Coopératives, Territoires et Emplois - CECOP CICOPA Europe

un Master en sciences politiques et a travaillé à CECOP pendant un an en 2009, dans le ... des Coopératives d'Artisanat et de Production de Roumanie ...... prennent part est l' “Académie de Gestion Coopérative” gérée par l'Union Nationale.
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Cette publication a été financée avec le soutien de la Commission européenne. Elle n'engage que son auteur et la Commission n'est pas responsable de l'usage qui pourrait être fait des informations qui y sont contenues. Elle bénéficie du soutien du programme communautaire pour l’emploi et la solidarité sociale - PROGRESS (2007-2013). Ce programme est géré par la Direction générale de l’emploi, des affaires sociales et de l’égalité des chances de la Commission européenne. Il a été établi pour appuyer financièrement la poursuite des objectifs de l’Union européenne dans les domaines de l’emploi et des affaires sociales, tels qu’ils sont énoncés dans l’agenda social, et contribuer ainsi à la réalisation des objectifs de la stratégie de Lisbonne dans ces domaines. Le programme, qui s’étale sur sept ans, s’adresse à toutes les parties prenantes susceptibles de contribuer à façonner l’évolution d’une législation et de politiques sociales et de l’emploi appropriées et efficaces dans l’ensemble de l’UE-27, des pays de l’AELE-EEE ainsi que des pays candidats et pré-candidats à l’adhésion à l’UE. PROGRESS a pour mission de renforcer la contribution de l’UE et d’aider ainsi les États membres à respecter leurs engagements et mener à bien leur action en vue de créer des emplois plus nombreux et de meilleure qualité et de bâtir une société plus solidaire. Dès lors, il contribuera : à fournir une analyse et des conseils dans les domaines d’activité qui lui sont propres; à assurer le suivi et à faire rapport sur l’application de la législation et des politiques communautaires dans ces mêmes domaines; à promouvoir le transfert de politiques, l’échange de connaissances et le soutien entre les États membres concernant les objectifs et priorités de l’Union, et à relayer les avis des parties prenantes et de la société au sens large. Pour de plus amples informations, veuillez consulter: http://ec.europa.eu/progress PHOTO COUVERTURE: Le groupe Coopératif de Mondragon

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Coopératives, Territoires et Emplois Sous la coordination de Bruno Roelants, Valerio Pellirossi et Olivier Biron

Autres publications de CECOP Coopératives et entreprises sociales - Gouvernance et cadres normatifs Sous la coordination de Bruno Roelants, 2009 [disponible en anglais et français] Au-delà de la Crise: Coopératives, Travail, Finance - Création de richesse dans la durée par Alberto Zevi, Antonio Zanotti, François Soulage et Adrian Zelaia, 2011 [disponible en anglais, français, italien et espagnol] Manuels de formation de CECOP – Collection sur l’Union européenne [disponible en anglais et français]: Manuel 1 Les institutions de l’Union européenne et leurs modes de fonctionnement par Bruno Roelants, Claudia Sanchez Bajo et Guy Boucquiaux, 2009 Manuel 2 La méthode ouverte de coordination par Bruno Roelants et Diana Dovgan, 2010 Manuel 3 Les politiques et les processus politiques de l’Union européenne: marché intérieur, entreprises et politiques sociales, par Diana Dovgan, Guy Boucquiaux and Bertrand Tillay, 2010

Toute reproduction partielle ou totale de la présente publication est interdite sans l’autorisation écrite et préalable de CECOP - CICOPA Europe aisbl.

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CECOP PUBLICATIONS © CECOP 2011 CICOPA Europe ISBN: 978-2-930651-03-3 La confédération Européenne des coopératives et des entreprises détenues par leurs travailleurs Dépôt légal: D/2011/11.816.6 a c t ive s d a n s l ’i n d u s t r i e e t l e s s e r v i c e s Impression: Gillis, Brussels Conception graphique: Ana Laura Suescun pour jcse Traductions: Guy Boucquiaux,et Francine De Groof – Feret Cette publication a été imprimée sur du papier 100% recyclé

A propos des auteurs Bruno Roelants est secrétaire général de CICOPA et de CECOP-CICOPA Europe. Il a un Master en études du travail (ISS, La Haye) et était précédemment basé à Pékin en tant que coordinateur des projets de Frères des Hommes en Chine. Il a ensuite été responsable de projets de développement des coopératives en Chine, en Inde et en Europe Centrale et de l’Est. Il a coordonné le groupe de représentants des organisations coopératives lors des négociations en 2001-2002 à Genève sur la Recommandation 193 de l’OIT sur la promotion des coopératives. Olivier Biron est actif au sein du mouvement coopératif depuis 2006. Licencié en relations publiques (Haute Ecole Albert Jacquard, Namur, Belgique), il a également étudié les Arts des Médias à la Thames Valley University de Londres avant de travailler dans l’organisation et la promotion d’événements musicaux. Il a rejoint CICOPA et CECOP-CICOPA Europe en 2006. Il fut d’abord l’assistant du secrétaire général avant de devenir responsable de la communication de ces deux organisations en 2010.

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Valerio Pellirossi travaille comme policy officer à Federsolidarietà - Confcooperative, la principale organisation italienne de représentation des coopératives sociales. Il a un Master en sciences politiques et a travaillé à CECOP pendant un an en 2009, dans le cadre d’un projet du service civil national, effectuant des recherches sur les coopératives sociales et les coopératives de travail associé en Europe. Il est actif dans des organisations non gouvernementales au niveau local, national et européen, traitant principalement de l’emploi et des politiques sociales, de la formation nonformelle et de la mobilité des jeunes. Depuis 2004, il développe plusieurs projets sur l’inclusion sociale et au travail des personnes désavantagées.

Dominique Artaud Président de l’Association «Amis de CERALEP », St Vallier, France Stilian Balasopulov Président de l’Union Nationale des Coopératives Productives de Travail Associé de Bulgarie (NUWPC), Sofia Béatrice Barras Directeur Général, Ardelaine, St Pierreville, France Anna Borzaga Assistante au department des resources humaines, InConcerto, Castelfranco Veneto, Italie Joanna Brzozowska Directeur de l’Agence pour le Développement et la Promotion Coopératifs, Cracovie Carmen Biban Responsable des Relations Internationales, Union Nationale des Coopératives d’Artisanat et de Production de Roumanie (UCECOM), Bucarest Bob Cannell Membre de longue durée de Suma, Membre du Conseil d’Administration de Co-operatives UK, Bradford, UK Daniele Conti Assistant du Président de Legacoopservizi, Rome Renate Goergen, Gérante de la marque Le Mat Italia et Présidente de Le Mat Europe, Rome Monica Guzzo Responsable de la promotion et du monitoring, of promotion and monitoring, Cooperazione Finanza Impresa (CFI), Rome Bernard Lathière Président de MRy, Parthenay, France Mikel Lezamiz, Directeur d’Otalora, Corporation Mondragon, Arrasate/ Mondragon, Pays Basque, Espagne Pierre Liret Directeur de la formation, CGSCOP, Paris Elisabet Mattsson Présidente et Directrice de Vägen Ut!, Göteborg, Suède Tuula Merikivi Vice-Présidente de Coopfinland, Membre du Conseil d’Administration d’Ok Verkko, Pori, Finlande Caterina Micolano Membre de Ghelos, Casale Monferrato, Turin Matthieu Odaimy Président d’Usis, Arles, France Pekka Pättiniemi President de Coopfinland, Helsinki Albert Riera Directeur de la Communication de La Fageda, Olot, Catalogne, Espagne Claudia Sanchez Bajo Chercheuse freelance, Bruxelles Pietro Tarusello Responsable du département des ressources humaines, InConcerto, Castelfranco Veneto, Italy Régis Tillay Directeur de l’Urscop Poitou-Charente, Niort, France Rosette Thake Présidente de Vista, Sta Venera, Malta Les auteurs tiennent à remercier tous les contributeurs pour leur travail ardu et pour les informations précieuses qu’ils ont fournies.

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Contributeurs

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Table des matières Avant-propos . par Pervenche Berès, Présidente de la Commission Emploi et Affaires Sociales du Parlement européen.............................................................. 9 Introduction . Pourquoi les coopératives sont-elles importantes pour l’emploi et le développement régional?.................................................... 11 . par Bruno Roelants

PARTIE 1. Comment les coopératives créent-elles des emplois et des activités durables? ................................................................... 21 . . .

Chapitre 1: Ardelaine – Ardèche, Rhône-Alpes, France.................................. 23 Vêtements en laine et matelas Avec la contribution de Beatrice Barras

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Chapitre 2: Suma - Yorkshire, Royaume Uni.................................................... 35 Distribution d’aliments bio Avec la contribution de Bob Cannell

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Chapitre 3: Dimitar Blagoev – Sofia, Bulgarie................................................. 47 Confection de vêtements Avec la contribution de Stilian Balasopulov

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Chapitre 4: Trafilcoop – Pouilles, Italie............................................................ 57 Câbles électriques Avec la contribution de Monica Guzzo

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Chapitre 5: ALMARINA – Ligurie, Italie............................................................ 63 Ingénierie navale Avec la contribution de Monica Guzzo

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Chapitre 6: Ceralep – Rhône-Alpes, France..................................................... 69 Isolateurs en porcelaine Avec la contribution de Dominique Artaud

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PARTIE 2. Comment la transformation en coopératives d’entreprises menacées sauve des emplois locaux et des activités économiques?............................................................. 55

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Chapitre 7: Usis – Provence, France................................................................ 79 Usinage, mécano soudure et fonderie Avec la contribution de Matthieu Odaimy

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Chapitre 8: M-RY – Poitou-Charente, France................................................... 87 Travaux publics Avec la contribution de Bernard Lathière, Piere Liret and Régis Tillay

PARTIE 3. Comment les coopératives offrent a des citoyens marginalisés la stabilité de l’emploi et l’insertion dans la société par l’emploi........................................... 93 . . .

Chapitre 9: La Fageda – Catalogne, Espagne.................................................. 95 Produits laitiers Avec la contribution d’Albert Riera

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Chapitre 10: Opoka – Région de Malapolska, Pologne.................................. 101 Restauration, formation, artisanat, construction Avec la contribution de Joanna Brzozowska

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Chapitre 11: Ghelos – Piémont, Italie............................................................ 105 Stylisme et confection de vêtements Avec la contribution de Caterina Micolano

PARTIE 4. Comment les coopératives assurent-elles des services sociaux qui favorisent l’emploi et l’intégration dans la société?........................................................ 113

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Chapitre 12: Osuuskunta Toivo – Osuuskunta Toivo – régions de Helsinki, Tampere, Oulu et Kotka, Finlande . ............................................................... 115 Psychothérapie Avec la contribution de Pekka Pättiniemi

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Chapitre 13: Spiru Haret – Roumanie............................................................ 121 Formation professionnelle Avec la contribution de Carmen Biban

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Chapitre 14: Vista – Malte............................................................................. 129 Services de soin à la petite enfance Avec la contribution de Rosette Thake

PARTIE 5. Comment les groupes horizontaux de coopératives consolident-ils l’emploi et contribuent-ils aux développement des régions?...................................................... 137 . . .

Chapitre 15: Le consortium de coopératives sociales InConcerto – Vénétie, Italie............................................................................ 139 Agriculture, industrie et services sociaux Avec la contribution de Pietro Tarusello and Anna Borzaga

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Chapitre 16: Le Consortium Le Mat - Italie . ................................................. 149 Tourisme Avec la contribution de Renate Goergen

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Chapitre 17: Le Consortium Vägen ut! – Suède . .......................................... 157 Artisanat, restauration, tourisme Avec la contribution d’Elisabet Mattsson

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Chapitre 18: Le groupe Ok Verkko – Région de Satakunta, Finlande........... 163 Construction, artisanat et aide sociale Avec la contribution de Tuula Merikivi

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Chapitre 19: CNS – Consorzio Nazionale Servizi - Italie . ............................ 169 Services divers Avec la contribution de Daniele Conti

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Chapitre 20: Le groupe coopératif Mondragon - Pays Basque, Espagne...... 175 Industries, services financiers, vente au détail, éducation et recherche Avec la contribution de Mikel Lezamiz et Claudia Sanchez Bajo

CONCLUSIONS: Générer de la richesse dans les régions................................... 189 par Bruno Roelants

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Avant-propos

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par Pervenche Berès Présidente de la Commission Emploi et Affaires Sociales du Parlement européen

En sa qualité d’économiste, Tommaso Padoa Schioppa a déclaré avec beaucoup de sagesse que la lutte contre le court-terme est le principal enseignement de la crise. C’est pour cette raison et également pour nous mettre en cohérence avec notre engagement à l’égard des objectifs 2020 de l’Europe que nous devons agir en nous inscrivant dans le long-terme. La logique éphémère des entreprises et des fonds qui exploitent les ressources naturelles, pratiquent des arbitrages réglementaires et fiscaux, et maltraitent leur main-d’œuvre doit être bannie. Les bénéfices doivent s’évaluer à long terme et prendre en considération les critères sociaux et environnementaux. A la lecture des cas décrits dans ce livre, on se rend compte qu’un modèle pertinent pour l’avenir que nous devons construire après la crise existe déjà. Les coopératives démontrent que la gouvernance de l’entreprise, les emplois décents et l’investissement des parties prenantes sont un atout et non un fardeau. Les coopératives sont, en outre, les mieux à même de répondre et de s’adapter aux réalités et aux nécessités locales.

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Au fil des dernières années, quelques coopératives ont dû défendre leur spécificité contre un modèle d’entreprise dominant. Actuellement, le combat n’est plus celui de la sauvegarde de la diversité mais de la promotion d’un modèle qui s’est avéré résilient et respectueux de nos valeurs.

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Introduction

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Pourquoi les coopératives sont-elles importantes pour l’emploi et le développement régional? par Bruno Roelants

Au moment où cet ouvrage est mis sous presse (mai 2011), se dévoilent au fil du temps les effets de la crise financière et économique mondiale dont les premiers signes avant-coureurs sont apparus en 2007-2008. Malgré l’activation de certains indicateurs de reprise, la récession est loin d’être terminée et des indices de dangers économiques très graves semblent apparaître dans plusieurs Etats membres de l’Union européenne (UE).

La crise et la destruction de la richesse

Au fil de ce processus, la notion même de travail a évolué. « Les emplois à vie » ont été jugés «  démodés  » et faisant barrage à la croissance économique alors que la mobilité de l’emploi (le passage d’un employeur à un autre) a été portée aux nues, même si la mobilité volontaire de l’emploi demeure presque négligeable dans l’UE et pratiquement limitée aux emplois très supérieurs. Une dissociation, partielle 1 Schumpeter, J. Capitalisme, socialisme et démocratie (New York: Harper, 1975) [orig. pub. 1942], pp. 82-85

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Au cours des 15 années qui ont précédé la crise, une vision particulièrement optimiste de l’économie a prévalu dans les entreprises, les gouvernements, les institutions régionales et internationales. La notion clé, au cœur de cette conviction, était « la destruction créatrice  »1 de Joseph Schumpeter, qui ne se limite pas à l’adaptation inévitable au changement technique et économique, mais s’impose de manière systématique. Nous allions être les témoins d’une croissance constante et sans fin, qui devait engendrer un jeu gagnant-gagnant de croissance économique, de création d’emplois, de renforcement des économies nationales et régionales, et donc du développement territorial. Les marchés, notamment financiers, devaient se réguler seuls et remplir toutes ces promesses, pour autant que les gouvernements se fassent plus discrets et limitent autant que possible leurs interventions. Les crises financières et économiques successives qui ont éclaté dans le monde au cours de la même période (Asie de l’Est, Mexique, Russie, Turquie, Argentine) ont été perçues comme étant conjoncturelles et périphériques. Même le débat environnemental, qui était parvenu à démontrer que ce type de croissance deviendrait rapidement insoutenable, n’a pas freiné l’euphorie.

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Introduction

tout au moins, entre la politique de l’emploi et de l’entreprise s’est approfondie, et les emplois ont été de plus en plus perçus comme des unités de service. Les liens entre l’emploi et le développement régional ont eu tendance à être minimisés. Sur le terrain, l’organisation du travail, avec son cortège de licenciements dans les grandes entreprises, s’est déshumanisé et bureaucratisé sous la houlette de systèmes de gestion verticale et l’effacement progressif de l’encadrement moyen. La crise a ensuite éclaté et a désorienté. Où était donc cette « destruction créatrice »? Qu’en était-il de l’effet de ruissellement (trickle down)? Une approche qualifiée de scientifique était alors profondément ébranlée. Cependant, avec le recul comment cet état de choses aurait-il pu se maintenir éternellement? Hervé Kemp faisait remarquer que « pour la première fois dans l’histoire de l’homme, la spéculation est la principale source de revenus. L’économie financière a accumulé 30 fois plus que les échanges réalisés dans l’économie réelle »2. Cette bulle a multiplié de manière dramatique les pratiques d’endettement dans le monde entier. Parallèlement, les entreprises mondiales sont devenues de plus en plus puissantes, jusqu’à contrôler des chaînes de production, de distribution et de finances de plus en plus globalisées3.

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Alors que les causes profondes de la crise (qui dépassent la portée de ce livre) font toujours débat, ce qui ne le fait pas sont ses effets. La crise a provoqué une destruction massive de richesse (et non «  créatrice  » celle-là), l’impact sur l’emploi étant particulièrement grave4. L’Organisation Internationale du Travail (OIT) déclarait en 2009 que cette crise pouvait détruire entre 18 (scénario optimiste) et 30 (scénario pessimiste) millions d’emplois et engendrer une augmentation des travailleurs pauvres et de l’emploi vulnérable5. En 2010, l’OIT publiait la preuve de la victoire du scénario du pire « Une augmentation de près de 34 millions de chômeurs en regard du chiffre du chômage de 2007 et la part la plus importante de cette augmentation a eu lieu en 2009. »6. L’OIT reconnaissait également que le chômage des jeunes atteignait en 2009 son niveau record, à savoir 13,1%7, et soulignait que l’UE était une des régions du monde les plus touchées par le chômage des jeunes, avec une croissance de 2,3%

2 Kempf, H.(2009) Pour sauver la planète, sortez du capitalisme (Paris: Seuil) 3 Pour une discussion approfondie des causes de la crise mondiale et de l’importance du modèle coopératif pour en contrecarrer les causes, cf. Sanchez Bajo C. et Roelants B (2011): Capital and the Debt Trap: Learning from Cooperatives in the Global Crisis, Basinstoke: Palgrave-Macmillan. 4 Ibid., Chapter 1: The Mother of All Crises? 5 Organisation Internationale du Travail (2009): Tendances de l’emploi au niveau mondial, janvier 2009; Genève, OIT, p. 24 6 Organisation Internationale du Travail (2010): Tendances de l’emploi au niveau mondial, janvier 2010; Genève, OIT, p. 9 7 Organisation Internationale du Travail (2010): Tendances mondiales de l’emploi des jeunes; Genève, OIT, p. 1

Coopératives, Territoires et Emplois

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entre 2008 et 2009.8 Un certain nombre de pays font état de suicides provoqués par la situation de crise de l’emploi9. Cette destruction massive de la richesse et de l’emploi a remis au cœur des agendas publics l’économie réelle, la création d’emplois et le développement territorial. On semble redécouvrir que l’emploi, pour autant qu’il soit durable, engendre le développement régional, car les salaires représentent bien le premier canal de distribution de la richesse, et les populations consomment en premier lieu localement. Cette renaissance de l’intérêt du lien entre l’emploi et le développement régional rend actuellement plus particulièrement pertinente l’étude des coopératives, en tant qu’entreprises à part entière, opérateurs sur le marché, qui affichent cependant des caractéristiques précises, notamment en matière d’emploi et de développement territorial. Ce livre se concentre plus précisément sur deux types de coopératives, à savoir les coopératives de travail associé et les coopératives sociales, qui se comptent par dizaines de milliers en Europe et qui sont détenues par leurs travailleurs. Les coopératives de travail associé et les coopératives sociales ont une incidence précise sur l’emploi et le développement territorial. La crise en a donné une preuve éclatante. Les coopératives s’en sortent mieux que d’autres entreprises dans les mêmes pays et secteurs, et affichent un niveau de destruction des entreprises et des emplois sensiblement inférieur, même si elles ont été affectées par la crise comme la plupart des entreprises de production et de service10. Afin de mieux comprendre les raisons de cette résilience et le lien entre les coopératives, d’une part, et l’emploi et le développement régional, d’autre part, il est nécessaire d’en examiner les principales caractéristiques. Cette première appréhension de la raison d’être des coopératives aide le lecteur qui n’est pas très familiarisé avec le système à aborder les chapitres suivants avec un niveau de compréhension plus profond.

Les coopératives s’occupent en tout premier lieu des personnes. Selon la définition internationale de l’OIT et de dizaines de statuts nationaux, une coopérative est tant une 8 Ibid note 5. 9 Cf. par exemple, pour la France http://www.liberation.fr/economie/0101619029-deux-nouveaux-suicideschez-france-telecom, et «Un paysan français se suicide chaque jour», 27 avril http://www.lefigaro.fr/actualitefrance/2010/04/26/01016-20100426ARTFIG00654-un-paysan-francais-se-suicide-chaque-jour.php et pour l’Italie http://www.repubblica.it/cronaca/2010/03/28/news/suicidi-confindustria-2959194/index.html?ref=search 10 Cf. rapport sur www.cicopa.coop. Par ailleurs, le rapport de 2009 commandé par l’OIT révèle une resilience globale des cooperatives à la crise: Birchall J. & Ketilson H.K. Responses to the Global Economic Crisis – Resilience of the Cooperative Business Model in Times of Crisis (Genève, OIT, 2009).

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Les principales caractéristiques du point de vue du développement territorial

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Introduction

entreprise à tous les effets qu’une une association de personnes (et non pas de capital) dont la finalité est de satisfaire les besoins et aspirations précises des personnes11.

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Dans la grande majorité des cas, les besoins et aspirations que la coopérative tend à satisfaire sont étroitement liés au territoire dans lequel elle s’enracine: promouvoir la production locale des agriculteurs, des pêcheurs, des maçons, des menuisiers, des mécaniciens, etc. (coopératives agricoles, de pêcheurs et d’artisans); aider les petits commerçants et des professionnels, tels que des ingénieurs ou architectes à demeurer sur le territoire (coopératives de commerçants et des professionnels); permettre aux populations locales d’avoir accès à des produits de qualité à des prix contrôlés dans leurs propres localités (coopératives de consommation), de vivre dans des logements décents à loyers modérés (coopératives de logement), d’épargner et d’obtenir des crédits auprès d’institutions financières dignes de confiance qui investissent localement (banques coopératives et coopératives de crédit) ou d’assurer la production d’énergie et sa distribution dans des régions éloignées (coopératives d’utilité publique) et, plus proche du sujet de ce livre, de créer des emplois stables et des activités économiques ou de les maintenir lorsqu’ils sont menacés (coopératives de travail associé), de réaliser par le travail l’inclusion sociale des groupes de citoyens marginalisés et vulnérables (coopératives sociales de type B), ou de fournir des services sociaux, éducatifs, culturels et environnementaux d’intérêt général à toute la communauté (coopératives sociales de type A). Dans la plupart des cas, le constat est que les personnes impliquées sont de simples citoyens au niveau local et, dans certains cas, des citoyens pauvres et marginalisés. La satisfaction de ces besoins par le système coopératif permet aux citoyens de s’aider personnellement et collectivement «  au moyen d’une entreprise dont la propriété est collective et où le pouvoir est exercé démocratiquement  »12, en fonction de la catégorie des besoins et des aspirations qu’ils souhaitent ainsi satisfaire (développer la production, créer un emploi, trouver un logement, obtenir un crédit, etc.) en tant que parties prenantes clés sur le territoire. En d’autres termes, les membres ne sont pas des sujets passifs, assistés, mais des parties prenantes propriétaires qui contrôlent collectivement les organisations économiques dont ils se servent pour satisfaire leurs besoins et aspirations. Cette caractéristique crée donc un lien fondamental avec le territoire, car le développement local et régional exige avant tout l’engagement actif des différentes catégories de parties prenantes présentes sur le territoire. Chez les 11 Une cooperative est « une association autonome de personnes volontairement réunies pour satisfaire leurs aspirations et besoins économiques, sociaux et culturels communs au moyen d’une entreprise dont la propriété est collective et où le pouvoir est exercé démocratiquement »; Alliance coopérative internationale (1995): Déclaration sur l’identité coopérative, Manchester www.ica.coop, et l’Organisation Internationale du Travail (2001): Recommandation sur la Promotion des coopératives, Genève, www.ilo.org. 12 Ibid.

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travailleurs membres, à savoir des coopératives de travail associé et des coopératives sociales, objet de ce livre, ce lien avec les parties prenantes est particulièrement fort, compte tenu qu’ils le vivent au fil de leur vie de travail. Au-delà de la définition globale qui vient d’être expliquée, les coopératives sont régies par une série de principes opérationnels qui sont identiques dans le monde entier et sont consignés dans des dizaines de statuts nationaux. Les coopératives de travail associé et les coopératives sociales partagent ces principes opérationnels et les appliquent en fonction de leurs différentes caractéristiques, comme nous allons le voir.

Le principe du pouvoir démocratique exercé par les membres précise que le type de procédure démocratique en vigueur dans les coopératives de base est strictement celui « d’une personne, une voix » quels que soient les capitaux investis par les membres. Par ailleurs, la notion d’exercice démocratique (qui ne se résume pas à une simple participation démocratique) signifie que les coopératives – notamment, les plus grandes – doivent développer des systèmes de contrôle croisé, assorti des vérifications et équilibres adéquats, afin que le contrôle soit collectif et pas assuré par un seul membre qui pourrait prendre le pouvoir. Dans les coopératives de travail associé et les coopératives sociales, cette dynamique est unique dans la mesure où elle se réalise au sein du personnel de l’entreprise. Son incidence est inévitable, non seulement sur la participation des travailleurs à la définition de la stratégie globale et la gestion de l’entreprise mais aussi sur les relations du travail: pour cette raison même, le « travail associé  », comme se dénomme le statut de travailleurs membres, a été reconnu par l’Alliance Coopérative Internationale comme constituant le troisième type de relations du travail existant dans le monde aux côtés du statut d’emploi classique et du statut d’indépendant13. Par ailleurs, le travail associé est un système qui fait porter de lourdes responsabilités à chaque travailleur membre et a un impact positif sur les processus de production dans lesquels les travailleurs membres sont engagés. Ces caractéristiques permettent d’affirmer que le travail associé est un élément additionnel fort de la durabilité de l’emploi et de l’entreprise. 13 CICOPA (2004): Déclaration mondiale sur le travail associé coopératif, approuvée par l’Assemblée générale de l’Alliance Coopérative Internationale (2005, Cartagena de Indias), disponible sur www.cicopa.coop

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Le principe de l’adhésion volontaire et ouverte à tous empêche tout type de discrimination à l’endroit d’un candidat membre, à condition que le candidat respecte le type de parties prenantes de son secteur de fonctionnement. Dans le cas des coopératives de travailleurs (telles que les coopératives de travail associé et des coopératives sociales), le premier principe doit être conditionné par l’existence préalable d’un lieu de travail précis. Il implique également que le travailleur ait acquis la capacité d’assumer ses responsabilités juridiques, financières et de gestion en tant que copropriétaire.

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Introduction

Le principe de l’éducation, formation et information est indispensable à la mise en œuvre adéquate de l’exercice démocratique des membres. En effet, la possibilité qu’ont les membres d’exercer effectivement un contrôle démocratique de l’entreprise exige avant tout qu’ils soient informés de l’évolution de leur entreprise, mais aussi qu’ils soient formés pour porter la responsabilité de la gestion d’une entreprise et prendre des décisions stratégiques lors d’assemblées générales et de réunions du conseil élu. Dans les coopératives de travail associé et les coopératives sociales, où le contrôle démocratique des membres est exercé par le personnel de l’entreprise, la formation et l’éducation prennent un sens qui leur est propre, notamment en matière d’organisation de la production et de ses processus, et dans l’acquisition de la polyvalence et de la mobilité professionnelle apprise sur le tas dans de très nombreux cas. Ce processus de valorisation des compétences sur le tas, qui impartit à tout le personnel de l’entreprise la formation à l’entrepreneuriat, constitue une autre contribution importante au développement local et régional.

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Le principe de la participation économique des membres prévoit que a) ceux-ci investissent dans des parts de capital de la coopérative et ne reçoivent normalement pas de dividendes sur leurs parts mais simplement un intérêt qui est identique à celui d’un compte de dépôt; b) une partie des excédents de la coopérative est distribuée aux membres en fonction du type de transaction réalisée entre les membres et la coopérative: dans une coopérative de travail associé en fonction du volume et du type de travail produit; c) une autre partie de l’excédent est versé aux réserves qui sont la propriété collective de la coopérative. Dans un certain nombre de pays, ces réserves sont impartageables, ce qui signifie que les « avoirs sont verrouillés », même en cas de liquidation de l’entreprise, les avoirs résiduels étant en général utilisés pour promouvoir d’autres entreprises coopératives. Par exemple, en Italie, ces avoirs vont à des fonds de solidarité que gèrent les confédérations de coopératives et ils sont ensuite réinvestis dans des projets de startup et de développement. L’accumulation systématique du capital dans des entreprises existantes, qui ne se délocalisent pas (parce que leurs membres sont des locaux) et peuvent à la limite être utilisées pour développer d’autres activités économiques sous forme de coopératives, ne peut logiquement que conduire à l’enracinement à long terme des entreprises dans les communautés locales et, donc, au développement à long terme des territoires. Le principe de l’autonomie et indépendance précise que les coopératives ne sont pas des acteurs étatiques. C’est une caractéristique importante, à mettre en lumière, notamment dans le cas des coopératives sociales qui fournissent des services d’intérêt général à la communauté (dont certaines sont examinés dans ce livre), par des contrats

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de marchés publics conclus avec des collectivités locales. Bien qu’elles soient engagées dans des missions d’intérêt général, les coopératives sociales se profilent comme étant clairement des acteurs « privés d’utilité communs ». Le principe de la coopération entre les coopératives permet de créer des économies d’échelle entre elles dans les territoires, de mutualiser des instruments d’accompagnement de l’entrepreneuriat qui soient démocratiquement contrôlés par des coopératives de base, dans le domaine du financement, de la formation, de la consultance, de la R&D, etc. Ces structures et réseaux tendent à favoriser tant la durabilité des emplois créés que le développement local et régional, comme des exemples concrets cités dans ce livre en sont de bonnes illustrations. Le principe de l’engagement envers la collectivité révèle plus explicitement le lien avec le territoire. Alors que les coopératives sociales œuvrent pour l’intérêt général de la collectivité qui est leur mission principale et directe, d’autres types de coopératives (telles que les coopératives de travail associé) défendent ce principe, en général plus indirectement, et notamment grâce à une vision de l’entreprise à long terme qui est généralement le fruit d’un regroupement de parties prenantes locales et de la mutualisation des institutions de soutien aux entreprises évoquées ci-dessus

Contexte et méthodologie

Nous nous sommes efforcés de choisir un échantillon de différents types et modalités de contribution des coopératives de travail associé à la création d’emplois durables et au développement territorial. Bien que les cas sélectionnés soient effectivement de bonnes pratiques, ils ne sont, en aucune manière, uniques et nous aurions pu opter pour des centaines d’autres cas pour illustrer ces différentes modalités. Le livre contient un plus grand nombre de cas d’Italie, d’Espagne et de France qui se justifie par le taux plus élevé de concentration des coopératives de travail associé et des coopératives sociales dans ces trois pays que dans tout autre pays européen.

PROOF

Nous avons commencé l’élaboration de ce livre en 2008 dans le cadre d’un projet de trois ans sur l’inclusion sociale en collaboration avec la Commission européenne (DG Emploi, Affaires sociale et Egalité des chances). Nous avons été animés par le sentiment qu’il était nécessaire de faire connaître les coopératives de travail associé et les coopératives sociales, ainsi que leur lien avec l’emploi durable, le développement territorial et l’inclusion sociale. Lorsque la crise a éclaté, nous en avons délibérément reporté la rédaction et la publication pour observer comment les cas présentés dans ce livre faisaient face au déclin économique.

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Introduction

Dans chacun des vingt cas que nous allons décrire, nous avons coopéré avec un ou deux témoins provenant des cas eux-mêmes ou des personnes externes les connaissant bien, voire les deux. Les rédacteurs ont soumis en premier lieu un questionnaire aux personnes engagées dans la coopération, qui a été enrichi d’entrevues, et le texte a été élaboré progressivement avec eux, selon fondamentalement la même structure, tout en permettant que la diversité contextuelle puisse s’exprimer. Des mises à jour ont été finalement demandées aux collaborateurs, notamment sur l’évolution pendant la crise. Valerio Pellirossi, qui a travaillé un an à CECOP, essentiellement sur ce projet, a réalisé l’essentiel du travail patient de recueil de données, en coordination avec les personnes qui ont coopéré dans le cadre de chaque cas, et en a pensé la structuration. Olivier Biron, responsable de la communication à CECOP, s’est chargé essentiellement du graphisme du livre, des cartes, diagrammes et illustration, mais a également rédigé plusieurs chapitres, au même titre que moi d’ailleurs, qui en ai surtout assuré la supervision générale.

Structuration du livre

PROOF

Dans la première partie du livre (chapitres 1 à 3), nous nous concentrons sur les coopératives de travail associé pour en observer la tendance à créer des emplois stables et durables. Nous examinerons trois études de cas: un en France sur un environnement rural intégré à une production de laine, un au Royaume uni sur un environnement plus urbain engagé dans une chaîne de vente d’aliments complets et un en Bulgarie qui permet au lecteur de comprendre l’évolution des coopératives dans des environnements d’économies précédemment centralisées en Europe centrale et de l’Est et d’une transformation socioéconomique profonde que vit cette partie de l’Europe. Dans la seconde partie, cinq exemples de conversion d’entreprises industrielles en coopératives (deux en Italie et trois en France), qui étaient vouées à la fermeture, sont décrits. Nous attesterons des conditions qui ont permis ces processus, tant au sein du personnel que dans l’environnement d’accompagnement mis en place par le mouvement coopératif. Chacun des cinq exemples présente des caractéristiques différentes en termes de secteurs de production, de modalités de transformation et de raisons qui en ont déclenché la crise. La troisième partie soumet au lecteur quelques cas de coopératives spécialisées dans l’insertion par le travail de citoyens défavorisés: des personnes souffrant de troubles mentaux (Espagne), des détenus (Italie) ou des chômeurs de longue durée (Pologne).

Coopératives, Territoires et Emplois

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Dans la quatrième partie, nous prenons rendez-vous avec des coopératives offrant des services sociaux et éducatifs qui aident à promouvoir l’emploi dans la société: une crèche à Malte qui aide des mères à trouver et garder un emploi, un réseau de consultance professionnelle en Finlande et un vaste système de formation professionnelle en Roumanie. La cinquième partie est consacrée à plusieurs exemples de groupes horizontaux qui se sont constitués entre coopératives: le consortium de coopératives sociales InConcerto dans la région de Vénétie, en Italie, engagé dans l’offre de services sociaux et des activités d’insertion par le travail; le Mat en Italie et Vägen Ut ! en Suède, qui ont développé un système de franchise sociale dont les activités sont le tourisme alternatif et l’insertion par le travail; un groupement intersectoriel en Finlande appelé Ok Verkko; un grand consortium national de coopératives de service en Italie, le CSN. Enfin, nous nous pencherons sur le cas du groupe coopératif Mondragón au Pays Basque qui, un demi-siècle après la naissance de sa première coopérative, est devenu le septième groupe entrepreneurial d’Espagne, engagé dans un certain nombre de secteurs industriels, de la distribution, des finances, de l’éducation, dans les secteurs sociaux et de la recherche, et qui offre la sécurité de l’emploi à des dizaines de milliers de travailleurs.

PROOF

Nous espérons que le lecteur trouvera ce livre utile et agréable à lire. Ce que ce travail souhaite mettre en valeur plus que tout autre chose est la compréhension du phénomène coopératif et ses liens avec l’emploi et le développement régional.

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Royaume Uni

Bulgarie

Italie

Italie

France

France

France

Espagne

Pologne

Italie

Finlande

Roumanie

Malte

Italie

Italie

Suède

Finlande

Italie

Espagne

3 Dimitar Blagoev

4 Trafilcoop

5 Al-Ma-Ri-Na

6 Ceralep

7 Usis

8 M-RY

9 La Fageda

10 Opoka

11 Ghelos

12 Osuuskunta Toivo

13 Spiru Haret

14 Vista

15 InConcerto

16 Le Mat

17 Vägen Ut!

18 Ok Verkko

19 CNS

20 Mondragón Corporacion

France

2 SUMA

1 Ardelaine

ESPAGNE

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20

8

9

7

1 6

FRANCE

ROYAUME UNI

2

11

5

19

14

MALTE

16

ITALIE

15

4

17

10

POLOGNE

SUÈDE

18

3

BULGARIE

13

ROUMANIE

12

FINLANDE

Partie 1 PROOF

Comment les coopératives créentelles des emplois et des activités durables?

21

PROOF

Ardèche, Rhône-Alpes, France

FRANCE

Vêtements en laine et matelas Avec la contribution de Béatrice Barras

Rhône-Alpes

Chapitre 1

Ardelaine

SAINT-PIERREVILLE

L’histoire commence en 1975, lorsque les animateurs d’une association de chantiers de jeunes décident de réhabiliter l’ancienne filature de Saint-Pierreville en Ardèche pour y revaloriser la laine du pays en restructurant l’ensemble du secteur dans une optique écologique et de marché équitable. L’idée est d’agir sur le développement local en valorisant les ressources locales d’un territoire délaissé. Après sept années de préparation, le projet, qui avait pu paraître utopique à l’origine, se concrétise sous la forme d’une coopérative de travail associé (SCOP - société coopérative de production), Ardelaine, au capital initial d’à peine 3200 F (488 euros). Toutes les activités lainières sont couvertes: de la tonte des moutons à la commercialisation de produits finis (matelas, couettes, oreillers, pulls etc.) en passant par le lavage et le cardage de la laine.

PROOF

Historique

23

24

Chapitre 1 · Ardelaine

Les années suivantes sont consacrées au développement de l’entreprise par la diversification des produits et des modes de commercialisation. Dès 1986, un atelier de tricotage et de confection est créé dans la ville de Valence; la vente dans les salons de produits naturels en France et en Europe se développe, et un premier catalogue de vente par correspondance est édité. La création des nouveaux emplois est soutenue par la Région Rhône-Alpes (prime régionale à l’emploi). En 1990, l’entreprise compte ainsi 12 travailleurs. Après une période d’effort commercial tourné vers les autres pays européens, le choix est fait de recentrer les activités sur place. Cette décision se concrétise en 1991 par la création d’un musée de la laine sur le site d’Ardelaine. Par ailleurs, l’entreprise investit dans un système d’épuration des eaux de lavage qui obtient l’approbation préfectorale pour les installations classées. En 1996, l’entreprise emploie 15 travailleurs.

PROOF

En 2000, le site est réhabilité pour y ouvrir un nouveau musée qui s’inscrit dans la suite logique du premier et qui est consacré, celui-ci, à l’histoire de la mécanisation du travail de la laine. Il s’agit de développer et d’asseoir l’ancrage et l’impact local d’Ardelaine. En 2001 le nombre de 25 travailleurs est atteint. En 2005, contrairement aux effets attendus par le nouvel investissement pour le musée, le nombre de visiteurs sur le site est en baisse, la clientèle de groupe notamment. Cette évolution est sensiblement liée à l’absence d’offre d’une prestation globale à la journée en direction des opérateurs touristiques, les possibilités de restauration étant limitées. Une réflexion est alors menée pour aboutir à un projet d’espace d’accueil et de restauration complémentaire aux sites touristiques locaux en collaboration avec l’association Bergerades14. Cela apparaît indispensable pour relancer la fréquentation de publics divers tout au long de l’année. Ce projet est pensé en lien avec les problématiques de ce territoire rural afin d’en valoriser les ressources. Un dossier est présenté dans le cadre de l’appel à projet de la DATAR « Pôles d’Excellence Rurale » en partenariat avec la Communauté de Communes des Châtaigniers: investissement total prévu de 800 000 euros pour un espace d’accueil (billetterie, cafeteria, librairie), de distribution de produits culturels, de restauration, de transformation et de valorisation de produits alimentaires locaux de qualité biologique. Cet espace a vu le jour en juillet 2010. En 25 années, la coopérative Ardelaine, par sa stratégie de développement privilégiant l’ancrage local, la diversification et la création d’emplois à partir des ressources du territoire, a créé et pérennisé plus d’un emploi temps plein par an en moyenne. L’étape à venir est un nouveau tremplin pour la création de nouvelles 14 Association de développement local qui a géré les musées du site Ardelaine jusqu’en 1999.

Coopératives, Territoires et Emplois

25

activités complémentaires, mais aussi et surtout pour conforter celles qui existent, en compensant ainsi l’isolement géographique du site et en renforçant son attractivité.

Activités L’objectif premier de la coopérative était de créer des emplois en milieu rural désertifié grâce à la revalorisation d’une ressource locale: la laine des moutons (elle est située dans la zone de concentration de l’élevage ovin du département). La méthode choisie fut de restructurer l’ensemble de la filière, de la tonte à la commercialisation des produits finis (qualité naturelle et commerce équitable). Ainsi, on trouve aujourd’hui, dans la coopérative, plusieurs secteurs: ■■ en amont (tonte, collecte, lavage, cardage, préparation des laines); ■■ transformation (atelier matelas, atelier confection literie, atelier tricotage et confection vêtements); ■■ commercialisation directe (sur place, sur foires et salons bio, par correspondance et Internet); ■■ tourisme et culture (parcours muséographiques sur l’histoire des techniques du travail de la laine);

Ardelaine: un vecteur d’inclusion sociale

L’objectif de la coopérative était de créer des emplois afin de contribuer au maintien de la population et d’attirer de nouvelles personnes actives dans la région et plus particulièrement des jeunes car la moyenne d’âge était très élevée. Ainsi, sur ce territoire, chaque emploi créé est un facteur d’inclusion sociale, car la population entière est en difficulté (ce sont les personnes non qualifiées et les personnes âgées qui restent au pays). L’offre d’emploi local salarié se limite par ailleurs à la maison de retraite et au personnel communal administratif (DDE, Trésor public, mairie et Communauté de communes). On peut dire que le handicap social ici est « territorial ».

PROOF

Pour évaluer le rôle de vecteur d’inclusion sociale que joue la coopérative Ardelaine, il convient de prendre en compte sa situation géographique particulière: la coopérative est située dans un petit village de la moyenne montagne ardéchoise, à une heure de la première ville. Ce territoire très peuplé avant le XXème siècle, s’est vidé de sa population avec la Première Guerre mondiale et davantage encore après la Seconde Guerre mondiale. Ce territoire est qualifié Zone de Revitalisation Rurale.

26

Chapitre 1 · Ardelaine

ARDELAINE ARDECHE

Partenaires URSCOP Site de proximité Communauté de communes Parc naturel régional

VALORISATION D’UNE RESSOURCE NATURELLE : LA LAINE RESTRUCTURATION D’UNE FILLIERE LOCALE COOPERATIVE de Développement Territorial (Economie sociale et solidaire) Formule juridique: SCOP S.A. (Sté Coopérative de Production)

ADMINISTRATION - COMPTABILITE (jusqu’au bilan) - JURIDIQUE - RESSOURCES HUMAINES

LAINE

PRODUCTION

COMMERCIALISATION

TONTE:

ATELIER MATELAS

VENTE A DISTANCE

50 000 moutons tondus chez 250 éleveurs d’Ardèche et Haute-Loire

ATELIER MENUISERIE

47 000 catalogues diffusés/an Site Internet www.ardelaine.fr 2500 commandes /an

TRI á la tonte et Collecte 60 tonnes de laine collectée

LAVAGE et CARDAGE 40 tonnes de laine brute transformées/an

APPROVISIONNEMENTS DIVERS COTON BIOLOGIQUE 10000 mètres par an en provenance d'Egypte

ATELIER LITERE Oreillers, linge de lit

ATELIER VETEMENTS Tricotage et confection maille

FOIRES et SALONS « BIO » 100 jours de vente/ an

VENTE BOUTIQUE sur place 20 000 visiteurs/an

TOURISME et CULTURE DEUX MUSEES AVEC PARCOURS D’INTERPRETATION - Du mouton au pull - La laine en révolution 12 000 visiteurs en 2008 250 000 depuis la création

VENTE en GROS

SOUS TRAITANCE FILATURE ET TEINTURE CHAUSSETTES BONNETERIE FINITION MAILLE

COMMUNICATION MAINTENANCE et TRAVAUX NEUFS MECANIQUE

ELECTRICITE

MACONNERIE

DIVERS CAFETERIA

PROOF

Les métiers exercés par la coopérative Ardelaine ont la particularité d’être des métiers disparus ou en voie de disparition. Ainsi la coopérative a reçu de l’état français le label « Entreprise du patrimoine vivant ». Elle doit donc former son personnel à ses métiers qui touchent la production. En ce qui concerne la commercialisation et l’administration, elle ne trouve pas facilement sur le territoire des personnes qualifiées et doit donc aussi former les personnes qui ont a priori des aptitudes dans ce domaine. Par ailleurs, elle a mis en place des formations à la « culture d’entreprise coopérative » afin que son personnel intègre la compréhension de sa dimension coopérative. Ainsi la formation interne ou autodidacte tiennent une grande place dans la coopérative qui se reconnaît dans le terme « d’entreprise apprenante ». En 1986, Ardelaine crée, dans un quartier défavorisé de la ville de Valence, un atelier de tricotage et de confection de vêtements qui emploie 4 salariées. Les coopératrices qui ont initié ce projet ont cherché à transposer les méthodes éprouvées par Ardelaine dans le développement rural à un développement en quartier sensible. Ce n’est pas l’atelier par son caractère économique qui a le plus d’impact, mais leur action en tant qu’habitantes, dans le cadre associatif, associée à leur présence dans l’atelier. Elles ont un rôle de médiation avec les institutions locales (Office HLM, municipalité etc.).

Coopératives, Territoires et Emplois

27

Elles ont permis la création de jardins à proximité des habitations (20 familles). La réussite de ce projet a conduit la municipalité à en initier d’autres; elles jouent un rôle d’acteur économique et social, intégré à un quartier. Les 44 salariés de la coopérative sont d’âges et d’origines très divers, issus du territoire ou arrivés volontairement. Lorsqu’un nouveau salarié est recruté, il fait un parcours d’intégration dans l’entreprise qui l’amène à rencontrer chacun des membres et chacun des métiers. Chaque année, une à deux journées de formation théorique ont lieu (sur les métiers de la laine ou sur la compréhension de l’économie) et un voyage est organisé pour tous afin de rencontrer une autre entreprise (le plus souvent coopérative). À cela s’ajoutent des formations techniques. Le temps consacré à ces formations a certes un impact sur l’activité de l’entreprise mais il permet une bonne intégration de chaque personne et une implication satisfaisante des salariés dans le projet global de la coopérative. La relation avec les 250 éleveurs dont Ardelaine tond les moutons et récolte la laine est pérenne. Il est fréquent de travailler depuis plus de 25 ans avec eux ou de poursuivre avec leurs repreneurs. Néanmoins, il a été difficile de les associer dans la structure, car ils dépendent de la législation agricole, et depuis le traité de Rome, la laine, une fois tondue, est considérée comme un produit industriel et non agricole.

La présence d’une PME industrielle de 44 salariés dans un petit village qui n’en aurait probablement pas autrement a un impact important pour le territoire. Elle permet de rajeunir la population, de maintenir l’école et d’autres services comme la poste. En 2008, une crèche municipale a été créée pour accueillir les enfants avant l’âge scolaire. On constate aussi que l’ensemble des commerces locaux a été maintenu: boucherie, boulangerie, tabac-presse, bar, hôtel restaurant. Ceci est dû en partie non négligeable à l’afflux de visiteurs que génère la coopérative par ses activités touris-

PROOF

En raison de la mondialisation, le revenu des éleveurs ne peut plus être assuré par leur production, que ce soit par la vente de la viande ou celle de la laine. C’est l’aide européenne qui permet de maintenir leur activité en intervenant à plus de 50 % dans leur chiffre d’affaires. La laine est un produit très marginal (environ 2 % du chiffre d’affaires). Néanmoins Ardelaine a eu un souci d’équité en ne suivant pas le cours du marché, mais en établissant un prix à la qualité et un prix plancher. Par ailleurs elle revalorise la valeur de la laine en proposant des bons d’achat de ses produits finis qui doublent la valeur monétaire de la laine achetée à l’éleveur. Ainsi, les éleveurs ont beaucoup équipé leur famille et collatéraux de produits réalisés avec la laine de leurs brebis. Enfin, la tonte est un service dont les éleveurs ne peuvent se passer car le mouton doit impérativement être tondu chaque année pour être en bonne santé et il leur est difficile d’assurer eux-mêmes cette activité très particulière et ponctuelle.

28

Chapitre 1 · Ardelaine

tiques (20 000 visiteurs par an en moyenne sur les 15 dernières années). L’économie indirecte induite par son activité est importante aussi dans la proximité (bâtiment, fournitures, services, etc.). On remarque aussi ces dernières années un développement et un rajeunissement important des équipements publics (perception, salle municipale, maison médicale, office de tourisme, caserne de gendarmerie neuve avec 5 logements, caserne de pompiers neuve très bien équipée, maison de retraite, …). Saint-Pierreville est un chef-lieu de Canton, ce qui lui confère un rôle particulier de bourg centre tout en étant un village bien éloigné des axes routiers. Les villages alentour ne jouissent pas de la même vitalité, en terme d’équipements privés et publics. On peut affirmer que le dynamisme de la municipalité en terme d’équipements nouveaux est lié à l’augmentation de sa population, de sa notoriété et de sa visibilité auxquelles Ardelaine participe largement. Le passage de 300 000 visiteurs (1991 à 2008) à Saint-Pierreville, venus faire la visite des musées, a profondément modifié l’estime des habitants du village pour leur patrimoine et leur vision de l’avenir de ce territoire.

PROOF

Sans être hostiles, les relations avec les institutions locales ont longtemps baigné dans une certaine indifférence. La coopérative étant exemptée de la taxe professionnelle (impôt local) comme toute coopérative en France, les élus de la commune n’avaient pas le sentiment de bénéficier directement de la présence de l’entreprise sur leur territoire. Ces rapports ont bien évolué avec le temps dans la mesure où l’impact positif de l’entreprise est devenu une évidence pour toute la population. Aujourd’hui, la SCOP travaille en partenariat avec la Communauté de Communes dont elle fait partie dans le cadre d’un projet de « Pôle d’Excellence Rurale » de l’état, géré en partenariat public/privé. Le développement de l’entreprise a été soutenu à plusieurs reprises par l’Union européenne, l’état, la région Rhône-Alpes, ou le département. Il a également été soutenu par des fondations. Ce soutien correspond en moyenne à 10 % de ses investissements. La part des membres de la coopérative est importante. Elle a largement contribué au développement et parfois au détriment de l’augmentation des salaires. Ce choix est conscient et partagé jusqu’ici dans la mesure où la création de nouveaux emplois est considérée comme une priorité. En cela la coopérative revendique le fait d’être un acteur économique qui intègre d’une certaine manière l’intérêt général. Dans son histoire, la coopérative n’a pas traversé de grosse crise. Son développement a été lent, mais permanent (un emploi par an en moyenne). Lors des phases d’importants investissements, elle a trouvé le soutien nécessaire auprès d’organismes publics ou de personnes privées qui ont abondé à son capital. Le plus mauvais souvenir a été un licen-

Coopératives, Territoires et Emplois

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ciement (en 27 ans!) réglé au tribunal des entreprises, qui a donné raison à Ardelaine. Malgré des sollicitations de marchés à l’exportation, la coopérative a choisi plutôt une stratégie de résilience: vente directe dans la dimension nationale (circuit court), croissance organique, diversifications des activités au service du territoire. En conclusion on peut dire que la vision à long terme, le sens de l’équipe, la complémentarité des compétences, la culture coopérative ont été les vecteurs clé de la réussite de cette entreprise située hors champ des créneaux économiques classiques. Ardelaine n’aurait pas pu exister ni jouer son rôle dans le territoire avec les objectifs et les choix stratégiques classiques d’une PME. C’est pour cette raison qu’Ardelaine se nomme elle-même « coopérative de développement local ». En effet il lui semble que la coopération est une réponse adaptée à la restructuration économique de territoires en difficulté.

Développement et durabilité de l’emploi dans la coopérative. Le tableau suivant retrace l’évolution de l’emploi au cours de l’histoire d’Ardelaine. 1982

1990

1996

2001

2009

1emploi

12 emplois

15 emplois

25 emplois

44 emplois

PROOF

En ce qui concerne l’avenir, ses membres pensent que celui-ci est fortement lié au maintien de l’esprit et de la culture coopératifs. Pour cela, elle investit dans la formation de ses membres, participe à des recherches dans ce domaine et témoigne de son expérience par des livres de témoignages d’actions collectives, des conférences, et des formations en réseau d’entreprises pour de futurs acteurs coopératifs.

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Chapitre 1 · Ardelaine

Cinq de ses sept fondateurs sont encore salariés dans l’entreprise (parfois ils sont restés bénévoles quelques années avant d’être salariés) et il reste un membre non salarié originel. Les chiffres du personne pour 2009 indiquent que, sur un total de 44 travailleurs (31 femmes et 13 hommes), on trouvait: ■■ 2 salariés qui ont plus de 25 années d’ancienneté ■■ 5 salariés qui ont entre 20 et 25 années d’ancienneté ■■ 2 salariés qui ont entre 15 et 20 années d’ancienneté ■■ 4 salariés qui ont entre 10 et 15 ans d’ancienneté ■■ 10 salariés qui ont entre 5 et 10 années d’ancienneté ■■ 10 salariés qui ont moins de 5 années d’ancienneté. ■■ 2 salariés qui ont moins d’un an d’ancienneté. Les conditions de la durabilité des emplois des salariés dans l’entreprise sont liées à plusieurs facteurs: ■■ Certains salariés sont issus du territoire. Ils trouvent chez Ardelaine un emploi de proximité, qui, si le métier qu’ils exercent correspond à leurs aspirations, est durable. Certains ont quitté Ardelaine pour créer leur propre activité sur le territoire.

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■■ Certains salariés ne sont pas issus du territoire. Ils viennent parce qu’Ardelaine leur a offert un emploi: ils sont attirés par la « culture d’entreprise » d’Ardelaine et son projet et pensent avoir les compétences liées à ses besoins. Pour que l’emploi soit durable, il faut qu’ils réussissent leur intégration professionnelle (métier), relationnelle (équipe) d’une part et leur intégration dans la vie locale d’autre part. Par ailleurs ils doivent parvenir à réaliser leur vie personnelle. Les départs sont très souvent liés à l’évolution de leur vie personnelle (rapprochement de conjoints d’autres régions, divorces). ■■ Certains salariés sont des nouveaux venus arrivés sur le territoire qui frappent à la porte d’Ardelaine. Ardelaine a un rôle d’accompagnement à l’« atterrissage » sur le territoire. L’entreprise permet aux nouveaux venus de trouver un emploi transitoire qui assure leur subsistance avant le démarrage de leur propre projet (agricole, artisanal, …). Ardelaine a ainsi accompagné l’insertion locale de nombreuses personnes. Les services de l’emploi en ont fait la remarque dernièrement. Parmi eux, certains ont choisi de rester dans l’entreprise.

Coopératives, Territoires et Emplois

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On peut dire de manière générale que les emplois ont une résilience importante, soit dans l’entreprise, soit dans l’insertion économique de nouvelles personnes sur le territoire.

Perspectives futures Les perspectives d’Ardelaine sont diverses et dans des registres matériels et immatériels, à court terme et à moyen terme, localement et globalement: Pour le court terme, dans le registre des réalisations locales, il s’agit de la création d’un nouveau bâtiment de 650m² qui permettra de renforcer l’attractivité touristique du territoire: ■■ espace accueil, services complémentaires, boutique culturelle à la suite des musées; ■■ espace pour développer et diversifier les animations; ■■ création d’un restaurant (valorisation des ressources alimentaires locales, pédagogie sur le goût et la proximité, qualité bio / AOC). Les nouvelles activités ont débuté en 2010 et devraient mener à la création de 5 à 7 nouveaux emplois. Une nouvelle coopérative fille du nom de La Carderie a été établie en septembre 2010 dans le secteur de la restauration.

Par ailleurs, la coopérative cherche à développer une plateforme de dialogue entre tous les acteurs de la filière: amont (les éleveurs, 230), intra (secteurs Ardelaine), aval (les clients). Pour cela elle anime un réseau de 2000 clients solidaires qui ont manifesté leur intérêt pour la coopérative, au-delà de la consommation du produit. A moyen terme, Ardelaine a le projet de travailler sur la transmission de son expérience, la formation et la recherche, ■■ en participant à des réseaux de réflexion et recherche;

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Parallèlement, Ardelaine essaye de développer les outils pédagogiques autour du développement durable, de l’économie sociale et du développement local ; en effet Ardelaine reçoit de nombreuses écoles (tous niveaux jusqu’à la faculté). Sur ces sujets, la coopérative travaille en partenariat avec la Région Rhône-Alpes (identifiée parmi les « trésors du développement durable Rhône-Alpes ») et avec le Parc Naturel Régional des Monts d’Ardèche.

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Chapitre 1 · Ardelaine

■■ en regroupant un réseau d’acteurs intéressés pour échanger expériences et réflexions; ■■ en organisant des formations dans l’idée d’une université « hors les murs », et ce, afin de contribuer à la création d’entreprises coopératives, apprenantes, responsables socialement et territorialement.

Conclusions La coopérative Ardelaine a été créée dans un contexte difficile puisque sa création coïncide d’une part avec l’effondrement du marché local de la laine et d’autre part avec le début de la désagrégation de l’industrie lainière nationale. Elle a plongé ses racines dans un territoire considéré sans avenir et basé son activité sur un héritage considéré comme sans valeur. Plutôt que de fonder sa stratégie sur la relance de l’activité de filature de la laine, elle a choisi de se centrer sur le développement et la promotion de la laine locale en restructurant le secteur tout entier. Elle a opté pour des procédés respectueux de l’environnement et fondé ses relations de travail avec ses fournisseurs sur le commerce équitable. La décision de la coopérative d’exercer le contrôle commercial de toute sa production en donnant la priorité à la vente en direct lui a permis de la commercialiser dans les plus grandes foires et les plus grands salons européens de produits naturels. L’accroissement de son chiffre d’affaires lui a permis de créer de nouveaux emplois et de financer les investissements pour améliorer ses conditions et ses capacités de production.

PROOF

Ce développement a en outre mené à une réflexion plus profonde sur la manière dont l’entreprise devrait grandir et sur les conséquences de cette croissance sur la vie de ses membres. La coopérative a refusé une opportunité de marché au Japon et décidé de recentrer ses activités au niveau territorial en créant un secteur culturel et touristique sur son site de production. Ardelaine a pris la décision délibérée de résister à la tendance générale de l’économie décentralisée instrumentalisée par les marchés financiers et la déshumanisation des organisations. Les membres de la coopérative considèrent que leur véritable activité n’est ni lainière ni touristique mais le développement du territoire sur lequel ils sont installés. La croissance se poursuivra dans la diversification de leurs activités aussi longtemps que le territoire en tirera un bénéfice. Le prochain projet et de développer et de promouvoir les produits alimentaires.

Coopératives, Territoires et Emplois

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L’idée initiale de développer et de promouvoir les ressources du territoire s’est transformée en promouvoir et développer le territoire.

ARDELAINE – France

Coopérative de travail associé (SCOP)

Pour en savoir plus: Béatrice Barras (2003): Moutons rebelles, Ardelaine la fibre développement local; Editions REPAS, can be ordered on www.ardelaine.fr

PROOF

Adresse: Puausson 07190 SAINT PIERREVILLE Date de fondation: 1982 Secteur: Promotion de la laine de mouton (secteur local lainier) Travailleurs: 44 Travailleurs membres: 22 Chiffres d’affaire: 1,788 millions euros Website: www.ardelaine.fr Contact: Béatrice Barras [email protected]

Yorkshire, Royaume-Uni Distribution d’aliments complets avec la contribution de Bob Cannell Yorkshire

Chapitre 2

Suma

BRADFORD

ROYAUME UNI

Suma a été fondée à Leeds, dans le Yorkshire, au début des années 1970, à l’initiative de trois amis. Il s’agissait alors d’un service de fourniture d’aliments complets et végétariens à des points de vente constitués sous forme de petites coopératives indépendantes de travail associé réparties sur le territoire du Nord de l’Angleterre. Au début, l’intention n’était pas d’en faire une entreprise formelle. Les membres fondateurs étaient plus préoccupés, à l’origine, par la mise à la disposition d’alternatives végétariennes saines aux aliments transformés que commercialisaient les supermarchés à cette époque. La demande s’est rapidement

PROOF

Dans ce chapitre, nous insistons plus particulièrement sur l’évolution de l’entreprise, sous l’angle de la gouvernance et de la gestion interne. Même si elle est distincte dans les coopératives de travail associé, qu’elle se fonde sur l’égalité de rémunération et des contributions individuelles symboliques aux parts de capital, elle illustre très bien les débats et les défis que pose l’exercice de la démocratie par les membres dans des entreprises qui sont détenues par leurs travailleurs.

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Chapitre 2 · Suma

accrue et l’entreprise s’est constituée en coopérative de travail associé en 1977. A l’origine, Suma faisait partie de ces expériences radicales d’entraide des années 1970 qui ont donné naissance à une vague de nouvelles coopératives de travail associé au Royaume uni. Les jeunes ne trouvaient plus d’emploi en cette époque de désindustrialisation qui a ravagé les centres traditionnels et a engendré une déferlante du chômage dans tout le pays dans les années 70. Certains ont alors décidé de créer leur propre emploi mais sans recourir à des formes traditionnelles d’entreprendre. Ils étaient guidés par le « cooperative commonwealth », un réseau de coopératives d’entraide qui organisaient entre elles des échanges en recourant le moins possible aux relations commerciales classiques. Par exemple, les membres qui ont créé Suma et d’autres coopératives d’aliments complets ne recevaient pas de salaires mais prenaient l’argent qu’ils souhaitaient dans l’entreprise. Une réflexion de gestion orthodoxe conclurait qu’une rémunération à la carte est une recette qui doit enclencher un comportement égoïste incontrôlé mais les coûts salariaux, en termes de pourcentage des ventes, n’ont jamais été aussi raisonnables dans cette entreprise qu’au cours de cette période. L’expérience est décédée lorsque les autorités fiscales sont intervenues pour exiger des membres de Suma qu’ils versent leur cotisation de sécurité sociale et leur impôt sur le revenu. C’est ainsi que fut introduit le système de rétribution salariale. Ce fut le premier exemple d’expérience radicale qui fut obligée de se plier à la pratique qui prévaut plus généralement.

L’évolution de l’entreprise

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Au cours des premières années d’existence de Suma, cette démarche informelle a eu une incidence directe sur sa gestion et ses activités. Les membres travaillaient autant qu’ils le souhaitaient et s’octroyaient argent et produits comme ils l’entendaient. Le secteur était très porteur et Suma connaissait des taux de croissance annuels de 20% et plus. En 1979, deux ans après la fondation de la coopérative, les membres ont décidé d’investir dans un entrepôt de trois étages dans le centre de Leeds, à proximité du fleuve. L’entrepôt semblait alors démesuré, seul un de ses petits coins était occupé par les stocks, mais 18 mois plus tard, il était plein. Indépendamment du développement rapide de ses activités, les principes fondateurs de la coopérative ont été maintenus: égalité de rémunération, polyvalence et diversité de l’emploi, développement personnel au sein de l’entreprise, éthique, propriété à

Coopératives, Territoires et Emplois

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100% des travailleurs et gestion par ceux-ci, prise de décision démocratique, égalité des chances, produits respectueux de l’environnement, avoirs détenus par le collectif. La gestion au fil des sept premières années a été entravée par un manque général de coordination. Les réunions étaient souvent très longues et inefficaces. Le processus coopératif de prise de décision était limité par le pouvoir dévolu aux membres d’exercer leur droit de veto lorsque se prenaient des décisions cruciales pour l’évolution de l’entreprise et, concrètement, pour éviter les écueils, la plupart des décisions étaient prises individuellement par des employés, avec très peu de coordination. Cette période a aidé les membres à comprendre les mécanismes de gestion, à prendre conscience des défis dans les différents domaines de l’entreprise et de la diversité et complexité des compétences nécessaires. Peu de membres avaient de l’expérience mais ils ont pu apprendre sur le tas. Pour Suma, les années 1980 ont été la décennie des grands changements. La coopérative a déménagé de Leeds vers un ancien établissement de fabrication de tapis à Halifax, 20 km plus loin. La coopérative a ainsi perdu son réseau de relations de proximité qu’elle s’était développé au cours des premières années à Leeds, a perdu des clients et certains membres. Sa gestion a dû être remaniée, les assemblées générales des membres n’étant plus suffisamment efficaces pour prendre souverainement les décisions. La coopérative a opté pour une nouvelle structure de gestion fondée sur le « Viable Systems Model », une approche systémique viable inspirée de la théorie de la gestion cybernétique. Les membres ont été répartis en sections qui élisaient leurs délégués à un  « centre » (hub).

C’est ainsi que Suma a réalisé son objectif principal au cours de cette décennie: fournir un nombre croissant d’emplois de meilleure qualité par rapport à la moyenne et maintenir des niveaux salariaux équivalents à celui de la moyenne régionale (tant pour le personnel de gestion que pour les emplois manuels). Mais le secteur du marché des aliments complets s’est rapidement développé et des entreprises privées plus jeunes ont profité de ce créneau, mieux que Suma qui accusait

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Une fonction de collecte de données de l’entreprise a été créée, le Service d’information Suma, pour accompagner la prise des décisions. Mais la discipline coopérative faisait toujours défaut. Les initiatives étaient encore largement prises par des personnes lorsqu’elles les estimaient souhaitables, mais le centre et les sections permettaient une liberté de communication qui était une des exigences les plus importantes pour réussir la gouvernance coopérative.

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Chapitre 2 · Suma

des reculs face aux grands supermarchés, et qui perdait d’importants clients. L’entreprise s’est trouvée menacée mais l’engagement des membres demeurait ferme. En 1992, les assemblées générales étaient réhabilitées et un comité de gestion était élu par les membres pour aider la coopérative à définir des orientations de gestion et une ligne de conduite. Les attributions et compétences du comité de gestion ont été soigneusement pensées pour permettre une prise de décision qui se fonde sur le débat et le consensus, et qui sauvegarde l’esprit autogestionnaire des membres. Elle n’a pas de gestionnaire à temps plein, de PDG, de directeur général ou de président: en effet, les membres estiment risqué de donner trop de pouvoir à une personne qui pourrait en tirer avantage dans son propre intérêt. Les membres ont minutieusement équilibré la gouvernance démocratique – l’assemblée générale et le comité de gestion -, d’une part, et le pouvoir exécutif – celui des coordinateurs et conseils de l’entreprises, tels que les responsables des finances et du personnel -, d’autre part. Les membres du comité directeur considèrent leurs propres responsabilités de direction, non exécutives, comme une tâche additionnelle à leur « journée de travail » dans la coopérative et ont, par ailleurs, le même statut que les autres membres. La culture interne à Suma traite la gestion comme une simple fonction entrepreneuriale, assumée par la personne compétente, et non pas comme un statut dont seraient investis certaines personnes. De nombreuses fonctions clés de la gestion sont assumées par une équipe et non par une personne, comme c’est le cas de l’équipe financière qui joue le rôle de directeur financier.

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Si cette approche exige d’investir plus dans la coordination (les chefs d’équipes de Suma portent le titre de «  coordinateurs  » et les chefs de départements celui de « coordinateurs de fonctions »), elle permet le maintien de l’égalité de rémunération et une gestion efficace des risques et de la succession. La gouvernance de Suma se fonde sur la notion de membres qui s’autogèrent. Ils choisissent, forment et évaluent les travailleurs membres pour ne pas devoir en surveiller le travail au jour le jour et pouvoir organiser «  des évaluations par les pairs » du travail et du comportement des collègues. Suma économise donc le coût d’un niveau de gestion de maîtrise du personnel et résout le problème du parasitisme en encourageant une culture de l’appropriation par les travailleurs membres. Aujourd’hui, Suma ne cesse de grandir et les objectifs qu’elle s’est fixés dans son plan

Coopératives, Territoires et Emplois

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d’entreprise sont largement atteints grâce à une croissance maîtrisée. En remplissant son ambition de ventes de 25 millions £ tout en maîtrisant ses coûts en 2009, Suma a pu déclarer une marge bénéficiaire de 1,6%. La moitié de cette marge a été distribuée sous forme de primes en reconnaissance du travail contraignant de ses membres, et pour les encourager à réduire tout gaspillage et à apporter des améliorations à l’entreprise. Si cette marge bénéficiaire peut sembler peu élevée pour le secteur, elle ne prend pas en considération d’autres primes assurées par l’entreprise, ce qui illustre une fois de plus que les méthodes orthodoxes désavantagent les entreprises démocratiques. Lorsque la prime qui s’ajoute aux taux de rémunération en cours sur le marché est prise en compte, le taux d’excédent net passe à 4%, un niveau tout à fait respectable. Cette prime calculée sur l’excédent est versée à l’avance, ajoutée à la rémunération hebdomadaire de tous les travailleurs, ce qui est qualifié de « mauvaise pratique » par les principes comptables orthodoxes qui vantent les vertus d’une déclaration annuelle en fin d’année, au titre de bénéfices. Suma ne peut, compte tenu des normes de comptabilité, réaffecter cette prime salariale aux « excédents » (ou bénéfices) bien que son objectif premier soit de soutenir de meilleurs emplois et de ne pas rémunérer des investisseurs absents.

Comme la plupart des coopératives de travail associé en Europe, avec un taux d’endettement (ratio dette-avoirs) exceptionnellement bas et des comptes à rendre à ses seuls membres, Suma a traversé la crise économique 2008/2009 sans en ressentir pratiquement les effets et est donc bien positionnée pour tirer avantage de la reprise économique.

Emplois, membres et formation Suma n’a cessé de grandir depuis sa fondation et a accueilli 120 travailleurs-membrespropriétaires. La rotation du personnel est très faible en regard de la moyenne, quelque 2-3% par an.

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Suma a mis en place, en toute autonomie, un réseau de garde-fous de la gouvernance à l’instar d’autres coopératives de travail associé. Pour garantir que ses membres ne sombrent dans l’auto-exploitation et protéger les personnes, des réunions mensuelles de la section syndicale permettent de faire le point sur l’importance des questions de protection et prestations sociales. Suma, anormalement, au RU en tout cas, connaît un taux de syndicalisation élevé pour le secteur des coopératives et plus largement, des PME privées. 80% de ses travailleurs sont affiliés au Syndicat des boulangers et travailleurs de l’alimentation.

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Chapitre 2 · Suma

Deux membres fondateurs sont toujours membres après 33 ans. Les groupes d’âge sont essentiellement les 45 – 55 et les 25 – 35. A l’image d’Ardelaine (chapitre 1), Suma est un exemple typique d’emploi à long terme, une caractéristique des coopératives de travail associé. Le rajeunissement par le recrutement ne peut se faire que s’il y a croissance de la coopérative car les membres ne la quittent pas. Les hommes représentent 60% et les femmes 40% des membres. Les recrutements se réalisent par une double voie: des travailleurs saisonniers de l’entrepôt et conducteurs saisonniers demandent à devenir membres, et ce sont géréralement des fonctions occupées par des hommes; l’autre voie est celle de l’offre d’emploi pour une période d’essai dans un premier temps, c’est la voie d’accès la plus fréquente des femmes.

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A ses débuts, presque tous les membres de Suma avaient un diplôme universitaire mais aujourd’hui, les origines sociales sont plus variées grâce à un recrutement plus sophistiqué qui sélectionne en fonction de la capacité à travailler en coopérative, indépendamment de l’expérience éducative ou professionnelle. Suma investit beaucoup dans la formation de ses nouveaux membres. Une période d’essai de trois mois est prévue pour le travail en entrepôt, suivi – si l’évaluation est positive – d’une formation intensive à la fonction de membres qui dure six mois au cours desquels les candidats sont réévalués en regard du profil d’emploi. Si l’équipe en charge du personnel dans la coopérative reconnaît que le candidat correspond au profil de l’emploi, elle recommande aux autres membres de voter pour son adhésion car, en bout de course, la décision revient aux membres de Suma qui s’expriment par un vote démocratique sur l’adhésion du candidat. La conjugaison de la sécurité de l’emploi tant que vit l’entreprise et l’engagement que prennent les travailleurs de se recycler dans l’apprentissage de toutes les compétences dont a besoin l’entreprise (pour développer un vaste portefeuille de compétences) permet de conclure que Suma est un bon exemple de « flexicurité » de l’emploi, donnant

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la priorité à la sécurité tout en la mariant avec la flexibilité dans l’organisation du travail. C’est un des traits importants des coopératives de travail associé dans le monde.

Une entreprise couronnée de succès Suma est actuellement le distributeur national le plus important d’aliments végétariens au RU et un exportateur de poids dans le monde entier. Parmi ses clients, figurent des commerçants indépendants, des coopératives d’achat de produits alimentaires, des chaînes de supermarchés, des coopératives de consommation, des supermarchés de groupes coopératifs, des institutions telles que des prisons, des écoles et des hôpitaux. En 2009, Suma a créé en interne un site d’achat en ligne pour capter une partie de ce nouveau marché en pleine expansion. Suma met au point de nouveaux produits alimentaires respectueux de la santé ainsi que des produits ménagers respectueux de l’environnement, qu’elle commercialise sous sa propre enseigne. L’enseigne est bien connue et respectée au RU, et concurrence celle de multinationales sur les étagères des magasins. De nombreux nouveaux produits et catégories de produits ont été introduits sur le marché britannique par Suma, dont de nombreux produits alimentaires végétariens, des produits de nettoyage écologiques et des livraisons en vrac aux consommateurs ont été développées pour réduire l’utilisation d’énergies fossiles dans la distribution alimentaire.

Suma est une coopérative de travail associé qui compte au sein de Co-operatives UK, l’association nationale des coopératives du RU. Ses membres sont payés pour participer à l’organisation et à la coordination des coopératives de travail associé du Royaume uni, et partager leurs éclairages sur le travail associé avec des coopératives de consommation et d’autres membres de Co-operatives UK. Depuis 2001, Suma dispose d’un centre de distribution de quelque 6500 m² près d’une autoroute, dans la banlieue d’Halifax, dans le Yorkshire, à partir duquel sont distribuées 6000 lignes de produits avec une fiabilité par nul autre égalée. Sa concurrence se fonde sur la qualité du service au client et non sur le prix. Les concurrents

PROOF

Suma et les autres grossistes d’aliments complets, qui ont opté pour la forme de coopératives de travail associé (Essential, Infinity, Green City), ont introduit des produits de commerce équitable et des aliments bios au RU, et ont lancé la campagne Food Genetix qui a obligé à éliminer les aliments génétiquement modifiés de toutes les grandes chaînes de produits d’épicerie au RU.

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Chapitre 2 · Suma

ont un taux de bonne livraison de 85% alors que Suma est rarement en deçà des 99%. Cette différence est assurée par l’engagement des travailleurs membres de Suma dans leur entreprise et leur détermination à offrir au client le service attendu. La stratégie empreinte de modération de Suma, qui l’a conduite à grandir organiquement et à fonder sa concurrence sur la qualité du service, lui a permis d’entrer dans sa quatrième décennie. Les concurrents privés de Suma ont bien peu résisté en tant qu’indépendants au RU. La plupart ont été vendus et relégués au rang de filiales de grands groupes dont la propriété change de mains tous les ans. Ce manque de continuité de la propriété des concurrents est une des raisons de la pérennisation et du succès de Suma. Qu’elle appartienne à ses travailleurs est le gage de son indépendance.

Gouvernance véritablement partagée et démocratique L’obstacle majeur à une croissance sans encombre de Suma et d’autres coopératives de travail associé au RU telles que des créateurs d’emploi « self-help » est le rejet des compétences de gestion de coopératives de travail associé qui soient fonction de l’objet poursuivi.

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La gouvernance collective, assortie d’une égalité de traitement de tous les membres, ne permet pas l’application de techniques de gestion normales qui sont impropres aux coopératives de travail associé. Suma a été à l’avant-garde des techniques de gestion des coopératives de travail associé au RU et partage régulièrement cet apprentissage avec des coopératives sœurs. Malheureusement, cet apprentissage s’est souvent fait par essai et erreur, et a un peu tardé à se faire connaître. La gestion opérationnelle (hebdomadaire) et tactique (annuelle) est bien maîtrisée dans la coopérative. Suma est très clairement capable de répondre à son marché et se bat pour promouvoir une gestion stratégique démocratique, une gestion active de développement à long terme de l’entreprise sur d’autres marchés. Les activités de soutien, formation et conseil mis à la disposition par Suma et d’autres coopératives de travail associé sont financées par le mouvement des coopératives de consommation au RU grâce à des subventions octroyées au développement d’entreprises coopératives. Les possibilités en ce sens se sont accrues depuis la fusion des associations nationales de coopératives de travail associé et de consommation, qui a donné naissance à Co-operatives UK en 2003.

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Il n’y a eu en effet aucun soutien financier du gouvernement aux coopératives de travail associé au Royaume uni au cours des 25 dernières années. L’absence de législation qui définisse clairement ce qu’est une coopérative de travail associé au RU freine le développement du secteur, tout comme l’absence de reconnaissance de la création d’emplois et du rôle de valorisation des compétences sous forme d’allègements fiscaux. Les coopératives de travail associé au Royaume uni n’exigent pas normalement de mise de fonds minimale des candidats membres, à l’exception de l’achat d’une part d’une valeur symbolique d’1 £. Le capital appartient au collectif et est qualifié de propriété collective selon laquelle les membres actuels peuvent utiliser le capital engrangé par les anciens membres mais ne pas profiter individuellement d’une dissolution de l’entreprise (« verrouillage des avoirs » ou réserves impartageables – cf. introduction). Si les membres votent pour la dissolution de l’entreprise, les actifs de celle-ci doivent revenir au mouvement coopératif pour être réinvestis dans des coopératives.

Suma en tant qu’employeur local L’économie locale du district de Calderdale se caractérise par un faible niveau de compétences, de rémunération, des emplois temporaires, un faible niveau de prise d’initiatives, notamment dans le secteur de la distribution.

Suma encourage tous les membres à s’engager dans le travail de développement, à promouvoir et modifier les pratiques de travail et entrepreneuriales. C’est cet aspect de la culture de l’emploi qui permet aux membres de constituer ensuite leur propre entreprise et de pouvoir compter sur leurs propres moyens (s’ils le souhaitent). La gouvernance ouverte de Suma a permis, tant dans le passé qu’actuellement, à de nombreux membres de vivre et d’apprendre à être des partenaires de l’entreprise qui s’autogèrent. De nombreux membres de Suma ont été recrutés avec peu de connaissance de l’entreprise et les rares qui ont quitté la coopérative ont créé leur propre entreprise ou ont trouvé un emploi à un poste bien plus élevé que celui qu’ils occupaient dans la coopérative.

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La formation des membres de Suma exige et soutient des candidats ayant un minimum de compétences dont la polyvalence et donc la capacité à assumer plusieurs fonctions dans l’entreprise sera promue. Les travailleurs manuels apprennent, sur le tas, le travail de bureau, notamment à manier les TIC, à communiquer et à participer à la gouvernance de la coopérative. Les employés de bureau acquièrent des compétences physiques, développent le niveau de santé et d’aptitude physique requis, l’autodiscipline nécessaire au travail manuel.

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Chapitre 2 · Suma

L’emploi exige également des membres qu’ils viennent d’horizons très variés afin de faire face à la diversité des cultures et des comportements, notamment aux différences d’origine ethnique, aux différences hommes-femmes, aux différences entre les classes sociales, aux différences d’approche de la sexualité, etc. Tout cela est autorégulé, en accord mutuel avec la coopérative.

La transmission des meilleures pratiques Suma est un employeur du secteur privé particulièrement en vue dans la région de Calderdale. Les autorités de la santé et de la sécurité de l’emploi la cite en exemple de meilleures pratiques auprès d’autres employeurs du secteur de l’entreposage et de la distribution. Ses prestations et conditions servent de références aux autres employeurs et Suma ne s’en cache pas sur le marché. Les membres de Suma ont des salaires phares, 50% supérieurs à la moyenne locale. Tous les salariés de Suma, membres ou pas, sont directement employés par Suma alors que ses concurrents font normalement appel à des agences de travail intérimaire pour éviter d’assumer les responsabilités légales de l’emploi. Tous les travailleurs de Suma ont des aménagements très flexibles de leur travail. L’entreprise articule l’organisation du travail en fonction des engagements familiaux et autres. A la différence d’autres employeurs britanniques, Suma respecte au pied de la lettre le droit, notamment en matière de santé et de sécurité. Etant un employeur à la comptabilité ouverte et transparente, qui offre à ses membres le libre accès à l’information sur l’entreprise, Suma est plus exposée parce que ses membres peuvent en abuser.

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Les écoles, facultés et universités ont recours à Suma pour donner de l’expérience à leurs étudiants et pour en soutenir les projets. Suma sponsorise et aide des écoles secondaires qui s’inscrivent dans l’optique de sa gouvernance. La coopérative est un élément d’appui clé des améliorations de l’environnement local, notamment d’appui financier et en termes de main-d’œuvre pour le reboisement des collines de la vallée en vue de diminuer les inondations que subissent les communautés installées près des rives du fleuve.

Suma et la chaîne d’approvisionnement éthique A l’instar de la plupart des coopératives d’aliments complets au RU, Suma a opté pour le slogan « Aliments pour les personnes et non pour le profit » lors de sa création.

Coopératives, Territoires et Emplois

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L’éthique est au cœur de la pratique de l’entreprise et constitue le fondement de l’enseigne Suma. Les clients estiment pouvoir avoir confiance dans Suma pour ne vendre que produits qui soient conformes aux critères énumérés dans les catalogues, à savoir végétariens, bio, du commerce équitable, sans additifs artificiels, etc. Suma et les coopératives d’aliments complets ont redonné vie au principe de l’alimentation éthique à un moment où les pratiques commerciales de la majorité du mouvement coopératif de consommation au RU semblaient ne plus se différencier des supermarchés détenus par des investisseurs privés qui avaient opté pour le tout au profit. On peut affirmer que la renaissance des pratiques commerciales éthiques dans le mouvement des coopératives de consommation au Royaume uni s’est inspirée des coopératives d’aliments complets, malgré leur relativement petite dimension. Suma, par exemple, importait et distribuait des produits alimentaires aux prix forts pour pouvoir en faire bénéficier les producteurs des pays en développement dix ans avant que ne soit inventé le concept du commerce équitable. Suma a boycotté publiquement des produits en provenance de l’Afrique du Sud qui pratiquait alors l’apartheid et d’autres pays dont les régimes étaient répressifs et les entreprises non éthiques alors que de telles pratiques étaient qualifiées d’extrémisme politique. Les membres assurent ce respect grâce à une gouvernance ouverte et responsable. Il existe un équilibre dynamique fort entre l’objet de l’entreprise et la pratique éthique qui est le fruit de discussions permanentes en interne entre les membres qui exploitent les informations transmises par les clients et les consommateurs. Outre le tissage de nombreux liens avec la vie réelle, Suma a beaucoup recours aux technologies des médias sociaux en ligne pour mettre en réseau ses membres et ses clients.

Suma utilise son enseigne désormais bien connue pour promouvoir des produits de coopératives avec lesquelles elle a tissé de longue date des relations commerciales, comme par exemple, le riz d’Espagne respectueux de la conservation de la faune, les pâtes bio d’Italie, le fromage du RU et les fruits secs de Turquie. L’amélioration des communications entre coopératives au niveau mondial permettra de nouer des relations qui ne constitueront pas simplement un mode d’entreprendre plus éthique mais également plus rentable à terme.

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C’est ainsi qu’un mécanisme de garantie efficace de la qualité s’est développé. Par ailleurs, Suma a mis au point, au 21ème siècle, la traçabilité de sa chaîne complète d’approvisionnement afin de pouvoir soumettre les documents nécessaires à démontrer son respect de certaines normes commerciales, à l’heure où la société a intégré l’idée que les consommateurs devaient recevoir ce qu’ils étaient en droit d’attendre.

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Chapitre 2 · Suma

Suma – Royaume-Uni

Coopérative de travail associé

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Adresse: Lacey Way, Lowfields, Elland, West Yorkshire HX5 9DP UK Date de fondation: 1977 Secteur: Importation, fabrication et distribution d’aliments naturels Membres: 120 Travailleurs non membres: 30 Chiffre d’affaires: 28 millions € (2009) Site: www.suma.coop Contact: Bob Cannell – [email protected]

Sofia, Bulgarie

Confection de vêtements

SOFIA

BULGARIE

avec la contribution de Stilian Balasopulov

Chapitre 3

Dimitar Blagoev

Dimitar Blagoev a été constituée par la fusion volontaire de sept coopératives de confection qui s’étaient établies en 1945-46, étaient demeurées de très petite dimension, avec des membres qui travaillaient essentiellement chez eux. La fusion a lieu en 1947. A l’époque, la politique du gouvernement socialiste tout jeune encourageait le rapprochement des petites entreprises. La coopérative issue de la fusion comptait 90 membres du secteur de la coupe, couture et confection. Le capital de départ de cette opération de fusion a été rassemblé grâce à l’engagement économique et matériel des membres, à savoir des liquidités

PROOF

L’histoire de Dimitar Blagoev a commencé il y a 60 ans. Elle reflète la transformation de la société en Bulgarie et en Europe de l’Est dans la seconde moitié du vingtième siècle. Fondée en 1947, elle a traversé toute la vie de la République populaire de Bulgarie, dès la fin de la seconde guerre mondiale. Le régime communiste a fortement marqué la vie de la population, notamment dans le domaine économique.

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Chapitre 3 · Dimitar Blagoev

financières mais aussi des machines à coudre, des fers à repasser et des tables de travail. L’activité de la coopérative se déclinait en production de vêtements industriels et de petits services de confection et réparation de vêtements de clients individuels.

Dimitar Blagoev jusqu’en 1989 Au cours de ses premières années d’existence, la coopérative a connu une augmentation importante du volume de ses activités et du nombre de ses travailleurs membres qui a dépassé les 1000 salariés. L’assemblée générale a décidé d’étendre sa production et d’investir dans l’achat d’un terrain sur lequel un grand établissement a été construit. L’investissement a été de près de trois millions de levas bulgares (soit 1,5 million d’euros) que la coopératives a dégagés de ses fonds propres et des apports de ses membres. De 1956 à 1961, un établissement de 6 étages a été construit et plusieurs ateliers de production, de vente en gros et au détail de costumes pour hommes et de vêtements féminins ont été installés. Suite au plan économique national de la République populaire de Bulgarie, en 1962, un décret du Conseil des ministres a décidé de nationaliser l’établissement et la production est passée aux mains de Visham, une usine d’état dans la confection. Certains des membres ont décidé de travailler pour l’entreprise d’Etat et d’autre sont retournés à leurs petits ateliers de confection. Ceux-ci avaient une plus large autonomie mais ils étaient uniquement autorisés à effectuer de petites réparations et fournir des services de confection à la population mais pas à produire de vêtements industrie.

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Cette période de l’histoire se caractérise par une politique gouvernementale de  nationalisation du système de production qui a affecté tout le système des coopératives du pays. Elles se sont converties en propriétés de l’Etat et la production a connu un processus de centralisation par la réalisation de plusieurs fusions entre entreprises. Entre 1970 et 1989, Dimitar Blagoev a été absorbée par la structure de « l’Industrie locale » du Conseil métropolitain, l’organisme chargé de la gestion de la production, des exportations et des finances de la coopérative. Cependant, même dans le cadre d’un tel système, le manque d’autonomie n’était pas absolu. Il a été partiellement compensé par les bénéfices engrangés sur les investissements dans de nouveaux ateliers. En 1979, les travailleurs de l’unité de production retrouvent la forme de coopérative de travail associé car c’est à l’époque que se fait jour une tendance opposée à l’étatisation et que se recréent de nouvelles coopératives et que d’anciennes sont restituées aux membres.

Coopératives, Territoires et Emplois

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Le nouveau défi pour Dimitar Blagoev en 1989 La coopérative a été profondément influencée, positivement et négativement, par le régime économique et politique du pays. L’effondrement de l’Union soviétique et le basculement des économies planifiées vers des économies de marché en Europe de l’Est représente le point de départ de nouveaux changements et défis inattendus. La transformation a eu un impact non négligeable non seulement sur la coopérative Dimitar Blagoev mais aussi sur l’ensemble du mouvement coopératif bulgare. Par ailleurs, Dimitar Blagoev a commencé un processus long et pénible de restructuration lorsqu’elle sort du système «  Industrie locale  ». Le système de monopoles de production sectorielle locale est rapidement mis en concurrence sur le marché et sonne ainsi automatiquement le glas des entreprises d’Etat. Les propriétés de la coopérative, fusionnées en son temps pour constituer l’entreprise Vitosha au cours de la période de la prédominance des monopoles, ont été modifiées par la loi sur la restitution. En quelque 20 années, plus de cent ateliers de confection ont fermé. En même temps, la demande intérieure et étrangère a chuté dramatiquement ainsi que les prix, provoquant un recul spectaculaire de la capacité à rémunérer le travail.

Les membres décident d’élargir et de diversifier le champ des activités en vue de parvenir à un équilibre entre la couture avec des tissus fournis par les clients et la confection, la vente de vêtements, mais aussi la prestation de services à l’industrie hôtelière. En 1995, la coopérative décide de construire un petit hôtel

PROOF

Dimitar Blagoev met en œuvre une série de mesures pour éviter la faillite à court terme. Une réorganisation du personnel est entreprise pour accroître la productivité, le personnel d’encadrement est réduit, grâce principalement à des mesures de départs naturels et de retraites anticipées. Mais l’activité économique doit se redéployer pour s’adapter à la nouvelle situation sociale et économique du pays et la coopérative décide d’une série de mesures annuelles adoptées avec une vision à long terme.

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Chapitre 3 · Dimitar Blagoev

de 13 chambres sur la côte de la mer Noire. Les membres y bénéficient d’une réduction de 50% sur les tarifs pratiqués. Il est également utilisé par la coopérative pour accueillir des activités de formation et des séminaires, en consentant donc effectivement l’investissement consenti par une réduction des coûts. Dans les ateliers, l’équipement est renouvelé et l’indépendance économique est affirmée par la reconquête de la propriété des locaux. La coopérative mise sur la production de qualité pour concurrencer les autres entreprises et faire face à l’arrivée des biens et produits d’autres pays. Les conditions de travail et la sécurité au travail se sont sensiblement améliorées au cours des 20 dernières années, et se sont multipliées les prestations sociales aux travailleurs, telles que des services médicaux, des subsides pour les frais de crèche et de transport. La restructuration des activités de la coopérative a été pénible et la plus importante victoire a été sans nul doute de résister aux changements drastiques qu’a connus le système économique et la société, de s’adapter aux changements qui n’ont malheureusement pas toujours été favorables au modèle coopératif. L’économie de marché a obligé la coopérative à se restructurer pour relever le défi de la mise en concurrence sans aides d’Etat.

PROOF

La coopérative aujourd’hui Dimitar Blagoev est actuellement une entreprise entièrement autonome et son Conseil d’administration ainsi que son Comité de surveillance sont élus par les travailleurs membres tous les quatre ans au scrutin secret. Malgré la restructuration de l’activité de production, le chiffre d’affaires de la coopérative est demeuré constant au fil des dernières années, à l’exception des 2006-2007 qui ont accusé un recul temporaire. Progressivement, la croissance économique a permis celle de l’emploi qui avait baissé entre 2002 et 2008 (Graphique 1). Au cours de cette période, malgré la crise financière grave qu’a connue la Bulgarie et indépendamment de la réduction des effectifs et du volume de travail, la coopérative est parvenue à trouver sa niche de marché et à stabiliser, lentement mais sûrement, sa position sur le marché. En 2005, la coopérative a demandé et obtenu un financement pour l’organisation de la formation et la promotion des compétences des travailleurs, de la qualité et la complexité des biens produits. Par conséquent, Dimitar Blagoev a décroché d’importants nouveaux contrats de production avec d’autres entreprises.

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Graphique 1 – Dimitar Blagoev – Evolution de l’emploi

350 300 250 200 150 100 50 0

2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2009

Source: NUWPC Graphique 2 – Dimitar Blagoev – Développement du chiffre d’affaires en millions de leva

1,8 1,6 1,4 1,2 1 0,8 0,6 0,4 0,2

2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2009

Source: NUWPC

L’activité commerciale de la coopérative poursuit sa consolidation; elle entretient de bonnes relations avec d’autres coopératives du pays et est intégrée à un bon réseau de l’industrie de la confection, ouvert au commerce européen et international, et qui s’ajuste à la flexibilité et au dynamisme du système économique qui prévaut. Elle a établi des relations commerciales avec des entreprises en France, en Italie, en Allemagne

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Chapitre 3 · Dimitar Blagoev

et en Autriche. Avec d’autres coopératives, elle a noué un dialogue permanent sur les stratégies et l’intégration, et peut compter sur le soutien de l’Union nationale des coopératives de producteurs et de travail associé (NUWPC), organisation bulgare affiliée à CECOP, qui organise différents cours de formation et séminaires pour rehausser l’efficacité et la productivité des coopératives. Dimitar Blagoev développe ses activités dans le cadre d’un réseau fort de coopératives et d’autres types d’entreprises, notamment pour la confection de vêtements, les échanges commerciaux et la vente au détail de ses produits. Fig 1 – Dimitar Blagoev Classes d’âge des travailleurs

Fig 2 – Dimitar Blagoev Education des travailleurs 18-30 30-40

professionnelle

40-50

secondaire

50-60

secondaire technique

60-70

supérieur

70-80

Source: NUWPC

Source: NUWPC

La principale activité de la coopérative est la fourniture de services, pour laquelle sont engagés 100 travailleurs dans 10 ateliers qui gèrent les commandes individuelles, les services de vente au détail et de petite confection. Parallèlement, 90 personnes travaillent à l’élaboration de vêtements féminins légers et une partie plus marginale des travailleurs sont employés dans l’hôtel récemment constitué. Tous les travailleurs sont également membres, donc 23 personnes handicapées15.

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L’avenir: les nouveaux enjeux Dimitar Blagoev est enfin sur le point de cueillir les fruits de ces décisions stratégiques nécessaires et pénibles prises au cours des premières années de la transition à l’économie de marché et qui s’était résolument tournées vers le long terme. En 1996, elle a entamé une procédure juridique contre les mesures excessives qui pesaient sur les bâtiments nationalisés de la coopérative. Cette longue démarche de reconnaissance de l’appartenance des bâtiments et du terrain à la coopérative devrait arriver à son 15 Ce n’est cependant pas une coopérative de personnes handicapées aux termes de la loi bulgare, car pour l’être, la coopérative devrait employer 50% de membres handicapés. Ces 23 travailleurs sont des personnes souffrant de troubles cardiovasculaires et moteurs, qui ont survécu à des accidents, etc. Leurs lieux de travail ont été adaptés à leurs capacités de travail.

Coopératives, Territoires et Emplois

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terme en 2012. La coopérative se propose également d’accroître l’emploi et croit avoir déjà adopté les mesures qui lui permettront de concrétiser ce projet. Elle entend également développer ses activités et à cet égard, a obtenu le financement d’un projet intitulé « Amélioration et développement entrepreneurial de la coopérative de travail associé Dimitar Blagoev dans un environnement compétitif ». Elle devrait recevoir 16.000 leva (8.000 euros) dans le cadre du programme Phare cofinancé par l’UE. Il lui sera alors possible de mettre en œuvre les services des ateliers de la coopérative grâce à de nouveaux ordinateurs pour la gestion des commandes et des achats mais aussi l’utilisation d’un logiciel pour le développement de modèles qui correspondent directement aux besoins et tailles de ses consommateurs. L’activité commerciale se concentrera et développera tant sur le marché national qu’européen, mais en donnant la priorité à la couture et au travail des tissus des clients sur le marché national. En ce qui concerne le marché européen, Dimitar Blagoev prévoit de renforcer sa collaboration avec d’autres coopératives du secteur pour organiser des collections plus complexes et participer à des défilés de mode et à des foires du secteur dans certains pays de l’UE.

DIMITAR BLAGOEV – Bulgarie Coopérative de travail associé

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Adresse: 11, Dondukov blvd. 1000 Sofia Date de fondation: 1947 Secteur: production textile, confection et couture Membres: 180 Travailleurs: 180 Travailleurs ayant un handicap: 23 Chiffre d’affaires: 1.300.000 € (2009) Site: www.blagoevtpk.com Contact: + 359/ 2 987 3597 Mariana Dimitrova - Président

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Partie 2 PROOF

Comment la transformation en coopératives d’entreprises menacées sauve des emplois locaux et des activités économiques?

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Chapitre 4

Trafilcoop Pouilles, Italie

Câbles électriques avec la contribution de Monica Guzzo

ITALIE LUCERA Pouilles

La loi (votée en 1985 et modifiée en 2001) prévoit un mécanisme par lequel le capital-risque provenant de l’Etat et canalisé par l’entreprise financière CFI (cf. ci-dessous) est investi dans des entreprises classiques qui se transforment en coopératives ou (aux termes de la version amendée de 2001) dans des coopératives existantes pour soutenir leurs projets entrepreneuriaux. Trafilcoop est une des premières entreprises à appliquer ce mécanisme juridique. On peut la qualifier de « Coopérative Marcora » typique, constituée après la déclaration de faillite de l’entreprise initiale et qui a pu ainsi bénéficier du soutien financier de CFI, comme le prévoit la loi en question.

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La coopérative Trafilcoop se crée en 1985 à Lucera, une petite ville des Pouilles, à l’initiative de 71 salariés, suite à l’abandon par Trafilerie Tatta S.r.l. (établie en 1976) de ses activités. Les travailleurs reprennent alors l’entreprise et relancent ses activités de laminage à froid et de tréfilage du fer et de l’acier, ainsi que tous les produits dérivés du fil machine. Il le font en recourant au mécanisme prévu par la Loi Marcora pour le rachat d’établissements de production.

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Chapitre 4 · Trafilcoop

CFI – Cooperazione Finanza Impresa CFI – Cooperazione Finanza Impresa, membre de CECOP voit le jour en 1986. Il s’agit d’un investisseur institutionnel selon les termes de la loi Marcora (cf. ci-dessus) promue par des coopératives de travail associé affiliées aux trois grandes confédérations de coopératives en Italie: AGCI, Confcooperative et Legacoop. CFI participe aux risques de l’entreprise, finance des investissements et accompagne en permanence la direction dans ses décisions stratégiques et ses choix opérationnels, l’aide à développer les coopératives dans lesquelles elle investit, en suivant constamment leurs activités. CFI dispose d’un actif net de 98 millions d’euros et d’un portefeuille de 57 entreprises. Ses membres représentent plus de 240 entreprises, une entité appelée Sviluppo Italia et le ministère du Développement économique. Au cours de ses 15 premières années d’activité, CFI a investi quelque 80 millions d’euros dans le capital-risque de 159 coopératives de travail associé créées par des travailleurs d’entreprises frappées par la crise et a sauvé près de 6.000 emplois. En réaction aux fluctuations des besoins socioéconomiques du pays et sur la base de son expérience, CFI a développé sa mission en s’adaptant à de nouveaux scénarios de marché. Depuis 2003, CFI a également financé le lancement, le développement et le repositionnement de coopératives de travail associé et de coopératives sociales. CFI apporte des investissements temporaires au capital-risque et des financements qui doivent aider à soutenir l’investissement à long terme consenti par les travailleurs. Les interventions ont jusqu’ici contribué largement à la croissance de coopératives et au développement de la gestion de l’entreprise tout en garantissant de l’emploi dans des conditions de bonne efficacité économique et financière. En 2009, les 57 coopératives du portefeuille de CFI ont permis d’engranger un chiffre d’affaires agrégé de plus de 385 millions d’euros et de sauvegarder 2.890 emplois.

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Comment la crise et le sauvetage de l’entreprise se sont-ils déroulés? Trafilerie Tatta a été déclaré en faillite suite à plusieurs facteurs qui se sont conjugués et ont conduit l’entreprise à être mise sous tutelle administrative en 1984. La cause première est la crise du début des années 80 qui a durement ébranlé tout le secteur de la sidérurgie, en Italie et dans le reste de l’Europe. Cependant, un autre facteur est celui de l’incapacité de la direction de l’entreprise à faire face à une situation sans aucun doute difficile. En 1984, les travailleurs de Trafilerie Tatta ont joui d’un programme d’aide aux travailleurs d’entreprises en difficulté. Aux termes de ce programme, les travailleurs

Coopératives, Territoires et Emplois

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pouvant partir en retraite anticipée grâce au versement de leur sécurité sociale pendant une période qui pouvait aller jusqu’à 10 ans ou opter pour un départ volontaire. Ce dernier choix était plus difficile à vivre psychologiquement car une partie de ceux qui l’ont fait ont parfois souffert de dépression ou ont sombré dans l’alcoolisme. C’est au cours de cette période difficile qu’une synergie s’est tissée entre Legacoop, une des fédérations italiennes de coopératives, les organisations syndicales et les travailleurs pour trouver une issue par la création de coopératives qui regroupent les travailleurs de l’ancienne entreprise en crise afin de relancer les activités et poursuivre la production. Il est clair qu’un grand travail de coordination a été nécessaire avant de prendre la décision. Avant tout, une étude de faisabilité prudente a été entreprise pour assurer que la démarche soit durable, voire pérenne. Une des grandes victoires de ce processus, dans le cas qui nous occupe, est d’avoir été capable dès la création de la coopérative d’engager les travailleurs dans le projet. Lorsqu’elle a été mise sous tutelle, Trafilerie Tatta comptait quelque 110 salariés. Les membres fondateurs de la nouvelle coopérative étaient 71, dont seulement 3 n’avaient pas travaillé dans l’ancienne entreprise, un ingénieur TIC, un expert en électronique et un comptable. Près de 35 travailleurs ont opté pour la retraite anticipée et seuls 6 travailleurs ont décidé de ne pas prendre part à la création de la coopérative. L’intégration entre l’ancienne et la nouvelle main-d’œuvre a servi à renforcer les qualités techniques et de gestion de la nouvelle coopérative.

Trafilcoop est une coopérative dynamique qui, au fil des ans, a connu de grandes transformations organisationnelles grâce à un système de gestion qui a été planifié de manière efficace et effective. Actuellement, Trafilcoop a doublé son chiffre d’affaires depuis sa création et a consolidé son niveau d’emploi dans une région du sud de l’Italie où l’industrialisation est peu présente. La coopérative est actuellement un protagoniste entrepreneurial clé dans son district, et elle évolue dans une région particulièrement défavorisée du sud de l’Italie où le taux de chômage est nettement supérieur à la moyenne nationale. Elle s’est hissée au deuxième rang des entreprises du district de Lucera, derrière Fantini (anciennement, Metalsifa), un grand groupe de fabrication de briques et de tuiles.

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Trafilcoop a donc repris le travail de Trafilerie Tatta, tout en y introduisant d’importants changements, en réorganisant et révisant le système de production, en vue notamment de maîtriser au mieux les processus de gestion, les coûts et les ressources. Dès le départ, la coopérative a adopté un système TIC très à la pointe pour sa comptabilité industrielle qui accompagnait notamment le contrôle des coûts et des rentrées de chaque ligne de production. Par ailleurs, une politique claire d’investissements technologiques a été tracée pour rehausser la productivité.

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Chapitre 4 · Trafilcoop

Trafilcoop: maintien, consolidation et création d’emplois Au fil des années, la coopérative a perdu des emplois en chiffres absolus, de 71 salariés lors de sa création, elle se retrouve aujourd’hui avec 56 salariés. Il est cependant nécessaire de contextualiser ce recul. Lors de sa création, Trafilcoop a donné de l’emploi à une main-d’œuvre qui aurait eu bien des difficultés à en trouver. Les travailleurs en question étaient extrêmement spécialisés et avaient près de 50 ans. Cependant, au fil du temps, les investissements dans les nouvelles technologies de l’industrie sidérurgique ont permis d’accroître la productivité par travailleur et de la valoriser en employant moins de travailleurs. Cependant, la politique à long terme de la coopérative misant sur une meilleure efficacité de la production a sauvegardé l’emploi des travailleurs les plus agés, jusqu’à l’âge de mise à la retraite et de dégager entre les générations un chiffre d’affaires cohérent. Aujourd’hui, près de 50% de la main-d’œuvre était présente depuis sa création. Nous devons également prendre en considération le nombre d’emplois directement créés par Trafilcoop qui, grâce à un partenariat avec Metasifa S.p.a., a constitué une filiale commune E.D.I. – Euro Difese Idrogeologiche S.r.l. - en 2000 (cf. partie qui suit) et qui emploie aujourd’hui 25 travailleurs.

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Consolidation En 2000, Trafilcoop constitue une nouvelle entreprise, E.D.I. - Euro Difese Idrogeologiche S.r.l. -, fruit d’un accord conclu avec une entreprise privée classique bien implantée, Metalsifa S.p.A. (aujourd’hui Fantini), qui opère également dans le secteur de l’acier. E.D.I. travaille dans le domaine des systèmes hydrogéologiques et fabrique des produits pour la construction de structures hydrogéologiques qui sont utilisées pour protéger de l’instabilité hydrogéologique, pour réhabiliter le lit des rivières et consolider des zones sujettes à l’érosion ou encore des terres plus exposées aux glissements de terrains. E.D.I. s’est créée en vue d’éviter que plusieurs entreprises locales engagées dans le même secteur ou un secteur proche ne se fassent de la concurrence, pour qu’elles fassent le choix de la coopération sur le territoire, et la stratégie s’est avérée être gagnante. La composition de ses parts de capital qui s’élève à 1.779.000 euros, reflète cette préoccupation: Trafilcoop CE.LA.M. S.p.A. Soficatra (institution financière membre de CECOP) Coopfond (institution financière de Legacoop) Fabrizio e Filippo Fantini (ex-Metalsifa)

40.96% 24.80% 9.03% 9.42% 15.78%

Coopératives, Territoires et Emplois

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Trafilcoop travaille dans le secteur industriel de la production et de la commercialisation de produits dérivés du tréfilage et couvre le marché du centre et du sud de l’Italie. Les activités de production de l’entreprise sont centralisées dans l’établissement de Lucera. Grâce à sa coopération avec E.D.I., elle est également présente dans le secteur des structures hydrogéologiques, qui produit des filets et des cages de protection contre la chute de pierre, ainsi que des filets galvanisés, plastifiés et soudés. La direction de l’entreprise a démontré qu’elle était constamment à la recherche de l’ innovation et de la diversification. En détectant les opportunités d’un projet comme celui de E.D.I. et la possibilité qu’il offre de vendre de nouveaux produits avec une marge plus élevée, Trafilcoop s’est profilé comme une entreprise dynamique, bien positionnée pour relever les grands défis du marché. Aujourd’hui, le chiffre d’affaires consolidé est de 9 millions d’euros par an et les effectifs de 51 salariés qui sont tous des membres travailleurs, parmi lesquels 4 sont handicapés physiques ou mentaux et dont l’insertion dans les différents départements s’est réalisée à la lumière de leurs compétences et aptitudes précises. Un d’entre eux travaille dans le département des services, s’occupe du travail administratif bancaire, postal et des photocopies; deux sont opérateurs de machines au département de production de filets; le quatrième est chargé de l’entreposage et de l’organisation des matériaux. La filiale, E.D.I., emploie 25 travailleurs, dont deux sont handicapés et sont employés à la production. Son chiffre d’affaires est de 3 millions d’euros Les deux entreprises, Traficoop et E.D.I., ont obtenu en 2009 la certification ISO 9001 pour leurs produits.

La coopérative a été très ébranlée par la crise. Le chiffre d’affaires est tombé de 14000 euros à 9000 euros et pour sa filiale, E.D.I., de 3500 euros à 3000 euros. Dans la foulée, 7 emplois ont été supprimés sur les 56, mais ce recul de l’emploi est moindre que celui du chiffre d’affaires. Compte tenu des difficultés que provoque la crise actuelle, le chiffre d’affaires reste significatif. Le niveau technologique, le dyna-

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Projets et défis

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Chapitre 4 · Trafilcoop

misme de la direction et l’organisation de l’entreprise se conjuguent pour assurer à l’avenir la nécessaire stabilité de la production, en termes quantitatifs et qualitatifs, et pour garantir une bonne continuité aux activités, même en période de crise économique. Pour contenir les coûts et au titre des mesures de protection de l’environnement, Trafilcoop devrait être très prochainement autosuffisante en termes d’énergie grâce à l’installation d’une éolienne et de panneaux solaires. E.D.I. l’est déjà grâce à l’installation de panneaux solaires. Pour diversifier ses activités, la direction de Traficoop développe actuellement un projet en coopération avec d’autres coopératives de travail associé installées dans les Pouilles qui sont membres de la confédération italienne Legacoop. La finalité est d’installer des centrales de production d’énergie qui utilisent des sources renouvelables telles que le vent et le soleil, deux matières premières qui sont disponibles en abondance et gratuitement dans toute la région des Pouilles.

TRAFILCOOP – Italie

Coopérative de travail associé

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Adresse: SS 160 per Troia, Km 28.300 71036 Lucera (FG) Date de fondation: 1985 Secteur: ingénierie industrielle Membres: 50 49 membres travailleurs 1 membre financeur (CFI) Effectifs: 51 Chiffre d’affaires: 9.000.000 € Site: www.trafilcoop.it Contact: [email protected]

Ligurie, Italie

Ligurie

FOLLO

Ingénierie navale avec la contribution de Monica Guzzo

ITALIE

Chapitre 5

ALMARINA

Al.Ma.Ri.Na. a été constituée le 6 mars 2001 par 24 anciens travailleurs d’une entreprise engagée dans les mêmes activités, Oran S.r.l., qui avaient perdu leur emploi suite à la situation financière particulièrement mauvaise de celle-ci. Oran avait été créée en 1981. C’était une des plus admirées dans son domaine grâce à l’expérience et aux compétences de sa main-d’œuvre que d’autres lui enviaient. Elle a fini par fermer malgré un chiffre d’affaires de près de 3 millions d’euros et un effectif de 60 travailleurs. Les raisons de cet effondrement financier ne résident pas dans la gestion des activités de l’entreprise, qui était très saine à l’époque, mais dans des problèmes

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Al.Ma.Ri.Na. est une coopérative de travail associé installée dans la banlieue de La Spezia, à proximité d’un hub de construction navale, dans une région où un des plus grands chantiers navals de la marine italienne se trouve implanté. Elle s’occupe de l’aménagement, des réparations et de l’entretien.

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Chapitre 5 · Almarina

de liquidité qu’ont engendrés essentiellement deux facteurs. En premier lieu, Oran a souffert de la faillite de trois de ses plus importants clients, à savoir Cantieri Navali Ferrari, Allestimenti Signiani et Cantieri Navali Sec, qui s’est enchaînée sur une période de deux ans. En deuxième lieu, l’exécution d’un grand contrat de sous-traitance pour une importante entreprise d’Etat, ENEL, lui a posé bien des problèmes. Le contrat impliquait un engagement substantiel d’Oran, y compris dans le recrutement de nouveaux travailleurs, mais cela aurait pu se traduire en une relance de l’entreprise lui permettant de résoudre tous les autres problèmes. Au cours de l’exécution du contrat et sans modifier officiellement le contrat lui-même, ENEL a informé Oran que le travail serait beaucoup plus lourd que ce qui avait été prévu initialement, et que si Oran déclinait ce travail supplémentaire, le paiement ne serait pas effectué. Cependant, au terme du contrat, le client a refusé de reconnaître le travail additionnel non consigné dans le contrat et d’en honorer le paiement. Le dommage pour l’entreprise soustraitante a été sans appel et sa faillite a été prononcée.

La coopérative Al.Ma.Ri.Na Les travailleurs ainsi licenciés ont décidé, au prix de nombreux sacrifices personnels, de créer une coopérative pour poursuivre les activités de leur entreprise et conserver leurs emplois.

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Une fois la coopérative Al.Ma.Ri.Na créée, Oran S.r.l. lui a confié l’entreprise et a mis à sa disposition les bâtiments et équipements. En novembre 2001, Al.Ma.Ri.Na. a signé un contrat de crédit-bail avec Oran pour en acquérir les bâtiments. La première embûche pour la coopérative a été l’accès au crédit. Malgré les sacrifices consentis par les membres, les banques locales, peu habituées à traiter avec des coopératives, étaient peu disposées à soutenir ses besoins même s’ils étaient modestes au regard de la moyenne des besoins des entreprises du secteur et malgré de bons indicateurs financiers répondant aux exigences bancaires. Plus d’une institution bancaire ont insisté sur leur volonté d’acquérir des parts de la coopérative qui seraient en dépôt à la banque, condition préalable essentielle, selon elles, pour octroyer une provision sous forme de prêts qui se fonderaient sur les factures émises par la coopérative. Al.Ma.Ri.Na. s’est alors tournée vers CFI (cf. encadré au début du chapitre 4) pour sortir de cette impasse et pouvoir capitaliser, pouvoir montrer ses lettres de créance au monde extérieur et s’assurer de pouvoir traiter avec des institutions de crédit sur un

Coopératives, Territoires et Emplois

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pied d’égalité. En 2004, CFI investit 330.000 euros dans l’entreprise. La coopérative a alors également besoin d’un financement à moyen terme pour accompagner son plan d’investissement dans des équipements et machines nécessaires à l’amélioration et l’accroissement de sa capacité de production. En 2005, CFI lui propose un financement de 96.546 euros pour pouvoir concrétiser ces achats. La coopérative bénéficie en outre d’une garantie de 200.000 euros du Consorzio di Garanzia Collettiva Fidi (Consortium de garantie collective de prêts) « Cooperfidi Liguria » qu’elle a pu utiliser pour avoir accès à du capital. Ces opérations sont le résultat de services d’assistance qui a mis à la disposition Federlavoro, l’association sectorielle de la confédération italienne des coopératives Confcooperative, affiliée à CECOP, qui a mis ses propres experts financiers à la disposition de la coopérative. Grâce à ces injections de trésorerie, la coopérative a eu accès aux ressources nécessaires à son développement, notamment en termes de création de nouveaux emplois et s’est retrouvée bien positionnée pour répondre positivement aux nombreuses demandes de services dont elle avait dû en décliner un grand nombre. Au fil des années, la coopérative a également pu bénéficier de différentes subventions des programmes européens d’investissement dans les régions de l’Objectif 2 (FEDER), soit 80.000 euros. Aujourd’hui, la coopérative a près de 60 salariés et, en 2008, elle dépassait le chiffre d’affaires de l’entreprise qui l’avait précédée dans cette activité en atteignant près de 4,5 millions d’euros de chiffre d’affaires. Le professionnalisme hors pair de la main-d’œuvre a conduit Fincantieri et la marine italienne, anciens clients d’Oran, à continuer à confier leurs contrats à la coopérative.

Au cours des dernières années, Al.Ma.Ri.Na. a donné du travail à près de 50 personnes, dont certaines ont plus de 50 ans. Certains de ces travailleurs sont hautement qualifiés et n’auraient pas pu retrouver facilement du travail sur le marché de l’emploi. Par ailleurs, la coopérative a lancé un programme de recrutement et de formation de jeunes qui sont accompagnés par des techniciens plus aguerris, enclenchant ainsi un processus de spécialisation concrète pour assurer la transmission du savoir-faire

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La coopérative a eu un impact significatif en termes d’emploi sur tout le territoire. L’effondrement d’Oran aurait pu provoquer une crise majeure de l’emploi car des dizaines de travailleurs âgés de 35 à 55 ans étaient menacés de chômage.

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Chapitre 5 · Almarina

et de l’expérience de génération en génération. Cette démarche intergénérationnelle s’adressera également à l’avenir à la structure des membres de la coopérative qui est essentiellement composée des membres fondateurs de celle-ci. Le nombre de membres est encore sensiblement inférieur aux effectifs. C’est souvent le cas dans les premières phases de la transformation d’entreprises en crise en coopératives, notamment lorsqu’il y a un besoin urgent de nombreux nouveaux travailleurs qui ne peuvent d’emblée assumer des responsabilités de membres.

Les activités Ce sont essentiellement des services d’aménagement que réalise la coopérative Al.Ma.Ri.Na. Sa priorité est l’installation de systèmes de propulsion et de direction pour bateaux et yachts. Elle utilise les composants fournis par le client que sa maind’œuvre extrêmement compétente est capables d’installer. Il peut s’agir de moteurs, de systèmes de direction, tels que le gouvernail, l’hélice, l’hélice de direction et les instruments nécessaires. Ses travailleurs sont capables de construire ou d’adapter, sur site ou dans leurs ateliers, toutes les autres pièces nécessaires (supports, câblage, réglage d’écarts, etc.). En réparations et entretiens, la coopérative offre un large éventail de services qui rencontre la grande majorité des exigences des clients. Elle installe et aménage des tuyauteries et le gros œuvre pour des applications industrielles et en génie civil.

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Son principal marché est celui de l’industrie connexe aux nombreuses entreprises de construction et réparation navale installées dans la région de La Spezia, dans la Toscane voisine et dans toute l’Italie. Les très bonnes relations entre la coopérative et le chantier naval de la marine italienne est un grand atout. Elle travaille dans ce cadre par l’intermédiaire d’un consortium italien d’entreprises de génie naval dans la région de La Spezia, dont la coopérative Al.Ma.Ri.Na. est membre. Sur son principal marché de référence, l’Italie, il n’y a que deux autres entreprises qui compte tenu de leur taille et du type de services qu’elles peuvent offrir, peuvent être qualifiées de véritables concurrentes de la coopérative. L’avantage que présente l’entreprise sur ses concurrents réside dans sa dénomination et son niveau exceptionnel de professionnalisme qui s’est affiné au fil de plus de 20 années, outre l’accessibilité financière de ses services de très grande qualité. Tous ces atouts, elle a pu les accumuler grâce à son statut de coopérative, qui a permis de mettre en lumière les compétences professionnelles et l’engagement personnel de ses travailleurs membres.

Coopératives, Territoires et Emplois

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Travailleurs et qualité: un vecteur de développement Sur le plan économique et industriel, la coopérative a l’intention de parvenir à un chiffre d’affaires de plus de 5 millions d’euros au cours des deux prochaines années. Ce sera le fruit du renom de la coopérative sur le marché que lui vaudront les capacités techniques supérieures de ses travailleurs et le sérieux dont elle a toujours fait preuve. Au cours des dernières années, la coopérative a également lancé un processus de modernisation et d’expansion de ses équipements et infrastructures, notamment avec l’introduction de machines numérisées, notamment d’équipements de cintrage, de profilage et bientôt, de cylindrage. Sur un marché qui présente un grand potentiel de compétitivité par rapport à un travail de qualité moyenne, l’avantage concurrentiel d’une entreprise se définit par sa capacité à valoriser la qualité de son propre travail pour qu’il sorte du lot et se façonne une niche de marché. La stratégie adoptée par la coopérative a jusque-là été conçue à cette fin. Ce qui distingue Al.Ma.Ri.Na. de ses concurrents potentiels et la qualité qu’elle peut produire et qui lui donne accès à des contrats à forte valeur ajoutée. Cette valeur ajoutée est la conséquence directe des capacités des membres et des travailleurs. C’est la raison pour laquelle la forme coopérative, qui génère un niveau élevé d’inclusion et un sens de l’appropriation par les membres grâce à la dynamique propre de ses activités, a donné d’excellents résultats ces dernières années. Malgré la crise économique actuelle, la coopérative peut se tourner vers l’avenir avec optimisme. Son carnet de commandes se gonfle.

Al.Ma.Ri.Na – Italie

Coopérative de travail associé Adresse: fraz. Greti di San Martino Follo 19020 (SP) Date de fondation: 2001 Secteur: génie naval Travailleurs: 41 Dont 18 travailleurs membres

Chiffre d’affaires: 5.104.000 € (2009) Site: www.almarina.it Contact: Fulvio Mazzi: [email protected] Eugenio Boero: [email protected]

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Bien que les secteurs connexes aux chantiers navals aient décliné, au même titre que les autres, ils sont moins exposés aux fluctuations à court terme car leur travail se fonde sur des programmes pluriannuels.

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Rhône-Alpes – France Isolateurs en porcelaine Avec la contribution de Dominique Artaud

FRANCE Rhône-Alpes

Chapitre 6

Ceralep

ST-VALLIER

Créée en 1921, Ceralep est une PME française qui produit des isolateurs en porcelaine. Acquise en 2001 par un fonds d’investissements américain, elle est mise en liquidation trois ans plus tard. Ses propres salariés la transforment alors en coopérative avec l’aide d’un réseau d’institutions coopératives. En moins d’une année, la société qui était en situation de perte nette renoue avec la rentabilité et la croissance, tendance qui s’est confirmée depuis lors. Saint-Vallier, où Ceralep est implantée, est une petite ville de 4000 habitants, située sur le Rhône au sud de Lyon, dans une région rurale où l’agriculture est importante, mais où sont aussi installées de nombreuses PME. Le taux de chômage est élevé en ville (officiellement près de 10 %) et est en augmentation avec la crise. La pauvreté augmente également. On peut le constater au nombre de personnes qui sont inscrites à la «  banque alimentaire  » (un réseau de

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Introduction

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Chapitre 6 · Ceralep

distribution de produits alimentaires) et qui vont prendre leur repas au «Resto du cœur» (un réseau de restaurants français pour les personnes démunies).

Évolution de Ceralep jusqu’au changement de propriétaire en 2004 En 1989, Ceralep, qui était jusque-là sous le contrôle partiel du groupe français Alstom, est vendue à un groupe suisse qui la cède à son tour à un groupe autrichien en 1993. Elle était alors gérée comme une filiale industrielle conventionnelle. En 2001, les choses changent. La société américaine PPC Insulators achète la section “isolateur” à Ceram, la société mère autrichienne de Ceralep. PPC insulators, quant à lui, avait été acheté en 1998 par le fonds d’investissements Riverside, luimême constitué par différents fonds de pension américains. À partir de ce moment là, ce sont les intérêts financiers qui vont primer dans le groupe au détriment de la vie économique de l’entreprise. Le personnel de Ceralep note immédiatement un changement significatif dans ses relations avec la direction. Les investissements et la production sont en chute, la plupart des cadres ne sont plus présents, et la technologie et le savoir-faire sont progressivement transférés à d’autres filiales du groupe. En 2002, la société accuse des pertes. Le climat social empire rapidement: un salarié se suicide même dans l’usine. Pendant cette période, les travailleurs contrecarrent les différentes tentatives de la direction d’enlever le gros matériel de l’usine, l’empêchant ainsi de lui ôter toute valeur, ce qui ne leur aurait rien laissé à racheter.

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En septembre 2003, PPC Insulators déclare la faillite de Ceralep, qui est mise sous administration. PPC Insulators prétend que les coûts de production sont devenus trop élevés et que la concurrence est devenue beaucoup trop féroce pour que l’entreprise puisse survivre. En novembre 2003, PPC Insulators licencie plus de 50 travailleurs. En janvier 2004, les travailleurs restants offrent de reprendre l’entreprise pour un euro symbolique mais sans aucun plan d’activité, ni d’investissement. Robert Nicaise, le secrétaire adjoint du comité d’entreprise, entre en contact avec l’URSCOP Rhône-Alpes – l’Union régionale des coopératives de travail associé (voir encadré), dont les experts se rendent immédiatement sur place pour constater que le plan de rachat déposé par les travailleurs n’a aucune chance d’aboutir. Effectivement, deux jours plus tard; le tribunal de commerce local décide de poursuivre la liquidation de la société.

Coopératives, Territoires et Emplois

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L’URSCOP Rhône-Alpes est une des 12 Unions régionales françaises de coopératives. Elle rassemble 302 coopératives avec 4725 travailleurs, dont 3069 sont des membres. Elle assure la représentation des entreprises coopératives auprès des autorités publiques, des collectivités locales et de tous les acteurs présents sur le territoire régional. Sa mission est aussi d’encourager les échanges et les rencontres, le partage d’expérience et de projets communs entre les coopératives de son réseau. Elle réunit une équipe de douze personnes, la majorité d’entre elles se consacrent aux activités de conseil auprès des entreprises et des créateurs d’entreprise. Ces conseillers ont des contacts réguliers et à long terme avec les entreprises coopératives. Ils ont donc une très bonne connaissance de leurs difficultés, peuvent identifier leurs besoins et leur proposer des solutions, directement, ou en ayant euxmêmes recours à un réseau d’experts. L’organisation est aussi impliquée dans la formation et la conception de modules de formation. Une attention particulière est accordée aux besoins de financement des coopératives. L’URSCOP Rhône-Alpes travaille avec un éventail complet d’outils financiers, correspondant aux différents types de situations. En 2009 les outils financiers du mouvement coopératif ont investi 4,6 millions d’euros dans les coopératives de travail associé (SCOP) et les sociétés coopératives d’intérêt collectif (SCIC) de la région.

Les conseillers de l’URSCOP Rhône-Alpes retournent immédiatement chez Ceralep et aident les travailleurs à rédiger et à présenter au juge un projet alternatif de rachat, accompagné cette fois d’un plan d’activité sain. L’usine étant fermée en raison de la liquidation, les travailleurs n’avaient pas accès aux informations nécessaires et aucun d’eux n’avait une connaissance complète de l’activité toute entière. Les conseillers de l’URSCOP Rhône-Alpes réussissent à rassembler les données de la société, y compris la liste des clients, à l’aide d’entretiens et de travail en petits groupes. Il résulta du plan d’activité qu’ils avaient finalement réussi à concevoir, que le projet ne pourrait fournir de l’emploi qu’à 52 des 93 travailleurs. Heureusement, 35 travailleurs préférèrent recevoir leurs indemnités de licenciement. Il était aussi nécessaire de vérifier chaque poste de travail et de s’assurer d’une continuité du personnel adéquate pour chacun de ceux-ci. Ainsi, trois seulement des travailleurs qui voulaient participer au nouveau projet ne purent être retenus.

1. le coût d’acquisition des actifs qui était heureusement devenu très bas après la liquidation; 2. le financement des investissements initiaux qui étaient essentiels afin de maintenir la compétitivité de l’entreprise; 3. le besoin en fonds de roulement, qui était le plus important.

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Le plan d’activité a pris en compte trois éléments:

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Chapitre 6 · Ceralep

Cependant, pour avancer dans le projet, il était nécessaire de trouver un leader parmi les travailleurs. Bien qu’il ait initialement considéré que, en tant que simple travailleur de l’usine il n’était pas crédible comme directeur, Robert Nicaise décida d’assumer la direction, comprenant que s’il ne le faisait pas, le projet échouerait de toute façon, Dominique Artaud, un cadre de haut niveau retraité de diverses sociétés multinationales et ayant grandi à Saint-Vallier, épousa alors la cause des travailleurs et décida de les aider dans leur projet sur une base volontaire. Ceci améliora considérablement la crédibilité du projet. Mais, pour rassembler les 1,5 million d’euros nécessaires avant de pouvoir soumettre le projet au magistrat, il s’agissait tout d’abord de porter le capital à 100.000 euros. Les conseillers de l’URSCOP Rhône-Alpes expliquèrent aux travailleurs qu’ils devaient trouver cette somme dans les jours à venir: une urne fut installée, dans laquelle chaque salarié pouvait inscrire le montant en capital qu’il comptait apporter. La somme ainsi réunie n’atteignit que 50.000 euros, 50.000 euros supplémentaires devaient être trouvés. Robert Nicaise proposa de collecter de l’argent dans la communauté locale. Les travailleurs acceptèrent et commencèrent à collecter des fonds dans la ville et principalement sur la route nationale qui bordait l’usine. Des centaines de personnes firent spontanément des dons en espèces. En dix jours à peine, près de 800 donateurs avaient réuni la somme globale de 50.000 euros qui pouvait être ajoutée au capital de démarrage.

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Mais 1,4 million d’euros supplémentaires étaient encore nécessaires pour atteindre le 1,5 million d’euros que le plan d’activité exigeait. La première institution à intervenir fut Socoden (voir encadré ci-dessous), avec une contribution de 100  000 euros, l’équivalent du capital souscrit. La deuxième fut ESFIN-IDES (voir encadré cidessous), qui intervint également pour 100 000 euros. SOCODEN est un fonds de solidarité français établi en 1965 par la confédération des coopératives de travail associé françaises, la CG SCOP, dans le but de répondre aux besoins financiers des coopératives qui ne sont pas couvertes par les réseaux bancaires conventionnels. Il intervient à toutes les étapes de la vie des coopératives de travail associé, du démarrage au rachat, pour des opérations de croissance ou de développement externes. 150 projets, en moyenne, sont initiés chaque année par SOCODEN et d’autres institutions financières liées au mouvement des coopératives de travail associé françaises. Le démarrage et les rachats d’entreprises en crise par les travailleurs en représentent 43 %, les projets de développement dans des coopératives existantes 32 % et le transfert d’entreprises saines à leurs travailleurs 11 %. De plus, un fonds de garantie spécialisé garantit 100 prêts accordés par la banque du Crédit Coopératif à des coopératives de travail associé. En fournissant des fonds qui sont assimilés à des capitaux propres, Socoden entend créer un effet de levier sur d’autres institutions

Coopératives, Territoires et Emplois

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financières par l’établissement d’un climat de confiance. Socoden est capitalisé par 1/1000 du chiffre d’affaires des coopératives de travail associé affiliées à la CG SCOP (1900 entreprises environ aujourd’hui). ESFIN-IDES est un groupe d’institutions établi en 1983, dont le capital est détenu de façon prédominante par les institutions de l’économie sociale (principalement des banques coopératives), avec une participation minoritaire de l’état. Sa mission est de financer les entreprises de l’économie sociale (coopératives, mutuelles et associations) avec ses propres fonds, principalement sous la forme de titres participatifs (instrument financier produisant une rémunération basée à la fois sur une partie fixe et sur une partie variable. La partie variable peut être fonction de la croissance du chiffre d’affaires, de la production ou encore du résultat net de l’entreprise). IDES est l’institution du groupe qui est le plus étroitement liée aux coopératives de travail associé. Ses activités sont principalement concentrées sur les coopératives de production (70 à 80 %). Elle finance principalement le développement des coopératives existantes et dans quelques cas aussi des start-up, les rachats d’entreprises en crise ou la conversion d’entreprises saines en coopératives.

Renaissance de Ceralep sous une forme coopérative: à partir de 2004 Il fallut deux autres semaines pour reconstituer Ceralep sous une forme coopérative et pour relancer la production. Les travailleurs se sentirent immédiatement plus impliqués dans le succès de l’entreprise et responsables de la qualité des produits usinés. La nouvelle société devait aussi faire face à moins de dépenses puisqu’elle n’avait plus la charge des hauts

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La banque coopérative “Crédit Coopératif ” fut le troisième acteur financier à être approché. Toutes les principales autorités publiques locales, comme le département, la municipalité, l’association locale des municipalités, apportèrent aussi leur soutien au projet. En conséquence, les travailleurs trouvèrent ainsi le financement de 1,5 million d’euros et purent présenter au juge leur nouveau projet de rachat, quelques semaines après que la liquidation avait été prononcée. Le juge donna enfin son feu vert au projet coopératif.

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Chapitre 6 · Ceralep

salaires et des coûts de représentation de l’ancienne direction. Mais avoir un esprit d’autogestion n’était pas suffisant. L’URSCOP Rhône-Alpes apporta alors une contribution essentielle en formations et en services d’appui-conseil: ses différents experts (stratégie, gestion financière, ventes, etc.) se rendirent à SaintVallier une demi-journée au moins toutes les deux semaines et restèrent entretemps en relation téléphonique constante avec la direction de Ceralep. Ils dispensèrent une formation de base en matière de coopératives aux 52 travailleurs réunis en petits groupes lors de cycles de 2 à 3 jours. Les administrateurs reçurent une formation complémentaire. Dominique Artaud, ancien cadre d’une société transnationale, leur apporta son expertise professionnelle pendant près de six mois. À la fin de ce processus qui a dura environ une année, les travailleurs pouvaient gérer seuls la société. Récupérer son ancienne clientèle fut un autre grand défi. Patiemment, Ceralep convainquit un à un ses 130 anciens clients, alors pourtant que l’ex-société-mère, PPC Insulators, avait ouvert un bureau commercial dans une ville voisine, et démarchait activement la même liste de clients. La stratégie de Ceralep fut payante et leurs principaux clients revinrent un à un, y compris de grandes entreprises comme Areva. Fin 2004, Ceralep était parvenue à survivre et la nouvelle direction pouvait faire une première évaluation positive des premiers mois d’activité. Tableau 1 – Ceralep – principaux chiffres 2000 - 2009

Chiffre d’affaires Exportations Productivité Pertes (%) Emploi Profits (million €) (%) du travail (personnes) (million €) 2000

16,07

n.d.

80,5

18,20

207

- 4,12

2001

14,18

n.d.

84,4

17,90

168

- 4,01

2002

14,03

n.d.

84,5

21,80

166

- 1,24

2003

n.d.

n.d.

0,0

20,20

93

n.d.

17,80

52

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2004 2005

4,89

49

90,7

20,10

54

0,12

2006

4,92

55

91,1

17

54

0,11

2007

5,78

35

103,3

15,20

56

0,64

2008

6,15

41

104,2

22,30

59

0,16

2009

5,90

36

96,2

14

60

0,19

Source: CERALEP16

16 Les chiffres de 2005 reprennent ceux de 2004 et de 2005. Puisque le production n’a commencé que fin 2004, le premier bilan de la nouvelle coopérative inclut ces deux années.

Coopératives, Territoires et Emplois

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Les chiffres du tableau 1 fournissent les indications suivantes: ■■ le chiffre d’affaires est resté considérablement en-dessous du volume du début des années 2000, mais il s’est fermement stabilisé entre 2004 et 2008. Il a légèrement baissé en 2009 suite à la crise économique en cours; ■■ le pourcentage des exportations est resté élevé pendant la toute la période considérée; ■■ la productivité du travail est manifestement plus élevée qu’en 2000-2002; ■■ l’emploi est en hausse depuis 2004. en 2009, 17 % plus élevé qu’en 2004; ■■ excepté 2008, on constate une réduction stable des rebuts depuis 2002; ■■ les profits annuels (bien que modérés, excepté en 2007) contrastent avec les mauvais résultats des années 2000-2002.

Apports de Ceralep à la région

Deuxième apport: les initiatives communautaires promues par l’Association des amis de Ceralep. Cette association, qui regroupe les 802 personnes qui ont fait des dons pour un total de 50 000 euros sous la forme de capital en 2004, est membre de la coopérative et, comme tel, reçoit des ristournes financières. Ces ristournes reviennent à la communauté par l’organisation annuelle d‘une journée portes ouvertes chez Ceralep, pendant laquelle les personnes peuvent prendre un verre, visiter l’usine et être informées de l’évolution de son activité. Chaque année depuis 2004, cette journée est un grand succès: ainsi, plus de 400 personnes sont venues en 2009, dont 25 % des donateurs originaux, mais aussi d’autres habitants de la ville. Le solde des ristournes financières est utilisé pour parrainer l’équipe de basket-ball locale, qui est en série professionnelle B et qui fait la fierté de la ville. Grâce à cette association, Ceralep crée un double lien entre la coopérative et la communauté locale: la journée portes

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Premier apport: le modèle coopératif de Ceralep a permis de sauver la piscine locale sous la forme d’une coopérative. Presque immédiatement après que Ceralep ait été transformée en coopérative, la piscine du village voisin d’Anneyron connut une crise semblable. La piscine perdait de l’argent: elle fut mise en liquidation et ses 6 salariés furent ainsi réduits au chômage. Le Conseil général de la Drôme, ayant fraîchement à l’esprit l’histoire de Ceralep, pensa à la solution coopérative. Il prit contact avec l’URSCOP Rhône-Alpes et avec Dominique Artaud qui aida à nouveau les travailleurs à élaborer un projet coopératif. Le Conseil général décida d’augmenter de 20 %le coût de location de la piscine pour les groupes d’écoliers: ce fut l’élément décisif pour la faisabilité du plan d’activité. Après 4 ans, la coopérative était une entreprise rentable et la région avait pu conserver son unique piscine.

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Chapitre 6 · Ceralep

ouvertes permet aux habitants locaux d’être informé sur l’évolution de l’entreprise et le parrainage de l’équipe de basket-ball locale est une contribution à un club auquel la communauté locale s’identifie fortement. La municipalité de Saint-Vallier négocie actuellement l’octroi de fonds pour un projet de parc à thème consacré à la porcelaine (exposition de pièces d’artistes locaux aussi bien que des produits Ceralep). Le maire Jacques Cheval fait remarquer que le parc rappellera leurs racines aux habitants puisque la plupart d’entre eux ont des membres de leur famille qui ont travaillé dans le secteur de la porcelaine et qu’il contribuera à améliorer l’image de la ville, récemment gâchée par une nouvelle vague de délinquance. Ainsi, Ceralep devient progressivement un des piliers principaux de Saint-Vallier en termes d’identité et de culture.

Les principaux enseignements à retirer de cette expérience et les prochains défis à relever par Ceralep ■■ Premièrement, il y avait à la base du projet un groupe de travailleurs animés par une volonté de fer sous la conduite d’une personne aux qualités de leader. C’était indispensable à la fois pour des raisons internes (mobiliser les autres travailleurs) et externes (donner une visibilité lors des négociations nécessaires à la création de la coopérative).

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■■ Deuxièmement, le fait que les travailleurs se sont comportés comme de véritables acteurs en prenant des responsabilités d’entrepreneur (ce qui contrastait avec l’ancienne direction qui n’avait aucune logique d’économie réelle) semble être fondamental. Avoir des personnes dans l’entreprise qui endossent vraiment des responsabilités d’entrepreneur s’est avéré être un élément central en terme de qualité et des gains de productivité. ■■ Troisièmement, le succès de l’expérience s’est profilé quand les travailleurs ont commencé à élaborer leur propre vision de l’entreprise et un projet entrepreneurial sain. Bien sûr, la première condition était d’avoir un produit commercialement durable. Pour Ceralep c’est évidemment le cas: elle est la dernière société en France à produire ce type de produit, elle possède toute la chaîne de production et maîtrise le circuit commercial. Mais ce n’était pas assez. Le projet est apparu très évident et clair aux acteurs externes qui sont intervenus, non seulement parce que les conditions techniques étaient atteintes, mais aussi parce que les initiateurs du projet, les travailleurs, avaient une vision claire de l’entreprise. En fait, un renversement complet de la situation s’était produit: la société mère, dont on attendait une gestion saine et professionnelle pour créer de la plus-value a manqué à ses obligations élémentaires, tandis que les travailleurs, qui n’étaient pas censés le faire, l’ont fait.

Coopératives, Territoires et Emplois

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■■ Quatrièmement l’expérience de Ceralep montre combien l’aide de la communauté locale est importante. En effet, une des principales caractéristiques de cette expérience est la mobilisation de la communauté locale, qui n’est pas qu’un ancien souvenir mais qui survit par sa participation chaque année à la journée portes ouvertes. Robert Nicaise estime que: «le système coopératif, combiné avec une mobilisation complète des acteurs locaux, avec la confiance des clients et avec la qualité des produits que nous produisons, a permis de sauver notre entreprise. Auparavant, la gestion était pyramidale. Le groupe parlait à la direction, qui expliquait quelque chose à un cadre qui, à son tour, faisait suivre auprès de ses équipes. Maintenant la gestion est horizontale. Cela se passe naturellement parce que rien n’est caché et le fait que chacun est un membre de l’entreprise stimule considérablement les équipes»17. Ceralep est un bon exemple d’une entreprise dont la viabilité a été mise en danger par un capital prédateur. L’entreprise se développe, maintenant que les entrepreneurs-travailleurs en sont responsables. Les travailleurs ont amélioré leur bien-être. La société a commencé à se constituer des réserves solides et redevient un employeur sain. De plus, leur produit, pour lequel ils ont regagné une position solide sur le marché, n’est pas profondément affecté par la crise actuelle parce que de nombreux clients doivent renouveler régulièrement leurs infrastructures. Mais la société doit encore se consolider et elle essaye de voir si et comment elle pourrait créer un meilleur système de production avec ses petits fournisseurs français. Elle travaille sur des nouvelles perspectives de coopération avec l’Asie et en particulier avec la Chine, ce qui pourrait réaffirmer sa position comme une des principales sociétés mondialement reconnues pour produire ce produit de haute qualité.

CERALEP - France

Adresse: CERALEP - BP73 / F-26241 Saint-Vallier Cedex - France Date de fondation: 1921, transformée en coopérative en 2004 Secteur: Isolateurs en porcelaine pour les lignes électriques Travailleurs: 60 Chiffre d’affaires 2009): 5,90 millions d’euros Web: http://www.ceralep.fr Contact: [email protected]

17 Interview de Robert Nicaise, mars 2010

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Coopérative de travail associé

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Provence, France

FRANCE

Usinage, mécano soudure et fonderie Avec la contribution de Mathieu Odaimy

Chapitre 7

Usis

Provence Alpes-Côte d’Azur

Usis Entreprise est une coopérative aujourd’hui florissante, née de la faillite d’Usis SA. Dès le début, les travailleurs de cette usine spécialisée en usinage et mécano soudure voulurent sauver par tous les moyens l’entreprise et leur emploi. C’est ainsi qu’après quelques recherches sur internet, ils découvrirent le site de l’Union régionale des coopérative de travail associé de Provence-Alpes-Côte d’Azur (URScop PACA). On y expliquait que de nombreuses entreprises avaient pu poursuivre leur activité et se redéployer après un dépôt de bilan ou une liquidation judiciaire. La solution? Leur reprise en coopérative de travail associé. Les établissements Plisson, une entreprise familiale basée à Arles, étaient actifs depuis 1986 dans le domaine de la chaudronnerie et de l’usinage de pièces sur mesure. En 2000, la société fut rachetée par un investisseur privé et rebaptisée Usis SA. Le repreneur qui n’avait pas les compétences de gestion adaptées à une PME de la taille d’Usis dut faire appel à des conseils externes et les frais généraux explosèrent. De plus, le financement de l’acquisition par emprunt rendit le flux

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TARASCON

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Chapitre 7 · Usis

de trésorerie très tendu dès le départ. L’entreprise qui avait une approche quasiartisanale de l’activité peina à s’adapter au marché alors qu’elle évoluait dans un secteur à forte compétitivité et que le contexte économique n’était pas très bon. Elle connut alors ses premières difficultés et vit ses résultats se dégrader progressivement jusqu’à ce qu’une procédure de redressement judiciaire soit ouverte.

La reprise en coopérative En décembre 2003, après 3 années de difficultés et de résultats négatifs, la société déposa finalement son bilan. A l’époque, Mathieu Odaimy était responsable de production depuis un an. Il croyait aux potentialités de l’entreprise et en la motivation de ses collègues. Convaincus que c’était un manque d’organisation et une mauvaise gestion qui avaient provoqué la faillite, 18 salariés sur les 26 que comptait l’entreprise décidèrent de la sauver. C’est un peu par hasard qu’ils découvrirent le modèle coopératif qui répondait exactement à leurs attentes: un statut qui leur permettrait de devenir collectivement propriétaires de leur outil de travail. Ils décidèrent alors de faire une offre de reprise au tribunal sous la forme d’une coopérative. Mais ils devaient faire vite.

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Aide du réseau coopératif  Ils bénéficièrent alors du soutien de l’ensemble du réseau coopératif qui leur permit, grâce à ses compétences financières et juridiques, de monter en quelques jours seulement le dossier de reprise, de rédiger des statuts, de valider les prévisions d’exploitation et d’obtenir les financements nécessaires. Au départ, les candidats repreneurs disposaient de très peu de moyens propres. Comme capital de départ, ils dispo-

Coopératives, Territoires et Emplois

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saient de 120.000 euros dont 25.000 euros en cash et 85.000 euros que Socoden18 leur avait avancés sur l’exonération des cotisations sociales dont ils bénéficieraient grâce au sauvetage de leur emploi. L’Union Régionale des coopératives de travail associé (SCOP) de la Région Provence–Alpe–Côte d’Azur (URScop PACA19) soutint leurs démarches et leur ouvrit l’accès à différents financements dont PARGEST - un outil financier pour les coopératives intervenant en fonds propres (voir encadré) - qui compléta le capital à hauteur de 6000 euros et leur octroya un prêt de 54 000 euros. Le Crédit Coopératif accorda un prêt de 75.000 euros sans caution personnelle des repreneurs. Ces appuis s’avérèrent essentiels et permirent de satisfaire les besoins en fonds de roulement.

Le Fonds PARGEST: Participation – Gestion: apports en fonds propres et capital risque, créé en 1989 Les coopératives ont parfois difficilement accès aux sociétés traditionnelles de capital risque qui connaissent mal leur statut. Les banquiers exigeant de plus en plus de fonds propres significatifs pour intervenir, surtout dans les reprises, l’Union Régionale PACA fut amenée à créer un outil financier intervenant en fonds propres. PARGEST intervient en fonds propres (capital) ou quasi fonds propres (titres participatifs, prêts participatifs) et en garantie. La décision et le versement peuvent être très rapides, ce qui fut décisif dans le cas d’Usis.

L’Union Régionale accompagna ensuite les candidats repreneurs devant le tribunal de commerce qui jugea d’abord l’offre insuffisante. Mais la donne changea lorsque des pluies diluviennes inondèrent les hangars d’Usis. Toutes les machines furent ainsi mises hors service. L’offre des ex-travailleurs prenait alors une tout autre dimension et le tribunal l’accepta. Dès décembre 2003, ils pouvaient ainsi reprendre une partie des actifs de la société avec des marges d’activités. Auparavant, l’activité se concentrait surtout sur la maintenance de sites industriels 18 Voir encadré au chapitre 5 19 Concernant le rôle et le fonctionnement des Unions Régionales des SCOP en France, voir encadré sur URSCOP Rhône-Alpes au chapitre 5

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PARGEST rassemble près de 3 millions d’euros de capitaux propres grâce à l’appui de nombreux partenaires et actionnaires (Conseil Général des Bouches-du-Rhône, Conseil Régional PACA, le Crédit Coopératif, etc., ainsi que de nombreuses coopératives jouant le jeu de la solidarité).

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Chapitre 7 · Usis

et de machines agricoles. Or, pour pouvoir s’adapter aux changements et évoluer, il fallait qu’Usis se positionne sur des dossiers de pointe, développe des qualifications techniques poussées et mette en place une véritable politique industrielle. Elle se lança donc vers de nouveaux marchés, dans des domaines aussi variés que l’aéronautique, l’énergétique ou le nucléaire. Bien que les résultats aient été faibles au départ – le carnet de commande couvrait à peine 2 semaines d’activités - cette nouvelle politique permit à Usis de décrocher de nouveaux contrats. L’entreprise se développa très vite et la planification de ses activités put parfois couvrir une période de 6 mois. Depuis la reprise, Usis a réussi à recouvrer un carnet de commandes fourni et une croissance annuelle de 25 %. Entre 2008 et 2009, Usis a entrepris de construire de tous nouveaux bâtiments et de déménager les bureaux et l’outil de travail sur une superficie de plus de 3000 m2 pour un investissement total de 3,6 millions d’euros (prêtés pour moitié par le Crédit Coopératif ). Aujourd’hui encore, l’URScop continue à soutenir Usis dans ce qu’on appelle « la révision coopérative  » qui est le «  bilan de santé  » annuel appliqué aux société coopératives et qui porte sur la situation financière, le fonctionnement coopératif, l’organisation, la stratégie et la conformité juridique, et qui est présenté aux membres lors de l’assemblée générale.

Nouvelle acquisition et création du groupe Usis En 2009, Usis fit l’acquisition de la coopérative Aciéries et fonderies de Provence (AFP) mise en redressement judiciaire. Il s’agissait, ici aussi, d’une gestion inadaptée au marché et un contexte commercial défavorable qui avaient été fatals à l’entreprise. Usis ne put maintenir que 46 emplois sur les 59 que comptait la coopérative mais elle s’engagea à recréer les postes de travail supprimés dès que la conjoncture le permettrait.

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Devenue AFP Entreprises, cette coopérative permit à Usis de couvrir plus largement la production des pièces: de la matière brute jusqu’à l’usinage. AFP Entreprise produit en effet les pièces de fonderie qui sont traitées par Usis et transformées en produits finis. Usis détient le capital de 300.000 euros à hauteur de 49 % pour une période limitée de 10 ans, comme le prévoit la loi française (voir encadré) ce qui garantit la majorité aux travailleurs-membres d’AFP. Au bout de la période de transition, AFP redeviendra une coopérative de travail associé conventionnelle dont le capital sera détenu exclusivement par ses propres travailleurs-membres, comme Usis. Mais, en même temps, les deux coopératives (USIS et AFP) mettront en commun leurs intérêts à différents niveaux (commercial, achats, comptables).

Coopératives, Territoires et Emplois

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Dispositions particulières de la législation française relatives aux coopératives Les dispositions qui ont permis à Usis de reprendre AFP sous cette forme sont uniques et spécifiques à la législation française. La loi de 1978 (art. 25) prévoit un système particulier de SCOP (coopérative de travail associé) mère participant au capital d’une SCOP fille (dans la limite de 50% du capital total de celle-ci). Dans ce cas, les statuts peuvent attribuer à la mère un nombre de voix supplémentaires dans les assemblées générales de la fille qui ne peut excéder le nombre de membres travailleurs de la société qui en compte le moins et 50% du nombre total des voix des membres de la fille. La loi de modernisation 92-643 du 13 juillet 1992 concernant la modernisation des entreprises coopératives a créé, pour toutes les formes de coopératives, un autre système: une coopérative, de quelque catégorie à laquelle elle appartienne, peut participer, comme membre non travailleur, au capital d’une autre coopérative, indépendamment de la catégorie à laquelle celle-ci appartient. Elle peut y avoir des voix proportionnelles à son capital, - mais dans ce cas jusqu’à 49% du total des voix après dix ans.

En effet, l’objectif est de créer, entre les deux coopératives, les bases propices à un groupe d’entreprises dans lequel tous les incitants seront mis en place pour travailler ensemble dans le respect des valeurs coopératives. En outre, il s’agit pour les deux coopératives de proposer, à travers ce groupe, une offre globale permettant un positionnement commercial plus intéressant vis-à-vis de leurs clients et permettre des synergies communes et des performances accrues. A nouveau, cette reprise s’est faite avec l’appui des instruments financiers non bancaires du mouvement coopératif que sont Socoden (voir encadré au chapitre 5) et PARGEST (voir encadré ci-dessus), ainsi que la banque Crédit Coopératif. Fig 3 – The USIS Group

Usis Entreprise

AFP Entreprise

Usinage &chaudronnerie

- 16 000 m² d’ateliers - 65 équivalents temps plein - 120T de capacité mensuelle - Plus de 7M / an - Certification ISO9001

Bureau d’études (en création): Activités: ingénierie

Source: USIS

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Fonderie

- 4 500 m² d’ateliers neufs (4.6M investis en 2009) - 50 équivalents temps plein - 4.5M / an - Certification ISO9001 - 1er PRIX Créa 13

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Chapitre 7 · Usis

Cette volonté de créer un groupe coopératif part d’un constat simple: Usis, qui fait de la mécanique de précision et de la chaudronnerie, travaille en sous-traitance pour des sociétés qui détiennent une partie des compétences de fabrication. Par conséquent, le positionnement d’Usis est toujours assujetti à de brusques variations du marché. Dès qu’il y a une baisse d’activités, ses clients vont se tourner vers leurs propres filiales dont les coûts sont plus bas afin de remplir leurs ateliers. D’autre part, malgré un développement important et un positionnement fort de l’entreprise Usis, les possibilités de développement de la production commençaient à atteindre une certaine limite. Il fallait que la prestation d’Usis soit plus élargie de manière à pouvoir garantir la fabrication de la matière mais également sa transformation et le service d’ingénierie qui l’accompagne en amont. Ainsi, à partir d’un besoin, il serait possible d’innover, de fournir de la matière et de la transformer en produit fini. A partir de ce simple constat, le passage d’un statut de sous-traitant à un statut de fabricant afin de rehausser le positionnement de l’entreprise dans la chaine des valeurs était nécessaire. L’acquisition d’AFP fait partie de cette logique de développement stratégique. Aujourd’hui, le groupe Usis a un chiffre d’affaires de 11 millions d’euros et une force de travail de 110 emplois à temps plein. Table 2 – USIS – Chiffre d’affaires, nombre de travailleurs et résultats

2004 Chiffre d’affaires Nombre de travailleurs Résultats

2005

2006

2007

2008

2009*

2010 (prévision)

2.1 2.8 3.1 3.4 4.4 3.8 4 millions € millions € millions € millions € millions € millions € millions €

22 P

27 P

30 P

33 P

40 P

45 P

45 P

400,000 € 455,000 € 465,000 € 510,000 € 558,000 € 150,000 € 558,000 €

*2009: année de transition avec le déménagement de l’unité de production d’Arles à Tarascon

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Source: USIS

Actuellement, Usis travaille à l’intégration d’un bureau d’études comme filiale du groupe. Axé sur la construction mécanique, celui-ci proposerait des solutions clé sur porte en amont du processus de fabrication. Le fait qu’il soit intégré à l’intérieur d’un groupe lui donne la légitimité nécessaire à mener à bien des projets « clé en main ». Ainsi, le bureau d études d’Usis sera intégré dans un processus de fabrication déjà bien rodé et financièrement solide. Aujourd’hui, Mathieu Odaimy imagine même le dépôt de brevet dans le cas de projets innovants qui pourraient trouver d’autres applications à l’avenir.

Coopératives, Territoires et Emplois

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En cinq années d’existence sous la forme coopérative, Usis est passée du dépôt de bilan au statut d’entreprise performante en voie de créer un groupe d’entreprises. La société a ainsi pu développer une croissance moyenne de 25 % par an en terme d’effectifs, de chiffres d’affaires et en moyens de production. Alors qu’Usis comptait 18 travailleurs membres à sa création, la coopérative compte aujourd’hui 45 travailleurs dont 27 en sont membres. Mathieu Odaimy et les salariés de l’entreprise Usis le soulignent encore aujourd’hui: le modèle coopératif a permis d’éviter l’arrêt de l’activité et la mise au chômage de tous ses travailleurs. Ce modèle représente pour les salariés d’Usis une des bases du développement durable grâce à son encrage dans le territoire et à sa gouvernance participative. Pour en savoir plus: http://www.ledauphine.com/industriela-fonderie-reprise-par-usis-entreprise-46emplois-conserves-sur-59-les-acieries-de-provence-ne-fermeront-pas-@/index. jspz?chaine=13&article=223622

Usis - France

Coopérative de travail associé

P ROOF

Addreses: Route de Tarascon 13200 ARLES Date de fondation: 2003 Secteur: Ingégnérie Travailleurs: - Usis 45, dont 60% sont travailleurs membres - Groupe Usis+AFP: 110 Chiffre d’affaires: - Usis: €4.5 million - Groupe Usis+AFP: €11 million Contact: Matthieu Odaimy [email protected] - www.usis.fr

Poitou-Charente, France Travaux publics Avec la contribution de Bernard Lathière, Pierre Liret et Bertrand Tillay

FRANCE PARTHENAY

Chapter 8

M-RY

Poitou-Charente

Dans les années 1900, Frédéric Esmery créa à Partenay, près de Poitiers, son entreprise générale de transport et de négoce de charbon et de pétrole. Son fils, Fernand Esmery, lui succèda. Vers 1954, son petit-fils, Maurice Esmery, débuta l’activité de travaux publics et développa l’entreprise jusqu’à porter son effectif à près de 200 personnes en 1965. Après le décès de Maurice Esemery en 1970, l’entreprise resta dans le giron familial et fut dirigée par son épouse. La conjoncture n’étant pas des meilleures et l’entreprise ne possèdant pas de structure de management compétente, l’entreprise commença alors à péricliter. N’ayant pu s’adapter aux évolutions du marché, les établissements Esmery, au bord du gouffre, déposèrent le bilan en 1984. Dès la mise en liquidation, sous la conduite de Jean-Claude Guibault, directeur des travaux, et de l’Union Régionale des Scop Poitou-Charentes, les salariés

P ROOF

D’une société familiale à la coopérative M-RY

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Chapitre 8 · M-RY

mirent tout en œuvre pour sauver l’entreprise et la transformer en coopérative. Les candidats repreneurs investirent leurs indemnités de licenciement dans le capital de l’entreprise ce qui permit à la coopérative de travail associé « Nouvelle M-RY » de voir le jour en janvier 1985 avant de devenir « M-RY ». Cette formule apparaissait comme la meilleure solution pour transmettre l’entreprise à ses travailleurs. En 1994, Bernard Lathière succèda à Jean-Claude Guibault à la présidence de la coopérative: poste qu’il occupe toujours actuellement. L’entreprise comptait alors 44 personnes. Dans ce processus de transformation en coopérative, l’intervention de l’Union Régionale des Scop constitua un atout majeur. De l’élaboration du plan financier à la rédaction des statuts, elle soutint les salariés dans leurs démarches. Elle facilita les contacts avec le maire de la ville de Parthenay et son service économique et présenta avec les ex-salariés le dossier de reprise au tribunal de commerce et aux banques. Elle forma aussi les futurs membres à leurs nouveaux droits et devoirs. Depuis 1985, l’Union Régionale intervient en outre périodiquement pour assurer les formations des nouveaux sociétaires (programme Bienvenue en Scop), des sociétaires nouveaux administrateurs (programme Gestion de la Scop) mais également pour assurer la révision coopérative comme la législation française l’exige.

Croissance et reprise de la SAS Naudon

PROOF

Depuis sa transformation en coopérative, M-RY ne cessa de se développer. Ainsi, dès 1994, l’entreprise qui s’est spécialisée dans les travaux publics et qui est surtout active au départ dans les travaux de voiries et de canalisations étendit ses activités à la construction de routes. Cette activité lui ouvrit de nouvelles portes et lui donna accès à des marchés publics plus importants. Parallèlement au développement de son activité, M-RY fit l’acquisition de plusieurs entreprises en difficulté ou sans héritier, ce qui permit de sauver des emplois. Le premier développement externe s’opèra en 1997 avec le rachat du fonds de commerce d’un artisan parti à la retraite, et l’intégration de ses 2 employés à la coopérative. L’ascension se poursuivit en 1998: l’entreprise créa alors un centre de travaux à SaintMaixent-l’École et embaucha cinq travailleurs de l’entreprise de travaux publics TPSM après sa mise en liquidation judiciaire. En 1999, M-RY créa une agence à Poitiers suite au rachat des actifs de la société SVS (Société Voirie Service) qui avait été, elle aussi, mise en liquidation judiciaire. Cette opération permit de sauver les emplois de 16 personnes sur les 26 que comptait l’entreprise en dépôt de bilan.

Coopératives, Territoires et Emplois

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M-RY adopta notamment une politique de moyens propres qui lui permit d’être autonome face à ses concurrents. Ainsi, en 2001, elle acheta une carrière de calcaire et prit une participation dans l’usine Interliant, qui transforme le bitume brut produit par les raffineries de pétrole, afin de le rendre utilisable pour les routes. Cette participation s’élève à 18 % ce qui lui permet d’acheter le liant routier au prix de revient. En 2005, M-RY fit également l’acquisition d’une centrale mobile d’enrobage de matériel routier utile à son activité. En 2007, M-RY rachèta la SAS Naudon dont le couple fondateur partait à la retraite après trente-six ans d’activité. La société, spécialisée dans le terrassement et la voirie, et qui comptait 24 salariés, était en difficulté. Après un redressement rapide de son activité au cours de l’année 2008, Naudon, devenue filiale de M-RY fut ensuite complètement intégrée en 2009 par fusion-absorption. Ce rachat permit à Naudon, dernière PME de travaux publics significative de la communauté d’agglomération de Niort, de revivre sous une nouvelle forme, avec à terme l’opportunité pour les salariés de devenir membres-associés. Selon Bernard Lathière, le PDG de M-RY, cette reprise a permis de sauver la société: en effet, le contexte de crise, les difficultés financières qu’elle traversait et le peu d’intérêt que lui portaient d’autres candidats-repreneurs, faisaient que l’entreprise aurait sans doute disparu l’année suivante. Les salariés de Naudon, quant à eux, virent cette reprise comme une bénédiction après l’incertitude qui planait sur leur sort et les années de difficultés qu’avait traversées l’entreprise. Dès le rachat, ils furent formés au statut coopératif et à leurs nouvelles responsabilités: en effet, ils sont voués à devenir co-entrepreneurs et à ce titre, ils devront participer aux décisions prises au sein de leur entreprise.

La coopérative M-RY est aujourd’hui spécialisée dans le terrassement, les routes et les voiries urbaines, ainsi que dans les canalisations pour l’adduction de l’eau potable et l’assainissement. L’entreprise bénéficie de divers labels qualité en eau potable et assainissement (syndicat Canalisateurs de France, Gaz de France, les Agences de l’eau, les Ministères de l’agriculture et de l’équipement, la Chambre des ingénieursconseils de France, la Fédération nationale des travaux publics ainsi que les celle des Maîtres d’œuvre). Malgré la crise, les carnets de commande de M-RY se portent plutôt bien et l’avenir des membres semble assuré. Bernard Lathière explique que la formule coopérative

PROOF

Dans ces différentes phases de développement, l’Union régionale des coopératives de travail associé de Poitou-Charente (URScop Poitou-Charente) intervint également et notamment pour construire avec la coopérative le plan de reprise de TPSM et de SVS et ensuite pour valider différentes hypothèses de rachat de la société NAUDON.

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Chapitre 8 · M-RY

a pour but de pratiquer un métier de manière collective et donc de sauvegarder les emplois. De plus, de par la structure financière même de la coopérative, les excédents affectés en réserves impartageables permettent chaque année d’augmenter les capitaux propres, ce qui représente un réel atout en période de crise. L’évolution de M-RY est la preuve par excellence de la valeur ajoutée des coopératives dans le cadre de la transmission et de la reprise d’entreprises, dans le souci de la pérennité de l’outil de travail et de l’emploi sur le territoire, avec la volonté de participer fortement au maintien des emplois locaux. La taille de la coopérative s’est en effet agrandie au fil des ans. Sur les 160 travailleurs que compte aujourd’hui la coopérative, 12 sont des apprentis. La société mise ainsi sur la promotion sociale et l’apprentissage du savoir, qui font partie intégrante de sa politique. Les salariés sont incités à prendre des initiatives pour acquérir de nouveaux savoir-faire et bénéficier ainsi de promotions internes. En 2010, M-RY a fêté ses 25 ans d’existence en tant que coopérative. A l’issue de la prochaine assemblée générale annuelle, les 24 travailleurs issus de la reprise de Naudon seront tous devenus membres de la coopérative. Ainsi, La force de travail sera composée à 100 % de travailleurs membres. Tableau 3 - Evolution de la force de travail

1965

200 travailleurs

1985

80 travailleurs (dépôt de bilan)

1986

34 salariés (reprise de l’entreprise par les travailleurs et transformation en coopérative)

1994

44 salariés

2010

160 salariés

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Composition des 160 travailleurs 44 de départ + 47 croissance externe [+2 Teyer +5 STPM +16 SVS +24 Naudon] +69 d’embauches = +/- 4 tr/an pendant 16 ans Source: Mry

Coopératives, Territoires et Emplois

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Graphique 3 - Evolution du chiffre d’affaires en millions d’euros 19717

20348

15252 13957 11700 9147

9600

12300

10348

7059 4970 2353 2564

2963 2648

3270 3703 3662 3251

4135

1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009

Source: Mry

Perspectives futures

Pour l’avenir, M-RY aimerait établir des partenariats entre coopératives, avec d’autres PME et des sociétés industrielles, pour acquérir les compétences qui lui font défaut et établir ainsi des synergies (effet réseau) capables de la rendre plus solide et plus compétitive, toujours dans l’objectif de pérenniser les emplois et de permettre aux membres d’évoluer en interne.

P ROOF

La taille actuelle de la coopérative est suffisante pour être concurrentielle dans le territoire sur lequel elle évolue. Les deux crises successives dont l’entreprise a directement souffert, à savoir, la forte hausse des matières premières durant l’hiver 2007-2008, et la crise financière et bancaire de l’hiver 2008-2009, ont entraîné une récession et une réduction de l’activité. Pour l’instant, celle-ci ne permet pas de poursuivre la croissance de la coopérative sans prendre le risque de la fragiliser: l’entreprise doit donc « assimiler » la forte croissance de ces dix dernières années.

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Chapitre 8 · M-RY

M-RY - France

Coopérative de travail associé

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Adresse: 20, Boulevard Bernard Palissy 79200 Parthenay Date de fondation: 1900 (de zéro) - 1985 (transformation en coopérative) Secteur: travaux publics Travailleurs: 157 (85 % de travailleurs membres) Chiffre d’affaires: 20,35 millions € environ (2009) Contact: Bernard Lathiere - [email protected]

Partie 3 P ROOF

Comment les coopératives offrent a des citoyens marginalisés la stabilité de l’emploi et l’insertion dans la société par l’emploi

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SANTA PAU

Produits laitiers avec la contribution d’Albert Riera

ESPAGNE

La Fageda est une coopérative catalane fondée en 1982 avec l’objectif d’insérer socialement et par le travail des personnes souffrant d’un handicap mental et de maladies mentales graves. La Fageda, coopérative de travail associé (bien qu’elle soit également une coopérative sociale aux termes de la législation espagnole), a pour membres essentiellement ses travailleurs dont certaines personnes handicapées (qui sont majoritaires). D’autres membres sont les représentants légaux ou les membres de la famille de personnes handicapées accueillies par La Fageda et qui, juridiquement, ne peuvent pas travailler, ainsi que des professionnels de fondations d’aide sociale qui fournissent des services à la coopérative. La coopérative est une exploitation agricole de production laitière dont le cheptel se compose de 500 vaches. Elle s’est spécialisée dans la production de lait et de yaourt. La Fageda est également une pépinière et offre des services d’entretien de jardins, notamment d’espaces verts publics de plusieurs municipalités de la

Chapitre 9

Catalogne, Espagne

Catalogne

PROOF

La Fageda

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Chapitre 9 · La Fageda

région et d’un parc naturel de la région volcanique de Garrotxa. Elle s’est structurée sous forme d’un projet d’aide à des personnes souffrant d’une déficience mentale. La coopérative travaille à différents niveaux pour déployer une large gamme de services: service de thérapie professionnelle pour les maladies graves; centre spécial de travail pour l’engagement dans les activités productives de la coopérative; service d’accompagnement, un pont pour développer des possibilités d’emploi dans des entreprises classiques pour des travailleurs handicapés; des soins résidentiels pour certains travailleurs handicapés qui sont accueillis dans des structures avec un accompagnement spécialisé; et des activités de loisir. Son histoire commence en 1980. L’idée était de créer un projet pour changer les conditions de vie des personnes souffrant d’un handicap mental. Des médecins et professionnels travaillant dans des centres de soins pour ces personnes ont compris la nécessité de rompre l’isolement social de leurs patients et d’améliorer la qualité de vie de personnes souffrant de troubles mentaux. Ils ont alors rêvé d’un projet économiquement viable, qui ne s’inspire pas de la charité mais d’un engagement par le travail et de la valorisation des capacités.

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L’origine de l’idée L’idée de créer la coopérative «  La Fageda  » est inspirée par le mouvement médical qui s’est développé fin des années 70 et s’est poursuivi dans les années 80 en Espagne et qui entendait faire face aux problèmes que connaissent les patients placés dans des institutions psychiatriques. Il a réfléchi à une réforme du système de soins de santé pour le traitement de ces maladies. Plus précisément, un groupe de médecins et d’autres professionnels de l’Hospital Psíquíatrico Provincial de Gérone a compris le besoin d’aller au-delà du traitement en institutions pour améliorer les conditions des patients et rompre cette exclusion sociale permanente. Dans certaines institutions, la mise en œuvre de thérapies professionnelles était déjà fréquente. Le travail du macramé, la fabrication de lampes en papier, de cendriers en terre cuite étaient assurés par des ateliers auxquels participaient des patients mais sans qu’il y ait d’ambition productive. Personne n’achetait ni n’utilisait ces produits. Les patients étaient simplement assimilés au travail et à la vie active sans y être plongés, et le constat qui a été fait était celui d’un véritablement développement des personnes, de leurs capacités mais le système ne manquait pas d’avoir un impact négatif sur l’estime que ces personnes avaient d’elles-mêmes. Le problème était que ces personnes qui présentaient des troubles mentaux n’étaient pas considérées ni traitées comme les autres, leurs aptitudes n’étaient pas valorisées.

Coopératives, Territoires et Emplois

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Les personnes qui présentent ce type d’handicap ne doivent pas seulement satisfaire leurs propres besoins matériels de base mais également leurs besoins émotionnels, relationnels et spirituels. Les fondateurs de La Fageda ont estimé que ce travail était la meilleure manière de leur rendre leur dignité et estime d’elles-mêmes. « Lorsque nous avons créé la coopérative, ces personnes présentant un handicap mental étaient normalement enfermées dans des hôpitaux spéciaux, des centres d’incarcération qui leur étaient réservés. Il s’agissait de structures surpeuplées et misérables avec des cellules de punition et des cours clôturées », affirme le président de La Fageda, Cristobal Colon, qui souligne les immenses progrès enregistrés depuis lors. Actuellement, ces personnes qualifiées de patients sont des travailleurs, vivent dans des maisons normales et peuvent être en contact permanent avec d’autres personnes.

La fondation de la coopérative La fondation de la coopérative La Fageda date de 1982. Elle comptait alors quatorze personnes ayant des troubles mentaux. Grâce au soutien de l’administration locale d’Olot, elle a pu utiliser une structure de la municipalité pour accueillir les activités de l’entreprise qui venait de naître. Au début, les activités se limitaient aux commandes de travaux manuels d’autres entreprises et à quelques travaux de jardinage pour la municipalité.

En 1984, avec le soutien de la municipalité locale et d’une institution financière, La Fageda a acheté l’exploitation agricole Els Casals. Son intention était de développer ses propres activités agricoles profitant de la forte tradition de la région en la matière. Dans une telle exploitation, les travailleurs peuvent être constamment en contact avec les animaux et l’environnement, une condition idéale pour ouvrir des voies innovantes de réhabilitation. Après une année, l’activité d’élevage a débuté et, en 1987, la pépinière était créée. Le foyer résidentiel pour les travailleurs insérés était

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En 1983, elle a commencé la production de yaourt et de crème caramel pour l’Hospital del Valle de Hebron de Barcelone et a été rapidement engagée par d’autres hôpitaux de la région. Dans le même temps, elle a développé sa propre enseigne pour commercialiser ses produits sur le marché privé en se donnant une identité forte. L’exploitation agricole de La Fageda se trouve dans le parc naturel, Parc Natural de la Zona Volcànica, une zone qui jouit d’une longue tradition alimentaire et culinaire, proche de ses consommateurs avec lesquels elle veut entretenir des relations familières. Contrairement aux grands concurrents, elle a ses propres vaches laitières et peut garantir la maîtrise de tout le processus de production. C’est ainsi que s’est créée l’enseigne La Fageda – Yogurt de Granja.

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Chapitre 9 · La Fageda

installé. Le logement étant une des dimensions fondamentales de la personne, ce foyer a joué un rôle fondamental dans le succès du projet à l’époque. En cinq ans, la coopérative a structuré ses activités et consolidé sa capacité à créer des emplois et à insérer des citoyens défavorisés. Le succès au rendez-vous dès le début et la croissance ensuite sont le reflet de la capacité qu’a le système coopératif à donner une chance aux aptitudes des personnes défavorisées et à les intégrer dans un projet durable.

L’adhésion à l’Union européenne En 1986, l’Espagne devenait membre de l’Union européenne. Ce fut une étape et un enjeu important pour la vie de la coopérative. En effet, la Communauté européenne a imposé ses règles et règlements qui ont fortement marqué la structure agricole dans son ensemble.

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L’activité la plus importante de la coopérative à l’époque était l’élevage de vaches laitières et la production de lait. L’adoption par l’Espagne du système des quotas laitiers imposés par l’Europe aurait pu représenter une menace pour le développement de la coopérative et, surtout, pour la pérennisation du projet. Plusieurs producteurs avaient déjà été éliminés du marché. Mais le défi s’est converti en opportunité grâce à la sensibilisation, l’anticipation sur l’avenir et l’ambition. La Fageda a élaboré une alternative au développement de la production et s’est écartée de la production de lait cru et de ses produits dérivés. D’une part, la coopérative avait déjà noué de bons contacts avec plusieurs hôpitaux et centres de soin de la région qui étaient d’importants consommateurs de produits tels le fromage et le yaourt. D’autre part, elle voulait être présente sur un marché plus large. C’était un véritable enjeu compte tenu de la présence de grands concurrents sur le marché et des difficultés à pénétrer à grande échelle le marché de la vente au détail. Elle a compris qu’en destinant ses produits à des clients de niche, en développant une production artisanale et de grande qualité, elle faisait le bon pari.

Coopératives, Territoires et Emplois

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La coopérative aujourd’hui La mission de la coopérative est de valoriser la dignité et les conditions de vie des personnes qui souffrent de troubles et d’handicaps mentaux, et, à cette fin, le travail est un outil essentiel. La Fageda est un projet entrepreneurial bien établi et durable qui n’ambitionne pas d’étendre la production ou de multiplier à l’infini ses parts de marché. La coopérative est parvenue à diminuer le taux de chômage des personnes présentant des troubles et handicaps mentaux dans la région de Garrotxa. Il est, dans cette région, proche de zéro alors qu’il est de quelque 95% dans l’ensemble de la Catalogne. Près de 30.000 personnes par an visitent La Fageda et le parc naturel, Parc Natural de la Zona Volcànica. Les visiteurs sont en contact direct avec la coopérative, comprennent ce que signifie l’insertion de citoyens défavorisés, le respect de l’environnement et reconnaissent la valeur ajoutée des produits. C’est pour cette raison que Yogurt de Granja et d’autres produits sont ancrés profondément dans le marché local et représentent des aliments de grande qualité, authentique, pour la population locale. La coopérative s’est engagée activement dans le partage de ses expériences et bonnes pratiques. Elle est un des acteurs de la création d’un consortium intersectoriel régional (Grup Clade) établi en 2004 par des coopératives catalanes de différents secteurs (agriculture, distribution, éducation, services sociaux, construction, électricité, environnement, culture, biotechnologie). Il compte 12 membres (coopératives de base, fondations et deux entreprises classiques), un chiffre d’affaires en 2008 de 335 millions d’euros et un effectif de 3.602 personnes. Dans le cadre d’autres projets, La Fageda coopère également avec d’autres régions et pays pour diffuser son modèle d’inclusion active. Graphique 4 – La Fageda – Chiffre d’affaires (2002 – 2009) en milliers d’euros

12 10 8

4 2 0 2001

2003

2005 Source: La Fageda

2007

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Chapitre 9 · La Fageda

La vision à long terme inhérente au mode de gouvernance de la coopérative l’aide à respecter sa mission d’insertion sociale tout en se maintenant sur le marché et en concurrençant efficacement d’autres entreprises. Les chiffres révélés récemment par la coopérative confirment cette tendance. Depuis 2001, tant le chiffre d’affaires (Graphique 4) que l’emploi (Graphique 5) n’ont cessé de croître. Avec plus de 200 salariés, la coopérative est en bonne voie pour se positionner en acteur économique significatif de la région. Graphique 5 – La Fageda – Evolution de l’emploi (2002 – 2009)

300 250 200 150 100 50 0 2002

2003

2004

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2006

Source: La Fageda

LA FAGEDA - Espagne

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Coopérative sociale

Santa Pau – Gérone (Espagne) Date de fondation: 1982 Secteur: Agriculture, alimentation, environnement Effectifs (2009): 239 170 travailleurs membres 59 travailleurs non membres Travailleurs défavorisés: 49% du total Chiffre d’affaires en 2009: 9.773. 286 € Site: www.fageda.com Contact: [email protected]

2007

2008

2009

Région de Malapolska, Pologne

POLOGNE

Restauration, formation, artisanat, construction Avec la contribution de Joanna Brzozowska

KLUCZE Région de Malapolska

Chapitre 10

Opoka

Opoka a été la première coopérative sociale en Pologne à être établie par deux personnes morales, ce qui a été rendu possible par la réforme de la loi polonaise sur les coopératives sociales en mai 2009. Le but de la coopérative est de réintégrer des personnes marginalisées sur le marché du travail en gérant une entreprise commune. Les travailleurs proviennent de trois catégories: des chômeurs, des chômeurs de longue durée (c’est à dire, qui sont inscrit au bureau du travail depuis 24 mois) et des handicapés. La plupart des membres du personnel viennent de ces catégories.

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La coopérative sociale Opoka à Klucze (région de Malopolska) a été établie par deux associations, l’Association de la Charité Chrétienne et l’Association pour la Croissance Sociale et Économique Stable “KLUCZ.” Elle a été soutenue par l’Incubateur de l’Économie Sociale établi dans le cadre d’un projet du Fonds Social européen dénomméé “L’ABC de l’Économie Sociale.”

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Chapitre 10 · Opoka

La loi stipule qu’une coopérative sociale établie par deux personnes morales comme Opoka doit employer dans les 5 mois au moins 5 personnes provenant des groupes socialement exclus décrits dans la loi. Après un an au plus, les travailleurs peuvent devenir membres de la coopérative, s’ils le souhaitent. La coopérative a déjà approuvé un candidat pour l’adhésion, mais celle-ci n’a pas encore été enregistrée. Davantage de travailleurs deviendront probablement membres dans les mois à venir. Opoka met en œuvre des activités économiques très diversifiées. En 2009 et en 2010, elle était active principalement dans les secteurs de la restauration, de la formation, de l’artisanat et des services mineurs dans la construction. La coopérative établit des équipes de travailleurs concentrées sur les différentes activités selon les besoins du marché. Tous les travailleurs ont été formés dans des compétences différentes et sont en mesure de mettre en œuvre les services de la coopérative de façon optimale, assurant ainsi à l’entreprise un positionnement stable sur le marché. Une des sessions de formation auxquels tous les travailleurs prennent part est l’ “Académie de Gestion Coopérative” gérée par l’Union Nationale de Révision des Coopératives de Travail Associé (NAUWC, membre polonais de CECOP) dans le cadre du projet INES (financé par le Fonds Social européen).

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L’activité économique principale est la restauration. À travers un contrat avec le Centre pour l’Aide Sociale de Klucze, la coopérative sociale délivre tous les jours environ 300 repas à 7 endroits différents dans la collectivité locale. Opoka a aussi lancé des services de restauration pour les mariages, les conférences et autres événements. Les autres activités économiques (visites d’études, événements d’intégration et voyages pour des entreprises et des institutions ainsi que les services d’entretien dans la construction) ont été lancés au moyen de marchés, avec environ 50 appels d’offre gagnés jusqu’ici). Les autorités locales sont donc un des principaux partenaires d’Opoka. La coopérative a aussi été enregistrée comme une institution de formation et met en œuvre des services de formation complexes. La formation gérée par la coopérative se concentre principalement sur l’inclusion professionnelle de personnes socialement

Coopératives, Territoires et Emplois

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exclues, ainsi que sur l’économie sociale comme outil pour le développement local. Opoka peut maintenant se prévaloir de très bonnes références de clients qui ont bénéficié de ses services, et c’est là un des plus importants actifs de l’entreprise. En 2010, la coopérative a commencé à entreprendre de nouvelles formes d’activités. Le Centre d’Intégration Sociale a préparé un groupe de 5 chômeurs de longue durée pour être actifs dans le secteur de la construction, et la coopérative a déjà effectué son premier travail dans cette branche. Elle a aussi mené (en association avec d’autres institutions) un projet qui se concentre sur la promotion du concept de l’économie sociale dénommé “la coopérative sociale est une chance pour tous.” Le but du projet était d’élever la conscientisation et la connaissance ainsi que créer les conditions favorables pour l’entrepreneuriat dans les coopératives sociales. Actuellement, dans le cadre du projet INES (“Infrastructure pour l’Économie Sociale dans la région de Malopolska”) coordonné par l’Union Nationale de Révision des Coopératives de Travail Associé, elle gère un Centre de Soutien pour des personnes qui veulent établir une coopérative sociale et pour des coopératives sociales qui souhaitent développer leurs activités. Opoka est géré par un Conseil de Gestion composé de deux personnes qui sont déléguées à cette fonction par les deux associations. Il emploie 12 personnes telles que: cuisinier, aide de cuisine, conducteur, constructeurs, etc., ainsi que 5 stagiaires. De plus, elle coopère avec 9 volontaires, et emploie 14 experts de façon occasionnelle pour réaliser des contrats dans des services de formation. En 2010, le chiffre d’affaires de la coopérative était de 1.051.477 PLN (environ 250 000 euros), avec un surplus de près de 120.000 PLN (environ 30.000 euros).

Opoka – Pologne Adresse: Ul. Rabsztynska 3/4, 32-310 Klucze Date de fondation: 2009 Secteur: restauration, formation, construction Travailleurs: 9,5 ETP Chiffre d’affaires (2010): 1 million PLN (€250,000) Contact: Agence pour le Développement et la Promotion des Coopératives National Auditing Union of Worker’s Cooperatives Ul. Malborska 65; 30 – 646 Kraków Site: www.spoldzielnie.org.pl

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Coopérative sociale

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Piémont, Italie

Stylisme et confection de vêtements avec la contribution de Caterina Micolano

ITALIE

On pourrait dire que l’enseigne sociale et l’innovation sont les éléments qui singularisent la coopérative sociale Ghelos et qui l’ont caractérisée dès sa fondation. En 2005, l’établissement de cette coopérative était l’aboutissement d’une rencontre de plusieurs professionnels du mouvement des coopératives sociales et de chercheurs, experts en politiques sociales, actifs dans la région du Piémont, dans le nord de l’Italie. La philosophie de la coopérative, ainsi que les idées et les compétences de ses membres fondateurs sont incarnées par le projet CODICEASBARRE et se transforment ensuite en un projet entrepreneurial viable, et plus encore, en un modèle.

Chapitre 11

Piémont

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Ghelos

CASALE MONFERRATO

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Chapitre 11 · Ghelos

Le projet CODICEASBARRE CODICEASBARRE20 est une projet pilote qui a été lancé en 2002 par le département d’égalité des chances de la municipalité de Vercelli, en partenariat et avec le soutien des ministères italiens de la Justice et du Travail, et un consortium de coopératives sociales, Armes. Le projet se propose alors d’introduire de manière innovante l’entrepreneuriat dans l’optique des politiques d’égalité hommes-femmes dans la société, qui sont évidemment importantes, mais qui le sont d’autant plus qu’on les aborde sous l’angle de femmes incarcérées. Les hommes en détention carcérale sont plus nombreux que les femmes en Italie et les prisons sont gérées principalement en fonction des besoins et demandes de la population masculine. On leur consacre plus d’espace et, donc, plus d’activités et de programmes de réhabilitation. Les sections réservées aux femmes sont l’exception. Elles sont souvent reléguées en marge des parties essentielles des prisons réservées aux hommes. Il est donc devenu difficile d’organiser des activités d’éducation et de formation efficaces dans de telles conditions. CODICEASBARRE se propose alors d’accompagner les détenus qui avaient fait le choix de la réhabilitation par le travail, en leur offrant la possibilité de devenir des entrepreneurs membres et des protagonistes de la vie coopérative. La première étape est celle de la sélection des prisonnières, une attribution qui revient à la direction du centre de détention. La sélection s’opère sur la base des critères suivants: ■■ aptitudes interrelationnelles et à travailler en groupe; ■■ compétences professionnelles en confection; ■■ compatibilité du projet pilote avec le programme de détention; ■■ compatibilité entre la durée de la peine et les exigences de continuité du projet – professionnalisation des activités par la formation et l’apprentissage par le travail.

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Les prisonnières participent à un cours de confection et de couture, et commencent leur activité de production en 2004. Un thérapeute spécialisé en thérapie professionnelle accompagne toute la démarche. Pour le résultat entrepreneurial des activités, ce n’est pas anodin.

Devenir entrepreneurs La création de Ghelos en 2005 est un tremplin important pour l’avenir de CODI20 CODICEASBARRE en Italie est une fusion entre codice a barre (barre code) et sbarre (barreaux de fer). En argot italien, aller en prison se dit finire dietro le sbarre (finir derrière les barreaux). Cette dénomination représente bien la quintescence du produit, le code barre qui est fusionné avec la notion de prisonnier, telle est la mission que se donne la coopérative.

Coopératives, Territoires et Emplois

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CEASBARRE. Les années suivantes seront le témoin d’une véritable transformation du projet pilote en véritable entreprise. La démarche est innovante car la mission sociale est accompagnée d’une bonne publicité qui fait connaître les produits de la coopérative. L’enregistrement de la marque CDSB, la coopération avec des concepteurs et la création de partenariats sont la clé du succès de l’activité de Ghelos. L’atelier de 20 m² est équipé pour accueillir 5 postes de confection, achetés avec le soutien de financements européens. Les quatre prisonnières qui les occupent deviennent des salariées et, plus significatif pour elles, des membres de la coopératives21. CODICEASBARRE et la marque enregistrée pénètrent le monde de la mode en lançant dès 2005 trois lignes d’articles: ■■ « CDSB_jailwear », tenues décontractées pour hommes et femmes ■■ « Work », vêtements de travail et gadgets promotionnels pour entreprises ■■ « Dr. Jeckyll », vêtements pour médecins en unités pédiatriques. ­ e lancement de la première collection de CDBS_jailwear dans la presse, les médias et L les clients potentiels a été un événement qui a démontré au public ce qui allait au-delà du simple produit. Les quatre femmes prisonnières ont expliqué, lors de la conférence de presse, leur choix des noms des produits qu’elles avaient conçus. Il est intéressant de constater que c’était les noms de leurs filles ou de leurs belles-filles car elle voulaient consacrer ce pas important dans leurs vies à une personne qui soit aussi importante. Graphique 6 – Ghelos - Revenus 400000 350000

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300000 250000 200000 150000 50000 0

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Source: Ghelos

21 La loi italienne prévoit qu’un prisonnier peut être membre d’une coopérative.

2008

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100000

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Chapitre 11 · Ghelos

Enseigne sociale Comme nous l’avons déjà souligné, la stratégie de Ghelos était de structurer l’image de la coopérative pour révéler en toute clarté l’origine des articles, tant à des fins de promotion que de partenariat. L’achat de produits CDBS par des clients privés et des entreprises est plus qu’un choix porté sur un produit que l’on souhaite porter, c’est une démarche d’appui à une mission sociale qui est celle de la coopérative et un choix éthique. Depuis le développement de la ligne tenues décontractées, CDBS_jailwear, la philosophie s’est traduite en action et a débouché sur des partenariats essentiels avec le monde de la mode. Chd Studio, un groupe important de concepteurs et stylistes, a embrassé

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la cause de Ghelos et aidé les travailleuses membres à concrétiser la philosophie de Ghelos en articles et à opter pour un style qui mette en lumière la marque d’un environnement carcéral. La coopérative raconte son histoire lorsqu’elle vend ses produits, et c’est la principale valeur ajoutée. La philosophie de l’enseigne sociale de la coopérative n’a pas été abandonnée après les premiers résultats positifs de vente d’articles et de collections. Ce potentiel inexploré s’est épanoui dans le cadre de coopérations avec des entreprises classiques, des coopératives sociales, des associations et autres institutions. La responsabilité sociale a aussi été un des messages que Ghelos a souhaité vendre.

Coopératives, Territoires et Emplois

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Marketing en lien avec la cause défendue Transfert de bonnes pratiques vers des entreprises classiques L’étape suivante a été celle du transfert de bonnes pratiques vers des entreprises classiques. Le projet Ghelos d’une durée de 2 ans (2008-2010) était ambitieux. La coopérative a alors la conviction que sa communication et son marketing social, mis au point avec CODICEASBARRE, se conjuguent parfaitement avec les intentions de la responsabilité sociale de l’entreprise. L’idée d’impliquer des entreprises classiques s’est concrétisée grâce au projet « Grandir et partir » grâce auquel la coopérative s’est fait connaître et les atouts de sa communication se sont développés au fil de l’expansion de CODICEASBARRE et de la gamme d’articles de la coopérative. Ce fut un outil pour que la coopérative demeure compétitive et valorise sa visibilité en se faisant connaître d’un public plus large. Le marketing en lien avec la cause défendue est la stratégie choisie par la coopérative pour permettre aux entreprises classiques et coopératives sociales de bénéficier des expériences des unes et des autres, à la condition néanmoins que les parties engagées prévoient des stratégies à long terme qui soient attentives à la conduite éthique des entreprises classiques, plutôt que de se cantonner à une stratégie de marketing à court terme.

Le marketing en lien avec la cause défendue repose sur six principes: ■■ intégrité – honnêteté et conduite éthique; ■■ transparence – fondamentale pour planifier, mettre en œuvre et communiquer les partenariats qui se nouent et qui doivent être visibles par le public; ■■ sincérité; ■■ respect mutuel – la valeur intrinsèque du partenaire doit être respectée et il est fondamental de réaliser les objectifs prévus par les deux parties; ■■ partenariat – la relation entre les parties doit être sur un pied d’égalité pour faire aboutir l’initiative; la qualité des résultats est étroitement liée à la capacité des parties engagées à travailler en équipe;

La coopérative met à la disposition des entreprises ses aptitudes générales à développer la stratégie de marketing et la communication sociale. Elle peut aussi planifier des stratégies, élaborer des plans. C’est une forme innovante de coopération entre coopératives et entreprises classiques.

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■■ avantage mutuel – c’est un des éléments qui singularise ce type de marketing.

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Chapitre 11 · Ghelos

Graphique 7 – Ghelos – Articles produits 16000 14000 12000 10000 8000 6000 4000 2000 0 2005

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Souce: Ghelos

CSR Ghelos and SlowFood: “Prigionieri del Gusto” (« prisonniers du goût ») Slow Food est un mouvement qui a des membres dans 130 pays. Il défend le plaisir de consommer des produits alimentaires locaux, promeut la cuisine régionale et, plus généralement, la culture du vin et de l’alimentation. Il a exprimé immédiatement son intérêt à lancer un partenariat avec Ghelos. Les partenaires ont décidé de créer une collection qui puisse être distribuée par les chaînes Slow Food, notamment en ligne et lors d’événementiels organisés ou auxquels participe l’Association. Slow Food gère au niveau interne un large éventail d’événements de grande renommée comme Salone del Gusto, Terra Madre et Vinitaly. Les trois premières années de cette coopérative ont été caractérisées par une collaboration très étroite entre la coopération et Slow Food pour l’élaboration d’actions concrètes qui puissent mieux valoriser le partenariat. Le résultat, c’est la collection Prigionieri del Gusto22 qui se vend à raison de plus de 1000 articles par an, et la création d’une nouvelle ligne de produits est en cours.

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D’autres partenariats importants se sont tissés avec: ■■ Les services d’assistance publique de la région de Canavese qui a confié à Ghelos la coordination de la formation et supervision des opérateurs des consortiums locaux engagés dans le domaine de la réhabilitation et dans des activités de participation au travail de personnes handicapées: ils sont composés essentiellement de coopératives sociales; 22 Prigionieri del Gusto (« prisonniers du goût ») est de nouveau un jeu de mots qu’affectionnent particulièrement les partenaires.

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■■ Le département d’administration des prisons du ministère de la Justice qui a confié à la coopérative une recherche expérimentale pour d’autres projets destinés à promouvoir l’entrepreneuriat des femmes en prisons, en coordination avec des mesures ministérielles pour la réinsertion sociale des prisonniers; ■■ L’enseigne Ingeo, une enseigne du Groupe Natureworks Ltd, leader dans les vêtements écologiques; ■■ National Italian Singers Soccer Selection, une organisation sans but lucratif qui a soutenu un événement pour le lancement de Dr. Jeckyll, la ligne de produits destinés aux médecins de départements pédiatriques.

Effets pérennes Deux des quatre prisonnières engagées dans la fondation de la coopérative ont purgé leur peine. Bien que pour des raisons personnelles et familiales, elles se soient éloignées de Vercelli où est implantée la coopérative, elles en sont restées membres. L’une d’entre elles s’est mariée et vit dans la ville de son mari alors que l’autre s’est installée à Asti, dans le nord de l’Italie. Cette dernière a reçu une machine à coudre comme cadeau de départ de la coopérative. Elle a décidé de créer sa propre entreprise en profitant de son expérience et des compétences acquises grâce à la coopérative sociale. Elle a aujourd’hui un atelier de couture artisanal. Deux femmes en détention les ont remplacées au sein de la coopérative sociale.

GHELOS - Italie

Adresse: Viale O. Marchino 10 Casale Monferrato, Piémont Date de fondation: 2005 Secteur: gestion de projets d’inclusion sociale Membres: 14 1 membre fondateur 7 membres travailleurs 4 membres travailleurs défavorisés 2 membres bénévoles Chiffre d’affaire: 350.000 € (2008) Site: www.cdsb.it www.drjeckyll.it www.myspace.com/codiceasbarre Contact: [email protected]

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Coopérative sociale

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Partie 4 P ROOF

Comment les coopératives assurentelles des services sociaux qui favorisent l’emploi et l’intégration dans la société?

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FINLANDE

régions de Helsinki, Tampere, Oulu et Kotka, Finlande Oulu

Psychothérapie avec la contribution de Pekka Pättiniemi

Tampere

Chapitre 12

Osuuskunta Toivo

HELSINKI Kotka

Osuuskunta Toivo (qui signifie littéralement « Coopérative Espoir ») est une coopérative qui fournit plusieurs types de services sociaux. Elle s’est créée en 1997 et a 8 membres. Pour assurer des services aussi pointus et spécialisés, la coopérative a besoin de l’aide d’un certain nombre d’autres entreprises et de personnes spécialisées. Les salariés et les prestataires de services d’Osuuskunta Toivo sont des professionnels très formés et expérimentés qui ont des antécédents communs en psychologie, travail social, médecine et recherche, et la plupart d’entre eux ont donné de nombreuses formations et ont travaillé en tant que formateurs. Osuuskunta Toivo déploie ses activités dans quatre villes de Finlande: dans la capitale Helsinki, dans l’ancienne zone industrielle de Tampere dans l’arrière pays, à Oulu dans le nord et à Kotka à quelque 100 km à l’est d’Helsinki, près de la Baie de Finlande. Elle gère un centre de consultation pluridisciplinaire pour des enfants, des jeunes et leurs familles et une clinique de consultation pour les

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Helsinki

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Chapitre 12 · Osuuskunta Toivo

problèmes vie professionnelle-vie privée. La coopérative organise également des cours de réhabilitation pour jeunes, des formations et projets psychothérapeutiques sur le bien-être au travail. La philosophie et l’orientation de la coopérative sont axées sur les ressources, les solutions et les clients. Tous les projets de travail avec les clients donnent la priorité aux ressources et aux solutions. La coopération entre les parties concernées et la clarification des objectifs des clients (sans l’introduction d’autres objectifs extérieurs) sont au cœur de sa démarche. L’intérêt réside essentiellement dans les possibilités et le développement positifs, dans ce que la coopération entre le personnel de la coopérative et les clients peut réaliser pour améliorer un état de choses. L’approche n’est donc pas axée sur le problème ou la pathologie. Ce type de travail est gratifiant pour les personnes qui sont engagées et les résultats sont bons. Le chiffre d’affaires annuel de la coopérative Osuuskunta Toivo est d’environ 1,5 million d’euros. Les résultats financiers sont équilibrés et la coopérative n’a pas de dettes. Le principal bailleur de fonds est la Sécurité sociale de Finlande qui couvre les frais de sécurité sociale, de pension et de réhabilitation. La coopérative est aussi engagée dans des projets communs avec le Trésor public. Le nombre de ses clients varie chaque année mais ils sont systématiquement plus de 1000.

Services fournis par la coopérative Osuuskunta Toivo Centre de consultation pour enfants et jeunes

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Une des activités de la coopérative Osuuskunta Toivo est le Centre de consultation pour enfants qui est situé au centre d’Helsinki. Il reçoit environ 4.000 visites par an et accepte 250 nouveaux clients sur une base annuelle. Chaque enfant/jeune peut fréquenter le centre jusqu’à 24 fois par an. Cette démarche est très concrète, même si les experts médicaux, psychiatriques et en accompagnement social sont très spécialisés. La force du service est l’engagement et la coopération dans la thérapie avec les parents et le milieu scolaire. L’intention est de démédicaliser la thérapie des services de réhabilitation psychosociale dans toute la mesure du possible pour le groupe d’âge de 5 à 16 ans. Le Centre de consultation est un projet important pour le pays, il a suscité des vocations et un grand intérêt. Centre de consultation vie professionnelle–vie privée

Un projet pilote pour le Centre de consultation vie professionnelle-vie privée a commencé en 2001. La démarche de démédicalisation, qui avait déjà été testée dans d’autres centres de la coopérative, est également utilisée dans le service de santé mentale professionnelle. Le client peut avoir recours à ce centre jusqu’à 22 fois par

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an. Le groupe cible est le groupe d’âge entre 16 et 63 ans. Les clients qui font appel à ce service souffrent principalement de surmenage, de dépression, d’anxiété, de problèmes de démotivation au travail ou dans les études et de difficultés d’intégration de la vie de travail et de famille. Cours de soins ouverts, de réhabilitation pour jeunes

Les cours de soins ouverts, de réhabilitation pour jeunes sont des cours de 42 jours pour jeunes souffrant de problèmes de santé mentale. Les participants sont responsables de la participation à la planification du contenu d’une partie des cours. Les activités communes sont la cuisine, le yoga, la formation aux premiers secours, la peinture, la formation en auto défense, les sports et les activités à l’extérieur. Au terme des cours, la plupart des jeunes ont l’occasion de participer pendant une courte période de temps à un segment du travail pour acquérir une expérience professionnelle plus importante. Les résultats sont en général assez bons même si les participants sont en piteux état lorsqu’ils abordent cette démarche.

Osuuskunta Toivo organise de nombreux types de formation en coaching, conseil et thérapie. Certains de ses membres sont engagés activement dans la recherche universitaire et certains dans l’écriture créative (romans et poèmes). La coopérative a toute liberté en réalité pour choisir ses activités futures. Elle peut prendre de nouvelles orientations et se développer dans d’autres pays. Recherches et publications

Osuuskunta Toivo a publié des livres pour l’université et/ou des livres éducatifs, et un

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Autres activités

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Chapitre 12 · Osuuskunta Toivo

nombre important d’articles par différents canaux. Le financement de la recherche est venu principalement de bailleurs de fonds non négligeables (Académie finlandaise des sciences, Fonds finlandais pour l’environnement du travail et le Fonds culturel de Finlande, entre autres)23.

Avenir et défis Les membres de Osuuskunta Toivo ont la conviction qu’on devrait s’intéresser beaucoup plus aux différentes formes d’art, donc la fiction et la poésie, pour développer de meilleures formes de travail avec les clients et comprendre les problèmes humains, et y trouver des solutions. Compter sur les seules sciences sociales, sur la médecine et la psychiatrie est insuffisant. L’expérience de la coopérative a montré qu’il est important de trouver des voies pour soutenir la « créativité sociale » car elle améliore sensiblement le quotidien de la vie des clients.

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La forme coopérative favorise un vrai partage de la planification et de la conception. Il devient alors plus facile de maintenir la motivation des membres et autres employés car ils ont le sentiment de travailler pour eux-mêmes. Les emplois du secteur public ne peuvent offrir certains avantages tels que la flexibilité du temps de travail, le travail véritablement indépendant et le travail chargé de sens. Selon les membres, la forme de l’organisation coopérative, compte tenu de ses caractéristiques, est exigeante. Elle exige un engagement profond et un niveau de compétence et de créativité élevé pour parvenir à une bonne gestion et ne pas être confrontée à des problèmes administratifs. Osuuskunta Toivo souffre parfois d’un cycle de financement trop court et de l’absence de dialogue structuré avec le principal bailleur de fonds de la coopérative, le Système national de sécurité sociale. Par ailleurs, le contexte national n’est pas très favorable aux coopératives; l’image des « nouvelles coopératives » n’est pas très bonne en Finlande et la législation ne reconnaît pas vraiment le modèle coopératif, notamment celui du membre travailleur. Ce sont les raisons pour lesquelles la coopérative Osuuskunta Toivo a parfois des difficultés à trouver des travailleurs disposés à s’engager dans ses activités et à devenir membres. Cette dimension doit être améliorée car elle constitue 23 Livres publiés en anglais pour l’université: Lehtinen V, Riikonen E, Lahtinen E (1997) Promotion of mental health on the European Agenda. Helsinki: Stakes Riikonen E, Smith G M (1997) Re-Imagining therapy. London: Sage Publications. (In Finnish (1998) Inspiraatio ja asiakastyö. Tampere: Vastapaino). Lahtinen E, Lehtinen V, Riikonen E ja Ahonen J (eds.) (1999) Framework for promoting mental health in Europe. Helsinki: Stakes. Livres récents en finnois: Riikonen E, Makkonen M and Vilkkumaa I (2002) (Mad Work Disease) Hullun työn tauti. Tampere: Vastapaino Riikonen E, Makkonen M and Smith G M (2004) (Winner-Loser) Menestyjäluuseri: Runsaan elämän jäljillä. Helsinki: Kuntoutussäätiö

Coopératives, Territoires et Emplois

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un enjeu pour la coopérative qui est pourtant la forme d’entreprise qui permet un vrai partage de la planification et de la conception.

­­­­OSUUSKUNTA TOIVO - Finlande Coopérative sociale

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Adresse: Paasivuorenkatu 5 A 6.kerros, 00530 Helsinki Date de fondation: 1997 Secteur: Conseil en réhabilitation psychiatrique/mentale et formation, recherche en psychothérapie Membres (2008): 8 (parmi lesquels 4 sont des membres travailleurs) Travailleurs (2008): 9 (parmi lesquels 4 sont des membres travailleurs) Chiffre d’affaires (2008): 8.793.464 € Site: www.oktoivo.fi

Ecole supérieure de formation des et coopératives d’artisans et de production d’UCECOM

ARAD TIMISOARA

ROUMANIE PLOIESTI CRAIOVA

BRAKA BUCAREST

avec la contribution de Carmen Biban

L’école supérieure de formation aux métiers de l’artisanat « Spiru Haret »24 à Bucarest est un des établissements les plus importants de Roumanie qui préparent à l’université. Il est reconnu par le ministère de l’Education, de la Recherche et de l’Innovation, et est composé d’un réseau de 12 écoles qui appartiennent à la Fondation de l’enseignement pré-universitaire « Spiru Haret » de l’artisanat roumain et à l’union des coopératives de production – UCECOM, membre de CECOP. Cet établissement d’enseignement est un des plus importants prestataires de formation professionnelle, fondamentale et continue en Roumanie, et accueille un total de 2.500 étudiants et 500 adultes par an. Les qualifications professionnelles les plus demandées sont celles du domaine des 24 SPIRU HARET était un scientifique roumain, ministre de l’Education. Il est le père fondateur des écoles en Roumanie.

Chapitre 13

Roumanie

IASI

CLUJ

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Spiru Haret

BAIA MARE ODORHEI

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Chapitre 13 · Spiru Haret

services et de la petite industrie artisanale, et le taux d’emploi de ses diplômés est de plus de 90%.

L’histoire de l’école supérieure La première unité d’enseignement a été fondée à Bucarest en 1953 sous le nom de «  Centre scolaire de Bucarest  » et elle offrait des cours de qualification à court terme dans le domaine de la protection du travail et de l’éducation. En 1961, le centre est devenu le « Groupe scolaire d’UCECOM ». L’offre pédagogique a été élargie pour couvrir les écoles de formation d’apprentis aux métiers de l’artisanat, les écoles techniques pour travailleurs qualifiés, les cours de formation du personnel des coopératives d’artisanat et la formation supérieure ou post-lycée. Depuis sa fondation jusqu’aux années 80, l’école a implanté 9 unités dans le pays, dans les villes d’Arad, Braila, Craiova, Iasi, Odorhei, Ploiesti et de Timisoara. Entre 1990 et 1992, UCECOM a fondé 3 autres unités scolaires à Baia Mare, Constanta et Cluj. Les années qui ont suivi ont été le témoin d’un développement incessant des activités du groupe qui en 1996 prennait la dénomination officielle de « Spiru Haret » - Groupe scolaire de formation professionnelle des coopératives d’artisanat et de production UCECOM, et il établissait le « Centre de qualification et recyclage, ainsi que de formation professionnelle ».

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L’importance du groupe scolaire a été progressivement reconnue au niveau national. La qualité remarquable de la démarche de formation éducative, d’acquisition de bonnes habitudes du réseau d’écoles de Spiru Haret a été confirmé par le ministère de l’Education, de la Recherche et de la Jeunesse (M.E.C.I.), qui a accordé la reconnaissance au 12 unités d’enseignement, leur donnant ainsi un statut « d’entités juridiques ou personnes morales de droit privé et d’intérêt public, faisant partie du système d’éducation national ». Ce processus s’est achevé par l’évaluation de l’Agence roumaine pour l’assurance de qualité. Depuis 2002, la Fondation d’enseignement pré-universitaire Spiru Haret coordonne les activités du groupe scolaire et en 2008, l’école maternelle Dumbrava Fermecata était fondée25. En 2010, la dénomination du « Groupe scolaire Spiru Haret » est modifiée pour devenir l’ « Ecole supérieure Spiru Haret » et pour Bucarest l’« Institut supérieur UCECOM Spiru Haret ».

25 Ordonnance du ministère de l’Education no. 5443/23.09.2008; Décision du Conseil de la Fondation Spiru Haret no. 6/04.01.2008

Coopératives, Territoires et Emplois

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Le rôle d’UCECOM en tant que fédération des coopératives roumaines de production dans le cadre du développement du groupe scolaire a été fondamental. Le groupe scolaire a été créé dans l’intention de soutenir la préparation de spécialistes dans des secteurs précis, en fonction des besoins des coopératives. Il a été lancé grâce aux contributions des coopératives de travail associé membres d’UCECOM. Jusqu’à la fin des années 90, les grands bénéficiaires de ce système d’enseignement des coopératives étaient les coopératives de production. Actuellement, le groupe scolaire s’est développé et a débordé de ce cadre. Il prépare des spécialistes pour tout le secteur des PME et sa pédagogie prend en considération les besoins du marché du travail et les politiques gouvernementales. C’est ainsi que le nombre d’étudiants est, dans ce secteur, de quelque 6000. L’offre d’enseignement de Spiru Haret se décline en enseignement de préparation aux métiers de l’artisanat, l’école supérieure, les cours post-école supérieure et enfin, l’école de formation d’agents de maîtrise. Les qualifications professionnelles les plus populaires sont celles qui forment aux métiers des services, telles que: ■■ Coiffure hommes/femmes, manucure, pédicure ■■ Coiffeur visagiste ■■ Esthéticien ■■ Masseur ■■ Serveur ■■ Cuisinier ■■ Opticien ■■ Technicien optométriste ■■ Technicien mécatronique ■■ Mécanicien automobile ■■ Agent de maîtrise dans la construction civile, industrielle et agricole ■■ Agent de maîtrise en en électromécanique automobile

Projets développés par Spiru Haret – vers un partenariat international En vue de soutenir les coopératives de travail associé en Roumanie, la Fondation Spiru Haret pour l’enseignement pré-universitaire a obtenu du Fonds social européen

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■■ Réparateur et teinturier automobile

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Chapitre 13 · Spiru Haret

le financement d’un projet intitulé «  Le passage de l’école à la vie de travail. Les compétences concrètes, par l’apprentissage sur le lieu de travail, pour le passage à la vie active » destiné à valoriser la qualité des compétences professionnelles et à encourager les coopératives de production dans le domaine de la politique des ressources humaines. Le projet s’efforce notamment d’augmenter le nombre de travailleurs dans les coopératives, de multiplier les emplois des jeunes et des femmes, et de développer des cours de formation gratuits pour les membres, d’harmoniser les normes nationales des compétences professionnelles en fonction du Cadre européen des qualifications. Dans le cadre de ce projet, 600 étudiants du groupe scolaire coopératif et 60 travailleurs des coopératives d’UCECOM participeront à des cours de formation professionnelle en administration pendant une période de 3 ans avec des acteurs économiques de Roumanie et d’Allemagne.

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L’école est également engagée dans d’autres projets nationaux et internationaux qui se proposent tous d’améliorer la pédagogie et les qualifications professionnelles, et qui garantissent l’insertion socioprofessionnelle de 100% des diplômés. Actuellement, le ratio emploi des stagiaires par les acteurs économiques est de 87% alors que 9% poursuivent ensuite leurs études universitaires. Plusieurs autres projets ont été mis en œuvre avec succès au fil des dix dernières années. Ils témoignent du développement de la coopération internationale de l’institution. Le projet pour le transfert du savoir-faire intitulé « Le partenariat Roumanie-Allemagne dans le domaine des métiers » est le résultat d’un partenariat entre la Chambre de l’artisanat de Coblence et UCECOM. Dans le cadre de ce projet, au cours de la période 2004-2008, des spécialistes de cette Chambre allemande ont organisé deux séminaires par an auxquels ont participé des professeurs et enseignants en maîtrise du groupe scolaire et d’autres écoles publiques, et les professeurs et enseignants ont eu l’occasion de participer à des cours de formation en Allemagne. Grâce à ce projet, en 2007 et 2008, il a été possible d’organiser, pour la

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première fois en Roumanie, les Olympiades internationales de mécatronique. A ces Olympiades, ont participé des étudiants de Roumanie, Moldavie, Bulgarie, BosnieHerzégovine, Monténégro, Albanie et Macédoine. Dans le cadre du projet, l’école a pu compter sur l’équipement du laboratoire de mécatronique, un investissement de quelque 300.000 euros. Le projet « Préparation professionnelle – Un bon démarrage dans la vie », mis en œuvre de 2004 à 2009 en partenariat avec la Fondation Robert Bosch dont le financement s’élevait à quelque 500.000 euros, avait pour objectif de valoriser l’insertion socioprofessionnelle de 50 jeunes issus d’orphelinats et sous la tutelle de l’Etat jusqu’à l’âge de 18 ans. Environ 40 jeunes d’institutions ont ainsi pu terminer leur formation professionnelle. 37 d’entre eux ont ensuite trouvé un emploi dans des coopératives et des entreprises classiques partenaires du groupe scolaire, alors qu’ils étaient 10 à poursuivre le lycée pour devenir techniciens en mécatronique. La Fondation Robert Bosch a soutenu l’achat d’équipements pour l’atelier de construction et l’atelier de serrurerie. Les enseignants et agents de maîtrise de Spiru Haret et d’autres écoles ont participé à quatre séminaires organisés par des spécialistes allemands en construction.

6 619 97 19 97 -1 99 19 8 98 -1 99 19 99 9 -2 20 000 00 -2 20 001 01 -2 20 002 02 -2 20 003 03 -2 20 004 04 -2 20 005 05 -2 20 006 06 -2 20 007 07 -2 00 8

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étudiants

Graphique 8 – Spiru Haret - Secteurs 1800 1600 1400 1200 1000 800 600 400 200 0

professionnel

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post-secondaire

Un des projets les plus importants, dont la mise en œuvre est récente, est développé en partenariat avec « L’Oréal Professionnel » et s’intitule « Le coiffeur de l’espoir ». Ce projet a débuté en 2005 et s’est terminé en 2010. L’objectif est d’aider les personnes plus âgées, notamment les retraités, et les jeunes qui ont peu de moyens. Dans le cadre de ce projet, quelque 1500 personnes par an bénéficient de services offerts gratuitement par les agents de maîtrise et les étudiants de l’école. Les produits utilisés sont offerts gracieusement par L’Oréal et tant les enseignants que les étudiants d’UCECOM participent gratuitement, deux ou trois fois par an, à des cours de formation qu’organisent des spécialistes de L’Oréal.

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Source: UCECOM

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Chapitre 13 · Spiru Haret

Un autre résultat important de Spiru Haret est la mise en œuvre de deux projets financés par le Programme Phare de l’Union européenne. Le Centre de qualification et de recyclage est soutenu par «  Des mesures actives sur le marché du travail – le développement de ressources humaines  » et le projet a été réalisé lors de la période de 2006-2007. Dans le cadre de ce projet, 60 personnes en chômage de la région de Bucarest et du district d’Ilfov ont participé à un cours de formation pour opticiens, installateurs d’équipements de mécanique optique, installateurs de murs en plaques de plâtre et de plafonds alors que 9 personnes déjà diplômées mais au chômage ont réalisé un cours de gestion de projets. Grâce à ce projet, 21 diplômés ont été embauchés par des entreprises spécialisées. Par ailleurs, le centre a été équipé de 10 ordinateurs achetés avec l’aide du projet. Le second projet financé par le Programme Phare était « Le Centre Spiru Haret pour la formation et l’aide à des personnes handicapées » mis en œuvre en partenariat avec la fondation Spiru Haret. Il s’agissait dans ce cadre de former des personnes handicapées de Bucarest et du district d’Ilfov en confiserie, mécanique de précision, conditionnement manuel et traitement de données. Le projet aide également les participants à trouver un emploi au terme de leur formation. La Fondation Princesse Margareta de Roumanie a donné tout le soutien nécessaire au projet « Centre de proximité générations » qui a commencé en 2007 et ne se terminera qu’en 2012. Le projet se concentre essentiellement sur les besoins de la communauté locale, se propose de fournir des services sociaux aux personnes âgées, d’accompagner l’éducation, la formation et l’insertion par l’emploi de jeunes de familles défavorisées, d’assurer des services d’accompagnement d’écoles maternelles et de construire des terrains de sport dans les zones défavorisées.

PROOF

Un aperçu du système Le groupe scolaire Spiru Haret est financé à 65% par les frais de scolarité. Les cours de qualification et recyclage professionnel représentent environ 15% du budget. L’école a des contrats avec des coopératives de production et d’autres agents, ce qui représente 8% de son chiffre d’affaires. Les 12% restants se répartissent entre différents financements de projets internationaux à concurrence de 5%, d’autres sponsors à concurrence également de 5% et de microproduction scolaire à concurrence de 2%. Les frais de scolarité, tant pour la formation initiale (formation professionnelle, enseignement secondaire, post-secondaire et d’école de formation des agents de maîtrise) et l’éducation tout au long de la vie pour adultes (cours de qualification et recyclage) sont intégralement financés par les étudiants, sans intervention de l’Etat. Ces frais de scolarité couvrent les frais d’éducation et de formation, tels que la rémunération des enseignants, les lieux, les impôts, etc. Le seul financement que reçoivent les écoles de la Fondation d’enseignement pré-universitaire des coopératives d’artisanat Spiru Haret provient du système coopératif.

Coopératives, Territoires et Emplois

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Graphique 9 – Spiru Haret - Revenus 1400000 1200000

Euro

1000000 800000 600000 400000 200000

6 619 97 19 97 -1 99 19 8 98 -1 99 19 9 99 -2 0 00 20 00 -2 00 20 1 01 -2 0 02 20 02 -2 00 20 3 03 -2 00 20 4 04 -2 00 20 5 05 -2 0 06 20 06 -2 00 20 7 07 -2 00 8

5

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519 9

19 9

419 9

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319 9

4

0

Souce: UCECOM

Le groupe scolaire a un bon taux de réussite scolaire d’environ 90%. Par conséquent, les demandes d’entreprises et d’employeurs potentiels des étudiants sont supérieures au nombre de personnes diplômées. Le taux de réussite des jeunes engagés dans des projets de partenariat est de 100%. Du point de vue de l’insertion des diplômés sur le marché du travail, l’unité pédagogique Spiru Haret de Bucarest occupe la première place dans le système d’éducation pré-universitaire privé et public en Roumanie. Alors que dans les écoles publiques, l’insertion professionnelle des diplômés ne dépasse pas les 10%, Spiru Haret (institution privée) dépasse les 90%.

L’école dispose d’environ 3000 contrats de coopération avec des entreprises dans tout le pays et à l’étranger pour assurer ces stages. Quant aux coopératives de Roumanie, elles emploient de 10 à 15% des diplômés de ces écoles Spiru Haret.

L’avenir Les enjeux de demain et le développement du groupe scolaire sont clairement explicités dans son plan de développement institutionnel pour l’unité pédagogique.

PROOF

L’explication de ce taux élevé d’insertion sur le marché du travail pourrait résider dans le système dual de formation, utilisé depuis près de 20 ans, un système adapté du modèle allemand. Les étudiants suivent des cours théoriques en milieu scolaire et réalisent des stages en entreprises qui sont autant d’employeurs potentiels de ces étudiants une fois les études terminées.

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Chapitre 13 · Spiru Haret

Graphique 10 – Spiru Haret - Etudiants 2500 2000 1500 1000 500 0

1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008

Source: UCECOM

Le groupe scolaire entend également augmenter son budget annuel par différentes mesures: développer l’offre éducative, mettre en œuvre de nouveaux projets avec l’aide des Fonds structurels européens, accroître la microproduction de 2% à 5% jusqu’en 2013, recruter de nouveaux sponsors, développer des cours de formation continue pour adultes en vue de doubler l’offre dans ce domaine, diversifier les sources de revenus, poursuivre l’organisation de concours nationaux et internationaux, et d’Olympiades que coordonne la Fondation Spiru Haret, multiplier les accords de coopération avec d’autres établissements scolaires au niveau national et international, augmenter d’au moins 50% d’ici 2013 le nombre de contrats avec des coopératives de production et d’autres entreprises en Roumanie et à l’étranger pour l’accueil de stagiaires, le développement de nouveaux projets sur le plan national et international afin de mieux aider à l’inclusion socioprofessionnelle de groupes défavorisés et développer l’accompagnement de personnes handicapées, de populations roms, de chômeurs, d’enfants et de jeunes en institutions.

SPIRU HARET - Roumanie

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Groupe scolaire - UCECOM

Adresse: 47-59, Economu Cezarescu Street Bucarest Date de fondation: 1953 Secteur: éducation et formation Ecole professionnelle et lycée Cours pré-universitaires Qualification et recyclage Personnel (2009): 123 37 enseignants014 ingénieurs et économistes 14 enseignants de maîtrise   4 enseignants d’école maternelle

12 assistants d’enseignants 13 accompagnants pédagogiques auxiliaires 34 autres membres du personnel Diplômés (moyenne, dernières années): Total: 885 Ont été embauchés par des coopératives: environ 245 Ont été embauchés par d’autres entreprises: environ 510 Chiffre d’affaires (2009): 1.068.500 lei

Malte

Services de soin à l’enfance avec la contribution de Rosette Thake SANTA VENERA

Chapitre 14

Vista

Vista voit le jour en 2003. Ses finalités s’inspirent alors des valeurs coopératives, notamment et prioritairement l’autonomie collective, la responsabilité sociale et le développement local. Dans la perspective de cette dimension sociale et grâce aux antécédents et expériences académiques de ses membres, travailleurs et parents, Vista définit ses objectifs qui se déclinent en « Educare » (Education-soins), « Edutainment » (Education-loisirs) et « Child Development » (Promotion de l’enfant). S’il est vrai que Vista n’a que quelques années d’existence, ses membres ont une vaste expérience du mouvement coopératif, ont été activement engagés et ont travaillé dans bon nombre de projets aux côtés de Outlook Co-op qui a été établi en 1995, notamment dans des projets éducatifs tels que Scoops ainsi que des projets de formation et de recherche. Outlook Co-op a été établie en 1995 pour offrir des services de gestion et communication. Un des premiers projets entrepris a été la gestion et la mise en œuvre de Scoops, un projet éducatif qui entend offrir aux étudiants de 12 à 15 ans

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MALTE

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Chapitre 14 · Vista

une expérience coopérative concrète. Ce projet, promu par le Conseil des coopératives, est mis en œuvre à Malte dans tous les établissements d’éducation secondaire, qu’ils soient publics, confessionnels ou indépendants. Grâce à ce programme, les étudiants peuvent apprendre le mouvement coopératif et à mettre en application les valeurs coopératives en créant leur propre coopérative dans leur milieu d’accueil scolaire, qui peut offrir des produits et des services à ce «  marché  » scolaire. Ils se réunissent ensuite au niveau national dans le cadre de conférences et foires qui leur permettent de mieux comprendre et vivre le travail au sein de la communauté coopérative. Même si le projet Scoops s’est arrêté au niveau national en 2006, mais avec l’espoir de pouvoir le relancer, après l’avoir repensé et reconçu, Vista poursuit cette expérience coopérative qui s’adresse aux 12-15 ans qui participent au Club d’été Kidstart (cf. ci-dessous).

Le Club d’été Kidstart

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Depuis sa création, la principale activité de Vista a été son Club d’été Kidstart, qui a été promu comme projet de divertissement pédagogique dont la première année a été assurée par Outlook Co-op. Chaque été, quelque 600 enfants, qui peuvent présenter des besoins spéciaux, dont l’âge varie entre 12 et 15 ans, peuvent ainsi apprendre en s’amusant dans le cadre d’un programme de 8 semaines qui se décline en différentes activités, dans l’environnement sûr et accueillant d’une école publique. Cette expérience a connu un grand succès au cours des dernières années. Il est confirmé par les réactions positives des parents, des enfants et du personnel, et par la popularité et confiance qui se sont construites au fil des années. Année après année, les parents qui ont recours à Kidstart « Mini », service d’accueil des enfants de 2 à 3 ans, supplient pour que ce service soit assuré toute l’année et ne soit pas limité à l’été. C’est cette demande qui a encouragé Vista à s’embarquer dans un projet de promotion de meilleures pratiques dans les services à la petite enfance, pour le bien des enfants mais également pour soutenir les parents qui travaillent, les aider dans l’édu-

Coopératives, Territoires et Emplois

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cation et la formation de leurs enfants, aider les parents en quête d’un emploi grâce à un service disponible toute l’année, qui de saisonnier devenait ainsi permanent.

Vers le développement social Sa volonté de répondre à des besoins sociaux tout en ayant une expérience importante dans différents domaines ont conduit Vista à entreprendre une recherche de 4 ans sur la nécessité de services à la petite enfance qui soient de qualité, d’un prix abordable et inclusifs pour satisfaire véritablement les besoins des enfants et des parents en tant que participants à la vie communautaire et économique.

Vista a pour vecteur une vision de soins à la petite enfance de qualité, abordables et qui établissent de meilleures pratiques en la matière. La vision de la coopérative est aussi celle d’un service qui doit offrir des emplois aux femmes, notamment qui permettent aux femmes de travailler parce que leurs horaires correspondraient aux horaires scolaires. Ces services de Vista fournissent, sur une base permanente ou contractuelle, des emplois à temps plein ou temps partiel, à 30 à 34 personnes, principalement des femmes, alors que le Club d’été Kidstart lui permet d’employer de 65 à 70 personnes supplémentaires pendant les mois d’été. La coopérative est un Employeur qualifié de promoteur de l’égalité hommes-femmes qui s’est engagé à créer un environnement de travail qui valorise la diversité, soutient l’inclusion du personnel qualifié indépendamment de son sexe, son appartenance ethnique, son handicap physique ou autre, son état civil, etc. Dans l’optique d’une stratégie d’action affirmative, Vista soutient la formation d’un homme qui sera appelé à s’occuper des enfants afin de rééquilibrer le déséquilibre femmes-hommes dans ce secteur très dominé par l’emploi féminin et apportera aux enfants un bon modèle de partage des rôles.

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Le taux de participation des femmes au marché du travail maltais n’est que de 38,6%. Les raisons en sont nombreuses et diverses, à commencer par le rôle traditionnel de la femme bien ancré dans la société maltaise, dont le devoir premier est de soigner et de palier au manque de services à la petite enfance qui soient d’un prix raisonnable et de bonne qualité. On est donc bien dans une logique qui veut que le mandat d’éducation des enfants se limite au périmètre de la structure familiale, qu’elle soit nucléaire ou étendue. C’est ainsi que les services de soin à la petite enfance hors du cadre familial sont un phénomène assez récent et, jusqu’en 2006, dérégulé, ce qui explique la médiocrité de nombreux services.

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Chapitre 14 · Vista

De la vision aux actions Le premier centre de soins à l’enfance est ouvert par Vista à Santa Venera en 2007. En 2008, la coopérative reçoit un contrat de trois ans pour la gestion et l’administration de 3 autres crèches dans des établissements scolaires municipaux: Lelluxa à Luqa, Pepprina à Paola, de Nannakola à Gharghur. Ces crèches se trouvent donc dans des écoles publiques, au rez-de-chaussée, et ont été entièrement rénovées selon les normes qui régissent les soins à la petite enfance. Les bébés et enfants en bas âge sont séparés mais ils profitent tous d’un très bel environnement extérieur pour leurs activités extérieures journalières. Actuellement, les quatre centres accueillent près de 200 enfants de 0 à 5 ans à la demande et un nombre global bien plus élevé d’enfants car tous les enfants ne fréquentent pas les crèches à temps plein, leur présence pouvant aller de 10 à un maximum de 45 heures par semaine. Nombre de parents optent pour un horaire de moins de 20 heures hebdomadaires car les mamans sont nombreuses à travailler à temps partiel pour assurer l’équilibre entre la vie professionnelle et leur responsabilités familiales.

La philosophie des soins aux enfants Dans le travail qu’elle effectue avec les enfants, Vista a choisi de promouvoir ce qu’elle appelle « la philosophie de la prise en charge ». Cette philosophie entend appliquer les valeurs coopératives de manière à ce qu’elles soient mieux comprises par les enfants, notamment celles de la coopération et de la responsabilité sociale. Cette philosophie se décline en trois volets qui interagissent: Prise en charge de soi !

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La prise en charge de soi suppose de savoir qui on est, se sentir bien avec soi-même et promouvoir l’estime de soi ainsi que la prise en charge du bien-être physique. Ces valeurs sont explorées au cours d’activités sportives et artistiques, de sessions de développement personnel et social, d’activités de sensibilisation à la nutrition et à l’hygiène personnelle. Prise en charge des autres !

Prendre en charge les autres signifie être altruistes, ce qui suppose de partager, d’avoir conscience des sentiments des autres et de leurs diversités, de valoriser la contribution de tous ceux avec lesquels nous sommes en contact. Ces aspects sont enseignés par des jeux de coopération et non de mise en concurrence, des apprentissages artistiques, du théâtre, des sessions de développement personnel et social, et plus généralement la

Coopératives, Territoires et Emplois

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promotion d’un esprit de coopération entre le personnel administratif, pédagogique, de puériculture et les enfants eux-mêmes. Prise en charge de l’environnement !

Prendre en charge l’environnement n’est pas facultatif. Nos enfants ont pris conscience des implications des négligences, voire des destructions. Il est temps de mettre ces principes en œuvre. Recycler est un principe de base qui sous-tend toutes les activités des crèches. Les enfants fabriquent, entre autres, certains des équipements qui sont utilisés pour les jeux, pour leur programme d’artisanat en utilisant ce qui serait considéré comme des déchets. Ils peuvent également explorer concrètement le monde de la nature et des animaux. Graphique 11 – Vista – Chiffre d’affaires

450000 € 400000 € 350000 € 300000 € 250000 € 200000 € 150000 € 100000 € 50000 €

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Souce: Vista

Actions pour le développement de la coopérative Tous les membres et employés de Vista suivent une formation, sous forme de stages d’insertion pour les nouveaux membres du personnel ou de formation continue pour tous les salariés. Vista essaie actuellement d’obtenir un financement de l’UE pour

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0€

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Chapitre 14 · Vista

envoyer ses puériculteurs dans des crèches d’autres pays européens. Elle accueille également de nombreux étudiants (plus ou moins 30) qui étudient la puériculture dans différentes institutions. Vista donne également des formations en « Egalité des chances: hommes-femmes, groupes ethniques, religions » et en « Bonnes pratiques dans les services à la petite enfance », « Introduction à la profession de puériculteur » et « Entrepreneuriat féminin et coopératives ». Presque tous les membres de Vista travaillent bénévolement pour plusieurs organisations non-gouvernementales. Un de ses membres a été également le Président de Koperattivi Malta, la fédération des coopératives maltaises, alors qu’un autre est très engagé dans la Confédération maltaise des organisations de femmes et l’Association maltaise des éducateurs d’enfants en bas âge.

Vista: l’impact La coopérative a toujours développé ses activités dans la perspective d’apporter des réponses tangibles aux besoins de la société et de promouvoir le développement local. On estime que ses activités ont permis aux parents de 650 enfants qui fréquentent le Club d’été de conserver leur emploi. C’est également vrai pour les partents des enfants qui bénéficient des activités des 4 crèches, qui se sont ouvertes au cours des deux dernières années et qui accueillent 185 enfants de moins de 5 ans. Par ailleurs, les clubs de vacances sont indispensables à la gestion du temps de travail par les familles et à l’amélioration de l’équilibre entre vie professionnelle et leur vie privée, notamment pendant les vacances scolaires.

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Depuis sa création, Vista a également créé des emplois pour quelque 34 personnes et 70 travailleurs saisonniers, qui interviennent pendant la période estivale. La coopérative est très attentive à la notion d’inclusion dans le programme d’éducation du pays, établit et promeut de meilleures pratiques d’éducation de la petite enfance. Bien que Vista dispose d’un très petit nombre de membres qui peut sembler à première vue disproportionné par rapport au nombre de ses effectifs, la situation ne peut être modifiée actuellement car la grande majorité de ces employés le sont dans le cadre de contrats précis de la coopérative, par exemple, avec le gouvernement pour la gestion des trois crèches dans des établissements scolaires publics dont le contrat a une durée limitée. En outre, son autre grand projet, Kidstart Summer Club, est de nature saisonnière. Vista poursuit l’examen des possibilités d’offrir un éventail plus large de services et entend bien explorer ainsi la possibilité d’accroître le nombre de ses membres. Elle

Coopératives, Territoires et Emplois

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a cependant bien conscience de la responsabilité qu’elle porte de créer des emplois pour ses membres qui soient pérennes dans toute la mesure du possible pour éviter l’instabilité et l’incertitude qui pourraient à terme mettre en péril la durabilité à long terme de la coopérative.

L’avenir de Vista A l’avenir, la coopérative Vista travaillera à la consolidation de sa position en tant que leader sur ce marché des services éducatifs à la petite enfance dans le pays. Cette stratégie prévoit de développer le nombre de crèches qu’elle gère et, par conséquent, les places disponibles pour les enfants de 0 à 5 ans, notamment grâce à des partenariats publicsprivés. Dans cette perspective, pourraient se multiplier les emplois pour les femmes et les hommes, et les stages pour étudiants dans ce domaine. Vista sait également que le développement de la coopérative suppose la valorisation de ses propres ressources. Elle veut donc promouvoir son programme de formation continue pour ses employés et son service de formation. En ce qui concerne sa mission vers l’extérieur, la coopérative investira dans une stratégie de marketing pour améliorer l’image du service à la petite enfance et les coopératives. Les travailleurs membres sont les partenaires qui gèrent la coopérative et leur rôle est donc fondamental dans la mise en œuvre de ce plan. Les autres membres fournissent un accompagnement et une expertise professionnelle dans les domaines du marketing, du développement des ressources humaines et de la gestion financière. Dans sa communauté, Vista a tissé de bonnes relations avec la municipalité qui soutient activement la coopérative. Par ailleurs, elle a développé d’excellentes relations avec le ministère de l’Education et le Département des normes d’aide sociale au sein du ministère de l’aide sociale.

Coopérative de travail associé Adresse: 228, Triq Misrah il-Barrieri, SVR 1759, Sta. Venera Date de fondation: 2003 Secteur: Education de la petite enfance Développement ludo-éducatif Développement professionnel Membres: 5 Travailleurs: 30

Travailleurs saisonniers: 70 Bénévoles: 30 Chiffre d’affaires (2009): € 383,511 Site: www.vista.coop Contact: [email protected]

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VISTA - Malte

Partie 5 P ROOF

Comment les groupes horizontaux de coopératives consolident-ils l’emploi et contribuent-ils aux développement des régions?

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Le consortium de coopératives sociales InConcerto

CASTELFRANCO VENETO

ITALIE

Veneto, Italie

Chapitre 15

Vénétie

Agriculture, industrie et services sociaux

L’histoire du Consortium InConcerto est associée à celle de ses coopératives. L’Incontro, une coopérative qui se consacre à la prestation de services sociaux (coopérative sociale de type A) a été créée à Castelfranco Veneto en 1991 et son activité première était de gérer un département du foyer d’accueil de personnes âgées à Castelfranco Veneto. Cependant, au fil de cette première expérience professionnelle, la coopérative a bien compris que certaines personnes n’auraient pas dû se trouver dans ce foyer d’accueil, telles que des personnes souffrant de troubles psychiatriques qui n’étaient pas nécessairement âgées. C’est cette réalité qui lui a inspiré l’idée de trouver une voie de réhabilitation de ces personnes et de leur insertion par l’emploi dans la société. Un cheminement a été tracé au fil du temps, qui commence par la première phase de réhabilitation qu’a organisée

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avec la contribution de Pietro Tarusello et Anna Borzaga

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Chapitre 15 · InConcerto

la coopérative. Ce cheminement se termine, une fois la personne en meilleure possession de ses moyens et capable de travailler. Un emploi lui est alors trouvé dans une coopérative qui se spécialise dans l’insertion par le travail (coopérative sociale de type B). Presque toutes les coopératives de type B du consortium ont été ensuite créées en vue d’insérer les personnes qualifiées de « non désirables ». L’Orchidea, Nueva Vita, Ca’ Speranza et Persona ont rejoint le groupe et lorsque le Consortium a été créé en 2002, ces coopératives en sont devenues membres. L’objectif principal et original du consortium est de répondre aux besoins du territoire en termes d’insertion sociale et de travail durable avec des personnes souffrant de troubles psychiatriques. La valeur ajoutée créée par les coopératives, qui font partie du consortium est l’engagement du territoire et la capacité de rechercher des ressources, de les mettre à la disposition bénévolement (en effet, de nombreux travailleurs membres du consortium mettent du temps de travail bénévolement à la disposition du consortium; il y a également les maîtres-artisans, les membres du personnel « sponsorisés », etc.).

Les membres d’InConcerto Le consortium est une coopérative sociale territoriale secondaire qui regroupe 15 coopératives sociales (type A et B) et une coopérative spécialisée dans l’immobilier appelée I quartieri della solidarietà (Quartiers de la solidarité).

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Il y a actuellement quatre coopératives sociales de type A qui fournissent essentiellement des services aux personnes: ■■ L’Incontro (Castelfranco Veneto): offre actuellement des services à plus de 170 personnes âgées et 150 personnes présentant des troubles mentaux. Grâce au travail effectué les dernières années (depuis 1991), 85 personnes ont été insérées dans le monde du travail et ont un emploi stable. Ces personnes sont d’anciens bénéficiaires de l’accompagnement psychiatrique mais ne dépendent plus de l’aide publique sociale. ■■ Orchidea (Valdobbiadene): travaille essentiellement avec des personnes souffrant de troubles psychiatriques. Elle assure des services infirmiers aux centres de repos d’Israa di Treviso et de Padiglione Autosufficienti Meneghetti. La coopérative gère trois résidences pour personnes présentant des troubles psychiatriques, deux communautés résidentielles, une à Mogliano, une à Vittorio Veneto, une à Valdobbiadene, un centre protégé de soins thérapeutiques à Vittorio Veneto, un centre de jour à Mogliano et un centre de travail de jour à Valdobbiadene.

Coopératives, Territoires et Emplois

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■■ Ca’ Speranza (Castelfranco Veneto): travaille dans le cadre d’Atlantis au sein de l’Associazione Temporanea d’Impresa avec les coopératives sociales l’Incontro et il Girasole, avec lesquelles elle partage des projets, engagements et relations en coopération avec le service de santé local et le territoire. Atlantis s’occupe de personnes handicapées d’âge différent. Ces personnes ayant des problèmes différents sont réparties dans des groupes également différents. ■■ Nuova Vita (Camposampiero): travaille en partenariat avec le Centro Servizi Bonora di Camposampiero et gère trois infrastructures d’accueil de personnes âgées ayant perdu leur autonomie (115), offre une assistance sociale et des soins infirmiers, et organise des rencontres. Elle gère par ailleurs un Centre pour handicapés moteurs, dont la finalité est la réhabilitation, la formation et l’insertion par le travail de personnes qui présentent des handicaps moteurs. Au cours des derniers mois, elle a également assumé la responsabilité de la gestion de la Casa di Riposo Mariuto di Mirano. 11 coopératives de type B font partie du Consortium et ont pour mission l’insertion par le travail de personnes défavorisées, notamment de personnes souffrant de troubles psychiatriques. Le travail est réparti entre travailleurs défavorisés et autres travailleurs: ■■ Aurora (Vedelago): a été créée en tant qu’organisation industrielle pour faciliter l’insertion par l’emploi de populations nomades présentes dans la région de Castellano depuis de nombreuses années et apporter une réponse positive à leurs demandes d’emploi. Elle assure actuellement l’insertion de locaux en difficulté, notamment de personnes souffrant de troubles psychiatriques et de chômeurs de longue durée.

■■ EoS (Crocetta del Montello): travaille dans le domaine du jardinage et de l’ameublement. Sa finalité est de favoriser l’insertion par l’emploi de personnes souffrant de troubles mentaux mais qui ont développé un degré d’autonomie suffisant pour affronter le monde du travail. ■■ Eureka (Castelfranco Veneto): gère un service de blanchisserie pour de grandes structures résidentielles d’accueil de personnes âgées, handicapés et d’hôpitaux. ■■ I Cerchi (Castelfranco Veneto): assure des services de nettoyage et de désinfection

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■■ Campoverde (Castelfranco Veneto): son implantation dans le secteur agricole fournit de l’emploi à des personnes qui ont connu ou connaissent des troubles mentaux. Leur agriculture est biologique et la coopérative dispose de ses propres marchés. Elle dispose également d’une exploitation agricole pédagogique qui accueille des écoles et d’autres groupes intéressés.

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Chapitre 15 · InConcerto

pour des structures publiques et privées telles que des bureaux, des entrepôts, des maisons de repos, des infrastructures résidentielles avec services, des institutions et des infrastructures industrielles. ■■ L’Incontro Industria (Castelfranco Veneto): a été créé pour offrir une assistance technique aux coopératives membres et rechercher de nouveaux marchés industriels. Son but est de conjuguer un bon service à la clientèle (entreprises industrielles sur tout le territoire) tout en garantissant l’insertion par l’emploi de personnes démunies dans la région. ■■ L’Incontro Arreda (Castelfranco Veneto): gère une menuiserie de fabrication de meubles à usage privé et collectif, de mobilier urbain en bois et de kiosques de jardin. ■■ Solidaria (Vedelago): travaille sur le marché industriel et met au point des projets personnalisés conçus pour répondre aux besoins précis des clients, démontrant ainsi sa capacité à offrir des services flexibles et de qualité. ■■ Via Vai (Castelfranco Veneto): est responsable du maintien des liens entre les coopératives du Consortium et ses clients. La coopérative s’occupe de la circulation des marchandises, à savoir du transport de produits semi-finis et de l’achat, de la livraison de matériaux utilisés dans la transformation et la finition. Elle gère un service de transport sur son territoire qui couvre les déménagements, l’enlèvement d’objets entreposés dans des lofts et des caves, le transport de matériaux, etc. ■■ Cucina & Sapori (Camposampiero): travaille dans le secteur de la restauration; elle produit des repas. ■■ Persona (Piombino Dese): offre des services de nettoyage et de désinfection, ainsi que d’entretien d’espaces verts. Ce réseau territorial assure l’emploi de 1.000 personnes dont 440 travaillent dans des coopératives sociales de type B auxquelles sont intégrées 160 personnes défavorisées.

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Travailler contre l’exclusion sociale Les coopératives du consortium essaient d’intégrer deux grandes catégories de personnes: des personnes souffrant de troubles psychiatriques et des personnes vulnérables qui relèvent de la catégorie dite des « nouveaux pauvres ». Pour le premier groupe, le processus est plus complexe car elles sont confiées à la coopérative par le service local de santé et sont placées dans des centres de travail de jour, par des coopératives de type A. Elles sont accompagnées et suivies par les éducateurs et opérateurs avant d’être ensuite employées dans des coopératives de type B (ceci ne vaut que pour

Coopératives, Territoires et Emplois

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En ce qui concerne les personnes qui appartiennent à la catégorie des «  nouveaux pauvres », les services sociaux territoriaux, avec lesquels InConcerto coopère, décident de qui en relève et de qui est socialement et économiquement démuni. Ces personnes sont placées dans des coopératives de type B. Grâce à sa propre « agence sociale d’emploi » (cf. la partie qui suit), le consortium a lancé récemment un nouveau type d’expérience dite le laboratoire professionnel. Dans ce cadre, plutôt que de verser de l’argent aux familles qui connaissent de graves difficultés économiques, les autorités municipales du territoire leur offrent une subvention de travail pour une période de formation au sein des coopératives du consortium. L’allocation n’est plus un simple don mais les bénéficiaires doivent la gagner en travaillant, en réhabilitant ainsi leur dignité. La relation avec le territoire est très étroite dans la mesure où, comme indiqué ci-dessus, les coopératives du consortium travaillent en synergie avec les services territoriaux

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ceux qui sont jugés prêts à être employés dans ce cadre). Ce processus est étroitement surveillé en coopération avec le service local de santé. Le travail réalisé avec ces personnes dans les coopératives a un effet très positif car elles ne sont plus tributaires de l’assistance sociale et peuvent se reconstruire une dignité en gagnant un bon salaire qui leur permet de sortir du tunnel de l’assistance sociale et des prestations sociales, et de prendre confiance en elles et dans leurs capacités. Elles sont également dans un environnement qui encourage la socialisation; en d’autres termes, leur qualité de vie s’améliore même si elles doivent vivre avec leurs troubles mentaux.

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Chapitre 15 · InConcerto

en vue d’améliorer sans cesse les services offerts. La plupart d’entre elles travaillent avec le service local de santé compétent et avec les autorités municipales et publiques qui confient le travail aux coopératives, en signant avec elles un contrat et donc sans passer par un appel d’offres, ce qui met en lumière toute la confiance qu’elles ont dans les coopératives. En général, les coopératives de type A reçoivent des ressources, notamment des instances publiques, pour les services qu’elles assurent, tout comme d’ailleurs les coopératives de services de type B (nettoyage, entretien d’espaces verts, services de blanchisserie industrielle). La majorité de leurs clients sont des organismes publics alors que les coopératives industrielles se financent grâce à leur production et leur travail sur le marché classique. Toutes les coopératives ont leur propre capital, qui n’est pas négligeable, tout simplement parce qu’elles demandent à chaque membre d’acheter une part qui vaut 2.500 euros, qui peut être libérée de manière échelonnée pour pouvoir mieux amortir l’investissement. La mensualité minimale est de 25 euros par mois et peut être déduite du salaire mensuel.

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L’agence sociale pour l’emploi En vue de répondre aux besoins sans cesse croissants du territoire, le consortium a poursuivi son expansion et sa croissance. Il a créé de nouvelles possibilités d’insertion sociale par l’emploi. Cependant, cette croissance généreuse et constante peut se convertir en une charge et non un objectif. Le consortium a donc décidé d’accorder une plus grande importance à la partie du projet original qui a été conçue pour fournir une voie d’insertion par l’emploi à des travailleurs défavorisés, en commençant par leur emploi dans des coopératives de type B pour évoluer ensuite vers un emploi dans des entreprises actives sur les marchés traditionnels dans l’optique d’une démarche continue d’insertion. Ce qui signifie que plutôt que de se gonfler, le consortium s’efforce d’assurer que tout travailleur défavorisé qui franchit le pas de sa porte ait une véritable possibilité d’aller de l’avant, par exemple, en retournant vers le marché classique du travail. Les personnes ne viennent donc pas au consortium pour y demeurer. La réponse à cette exigence incontournable est intégrée à la conception et au développement, dans le cadre du consortium, d’une division fonctionnelle appelée « Agence sociale pour l’emploi » qui agit en interface et médiateur entre les fonctions non marchandes du consortium et les services d’emploi publics et privés, d’une part, et les entreprises traditionnelles dans la région, d’autre part. Le consortium a déjà amorcé la création de cette « structure passerelle » avec l’agence pour l’emploi Umana SpA qui partage ses connaissances et expériences avec le consortium. Néanmoins, cette démarche est également et avant tout très innovante en termes

Coopératives, Territoires et Emplois

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de méthodes utilisées pour employer les travailleurs dans des entreprises. Ils sont accompagnés dans la première phase par un tuteur du consortium, qui travaille à leurs côtés pendant une certain période temps en tant que « médiateur de l’environnement de travail », offrant ainsi certaines garanties tant aux travailleurs qu’aux entreprises. Si des problèmes se posent au cours de cet emploi, le travailleur peut retourner vers la coopérative de type B dont il provient jusqu’à être prêt à reprendre pied dans une entreprise. Une autre tâche essentielle de l’agence est de limiter, en coopération avec l’agence UMANA, le temps passé dans les coopératives de type B par les travailleurs qualifiés de « nouveaux pauvres » dont un nombre sans cesse grandissant est orienté vers le consortium par les autorités municipales aux termes de la Loi régionale 23/2006, qui leur offre l’occasion de retrouver du travail sur le marché dont ils ont été exclus. Cependant, ce n’est pas du ressort du seul consortium, car il s’agit d’une tâche et d’une fonction qui revient à tout le territoire, toute la communauté.

Principales données chiffrées de l’entreprise Graphique 12 – InConcerto – Chiffre d’affaires

45 40 35 30 25 20 15 10

0 2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2009

Source: InConcerto

Au départ, le chiffre d’affaires était essentiellement assuré par la vente de services à des organismes publics. Les coopératives de type B ont connu un développement significatif au cours des années ainsi que le chiffre d’affaires issu de la vente de leurs

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5

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Chapitre 15 · InConcerto

services, et donc du marché public. Il s’est hissé plus ou moins au niveau du chiffre d’affaires du marché privé. Le consortium a vécu une phase critique en 2003-2004 mais ces difficultés ont été résolues grâce une gestion saine et des politiques d’austérité qui ont permis de rembourser les dettes au fil du temps et de renouer avec une situation positive. A partir de 2005, la croissance a été au rendez-vous pour toutes les coopératives.

L’avenir d’InConcerto

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InConcerto a pour finalité de rapprocher les activités de production pour sauvegarder des emplois en augmentant les niches de marché et en donnant de l’emploi à de nouvelles personnes défavorisées. Sa stratégie s’articule autour du développement de nouvelles commandes dans l’industrie et les services, notamment ceux qui sont capables de constituer davantage de laboratoires professionnels pour les stages qui peuvent à leur tour se transformer en d’autres possibilités d’emploi pour les travailleurs défavorisés. L’Agence sociale pour l’insertion par l’emploi de travailleurs défavorisés en dehors des coopératives de type B sur le marché traditionnel se développera en coopération avec l’agence pour l’emploi UMANA. Pour mieux fidéliser et assurer l’appropriation par les membres, une série d’outils de mise en réseau solidaire a été créée, parmi lesquels un marché de produits alimentaires et ménagers pour l’entreprise (au prix de revient), dont le paiement peut être directement prélevé du salaire des membres. Par ailleurs, le consortium travaille à l’octroi de microcrédits (jusqu’à 5000 euros) avec la Banca di Credito Cooperativo régionale, et les mensualités sont prélevées du salaire. Pour élargir la capacité d’emploi de personnes défavorisées, un nouveau Centre de travail de jour à Monfumo emploiera 24 membres défavorisés dans le secteur de l’agriculture biologique dans un avenir proche. InConcerto établira la troisième partie de sa production industrielle et de ses services du consortium Castellana à Castelfranco Veneto. Ce troisième pilier portera la dénomination de « Quartiere della Solidarietà 3 » (Quartier de la solidarité) qui accueillera les coopératives Incontro Industria, Eureka, I Cerchi et Eos ainsi que le consortium.

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INCONCERTO - Italie Consortium

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Adresse: via ospedale, 10 31033 Castelfranco Veneto Date de fondation: 2002 Secteurs: assistance sociale, industrie, services, restauration, meubles et agriculture Membres: 15 coopératives sociales Travailleurs: 1.159 (2009) (10% de plus qu’en 2008), tous membres de leur coopérative Dont 202 travailleurs défavorisés (contre 172 en 2008) qui sont tous membres de leur coopérative Chiffre d’affaires: 42.634.621 (2009) (10% de plus qu’en 2008)

Le Consortium Le Mat Italie

Chapitre 16

BERGAME

TRIESTE

VERONE

GÊNES

Tourisme

ITALIE

avec la contribution de Renate Goergen

PÉROUSE TARQUINIA

ROME

BARI

IGLESIAS

PALERME

Le Mat a pour vocation de faciliter le développement de coopératives sociales dans le secteur du tourisme et s’engage, par cette activité, à assurer la meilleure valeur culturelle, sociale, professionnelle à des personnes handicapées, souffrant d’affections mentales, ou à des toxicomanes, ainsi qu’à toute autre personne qui, pour une raison quelle qu’elle soit, serait exposée à la discrimination ou l’exclusion du marché du travail ou de la collectivité. Le Mat travaille avec des coopératives sociales pour aider à améliorer leurs finances, leur démocratie interne et les liens de proximité. Outre l’enregistrement de son enseigne commerciale, Le Mat est un consortium de coopératives sociales qui joue un rôle d’agence de développement dans le secteur du tourisme. Il travaille au développement et à la diffusion des coopératives

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Le Consortium

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Chapitre 16 · Le Mat

sociales engagées dans le secteur hôtelier et du logement chez l’habitant, ainsi que d’autres services touristiques tout en offrant de l’emploi à des personnes défavorisées. Le Mat naît sous forme d’association en 2005. Elle est créée à l’époque par quelques personnes et coopératives qui gèrent des petits hôtels et auberges, et accueillent des personnes qui souffrent d’exclusion sociale et d’handicaps. Le Consortium Le Mat prend la relève en 2006. Il est créé par 18 consortiums et coopératives établis au niveau local pour valoriser la qualité et pérenniser les coopératives, et développer l’enseigne commerciale Le Mat. Les coopératives et consortiums sont les détenteurs du consortium Le Mat. Ils investissent du capital-risque pour développer l’organisation et les services qui s’adressent aux membres mais aussi à des clients extérieurs tels que des coopératives et des associations, des personnes qui souhaitent créer des coopératives, des autorités locales, etc. Le Consortium Le MAT gère: ■■ la formation à l’entrepreneuriat inclusif; ■■ la phase de démarrage et le développement des coopératives, la formation et des services de conseil de plans financiers ainsi que la collecte de financements; ■■ le conseil et l’accompagnement du secteur et de l’hôtellerie; ■■ les partenariats de promotion et de participation pour l’accès à des programmes et projets financés par le Fonds social européen et d’autres sources en vue de réaliser les objectifs du groupe. Ces activités se poursuivent en collaboration avec des organisations publiques, privées et sociales pour développer des processus durables dont peuvent bénéficier les communautés locales.

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« Distiller » et reproduire les bonnes pratiques Le Mat commence par « distiller » une pratique durable à Trieste (Italie). Il posto delle fragole est un membre fondateur de Le Mat, une coopérative composée de jeunes patients en psychiatrie, d’artistes, de toxicomanes, de médecins et de sympathisants qui gèrent un petit hôtel depuis la fin des années 1980. Cette enseigne hôtelière Le Mat s’inspire de certains des secrets du succès de Trieste. Ainsi l’hôtel est de taille moyenne et s’adresse à des voyageurs de la même catégorie. Il se trouve au centre de la ville, à proximité des facilités de transport mais, surtout, le groupe qui le gère est composé de personnes qui ont un vécu spécifique, d’exclusion, d’handicap et de discrimination.

Coopératives, Territoires et Emplois

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Depuis qu’a commencé le Projet Equal « Albergo in Via dei Matti n.0 », Le Mat développe l’idée de la « Franchise sociale » et en fait l’expérience dans le secteur du tourisme et de l’hôtellerie. La pratique de Trieste est devenue la base du système de franchise sociale Le Mat dans l’industrie hôtelière.

Par conséquent, Le Mat a amorcé une démarche du bas vers le haut dans laquelle les entrepreneurs découvrent et partagent des pratiques intéressantes et innovantes d’un tourisme inclusif et d’un développement local durable en identifiant les besoins, les exigences, les processus et les normes de qualité. Pas à pas, Le Mat « distille » les différentes expériences qu’il vit et auxquelles il se confronte, en dégage les enseignements les plus significatifs sur le plan de la qualité et les reproduit avec l’accord de ses membres.

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Fort de cette expérience, Le Mat a essaimé dans plusieurs grandes villes ce modèle qui peut se décliner comme suit: hôtel d’environ 30 chambres, à proximité des moyens de transport, tout à fait accessible et utilisable par des personnes handicapées. Le Mat va au-delà de cette description tout en présentant un certain nombre de traits mis en lumière dans cette description. Les situations de ces hôtels sont distinctes, notamment en fonction d’un certain nombre d’éléments essentiels tels que les aspects culturels, géographiques, architecturaux, entrepreneuriaux et sociaux. Ainsi donc, Le Mat poursuit une démarche de distillation qui s’inscrit dans la continuité, tout en se singularisant des autres initiatives dans lesquelles il est engagé. Par exemple, Le Mat discute avec ses membres des modalités de création de petites auberges et hôtels simples et soutenables en milieu rural et, à cette fin, développe un réseau local d’auberges, d’hôtels, de logements chez l’habitant en travaillant avec les producteurs locaux et en fomentant des pratiques «  0 km  ». Ces politiques assurent que les produits utilisés dans le cycle de production proviennent de lieux à proximité des coopératives sociales. En général, cela aide au développement d’un système local de tourisme responsable, dans lequel les acteurs locaux tels que les collectivités publiques, les institutions hôtelières et touristiques, les producteurs locaux, les citoyens et les touristes se responsabilisent du développement local durable.

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Chapitre 16 · Le Mat

Le réseau Le Mat Il Posto delle Fragole est une coopérative sociale qui, depuis le début des années 1980, gère un bar-restaurant sur la colline de l’hôpital psychiatrique de Trieste aujourd’hui déserté et laissé à l’abandon. La finalité de la récupération de ce lieu était de fournir un endroit où des personnes puissent jouer de la musique, se socialiser, jouer d’autres arts vivants et utiliser à ces fins les nombreux bâtiments de cet ancien hôpital et de son parc. Vers le milieu des années 1980, un groupe de travailleurs membres a décidé de rénover et gérer un hôtel sur la côte de Trieste, appelé l’hôtel Tritone (www. tritonehotel.org). Cette pratique très réussie a servi de base au concept de l’hôtel Le Mat. La qualité y est le maître-mot, tant en termes de produits que de services, de travail des membres. Le groupe de gestion comprend des personnes qui ont connu l’exclusion et la discrimination. La coopérative sociale La Tana Libera Tutti dans la province de Pérouse, Ombrie, gère une auberge restaurant (appelée In Bocca al Lupo), ouverte aux personnes invitées qui présentent des besoins spéciaux (www.latanaliberatutti.it ). Passepartout (www.passepartout-abn.it) est un petit réseau créé en Ombrie par le consortium ABN de coopératives sociales engagées dans le secteur du tourisme pour apporter à tous ceux qui souhaitent se rendre en Ombrie, pour une raison quelle qu’elle soit, une solution personnalisée en fonction de leurs besoins.

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■■ Borgo Coloti, un petit centre médiéval dans le village de Montone, comprend 8 appartements de vacances, un espace vert important qui abrite une piscine et l’Observatoire d’astronomie de l’université de Pérouse. Les caractéristiques environnementales sont propices à l’accueil de familles, de groupes scolaires et de petits groupes. ■■ Pour des conférences, séminaires et événements, Passepartout propose deux solutions: Villa Umbra à Pérouse qui est un centre de séjours d’étude, avec un complexe hôtelier, un restaurant et un bar; et Villa Fidelia à Spello dans un parc d’environ 6 hectares qui se prête bien à des expositions temporaires, des concerts et des événements culturels. ■■ Casale La Mimosa s’est développé dans un ancien couvent réaménagé sur les collines de Casaglia, près du centre historique de Pérouse, à quelques mètres du principal terminal de bus qui assurent les liaisons avec d’autres villes artistiques de la région d’Ombrie telles qu’Assise, Spello, Spoleto et Gubbio. La Mimosa est un véritable B&B dont l’ambiance est chaleureuse et ouverte. Elle est entourée d’un grand jardin où les invités peuvent prendre le petit déjeuner, préparé par les mains expertes de Mara, maîtresse des lieux. C’est un lieu fait pour accueillir les

Coopératives, Territoires et Emplois

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personnes qui souhaitent découvrir la région des Apennins. ■■ La coopérative Poliedro gère les principaux musées de Pérouse et de ses environs: Pinacoteca Civica, Museo Burri Foundation et de nombreux trésors artistiques. Il Poliedro gère également l’auberge Villa Montesca, particulièrement adaptée à l’accueil de groupes. Une annexe à cette auberge se trouve dans le centre de la ville de Castello et accueille les touristes qui aiment prendre le petit déjeuner dans un café du centre de la ville. Villa Sacro Cuore est un centre de vacances, juste aux abords de la ville, sur une colline en pente douce. Elle accueille des pélerins, des étudiants, des familles, des réunions et banquets d’affaires. Azalea, une coopérative sociale, gère plusieurs services sociaux et de santé depuis 1995 et est également engagée dans le tourisme, la gestion de deux hôtels et un restaurant près du lac de Garde et développe actuellement tout un quartier touristique local durable appelé rotte locali. Les invités sont des hommes d’affaires, des touristes et des voyageurs qui viennent de loin mais également des personnes des environs: des femmes et des hommes qui vivent seuls et, arrivés à un certain âge, ont besoin d’un accompagnement. Au lieu de vivre seuls dans une petite maison pauvre, ils vivent ici dans la communauté hôtelière qui leur prodigue un accueil chaleureux et professionnel. (www.azaleacooperativa.org). Alice est une coopérative sociale dans le Latium, près de Tarquinia. Elle est spécialisée en tourisme rural, dispose d’une expérience agricole et de tourisme, une activité complémentaire qui doit pérenniser l’entreprise. (www.coopalice.it).

Explorando est une coopérative sociale implantée à Bari, dans les Pouilles, par des personnes qui vivent et travaillent au niveau local et qui connaissent leur terroir ainsi que leur population. Explorando essaie de créer des réseaux et de lancer des projets de coopération entre personnes qui souhaitent loger, accueillir, inviter, offrir l’hospitalité à des touristes et mettre en place des systèmes locaux de tourisme plus durable (www.explorando.org). ECO - Cultures and Tours est une coopérative implantée à Palerme qui aide les

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San Lorenzo est une coopérative sociale établie en Sardaigne, en 1997, pour offrir à des personnes toxicomanes de la région d’Iglesias des possibilités d’emploi. Aujourd’hui, elle développe des activités touristiques. Un bateau relie la côte de la Sardaigne au continent et, plus récemment, une auberge s’est implantée dans les montagnes de Marganai. San Lorenzo devient un centre important d’inclusion sociale et de développement durable dans cette région particulièrement pauvre. (www.cooperativasanlorenzo.it).

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Chapitre 16 · Le Mat

voyageurs à découvrir autrement la Sicile. Avec Le Mat et les autres partenaires, elle travaille dans la région de Belice à la promotion d’un projet de tourisme local. (http:// www.lemat.it/eng_localita/id:55). Solidarietà e Lavoro est une coopérative sociale établie à Gênes dans le domaine du tourisme et des services culturels, qui emploie des personnes socialement défavorisées ainsi que des travailleurs spécialisés dans l’organisation des horaires de production dans les entreprises qui emploient des personnes handicapées. Elle a ouvert récemment une auberge (www.solidarietaelavoro.it ). Tandem est une coopérative sociale qui a son siège à Rome et qui, depuis 10 ans, offre des services d’information et de consultation sur le handicap, gère des centres d’appel et met à la disposition des informations touristiques pour les personnes qui ont des besoins spéciaux (www.tandem.coop). Consorzio Light est un consortium de coopératives sociales, dont une appelée l’Innesto (www.innesto.org) travaille dans le secteur touristique dans une vallée proche de Bergame. Il essaie non seulement de développer le tourisme mais aussi un modèle de développement plus pérenne pour la vallée et les personnes qui s’y trouvent.

Système de franchise sociale et regroupement Au fil du développement de l’enseigne Le Mat, le Conseil d’administration du Consortium Le Mat a décidé de développer un système de franchise. Les règles et conditions qui s’appliquent aux franchisés sont en voie d’élaboration. Les franchisés paient une redevance pour les services dont ils ont besoin pour répondre aux conditions de l’enseigne et les maintenir.

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Aujourd’hui, la force de Le Mat est le processus de «  distillation  » des pratiques touristiques et hôtelières, du développement local durable, de la définition progressive de normes de qualité des produits et des processus, et de l’expérimentation du modèle. C’est essentiellement un processus de promotion d’une enseigne. Le Consortium Le Mat est la seule agence de développement spécialisé dans ce type de tourisme en Italie. Par ailleurs, il est confronté à des difficultés compte tenu que les coopératives demeurent de petite dimension et manquent d’aide publique. Les coopératives sociales travaillent dans des régions défavorisées, sous-capitalisées et qui ont des difficultés d’accès au crédit. Le Mat se concentre donc également sur la question du crédit aux côtés de la Banca Etica et d’autres institutions financières éthiques.

Coopératives, Territoires et Emplois

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Les actions que prévoit Le Mat à l’avenir: ■■ travailler au renforcement de l’enseigne grâce à la responsabilité sociale de l’entreprise et l’autorégulation grâce à une démarche du bas vers le haut; ■■ ouvrir de nouveaux centres pilotes de par l’Europe pour définir et expérimenter des processus et des modèles; ■■ définir et promouvoir des produits d’organisations membres sur des marchés étrangers; ■■ devenir un tour opérateur pour faciliter la commercialisation de produits des entités membres.

LE MAT - Italie

Consortium de coopératives sociales Adresse: via G. Giulietti 11, 00154 Rome, Italie Date de fondation: 2006 Secteurs: tourisme et secteur hôtelier Membres: 19 12 coopératives 4 consortiums de coopératives sociales 2 associations Coopfond

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Site: www.lemat.it et www.lemat.se

SUÈDE

Suède

Artisanat, restauration, tourisme avec la contribution d’Elisabet Mattsson

FRÖSÖN

Chapitre 17

Le Consortium Vägen ut! (« S’en sortir ! ») SUNDSVALL

ÖREBRO KARISTAD GÖTEBORG

L’idée de créer des maisons de mi-parcours pour l’inclusion sociale et la récupération après avoir sombré dans la toxicomanie a été inspirée par l’initiative d’un groupe de personnes marginalisées et leur expérience personnelle. Certaines d’entre elles, qui avaient connu la prison, ont formé un groupe d’entraide appelé KRIS - Kriminellas Revansch i Samhället (Retour de criminels dans la société). Ce groupe avait pour objectif de soutenir activement la réinsertion sociale de ses membres. Le résultat a été un recul clair du taux de criminalité dans la ville. Le projet pionnier a constitué un exemple pour d’autres initiatives dans d’autres parties du pays. Notamment, à Göteborg, la seconde ville de Suède, un partenariat a été noué pour mener un projet EQUAL et établir des coopératives

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Histoire et origines

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Chapitre 17 · Vägen ut

sociales dans le but d’essaimer l’exemple. Les autorités se sont impliquées dans le réseau d’anciens délinquants, ainsi que l’agence publique pour l’emploi, le service carcéral et le service de mise en liberté provisoire, l’antenne régionale de la sécurité sociale, le centre de travail social de la municipalité, les agences locales de développement des coopératives et les quatre organisations d’entraide, parmi lesquelles figurait KRIS. En 2003, certains membres de ces organisations d’entraide ont ouvert deux maisons de mi-parcours, Villa Vägen ut! Solberg, qui accueille des hommes et une maison pour femmes, Villa Vägen ut! Karin. La coopérative Vägen ut! kooperativen a alors été créée pour diriger un consortium de ces entreprises. Vägen ut ! s’occupe actuellement de la diffusion de ce concept de maisons de mi-parcours grâce à une méthode de franchises sociales. Les coopératives du consortium s’efforcent d’insérer des toxicomanes et des délinquants, mais également des femmes victimes d’abus sur le marché du travail en les autonomisant, en les aidant à se loger, à renouer avec la socialisation, la formation et le travail. Vägen ut ! utilise le modèle du consortium pour organiser ses membres qui sont des coopératives de travail associé. Grâce à l’application de la méthode de franchises sociales, un plus grand nombre de coopératives ont été constituées et sont devenues membres du consortium. Cinq ans après sa mise en place, le consortium comptait dix coopératives membres et leur nombre ne cesse de s’accroître. Les coopératives ciblent des personnes difficiles à insérer sur le marché de l’emploi, des toxicomanes, des délinquants, des femmes victimes d’abus, de jeunes chômeurs de longue durée, etc. Elles travaillent dans le cadre d’un large partenariat avec les autorités publiques, les organismes sociaux et des ONG engagées dans ce travail. Actuellement, les membres du consortium sont: ■■ Villa Vägen ut! Solberg: une maison de mi-parcours fondée en 2003 qui accueille de 5 à 7 anciens prisonniers pour une période de 3 à 6 mois. Ils travaillent normalement dans la serre ou dans l’atelier de la maison, mais peuvent aussi occuper des emplois en dehors de la coopérative.

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■■ Villa Vägen ut! Revansch: une maison de mi-parcours pour hommes à Sundsvall (400 km au nord de Stockholm) qui s’est constituée en juin 2008. ■■ Villa Vägen ut! Karin: une maison de mi-parcours pour femmes qui disposent également d’une capacité d’accueil d’urgence de deux femmes toxicomanes. ■■ Villa Vägen ut! Susanne: une maison de mi-parcours pour femmes à Örebro (entre Stockholm et Göteborg). Son fonctionnement a débuté en février 2009.  Karin’s Daughters: une coopérative d’artisanat gérée par cinq femmes qui pratiquent le tissage, la production de pièces d’artisanat en argent et autres. Elle organise également tout un travail de réinsertion dont peuvent bénéficier 10

Coopératives, Territoires et Emplois

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femmes. Les femmes y restent environ six mois. ■■ Café Solberg: un bar-restaurant qui emploie 3 personnes et assure la réinsertion de 4 à 5 hommes et femmes. ■■ Young Surfers: des jeunes qui pratiquent la sérigraphie. Aujourd’hui, la coopérative emploie 5 personnes et réalise des activités de réinsertion par le travail de 4 personnes. ■■ Anlita: une agence de travail temporaire. ■■ Vägen ut! Jardinage: a débuté ses activités au printemps 2009. La coopérative compte environ 10 personnes. ■■ Le Mat SWEDEN: gère 2 B&Bs à Karstad et à Göteborg ( www.lemat.se).

La franchise sociale, méthode innovante pour l’insertion sociale La méthode de la franchise sociale est utilisée pour diffuser et transférer les connaissances des « maisons de mi-parcours » (qui offrent logement et travail à des groupes cibles) et organisent des services hôteliers/de logement chez l’habitant. Ce concept est original. Il s’est inspiré de l’expérience italienne Le Mat (voir chapitre 16). Vägen Ut ! et Le Mat ont créé un réseau de franchises sociales au niveau européen appelé le Réseau européen des franchises sociales, qui compte également des membres au Royaume uni, en Finlande et en Allemagne.

Créer une entreprise est normalement une tâche difficile, d’autant plus lorsque les entrepreneurs n’ont pas connu d’intégration sur le marché du travail, avec tout ce que ce marché représente. Les connaissances et les réseaux peuvent ne pas s’avérer la meilleure méthode pour le fonctionnement d’une entreprise, et dans ce cas, son lancement n’est pas chose aisée. Coopérer dans le cadre d’un système de franchises permet d’améliorer la compétitivité, de se développer ensemble et de valoriser la qualité pour ainsi avoir de meilleures perspectives.

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Dans le cadre de ce concept de franchise sociale, les entreprises du consortium Vägen Ut  ! doivent mettre en œuvre une démocratie participative pour promouvoir le potentiel de tous les travailleurs. Une communauté se construit grâce à la multiplication des contacts entre travailleurs de différentes entreprises et grâce aux efforts consentis pour réaliser des objectifs communs. La définition des clés du succès et leur diffusion par la publication d’un manuel, le développement de cours de formation permettent à des entrepreneurs potentiels d’acquérir les connaissances et l’expérience nécessaires à l’intégration dans le réseau.

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Chapitre 17 · Vägen ut

Mettre en œuvre les principes coopératifs Les coopératives, au sein du consortium, appliquent concrètement les principes retenus par l’Alliance Coopérative Internationale (cf. introduction). Chaque nouvelle coopérative se concentre sur les intérêts et capacités de ses travailleurs membres pour démarrer. Il faut cependant conjuguer ce point de départ avec des considérations économiques sur la rentabilité de l’entreprise. Le message clé de Vägen ut ! et son mode opératoire est ladite habilitation des membres travailleurs. Lorsque les personnes peuvent influencer leur propre vie, avec d’autres personnes à leurs côtés, il se produit un phénomène qui réhabilite véritablement la personne et lui ouvre de nouvelles possibilités de création d’un travail décent.

Former Dans le système de franchises sociales, un aspect important est la formation, comme soutien aux entrepreneurs. La formation, les formes de gestion et les routines sont conçues pour habiliter les travailleurs. Le manuel de la franchise est un document clé. Il contient 170 pages qui peuvent être détachées et réinsérées, dont des formulaires standardisés d’interviews. Il y a également un manuel sur la qualité. La qualité fait l’objet d’un accord tout à fait officiel qui prévoit, par exemple, des inspections du travail réalisé.

Une réalité qui se propage

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La méthode et les modèles Vagen Ut ! sont qualifiés d’innovation sociale réussie. Ils ont une incidence positive sur la promotion de l’inclusion sociale que révèlent différents rapports d’évaluation et études universitaires. Un des résultats les plus importants de ces études est la mise en lumière d’une économie de quelque 100.000 euros de fonds publics par résident qui passe par ces maisons26. Le chiffre d’affaires engrangé par les ventes et les projets est d’environ 2,5 millions d’euros. Les aides publiques aux salaires et autres contributions des autorités nationales ne sont pas couvertes par ce chiffre. Les financements publics ne représentent que 5% du chiffre d’affaires. Le revenu moyen d’un travailleur est d’environ 1600 euros par mois, les conditions salariales et de travail étant régies par une convention collective conclue entre l’Organisation des employeurs coopératifs KFO et les syndicats 26 From the public perspective, a summary of reports on Socioeconomic Reports for Vägen ut!

kooperativen and Basta Arbetskooperativ. http://vagenutsidor.se/pdf/Sammanfattning_eng.pdf

Coopératives, Territoires et Emplois

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concernés. Au cours des deux prochaines années, 5 autres coopératives devraient voir le jour. Des entrepreneurs de coopératives italiennes ont rencontré Vägen Ut dans le cadre du projet EQUAL « Albergo in via dei matti numero 0 » et du projet transnational appelé «  Le Mat – travail décent par l’entrepreneuriat social  ». Ils ont décidé ensemble de promouvoir l’enseigne Le Mat dans le secteur touristique en s’inspirant des expériences vécues en Italie. Actuellement, le système est composé des entités suivantes: 1) Le Mat Italie – le consortium et l’association qui développent les caractéristiques de l’enseigne pour l’Italie (cf. chapitre 16). 2- Le Mat Europe – l’association italienne et Vägen Ut font partie d’une organisation européenne. 3) Le Mat Suède – développe les caractéristiques de l’enseigne suédoise et le système de franchise. 4) Le Réseau européen de franchises sociales - http://www.socialfranchising.coop/ qui met à la disposition les ressources nécessaires au développement du concept de franchise sociale.

VÄGEN UT - Suède

Adresse: Stigbergsliden 5 b, 414 63 Göteborg, Suède Téléphone: +46 31 711 61 50 Date de fondation: 2002 Secteurs: insertion sociale de personnes marginalisées Membres: 30 personnes et 12 coopératives Travailleurs: 74 dans les coopératives membres Chiffre d’affaires consolidé: environ 2,5 millions € Site: www.vagenut.coop Contacts: Elisabet Mattsson, Présidente et PDG, [email protected]

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Consortium de 10 coopératives de travail associé

Région de Satakunta, Finlande Construction, artisanat et aide sociale avec la contribution de Tuula Merikivi

FINLANDE

Chapitre 18

Le groupe Ok Verkko

PORI

La Finlande a connu une crise économique tragique au cours de la dernière décennie du 20ème siècle. Le taux de chômage s’est littéralement envolé. Dans certaines régions, c’est plus de 20% des travailleurs qui ont perdu leur emploi et les chances de retrouver un emploi sur le marché du travail étaient bien maigres. De nombreux travailleurs qualifiés et employés de bureau ont commencé à rechercher d’autres solutions. C’est ainsi qu’en quelques années sont nées de petites coopératives un peu partout dans le pays, notamment dans la région de Satakunta au sud-ouest de la Finlande. Ok-Verkko qui signifie « réseau de coopératives  » est né en 2001. Il s’agit d’un consortium de coopératives de travail associé qui coopéraient déjà étroitement entre elles. En 1999-2001, grâce à un projet développé dans le cadre des Fonds structurels européens, le consortium a été officiellement constitué. Son objectif premier était de valoriser les compétences des membres, l’entrepreneuriat et de promouvoir le potentiel du réseau. Pour les coopératives membres, ce fut une impulsion majeure qui les a

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Pori

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Chapitre 18 · Ok Verkko

conduites à resserrer les liens entre elles et à pouvoir ainsi concurrencer de plus grands acteurs sur le marché.

A l’origine du consortium: la coopérative Sataosaajat Sataosaajat, une des coopératives membres de Ok-Verkko, est à l’origine du consortium. Lorsqu’elle s’est fondée en 1994, Sataosaajat comptait 13 membres fondateurs issus de différentes entreprises, tous menacés de se retrouver au chômage, voire déjà chômeurs, suite à la récession économique. Au cours des premiers mois de son existence, Sataosaajat a accueilli 13 nouveaux membres. L’ambition était d’offrir des services dans 4 domaines différents: la construction, l’éducation et l’accompagnement-conseil, des services sociaux et de soins de santé, et enfin des services aux entreprises. Depuis le début, Sataosaajat a profité des effets de synergie qu’elle avait créés. Certains de ses membres avaient un travail manuel alors que d’autres avaient des fonctions d’experts, et d’information sur des sujets importants des différents domaines couverts par la coopérative, et avec le temps, tout cela s’est développé.

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Depuis la création de Sataosaajat, sa branche éducation et conseil s’est attelée à des tâches de développement de la coopérative. Satakunnan Osuustoiminnan Kehittämiskeskus, le Centre de développement de la coopérative Satakunta a demandé un financement et a reçu très rapidement des subventions afin de soutenir la création de nouvelles coopératives, de services de conseil et d’éducation de nouveaux membres. Sataosaajat a organisé plus de 10 grands cours sur les coopératives entre 1995 et 2001, qui ont permis à 20 nouvelles coopératives de voir le jour dans la région de Satakunta. Avec l’aide du FSE, Sataosaajat s’est engagé activement dans des projets de développement de coopératives qui ont appuyé la constitution de nouvelles coopératives. Ok-Verkko est l’aboutissement de ces projets. En 2000, les dirigeants de coopératives implantées dans la région de Satakunta se sont réunis et ont décidé de fonder une association commune. Ils ont identifié la nécessité d’actions communes de marketing, de maintien et d’actualisation de l’expertise des coopératives, et de leur capacité à bien fonctionner. Ok-Verkko partageait les locaux de Sataosaajat et un canal commun de marketing a été mis en place sous la dénomination de Työpörssi (« Echanges d’emplois »). Les différentes branches de Sataosaajat ont poursuivi leur développement au fil des années suivantes. Le service «  construction  » s’est surtout spécialisé dans les installations électriques de consommateurs privés et d’entreprises. Le service

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« social et soins de santé » s’est spécialisé dans les services à domicile et de bienêtre. «  Education Sataosaajat  » accompagne la création et le développement de coopératives, et les rachats d’entreprises par les travailleurs. La gestion financière des coopératives et d’autres entreprises est une autre dimension qui a connu un essor particulier au cours des dernières années. Au cours de sa vie, Sataosaajat a accueilli environ deux nouveaux travailleurs membres par an et ils ont été un peu plus nombreux à se retirer ou à opter pour d’autres emplois. Sataosaajat a actuellement 16 membres permanents. Pour se familiariser avec le travail et l’organisation de la coopérative, chaque membre est accompagné d’un mentor, un membre qui a plus d’expérience, qui aide le nouveau-venu dans son travail, dans le travail de marketing et les tâches plus concrètes. Le chiffre d’affaires de Sataosaajat est actuellement de 400.000 euros et il affiche un taux de croissance annuel d’environ 10%. Plus de 70% de son chiffre d’affaires est consacré aux coûts du personnel. Sataosaajat a actuellement 20 salariés (la plupart à temps partiel).

Les membres d’Ok-Verkko sont 12 coopératives. Niitty Villa gère un centre de réhabilitation de patients souffrant de maladies mentales. Kankaanpään Taitotiimi assure la réparation et la peinture de façades. Nyyfiiki Kulttuuriosuuskunta s’occupe de la recherche culturelle, historique et paysagiste. Osuuskunta Raumatiimi Yrityspalvelu met à la disposition son expertise en services d’ingénierie et de planification d’entreprise. Osuuskunta Satamonikko est engagé dans le travail des métaux. Osuuskunta Satatuuli, Sateenkaaripalvelut osk et Taitokipinä osuuskunta organisent des services d’aide à domicile. Rauman Ratko se charge de petits travaux de construction et de rénovation. Sataosaajat Osuuskunta travaille dans le domaine de la comptabilité, de l’éducation, de l’électrification, du rachat d’entreprises par leurs travailleurs et de la traduction. Silla Art conçoit et réalise des tapis et différents produits artisanaux. Ulvilan Osuma Osuuskunta couvre les domaines de la comptabilité, de petits travaux de construction et de rénovation, et de l’enseignement de la musique. Le consortium a un chiffre d’affaires annuel de quelque 3 millions d’euros. Les chiffres n’ont cessé d’augmenter mais Ok-Verkko n’a pas été épargné par la récession mondiale. Les membres du consortium pensent que, dans deux ans, il devrait renouer avec la croissance.

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Les membres d’Ok Verkko

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Chapitre 18 · Ok Verkko

Les échanges d’opportunités de travail L’idée innovante de cette coopération et mise en réseau est d’introduire des échanges de travail au sein du consortium. Une structure a donc été créée au sein du consortium pour couvrir cette dimension, elle porte la dénomination de Työpörssi ou « échange de travail ». Elle gère les demandes que reçoit le consortium. Lorsqu’un client veut faire faire un travail, la demande est soumise aux membres qui sont qualifiés pour assurer ce travail et dans le meilleur des cas, le client reçoit un appel d’un professionnel dans les 30 minutes qui suivent pour prendre connaissance des détails de cette demande et analyser la solution au problème. La procédure peut parfois être plus longue mais dans la plupart des cas, le client reçoit l’aide ou tout au moins les informations nécessaires et une recommandation si le travail ne peut être pris en charge par le consortium. Les résultats de ces échanges sont particulièrement encourageants, notamment dans le domaine des services à domicile ou de petits travaux de construction et de rénovation. Au fil des années, de nombreux travaux ont pu être réalisés avec un grand succès. Le site commun www.palveluosuuskunnat.net fait la promotion des coopératives membres et de leurs membres, et informe les clients potentiels des services à la disposition.

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Proches des besoins des personnes Dès sa naissance, Ok-Verkko s’est proposé de promouvoir les perspectives économiques de ses membres et d’organiser des activités de formation sur des sujets tels que l’économie, le marketing, les questions juridiques, les assurances, la facturation électronique et les pensions qui peuvent valoriser les entreprises membres et mieux les équiper pour faire face aux défis de la vie entrepreneuriale. Ces sessions de formation sont très appréciées par les membres et elles aident à consolider, améliorer le travail et la qualité des services offerts. L’inclusion sociale est également renforcée par des activités et rencontres de loisir dont la finalité est de valoriser le bien-être et la capacité de travail des membres.

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Les événements sportifs, la fréquentation de la station thermale, l’introduction à différentes formes d’exercice physique, les fêtes de Noël, etc. sont autant d’occasions de se connaître dans un environnement de loisir.

L’avenir du consortium – identifier les enjeux et y faire face En général, l’intérêt porté aux coopératives tend à s’amenuiser lorsque tout va mieux, que les entreprises, et l’économie vont bien, et ce fut le cas jusqu’à la fin 2008. Dans une perspective d’avenir, la récession étant de retour, la période pourrait s’avérer fructueuse pour les activités des coopératives. En temps de crise, les personnes sont plus tentées par les nouveautés, par la créativité, par l’inhabituel. C’est ce qui s’est passé en Finlande il y a de 10 à 15 ans lorsqu’on a assisté à la naissance de nombreuses petites coopératives de travail associé. Mais ceux qui perdent aujourd’hui leur emploi vont-ils rejoindre les coopératives existantes ou vont-ils en créer d’autres? Une autre question importante est comment les coopératives sur le marché peuvent-elles conserver leurs clients qui en temps d’austérité comptent et ne dépensent qu’avec modération? Et dans quelle mesure les personnes sont-elles informées des services que peuvent offrir les coopératives?

Si toutes les petites coopératives de la région de Satakunta travaillaient ensemble dans le cadre d’Ok-Verkko, il serait possible de répondre à des appels d’offres plus importants, comme pour les entretiens aéroportuaires, le nettoyage hospitalier, etc. « Small is not always beautiful » mais par la mise en réseau de plusieurs coopératives, on peut relever des défis plus importants. Il faut garder le contact avec les groupes d’intérêt de la région – municipalités, villes, organismes gouvernementaux, entreprises et associations – afin qu’ils disposent des informations nécessaires et soient tenus au courant de l’état actuel de la situation et des perspectives d’avenir. En ces temps de grands défis, les membres d’Ok-Verkko sont demandeurs de mise en réseau locale, régionale, nationale et mondiale avec des acteurs qui sont intéressés aux coopératives et désireux de partager leurs expériences dans leurs domaines respectifs.

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Il y a également d’autres facteurs qui constituent de graves menaces pour les coopératives du consortium Ok-Verkko. Les membres actifs vieillissent et de nouveaux membres doivent rajeunir les idées et les services. Plus l’offre de services est large, plus l’intérêt dans les coopératives risque d’être grand. Il est important de demeurer en éveil et de chercher des voies et moyens pour créer de nouvelles entreprises au milieu de tant de changements. Avec l’aide d’une éducation plus personnalisée et actualisée, les membres peuvent-ils améliorer leurs connaissances et compétences pour répondre aux besoins du marché?

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Chapitre 18 · Ok Verkko

OK VERKKO – Finlande Coopérative sociale

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Adresse: Teljänkatu 8 a 2, 28130 Pori, Finlande Date de fondation: 2001 Secteurs: Services d’aide sociale (accompagnement) Comptabilité, construction, rénovation, électricité, ingénierie, aide à domicile Coopératives membres (2009): 12 coopératives membres Nombre consolidé de travailleurs: 150 et 120 travailleurs membres Chiffre d’affaires: quelque 2,5 millions € Site: www.palveluosuuskunnat.net Contact: [email protected]

Chapitre 19

MESTRE MELEGNANO BOLOGNE

TRIESTE

CNS Consorzio Nazionale Servizi TURIN

Italie

ITALIE ITALY

Nettoyage, restauration, environnement, maintenance, logistique, transport, tourisme, gestion d’infrastructures, etc. ROME avec la contribution de Daniele Conti

NAPLES

BARI

CAGLIARI

Le Consorzio Nazionale Servizi (CNS) s’est créé à Rome, le 27 septembre 1977, sous forme de coopérative de second degré à l’initiative de 11 coopératives de travail associé dans le secteur des services avec une mise de fonds de 11 millions de lires (environ 5500 euros) qui était constituée de 11 parts égales. La finalité première du consortium était d’obtenir de la part d’entreprises privées ou publiques des contrats de travail que puissent honorer les coopératives membres. Les transactions coopératives sont confiées aux membres engagés dans les secteurs suivants: nettoyage, transport, entretien, services écologiques, restauration et services sociaux. Dès le début, outre le passage de contrats à ses membres, le consortium « fournit des évaluations et des orientations concernant les choix de production des coopératives et leur structure d’entreprise ». Il offre aux membres l’aide nécessaire en cas de conflits avec des tiers, il garantit également

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PALERME

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Chapitre 19 · CNS

l’accompagnement nécessaire dans «  l’élaboration des programmes des entreprises, notamment en lien avec le travail à réaliser et les contrats à honorer ». Il facilite l’accès au crédit grâce « à des avances sur le versement des engagements contractuels ainsi que des garanties »27. Tout ce travail se fait en collaboration avec les coopératives en vue d’assurer la meilleure efficacité et qualité de l’entreprise dans l’exécution de son travail. Dès le début, l’intention était de mettre à la disposition des membres le savoirfaire technologique, organisationnel et financier, et l’enseigne du consortium. Au fil du temps, les compétences et les domaines d’expertise se sont multipliés et les coopératives membres ont grandi et se sont diversifiées. Elles étaient 11 en 1977 et dépassaient les 200 en 2000, et les secteurs suivants ont été ajoutés au portefeuille initial du consortium: services d’accueil et de conciergerie, tourisme et musées, gestion de l’énergie et sutout gestion d’infrastructures, soit une gestion intégrée d’un large éventail de services. Aujourd’hui, le consortium compte 232 coopératives qui emploient 93.000 travailleurs et a un chiffre d’affaires consolidé de 5,5 milliards d’euros (2008).

Un instrument de croissance pour les coopératives

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Il est incontestable que la croissance du consortium est également le fruit de la place qu’il occupe dans le mouvement coopératif dans son ensemble. Le CNS est membre des organismes nationaux, régionaux et provinciaux de la confédération italienne de coopératives Legacoop, et est configuré de telle sorte qu’à tous égards, il s’agit d’une structure qui fait partie du mouvement coopératif, et qui est au service des coopératives. C’est ainsi que le CNS a été un instrument de croissance et de consolidation des entreprises coopératives qui en sont membres et un système qui a permis le transfert de compétences et du professionalisme pour maintenir des normes élevées et promouvoir la croissance de l’entreprise, même dans des contextes de régions géographiques qui ne sont pas particulièrement bien développées. Dans l’accompagnement des coopératives membres, au cours de leur développement, dans le respect au jour le jour de la responsabilité sociale de l’entreprise et de son engagement à assurer la transparence pour le bien des membres et des organismes locaux et régionaux, le CNS a créé son propre réseau d’entreprises qui repose sur les valeurs de l’entreprise et du mouvement coopératif. Que ce soit indirectement, par l’intermédiaire de ses membres, ou directement, par les projets qu’entreprennent ses coopératives sociales membres, le consortium 27 Extrait du compte rendu de l’assemblée générale de 1977

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promeut activement des pratiques d’inclusion sociale de personnes défavorisées ou leur meilleure insertion, voire leur insertion intégrale dans le contexte social et économique dans lequel elles vivent. Grâce à la structure du consortium, son savoirfaire et ses relations commerciales, nombre de coopératives sociales qui sont membres du CNS ont pu fonctionner avec succès sur le marché et répondre aux exigences de plus en plus complexes du marché. Aux côtés des coopératives sociales qui encouragent l’insertion par l’emploi de personnes défavorisées, le CNS garantit des recettes de l’ordre de 29.300.000 euros. 19% du chiffre d’affaires global des coopératives sociales qui sont membres du CNS proviennent de contrats qui sont conclus par le consortium. Les membres du consortium sont des coopératives qui fournissent des services de grande qualité et qui représentent une valeur ajoutée, notamment celle de l’emploi de citoyens qui seraient restés en marge du monde du travail.

Activités Trente ans après sa création, le CNS est un prestataire de services très important en Italie, qui affiche un chiffre d’affaires de 535 millions d’euros (chiffre provisoire pour 2008). Le CNS regroupe 232 coopératives qui sont spécialisées dans les principaux secteurs des services et présentes sur tout le territoire italien.

L’énergie dépensée à fournir des services aux membres n’est pas négligeable. Le consortium organise des activités de promotion pour aider les membres à saisir les occasions du marché et il définit des actions entrepreneuriales précises qui engagent des membres bailleurs de fonds dans la gestion de contrats complexes et la promotion de nouvelles activités économiques. Le CNS a également créé une coopérative et une école de formation à la gestion dans le secteur des services. Un aspect crucial de la stratégie du consoritum est celui de la promotion, du renforcement et de la croissance des coopératives dans le centre et le sud de l’Italie et, une aide à des programmes destinés à susciter le développement entrepreneurial des entreprises membres, des PME notamment, qui s’articule autour d’un processus d’augmentation des avoirs, des projets communs entre entreprises, des innovations technologiques et de la production, la diversification et l’élargissement des activités des entreprises, ainsi que le développement de leurs propres capacités de gestion et de production. L’objectif principal du CNS demeure celui d’encourager la croissance d’entreprises saines porteuses de cohésion sociale.

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Grâce à ses activités de coordination, le consortium conclut des contrats et des concessions, principalement au nom de ses entreprises membres. Il négocie les contrats avant d’en assurer la réalisation par une structure technique, organisationnelle et de gestion, des équipements et la main-d’œuvre employée par ses membres à qui il confie cette réalisation.

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Chapitre 19 · CNS

Dans la poursuite de ses propres objectifs, le CNS peut compter sur le soutien et puiser dans les ressources de ses antennes établies dans toute l’Italie. Neuf antennes sont responsables auprès de l’exécutif et du siège administratif qui se trouve à Bologne. Ces neuf antennes se trouvent à Bari, Cagliari, Mestre (région de Vénétie), Melegnano (région de Milan), Naples, Palerme, Rome, Turin et Trieste. Ces antennes remplissent non seulement une fonction commerciale et de coordination de leurs coopératives membres mais elles représentent une plateforme pour répondre aux demandes d’intervention qui peuvent émaner des pouvoirs locaux et d’autres clients potentiels. Grâce à la fois à la présence très répandue de ses antennes territoriales et la présence homogène de ses coopératives membres dans les différentes régions, le consortium est aujourd’hui bien établi dans toute l’Italie. En effet, depuis sa création, l’originalité du consortium n’est pas tant de rassembler des coopératives de services mais plutôt de s’établir au niveau national. Le CNS entretient des relations avec les pouvoirs publics dans les régions dans lesquelles il a une antenne et il opère, avec les associations sectorielles de coopératives, les universités et les centres de recherche, ses propres entreprises, le mouvement coopératif et, tout naturellement, ses clients. Le financement des activités du consortium provient des parts des coopératives membres et du pourcentage prélevé sur chaque contrat par le consortium. Le CNS a également ses propres membres bailleurs de fonds. Pour réunir les ressources nécessaires au financement de ses activités, le CNS a aussi recours à des institutions de crédit.

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Parmi ces nombreuses activités, le CNS s’assure également du suivi des coopératives qui connaissent des moments difficiles, afin de les soutenir. Il suit aussi de près les bilans économiques et financiers annuels de ses coopératives membres. Il va sans dire que la croissance du consortium doit aller de pair avec celles de ses coopératives: d’une part, un consortium plus solide, qui dispose de ressources plus importantes, est mieux à même de soutenir les activités de ses membres et de disposer des moyens et ressources économiques pour répondre aux appels d’offres, et d’autre part, des coopératives plus efficaces dans l’exécution de leurs contrats individuels et leur gestion économique générale aident à la consolidation du consortium.

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L’avenir Au cours des dernières années, le consortium a réalisé d’importants investissements dans des secteurs innovants, notamment la gestion d’infrastructures, en développant de manière significative son rôle dans la gestion de contrats complexes. A la lumière des changements qu’a connus le CNS, il est apparu de plus en plus évident que certaines de ses coopératives membres ont des difficultés à répondre de la manière la plus adéquate aux nouvelles exigences du marché, tant d’un point de vue économique et financier, que d’un point de vue de gestion et organisation. C’est la raison pour laquelle le consortium a l’intention de promouvoir sensiblement son engangement dans le développement d’actions au service de ses membres par la mise à la disposition d’aide et de formation. En 2009 et en 2010, le consortium a dû faire face à des situations irrécupérables de nombreux de ses membres, une tendance qui s’amorçait depuis l’année antérieure. Le CNS a dès lors entrepris d’encourager l’intégration et la fusion de certains de ses membres. C’est ainsi que les coopératives peuvent accroître leurs avoirs et se doter des équipements techniques et des ressources de gestion nécessaires. Dans le passé, le consortium avait déjà dû aider à construire des formes de coopération entre coopératives implantées dans des territoires différents et la démarche avait été couronnée de succès. Aujourd’hui, une approche plus systématique est nécessaire car ce sont aujourd’hui toutes les régions de l’Italie qui sont en proie à un climat et un contexte défavorable.

Parallèlement, le consortium maintiendra sa politique de consolidation des intérêts de tous ses membres. Il a ainsi réalisé récemment des investissements pour garantir sa propre consolidation et, par voie de conséquence, celle de ses membres. Il a également reconnu que limiter la rentabilité du consortium à la part des activités réalisées par le consortium proprement dit ne peut assurer à long terme les niveaux de consolidation nécessaires au soutien des politiques de développement des membres. Le CNS a l’intention d’établir, avec un groupe de membres, la promotion d’initiatives entrepreneuriales pour le développement d’activités dans des secteurs et des territoires qui se battent pour trouver des réponses adéquates.

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Compte tenu qu’un certain nombre de coopératives membres du CNS connaissent actuellement des difficultés économiques et financières, le CNS donne une plus grande importance à la politique de répartition du travail et à l’intention d’adopter une approche qui assure une meilleure connaissance des coopératives membres afin de leur soumettre des voies de solution à leurs problèmes et protéger ainsi les intérêts du consortium.

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Chapitre 19 · CNS

Le consortium estime que pour obtenir des résultats significatifs, il est nécessaire d’opter pour une démarche de partenariat avec d’autres entreprises des différents secteurs afin d’identifer les domaines, marchés et coopératives avec lesquels il est possible de vivre des formes de gestion directe et enfin, de définir un projet structuré pour chaque territoire, en fonction des besoins du marché et de l’évaluation des entreprises membres avec lesquelles il est possible de fonctionner et de configurer le type de forme entrepreneuriale que devrait prendre cette collaboration. Ces choix, en termes de membres, n’ont d’autre finalité que d’être un complément utile à un développement plus important de la structure d’avoirs du CNS qui devra poursuivre son fonctionnement avec une plus grande détermination pour obtenir des contrats pour ses propres membres en prêtant la plus grande attention à la satisfaction des intérêts des entreprises plus petites et plus grandes.

CNS – Consorzio Nazionale Servizi - Italie Consortium

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Adresse: Siège Via della cooperazione 3 40129 Bologne Date de fondation: 1977 Secteurs: Nettoyage, restauration, services environnementaux et écologiques, logistique et transport de marchandises, services de tourisme et musées, services d’accueil et de conciergerie, gestion d’infrastructures Nombre de coopératives membres: 232 Chiffre d’affaires consolidé: 5,52 milliards € (2008) Effectifs consolidés: 93 043 Proportion membres/travailleurs: 58% Site: www.cnsonline.it Contact: [email protected]

Le groupe coopératif de Mondragon ESPAGNE

MONDRAGÓN / ARRASATE

Pays Basque, Espagne

SPAIN

Industries, services financiers, vente au détail, éducation et recherche avec la contribution de Mikel Lezamiz et de Claudia Sanchez Bajo

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Pays Basque

Mondragon est un groupe de 110 entreprises coopératives engagées dans différentes activités industrielles, de service, de distribution et d’éducation au Pays Basque, Espagne, plus précisément à proximité de la petite ville de Mondragon (Arrasate en Basque). La première coopérative de Mondragon (qui produit des fours de cuisine) a été fondée en 1956 avec 24 travailleurs. 54 années plus tard, le groupe est actif dans un grand nombre d’activités industrielles et de service, de distribution, bancaires et d’assurance, et est très engagé dans l’enseignement supérieur et la R&D. Il est devenu le septième groupe d’entreprises d‘Espagne et s’est internationalisé au fil du temps. Il compte 73 établissements dans 18 autres pays et régions du monde.

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Introduction

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Chapitre 20 · Mondragon

En 2009, le groupe enregistrait un chiffre d’affaires de 14,78 milliards d’euros (12% de moins qu’en 2008, suite à la crise) et employait 85.000 travailleurs (8,3% de moins qu’en 2008), mais sans pratiquement de perte d’emploi parce que la compression du personnel s’est réalisée sous forme de mise en préretraite, et que ce recul a été partiellement récupéré en fin de l’année.

Première période: 1943 - 1979 Naissance du groupe

En 1943, Jose Maria Arizmendiarrieta, un curé de 28 ans, fonde l’Ecole polytechnique (ou Eskola Politeknikoa en Basque) de Mondragon, une école professionnelle pour jeunes de 14 à 17 ans. Pour le lancement du projet, il obtient une réponse positive de la population locale, qui investit la mise de fonds de départ. Arizmendiarrieta enseigne alors les questions sociales à ses étudiants, dont la réforme du régime de la propriété des entreprises. En 1955, cinq des anciens étudiants de l’Eskola Politeknikoa, après avoir acquis une expertise industrielle, décide de créer leur propre entreprise qu’ils veulent être démocratique, selon les enseignements d’Arizmendiarrieta. Une année plus tard, en 1956, ces anciens étudiants créent une coopérative industrielle avec 19 travailleurs supplémentaires. Ulgor est la dénomination de cette coopérative et elle sert de modèle à trois autres coopératives industrielles qui se constituent au fil des années suivantes. Tout en respectant les standards généraux d’application dans les coopératives qui sont expliqués dans l’introduction, les coopératives de Mondragon développent dès le début d’importantes caractéristiques additionnelles.

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Une de ces caractéristiques sont lesdits Conseils sociaux, responsables de la sécurité sociale, du régime salarial, des projets sécurité et protection sociale. Leurs membres sont élus par l’Assemblée générale des coopératives et renouvelés régulièrement. Une deuxième caractéristique, qui a été introduite très tôt, est le versement de 10% des bénéfices aux structures et activités communes du groupe, ce qui a permis de financer le coût du groupe. Une troisième caractéristique clé sont les ristournes attribuées aux travailleurs membres proportionnellement à leur temps de travail et l’échelle des rémunérations, mais ces montants ne sont versés qu’à l’heure de la retraite ou lorsque les travailleurs abandonnent le groupe. Ce sont donc des montants qui sont capitalisés pendant

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plusieurs années, voire des décennies. Cette caractéristique a été essentielle pour assurer un niveau suffisant de capitalisation des coopératives. Une quatrième caractéristique de Mondragon est le niveau élevé de l’apport des membres individuels au capital, à savoir l’équivalent d’environ une année de salaires, et cet apport a constitué également une contribution fondamentale à la capitalisation des coopératives. Les institutions de soutien du groupe Caja Laboral, la banque du groupe et Lagun Aro, le système de protection sociale du groupe

Caja Laboral se constitue en 1959 sous la forme d’une coopérative de crédit. Elle est créée par les quatre premières coopératives industrielles et une coopérative de consommation qui s’est également mise en place. Au départ, elle était conçue comme une banque de développement qui se consacre au développement des coopératives au Pays Basque et à la création d’emplois à long terme en leur sein. Au cours des 28 premières années de son existence (1959-1987), Caja Laboral a également fait fonction d’unité faîtière et moteur de développement de tout le groupe. Au cours de cette période, son Division entreprises a promu la création de coopératives et d’institutions du groupe, et leur a fourni des services techniques et de gestion. Ses coopératives membres disposent d’une majorité de contrôle, alors qu’une minorité substantielle des voix est détenue par les travailleurs membres de la banque.

Lorsqu’elle s’est créée en 1959, Caja Laboral a prévu en son sein un système d’assurance santé et de protection sociale pour aider les travailleurs membres des coopératives de Mondragon à résoudre leurs problèmes de santé et de pension à un moment où les travailleurs membres des coopératives n’étaient pas couverts par la sécurité sociale 28 Ormaechea, J.M. (1991) La experiencia cooperativa de Mondragón (Mondragón: Otalora): 44-52

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La capitalisation de la Caja Laboral a été alimentée par les contributions des coopératives membres de la banque, qui y ont déposé tout leur capital et leurs réserves, ont annulé leurs opérations financières et économiques avec d’autres établissements bancaires, et ont ainsi garanti le passage de toutes leurs opérations à la Caja Laboral. Parallèlement, Caja Laboral s’est aussi tournée vers les économies individuelles, et s’est ouverte au grand public, en offrant des taux d’intérêts et des primes attractifs. La stratégie de capitalisation a été couronnée d’un grand succès: son rythme de développement a été impressionnant et le ratio des ressources totales du groupe/Caja Laboral est passé de 26% à 70% en quelque quatre années (1966 – 1970)28.

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Chapitre 20 · Mondragon

de l’Etat. En 1967, ce service s’est transformé en institution de soutien qui a pris la forme d’une coopératives de coopératives dénommée Lagun-Aro. Les instituions d’éducation et de R&D

L’Eskola Politeknikoa est la plus ancienne institution du groupe, établie 13 ans avant la naissance de la première coopérative industrielle, et en 1965, elle s’est transformée elle-même en coopérative. En 1961, une école d’administration des entreprises, ETEO, a été créée. Ces deux institutions sont à la base de la création de l’université du groupe de nombreuses années plus tard.

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En 1966, Alecoop, une coopérative d’étudiants était constituée au sein de l’Eskola Politeknikoa. Sa finalité était d’offrir des possibilités de travail et d’étude – en alternance – aux étudiants de cette école, notamment aux étudiants de familles plus démunies, en intégrant ses activités à celles de coopératives proches en produisant contractuellement des produits industriels. Alecoop a une structure décisionnelle à trois étages qui engagent les enseignants, les étudiants et les autres coopératives du groupe dans différentes catégories distinctes qui ont voix délibérative. Bon nombre de ses membres sont ensuite devenus travailleurs membres des coopératives industrielles du groupe. Alecoop vit toujours et a un bon fonctionnement économique au sein du groupe. En 1968, l’Eskola Politeknikoa a établi en son sein un groupe de travail d’enseignants qui se consacre à la recherche en vue de nouer de premiers contrats de coopération. En 1973, Caja Laboral a réalisé une analyse précise des besoins structurels et financiers d’un nouveau centre R&D, et plusieurs coopératives dans l’industrie ont soutenu le projet. Enfin, en 1974, une coopérative de R&D industriel séparée a été établie

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sous forme de spin-off de l’école, avec une gouvernance donnant le même nombre de voix au personnel de la coopérative, aux coopératives industrielles du groupe et aux institutions de soutien du groupe (telles que Caja Laboral et l’Eskola Politeknikoa). Groupements de coopératives industrielles

En 1966, les quatre premières coopératives industrielles de Mondragon ont promu «  un regroupement de district  », appelé ULARCO, dont la finalité était de coordonner la stratégie économique et les plans annuels de ses coopératives membres, de mettre sur pied des systèmes communs d’administration, de lancer de nouvelles activités et de nouvelles entreprises (y compris par spin-off), d’instituer des services communs de recherche et de distribution, de gérer de nouvelles licences de production, de s’engager dans des programmes communs de formation et des politiques de ressources humaines, et de créer des mécanismes communs de redistribution et de solidarité financière. ULARCO, plus tard renommé FAGOR, reproduit les mêmes structures que les entreprises coopératives à la base (assemblée générale, conseil d’administration, conseil social, etc.). Ce modèle sert de matrice à 12 autres groupes régionaux qui ont été établis progressivement au sein du groupe Mondragon. Comment se sont établies et développées les coopératives?

La principale méthode de constitution des coopératives a été celle de l’incubation par la banque elle-même. 45 des 99 coopératives membres du groupe Mondragon en 1990 avaient été établies en application de cette méthode. Les études de faisabilité conduites par la Division entreprises étaient effectuées pour déterminer de nouveaux secteurs d’entreprise et un groupe charnière de personnes locales était identifié pour lancer le projet. Une autre méthode a été la création d’une nouvelle coopérative par spin-off au départ d’une coopérative existante. Dans ce cas de figure, le groupement de district fait sa propre étude de faisabilité et, si elle est positive, il aide au financement du projet. Environ dix coopératives ont été établies en fonction de ce modèle, ainsi qu’une série d’institutions de soutien telles que Lagun Aro et Ikerlan.

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La plupart des coopératives du groupe se sont créées au cours de cette première période et le principal moteur de leur développement a été Caja Laboral. Avant toutes ses interventions, la Division entreprises de Caja Laboral concluait avec les coopératives bénéficiaires un « contrat d’association » qui stipulait la mise de fonds de départ au capital de la part de la banque et le droit de celle-ci de vérifier les comptes de la coopérative tous les quatre ans.

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Caja Laboral s’est également engagé dans des opérations de restructuration: 5 entreprises privées traditionnelles se sont transformées en coopératives et 9 petites coopératives de consommation ont fusionné pour donner naissance à la coopérative de consommation Eroski, qui est aujourd’hui une des coopératives dont la performance est la meilleure du groupe. Caja Laboral a également été engagé dans des projets d’expansion de coopératives existantes, de promotion de la création d’emplois chaque fois que s’offrait une possibilité en ce sens. Contrairement à l’idée qui prévaut généralement que les coopératives de travail associé sont intensives en main-d’œuvre, la création d’emploi dans les coopératives Mondragon a toujours été très intensive en capital mais accompagnée d’une politique active de création d’emplois à long terme, durables et stables tout en en multipliant le nombre d’emplois29.

Deuxième phase: 1980-1991 Au début des années 1980, le Pays Basque a vécu une forte crise économique, et son taux de chômage s’est envolé pour atteindre les 25%. Le système de protection sociale Lagun-Aro a été reformé. De nouvelles normes de soutien de l’emploi ont été approuvées, notamment des redéploiements temporaires d’effectifs dans d’autres coopératives, des prestations de chômage aux personnes qui ne pouvaient trouver un autre emploi et pendant une période de 12 mois maximum sur une plage de temps de deux ans, la possibilité d’une mise en chômage partiel, des mesures de mise en retraire anticipée et de recyclage professionnel.

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Grâce au contrat d’association entre la Caja Laboral et les coopératives individuelles (cf. ci-dessus), la Division entreprises de Caja Laboral avait un grand pouvoir d’intervention dans les coopératives en cas de récession. Elle travaille en étroite coordination avec Lagun Aro. Souvent, ses études de faisabilité ont conclu que la coopérative pouvait être sauvée, mais au prix de mesures drastiques. L’intervention de la Division entreprises dans la coopérative a été souvent couronnée de succès: en 1983, en pleine crise économique, elle est intervenue 34 fois et seules deux petites coopératives ont dû être liquidées et, de fait, tous les emplois ont été sauvés grâce au système de redéploiement. Compte tenu du nombre d’interventions qui ont dû être effectuées, le Président 29 Thomas, H. and Logan, C. (1982) Mondragon: an Economic Analysis (London: G. Allen & Unwin): p. 126.

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de Caja Laboral à l’époque, Jose Maria Ormaetxea, a estimé qu’environ la moitié, voire plus, de coopératives de Mondragon n’auraient sans doute pas survécu sans les politiques de Caja Laboral30. Dès que la crise a été dépassée, le groupe a dû se préparer à entrer dans l’UE en 1986, l’obligeant à entrer directement en concurrence avec les plus grands groupes d’entreprises au niveau mondial. En 1984, les statuts relatifs à un Congrès de 350 délégués provenant des coopératives de Mondragon, avec une convocation tous les deux ans, furent établis, avec une représentation de chacune des coopératives directement proportionnelle au nombre de leurs travailleurs membres et avec pour mission celle de définir la stratégie globale du groupe. Parallèlement, un débat fut lancé concernant la transformation de la structure institutionnelle de base du groupe, qui reposait jusqu’alors sur des groupements de districts, en une structure divisée en secteurs. Lors du troisième Congrès du groupe Mondragon en décembre 1991, il a été décidé de restructurer Mondragon en une Corporation à part entière , et de remplacer les groupements de districts par des groupements sectoriels.

Troisième période: 1991 – 2008 La nouvelle structure

La Corporation Mondragon a été conçue comme un hub de coordination de l’activité internationale du groupe. Cette stratégie d’internationalisation a déclenché une multiplication rapide des services internationaux, des bureaux de représentation à l’étranger et des implantations outremer31.

30 Whyte, W. and Whyte, K. (1991) Making Mondragon (Ithaca: ILR Press).: p. 192 31 Il y a des établissements dans 17 pays: Brésil, Chine, République tchèque, France, Allemagne, Inde,

Italie, Mexique, Maroc, Pologne, Portugal, Roumanie, Thaïlande, Turquie, le Royaume uni et Taiwan. Le groupe dispose également de bureaux au Chili, en Russie, aux USA et au Vietnam. Cf. http://www. mondragon-corporation.com/language/en-US/ENG/Mondragon-in-the-World/Corporate-Offices.aspx

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La Corporation Mondragon s’est donc structurée en groupements sectoriels, euxmêmes structurés en un nombre plus limité de divisions (le nombre de divisions a évolué au fil des ans). En 1995, les groupements sectoriels étaient éliminés et ne restait que le niveau des divisions, seules interfaces entre les coopératives et la Corporation.

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Caja Laboral réalise actuellement la plupart de ses investissements en dehors du système coopératif et de la communauté basque. Ses réserves financières ont pris une telle ampleur que les coopératives du groupe ne peuvent absorber que 3% de sa capacité de prêt alors qu’elles en absorbaient 64% en 196432. Mais en termes absolus, les prêts de Caja Laboral aux coopératives Mondragon demeurent significatifs. Tous les ans, chaque coopérative transfère 10% de ses excédents, et Caja Laboral 20%, à Mondragon-investissements. Ils sont ainsi utilisés par les coopératives pour financer leurs projets (start-ups, développement, internationalisation, etc.). Un conseil d’administration régit cette instance interne à la Corporation et en approuve les investissements. Grâce à un mécanisme de solidarité financière distinct, lorsque les coopératives ont un excédent, 3% de ceux-ci (outre les 10% mentionnés ci-dessus) vont à un fonds de compensation inter-coopératives, géré également au niveau de la Corporation. Les coopératives déficitaires peuvent demander une couverture de 50% de leur déficit au fonds. Au cours de cette troisième période, la coopérative de consommation EROSKI s’est considérablement développée (dans une large mesure en achetant d’autres chaînes de distribution) et est devenue de loin le principal employeur du groupe Mondragon. Elle emploie 46.000 travailleurs, à savoir quelque 50% de tous les emplois du groupe. Seuls 9.000 d’entre eux sont membres, 5.000 sont des travailleurs membres potentiels, dans le cadre d’une expérience en cours visant à coopérativiser ces emplois qui, si elle réussit, pourrait être étendue à d’autres travailleurs d’Eroski qui ne sont pas encore membres. Ce système pourrait ensuite être étudié pour servir de modèle aux différentes filiales contrôlées par les coopératives de Mondragon.

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Depuis le début, la structure de gouvernance d’Eroski a été associée à deux principales parties prenantes, à savoir les consommateurs et les travailleurs, chacun des deux groupes ayant un droit de vote combiné à l’assemblée générale et au conseil d’administration équivalent à 50% des voix. Une nouvelle activité de résidences pour personnes âgées a été lancée récemment. Il s’agit de 10 résidences qui prennent soin de 800 personnes et compte un personnel de 450 travailleurs membres, et semblent être mieux gérées que d’autres et à un coût moins élevé33.

32 Gallastegui, I. (1994): El Movimiento Cooperativista de Mondragon: el papel jugado por Caja Laboral; Congrès « Compétence et participation: formes d’organisation émergentes », Barcelone, 22-24 juin, mimeo 1994: 19 33 Interview to Javier Sotil, March 2010

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Le renforcement de l’éducation et de la R&D

Mondragon Unibertsitatea (Unversité de Mondragon) s’est créée en 1997 en unissant l’Eskola Politeknikoa (ingénierie), ETEO (études économiques) et Huhezi (sciences humaines et de l’éducation). En 2007/08, l’université de Mondragon accueillait 3 .248 étudiants et offrait 26 cours différents34, sans compter les cours postuniversitaires. Les tâches de recherche sont orientées vers l’innovation entrepreneuriale et la formation universitaire, et se fondent sur l’expérience entrepreneuriale du groupe. Le centre de formation d’Otalora, mis en place en 1984 par Caja Laboral, se concentre sur l’enseignement coopératif dans les coopératives de Mondragon, notamment pour les dirigeants. Ikerlan est aujourd’hui un centre de recherche qui a une solide expérience dans le développement complet de produits. Plusieurs nouveaux centres technologiques ont été établis depuis la fin des années 1980. Il y a actuellement 12 centres R&D au sein du groupe qui travaillent dans des secteurs tels que les technologies de l’automatisation, les moteurs, les machines-outils, la technologie du montage et du façonnage, le soudage et l’électronique.

La crise (septembre 2008 - avril 2010) Impact de la crise sur Mondragon et enjeux en cours

En 2008, les excédents combinés du groupe accusent un recul pour atteindre le niveau de 71 millions d’euros, alors qu’ils représentaient 792 millions d’euros en 200737. Les résultats de 2009 sont proches de ceux de 2008, à savoir 61 millions d’euros. Malgré 34 http://www.mondragon-corporation.com/ENG/Knowledge/Training/University-of-MONDRAGON.aspx 35 Interview de Rafael Barrenechea, Président du groupe machines-outils Danobat, Mondragon Corporación, Elgoibar mars 2010. 36 Interview de Constan Dacosta Président du groupe de coopératives de consommation EROSKI, Mondragon Corporación, Elorrio, mars 2010 37 http://www.mondragon-corporation.com/language/en-US/ENG/Economic-Data/Most-relevant-data.aspx

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Cette crise mondiale est perçue par Mondragon comme la plus dure qu’il ait connue. Les bénéfices de Caja Laboral en 2008 représentaient 100 millions d’euro et tombaient à 56 millions d’euros en 2009. Une partie des pertes est due à ses investissements dans des avoirs de Lehman Borthers. Dans le secteur industriel, le secteur automobile a été sérieusement touché, et dans le secteur des machines-outils, la demande a connu un recul de 50% en 2009, par rapport à l’année précédente35. Dans le secteur de la distribution, EROSKI a constaté une baisse qui s’est en poursuivie en 2010 même si elle est moins marquée qu’en 2008-200936.

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cette diminution significative, le groupe accuse néanmoins des bénéfices et non des pertes en 2008 et 2009. En termes de chiffre d’affaires, la baisse entre 2008 et 2009 est de 12%. C’est l’effet de la crise, notamment dans les secteurs industriels dans lesquels le groupe est engagé (par exemple, pièces détachées pour automobiles). Ce que fait le groupe pour contrer les effets de la crise

L’ancien directeur des affaires institutionnelles de la Corporation Mondragon, Ignacio Garate, nous explique que: « Le modèle coopératif se fonde sur la transparence et la distribution de la richesse pour développer ses capacités de réaction parce qu’il légitimise les décisions difficiles qu’il peut prendre en temps de crise »38. Le Président de la Corporation, Jose Maria Aldekoa, constate que le style de gestion des coopératives du groupe est en constante adaptation et permet d’anticiper les tendances et, en temps de crise, la dynamique du changement est encore plus forte39. Mesures à court terme

Concrètement, en octobre 2008, la Corporation a diffusé des informations sur la crise à toutes les coopératives et, en novembre, a émis des recommandations pour la gestion de la crise. Les coopératives ont été engagées dans un exercice d’austérité drastique par toutes les voies possibles et un vote démocratique a conclu à la nécessité de réduire les rémunérations de 8%.

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Cependant, le groupe n’a pas eu recours aux licenciements pour réduire ses dépenses. Le maintien de l’emploi est demeuré une des missions essentielles du groupe. Le groupe ne considère pourtant pas que ses travailleurs aient droit à un poste de travail particulier: en temps de crise, les travailleurs membres travaillent là où et quand ils peuvent être productifs, dans un rayon géographique de 50 km. Une commission emploi se réunit régulièrement au niveau de la Corporation pour évaluer les perspectives de pertes d’emplois dans les coopératives. Elle détermine si la perte d’emploi est conjoncturelle (jusqu’à 3 années) ou structurelle (irréversible). Lagun Aro coordonne ensuite le redéploiement des travailleurs membres dans d’autres coopératives. Le coût du redéploiement est cofinancé en application du principe suivant: si la rémunération du travailleur est plus élevée dans la coopérative d’accueil 38 Interview de Jose Ignacio Garate, ancien directeur des affaires institutionnelles, de Mondragón Corporación, ancien responsable du Secrétariat technique pour la planification stratégique de Mondragón Corporación, ancien responsable de la Direction d’intervention de Caja Laboral, Aretxabaleta, 2010 39 Interview de José Maria Aldekoa, Président du Groupe Mondragon/Arrasate, mars 2010

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que dans la coopérative d’origine, Lagun Aro finance la différence; autrement, c’est la coopérative d’origine qui paie la différence. Certains travailleurs ne peuvent être redéployés et perdent leur emploi. Dans ce cas, si le problème est diagnostiqué et qualifié de conjoncturel, son coût est assuré par Lagun Aro et la coopérative pendant une période de 2 ans tout au plus. Si le problème est structurel, la mise en préretraite peut avoir lieu dès l’âge de 58 ans. En 2009, 600 personnes ont été redéployées, et elles ont été quelque 400 en 201040, dont 35 travailleurs d’une coopérative industrielle qui a dû fermer ses portes. Quant aux autres pertes d’emplois, elles ont été amorties par des départs volontaires en préretraite. Mesures à long terme

Selon le président de la Corporation, Aldekoa, le groupe mise fortement sur l’innovation en encourageant une meilleure coordination entre l’université, les centres de recherche et les coopératives, ainsi que les efforts d’internationalisation, notamment d’implantation aux Etats-Unis, dans les pays BRIC (Brésil, Russie, Inde et Chine) et en Allemagne41. De nombreuses activités ont été conçues dans les années 1960 (produits ménagers, automobiles, transformation de produits métalliques, etc.). Dans certains secteurs tels que les machines-outils, de nouvelles actualisations des produits sont en cours. Les nouvelles idées de développement pour l’avenir sont la voiture électrique, les plastiques, l’aluminium, la santé, l’énergie, l’ingénierie et la production d’établissements clef-sur-porte42.

En 2009, Mondragon Corporacion Cooperativa, dont la dénomination a été modifiée pour devenir Humanity at Work, a décidé de créer une nouvelle fonction, celle de vice-président de la promotion de l’innovation et de la connaissance, et une nouvelle division a été créée dans l’ingénierie et les services. Le système des pensions a été récemment réformé. 35% du coût du travail des travailleurs membres sont versés à Lagun Aro et les travailleurs membres y ajoutent 40 Aldekoa, interview 2010 41 Aldekoa, interview 2010 42 Aldekoa, interview 2010

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Un autre ensemble de mesures à long terme doit se concentrer sur le repositionnement sur le marché et dans les chaînes de valeur, sur l’accroissement des marges, ce qui entraine de nouveaux besoins financiers importants.

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6,6% de leur rémunération. Cette cotisation couvre la pension publique et privée, complémentaire, les prestations en cas de maladie et de chômage, et le redéploiement des travailleurs membres. Le système de pension est bien géré, est moins coûteux et offre des prestations plus importantes que dans d’autres entreprises. Cependant, l’Assemblée générale de Lagun Aro a approuvé la modification du mix de pensions. Jusque-là, 70% de son financement provenait du secteur privé grâce aux investissements consentis par Lagun Aro, et 30% du secteur public. Pour les travailleurs de 50 ans et moins, le système de répartition de la cotisation a été modifié, seuls 40% proviendront du système privé et 60% du système public.

La durabilité des emplois à Mondragon La principale finalité de Mondragon est de créer des emplois mais des emplois qui soient durables à long terme et qui puissent avoir une incidence durable sur le développement local. Comme nous l’avons vu ci-dessus, le processus de création d’emplois à Mondragon, depuis le début des années 1980, a été particulièrement intensif en capital43, et les emplois sont cofinancés par les travailleurs, qui y apportent de parts de capital non négligeables.

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Parallèlement, le groupe a développé un système de protection sociale très sûr grâce à des mécanismes de redéploiement sophistiqués et auxquels le groupe a recours en temps de crise. Une autre raison de cette pérennisation des emplois est la démarche coopérative à l’égard de l’emploi appliquée aux travailleurs membres: le groupe a étendu ses activités de production aux cinq continents sans licencier cependant ses travailleurs pour délocaliser ses activités. La démarche coopérative de Mondragon a toujours reposé sur la coopérativisation systématique du travail, à savoir que le lien coopératif principal est tissé avec les travailleurs qui jouissent ainsi de la reconnaissance d’être la principale partie prenante du groupe. Même les institutions de soutien, dont sont membres les coopératives individuelles et EROSKI, également participé par des membres consommateurs, sont contrôlées et détenues démocratiquement par leurs travailleurs. Ce mode opératoire a permis un important déploiement d’énergie entrepreneuriale jusque dans les ateliers. Voyons les résultats de cette politique différente de l’emploi: 10 coopératives ont été liquidées au sein du groupe depuis la création d’Ulgor en 1956 43 Thomas, H. and Logan, C. (1982) Mondragon: an Economic Analysis (London: G. Allen & Unwin): 126

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(la dernière dans la crise actuelle). Les pertes d’emplois ont été pratiquement nulles grâce au redéploiement des travailleurs, leur mutation vers d’autres coopératives sous la coordination de Lagun Aro44. Même les travailleurs mis au chômage temporaire, qui ont reçu une prime de Lagun Aro et sont restés quelque mois chez eux, ont pu dans l’ensemble reprendre le travail dans leur coopérative. 3.985 emplois ont été créés pendant les sept années qui ont suivi la création de Caja Laboral, c’est-à-dire une moyenne de 570 emplois par an, près de 10 fois plus qu’avant la création de la banque. La croissance nette de l’emploi a été particulièrement bonne dans les années 1970 et moindre dans les années 1980 car l’Espagne a été frappée par une grave crise économique. La croissance de l’emploi atteint son niveau le plus bas dans les années 1980 jusqu’à descendre à un taux négatif de – 4,1%. Cependant, les travailleurs licenciés sont presque tous réembauchés (ne laissant un taux de chômage que de 0,6%). Dans la région, il convient de rappeler que le taux de chômage est alors de 27%. L’emploi se redresse ensuite lentement pour atteindre un taux de 4,25% dans les années 1990, soit en termes absolus 932 emplois. En 1990, le groupe ne comptait que 20 chômeurs, soit 0,08% de ses effectifs. 1992-1993 a été également une période difficile: Lagun Aro a soutenu 2000 chômeurs pendant plusieurs mois (8% du total des effectifs). Ils ont tous été réembauchés par les coopératives du groupe. En 2008, avec le début de la crise économique et financière, le taux de croissance de l’emploi passe pour la première fois en négatif depuis 1983, à savoir – 1,1% en 2008 et – 8,3% en 2009. Cependant, la plupart de ces pertes d’emploi prennent la forme de départs en préretraite. La situation aurait pu être plus grave sans cette politique de redéploiements temporaires entre coopératives. Par ailleurs, 938 emplois perdus pendant le premier semestre de l’année sont récupérés au cours du second semestre45.

Le groupe Mondragon a fait montre d’une grande originalité dans ses montages institutionnels, mais a été très orthodoxe dans la mise en œuvre du système coopératif à des institutions plus larges que les coopératives de base. En élargissant la logique coopérative en général, et la logique de la coopérative de travail associé en particulier, à des échelles plus larges, il a promu cette logique au maximum de ses potentialités. Le groupe Mondragon est particulièrement bien intégré mais c’est aussi un groupe 44 Whyte, W. and Whyte, K. (1991) Making Mondragon (Ithaca: ILR Press): 172 45 http://www.mondragon-corporation.com/ENG/Press-room/articleType/ArticleView/articleId/1475.aspx

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Conclusions

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horizontal et démocratique, qui légitime ainsi toutes les décisions prises, qui engagent des centaines d’entreprises et des dizaines de miliers de travailleurs membres grâce à des procédures et motivations démocratiques qui ne sont pas et n’ont jamais été la rémunération du capital à des actionnaires. Le groupe estime avoir une mission à accomplir à l’égard du territoire. Outre les sept principes coopératifs, Mondragon s’en est donné un qui s’intitule « la transformation sociale », c’est-à-dire que ce que le groupe fait, il le fait en dernière instance pour la transformation sociale du territoire, une transformation qui est concrète et est engagée dans la génération et la distribution de richesse sur le territoire.

Corporation Mondragon - Espagne Groupe coopératif

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Adresse: Pº Jose Mª Arizmendiarrieta nº 5 20500 Arrasate / Mondragón Date de fondation: - 1943 (école professionnelle) - 1956 (première coopérative) - 1991 (établissement de la corporation) Travailleurs: 84.000 (2009) (80% dans les secteurs industriels sont membres) Chiffre d’affaires: € 14 billion (2009) Site web: www.mondragoncorporation.com Contact: Mikel Lezamiz [email protected]

Conclusions

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Générer de la richesse dans les régions par Bruno Roelants

Les vingt expériences décrites dans ce livre illustrent comment les coopératives et leurs institutions de soutien créent des emplois durables et renforcent le développement régional. A différents niveaux et à différentes échelles, de modestes PME telles qu’Ardelaine jusqu’à de grands groupes industriels tels que Mondragon, nous avons observé un certain nombre de tendances et de traits communs sur le plan de l’emploi et du développement régional.

Des entreprises atypiques et, cependant, des histoires marquées au sceau du bon sens

Cependant, lorsque nous faisons l’effort de connaître et de comprendre ces expériences, il s’en dégage une certaine cohérence et un certain bon sens. En premier lieu, elles conjuguent leurs objectifs spécifiques (créer et maintenir des emplois et des activités économiques, développer des services pour la collectivité, etc.) dans une démarche rigoureuse d’entreprise. De celles qui aident les toxicomanes à celles qui s’engagent dans des travaux publics, aucune n’est une œuvre de bienfaisance, et elles se caractérisent toutes par une forte intégration dans l’économie réelle, et peuvent même donner une impression plus entrepreneuriale que certaines grandes entreprises récemment financiarisées ou bureaucratisées, dont certaines ont compté sur les deniers publics versés dans l’urgence pour survivre. En second lieu, nous avons vu que la gestion et la gouvernance démocratique dans les coopératives de travail associé et les coopératives sociales, assorties de contrôles

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Reconnaissons que les entreprises et groupes que nous avons visités au fil de ces chapitres ont une originalité bien singulière en regard de l’entreprise moyenne. Par exemple, des prisonnières qui nouent des alliances avec de grands designers de mode (Ghelos, chapitre 11), des travailleurs qui rachètent une entreprise de production fermée par un fonds international d’investissement (Ceralep, chapitre 6) ou une petite PME qui grandit et devient un des plus grands groupes industriels en Espagne en à peine 50 ans sans que ses travailleurs n’en perdent la maîtrise (Mondragon, chapitre 20) ne sont pas les profils d’entreprises qui nous viennent plus normalement à l’esprit.

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Conclusions

croisés et d’équilibre délicat entre les processus démocratiques et l’expertise technique, tendent à produire un type et un niveau d’innovation organisationnelle qui contribue de manière significative à la durabilité économique de l’entreprise. Nous avons analysé ce processus de manière plus approfondie dans le cadre de Suma (chapitre 2), mais d’autres exemples illustrent également très bien ce propos. Dans les cas d’Ardelaine (chapitre 1), Osuuskunta Toivo (chapitre 12) et Mondragon (chapitre 20), nous avons vu comment l’innovation organisationnelle dans les coopératives et les groupes coopératifs pouvaient aussi être promus par une production intellectuelle concrète, qui se décline en livres et en recherches. Les modèles précis d’organisation qui caractérisent les coopératives de travail associé exigent un niveau de formation et d’éducation pointu. Comme commenté dans l’introduction, si le personnel de l’entreprise est appelé à exercer un véritable contrôle démocratique sur l’entreprise, il doit y être formé. Les cas étudiés dans ce livre en sont autant d’illustrations: par exemple nous avons vu, dans le vécu de Ceralep, que les travailleurs ont été recyclés dans l’urgence en organisation de l’entreprise lorsqu’ils en sont devenus les propriétaires (chapitre 6), que le centre de formation Otalora de Mondragon forme systématiquement les dirigeants de coopératives (chapitre 20) et que le projet « Prise en charge des autres » de Vista prévoit également une formation sur la thématique de la coopération et des usagers de la coopérative (chapitre 14). Un autre trait qui ressort de ce livre est que les coopératives sont des entreprises qui se fondent sur des standards socioéconomiques précis. Ceux ci sont développés dans l’introduction mais les exemples déclinés dans ce volume révèlent qu’ils sont mis en œuvre concrètement. C’est sans doute cette singularité qui explique pourquoi les coopératives créent facilement des standards socioéconomiques nouveaux et innovants, comme ceux de la traçabilité alimentaire mise au point par Suma dans le secteur de l’alimentation bio (chapitre 2) ou par Le Mat et Vägen Ut ! dans le secteur du tourisme avec leur système de franchise sociale (chapitres 16 et 17).

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La dimension temporelle L’échelle temporelle des entreprises et des groupes d’entreprises décrits dans ce livre n’est pas celle de l’économie financiarisée à rentabilité rapide (mais souvent à pertes tout aussi rapides). S’il est vrai que les coopératives ne sont bien sûr pas les seules entreprises à avoir une vision à long terme, ce qui les caractérise est qu’elles sont structurées vers le long terme de façon inhérente. Cette particularité peut s’expliquer par le fait qu’elles sont détenues et contrôlées par des parties prenantes multiples et à long terme, comme le dévoilent les deux musées gérés par Ardelaine (chapitre 1). Les débuts peuvent être extrêmement modestes (Ardelaine a, par exemple,

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commencé avec un capital d’environ 500 euros) et avant de connaître un succès avéré, de nombreuses années peuvent s’écouler. Le rythme de développement n’est pas plus rapide que ce qui peut être raisonnablement espéré dans une perspective de croissance stable: ces initiatives résistent aux pressions de la création d’emplois plus nombreux si leur durabilité économique est mise en péril. A long terme, cette vision de l’entreprise révèle un sens entrepreneurial plus profond. Elle offre un espace pour, entre autres, une stratégie à long terme orientée vers le développement de produits et de services qui finissent par l’emporter commercialement comme nous le révèlent les cas d’Ardelaine et de Suma (chapitres 1 et 2). Elle promeut également une économie de la connaissance qui exige en général un investissement important en termes de temps.

Accumuler du capital et économiser les coûts

Côté dépenses, la multiplicité des procédures et mécanismes de supervision des membres sur leurs entreprises (y compris sur l’équipe de direction), qui sont des applications concrètes du système de contrôle démocratique des coopératives analysé dans l’introduction, aident les coopératives à prévenir ou tout au moins à limiter dans une large mesure toute attitude de gaspillage, par exemple, en frais de représentation ou de production. L’écart entre les salaires a tendance à être contenu: certaines coopératives pratiquent l’égalité de rémunération, c’est le cas de Suma (chapitre 2), 46 Les avantages des réserves industrielles ont été mises en lumière dans Corcoran, Hazel et Wilson, David (2010) The Worker Co-operative Movements in Italy, Mondragon and France: Context, Success Factors and Lessons, Canadian Social Economy Research Partnership and Canadian Worker Co-operative Federation, disponible sur http://www.canadianworker.coop/sites/canadianworker.coop/files/CWCF_Research_Paper_International_166-2010_fnl[1].pdf. CECOP a réalisé récemment une première recherche comparative entre les trois pays, entre autres, sur les réserves impartageables: les résultats sont publiés dans Zevi et al. (2011) Beyond the Crisis: Cooperatives, Work, Finance – Generating Wealth for the Long Term (Brussels: Cecop Publications).

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Ces exemples confirment que les coopératives se caractérisent par une accumulation systématique du capital, notamment par la constitution de réserves, qui assurent une grande stabilité financière et dissuadent de tout endettement excessif. Dans le cas de Ceralep, les réserves et parts sociales se sont reconstituées à peine sept ans après la liquidation de l’entreprise rachetée (chapitre 6). Dans certains pays, berceaux des exemples illustrés dans ce livre, les réserves des coopératives sont impartageables, ce qui signifie qu’elles ne peuvent jamais être réparties même en cas de fermeture de l’entreprise (comme l’explique l’introduction): ce régime financier doit valoriser cette dimension temporelle évoquée ci-dessus et il est en vigueur – notamment – en Italie, en Espagne et en France: c’est sans doute une des raisons pour lesquelles les coopératives de travail associé et les coopératives sociales se sont si bien développées dans ces trois pays, mais cette dimension mériterait d’être mieux approfondie 46.

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Conclusions

mais la majorité des coopératives présentent un écart salarial qui peut aller de un à neuf, ce qui est nettement inférieur à celui de certaines grandes entreprises où les ratios peuvent s’étendre de un à plusieurs centaines47, et ce ne sont pas des cas isolés.

Coopérer entre entreprises coopératives Dans tous les chapitres du livre, nous sommes témoins d’une capacité assez forte des coopératives à coopérer entre elles, à ne pas se limiter à traiter en cercle fermé, mais à construire des synergies et une dynamique commune. Plusieurs modalités de cette coopération inter-entreprises ont été présentées. Une de ces modalités est l’amorce de mises en réseau sans de lourdes contraintes, comme celles montées par Suma et Ardelaine, qui reposent sur un produit commun tel que les aliments complets (Suma, chapitre 2) ou une démarche commune, telle que le développement local (Ardelaine, chapitre 1).

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Une autre modalité de cette coopération est celle de la fonction de soutien aux entreprises établie et gérée par des coopératives ou des entreprises de l’économie sociale, au sens plu large, notamment des instruments financiers et des entités de suivi, comme CFI et Coopfond en Italie (chapitres 4 et 5), ESFIN-IDES, Pargest, SOCODEN et les différentes unions régionales de coopératives de travail associé en France (chapitres 6 à 8), qui aident à surmonter les restrictions d’accès au crédit, souvent plus intransigeantes pour les coopératives que pour d’autres types d’entreprises, tout en fournissant un soutien critique en termes de conseil aux entreprises. Grâce à une dynamique de confiance, ces instruments facilitent également l’accès à des prêts de banques coopératives, telles que le Crédit coopératif en France. Certaines de ces expériences de synergie dans la production et la distribution, grâce aux chaînes de production et distribution éthique comme en attestent Ardelaine et Suma (chapitres 1 et 2) ou de production complémentaire au sein de petits groupes, tels que M-Ry dans les travaux publics et USIS dans la production d’équipements (chapitres 7 et 8) ou des groupes plus importants tels que Mondragon (chapitre 20), aident l’entreprise à se hisser dans la chaîne de valeur et à éviter la sous-traitance. Certaines expériences, telles que le consortium CNS, déploient leurs efforts dans le regroupement pour mieux répondre aux appels d’offres que les coopératives individuellement auraient bien des difficultés, voire seraient dans l’impossibilité, de remporter (chapitre 19). 47 Cf. par exemple, Larger Cities Drive Growing Wage Gap Between the Rich and the Poor, Study Shows, sur http:// yubanet.com/life/Larger-Cities-Drive-Growing-Wage-Gap-Between-the-Rich-and-the-Poor-Study-Shows.php, et l’article d’ATTAC Entreprise - Salaires des dirigeants on http://www.france.attac.org/spip.php?article6281

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Alors que les coopératives ont tendance à consacrer des ressources non négligeables à l’éducation et la formation, comme nous l’avons vu, l’effet de la formation coopérative dans des groupes ou des systèmes plus larges est plus profond non seulement compte tenu du nombre d’étudiants inscrits chaque année, plusieurs milliers dans le cas de Spiru Haret (chapitre 13) et de Mondragon (chapitre 20), mais parce que dans ce contexte également, la formation permet de nouer une relation plus étroite entre les institutions de formation et les entreprises du réseau comme dans le système Spiru Haret, Mondragon et CNS (chapitre 19), et cette passerelle a tendance à promouvoir l’innovation, une tendance qui est d’autant plus prononcée, bien évidemment, dans des groupes comme Mondragon qui, outre les entreprises et les institutions d’éducation, dispose également de centres de R&D. Par ailleurs, le niveau d’emploi des diplômés formés dans ces systèmes est très élevé (97% dans le cas de Spiru Haret, dont 10 à 15% dans des coopératives). Faire face à l’économie mondiale au départ des territoires est l’enjeu de ces groupes horizontaux de coopératives qui permettent de maintenir le caractère démocratique

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La création et le renforcement des groupes horizontaux d’entreprises coopératives est une des modalités clés de la coopération entre entreprises coopératives. Ces groupes peuvent être très restreints, regrouper deux coopératives qui ont en commun une filiale comme c’est le cas d’USIS (chapitre 7); ils peuvent être de taille moyenne comme c’est le cas de InConcerto en Vénétie (chapitre 15), d’Ok Verkko en Finlande (chapitre 18) ou du groupe catalan Clade dont fait partie La Fageda (chapitre 9); ils peuvent même présenter une taille très importante comme le CNS en Italie (chapitre 19) ou encore Mondragon au pays basque espagnol (chapitre 20). Certains se limitent à un secteur, comme les services et en particulier la logistique dans le cas du CNS ou du tourisme comme en témoignent Le Mat et Vägen Ut ! alors que d’autres groupes sont de nature intersectorielle (comme Mondragon). Certains groupes sont régionaux (InConcerto, Mondragon), alors que d’autres sont nationaux (CNS, Vägen Ut!) mais dans ce dernier cas de figure, ils démontrent une tendance à établir des centres régionaux au fil du développement du groupe. Certains groupes sont composés de coopératives de travail associé (Ok Verkko), de coopératives sociales (InConcerto) ou des deux (CNS), alors que Mondragon, essentiellement composé de coopératives de travail associé, dispose également de coopératives de consommation, de crédit, d’assurance, agricoles et éducatives. Ces groupes ont souvent commencé avec une seule entreprise qui leur a servi de modèle matriciel (La Tana Libera Tutti pour Le Mat, Ulgor pour Mondragon, L’Incontro pour InConcerto, Sataosajat pour Ok Verkko), ou avec une poignée d’entreprises (CNS qui compte aujourd’hui 232 coopératives alors qu’elles étaient 11 au départ. Mondragon qui en a actuellement plus de 100 mais est resté pendant de nombreuses années un petit groupe de moins de 10 coopératives).

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Conclusions

des coopératives, l’emploi et l’enracinement local tout en créant des échelles entrepreneuriales, qui définissent des stratégies communes et développent des services d’accompagnement communs. C’est ainsi que leurs coopératives membres peuvent entrer en concurrence dans un environnement économique mondialisé qui se caractérise de plus en plus par la concentration des entreprises, qu’elle se réalise par l’intermédiaire de fusions et d’acquisitions, ou par le rapprochement des chaînes de production, de distribution et de finance de plus en plus importantes et mondialisées. Ils constituent un modèle qui pourrait servir d’inspiration au-delà des frontières du mouvement coopératif, notamment pour des clusters de PME, avec un niveau d’intégration de plus en plus élevé tout en permettant l’exercice de la démocratie dans la prise des décisions et la participation au sein de l’entreprise.

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Emploi Le niveau de sécurité de l’emploi dans les coopératives de travail associé et dans les coopératives sociales est tangible dans chacun des vingt exemples décrits dans le livre. La grande majorité des travailleurs ont des contrats à long terme alors que la tendance actuelle est à l’emploi à court terme de travailleurs extérieurs engagés par l’intermédiaire d’agences. Dans les sept premiers cas du livre, nous avons découvert de manière assez précise les modalités de création et de maintien des emplois dans les coopératives individuelles, qu’il s’agisse de start-ups ou de transformations. Le même niveau de sécurité de l’emploi est perceptible dans les filiales, qu’elles soient destinées à demeurer ce qu’elles sont, comme EDI dans le cadre de Trafilcoop (chapitre 4) ou qu’elles soient intégrées dans la coopérative, comme c’est le cas de M-Ry (chapitre 8). Cependant, ni la sécurité de l’emploi, ni la longévité de l’entreprise ne sont jamais garanties définitivement. Certaines coopératives essuient des échecs mais certaines sont sauvées et revitalisées par d’autres coopératives, comme AFP dont la relance a été assurée par USIS (chapitre 7) et la moitié des coopératives de Mondragon par la Caja Laboral au début des années 1980. Le système sophistiqué de redéploiement temporaire ou permanent entre coopératives au sein du groupe Mondragon révèle une autre valorisation de la sécurité de l’emploi dans un groupe coopératif intégré (chapitre 20). La notion commune de sécurité de l’emploi et de dimension temporelle ne vont pas à l’encontre – dans ces cas de figure – de la durabilité et expansion économique. Bien au contraire, les deux aspects sont intrinsèquement liés dans les différentes illustrations de ce volume. En effet, d’une part, ce n’est que par la durabilité et le développement économique que les coopératives parviennent à assurer des emplois à long terme; par ailleurs, la durée de l’emploi, conjugué à un haut niveau de démocratie, de formation

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et de mobilité de l’emploi sont des facteurs clés pour la durabilité entrepreneuriale des coopératives de travail associé et des coopératives sociales. Le sentiment de stabilité de l’emploi et de son appropriation (par opposition à son aliénation) est fondamental pour pouvoir donner libre cours à l’esprit entrepreneurial et innovant, pour s’adapter au changement et l’anticiper. Le processus d’apprentissage se réalise souvent par essai et erreur, comme nous l’avons vu dans plusieurs cas, mais en général, il fonctionne. Le modèle de gestion qui en est la suite logique tend à favoriser la qualité et le professionnalisme dans le processus de production et l’offre de services. Par ailleurs, la longévité de l’emploi a tendance à se conjuguer avec le renouvellement générationnel, comme nous l’avons constaté dans le cas de Suma (chapitre 2), d’Ardelaine (chapitre 1) et d’Almarina (chapitre 5). En termes de politiques publiques, il est particulièrement significatif d’observer que le coût de création ou de sauvegarde d’emplois dans les coopératives de travail associé ou les coopératives sociales semble moindre que dans d’autres alternatives comme en témoigne le consortium Vägen Ut! en Suède, dans lequel on estime à 100.000 euros l’économie de chaque poste de travail confié à des personnes défavorisées. Nous le devons sans doute à ce mariage entre les caractéristiques des coopératives et les modalités de coopération entre coopératives que nous avons évoquées. L’analyse des coûts de la création d’emploi devrait être l’objet d’une analyse séparée et plus approfondie.

L’emploi est en général une des grandes avenues qui conduit à l’inclusion sociale. L’emploi dans les coopératives de travail associé et les coopératives sociales assure une meilleure inclusion sociale que dans d’autres entreprises compte tenu de la continuité dans laquelle elles s’inscrivent et de la participation du personnel à la prise de décision: les travailleurs dans les coopératives de travail associé et les coopératives sociales maîtrisent beaucoup mieux leur propre destinée professionnelle. Etre travailleur membre donne aussi le sens de l’appropriation de son emploi. Dans la mesure du possible, tous les travailleurs deviennent membres, à condition de se former pour assumer les responsabilités légales et financières qui vont de pair avec la copropriété. Dans les coopératives sociales, les travailleurs défavorisés, comme les handicapés, les Rom, les détenus, les chômeurs de longue durée, etc. deviennent également membres. Dans certains cas comme La Fageda (chapitre 9), les membres travailleurs défavorisés sont appelés à demeurer dans l’entreprise alors que dans d’autres, comme les coopératives du groupe InConcerto (chapitre 15), ils sont en général réemployés

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Inclusion sociale

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Conclusions

par d’autres entreprises mais avec un niveau nettement supérieur d’employabilité que lorsqu’ils rejoignent la coopérative au début. Lesdites « Maisons de mi-parcours » de Vägen Ut  ! sont également porteuses de cette idée de transition, de passage. Même pour les catégories de travailleurs souffrant d’un handicap mental et qui ne peuvent devenir membres, le type de gouvernance de l’entreprise qu’offrent les coopératives sociales permet un niveau substantiellement plus élevé d’intégration et de réhabilitation que les entreprises traditionnelles comme le révèlent les cas de Le Mat en Italie (chapitre 16) et de La Fageda en Catalogne (chapitre 9).

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Ajoutons à cela la constatation d’un niveau élevé de professionnalisme dans le domaine de l’inclusion sociale, par exemple, dans les cas de thérapie professionnelle de Ghelos (chapitre 11), de tuteurs chez InConcerto (chapitre 15) et de psychiatres dans La Fageda (chapitre 7). Par ailleurs, le système du consortium/groupe valorise sensiblement la capacité des coopératives sociales à aider à l’inclusion sociale de personnes défavorisées par la coopération entre des coopératives sociales de type A (services sociaux) et de type B (insertion par l’emploi), et les services des consortiums (tels que InConcerto, chapitre 15). Cependant, l’inclusion sociale ne se réduit pas à fournir de l’emploi à des personnes défavorisées. Pour véritablement saisir la pertinence des coopératives en termes de lutte contre l’exclusion sociale, il nous faut comprendre leur rôle et leur potentiel tant en termes de réhabilitation que de prévention. Le long du livre, nous avons visité des coopératives sociales du type B (insertion par l’emploi) qui se concentrent sur la réhabilitation de citoyens défavorisés par le travail (partie 3); nous avons découvert des coopératives de travail associé qui sont l’aboutissement de la transformation d’entreprises en crise ou sans héritiers qui ainsi entendent maintenir les emplois en danger, et qui  sont donc engagées dans une prévention secondaire de l’exclusion sociale (partie 2); les coopératives de travail associé qui sont créées au titre de startups (partie 1) offrent un modèle solide de prévention primaire de l’exclusion sociale, compte tenu du niveau élevé de durabilité de leur emploi, qui tend à s’accroître lorsqu’elles sont organisées au sein de groupes horizontaux intégrés (partie 5). Le modèle coopératif est particulièrement significatif si, comme nous le pensons, l’accent en ce qui concerne l’inclusion sociale doit être mis sur la prévention et non seulement sur la réhabilitation, ce qui est devenu un consensus mondial dans le domaine de la santé publique48. Une autre question clé qui mérite réflexion est de ne pas limiter la vision de l’inclusion sociale à des personnes individuelles mais de l’élargir à toutes les régions, comme dans 48 En 1978, l’Assemblée générale de l’Organisation mondiale de la santé a approuvé la « Déclaration Alma-Ata » qui jette les bases des soins de santé primaires et les notions de prévention primaire, secondaire et tertiaire: cf. http://www.who.int/dg/20080915/en/index.html

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le cas d’Ardelaine, dans ce département français économiquement sinistré qu’est l’Ardèche. Il est nécessaire de repenser l’inclusion sociale à l’échelle de la région et non de la personne. La désertification économique de régions entières est une des manifestations les plus fortes de l’exclusion sociale.

Résilience aux crises Ce livre met en lumière la résilience des coopératives de travail associé et des coopératives sociales face aux crises, crises d’entreprises individuelles ou crises macroéconomiques.

Nous avons néanmoins vu plusieurs cas impressionnants de résilience à de fortes crises et transformations macroéconomiques, comme celles de Mondragon qui a frappé le pays basque au début des années 1980, ou encore les cas de Dimitar Blagoiev et Spiru Haret qui ont dû s’adapter à l’énorme transformation politique et économique qui a eu lieu en Bulgarie et en Roumanie, et ce fut vrai pour toute l’Europe centrale et de l’Est, entre la fin des années 1980 et la moitié des années 2000. Les coopératives de travail associé ont par centaines trouvé une voie de sortie à la crise qui a sévi en Finlande dans les années 1990. Plus impressionnant encore, plus de vingt coopératives ou groupes de coopératives décrits dans ce volume ont subi la crise financière et économique mondiale dont les premiers soubresauts ont été perçus dans les années 2007/2008 et ont été à même, grâce à des mesures conjoncturelles et, dans certains cas, avec un début de réforme structurelle en profondeur (comme ce fut le cas de Mondragon), de maintenir l’emploi comme priorité première. Par ailleurs, ce livre apporte la preuve que les coopératives ne vont pas seulement bien en temps de crise. Par contre, leur résilience singulière aux crises de plusieurs types est une indication claire de la capacité des coopératives à contribuer au développement local et régional tant en temps de crise qu’en temps normal.

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En ce qui concerne les crises au niveau de l’entreprise, nous avons vu dans la partie 2 du livre qu’elles sont souvent le fruit d’une conjugaison de facteurs. Même lorsqu’elles sont confrontées à des difficultés dans leur secteur d’activité, certaines entreprises peuvent être sauvées. Nous avons également constaté que le succès de ces opérations repose sur deux types de conditions: a) en interne (mobilisation, leadership, capacité de coopérer avec d’autres, capacité de préparer et de prendre des décisions significatives, capacité de réduire la force de travail s’il n’y a pas de véritable alternative, etc.) et b) en externe (le soutien de la collectivité locale environnante, l’existence d’un réseau d’institutions de soutien qui fasse partie du système coopératif lui-même et soit capable d’opter pour rejeter un projet s’il n’est pas pérenne économiquement).

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Conclusions

Contribution au développement régional Les entreprises présentées dans ce livre sont profondément enracinées dans leurs régions respectives, qu’elles soient petites ou grandes, implantées en un seul lieu ou plusieurs. En premier lieu, l’emploi – à condition qu’il s’inscrive dans le long terme (comme c’est le cas des coopératives de travail associé et des coopératives sociales) - a un effet direct sur le développement des régions. Aucune grande recherche ne s’avère nécessaire pour comprendre que les personnes sont plus disposées à contribuer au développement régional si elles ne sentent pas leur emploi constamment menacé, si elles intègrent que l’emploi durable est la clé de la stabilité de consommateurs locaux. Nous avons présenté des cas d’entreprises restructurées en coopératives qui sont souvent devenues les principaux acteurs économiques de leurs localités, et leur maintien dans le temps est donc fondamental pour le développement local et régional (partie 2 de ce livre). Nous avons vérifié également l’impact sur d’autres activités du territoire, comme celui d’Ardelaine qui a assuré la permanence de l’école locale, de la boucherie, de l’hôtel en générant de nouvelles activités telles que la restauration et le tourisme (chapitre 1), ou Ceralep qui a permis la survie de la piscine locale et le financement du club de basket ball (chapitre 6). Par ailleurs, certaines coopératives et certains systèmes coopératifs, tels que décrits dans la partie 3 de ce livre, se spécialisent dans une offre de services qui garantissent la promotion de l’emploi dans ces territoires. C’est le cas d’Osuuskunta Toivo (chapitre 12), Vista (chapitre 14) et une partie des coopératives du consortium InConcerto (chapitre 15).

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La formation par les coopératives et les groupes coopératifs n’offre pas seulement des compétences qui leur sont utiles, mais qui sont utiles également pour le développement régional dans son ensemble. Par exemple, un nombre important d’étudiants de Spiru Haret et de l’université de Mondragon trouvent un emploi dans d’autres entreprises que les coopératives du système. Nous avons vu également que l’activité de formation par les coopératives peut impulser la création de nouvelles coopératives, start-ups, qui contribuent au développement régional. Une autre contribution des coopératives au développement régional est étroitement associée à leur ouverture au monde, une caractéristique naturelle. Nous avons vérifié que le modèle coopératif est ouvert, non replié sur lui-même, même lorsque les coopératives se caractérisent par un niveau d’intégration entrepreneuriale entre elles. Les coopératives tissent des liens innombrables avec d’autres acteurs sur les territoires sur lesquels elles sont implantées. Elles interagissent étroitement avec d’autres types d’entreprises comme en atteste le cas de Trafilcoop, dans le cadre duquel se sont nouées

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des relations de coopération étroites avec la seule autre PME importante du district (chapitre 4) et Almarina avec d’autres entreprises d’ingénierie de la région (chapitre 5). Certaines développent une relation plus singulière avec les consommateurs sur leur territoire, pensent des stratégies de marketing à long terme dans lesquelles les clients sont des acteurs d’un produit de grande qualité. C’est le cas de Ghelos (chapitre 11), La Fageda (chapitre 9) ou Ardelaine (chapitre 1). Certaines s’engagent dans des mouvements de femmes, comme Vista (chapitre 14). D’autres développent des relations avec des visiteurs, souvent issus de la même région (c’est le cas d’Ardelaine et des deux musées qu’elle gère dans le centre de la France, et de l’exploitation agricole de La Fageda en Catalogne). Plusieurs cas présentés dans ce livre reflètent un niveau particulièrement élevé de préoccupation pour l’environnement. C’est le cas d’Ardelaine, de Suma, de Ghelos et de Vista (avec le projet « Prise en charge de l’environnement »). Cette préoccupation pour l’environnement, qui se traduit en actions concrètes, émerge rapidement, s’affirme comme une tendance de plus en plus marquée du mouvement coopératif. Plus les coopératives sont concentrées sur le territoire et intégrées les unes aux autres, mieux elles peuvent contribuer au développement substantiel de leurs régions: l’exemple de Mondragon (chapitre 20) en est une bonne illustration, la région du pays basque espagnol n’aurait pas le même niveau de développement sans cet immense réseau entrepreneurial, un réseau complet, doté de toutes les infrastructures.

Pour que les coopératives puissent déployer toutes leurs potentialités en termes de stratégie à long terme, d’emploi à long terme, de coopération inter-entreprises, de résilience aux crises et de développement régional, le besoin de politiques régionales et nationales fortes pour un emploi durable est très grand, à ne pas dissocier de politiques directement favorables aux entreprises qui demeurent ancrées dans leurs territoires, dont les coopératives, c’est-à-dire une politique de développement territorial et de cohésion territoriale. Pour être véritablement efficaces, ces politiques doivent être claires, ciblées et bien coordonnées. Les politiques d’inclusion sociale, comme nous l’avons démontré, devraient être étroitement liées aux politiques d’emploi, mais aussi aux politiques d’entreprise, et devraient être axées autant sur la prévention que sur la réhabilitation. A cet égard, le modèle d’emploi durable des coopératives de travail associé offre une source d’inspiration importante aux décideurs politiques. Quant à l’utilité des financements publics pour le développement régional, il vaut

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Promouvoir les coopératives par des politiques ciblées: une démarche gagnant-gagnant

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Conclusions

la peine de mentionner que plusieurs de ces expériences ont vu le jour sous forme de simples projets avec un certain niveau de financement public (Ardelaine, Ratel, Ghelos, Vista, Ok Verkko, Le Mat, Vägen Ut!), alors que d’autres ont été substantiellement soutenues par des projets (Almarina, Spiru Haret). Tout cela semble indiquer que les financements publics peuvent engranger des succès lorsqu’ils s’appliquent à des coopératives dans le cadre de projets bien conçus. Dans la mesure du possible, des politiques qui valorisent le développement des coopératives devraient se traduire en législations précises (telles que la loi Marcora en Italie expliqué au chapitre 4, la loi française qui permet à une coopérative de créer ou de relancer une autre coopérative en participant au capital de cette dernière, comme en atteste le chapitre 8). Plus largement, l’engagement des décideurs politiques envers l’économie réelle, les emplois durables, les entreprises engagées dans des stratégies à long terme, la croissance inclusive et le développement des territoires, devraient devenir une tendance plus claire pour éviter, voire en tout cas diminuer l’impact de nouvelles crises, instabilités et non durabilités économiques. Les politiques de soutien au développement des coopératives devraient en être une partie essentielle.

Limites de ce livre et suggestions pour des recherches à venir

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Un recueil de vingt cas empiriques n’est en aucun cas la démonstration que les coopératives de travail associé et les coopératives sociales créent des emplois durables ou contribuent au développement des territoires. Les écrits sur les meilleures pratiques portent en elles leurs limitations qui leur sont inhérentes. Le dessein de ce livre n’est pas d’apporter une preuve scientifique mais d’ouvrir l’esprit. Il y a, par ailleurs, un besoin de recherche systématique à réaliser sur les sujets mis en lumière dans ce volume, tels que l’impact des emplois des coopératives sur le développement local et régional, la présence et l’intensité des institutions de soutien aux entreprises et la coopération inter-entreprises, l’intégration, et l’impact de la législation et des politiques publiques.

Promouvoir une culture d’entreprise engagée envers l’économie réelle et le développement régional La crise qui a éclaté en 2007/2008 a incarné par excellence deux tendances qui ne cessent de se contraster et qui se sont développées sous la mondialisation jusqu’à engendrer une dichotomie de plus en plus profonde: d’une part, la financiarisation,

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le fonctionnement à court terme, la spéculation, l’instabilité et l’évanescence, et d’autre part, un engagement fort vis-à-vis de l’économie réelle, du long terme, de la lutte contre la désertification économique des territoires, de la sécurité de l’emploi, de la formation à l’acquisition de compétences, de la participation des travailleurs, de l’inclusion sociale et de la durabilité économique, sociale et environnementale à long terme. Les coopératives appartiennent très fermement à ce second type aux côtés de nombreuses autres forces, PME, associations, organisations de travailleurs, centres de connaissance et de recherche, etc.

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Les vingt exemples de ce livre mettent en lumière une culture d’entreprise originale, développée au sein des coopératives et de leurs groupes, fermement engagés dans le développement de l’économie réelle, avec ouverture et inclusivité. Ce type de culture d’entreprise doit être fortement promu en Europe et dans le monde si la création et une juste distribution de richesse au niveau local et régional sont appelées à devenir une réalité globale.