs fondamentales de la société à un moment donné de son évolution.
On consultera à cet
égard la récente opinion de mon collègue, M. le juge Gendreau, dans la Brasserie Labatt Ltée c. Villa, [1995] R.J.Q. 73.
La jurisprudence fournit de nombreux exemples de ce processus créatif.
Ainsi, pour n'en mentionner que quelques-uns,
avant les dispositions actuelles du Code civil (arts 2089 et 2095 C.c.Q.), les tribunaux ont, par le biais de l'ordre public, imposé des
conditions
précises
à
la
validité
des
clauses
de
non-
concurrence (Voir: Canadian Factors c. Cameron, [1971] R.C.S. 148). Ils ont également, dans des domaines plus proches de celui qui nous occupe, discuté de la compatibilité avec l'ordre public de clauses portant discrimination raciale (Whitfield c. Canadian Marconi Co., [1968] B.R. 92), ou restreignant le droit du mariage (Voir à ce sujet: A. MAYRAND, Le célibat contractuel de l'hôtesse de l'air , (1962) 42 R. du B. can. 183, commentant un arrêt de la Cour d'appel de Paris).
Qu'en est-il en l'instance? +)))))))))))))))))))))))))))))))), * CODE VALIDEUR = E74N73SU6O .))))))))))))))))))))))))))))))))-
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qu'il revient d'en définir le contenu (arts 9, 1373, 1413 C.c.Q.).
-20500-09-000549-899 Les clauses obligeant les employés municipaux à une
fait couler beaucoup d'encre et justifié plusieurs études, dont les plus complètes sont, sans doute, celles du droit américain (Voir: Municipal Employee Residency Requirements and Equal Protection, (1975) 84 Yale L.J. 1695; C. HAGER, Residency Requirements for City Employees: Important Incentives in Today's Urban Crisis, (1980) 18 Urb. L. Ann. 197; R. MYERS, The Constitutionality of Continuing Residency Requirements for Local Government Employees: A Second Look, (1986) Cal. West. Law Rev. 24, et l'abondante jurisprudence citée).
On trouve aussi certaines décisions canadiennes sur le
sujet, notamment un arrêt de la Cour d'appel du Nouveau-Brunswick: McDermott c. Town of Nackavic, (1988) 53 D.L.R. (4
th
) 150.
Voir
aussi: Re: Lutwick c. Town of Nackavic, (1987) 43 D.L.R. (4th) 746 (C.S.N.B.).
Pour répondre à la question il convient, me semble-til, de partir de deux principes.
Le premier est le constat qu'une
telle clause est, sans nul doute, restrictive de liberté, même s'il ne s'agit pas nécessairement, encore une fois, d'une liberté protégée
par
les
Chartes,
puisqu'elle
limite
le
choix
résidence en en faisant une condition de l'emploi.
de
la
La règle
générale, en effet, me semble être qu'un simple employé d'un service public doit avoir le droit de résider où bon lui semble. Sa liberté de travail ne peut être limitée, surtout en période de +)))))))))))))))))))))))))))))))), * CODE VALIDEUR = E74N73SU6O .))))))))))))))))))))))))))))))))-
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1995 CanLII 4750 (QC CA)
résidence à l'intérieur des frontières de leurs employeur ont déjà
-21500-09-000549-899
sont
imposées
démonstration
sont d'un
raisonnables intérêt
et
social
se ou
justifient économique
par
la
réel
et
prédominant.
Le second principe est que le contrat faisant la loi des parties, il doit être aussi loisible à cet employé de renoncer librement
à
l'exercice
de
cette
liberté
(Voir:
A.
SLAWNER,
Restraint on Individual Liberty in Contracts of Employment, (1967) 13 McGill L.J. 521).
On notera toutefois que dans la présente
affaire, il s'agit d'une condition non négociée mais imposée unilatéralement par l'employeur à une personne qui est sur le point d'obtenir sa permanence et un travail régulier.
On peut, dans un
certain sens donc, pratiquement parler de contrat d'adhésion (art. 1379
C.c.Q.).
Ces prémisses étant posées comme base de réflexion et d'analyse, vu la liberté contractuelle, une telle clause ne peut être contraire à l'ordre public que dans la mesure où l'absence d'une possible justification fondée sur la protection d'intérêts sociaux ou économiques réels et légitimes de l'employeur est démontrée.
Pour ce qui est, par exemple, des clauses de non-
concurrence (que l'on peut citer par analogie), l'intérêt de l'employeur est évident: la concurrence déloyale que peut lui mener son ex-employé, postérieurement à la cessation d'emploi, peut aller +)))))))))))))))))))))))))))))))), * CODE VALIDEUR = E74N73SU6O .))))))))))))))))))))))))))))))))-
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1995 CanLII 4750 (QC CA)
crise ou de récession économique, que si les restrictions qui y
-22500-09-000549-899 Il existe donc un intérêt économique légitime
réel et prédominant à protéger. donc,
pourvu
que
raisonnabilité,
de
la
clause
temps
et
Les tribunaux le sanctionnent
reste de
conforme lieu
aux
posées
jurisprudence et désormais par le Code civil.
conditions
d'abord
par
de la
On peut également
comprendre que la résidence dans une municipalité donnée soit une condition sine qua non à l'éligibilité à un poste de maire ou de conseiller municipal pour des raisons évidentes.
Il
convient
tout
d'abord
d'écarter,
en
l'espèce,
l'argument de l'urgence ou de la nécessité pour l'appelante d'être facilement rejointe en tout temps.
Son travail, en effet, ne
nécessite aucunement que sa résidence soit proche de son lieu de travail.
Par contre, un policier, un pompier, un ambulancier, parmi d'autres, en raison des exigences de leur métier, pourraient se voir imposer de demeurer à l'intérieur de la municipalité qui les emploie ou même éventuellement dans un périmètre particulier à l'intérieur ou à l'extérieur des frontières municipales, pour pouvoir être rejoints rapidement et être immédiatement disponibles en cas d'urgence.
L'appelante, de par son emploi de préposée aux
communications, n'est certes pas dans ce cas.
Donc, l'imposition
de la proximité de résidence n'est pas, en l'espèce, une condition
+)))))))))))))))))))))))))))))))), * CODE VALIDEUR = E74N73SU6O .))))))))))))))))))))))))))))))))-
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jusqu'à le ruiner.
-23500-09-000549-899 relevant de l'occupation ou de l'emploi (Fraternité des policiers
La seconde raison invoquée au soutien de la politique de l'intimée est que l'imposition de la résidence constitue la garantie d'un meilleur service de la part de l'employée qui a, de ce fait, une plus grande connaissance de la vie locale, favorisant donc un meilleur rapport avec les autres citoyens.
En tout respect, je pense que le raisonnement ici est basé sur un postulat qui n'est pas exact. effet,
résider
nécessairement
et
vivre
dans
s'intéresser
à
particuliers pour s'y intégrer.
une elle
Quelqu'un peut, en
municipalité et
sans
donnée
faire
sans
d'efforts
À l'inverse, une personne qui n'y
possède pas de résidence peut être, plus qu'une autre, à l'écoute des besoins spécifiques de celle-ci. pertinence
de
ce
raisonnement
si,
On comprendrait mieux la avant
de
procéder
à
tout
engagement, la municipalité faisait passer aux candidats un examen pour évaluer leur connaissance de l'histoire et du milieu dans lequel ils travailleront.
En outre, le cas, en l'instance, est
fort mal choisi: l'appelante, en effet, résidait à Longueuil depuis 1976, avant de déménager à Chambly!!
La contrainte de la résidence ne me paraît donc pas avoir, en l'espèce, de lien causal nécessaire avec la connaissance, +)))))))))))))))))))))))))))))))), * CODE VALIDEUR = E74N73SU6O .))))))))))))))))))))))))))))))))-
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de Val d'Or c. Ville de Val d'Or, D.T.E. 94T-1442).
-24500-09-000549-899 par l'employée, du milieu dans lequel elle oeuvre et un éventuel plus
marqué
aux
intérêts
de
son
employeur
et
des
citoyens.
La troisième raison touche l'économie locale. Le fait d'imposer une résidence dans la municipalité emporte, dit-on, un bénéfice financier direct pour celle-ci (paiement des taxes ou paiement d'un loyer à un propriétaire de la municipalité, etc.). On peut également présumer, avance-t-on, que beaucoup des dépenses courantes de l'employée s'effectueront dans la municipalité et contribueront ainsi à stimuler l'économie locale.
Là encore, j'ai beaucoup de mal à me persuader de la justesse de ce troisième moyen. Résider dans une municipalité donnée
n'équivaut
pas,
pour
autant,
à
un
gage
de
fidélité
économique de dépenser son salaire à l'intérieur de celle-ci.
Si
la chose reste concevable dans une petite municipalité isolée, dans un vaste centre urbain comme le Grand Montréal par contre, peut-on sérieusement affirmer qu'un résident de Longueuil va faire la majorité de ses courses, de ses achats et de ses dépenses à Longueuil même, plutôt que dans la municipalité voisine ou à Montréal?
Je ne le crois pas.
Quant à l'argument touchant les taxes, il est, à mon avis, à double tranchant.
Certes, la condition de la résidence
+)))))))))))))))))))))))))))))))), * CODE VALIDEUR = E74N73SU6O .))))))))))))))))))))))))))))))))-
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1995 CanLII 4750 (QC CA)
dévouement
-25500-09-000549-899 peut obliger certaines personnes qui pouvaient ne pas avoir eu
et donc à payer directement ou indirectement les taxes locales. Cet afflux potentiel peut toutefois ne pas être dans l'intérêt de la municipalité, puisqu'il dépend du nombre de logements libres et qu'une demande accrue de logements dans cette municipalité pourrait éventuellement aussi lui causer des problèmes.
De toute façon, me semble-t-il, ces impératifs ne me paraissent pas suffisants pour s'imposer face à la liberté de travail et d'établissement.
Loin de moi l'idée cependant d'affirmer qu'en aucun temps
une
municipalité
ne
pourrait
imposer
une
restriction
quelconque à la mobilité de ses employés ou de ses cadres.
Une
telle limitation pourrait d'abord être motivée par la nécessité de la proximité des lieux où l'emploi s'exerce.
On comprendrait mal,
par exemple, qu'un pompier qui, même en dehors des heures de présence à la caserne, doit être disponible pour des situations d'urgence, réside à 30 ou 40 kilomètres de son lieu de travail!! Une autre limitation pourrait aussi être justifiée par le besoin de créer un sentiment fort d'appartenance ou de loyauté. cependant, à mon avis, la preuve doit être claire!
Dans ce cas
Il doit s'agir
non d'un simple voeu pieux, mais d'une réalité que l'on peut probablement
plus
facilement
entrevoir
à
+)))))))))))))))))))))))))))))))), * CODE VALIDEUR = E74N73SU6O .))))))))))))))))))))))))))))))))-
l'endroit
*
de
cadres
1995 CanLII 4750 (QC CA)
l'idée de le faire spontanément, à s'établir dans la municipalité
-26500-09-000549-899 municipaux
supérieurs
qu'à
celui
de
simples
employés
comme
Enfin, il me paraît être possible qu'à stricte égalité de compétence, et toutes autres choses étant égales, la résidence dans la municipalité, sans être une condition d'emploi, puisse motiver de préférer la candidature d'un résidant.
Dans les circonstances de l'espèce cependant, ni la fonction, ni la nécessité de loyauté, ni l'égalité de compétence ne sont en jeu.
Je conclus donc que la preuve, telle que constituée au dossier, ne révèle aucune justification permettant de soutenir la démonstration d'un intérêt légitime et réel de la municipalité dans l'exigence de la condition de résidence.
Si le «droit» au travail
n'existe pas comme tel, il n'en reste pas moins, surtout en période de récession économique, que l'on doive favoriser l'accès au marché du travail.
Je suis donc d'avis que la clause en question n'est
pas raisonnable et ne peut être tenue pour conforme à l'ordre public, en ce que, d'une part, elle restreint de façon inutile et superfétatoire la liberté de chacun d'établir sa résidence où bon lui semble, en l'absence de conditions reliées à l'exercice même de l'emploi ou d'autres jugées valables et que, d'autre part, elle limite indûment le libre accès au marché du travail. +)))))))))))))))))))))))))))))))), * CODE VALIDEUR = E74N73SU6O .))))))))))))))))))))))))))))))))-
*
1995 CanLII 4750 (QC CA)
l'appelante.
-27500-09-000549-899
L'appelante (m.a. pp. 49 et 50) a formulé plusieurs demandes.
La première est de déclarer nulles les résolutions CE
84-1491 et CM 84-1286, toutes deux relatives à la déclaration de lieu
de
résidence
habituelle.
Cette
réclamation,
vu
les
conclusions auxquelles j'en arrive, ne pose aucune difficulté. Doit donc être également accueillie la demande de réintégration, étant donné que le lien d'emploi est réputé avoir subsisté.
La seconde est de condamner l'intimée à lui verser une somme de 10 763,47 $ à titre de dommages-intérêts. d'un
montant
admis
par
les
parties
et
Il s'agit là
représentant
la
perte
financière subie entre le moment du congédiement et le procès en première instance.
Ce montant doit donc être accordé.
Mes collègues et moi-même, durant le délibéré, nous sommes longuement interrogés sur le problème de l'actualisation des dommages compensatoires auxquels l'appelante peut prétendre.
Nous
ne possédons aucune preuve, aucun renseignement sur l'évaluation du préjudice existant en date d'aujourd'hui. Nous ignorons si, depuis le
jugement
de
première
instance,
l'appelante
a
continué
à
travailler à son nouvel emploi et si, dans cette hypothèse, son salaire est supérieur ou inférieur à celui qu'elle aurait dû gagner à la municipalité. +)))))))))))))))))))))))))))))))), * CODE VALIDEUR = E74N73SU6O .))))))))))))))))))))))))))))))))-
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II. LES CONSÉQUENCES JURIDIQUES
-28500-09-000549-899 L'appelante avait, au moment de l'audition en appel,
lui en donne la possibilité. faire.
Le Code de procédure civile
Elle n'a pas jugé à propos de le
En effet, en vertu de l'article 523 C.p.c., les parties
peuvent, le cas échéant, présenter devant notre Cour une preuve nouvelle
ou
déposer
actualisation, puisqu'aux possible
en
par
termes tout
devant
un de
elle
amendement l'article
temps
avant
Labonté, [1977] 1 R.C.S. 147.
un de
199
document ses
actes
C.p.c.,
jugement
fixant de
cette
procédure,
l'amendement
(Hamel
c.
Brunelle
est et
Voir aussi: D. FERLAND et B. ÉMERY,
Précis de Procédure civile du Québec, 2e éd., Cowansville, Éditions Yvon Blais, vol. 2, pp. 35 et s.).
Notre Cour a pour politique de ne retourner le dossier en Cour supérieure que dans des circonstances exceptionnelles (Masoud Realties Ltd.
c. Acme Elevator Co., [1966] B.R. 494;
Imperial Gardens Construction Inc. c. Franke, [1968] B.R. 533; Bélanger c. Cayer, (1984) R.D.J. 372). Dans le présent dossier, ce n'est manifestement pas le cas.
Comme l'écrivait mon collègue, M. le juge Bernier, dans Pateras c. M.B., (1986) R.D.J. 441, l'appel n'est, en effet, qu'un pourvoi contre un jugement et non la reprise d'un procès.
+)))))))))))))))))))))))))))))))), * CODE VALIDEUR = E74N73SU6O .))))))))))))))))))))))))))))))))-
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la faculté d'actualiser ses dommages.
-29500-09-000549-899 Dans l'état du présent dossier, je suis donc d'avis de nulles
et
non
avenues
les
deux
résolutions
ci-haut
mentionnées, d'ordonner la réintégration de l'appelante et de condamner l'intimée à payer à l'appelante $
avec
intérêts,
dépens
la
somme
de 10 763,47
et indemnité supplémentaire calculés
selon les méthodes habituelles.
JEAN-LOUIS BAUDOUIN, J.C.A.
+)))))))))))))))))))))))))))))))), * CODE VALIDEUR = E74N73SU6O .))))))))))))))))))))))))))))))))-
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1995 CanLII 4750 (QC CA)
déclarer
COUR D'APPEL
No: 500-09-000549-899 (505-05-000727-880)
CORAM: LES HONORABLES GENDREAU BAUDOUIN FISH, JJ. C.A.
MICHÈLE GODBOUT APPELANTE demanderesse c. VILLE DE LONGUEUIL INTIMÉE défenderesse -etPROCUREUR GÉNÉRAL DU QUÉBEC MIS EN CAUSE mis en cause
OPINION DU JUGE GENDREAU
Je suis entièrement d'accord avec la conclusion de mon collègue, M. le juge Baudouin, et sa motivation sauf pour ce qui suit.
+)))))))))))))))))))))))))))))))), * CODE VALIDEUR = E74N73SU6O .))))))))))))))))))))))))))))))))-
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1995 CanLII 4750 (QC CA)
PROVINCE DE QUÉBEC GREFFE DE MONTRÉAL
-2500-09-000549-899 En effet, il me semble qu'il se trouve ici une violation de
libertés de la personne au même titre et pour les mêmes motifs que dans l'arrêt Brasserie Labatt Ltée c. Villa, [1995] R.J.Q. 73.
J.C.A.
+)))))))))))))))))))))))))))))))), * CODE VALIDEUR = E74N73SU6O .))))))))))))))))))))))))))))))))-
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1995 CanLII 4750 (QC CA)
la vie privée protégée par la Charte québécoise des droits et