Comment l'employeur doit réagir lorsqu'un salarié se plaint ...

La direction ou le service des ressources humaines constitue la clef de voûte du dispositif .... La frontière entre un management autoritaire, le stress inhérent aux ...
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Actualité Comment l’employeur doit réagir

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lorsqu’un salarié se plaint de harcèlement Par Florence Dupont-Fargeaud, et Camilla Spira, De Pardieu Brocas Maffei En 2010, d’après l’enquête Sumer (Surveillance médicale des expositions aux risques professionnels), 22 % des salariés déclaraient être confrontés à des comportements hostiles dans le cadre de leur travail. Les risques psychosociaux, et particulièrement le harcèlement moral, sont aujourd’hui au cœur de nombre de contentieux devant les conseils de prud’hommes. Le harcèlement moral ou sexuel devient également un enjeu sur le terrain pénal. Ce sujet doit donc être pris au sérieux par les employeurs. L’obligation générale de sécurité de résultat nécessite ainsi de prendre en amont les mesures nécessaires afin d’éviter de lourdes condamnations, mais également un préjudice en terme d’image et d’organisation au sein de l’entreprise elle-même. Dans un tel contexte, la gestion pratique d’un cas de harcèlement auquel peut être confronté un employeur au sein de son entreprise revêt une importance particulière.

A quel moment l’employeur doit-il agir ? L’employeur est soumis à une obligation de prévention du harcèlement et de sécurité de résultat à l’égard du salarié, conformément aux articles L 4121-1 et suivants du Code du travail. Sa responsabilité pourrait être mise en jeu s’il ne réagit pas ou agit tardivement. En conséquence, une réactivité immédiate est importante pour éviter toute aggravation de la situation, tant à l’égard du salarié se plaignant de harcèlement, qu’à l’égard de ses collègues. Réactivité signifie notamment communication. Il est courant de voir une situation se détériorer rapidement en raison de l’absence de mise en place d’une communication appropriée au sein de l’équipe dans laquelle le salarié travaille. Ainsi, il est important de rappeler aux salariés, dans une situation de crise, les ressources et les moyens dont ils disposent au sein de l’entreprise.

Quels sont les acteurs à impliquer ? Plusieurs acteurs, tant internes qu’externes à l’entreprise, doivent être mobilisés. La direction ou le service des ressources humaines constitue la clef de voûte du dispositif. Il lui appartient de mettre en place toute mesure urgente et conservatoire propre à remédier à la situation. Les RH doivent impliquer dans ce cadre : – le comité de direction, afin de démontrer leur volonté d’agir efficacement contre le harcèlement, – les représentants du personnel concernés par la santé et la sécurité des salariés, à savoir les délégués du personnel et les membres du CHSCT, s’ils sont présents au sein de l’entreprise. Enfin, les RH doivent anticiper l’intervention possible de l’inspection du travail. Certaines entreprises ont mis en place des procédures spécifiques dans le cadre d’une Charte de référence ou d’éthique ou au sein de leur règlement intérieur. Dans ce cas, il est possible qu’un médiateur ou un « garant » de cette charte soit impliqué.

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Florence Dupont-Fargeaud est associée du département social de De Pardieu Brocas Maffei depuis mars 2009, membre du syndicat des avocats en droit social (Avosial) et de l’European Employment Lawyers Association (EELA).

Camilla Spira est collaboratrice du département social de De Pardieu Brocas Maffei depuis novembre 2013 et a coécrit plusieurs articles avec Florence Dupont-Fargeaud depuis cette date.

En cas de plainte pour harcèlement dans un contexte de souffrance au travail ou de situation de crise aiguë, il peut être nécessaire de recourir à un accompagnement par des cabinets spécialisés en matière de risques psychosociaux. De plus, il apparaît opportun de prendre contact avec le médecin du travail afin de déterminer, conjointement avec lui, si des mesures transitoires adaptées à la situation individuelle du salarié doivent être prises de manière urgente (par exemple, avis d’inaptitude temporaire, aménagement de fonctions...). Il est à noter que le médecin peut d’ores et déjà être au courant de cette plainte dans la mesure où la dénonciation de faits de harcèlement est très régulièrement accompagnée d’un arrêt de travail et/ou d’une déclaration d’inaptitude temporaire.

Comment enquêter sur les faits de harcèlement ? Il est nécessaire de procéder à une enquête afin de déterminer les circonstances de faits dans lesquelles la plainte pour harcèlement est intervenue et afin de vérifier si la situation implique un cas de harcèlement. Quand bien même les faits sembleraient injustifiés à l’employeur, il est recommandé de procéder à cette enquête. En cas de doute, il est même souhaitable que l’analyse des événements soit effectuée avec l’aide d’un expert dans ce domaine. Si aucune procédure particulière n’est d’ores et déjà applicable au sein de l’entreprise, une commission d’enquête peut être mise en place. Cette commission peut procéder à l’audition de la présumée victime et du ou des présumé(s) auteur(s) de harcèlement, mais également à l’audition de salariés, éventuels témoins de ces faits. Cette enquête doit préserver la confidentialité des témoignages, les personnes auditionnées étant protégées. Il est important de s’assurer que cette enquête ne soit pas à charge et n’aboutisse pas à un quasi-interrogatoire du salarié. De plus, l’enquête doit être faite avec un représentant du CHSCT ou des délégués du personnel, le cas échéant, qui par ailleurs devront être informés et consultés.

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A la fin de cette enquête, la commission d’enquête établit un compte rendu. Elle peut rendre un avis et, éventuellement, effectuer des recommandations sur les mesures à prendre vis-à-vis de la victime et du ou des auteurs du harcèlement, ainsi que sur les mesures de prévention à mettre en œuvre.

Caractéristiques du harcèlement Si la notion de harcèlement sexuel est clairement définie dans les textes, celle de harcèlement moral est plus difficile à appréhender et laisse ainsi une large marge d’appréciation. La frontière entre un management autoritaire, le stress inhérent aux fonctions et le harcèlement moral fait l’objet de débats judiciaires réguliers. Ainsi, la Cour de cassation admet que des méthodes de management peuvent constituer des faits de harcèlement moral, sous réserve que la méthode de gestion incriminée se manifeste pour un salarié déterminé par des agissements répétés ayant pour objet d’entraîner une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel (Cass. soc. 10-112009 no 07-45.321 : RJS 1/10 no 8). Par ailleurs, sur le plan civil, le harcèlement moral est constitué indépendamment de l’intention malveillante de l’auteur des faits (Cass. soc. 10-11-2009 no 08-41.497 : RJS 1/10 no 7). En outre, le harcèlement n’est pas exclusivement le fait d’un supérieur hiérarchique. En effet, il est également reconnu de façon horizontale (envers un collègue) et de façon ascendante (un salarié envers sa hiérarchie : Cass. crim. 6-12-2011 no 10-82.266 : RJS 3/12 no 216).

Quelles mesures conservatoires peuvent être prises au cours de l’enquête ? Les circonstances peuvent exiger la mise en œuvre de mesures conservatoires avant la fin de l’enquête. L’employeur peut être amené à prononcer à l’encontre du ou des présumé(s) auteur(s) du harcèlement une mise à pied conservatoire, une affectation provisoire dans une autre équipe ou une mutation provisoire. De telles mesures nécessitent de suivre les règles applicables en matière de procédure disciplinaire et de respecter les droits de la défense. Il est néanmoins conseillé d’être prudent et de ne prononcer l’une de ces mesures que si le comportement du présumé auteur du harcèlement est de nature à aggraver la santé mentale ou physique du salarié plaignant ou à entraîner une telle lésion. En effet, si à l’issue de l’enquête, il est constaté que l’auteur présumé a été sanctionné à tort, ce dernier pourra se retourner contre l’employeur et lui réclamer, non seulement le salaire dont il aura été privé en cas de mise à pied, mais également des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi (en particulier si la mesure conservatoire a été prononcée de façon vexatoire).

discriminatoire et entraîner un risque financier supplémentaire en cas de litige.

Quelles mesures prendre à l’issue de l’enquête ? Si les faits ne sont pas avérés, il est nécessaire d’adresser une lettre au salarié qui s’était déclaré victime pour lui faire part des résultats de l’enquête et lui proposer, le cas échéant, de refaire un point lors d’un entretien. S’il est établi que les faits de harcèlement sont avérés, l’employeur a l’obligation de prendre toutes les dispositions nécessaires en vue de le faire cesser et de protéger la victime. Selon le Code du travail, tout salarié ayant procédé à des agissements de harcèlement moral ou sexuel est passible d’une sanction disciplinaire pouvant se traduire par une mutation (attention, toute modification du contrat de travail nécessite l’accord du salarié, même dans le cadre d’une sanction) ou, le plus souvent, par un licenciement, le cas échéant, pour faute grave (Cass. soc. 7-6-2011 no 09-43.113). Concernant la victime, lorsqu’elle se trouve dans une situation de détresse psychologique (dépression, tentative de suicide) en raison du harcèlement subi, il est important de déterminer avec le médecin du travail et, éventuellement, l’assistance sociale, les mesures d’accompagnement à mettre en place à plus long terme. Ainsi, des actions de suivi de soutien pourront être proposées au salarié pendant une période adaptée.

Quel risque pour l’entreprise ? La question des risques encourus par l’employeur ne doit en aucun cas être sous-estimée. La responsabilité civile de l’employeur peut être mise en cause si la victime prouve un simple manquement à l’obligation de sécurité de l’employeur et ce, même en l’absence d’accident du travail ou de maladie professionnelle. En effet, la seule constatation de l’existence d’une lésion altérant la santé mentale du salarié suffit à engager la responsabilité civile de l’employeur. Dans un pareil cas, l’employeur peut être condamné au paiement de dommagesintérêts, sans pouvoir se dédouaner au motif qu’il aurait pris des mesures en vue de faire cesser les agissements litigieux (Cass. soc. 3-2-2010 no 08-44.019 : RJS 4/10 no 348). Par ailleurs, l’employeur ou son délégataire peut engager sa responsabilité pénale si la victime arrive à prouver sa faute personnelle.

« L’employeur doit sensibiliser ses salariés aux risques de harcèlement au travail »

Par ailleurs, l’employeur peut également prononcer une mesure conservatoire à l’égard de la victime présumée, telle qu’une prise en charge psychologique immédiate. Un changement temporaire d’affectation de la victime peut être souhaitable en concertation avec elle. Toutefois, une telle mesure peut être perçue comme

Enfin, la reconnaissance d’un harcèlement peut entraîner pour l’employeur un risque d’augmentation du taux de cotisations relatif aux accidents du travail et maladies professionnelles et un risque potentiel de perte de productivité et d’atteinte à l’image et à la réputation de l’entreprise.

Comment prévenir le harcèlement ? L’employeur a une obligation de prévention du harcèlement et une obligation de sécurité de résultat à l’égard du salarié. Tout employeur est tenu d’identifier les dangers pour la santé et la sécurité des travailleurs dans le cadre du document unique d’évaluation des risques et, le cas échéant, de mettre en œuvre un plan de prévention. /

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L’employeur doit sensibiliser ses salariés aux risques de harcèlement au travail de plusieurs façons. Dans ce contexte, la diffusion de l’information est un outil essentiel pour lutter contre l’émergence et le développement du harcèlement au travail. Ainsi, l’employeur peut privilégier les actions de prévention collective, qui permettent d’agir sur les causes de la souffrance au travail, plutôt que sur ses symptômes. Il peut notamment : – affecter des moyens ou ressources supplémentaires s’il existe une surcharge de travail, – former le personnel d’encadrement à la gestion des conflits et à des méthodes de management et de communication visant à prendre en compte l’humain et son bien-être pour être efficace, – être attentif (notamment dans le cadre de la communication au sein de l’entreprise et au cours des entretiens annuels d’évaluation) aux objectifs donnés, – prévoir des acteurs identifiés (CHSCT, médecin du travail, ressources humaines, etc.) pour accueillir les collaborateurs en demande. La démarche de prévention s’attache à éviter l’apparition de formes de harcèlement, de stress et de violence en agissant sur l’organisation du travail, le management, les modes

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relationnels, la répartition des tâches et la clarification des rôles de chacun. Le défaut de mise en place de ces mesures de prévention pourrait être un élément à charge en cas de mise en jeu de la responsabilité civile et pénale de l’employeur. Ainsi, après une situation de crise, l’entreprise doit tirer les enseignements des faits dénoncés par le salarié. Le rôle de l’employeur ne peut s’arrêter au seul traitement de la situation individuelle et il doit : – suivre la situation avec les acteurs internes et externes, – identifier les éventuels nouveaux facteurs de risque, par exemple : organisation et répartition du travail, clarification des rôles, management et modes relationnels, – mettre à jour, le cas échéant, le document unique d’évaluation des risques et le plan de prévention des risques, – former à nouveau, le cas échéant, l’encadrement et/ou l’équipe au sein de laquelle la victime travaille, – revoir le cadre des futurs entretiens annuels d’évaluation et les objectifs en fonction des circonstances, – prévoir une consultation du CHSCT sur les nouvelles mesures de prévention mises en place.