Cols Bleus n°3047 avril 2016

des trafics illicites, en liaison avec les douanes et le MAOC (centre opérationnel ..... une parfaite illustration de la diversité des missions de la Marine. Comme.
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LE MAGAZINE DE LA MARINE NATIONALE

N°3047 — AVRIL 2016

RENCONTRE CAPITAINE DE VAISSEAU JEAN-LOUIS FOURNIER PAGE 28 VIE DES UNITÉS MISSION JEANNE D’ARC 2016 PAGE 32 IMMERSION À L’AFFÛT PAR 300 MÈTRES DE FOND PAGE 42

Île Longue En mouvement perpétuel

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Éditorial

Œuvre commune

© PASCAL DAGOIS/MN

O

Capitaine de vaisseau

Didier Piaton

Directeur de la publication

n en parle peu. Comme toutes les unités opérationnelles qui assurent avec succès leur mission de façon continue tout au long de l’année, la discrétion fait partie de son essence même. La base opérationnelle de l’Île Longue est, en effet, un pilier essentiel de la composante océanique de la dissuasion nucléaire française. En septembre 1970, elle accueillait son premier sous-marin. Depuis 46 ans, sous l’autorité de son commandant, ce sont quelque 2 500 civils et militaires qui y servent au sein d’une « œuvre commune » (Marine nationale, Direction générale de l’armement, Commissariat à l’énergie atomique, Service d’infrastructures de la Défense) pour une mission commune : rendre effective et

donc crédible la dissuasion depuis les océans. Si cette base est secrète par la nature de ses activités, elle produit, avec le départ en patrouille tous les deux mois environ d’un sous-marin opérationnel armé de missiles balistiques, des effets bien tangibles, déterminants dans les équilibres stratégiques actuels. Les marins de l’Île Longue illustrent la Marine « 3+1 » : intervenir, dissuader, protéger, et ceci en permanence. Issus des forces de surface, des forces sous-marines, de la force des fusiliers marins et commandos, leur excellence se décline au quotidien dans les domaines les plus divers et dans une mission qui ne souffre aucune approximation. Une excellence qui se mesure à l’aune de la puissance de frappe des sous-marins en patrouille. Ces marins peuvent être légitimement fiers de l’« œuvre commune », accomplie grâce à leur rigueur, leur enthousiasme et leurs compétences entretenues jour après jour.

LE MAGA ZINE DE L A MARINE NATIONALE Rédaction : Ministère de la Défense, SIRPA Marine Balard parcelle Est Tour F, 60 bd du général Martial Valin CS 21623 – 75509 Paris cedex 15 Téléphone : 09 88 68 57 17 Contact internet : redaction.sirpa@ marine.defense.gouv.fr Site : www.colsbleus.fr Directeur de publication : CV Didier Piaton, directeur de la communication de la Marine Directeur de la rédaction : LV François Séchet Rédacteur en chef : Stéphane Dugast Rédactrice en chef adjointe : EV1 Virginie Dumesnil Secrétaire : QM1 Jenny Belledant Rédactrice : EV1 Pauline Franco Infographie : EV1 Paul Sénard Conceptionréalisation : Idé Édition, 33 rue des Jeûneurs 75002 Paris Direction artistique : Gilles Romiguière Secrétaire de rédaction : Céline Le Coq Rédacteurs graphiques : Bruno Bernardet, Nathalie Pilant Photogravure : Média Grafik Couverture : Jean-Philippe Pons/MN 4e de couverture : Olivier Nicolas/MN Imprimerie : Roto France, rue de la Maison Rouge 77185 Lognes. Abonnements : 01 49 60 52 44 Publicité, petites annonces : ECPAD, pôle commercial – 2 à 8 route du Fort 94205 Ivry-sur-Seine Cedex – Christelle Touzet – Tél : 01 49 60 58 56 Email : [email protected] –Les manuscrits ne sont pas rendus, les photos sont retournées sur demande. Pour la reproduction des articles, quel que soit le support, consulter la rédaction. Commission paritaire : n° 0211 B 05692/28/02/2011 ISBN : 00 10 18 34 Dépôt légal : à parution

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actus 6

30 planète mer Clipperton, principes de base

32 vie des unités Opérations, missions, entraînements quotidiens. Les unités de la Marine en action

37 RH • Après une PMM, pourquoi pas une vie de marin ? • Retraite, le traitement des dossiers de pension évolue

Passion Marine 16 Base opérationnelle de l’Île Longue – En mouvement perpétuel

40 portrait EV1 (R) Emmanuel-Marie P., réserviste

42 immersion « À l’affût par 300 mètres de fond »

focus 26 La base opérationnelle de l’Île Longue : La Marine au cœur du cycle de la dissuasion

rencontre 28 Capitaine de vaisseau Jean-Louis Fournier, chef du COM Brest

46 histoire Bataille de Dunkerque, opération Dynamo : sauve-qui-peut !

48 loisirs Toute l’actualité culturelle de la mer et des marins

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instantané

© MN

LE GROUPE AÉRONAVAL : RETOUR EN MÉDITERRANÉE

Le 3 mars, le groupe aéronaval (GAN) a franchi le canal de Suez. Ce passage est une étape symbolique de ses 4 mois de déploiement qui l’ont conduit de la Méditerranée orientale au golfe Arabo-Persique. Le GAN a été une pièce maîtresse dans la lutte contre Daech par sa souplesse et sa réactivité. Il a permis d’élever le niveau de la contribution française et d’intensifier les frappes dans la profondeur. À plusieurs reprises, il a démontré son interopérabilité avec les partenaires stratégiques de la France, notamment lors de la prise de commandement de la Task Force 50. Autres nouveautés : deux frégates multimissions (Aquitaine et Provence) ont été intégrées au GAN avec leur hélicoptère de combat Caïman Marine. ainsi que l’embarcation commando à usage multiple embarcable (Écume).

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instantané

© CÉDRIC ARTIGUES/OTAN

DYNAMIC MANTA : LE MONTCALM AUX COMMANDES

L’entraînement opérationnel de lutte anti-sous-marine de l’OTAN Dynamic Manta 2016 s’est déroulé du 22 février au 3 mars au large des côtes siciliennes. Une dizaine d’unités navales et sous-marines et environ dix aéronefs appartenant aux pays de l’OTAN y participaient. Côté français, la frégate de lutte anti-sous-marine (FASM) Montcalm était accompagnée de son Lynx (34F), du bâtiment de commandement et de ravitaillement (BCR) Var, d’un avion de patrouille maritime Atlantique 2 de la flottille 23F et d’un sous-marin nucléaire d’attaque (SNA). Cette participation française permet de faire valoir l’expertise des unités de la Marine nationale dans ce domaine de lutte et de maintenir le niveau de qualification opérationnelle et d’interopérabilité mise en application sur les théâtres d’opération.

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Amers et azimut

Instantané de l’actualité des bâtiments déployés 1 OCÉAN ATLANTIQUE

DONNÉES GÉOGRAPHIQUES Source Ifremer

ANTILLES

ZEE : env. 138 000 km2

GUYANE

ZEE : env. 126 000 km2

OPÉRATION CORYMBE PHM Cdt Blaison • A Falcon 50 Mi DÉFENSE MARITIME DU TERRITOIRE PHM PM L’Her • FASM La Motte-Picquet + Lynx • Falcon 50 Ms PRÉPARATION OPÉRATIONNELLE CMT Cassiopée • BRS Altaïr • BRS Aldébaran • BBPD Styx

OCÉAN ARCTIQUE

MISSION HYDROGRAPHIQUE BHO Borda

CLIPPERTON

ZEE : env. 434 000 km2

MÉTROPOLE

ZEE : env. 349 000 km2

NOUVELLE-CALÉDONIE – WALLIS ET FUTUNA ZEE : env. 1 625 000 km2

OCÉAN ATLANTIQUE

SAINT-PIERRE-ETMIQUELON

1

ZEE : env. 10 000 km2

Antilles

TERRES AUSTRALES ET ANTARCTIQUES FRANÇAISES

Clipperton

ZEE : env. 1 727 000 km2

OCÉAN PACIFIQUE

POLYNÉSIE FRANÇAISE

4

ZEE : env. 4 804 000 km2

LA RÉUNION – MAYOTTE – ÎLES ÉPARSES ZEE : env. 1 058 000 km2

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OCÉAN PACIFIQUE MISSION ASIE E FS Vendémiaire + Alouette III DÉFENSE MARITIME DU TERRITOIRE Patrouilleur La Moqueuse

Points d’appui Bases permanentes en métropole, outre-mer et à l’étranger Zones économiques exclusives françaises

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Guyane

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46 12

AÉRONEFS

3 785

Sous-marin nucléaire lanceur d’engins (SNLE) Sous-marin nucléaire d’attaque (SNA) Équipes spécialisées connaissance et anticipation Fusiliers marins (équipes de protection embarquées - EPE) Commandos (opérations dans la bande sahélosaharienne opération Barkhane)

A

© MN

BÂTIMENTS

LE 22 MARS 2016

MISSIONS PERMANENTES

2

MARINS

MER MÉDITERRANÉE

© STÉPHANE DZIOBA/MN

OPÉRATION CHAMMAL B FAA Jean Bart + Panther • Atlantique 2 DÉPLOIEMENT HYDROGRAPHIQUE BHO Beautemps-Beaupré PRÉPARATION OPÉRATIONNELLE FAA Cassard • FLF Courbet • BCR Var CMT Lyre • FREMM Languedoc • BPC Mistral

B

2

C

OCÉAN PACIFIQUE

Mayotte

Wallis et Futuna

Polynésie française © STÉPHANE DZIOBA/MN

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© THIBAUT CLAISSE/MN

DÉFENSE MARITIME DU TERRITOIRE C PHM EV Jacoubet • PHM Cdt Bouan • FLF Surcouf + Panther • FREMM Aquitaine + Caïman Marine

OCÉAN INDIEN

La Réunion

3 Saint-Paul

OCÉAN INDIEN

NouvelleCalédonie

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MISSION JEANNE D’ARC BPC Tonnerre + 2 Alouette III • FLF Guépratte

Crozet Kerguelen

© ALEXANDRA BOIDEC/MN

TASK FORCE 150 FLF Aconit + Panther • FREMM Provence + Caïman Marine DÉFENSE MARITIME DU TERRITOIRE D Patrouilleur L’Adroit

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en images 1 16/03/2016 FREMM LANGUEDOC

La frégate multimission (FREMM) Languedoc est la troisième de la série à être livrée à la Marine et la première affectée à Toulon. Avant son admission au service actif, elle poursuivra ses essais et ses qualifications pour valider l’ensemble de ses capacités. 2 10/03/2016 RAMSÈS

Le chef d’état-major de la Marine s’est rendu sur le porte-avions Charles de Gaulle, au large de l’Égypte, pour y rencontrer son homologue égyptien, le vice-amiral Oussama Rabie. Ce déplacement s’inscrivait dans le cadre de Ramsès, un entraînement bilatéral entre la Marine nationale et les forces armées égyptiennes qui s’est déroulé du 8 au 10 mars. Cet entraînement, auquel participait le groupe aéronaval, visait à développer la coopération et à améliorer l’interopérabilité franco-égyptienne dans le domaine aéronaval.

1

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© FRANÇOIS ÉTOURNEAU/MN

3 26/02/2016 RENOUVELLEMENT DE LA FLOTTE

Le bâtiment multimission (B2M) Bougainville, seconde unité d’une série de quatre, a été mis à l’eau à Concarneau (Finistère). Des essais à la mer permettront prochainement de tester l’ensemble de ses fonctionnalités et de confirmer sa totale adaptation aux besoins militaires, en vue de son intégration à la Marine, prévue pour la fin de l’année.

actus 4 08/03/2016 DAMAN

Le bâtiment de projection et de commandement (BPC) Mistral a quitté Toulon pour mener une mission de transport opérationnel au profit des militaires français participant à l’opération de la Force intérimaire des Nations unis au Liban (Finul). Escorté par la frégate antiaérienne Jean Bart, le BPC a également eu pour mission d’assurer la relève du contingent français du mandat XXV de l’opération Daman. 5 07/03/2016 CONTRE-MINAGE

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4

Le chasseur de mines tripartite (CMT) Céphée, en mission de surveillance des chenaux d’accès du port du Havre (Seine-Maritime), a localisé une mine historique allemande de type LMB (Luft Marine Bomb) datant de la Seconde Guerre mondiale. Comptetenu du danger que cet engin représentait, les plongeurs-démineurs ont procédé à son contre-minage en mer. 6 08/03/2016 PHM CDT BOUAN

Le patrouilleur de haute mer Commandant Bouan a appareillé de Toulon pour rejoin­ dre la mer Egée où opère la force navale permanente de l’OTAN qui appuie l’action des garde-côtes grecs et turcs dans leur lutte contre les réseaux de trafics par voie maritime.

© ALEXANDRE GROYER/MN

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© SIMON GHESQUIÈRE/MN

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Dans l’entraînement interallié Cold Response

Un marin récompensé !

© MN

« Au sujet des trafics de réfugiés en Méditerranée, je rappelle que l’Union européenne a mis en place l’opération EUNAVFOR SOPHIA. Cette opération, dont l’état-major est situé à Rome, et qui a pour numéro deux un amiral français, repose sur une force d’intervention à la fois navale et aérienne pouvant intercepter les bateaux de migrants et intercepter les passeurs. Je précise que son action est limitée à la haute mer, en l’absence de l’initiative légale qui lui permettrait d’intervenir à la source. » Jean-Yves Le Drian, ministre de la Défense, lors de son audition à l’Assemblée nationale.

Prix Réserve Jeunesse 2016

FASM Primauguet

© CÉDRIC ARTIGUES/OTAN

dixit

L

A FRÉGATE ANTI-SOUS-MARINE (FASM) PRIMAUGUET ET LE PATROUILLEUR DE HAUTE MER (PHM) LV LAVALLÉE ONT PARTICIPÉ À L’ENTRAÎNEMENT INTERALLIÉ COLD RESPONSE 2016. Organisé par la Norvège et mobilisant 15 000 militaires de 14 nations, l’exercice Cold Response permet aux marines des pays membres de l’OTAN de tester leurs capacités opérationnelles, leur interopérabilité et leur habileté à travailler en groupe. Il participe également à la stratégie d’assurance de l’Alliance tournée vers les partenaires d’Europe du Nord et Centrale. Dans le volet maritime de cet exercice, attaques navales, ripostes aériennes et mesures de protection anti-sous-marines se sont combinées à un débarquement amphibie, mettant l’endurance des équipages à l’épreuve. Les postes de combat se sont succédé à toute heure du jour et de la nuit. Cold Response permet de maintenir la reconnaissance auprès des alliés des savoir-faire français, notamment en matière de lutte anti-sous-marine, tout en réaffirmant la capacité autonome d’appréciation de la France. Il permet également d’accroître les capacités des marins français à conduire des opérations combinées, de haute intensité, dans des environnements exigeants. Plusieurs unités de la Marine nationale sont régulièrement déployées en océan Arctique et en mer Baltique. Au cours de ces déploiements, ces unités participent à des entraînements interalliés, s’inscrivant dans le cadre de la planification OTAN et de leur entraînement opérationnel.

« Dans la conduite de nos opérations comme dans la préparation de l’avenir, j’ai fixé à la Marine française 6 principes. En français, ils forment l’acronyme VIPERE : la vigilance, l’interopérabilité, la permanence, l’endurance, la réactivité et l’excellence. » Amiral Bernard Rogel, chef d’étatmajor de le Marine à l’occasion de son intervention devant l’École de guerre japonaise.

L’ASPIRANT GUILLAUME Y. EST RÉSERVISTE AUPRÈS DE LA DÉLÉGATION AU RAYONNEMENT ET À L’IMAGE DE LA MARINE EN MÉDITERRANÉE (DRIM-M). Le 10 mars, à l’occasion des Assises de la réserve, il a reçu le 3e prix Réserve jeunesse pour la création, en 2011, de la première classe défense de l’académie de Grenoble. L’objectif est de faire découvrir chaque année les armées, et plus particulièrement les missions de la Marine nationale, à une quinzaine d’élèves de 3e. Jumelée avec la frégate de défense aérienne Forbin, la classe a eu l’occasion, en mars dernier, d’embarquer une semaine sur le bâtiment et de partager la vie de l’équipage. Créé en 2015 par le correspondant national de la réserve pour les actions jeunesse et égalité des chances (CNRJ), ce prix a pour but de mettre à l’honneur les actions menées par des réservistes au profit de la jeunesse française dans le cadre de l’enseignement de défense.

© FLORIAN LEDOUX/MN

le chiffre

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4 000

c’est le nombre de marins déployés en Méditerranée mi-mars.

actus

enbref

FS Prairial

Des collégiens embarqués

Remorquage de poids

LE 1ER MARS AU LARGE DE BREST, le remorqueur d’intervention, d’assis­tance et de sauvetage (RIAS) Abeille Bourbon a pris en remorque l’Emma Maersk, l’un des plus grands porte-conteneurs au monde. Il s’agissait d’un entraî­ nement piloté par la préfecture maritime de l’Atlantique qui a constitué une expérience supplémentaire pour les marins de l’Abeille Bourbon, les équipes d’évaluation et d’intervention (EEI) de la Marine, et les marins du cargo. Conduit dans des conditions de mer et de vent agitées (mer 4, vent force 5), cet entraînement a permis de coordonner les moyens, de valider l’efficacité des dispositifs de prise de remorque et la résistance des points de remorquage, ainsi que de mieux appréhender le comportement d’un navire en difficulté.

La cybersécurité à l’honneur

L

A COMINFOR 2016 S’EST TENUE À TOULON LES 8 ET 9 MARS DERNIERS, sur le thème de la cybersécurité au cœur des opérations aéromaritimes. Elle avait pour objectif de montrer comment la Marine s’organise dans ce nouveau domaine de lutte pour avoir la meilleure maîtrise possible du cyberespace, avec pour ambition d’obtenir et de conserver la suprématie informationnelle, indispensable au succès des opérations aéronavales. Inaugurée par le vice-amiral Anne Cullère, sous-chef opérations de l’état-major de la Marine dans ses fonctions d’ALCYBER, la première journée était traditionnellement dédiée aux autorités de la Marine et du ministère venues présenter leurs attentes et préoccupations dans le domaine. La suite de ces deux journées s’articulait autour de 34 conférences permettant à l’auditoire d’échanger sur des thèmes aussi variés que l’entraînement à la cyberdéfense, la démarche d’homologation, la gendarmerie maritime acteur judiciaire du cyberespace, le système d’information des armées (SIA) ou les câbles sous-marins. En parallèle une quinzaine d’ateliers de démonstration étaient tenus par des industriels de la défense sur des thématiques en rapport avec les conférences montrant les solutions techniques sur le point d’être déployées sur nos unités.

Le plan d’urgence habillement, ce sont trois mesures concrètes pour les marins : le droit au renouvellement annuel des polos de service courant qui passe de 2 à 3, la généralisation de la délivrance des survestes de sortie dans tous les magasins et sur COMH@BI et enfin la délivrance aux marins concernés des treillis T4S2 (évolution du treillis félin) et des chaussures de combat centre-Europe. Et toujours : utiliser COMH@BI, c’est simple comme un clic ! Rendez-vous sur le portail RH / Vie du marin / Conditions de vie et de travail / Tenue et uniforme.

PRIX AMIRAL LE PICHON L’INNOVATION RÉCOMPENSÉE

© MN

COMINFOR

SSF CERTIFICATION ISO 9001 VERSION 2015

© PATRICE DONOT/MN

Abeille Bourbon

PLAN URGENCE HABILLEMENT 3 MESURES DÉJÀ EN PLACE

© FRANÇOIS ETOURNEAU/MN

LE 3 MARS, LA FRÉGATE DE SURVEILLANCE PRAIRIAL, BASÉE EN POLYNÉSIE, a accueilli à son bord une centaine de collégiens issus de trois communes tahitiennes : Papara (ville marraine du Prairial), Faa’a et Taravao. Issus des « classes Défense et Sécurité globale » des trois collèges, ces élèves ont passé une journée à la mer. Une occasion unique d’apercevoir la diversité des métiers de la Marine et de connaître la vie quotidienne des marins embarqués. Les collégiens ont participé à plusieurs ateliers. Ainsi, ils ont découvert le matériel de lutte contre les incendies et les équipements de plongée. Ils ont pratiqué le secourisme de combat et découvert le langage des pavillons. Un survol de l’hélicoptère Dauphin a conclu ces présentations.

obtenus quelques semaines plus tôt face au sous-marin portugais Arpao.

La cérémonie de remise des récompenses du Prix Amiral Le Pichon s’est tenue le 10 mars au carré de la Marine à l’École militaire. Remis par le vice-amiral d’escadre Arnaud de Tarlé, major général de la Marine (MGM), ce prix récompense l’innovation, ainsi que le talent et l’investissement des marins lauréats.

SNA CASABIANCA ENTRAÎNEMENT NORVÉGIEN

En mer de Norvège, le sous-marin nucléaire d’attaque (SNA) Casabianca a retrouvé le sous-marin norvégien Utstein pour deux jours d’entraînement opérationnel. Le Casabianca a évolué en terrain hostile et a tenté de reproduire les succès

Certifié pour la première fois en 2004 sur l’ensem­ ble de ses sites en métropole et outre-mer, le service de soutien de la flotte (SSF) vient de renouveler sa certification ISO 9001 version 2015 pour une durée de trois ans. Le SSF est ainsi l’un des premiers services du ministère de la Défense à avoir obtenu cette certification dont la nouvelle version est parue en octobre 2015. Elle vient affirmer les fondements et bonnes pratiques d’un système de management de la qualité. Responsable de la maîtrise d’ouvrage du maintien en condition opérationnelle (MCO) des matériels navals, le SSF est le garant de la disponibilité technique des bâtiments de surface et des sous-marins.

JUMELAGE CMT ORION ET SÉMAPHORE DE COURONNE

Le 10 mars, le commandant du chasseur de mines tripartite Orion a officialisé son jumelage avec le sémaphore de Couronne (Martigues – Bouches-du-Rhône). Les deux unités renforcent ainsi leurs liens qui se concrétiseront lors d’échanges opérationnels au cours des missions du chasseur de mines au large de Cap Couronne mais également par de nouvelles visites, du bord ou du sémaphore, déjà programmées pour le mois de juin.

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© JEAN PHILIPPE PONS/MN

passion marine

Née avec la dissuasion océanique, la base opérationnelle de l’Île Longue permet d’assurer la mission des sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE), à savoir « tenir la posture », c’est-à-dire garantir la permanence de la dissuasion. Pour faire cohabiter sur 1,5 km2 des missiles, des têtes nucléaires, des sous-marins et l’ensemble des moyens civils et militaires nécessaires à leur entretien et leur mise en œuvre, il faut une coordination permanente et la maîtrise de technologies de pointe. Grâce à l’excellence sans cesse renouvelée de son équipage, ce « sanctuaire de la dissuasion » permet aux SNLE de remplir leur mission, tout en garantissant le plus haut niveau de sécurité et de sûreté nucléaire. Embarquez à la découverte de cette base opérationnelle hors du commun. DOSSIER RÉALISÉ PAR L’EV1 PAULINE FRANCO EN COLLABORATION AVEC L’EV2 HEDWIGE PRADEL 16 — COLS BLEUS - N°3047 N°3034

passion marine

Base opérationnelle de l’Île Longue En mouvement perpétuel

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passion marine Rencontre

© ALAIN MONOT/MN

© JEAN PHILIPPE PONS/MN

L’Île Longue : la dissuasion à terre

CV Mickaël Buhé, commandant l’Île Longue Commandant, quelle est la mission de l’Île Longue ?

La base opérationnelle de l’Île Longue assure un soutien essentiel à la dissuasion nucléaire française. Nous sommes l’avant-dernier maillon, avant le sous-marin nucléaire lanceur d’engins (SNLE), de la chaîne de la dissuasion océanique française ! Tous les deux mois environ, nous devons garantir qu’un sous-marin part en sécurité avec sa dotation de missiles nucléaires. À l’Île Longue, toutes les actions sont tournées vers ce but ultime. 2016 est une année fondamentale pour notre site avec l’entrée en service de la TNO, la nouvelle tête nucléaire océanique, les essais de tir M51 et le retour du Triomphant dans le cycle opérationnel après son adaptation au nouveau missile. Trois SNLE seront ainsi équipés du M51. Qui travaille à l’Île Longue ? Quelle est la mission de chacun ?

L’Île Longue, ce sont 2 500 personnes : 1 500 civils et 1 000 militaires dont, contrai­ rement à certaines idées reçues, seulement 18 — COLS BLEUS - N°3047

La Marine tient la posture de dissuasion depuis près de 45 ans sans disconti­nuer grâce à la permanence du déploiement en mer d’un SNLE.

50 sous-mariniers. Toutes les composantes de la Marine sont représentées. Il faut y ajouter des maîtrises d’ouvrage et un tissu industriel de 300 sociétés. Tous acteurs de la dissuasion, nous n’avons pas pour autant la même histoire, ni le même parcours, ni les mêmes rôles. Ces acteurs travaillent tous pour un seul et même objectif, mais ils ont des missions et des métiers très différents. Comment garantir la cohésion et l’efficacité de cet équipage original ?

Cette complémentarité nous rend encore plus forts et plus efficaces. La grande diversité des acteurs oblige à nous mettre régulièrement ensemble autour d’une table pour définir clairement le rôle de chacun. Ce temps passé à se comprendre permet de conduire toutes les opérations nécessaires au soutien d’un sous-marin, dans des conditions certes compliquées mais en sécurité ! Quand chacun écoute véritablement l’autre, on peut apporter plus de solutions. Nous devons entretenir une capacité d’interrogation systématique sur la conduite des actions et, en dernier ressort, la prépa-

ration aux situations d’urgence. Sécurité au travail, sûreté nucléaire et pyrotechnique, et protection de l’environnement, tout cela dans les règles du secret de la défense nationale : l’Île Longue est un lieu où l’application de multiples réglementations est contrôlée en permanence, y compris par des inspecteurs extérieurs à la Marine et au ministère de la Défense. Ainsi, 66 audits ont été réalisés sur le site en 2015 ! Au cœur de cette haute technologie, en quoi le facteur humain est-il déterminant ?

Aucun instrument, même parmi les plus sophistiqués, ne surpasse les hommes qui les mettent en œuvre. Pour cela, il faut préserver le cœur du métier tout en stimulant les progrès. Le respect des personnes, un dévouement complet pour fournir qualité et fiabilité, et un sens aigu de la responsabilité constituent ainsi nos valeurs fondamentales. Nous devons maintenir ces valeurs alors que les organismes et leurs pratiques ne cessent d’évoluer. Dans cet environnement en constante évolution, la vitalité et les compétences de chacun sont essentielles pour

passion marine

Le SNLE connecté à l’Île Longue Réseau d’électRicité civil usine haute pRessiOn

seRvice « Fluide »

statiOn d’eau industRielle déminéRalisée

Air comprimé

Azote

Eau industrielle déminéralisée

centRale électRique Île lOnGue électricité

Air respirable

Système d’armes Chaufferie

Manoeuvre de type d’air frais

Lutte incendie

Eaux réfrigérées

statiOn de pROductiOn et de distRibutiOn des eaux RéFRiGéRées

Circuits d’eau de mer

Eau de boisson

Eau de mer de réfrigération

Eau douce

Effluents

seRvice « Fluide »

Réseau d’eau de ville

usines de tRaitement

produire des résultats et trouver des moyens de progresser. J’encourage particulièrement l’esprit d’initiative nécessaire au dynamisme de l’unité. Nous devons être tenaces devant la difficulté ! In fine, mon but est que l’Île Longue offre à chacun l’opportunité de progresser et de s’épanouir dans un emploi professionnellement motivant. La cohésion naît avant tout du sentiment de fierté de tous chaque fois qu’un sous-marin part pour remplir sa mission, dans un contexte international où la dissuasion nucléaire fait intégralement partie de l’équation stratégique. Par notre implication, plus de 480 patrouilles de SNLE ont pu être réalisées depuis le début de la permanence à la mer de la dissuasion en 1972. Elle se nourrit également de la conscience de l’importance des activités conduites sur le site. Plus grande pyrotechnie d’Europe, l’Île Longue regroupe aussi des installations dont la disponibilité ne peut être mise en défaut. Dans ce contexte, la coordination s’impose assez naturellement entre tous les acteurs, sous un pilotage confié au commandant de l’Île Longue.

Risque industriel

Eaux

Boues

Effluents

Gazoil

Soutes (appoints ponctuels)

Ventilation

Dépression dynamique

Air de ventilation

GROupe mObile de ventilatiOn

Télécommunications

Réseau et téléphone

Réseaux militaiRes et civils

Rencontre avec le vice-amiral d’escadre Louis-Michel Guillaume, ALFOST

© MARC STANDFORD/MN

Baies électroniques

Manche incendie

Installations électriques

Outillage

Climatisation des locaux vie et technique

usine électRique

« Unique lien matériel entre les SNLE français et la terre, la base opérationnelle de l’Île Longue est un site d’exception à de nombreux égards. Son caractère unique et exemplaire s’illustre dans le fait qu’au sein d’un espace restreint et protégé se déroulent conjointement des activités de haut niveau technologique et de nature très différente. Entre les installations de pyrotechnie classique et nucléaire, les installations d’entretien industriel lourd pour les SNLE et leurs chaufferies, les installations de soutien… L’harmonie résulte d’un fort engagement commun. Les acteurs industriels, étatiques ou militaires sont liés et motivés au service d’une même mission exigeante : le départ à l’heure des SNLE en patrouille. L’Île Longue ne peut être ce point de départ que parce qu’elle est – et c’est ce qui fait sa spécificité – le lieu de convergence des nombreuses opérations rendant possible la permanence à la mer de la dissuasion nucléaire. Chaque opération qui y est menée est l’aboutissement d’un long processus impliquant des acteurs militaires et industriels. Point de convergence et de départ, l’Île Longue s’affirme comme l’outil indispensable à la réalisation du contrat que remplit la Force océanique stratégique depuis plus de quarante ans. »

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passion marine Dissuader

Le 25 septembre 1970, Le Redoutable, premier SNLE français, est transféré de son quai provisoire situé dans la base navale de Brest à la nouvelle base opérationnelle de l’Île Longue. Depuis cette date, celle-ci constitue le port-base des SNLE. Elle assure ainsi le soutien de ces quatre sous-marins à tous les moments de leur cycle opérationnel : retour de patrouille, posture à quai, période d’indisponibilité pour entretien (IE) ou encore certaines phases d’indisponibilité périodique pour entretien et réparations (IPER). L’Île Longue doit apporter au sous-marin un espace protégé et adapté à son stationnement et à sa maintenance et fournir sa dotation en missiles – seize missiles par sous-marin emportant chacun plusieurs têtes nucléaires à trajectoires indépendantes. Comme le souligne le commandant de l’Île Longue, « ici, depuis près de 45 ans sans discontinuer, toutes les actions sont tournées vers un seul but : assurer la première mission confiée à la Marine par la Nation, la permanence de la dissuasion ». Les femmes et les hommes de l’Île Longue, militaires et civils, participent à l’accomplissement d’une mission fondamentale pour l’indépendance et la sécurité de la France : la dissuasion nucléaire. 20 — COLS BLEUS - N°3047

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ASSURER LA PERMANENCE

1 1 Le SNLE Le Vigilant termine au bassin de l’Île Longue la période d’adaptation de son système d’armes au missile M51. Le sous-marin retournera dans le cycle opérationnel dans le courant de l’année.

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2 Rénovés récemment, les raz-débordoirs, véritables ponts d’acier sur lesquels reposent les câbles, permettent le passage de toutes les servitudes nécessaires au sous-marin à quai. Adaptés au risque sismique, ils permettent également de protéger le SNLE. 3 Manœuvre de SNLE sur le plan d’eau de l’Île Longue.

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u petit matin, alors que la brume emplit la rade, le transrade, rapide même par mer formée, est bien chauffé et les discussions y sont animées depuis le départ de Brest jusqu’à l’arrivée de ses passagers à la « cathédrale ». Là, ils retrouvent ceux qui arrivent par la route et montrent patte blanche : chacun bénéficie du droit d’accéder à telle ou telle zone de l’Île Longue selon son activité. Ici, la vigilance dans la profondeur est permanente mais progressive, de la zone vie, bleue, à la zone pyrotechnique nucléaire, rouge, en passant par la zone jaune des bassins et du commandement. Avec un seul but : faire appareiller, tous les deux mois, le sousmarin nucléaire lanceur d’engins (SNLE) qui tiendra la permanence à la mer. Immersion au cœur de la base opérationnelle de l’Île Longue.

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Une mécanique de précision

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4 La moitié des hommes et femmes qui travaillent à l’Île Longue rejoignent le site par la mer par les transrades matinaux.

Le Triomphant embarque le M51 Le 14 avril 2015, le sous-marin nucléaire lanceur d’engins (SNLE) Le Triomphant a quitté le bassin 8 de la base navale de Brest pour rejoindre la base opérationnelle de l’Île Longue. Il s’agissait de la dernière ligne droite d’une période d’entretien, de modernisation et d’adaptation au missile stratégique M51 dans le respect du principe de stricte suffisance(1). Le Triomphant était entré au bassin 8 de la base navale en août 2013 après s’être séparé de ses 16 missiles M45 et de son cœur nucléaire restés à l’Île Longue. Vingt mois plus tard, il en est ressorti avec cette nouvelle capacité d’embarquement du système d’armes de dissuasion M51. Le sous-marin est désormais doté d’un nouveau système de combat tactique SYCOBS (système de combat commun Barracuda/SNLE) et d’un nouveau système global de navigation (SGN-3E). (1) « Au plus bas niveau possible au vu du contexte stratégique », source : Livre blanc 2013.

passion marine Témoignage

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CV Thierry P., commandant l’équipage bleu du SNLE Le Vigilant

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UNE MÉCANIQUE BIEN HUILÉE

La base opérationnelle de l’Île Longue œuvre sans relâche, dans un mouvement perpétuel, à la permanence de la dissuasion. Elle assume le cycle très serré et contraint du maintien en condition opérationelle des SNLE. La mécanique est fine. Le rythme est réglé au jour voire à l’heure près. Lorsqu’un SNLE rentre de patrouille, ses deux équipages cohabitent pour que le « bis » prenne le relais de celui qui vient de rentrer de mission. Le SNLE part ensuite s’entraîner en mer avec son nouvel équipage avant une période d’indisponi­ bilité pour entretien (IE) de 8 semaines au bassin puis de nouveaux essais à la mer. À ce stade, il est prêt à prendre la posture d’alerte à quai avant d’appareiller pour la patrouille. FOURNIR LES MISSILES POUR LA MISSION

L’assemblage final des têtes nucléaires et des missiles qui les transportent est réalisé à l’Île Longue. Les étages de propul­ sion des missiles sont fabriqués par Airbus Defence and Space dans la région bordelaise, puis transportés vers la pyrotechnie de Guenvénez, à quelques kilomètres de l’Île Longue, où les trois étages constitutifs du missile sont achevés avant d’être assemblés, pour constituer un « vecteur ». Celui-ci est alors achemi­ né vers l’Île Longue. Là, au bâtiment de jonctionnement, sa partie haute, c’est-à-dire celle qui porte ses têtes nucléaires, est ajoutée au vecteur. Il devient alors un mis­ sile. Il est ensuite acheminé par voie ferrée sur plus d’un kilomètre vers l’un des deux bassins qui accueille le sous-marin auquel il est destiné. Le missile y est basculé avec précaution grâce au skip (équi­

pement de manutention permettant les opérations de chargement et de décharge­ ment des missiles M51 dans les SNLE). À la verticale, il est saisi par un système positionné sous un pont roulant qui vient le placer exactement au-dessus du tube du SNLE préparé à cet effet. Inversement, dès le débarquement des missiles d’un sous-marin – ils sont examinés en atelier à intervalles réguliers pour des contrôles périodiques –, la partie haute est séparée de la partie vecteur. DU M45 AU M51

La dernière génération de missiles, appelée M51, a été mise en service en 2010 et embarquée pour la première fois sur Le Terrible, dernier SNLE de type Triomphant conçu pour recevoir le système d’armes de dissuasion M51 dès sa construction. Le Triomphant est le troisième SNLE adapté au M51 au cours d’une IPER dite « d’adap­ tation ». Le Vigilant avait bénéficié du même traitement entre 2010 et 2013. À partir de 2016, Le Téméraire sera le dernier SNLE à bénéficier de cette adaptation. Le M51 est beaucoup plus lourd que le M45. Il a donc fallu adapter l’ensemble du site à cette nouvelle donne : adaptation des bâtiments pyrotechniques de Guenvénez, des moyens de transport, des ponts roulants des bassins, et construction du bâtiment de jonctionne­ ment. La zone de basculement à la verticale des missiles équipée de skip a également été modifiée pour s’adapter aux 53 tonnes du M51 (le M45 en pesait 36). À l’horizon 2020, l’ensemble de la Force océanique stratégique, de la base opérationnelle de l’Île Longue aux SNLE en passant par les nom­ breux maillons de cette longue chaîne, sera donc équipé d’un unique système d’arme de dissuasion.

« La base opérationnelle de l’Île Longue est tournée vers l’appareillage du SNLE. Deux équipages se relaient sur un même SNLE. Lorsque l’équipage n’est pas en charge du sous-marin, il s’entraîne à terre, à l’escadrille des SNLE (ESNLE) de l’autre côté de la rade au sein de la base navale de Brest. En début de cycle, le taux de relève de l’équipage est d’environ 35 %. Sur ce pourcentage, 10 % embarquent pour la première fois. Les 25 % restant sont des sous-mariniers aguerris qui viennent d’autres unités ou de l’état-major. La communauté des sous-mariniers étant assez réduite, la plupart des marins affectés sur SNLE se connaissent déjà, ce qui participe à la cohésion de notre équipage. Le plan de relève d’un équipage est établi finement car chacun a un rôle essentiel sur un sous-marin. Par exemple, l’adjoint et le chef ne sont jamais relevés en même temps. L’entraînement à terre dure six semaines, pendant lesquelles nous nous entraînons sur des simulateurs, qui jouent des scénarios de plus en plus complexes. Chaque poste du sous-marin est simulé : le PC propulsion, le central opérations, le PC sécurité-plongée, le système d’armes de dissuasion. Chacun est qualifié pour sa fonction et chaque équipe de quart l’est également. Ces simulateurs sont très proches de la réalité : ils permettent d’exécuter des actions irréalisables en mer ou de simuler des avaries qui ont une chance infime de se produire. Au terme de l’entraînement à terre, pendant lequel nous sommes suivis par la division entraînement de l’ESNLE, nous sommes qualifiés pour prendre en charge le bâtiment et tenir la posture. Cela signifie que nous pouvons à tout moment appareiller pour relever ou renforcer un SNLE déjà en patrouille. Cette période de posture nous permet aussi de compléter notre préparation opérationnelle en nous entraînant à quai avec le soutien de l’Île Longue ou par une courte période de mer avec le concours d’unités de la Force d’action navale et des moyens aéronautiques. »

Embarquez à bord d’un SNLE !

Découvrez le processus d’embarquement d’un missile à l’Île Longue.

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passion marine Soutenir

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’Île Longue est opérationnelle 365 jours par an, 24 h/24. Tous ceux qui y entrent ont fait l’objet d’une procédure d’autorisation d’accès particulière. C’est un site d’une étonnante complexité, maîtrisée par ses acteurs. Les compétences pointues de chacun ont permis de relever le défi de sa construction il y a plus de 40 ans et de maintenir jusqu’à aujourd’hui le plus haut niveau d’efficacité et de performance technologique. L’Île Longue est organisée comme un bâtiment à la mer : elle produit sa propre électricité ainsi que l’eau déminéralisée, l’air haute et basse pression nécessaire aux sous-marins, et elle dispose d’importantes réserves d’eau douce et de carburants. Une centaine de personnes est chaque jour de service sur le site et assure ainsi la permanence de la base opérationnelle.

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L’équipage Île Longue

Le site de l’Île Longue voit cohabiter de nom­ breux intervenants qui œuvrent tous au soutien des SNLE. Pour que les rouages tournent aisément, il faut une coordination poussée. Affectée au plateau technique de coordination, le lieutenant de vaisseau Aurélie D. œuvre au cœur de ce dispositif : « 25 000 acti­vités y sont conduites chaque année, jour et nuit. 4 500 d’entre elles nécessitent l’autorisation de plusieurs intervenants avant d’être réalisées car elles sont menées sur des installations soit sensibles soit très utilisées. Par exemple, changer une ampoule à l’Île Longue n’est pas aussi simple qu’il n’y paraît ! C’est à moi de m’assurer que l’action peut être réalisée en sécurité et sans en empêcher d’autres plus importantes. Le bassin doit être vide, sans sous-marin, et les ponts roulants doivent être consignés pour que le technicien puisse intervenir en toute sécurité. » Le LV Aurélie D. est également officier de protection sûreté nucléaire. Atomicienne, elle a notamment été affectée sur le porte-avions et a suivi une formation spécifique sur les missiles nucléaires. Cela lui permet de remplir son rôle de garante du respect des règles de sûreté nucléaire sur le site. Ce plateau planifie les travaux avec plusieurs échéances temporelles : quinquennales, triennales et trimestrielles. D’autres cellules de coordi22 — COLS BLEUS - N°3047

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LA COORDINATION DES DIFFÉRENTS ACTEURS

3 1 L’Île Longue produit l’ensemble des fluides nécessaires au sous-marin lorsqu’il est à quai. 2 Le LV Aurélie D. est chargée de la coordination des actions conduites à l’Île Longue. 3 Dans le cadre du renforcement des capacités de protection défense de la Marine, la compagnie des fusiliers marins de l’Île

Longue augmente ses effectifs pour assurer la protection et la défense du site. 4 La zone « vie » permet à l’équipage de l’Île Longue de se détendre. Les installations permettent à la fois des activités personnelles, comme ici, mais également de groupe afin de générer la cohésion et le bien-être des marins.

nation réalisent un travail similaire mais avec un maillage temporel beaucoup plus serré : la journée, ou même l’heure. Aux côtés du LV Aurélie D., qui représente la Marine et autorise finalement l’ensemble des opérations, un représentant de chaque entité est présent : CEA(1), DIRISI(2), SSF(3), SID(4), DCNS, Airbus Defence and Space et la DGA(5). « À l’Île Longue, il faut gérer successivement un mouvement missile, un démarrage de réacteur nucléaire, une livraison d’armes conventionnelles et les transports de combustible. Il faut sans cesse jouer avec les flux dans un environnement qui rassemble de nombreux acteurs aux objectifs et aux façons de travailler très différents. »

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presque 70 jours en mer, le sous-marin régénère son potentiel tout au long de son séjour à l’Île Longue. IPER ou IE, les périodes d’entretien sont plus ou moins longues, afin de maintenir au plus haut niveau le potentiel opérationnel du sous-marin. Après l’accos­ tage, l’Île Longue prend le relais, explique un sous-marinier : « L’équipage de retour de patrouille est relevé par le second équipage, c’est pareil pour le sous-marin. Quand nous arrivons à l’Île Longue, c’est véritablement la base qui prend le relais ! Tout ce que le sous-marin produisait en autonomie est apporté par des câbles qui reposent sur des raz-débordoirs pour relier les usines de production au sous-marin. »

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LA ZONE VIE

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« Le bien-être de l’individu est essentiel dans l’accomplissement de sa mission. »

une capacité maritime avec des embarcations rapides pour se déployer sur le plan d’eau de la base. En pleine expansion dans le cadre du renforcement des capacités de protection défense de la Marine, la Cifusil accueillera dans les prochains mois des effectifs supplé­ mentaires pour renforcer ses capacités. Le second maître Pierre L. est fier de participer à la mission de dissuasion. « Nous protégeons toutes les installations en permanence. C’est très intéressant d’être à l’Île Longue car les technologies et les enjeux sont de très haut niveau. Nous savons que nous participons à une mission majeure pour la France. Notre travail est facilité par le partage de l’Île Longue en différentes zones qui permettent, selon l’activité qui s’y déroule, d’en limiter l’accès aux personnes strictement nécessaires. » Ainsi, la zone vie, ou zone bleue, est accessible à tous et comprend toutes les unités de soutien. Dans la zone jaune, ou zone industrielle, sont implantés les bassins, les usines de produc­ tion d’eau ou encore d’électricité, les bureaux d’études industrielles et différentes autres entités. La zone rouge accueille quant à elle les activités pyrotechniques de la base.  LA ZONE INDUSTRIELLE

LA PROTECTION DÉFENSE DU SITE

Surveillance de la base, patrouilles dyna­ miques, terrestres et maritimes, contrôles aléatoires de véhicules, les fusiliers marins, en coopération avec la gendarmerie mari­ time, participent à la protection et à la défense en profondeur du site. La protection de l’Île Longue est un défi quotidien pour la compagnie de fusiliers marins (Cifusil) dont les marins alternent par ailleurs entraîne­ ments et déploiements opérationnels sur le territoire national, outre-mer ou à l’étranger. La Cifusil Île Longue compte une compo­ sante cynotechnie, remarquée sur le site, et

Au plus près des bassins est installé l’en­ semble des installations qui permettent de soutenir le sous-marin. Centrale électrique, groupes diesel de secours, station de pom­ page des bassins, installations de production d’eau déminéralisée, de vapeur, d’azote et d’air haute et basse pression, station de production et réseau d’eaux réfrigérées à 6 et 20 °C. Tout est produit pour que, à son arrivée à l’Île Longue, le sous-marin puisse être accueilli et entretenu dans les meil­ leures conditions. Les usines de production sont prévues pour pallier toute coupure de l’approvisionnement public. L’Île Longue peut ainsi être totalement autonome. Après

Pour garantir la continuité des activités de l’Île Longue, les marins affectés sur la base opérationnelle assurent des tours de service. Pour soutenir les hommes et les femmes qui concourent, par leur travail quotidien, au bon fonctionnement de la base opérationnelle, une zone vie leur est dédiée. Une attention particulière est accordée aux lieux de cohésion : le restaurant et le foyer ont été réunis, le bar est ouvert le soir, les installations sportives améliorées et leurs horaires d’ouverture amplifiés. Un officier marinier souligne combien ces nouveaux aménagements d’horaire étaient attendus : « Désormais, nous ne restons plus dans notre chambre le soir, nous pouvons discuter et être ensemble. » Le commandant de l’Île Longue estime que « le bien-être de l’individu est essentiel dans l’accomplissement de sa mission ». Ainsi, dans les carrés de la zone vie, les nombreux intervenants sur le site de l’Île Longue vivent ensemble, au rythme des échéances opérationnelles. (1) Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives. (2) Direction interarmées des réseaux d’infrastructure et des systèmes d’information. (3) Service de soutien de la flotte. (4) Service d’infrastructure de la Défense. (5) Direction générale de l’armement.

Retrouvez l’interview du commandant de la gendarmerie maritime à l’Île Longue.

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passion marine Entretenir et moderniser

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es chiffres sont étourdissants… Pour une IPERadaptation M51 : 30 000 matériels démontés, 1,3 million de pièces approvisionnées, 4 millions d’heures de travail… Une opération sur un SNLE peut atteindre 1 000 actions conduites par l’homme. L’Île Longue assure la maintenance des sous-marins entre deux patrouilles et l’entreposage des éléments nucléaires (têtes des missiles, combustible des réacteurs) associés. Chaque année, 25 000 actions sont conduites par les hommes et femmes de l’Île Longue pour mettre en œuvre la composante océanique de la dissuasion.

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Un site à la pointe

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À l’Île Longue, le haut niveau d’activités pyrotechniques, industrielles et nucléaires engendre inévitablement des risques, mais la base accueille l’ensemble des installations qui permet d’y faire face. Constitué de jeunes recrues, le groupement des marins-pompiers de l’Île Longue est sur tous les fronts. Les marins-pompiers s’entraînent sans cesse à intervenir sur les installations de haute technicité, ainsi qu’à bord des sous-marins présents à quai. Le groupement de marins-pompiers de l’Île Longue est bien implanté localement. Il est intégré aux moyens d’intervention locaux civils. En effet, au-delà de sa présence permanente sur la base opérationnelle, il intervient régulièrement en appui des pompiers du service départemental d’inter24 — COLS BLEUS - N°3047

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Pour une IPERadaptation M51 : 30 000 matériels démontés, 1,3 million de pièces approvisionnées, 4 millions d’heures de travail…

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vention et de secours (SDIS) du Finistère. Il faut souvent adapter les techniques d’intervention à la complexité des ouvrages d’art de l’Île Longue. Le MT David L., marinpompier, a créé le groupement d’intervention en milieu périlleux (GRIMP) pour, dit-il, « être capable d’intervenir sur les ouvrages d’art spécifiques, par exemple en cas de chute dans l’un des filets tendus entre le sous-marin au bassin et les parois du bassin. Cela requiert une agilité et une technique particulières pour être en mesure d’agir dans un tel environnement. Les installations sont complexes, tout est démesuré. »

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FAIRE FACE AU RISQUE

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Il y a près de 50 ans, la construction des bassins et de l’ensemble des infrastructures de la base opérationnelle de l’Île Longue a constitué un véritable défi technologique et industriel. À l’époque, 1 500 ouvriers ont coulé 300 000 m3 de béton et ont construit 110 hectares de plates-formes et terre-pleins. Depuis lors, en continuant à remplir sa mission au profit des SNLE, il a fallu adapter les infrastructures de l’Île Longue à l’évolution permanente des sous-marins et des missiles dans les règles imposées par les normes de sûreté et de sécurité, qu’elles concernent la pyrotechnique, le domaine nucléaire ou les conditions de travail.

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UN CHANTIER DÉMESURÉ

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passion marine

2 Le maître David L. a créé le groupement d’intervention en milieu périlleux (GRIMP) pour renforcer la capacité du groupement des marins-pompiers de l’Île Longue à intervenir sur les installations spécifiques du site.

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LA RADIOPROTECTION : UNE PRIORITÉ

L’Île Longue dispose également d’un poste d’accueil des blessés radio-contaminés (PABRC), doté des équipements sanitaires et chirurgicaux permettant la prise en charge médicale des blessés en urgence relative ayant été exposés à un risque radiologique. Afin de garantir en permanence la surveillance des activités nucléaires, l’intervention en cas d’urgence radiologique et le contrôle des règles de radioprotection, une trentaine de marins arme le service de protection radiologique du site (SPRS). Ces marins, techniciens qualifiés en radioprotection, ont

3 L’adaptation du dernier SNLE au système M51 commencera en 2016. À l’horizon 2020, l’ensemble des SNLE seront donc équipés d’un système d’armes de dissuasion rénové. 4 Chaque année, 25 000 actions sont conduites par les hommes et femmes de l’Île Longue pour mettre en œuvre la composante océanique de la dissuasion.

en premier lieu une mission de prévention auprès des travailleurs du site. Ils sont chargés de s’assurer du respect des règles de radioprotection et notamment de l’évaluation des expositions, ainsi que de l’application des consignes en matière de port des équipements de protection individuelle pour le personnel séjournant près des installations nucléaires, qu’il s’agisse des chaufferies, des missiles ou des installations de soutien. Ils assurent également une mission de soutien au profit des SNLE en analysant par exemple l’activité radiologique des circuits d’eau du réacteur. Pour garantir l’absence d’empreinte significative des activités technologiques sur l’environnement, le service prélève des échantillons d’air, de faune et de flore en divers points remarquables du site qui font l’objet d’analyses radiotoxicologiques dans des laboratoires agréés par les autorités de sûreté nationale pour la surveillance de l’environnement. Les mesures réglementaires ainsi réalisées sont reportées sur le portail grand public du réseau national de mesure de la radioactivité dans l’environnement (www.mesureradioactivite.fr). En cas d’urgence radiologique, le service apporte une capacité de gestion de crise, apte à intervenir sans délai pour conseiller et protéger les personnes exposées, en complément des services de pompiers et de santé. Pour éviter les accidents et limiter leurs potentielles conséquences, l’Île Longue maintient le plus haut niveau de maîtrise des risques dans les

Témoignage

SM Nicolas J., technicien en radioprotection

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1 C’est dans les laboratoires du SPRS que les mesures sur la faune et la flore de l’Île Longue sont réalisées. « Nous prélevons de nombreux échantillons sur le site et dans son environnement immédiat afin de vérifier que l’empreinte des activités industrielles et nucléaire est nulle. »

Les marins du service de protection radiologique du site assurent un soutien à tous les acteurs du nucléaire qui travaillent à l’Île Longue. « Auparavant spécialiste des systèmes d’information et de télécommunications (SITEL) dans un sous-marin, je suis maintenant “radiopro” pour les sous-marins et le site. La radioprotection est une branche en permanente évolution, offrant des perspectives de carrière intéressantes et un travail enrichissant. Le cours technicien en radioprotection est ouvert à tous les marins, toutes spécialités confondues. Il dure six mois à l’École des applications militaires de l’énergie atomique (EAMEA) à Cherbourg, puis nous intégrons les services radiologiques de la Marine. » Entre l’assistant en radioprotection et le technicien supérieur en radioprotection, le technicien en radioprotection est capable de réaliser des mesures sur le terrain, d’analyser des échantillons industriels et environnementaux en laboratoire, d’assurer le suivi dosimétrique des travailleurs et d’intervenir en cas d’incident à caractère radiologique. « Nous sommes capables de détecter un éventuel accident depuis l’Île Longue, sur les mesures que nous faisons. Service d’intervention, travaillant conjointement avec les marins-pompiers et le service de santé, nous conseillons aussi les autorités en cas d’incident. »

domaines de la santé, de la sécurité au travail, de la pyrotechnie et de la protection-défense. Compte tenu des réglementations appliquées et de l’excellence recherchée, seul gage de la crédibilité vis-à-vis notamment des populations riveraines, l’Île Longue et la Marine mettent en place une démarche de contrôle qualité sévère et d’audits techniques rigoureux, réalisés en interne mais également par les autorités de sûreté nucléaire nationales ou par des comités de certification compétents selon les domaines d’activité. COLS BLEUS - N°3047 —

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focus

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rencontre

« L’effort pour 2016 portera sur la défense maritime du territoire et le contre-terrorisme maritime »

Capitaine de vaisseau Jean-Louis Fournier, chef du COM Brest

Dans une zone maritime couvrant tout l’Atlantique, la Marine nationale garantit la liberté de navigation, notamment de ses sous-marins lanceurs d’engins (SNLE), dont au moins un est en permanence dilué dans l’immensité océanique. Elle protège les ressortissants et les intérêts de la France et prévient les crises. En toute fin d’interview, le CV Fournier est appelé au centre des opérations maritimes (COM) car un navire marchand a été signalé en détresse : il faut coordonner les moyens de sauvetage dans une zone de navigation particulièrement dense. du Secrétariat général pour la Mer (SGMer), il s’agit du centre des opérations maritimes. Dans ces deux champs de responsabilités, l’amiral, préfet maritime et commandant de zone maritime, conduit les opérations en mer et coordonne les actions menées par l’ensemble des administrations impliquées dans le domaine maritime. CB : Justement, quelles sont les caractéristiques et les enjeux de cette zone de responsabilité ?

© PHILIPPE SOLA/MN

CV J-L F. : La zone de responsabilité du

COLS BLEUS : Commandant, quelles sont les deux appellations du COM ?

CV JEAN-LOUIS FOURNIER : La double

appellation du COM peut être source de confusion. Dans la chaîne du commandement des opérations (sous l’autorité du chef d’état-major des armées), le COM est le centre opérationnel de la Marine. Dans la chaîne de commandement du Premier ministre et 28 — COLS BLEUS - N°3047

COM de Brest s’étend de l’océan Arctique à l’océan Antarctique. Pour conduire notre action, cette zone est divisée en quatre. L’Atlantique, de manière générale, est une zone d’échanges et de courtoisie. Les relations avec l’Amérique du Sud et du Nord sont apaisées, ce sont nos proches voisins. Au sein de cet immense océan, la zone nationale de sûreté maritime française (ZNSF) va de la Manche au Portugal, jusqu’à 600 nautiques de nos côtes. C’est notre jardin. Elle constitue le premier niveau de défense : nous avons besoin de savoir tout ce qui s’y passe. C’est pourquoi nous déployons des moyens aériens et navals, depuis la côte jusqu’en haute mer.

Toujours en Atlantique, nous opérons sur deux zones d’intérêt opérationnel. La première, le Grand Nord qui s’étend jusqu’à la mer de Barents. Là, il nous faut entretenir la liberté de navigation. La connaissance de la zone permet d’obtenir la profondeur stratégique nécessaire à notre action. Seconde zone d’intérêt, le golfe de Guinée, où nous agissons pour protéger nos ressortissants (80 000 du Sénégal à l’Angola) et nos intérêts, mais également pour aider les marines africaines à assurer elles-mêmes leur propre sécurité. CB : Quels types d’opérations

conduisez-vous ? Avec quels moyens ?

CV J-L F. : Dans ces quatre zones, nous

menons en parallèle quatre types d’opérations. Tout d’abord, nous assurons 365 jours par an la sûreté de nos sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE). C’est une tâche peu visible mais vitale. Nous garantissons que les SNLE peuvent quitter Brest et y revenir en toute sécurité. Nous conduisons ainsi une trentaine d’opérations de sûreté par an ainsi que trois à quatre opérations de sûreté majeure qui mobilisent l’ensemble des moyens de lutte anti-sous-marine (ASM) et garantissent

© THIBAUT CLAISSE/MN

© LOÏC BERNARDIN/MN

rencontre

au SNLE qu’il n’est pas pisté. La première mission, à Brest, est bien la garantie de la liberté d’action et de mouvements des SNLE. En parallèle, nous menons des opérations de connaissance et d’anticipation, dans le Grand Nord notamment, et de prévention des crises dans le golfe de Guinée. La protection de nos approches maritimes est la quatrième opération. Il s’agit d’un dispositif en couches. Le long du littoral, les 26 sémaphores interconnectés sont capables de détecter tout le trafic côtier à partir des systèmes AIS (Automatic Information System – système d’identification automatique) ou à l’aide de leurs propres radars. Grâce à Spationav, l’information est centralisée au COM de Brest. En permanence, nous sommes donc informés de la situation maritime à 20 nautiques de nos côtes. En mer, un bâtiment de la Marine est en posture permanente de surveillance maritime (PPSM) et des moyens aériens sont d’alerte pour assurer la protection de nos approches. CB : Comment se déroule la coopération entre les administrations, notamment pour le sauvetage en mer ? CV J-L F. : Le préfet maritime coordonne

l’ensemble des moyens des différentes administrations qui travaillent en mer dans sa zone de responsabilité. La protection des approches maritimes couvre principalement la prévention des trafics illicites, en liaison avec les douanes et le MAOC (centre opérationnel d’analyse du renseignement), basé à Lisbonne (Portugal) qui centralise les informations liées au trafic de drogue transatlantique. Les opérations relevant de l’action de l’État en mer sont envisagées comme des opérations militaires du fait de leur complexité. La Marine, seule, dispose des capacités à intervenir en haute mer. Fin août dernier,

© MATHIEU MULLER/MN

Grâce à la quasi-permanence du déploiement d’un bâtiment de la Marine en opération Corymbe, l’ensemble des ports du golfe de Guinée sont visités régulièrement.

Le Grand Nord est une zone stratégique où la France affirme sa présence pour garantir le libre accès aux eaux internationales.

nos moyens ont intercepté dans notre zone économique exclusive un voilier avec environ 1 tonne de drogue à bord. Parallèlement à l’action judiciaire donnant l’autorisation d’intervenir à bord, un patrouilleur de haute mer (PHM), renforcé par un groupe de commandos, a fait route vers le voilier. Son équipage s’est sabordé à sa vue. Finalement, le PHM a récolté suffisamment de preuves pour que l’équipage passe du statut de naufragé à celui de coupable. CB : Pouvez-vous dresser un bilan des

Le littoral Atlantique est une zone de transit dense où il faut sans cesse veiller à la sécurité de la navigation.

La Marine nationale a ainsi visité l’ensemble des ports francophones et travaillé avec toutes les marines riveraines. Par exemple, l’année dernière, l’un de nos bâtiments déployés en Corymbe a assuré la protection de la Marine sénégalaise qui arraisonnait un bâtiment suspecté de piraterie. Autre exemple parlant, la Marine togolaise est intervenue sur un cas de trafic de drogue grâce à des informations françaises. Enfin, s’agissant du Grand Nord, la Marine se déploie régulièrement dans cette zone depuis les années 90. Elle a armé plusieurs opérations mettant en œuvre les mesures d’assurance de l’OTAN. Les opérations ont été réalisées par un bâtiment hydrographique, un remorqueur de haute mer ou un tandem frégate et sous-marin. Elles ont permis d’améliorer notre connaissance de la zone et de garantir le libre accès jusqu’à la mer de Barents. L’effort pour 2016 portera sur la défense maritime du territoire et le contre-terrorisme maritime. Il faudra, cette année encore, assurer le bon ordre à la mer et donc répondre à tous les cas de l’action de l’État en mer, qui sont toujours impromptus. propos recueillis par l’ev1 pauline franco

opérations de l’année dernière ? Quelles sont les perspectives pour 2016 ?

CV J-L F. : Le bilan 2015 est marqué par l’abou-

tissement des plans Corymbe et Grand Nord et par le développement du concept de défense maritime du territoire (DMT) dont l’aboutissement est prévu pour 2016. La liberté d’action de nos SNLE a été garantie toute l’année, avec le concours des moyens ASM. Le vrai bilan des opérations de sûreté, c’est que personne n’en parle. S’agissant de Corymbe, chacune des quatre opérations conduites cette année a couvert une partie du plan stratégique visant à développer la sécurité dans le golfe de Guinée.

Retrouvez l’intégralité de l’interview sur www.colsbleus.fr

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planète mer

Clipperton principes de base

Propriété définitive de la France depuis 1931, l’atoll de Clipperton est une tête d’épingle perdue dans le Pacifique oriental à l’écart des grandes routes maritimes. Sa situation géographique proche de l’Équateur, sa zone économique exclusive (ZEE), son isolement, son écosystème unique et ses supposées richesses attisent bien des convoitises au point d’inciter la France à devoir étudier l’avenir de ce territoire outre-mer méconnu.

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© STÉPHANE DUGAST / MISSION PASSION 2015 - UPF

S

imple curiosité administrative ou minuscule point sur une mappemonde pour les uns, escale insolite pour les marins, Clipperton fait irruption dans le débat public. Deux mois après le sommet de la Terre (COP 21), l’île de la Passion (son nom de baptême) est d’abord, de l’avis même des scientifiques, un exemple très parlant des effets du réchauffement climatique. Pour Christian Jost, géographe, professeur à l’Université de Polynésie française (UPF), initiateur de la mission Passion 2015 et connaisseur de cet atoll après quatre expéditions in situ (et une en mars dernier avec National Geographic) : « Clipperton est aux premières loges des dérèglements climatiques de notre planète. Prenez son littoral, l’érosion rétrécit chaque année davantage la largeur de la couronne en certains endroits, tandis qu’à d’autres, au-delà des innombrables déchets charriés par l’océan, s’entassent les blocs de corail arrachés au tombant externe après avoir raboté le platier au passage. Clipperton illustre les pressions toujours plus fortes et leurs impacts sur ces fragiles écosystèmes insulaires. Il faut protéger, surveiller et valoriser cet atoll. » Une valorisation d’une possession outre-mer, dont a été chargé Philippe Folliot(1), député du Tarn, qui vient de remettre un rapport au Premier ministre Manuel Valls. Sa visite sur place l’an dernier

Située dans l’océan Pacifique Est par 10°18’ Nord et 109°13’ Ouest, Clipperton est un atoll de forme subcirculaire de 6 km² de superficie, dont environ 2 km² de terres émergées.

lors de la mission Passion 2015, la première d’un élu de la République, a permis au secrétaire de la commission de la Défense et des forces armées à l’Assemblée nationale de s’imprégner du dossier : « Vu d’hélicoptère, Clipperton est un joyau de la nature. Au

sol, le spectacle est plus désolant. C’est le réceptacle de tous les déchets humains que l’océan charrie. » En arpentant durant deux jours cet atoll en tous sens, Philippe Folliot a pu également en mesurer les richesses – comme la présence

© STÉPHANE DUGAST/MISSION PASSION 2015-UPF

planète mer

Lors de la mission Passion 2015, le député du Tarn Philippe Folliot (à gauche) s’entretient avec Christian Jost, géographe, et consultant « sciences » du rapport sur Clipperton remis à M. Manuel Valls, Premier ministre.

de la plus importante colonie au monde d’oiseaux marins que sont les fous masqués (sula dactylatra) – et ses handicaps comme son éloignement des autres territoires français (Papeete est distante de 5 500 kilomètres) ou son climat hostile : cette île est balayée chaque année en moyenne par quinze dépressions tropicales fortes ou cyclones. UN ÉCOSYSTEME MENACÉ ?

stéphane dugast

© MN

D’accès difficile à cause d’une barrière de brisants le ceinturant, l’atoll de Clipperton abrite une biodiversité étonnante. Outre une colonie d’oiseaux marins, sa faune est constituée de crabes terrestres et de rats. Quant à sa flore, qui avait disparu dans les années 2000, elle s’est fortement développée contre toute attente. Autant de changements que le professeur Jost suit avec attention : « Sur ce bout de terre battue par l’océan, les espèces s’accrochent et luttent âprement pour leur survie. La très faible biodiversité rend cette lutte et les alternances de pouvoir ou de domination d’un groupe sur un autre, plus visibles, plus lisibles. Les rats désormais dominent. » Philippe Folliot s’est lui aussi forgé de solides convictions quant à l’avenir de ce territoire ultra-marin : « Clipperton ne doit plus rester en jachère. Il est important pour notre pays de valoriser cet atoll et ses richesses, d’y exercer notre souveraineté et de planifier son avenir. Nous devons trouver des solutions viables et surtout innovantes !» Pour le député du Tarn, il faut donc penser concrètement à

construire une coopération avec certains États voisins, et surtout de penser à ses coûts de construction et d’entretien. Des revenus sont possibles comme l’application de droits de pêches pour les industriels et de taxes de séjours pour les pêcheurs amateurs et plongeurs, ainsi que la collecte de royalties via, par exemple, la philatélie, source de revenus. Ce modèle des Terres australes et antarctiques françaises (TAAF) peut faire école. Quant à l’établissement d’une base à Clipperton, il constituerait un point d’appui pour des forces militaires afin notamment d’assurer une meilleure surveillance de cet atoll et de sa ZEE réputée pour ses richesses halieutiques pour le moment allégrement pillées. Dans un avenir plus lointain, posséder une base à proximité de l’Équateur, n’est pas anodin. C’est, en effet, dans les 9 millions de km² de la zone Clarion-Clipperton (sise entre l’archipel d’Hawaï et la côte ouest du Mexique dans le Pacifique nord-est) qu’ont été identifiés des champs de nodules polymétalliques(3), ces concrétions de 5 à 10 centimètres de diamètre riches en cuivre, nickel et cobalt, tapissant les fonds marins. Implanter une base scientifique permanente à Clipperton n’est dès lors plus une idée incongrue, tant ses richesses sont à protéger et à surveiller. Se pose alors la problématique de sa rentabilité. Autant de questions sur l’avenir d’un atoll de la République française en train de s’écrire (ou pas) dans les couloirs du pouvoir à Paris grâce notamment au rapport d’un parlementaire du Tarn passionné par l’outre-mer, qui s’est appuyé sur les travaux scientifiques de Christian Jost, géographe lorrain en poste à Tahiti. Jamais l’île de la Passion n’aura aussi bien porté son nom de baptême !

C’est la biodiversité sous-marine de la ZEE de cet atoll qui attise toutes les convoitises, dont celles de pêcheurs sportifs et industriels.

l’avenir de cet atoll : « Réglons son statut juridique. Menons une action d’éclat comme une importante campagne de nettoyage des plages. À plus long terme, étudions les moyens à mettre en œuvre pour surveiller et continuer à étudier cette île et sa ZEE(2). » Pour l’heure, Clipperton n’est habitée que ponctuellement par des scientifiques, des radioamateurs, des pêcheurs, et peut-être même des trafiquants de passage.

(1) Philippe Folliot est l’auteur avec Xavier Louy de l’essai France-sur-mer : Un empire oublié paru en octobre 2009 aux éditions du Rocher. Ils ont été, cette même année, les lauréats du prix décerné par le chef d’état-major de la Marine. (2) Clipperton confère à la France une souveraineté sur une zone économique exclusive (ZEE), dont la superficie (436 000 km²) est plus vaste que celle de la Métropole (345 000 km²). (3) Riches en cuivre, nickel et cobalt, les nodules polymétalliques tapissant les fonds marins (entre 4 000 et 6 000 mètres de profondeur) pourraient constituer une ressource minérale stratégique. Leur dispersion et la variété de leur composition compliquent cependant leur exploitation.

LES RICHESSES DE LA PASSION

Observatoire idéal de l’environnement océanique et de ses mutations, Clipperton peut légitimement accueillir une base scientifique internationale permanente, à condition de

Retrouvez l’article ainsi qu’un bonus : « Clipperton, l’Île des passions » sur colsbleus.fr

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vie des unités Mission Jeanne d’Arc 2016 Larguez les amarres ! Force d'action navale aux Antilles Bilan de 18 mois d'activité opérationnelle FREMM Aquitaine Aux côtés du Charles de Gaulle IGESA 50 ans aux côtés des marins

Mission Jeanne d’Arc 2016

Larguez les amarres !

L

e capitaine de vaisseau Laurent Sudrat, commandant le bâtiment de commandement et de projection (BPC) Tonnerre et la mission Jeanne d’Arc, salue ses troupes lors du briefing activités du jeudi 3 mars 2016. Le mistral soufflait très fort à Toulon ce jour-là, mais « grâce à l’excellence des moyens portuaires, nous avons pu appareiller comme prévu », explique-t-il. LA MISSION JEANNE D’ARC 2016

« ON AVAIT HÂTE DE PARTIR ! »

La mission Jeanne d’Arc c’est aussi une pierre angulaire dans le cursus des 130 jeunes officiers qui complètent leur formation théorique en école par cet embarquement. Nouveauté majeure, le déploiement comprend pour la première fois 29 officiers-élèves sous contrat long

© PASCAL DAGOIS/MN

Minutieusement préparé, cet appareillage marque le lancement de la mission Jeanne d’Arc 2016. Pour son 7e déploiement, le groupe amphibie éponyme est articulé autour du BPC Tonnerre et de la frégate de type La Fayette (FLF) Guépratte. Pour cette mission 2016, les bâtiments sont déployés pour plusieurs mois en Méditerranée orientale, en océan

Indien, en mer de Chine méridionale et jusqu’en Océanie. Comme le rappelle le capitaine de frégate Claire Pothier, commandant le Guépratte, l’organisation en Task Group des deux bâtiments est « un challenge en soi, car elle demande une coordination de chaque instant entre deux entités séparées par un bout de mer ! » Représentation des intérêts de la France dans ces zones, approfondissement de leur connaissance, développement des coopérations interalliées et inter­ armées, soutien naval à la diplomatie et aux exportations, ce déploiement est une parfaite illustration de la diversité des missions de la Marine. Comme tout bâtiment déployé, le groupe est également en mesure, si besoin et sur ordre du chef d’état-major des armées, d’être engagé dans une opération de circonstance.

« Tout peut arriver, et il pourra vous être confié soudainement des missions importantes et périlleuses. » VAE Yves Joly(*)

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EXTRAIT DE LA LETTRE DU CV SUDRAT AUX OFFICIERS-ÉLÈVES « Une génération a passé depuis que j’ai franchi la coupée de la “Jeanne”, c’est avec ces souvenirs au cœur que je vous vois arriver, et la conviction que vous avez fait le bon choix, tant notre métier est passionnant [...]. Cette mission vous marquera à jamais. [...] vous découvrirez comment notre marine se situe, par ses multiples coopérations, dans le champ de l’action diplomatique [...] le temps des responsabilités est arrivé; il est riche et valorisant, mais aussi exigeant. [...] J’attends de vous une stature d’officier, du courage, de la ténacité, de la simplicité et même de l’humour! Vous serez d’autant plus estimé que votre positionnement sera franc, simple et rigoureux, teinté d’humilité, comme il sied quand l’expérience fait défaut. [...] Cette mission sera avant tout une belle aventure humaine. »

dit « nouvelle génération », « c’est-à-dire titulaires d’un diplôme d’études supérieures », précise l’EV2 Matthieu R. Pour eux, comme pour les 79 officiers-élèves issus de l’École navale (dont 5 internationaux), il s’agit d’acquérir une stature de chef militaire et d’expert en systèmes navals. Pour ce déploiement, 10 commis­saires des armées et 6 méde­ cins militaires à dominante Marine, ainsi que 11 officiers-élèves des affaires maritimes et 10 officiers-élèves internationaux provenant de 8 pays développent leurs compétences pratiques. Tous ont en commun une soif d’expérience à la mer et une motivation à toute épreuve pour intégrer les équipages du Tonnerre et du Guépratte. « Nous développons un esprit d’équipage à l’École navale, nous avons hâte de l’élargir aux marins des deux bâtiments ! », explique l’EV2 Alexandra A. À PEINE EMBARQUÉS, DÉJÀ OPÉRATIONNELS  !

Comme groupe amphibie, la mission comprend un détachement de l’armée de Terre composé de soldats de la 6e BLB(1), du 21e RIMa(2) et de l’ALAT(3). Pour beaucoup d’entre eux, c’est une première à bord d’un bâtiment de la Marine. Cette mission sert aussi à renforcer la connaissance réciproque des méthodes et pratiques entre les deux armées. Dès le lendemain de l’appareillage, le groupe a mené l’entraînement amphibie Jeanne 16, répétition interarmées des exercices interalliés qui seront menés tout au long de son déploiement. ev2 (r) camille formagne

(1) Brigade légère blindée. (2) Régiment d’infanterie de Marine. (3) Aviation légère de l’armée de Terre. (*) Préfet maritime pour la Méditerranée, commandant en chef de la région et de la zone maritime Méditerranée (CECMED).

vie des unités

Du 11 au 17 juin, les forces armées françaises et néerlandaises ont conduit un entraînement opérationnel interarmées bilatéral sur l’île de Saint-Martin intitulé Hurex 2015. Les militaires français et néerlandais ont reconstitué une intervention de secours auprès de la population sinistrée de l’île à la suite d’un ouragan. L’équipe médicale du bâtiment de transport léger Dumont d’Urville et des marins du bâtiment de soutien Pelikaan ont été déployés en renfort.

Force d’action navale aux Antilles

Bilan de 18 mois d’activité opérationnelle

E

n janvier 2016, les trois unités majeures de la Marine aux Antilles ont changé de commandement. L’occasion de dresser un bilan de 18 mois d’activité opérationnelle.

BÂTIMENT DE TRANSPORT LÉGER (BATRAL) DUMONT D’URVILLE

Les 18 mois de commandement du CC Vincent Calmette-Vallet ont été marqués par une activité opérationnelle intense et variée permettant de mettre en œuvre toutes les capacités opérationnelles du Dumont d’Urville. Il a notamment participé à cinq entraînements opérationnels interarmées avec le 33e régiment d’infanterie de Marine (33e RIMa). Agissant dans un cadre interalliés ou national, le Dumont d’Urville a démontré la pertinence de ses capacités de secours aux populations (transport de troupes, de matériels et de véhicules) lors d’entraînements tels qu’Hurex en juin 2015 ou encore Tchembé en décembre dernier. Le Batral a également réalisé de

• 1 base navale à Fort-de-France • 2 frégates de surveillance Ventôse et Germinal • 1 bâtiment de transport léger Dumont d’Urville • 1 remorqueur portuaire côtier Maïto • 1 patrouilleur côtier de la gendarmerie maritime La Violette basé en Guadeloupe • 2 détachements d’hélicoptère embarqué de la Marine : 1 Panther de la flottille 36F et 1 Alouette III de l’escadrille 22S

nombreuses missions de reconnaissance amphibie lui permettant d’ouvrir de nouveaux sites de plageage et d’entretenir des sites existants afin de conforter la capacité des Forces armées aux Antilles (FAA) à projeter des moyens, avec ou sans infrastructures portuaires, dans la quasi-totalité des îles des petites Antilles. Dans les îles françaises du Nord (SaintMartin, Saint-Barthélemy, la Guadeloupe et ses dépendances), le Dumont d’Urville a participé aux missions de souveraineté de la France et démontré la capacité de projection et la réactivité d’intervention des militaires basés en Martinique. FRÉGATE DE SURVEILLANCE (FS) GERMINAL

De juillet 2014 à janvier 2016, le Germinal a mené de nombreuses opérations de lutte contre le narcotrafic dans l’arc caribéen et en océan Atlantique sous les ordres du capitaine de frégate Samuel Dupont. Ces opérations spécifiques de l’action de l’État en mer constituent le cœur de métier des frégates de surveillance aux Antilles. Ainsi, 10 interceptions de navires transportant de la drogue ont été conduites par l’équipage du Germinal avec l’un ou l’autre des détachements hélicoptères embarqués (Panther de la 36F ou Alouette III de la 22S), permettant le retrait du marché européen de plus d’une tonne de cocaïne, de plus de deux tonnes de marijuana et l’arrestation de 15 narcotrafiquants présumés. Déployée en Afrique de l’Ouest d’août à novembre 2015, la frégate a égale-

Du 13 au 15 septembre, la FS Germinal a conduit la 3e édition 2015 de l’entraînement opérationnel NEMO (Navy Exercise for Maritime Operations) dans le golfe de Guinée. Le principal objectif de cet exercice multinational est d’entraîner les marines riveraines à la sécurisation du golfe de Guinée.

ment participé à la protection des intérêts français dans la zone et contribué à la diminution de l’insécurité maritime en aidant les marines africaines riveraines à renforcer leurs capacités d’action dans les domaines de la sécurité et de la surveillance maritime. Plus de 130 marins africains ont ainsi été formés par l’équipage du Germinal lors de l’opération Corymbe. Des entraînements communs ont été conduits avec cinq marines africaines et le Germinal y a représenté la Marine, la Martinique et la ville des Trois-Îlets. FRÉGATE DE SURVEILLANCE VENTÔSE

Le bilan des 18 mois de commandement du capitaine de frégate Yves-Pierre Pilfert à bord de la frégate de surveillance Ventôse se résume en quelques chiffres marquants. Des coupes sévères ont été portées au trafic de drogue dans l’arc caribéen à destination de l’Europe avec 4,2 tonnes de produits stupéfiants interceptés par le Ventôse à bord de 10 navires (5 go-fast, 1 tapouille, 1 caboteur et 3 voiliers), une saisie de près de 200 000 euros sur un navire suspecté de trafic illicite, 29 narcotrafiquants livrés à la justice et 1 réseau international de trafiquants implantés en France et en Italie démantelé à la suite d’une saisie de drogue. La frégate a également inscrit son action dans un cadre inter-administrations et interalliés avec l’embarquement régulier de personnels de l’Office central de répression des trafics de stupéfiants (OCRTIS), de la Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED), de la Direction régionale des douanes des AntillesGuyane ou encore de la Juridiction interrégionale spécialisée (JIRS) de Fort-de-France, mais également avec des actions de coopération ou des opérations conjointes avec l’agence interministérielle de lutte contre le narcotrafic aux USA – la Joint Inter Agency Task Force – South (JIATF-S), avec les US Coast Guard, les Colombiens, les Dominiquais, les Dominicains, les Canadiens.  lv marine monjardé

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© SIMON GHESQUIÈRE/MN

LA MARINE AUX ANTILLES

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vie des unités REGARD NEUF

FREMM Aquitaine

Aux côtés du Charles de Gaulle

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L’

La frégate Aquitaine a rejoint le groupe aéronaval dans le golfe Arabo-Persique avec la mission d’escorter le Charles de Gaulle.

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intégration des frégates multimissions (FREMM) Provence et Aquitaine au groupe aéronaval (GAN), déployé d’abord en Méditerranée orientale puis en océan Indien, est une étape majeure dans la montée en puissance des nouvelles capacités de la Marine. Les FREMM ont assuré, lors de l’opération Chammal, une protection de pointe du porte-avions (PA) Charles de Gaulle, notamment dans le domaine de la lutte sous la mer. La présence dans le golfe Arabo-Persique du groupe aéronaval visait bien sûr à neutraliser les combattants de l’État islamique (EI), mais aussi à pilonner les trois piliers nécessaires au fonctionnement et à l’organisation de Daech : le commandement, la régénération des forces et les moyens financiers. La FREMM Aquitaine et son équipage (140 marins) ont quitté Brest le 17 décembre 2015 pour le golfe Arabo-Persique. La frégate y a rejoint le groupe aéronaval avec la mission d’escorter le Charles de Gaulle. Jusque-là, la protection anti-sous-marine du navire-amiral était assurée par la frégate britannique HSM Kent. La FREMM l’a relevée et est venue épauler la frégate antiaérienne Chevalier Paul, ainsi que le ravitailleur Marne. « Techniquement, lorsque nous sommes avec le porte-avions, notre mission est de nous positionner à tel endroit, à tel moment, pour le protéger, lui et ses avions », explique un enseigne de vaisseau. Grâce à ses sonars parmi les plus perfectionnés, notamment le Captas 4, à son détachement composé d’un hélicoptère Caïman Marine, équipé d’un sonar trempé Flash et de torpilles MU 90, l’Aquitaine apporte la technologie la plus pointue de la Marine à l’opération Chammal. Son armement lui permet d’effectuer des missions antisurfaces, antiaériennes et antinavires. C’est là l’apport décisif de ces frégates multifonctions. « En plus des possibilités technologiques qu’apporte la FREMM, notamment en terme de furtivité, elle a la capacité de

« Les FREMM, le seul endroit du monde où l’ordinateur a renforcé l’humanité. »

le faire avec un équipage réduit. Il y a vingt ans, il fallait 300 hommes pour naviguer avec une telle frégate, aujour­ d’hui, on le fait avec moins de 100. C’est un effectif réduit mais optimisé. Comme la frégate exploite quasiment 100 % de ses capacités, cela nécessite une mobilisation et une formation très forte », résume le chef du service de lutte anti-sous-marine. Lorsque l’Aquitaine ne protège pas le Charles de Gaulle, elle réalise des missions de surveillance maritime et coopère avec les marines riveraines. Comme lors de cette journée avec la Marine koweïtienne. Au programme : une simulation d’attaques par des vedettes armées, avec procédures de menaces puis de ripostes

des affûts mitrailleurs de l’avant et de l’arrière. L’après-midi : visite d’un patrouilleur koweïtien par la brigade de protection de la FREMM. Dix marins, commandés par un enseigne de vaisseau, partent à bord d’un Zodiac en direction du navire suspect. L’opération a non seulement permis de constater l’entente entre nos deux armées, mais encore l’efficacité de telles interactions. « C’est important pour nos alliés, car ils progressent dans la maîtrise de leurs outils, et pour nous, car cela permet de répéter des exercices fondamentaux, qui doivent être connus par cœur et exécutés avec automatisme », explique le commandant en second.  ev2(r) arthur chevallier

Éditeur dans le monde civil, l’EV2(R) Arthur Chevallier a embarqué sur la FREMM Aquitaine lors de ses derniers moments dans l’opération Chammal. « Après une semaine à bord, je comprends que l’Aquitaine n’est pas seulement l’aboutissement de dix ans de transition technologique. C’est aussi et surtout le symbole d’une révolution des mentalités, qui induit une nouvelle gestion des ressources humaines, et un commandement plus attentif aux marins et des liens plus resserrés entre les officiers subalternes et leurs équipes. La FREMM, c’est le seul endroit du monde où l’ordinateur a renforcé l’humanité. » Un autre constat a frappé le réserviste : « Il y a quelques années, des maîtres d’hôtel officiaient pendant les repas. Même s’il subsiste une salle à manger pour le carré commandant, une autre pour le carré officiers subalternes et une cafétéria pour l’équipage et les officiers mariniers, la FREMM ne connaît plus de distinctions de grades pour les repas. Tout le monde se sert à la même rampe. Loin d’être un détail isolé, cette réorganisation d’un mode de vie à bord correspond à une logique d’ensemble : celle d’un équipage optimisé et rapproché. Être toujours plus opérationnel, donner la priorité à la rapidité, à la flexibilité, à la réactivité, à la simplicité pour “être toujours prêts”, pour reprendre les termes du commandant. »

vie des unités

© IGESA

© IGESA

UN JEU CONCOURS POUR LES 50 ANS DE L’IGESA

IGESA

50 ans aux côtés des marins

C

réée en 1966 pour gérer les établissements sociaux du ministère de la Défense et mettre en œuvre sa politique sociale, l’IGESA est devenue l’entité sociale la plus proche de la vie du ressortissant du ministère de la Défense. Cinquante ans plus tard, elle est toujours animée par la même volonté : œuvrer à l’amélioration du quotidien des militaires et civils de la Défense et leur proposer

des services de qualité pour les épauler dans leur vie personnelle et professionnelle. DES VACANCES POUR TOUS !

L’IGESA propose plus d’une trentaine de centres de vacances partout en France et quatre résidences hôtelières à Paris, Bourges et Toulon pour les séjours d’agrément ou pour les missions. Sans augmentation depuis deux ans, les tarifs des centres de vacances sont calculés en fonction des revenus et du nombre de personnes physiques du foyer. Enfin, l’IGESA travaille avec des toursopérateurs expérimentés et négocie des séjours en France et à l’étranger à des tarifs préférentiels. Pour les enfants, l’IGESA organise chaque année 184 sessions au sein de ses 75 colonies

de vacances en France et à l’étranger. Il existe également des « colos » pour les adolescents, afin de permettre à tous de vivre une aventure unique. En 2015, ce sont 8 331 enfants qui en ont bénéficié. Grâce à la mise en place d’une procédure d’accueil individualisée, l’IGESA permet aussi aux enfants en situation de handicap ou atteints de troubles de la santé de partir en vacances. Cette mesure a permis d’accueillir 165 enfants en 2015. DES SERVICES POUR FACILITER LA VIE

Sur tout le territoire, l’IGESA gère plus d’une quarantaine d’établissements d’accueil de jeunes enfants (crèches, haltes-garderies, structures multiaccueil…). Dans chaque structure, une équipe de professionnels de la petite enfance (auxiliaires de puériculture, agents spécialisés, infirmières…) veille au bienêtre et à l’épanouissement des bambins. L’IGESA propose également différents prêts (prêt personnel, prêt d’accession à la propriété, prêt mobilité…) pour aider le personnel à concrétiser tous ses projets. Depuis le 1er janvier 2016, le nouveau prêt intitulé « prêt habitat » est revalorisé et attribué soit pour accéder à la propriété, soit pour réaliser des travaux.

Pour son 50e anniversaire, l’IGESA a concocté des jeux concours. Rendez-vous sur www.igesa.fr et cliquez sur « À vous de jouer », à gauche sur la page d’accueil. Deux jeux sont proposés : Grand jeu concours Internet « 50 ans de l’IGESA » À gagner : une semaine pour deux au village club de Sainte-Anne, en Martinique ! Pour ce faire : – Remplir les informations personnelles et répondre aux 5 questions en feuilletant les catalogues IGESA 2016, consultables en ligne sur le site. – En bas du formulaire, inscrire le code « colsbleus ». Grand concours de dessin (6-17 ans) Un concours de dessin est également organisé pour permettre aux enfants de gagner un séjour en colo, un article sur www.igesa.fr et la publication de leur dessin gagnant dans le catalogue IGESA juniors 2017 !

© IGESA

eddy bruhat

Info www.igesa.fr

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Publicité

RH

Après une PMM, pourquoi pas une vie de marin ? Chiffres clés • 70 centres PMM en métropole, 5 en outre-mer. • 425 instructeurs, principalement réservistes opérationnels. • 2 500 stagiaires PMM en 2014/2015. • 457 jeunes se sont engagés après une PMM ou une préparation militaire supérieure (PMS) en 2015. • 250 stagiaires PMM sont sélectionnés chaque année pour suivre une formation militaire initiale du réserviste (FMIR).

© MIKAËL MAZELLA/MN

Que ce soit pour découvrir la Marine ou pour préparer un engagement comme marin d’active ou de réserve, 2 500 jeunes âgés de 16 à 21 ans intègrent chaque année les rangs des préparations militaires Marine (PMM) partout en France. Pendant un an, au rythme d’un week-end par mois et de 5 jours lors des vacances scolaires, les stagiaires PMM découvrent la Marine, ses missions, ses valeurs. Une expérience enrichissante que 15 % d’entre eux prolongent en signant un contrat dans la Marine. Explications de Simon, stagiaire PMM en 2015, aujourd’hui matelot opérations. ev1 sophie morel

SIMON, 19 ANS, MATELOT OPÉRATIONS À BORD DU PATROUILLEUR DE HAUTE MER (PHM) COMMANDANT BLAISON. Pourquoi avez-vous choisi d’intégrer une PMM ? La Marine m’attire depuis que j’ai 14 ans, alors lorsque j’ai découvert les PMM je me suis renseigné auprès des marins conseillers en recrutement du centre d’information et de recrutement des forces armées (Cirfa) de Rouen, qui m’ont expliqué les activités pratiquées. J’ai vite

compris que c’était la meilleure façon pour moi de faire un premier pas dans la Marine et de confirmer mon projet professionnel, et cela à quelques dizaines de minutes de transport de chez moi. Qu’y avez-vous appris ? J’ai intégré la PMM Amiral Durand-Viel au Havre alors que j’étais en terminale. Dans ma promotion, nous étions un peu plus d’une vingtaine. Nous avons participé à de nombreuses activités : apprentissage des règles militaires, de

Info Pour plus d’informations sur les PMM, flashez ce QR Code

navigation et matelotage. Nous avons manœuvré des petites embarcations, visité des sous-marins, appris à marcher au pas. Nous avons même passé le certificat d’aptitude au tir (CATI). Nos instructeurs répondaient à toutes nos questions et notamment à celles relatives aux métiers et aux perspectives d’avenir offertes par la Marine. C’était une belle expérience ! Au-delà de tout ce que j’y ai appris, la PMM m’a surtout permis de confirmer mon choix et mon envie de m’engager. Que faites-vous depuis la fin de votre PMM ? Tout s’est fait très rapidement. En mai 2015, j’ai achevé ma PMM. En juillet, j’ai décroché mon bac économique et social (ES). En septembre, j’ai signé un contrat de quartier-maître de la flotte (QMF) de 4 ans et suivi ma formation élémentaire métier (FEM) pour devenir matelot opérations. Grâce à mon classement, j’ai pu choisir un bâtiment qui navigue beaucoup. Depuis décembre, je suis affecté sur le PHM Commandant Blaison, actuellement déployé au large de l’Afrique de l’Ouest en opération Corymbe. Un changement de vie donc ? Effectivement, ma vie de marin est très différente de celle que j’avais au lycée il y a encore quelques mois ! À bord du Commandant Blaison, je travaille au central opérations où j’ai pour mission d’assurer la mise en œuvre des équipements électroniques de détection et d’identifier tout mouvement dans l’environnement du bâtiment. Je participe à l’entretien et aux réparations du navire. La vie embarquée, au sein d’un équipage, est très excitante. Je m’épanouis pleinement dans mon métier.

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RH

Retraite

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Le traitement des dossiers de pension évolue

Inscrit dans le cadre d’une réforme générale initiée en 2003, le traitement et la liquidation des dossiers de pension évoluent pour être intégrés par le service des retraites de l’État (SRE) tout en répondant aux obligations du droit à l’information retraite. Point de situation. lv bruno berthelot et asp manon peytavin

LA RETRAITE DANS LA MARINE Un dossier de pension de retraite suit plusieurs étapes : il est constitué par le bureau maritime des matricules (BMM) puis transmis à la sous-direction des pensions (SDP) pour être finalement pris en charge par le service des retraites de l’État (SRE). Chaque marin dispose d’un compte individuel retraite (CIR) récapitulant l’ensemble des informations conditionnant sa retraite. Ce compte regroupe des données informatiques RH issues du système d’information RH de la Marine (SIRH) « Rh@psodie » et des documents papiers conservés au BMM. Avant que le dossier de pension de retraite ne parvienne au SRE, le marin peut à tout moment modifier ses informations personnelles grâce à son service d’administration de proximité (SAP) ou son bureau d’administration des ressources humaines (BARH). Chaque marin doit conserver les pièces justificatives qui lui sont remises au cours de sa carrière (droits à NBI, mises pour emploi…) pour justifier ses droits le moment venu. 38 — COLS BLEUS - N°3047

LA LIQUIDATION PAR LE SERVICE DES RETRAITES DE L’ÉTAT L’objectif de la bascule SRE est de centraliser, automatiser et rendre plus fiable tout au long de la carrière des marins l’ensemble des données RH prises en compte dans le calcul de leur pension. La centralisation de ces informations par le SRE facilite également les échanges entre les différents régimes de retraite, dans le cas où le marin aurait cotisé à plusieurs régimes durant sa carrière. Cette liquidation par le SRE s’accompagne d’un processus de dématérialisation des dossiers et du lancement des campagnes du droit à l’information retraite (DIR), qui permettent au marin de recevoir de manière individualisée, à échéances données (35, 40, 45 ans…), un point de situation sur sa retraite. Les marins concernés par les prochaines campagnes DIR doivent prendre le temps de vérifier les documents mis en ligne sur le coin du marin, pour corriger d’éventuelles anomalies. À terme, ces documents seront disponibles sur

internet sur le site de l’ENSAP (Espace numérique sécurisé de l’agent public). La Marine met tout en œuvre pour conserver sa relation directe avec les marins lors de leur départ à la retraite et pour gérer les particularités des carrières courtes du personnel militaire, notamment en matière de DIR. LA RETRAITE ADDITIONNELLE DE LA FONCTION PUBLIQUE Entrée en vigueur au 1er janvier 2005, la retraite additionnelle de la fonction publique (RAFP) permet le versement, en plus de la pension principale, d’une prestation additionnelle de retraite qui prend en compte les primes et rémunérations accessoires versées aux fonctionnaires au cours de leur période d’activité. Jusqu’à présent, les indemnités faisaient l’objet d’intégrations exceptionnelles et ponctuelles. Un mode de financement inédit dans la fonction publique, visant à répartir la cotisation à parts égales entre le bénéficiaire et l’employeur, équilibre et assure la durabilité du nouveau système.

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Ce régime vient atténuer les effets du durcissement des conditions de départ à la retraite pour les marins. Les droits, acquis au titre du RAFP, sont convertis en points. Le cumul est ensuite revalorisé annuellement. Le marin radié des cadres ou des contrôles avant 52 ans avec droit à la pension militaire de retraite doit activer son compte en ligne avant son départ. Il devra préciser, dans le cadre de sa demande de pension, une date prévisionnelle de liquidation de la prestation RAFP, au plus tôt à 62 ans. LA CLAUSE DE STAGE Les marins engagés depuis le 1er janvier 2014 et ayant atteint deux ans de service bénéficient dorénavant

de l’ouverture d’un droit à pension à jouissance différée, à l’âge de 62 ans. Son montant est calculé sur la base du temps de service effectif hors bonifications (exemple : 2 ans de service ouvrent droit à 8 trimestres au titre de la pension même s’il y a une période d’embarquement). Pour compenser la non-prise en compte de ces bonifications, une indemnité d’activités militaires spécifiques (IAMS) a été mise en place. Un dossier de pension doit obligatoirement être constitué par le marin auprès des BARH au même titre que les dossiers de pension à jouissance immédiate. Ce dossier sera transmis vers le SRE, pour bénéficier automatiquement à l’intéressé en temps voulu.

TÉMOIGNAGES

« Le BARH, un point d’entrée pour tout futur retraité » Major Isabelle S., chef de cellule coordination du bureau de gestion des officiers mariniers et équipage de la flotte (PM2), future retraitée de la Marine démarches individuelles dont j’ai eu à m’occuper ont été de prévenir la Sécurité sociale de mon départ, ma mutuelle et prendre le rendez-vous pour ma visite médicale avant départ. Je pars fin août à la retraite mais sans quitter la Marine pour autant. Je reste dans l’univers militaire en tant que délégué administrateur Unéo bénévole et je vais effectuer des périodes de réserve. »

« Plus de transparence » LV Bruno B., chef du bureau maritime des matricules de la Marine (BMM), responsable de la bascule SRE

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fficier spécialisé de la Marine dans la filière finances/logistique et ressources humaines, je dirige le BMM où évolue l’équipe du secteur « pensions militaires » sur laquelle repose la qualité et la complétude des dossiers de pension des marins. Cette réforme démontre la volonté de transparence du ministère pour les marins. Grâce au CIR et au DIR, le marin

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près 35 ans de service dans la Marine, je peux dire que j’ai eu une belle carrière. J’ai su en octobre 2015 que je quitterai la Marine. Je me suis donc orientée vers mon BARH dès décembre 2015 pour récupérer un dossier de demande de pension que j’ai complété avec mon acte de naissance et mon livret de famille. Les seules autres

aura accès à toutes ses informations personnelles en temps réel. Ce nouveau schéma impose des délais stricts à respecter : le marin doit déposer sa demande au moins six mois avant la date de cessation de l’état de militaire afin d’éviter une rupture entre sa dernière solde et sa première pension. »

Pour en savoir plus sur les retraites de la fonction publique et créer son compte en ligne.

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portrait

EV1 (R) Emmanuel-Marie P. Civil : Chargé de mission au Cluster

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maritime français. Réserve : Chef du Centre préparation militaire Marine (PMM) Amiral Aube de Troyes

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Son parcours

Meilleur souvenir

Octobre 2007 : Intégration de la préparation militaire supérieure (PMS) Marine « état-major » – Promotion Castex. Août 2008 : Stage à l’état-major de la Marine (EMM) – premiers travaux sur la piraterie. Janvier 2010 : Prise de fonction au bureau Stratégie et Politique – notes juridiques, politiques et économiques. Mai 2012 : Instructeur au centre PMM Amiral Aube comme bénévole volontaire. Septembre 2013 : Prise de fonction comme chef du centre PMM Amiral Aube.

Parcours d’aguerrissement Mai 2015, « période bloquée » à Toulon. C’est le moment tant attendu du parcours d’aguerrissement. Un unique mot d’ordre pour toute la PMM : « Encadrants et stagiaires : nous formons un seul équipage, personne derrière.  » À l’issue du parcours dans lequel les stagiaires s’étaient donnés à fond, le moniteur sport de la Force d’action navale (FAN) fait le débriefing : « Vous êtes meilleurs que certains équipages. » Une fierté pour ces stagiaires qui avaient compris ce que signifie avancer ensemble, encourager les forces de chacun. Certains sont aujourd’hui dans la Marine.

portrait

Son unité

PMM Amiral Aube accueille en moyenne 50 stagiaires pendant 8 week-ends sur le site (Air) de Prunay-Belleville et 1 semaine à Toulon. Grâce aux cours, au sport, à la vie en commu­nauté et aux responsabilités confiées, les stagiaires comprennent que pour progresser, ils doivent avancer ensemble. Les voir si motivés, même le dimanche matin à 6h30, offre une magnifique leçon sur la force de la jeunesse actuelle, et témoigne d’un engagement fort lors des cérémonies à Troyes et dans les villes où la PMM est la seule unité de la Marine présente.

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ne PMM, c’est la possibilité offerte par la Marine à des jeunes de toutes origines sociales, familiales et scolaires, de découvrir la Marine et l’esprit d’équipage. De 16 à 21 ans, des filles et garçons, volontaires, suivent une formation militaire, maritime et humaine. Pour certains d’entre eux, ce sera une simple découverte. Pour d’autres, cette expérience les confortera dans leur volonté d’intégrer la Marine. Depuis 12 ans, en ChampagneArdenne, la PMM Amiral Aube, parrainée par le sous-marin nuclé­ aire d’attaque (SNA) Améthyste,

relations publiques. » Durant cet ESR un autre poste lui a été proposé : celui d’instructeur PMM. « Je l’ai accepté car j’avais déjà eu des expériences similaires et je crois en la force de la jeunesse, ce qui se confirme dans la PMM. » Avec un encadrement composé de réservistes dont certains issus d’active, l’assemblage de compétences permet de transmettre expériences et passion à des jeunes qui auront ainsi de véritables atouts pour leur futur, dans la Marine ou vers d’autres horizons. Grâce aux PMM, la Marine peut montrer, dans des régions éloignées du littoral, que la France est une puissance maritime. Ces structures permettent de former et recruter des jeunes sur le socle de l’esprit d’équipage. « Depuis huit ans, mon parcours professionnel très maritime et mes ESR se nourrissent mutuellement, dans les analyses, la transmission ou le rayonnement. Ces engagements complémentaires me permettent de mesurer le rôle et la richesse des liens entre la Marine et la société civile. Mon engagement dans la réserve est une conviction : celle que la mer est l’avenir de notre pays. » ev1 virginie dumesnil

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a mer, c’est son quotidien, aussi bien au Cluster maritime français que dans ses autres activités, engagements associatifs ou temps libre… « La réserve répond d’abord à cette passion forgée durant mon enfance non loin de la rade de Brest. Ce sont également des valeurs, et notamment une qui m’a guidé des études jusqu’à aujourd’hui : l’intérêt général. » Emmanuel-Marie n’appartient pas à la génération du service militaire et aucun membre de sa famille n’est militaire. Les armées n’étaient pas une évidence. Il a suivi un parcours littéraire puis de juriste. La réserve était une façon pour lui de servir, autrement. C’est pourquoi il a complété son cursus universitaire par la préparation militaire supérieure (PMS) État-major. « À l’issue de ma PMS, j’ai eu la chance de travailler à l’état-major de la Marine (EMM) durant l’été, une expérience déterminante. Je venais d’être recruté au ministère de la Défense comme chercheur sur les sujets maritimes et navals, en lien très étroit avec l’EMM. J’ai donc signé un engagement à servir dans la réserve (ESR) au Bureau Stratégie et Politique, trois années à produire des analyses et faire des

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immersion

« À l’affût par 300 mètres de fond » Grâce à leur polyvalence et leur souplesse d’emploi, les sous-marins nucléaires d’attaque (SNA) sont une composante essentielle de la Marine et des Forces armées françaises. Ils font peser une menace permanente par leur capacité à rallier rapidement un théâtre d’opérations et à y rester longtemps, discrètement ou, si nécessaire, plus ostensiblement, pour traquer un bâtiment ennemi, délivrer des armes contre des cibles – sous-marins ou bâtiments de surface –, mettre en œuvre des forces spéciales, recueillir du renseignement. Les six SNA de la Marine sont conçus pour naviguer 220 jours par an. Pour garantir une disponibilité opérationnelle suffisante, ils sont armés par deux équipages : un rouge et un bleu, qui se relaient tous les trois mois environ. Embarquez avec l’équipage rouge du SNA Rubis.

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1 1 Le poste de conduite de la navigation et des opérations (PCNO) constitue, avec le poste de conduite de la propulsion (PCP) situé en tranche arrière, l’un des points névralgiques du sous-marin. Grâce aux différents sonars,

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l’équipe de quart élabore la situation tactique autour du Rubis pour assurer la navigation en toute sécurité et mener les opérations qui lui sont confiées.

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ASP PAGUIEL KOHLER

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immersion 2 Le central opérations (CO) est armé en permanence par un maître de central, un servant de pupitre placé devant le tableau de sécurité plongée, et un barreur qui « pilote » le sous-marin. 3 Au petit matin, le commandant et ses principaux adjoints assistent au briefing dans le carré officier. Y sont présentés les activités, l’environnement général et le renseignement sur la zone, ainsi que les éléments logistiques. 4 Les trois repas quotidiens rythment la vie si particulière des sous-mariniers. Ils permettent d’entretenir la cohésion d’un équipage soudé où chacun compte et sait qu’il détient une part de la sécurité et de la survie de tous.

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5 Entre deux séquences, le commandant profite du calme pour anticiper et planifier. Il prépare ainsi les activités à venir en prenant en considération les informations reçues pendant le briefing.

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immersion 1 « Top la vue ». La reprise de vue est une phase délicate pour le sous-marin. Il lui faut remonter à 16 mètres sous la surface de la mer pour hisser les périscopes et ses mâts de télécommunications.

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3 En lien direct avec le PCNO, le poste de conduite de la propulsion est armé par un ingénieur de quart et par trois opérateurs, autonomes, chargés du réacteur, de la distribution électrique et de la propulsion.

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2 Les équipages entraînés et qualifiés endurent parfois jusqu’à plus de quarante jours en continu sous la mer. La pratique du sport reste essentielle lors de longs déploiements. Le moindre espace, telle que la tranche où sont stockées les torpilles, devient une salle de sport improvisée.

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4 À l’arrière du sous-marin se trouve une grande partie des auxiliaires et installations (bouilleurs, usine électrique, turbo alternateurs, station d’huile…). Tous reposent sur des berceaux suspendus pour éviter les vibrations et donc l’émission de bruit. Les rondiers veillent au bon fonctionnement des installations et à l’étanchéité de la coque, jusque dans la cale.

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5 « Pour exercice, fort dégagement de fumée en tranche Delta. » Pour préparer l’équipage à lutter efficacement contre les sinistres potentiels, de nombreux exercices sont organisés. Un dégagement de fumée dans un sous-marin peut polluer en quelques minutes tout l’air disponible à bord. Ainsi, chaque sous-marinier garde en permanence avec lui un masque raccordé à un réseau d’air indépendant. 6 Les SNA disposent de 4 tubes lance-torpilles de 533 mm qui peuvent lancer des torpilles de lutte antinavires et anti-sous-marines ou des missiles Exocet à changement de milieu. Ils peuvent également mouiller des mines.

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7 La bonne santé de l’équipage est un élément primordial. L’infirmier du bord, « le sorcier », effectue chaque jour des contrôles de routine. Son rôle est extrêmement important, puisqu’une évacuation sanitaire obligerait le sous-marin à remonter à la surface, et donc à rompre le cours de sa mission.

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histoire

Bataille de Dunkerque

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Opération Dynamo : sauve-qui-peut !

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L’ « Opération Dynamo », c’est le nom de code de la bataille de Dunkerque livrée par les armées française et britannique, fin mai-début juin 1940, contre l’armée allemande. Neuf jours de combats nourris par un déluge de feu depuis la terre, la mer et les airs.

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e 20 mai 1940, la situation est désespérée pour les troupes alliées, la Wehrmacht est parvenue à les couper en deux, et pire à les encercler. Entre les mâchoires de cette tenaille : un million de soldats français, belges et britanniques pris au piège. Le 24 mai, les Allemands en nette supériorité peuvent fondre sur leurs ennemis, mais un ordre impératif du général von Rundstedt, étrangement confirmé par Hitler, les stoppe, et ce jusqu’au 27 mai. Une aubaine pour les Alliés qui se regroupent en

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hérisson pour tenir pied à pied un corridor s’étendant de la région lilloise à Dunkerque, soit une poche d’une centaine de kilomètres de profondeur et d’environ quarante de largeur. L’objectif est clair : regrouper les troupes dans une poche allongée et ouverte sur la mer. Les Français misent sur une contre-attaque à l’inverse du général Gort, qui préfère évacuer les troupes britanniques vers les ports de la Manche. Le 28 mai, Londres est mis devant le fait accompli mais confirme la décision du chef du corps expéditionnaire de rembarquer depuis

Dunkerque. Ainsi abandonnées sur l’une de leurs ailes, les troupes belges du roi Léopold III capitulent. Fureur de Londres et de Paris. Décision est prise de regrouper les unités et éléments des armées françaises à Dunkerque pour en assurer la défense. Côté britannique, le vice-amiral Bertram Ramsay installe son quartier général dans une cave du château de Douvres où a jadis fonctionné un groupe électrogène. D’où le nom de baptême de cette opération : « Dynamo ». Ce même jour, le corridor se rétrécit sur le terrain comme une peau de chagrin. Devant la puissance de feu ennemi, les Français sont contraints de se replier sur Dunkerque pillonée par l’aviation allemande. La défense se fait plus difficile d’heure en heure. Les Britanniques

n’apportent plus vraiment leur aide pour les combats au sol, ils ont déjà embarqué leur artillerie et la défense contre aéronefs (DCA). Les bombardements sont ininter­ rompus. LE MIRACLE DES PETITS BATEAUX

Sur les quais et au large, les opérations d’embarquement des troupes s’effectuent dans la panique. Les morts sont nombreux, autant à cause du feu de l’ennemi que des noyades. Pour évacuer, les « Brits » ont rassemblé, en un temps record 42 bâtiments de la Royal Navy, ainsi qu’une armada de navires réquisitionnés pour traverser la Manche : une flotte hétéroclite d’environ 700 bâtiments constituée de ferries, de chalutiers, de remorqueurs, de péniches, de yachts et d’embarcations encore plus modestes, les little ships(1) (370 équipés tout au plus de deux mitrailleuses). Il a fallu ensuite organiser cette « noria ». Entre Dunkerque et Douvres, la route la plus directe est la route « Z », longue de 60 kilo­ mètres, mais elle est à portée des canons allemands à la hauteur de Calais. La route « Y » évite ce risque mais met Dunkerque à 130 kilomètres de Douvres ; qui plus est, elle constitue un terrain de chasse pour les vedettes lance-torpilles de la Kriegsmarine. La voie la plus praticable est la route « X », longue de 80 kilomètres mais qui ne sera toutefois déminée que tardivement. Le principal danger vient surtout des airs. Le 29 mai par exemple, 400 bombardiers allemands, protégés par 180 Messerschmitt, ont méthodiquement pilonné Dunkerque, tout en mitraillant les plages sans oublier de bombarder les bâtiments croisant au large. Ce jour-là, le bilan des pertes est tellement lourd que l’amirauté décide d’arrêter l’opération. Ce sont au total, près de 250 embarcations qui ont été envoyées par le fond, dont les contre-torpilleurs de la Marine Jaguar et Chacal, les torpilleurs Bourrasque, Siroco et l’Adroit. Les dégâts auraient pu être pires sans le plafond des nuages, souvent très bas. De surcroît, la fu­ mée des incendies a considérablement gêné la Luftwaffe. En mer, c’est la débandade. Il y a trop d’hommes et pas assez de bâtiments. Pour évacuer, il faut soit rejoindre un navire accostant le môle du port (une avancée de 1 500 mètres dans la mer), soit rejoindre la plage et avancer en file indienne jusqu’à une embarcation légère qui fait le va-etvient entre le rivage et le bâtiment au large. Malgré ces conditions rudimentaires, les opérations d’évacuation vont s’intensifier grâce notamment à l’aide de l’aviation britannique, la RAF. Le 4 juin 1940, 3 h 20,

2 1. Parce que les troupes britanniques, françaises et belges sont coupées de leurs arrières par l’armée allemande, les Alliés vont évacuer par voie maritime depuis les plages et le port de Dunkerque entre le 26 mai et le 3 juin 1940. Cette évacuation de Dunkerque est connue outre-Manche sous le nom de code « Opération Dynamo ». 2. Les pertes sont avant tout matérielles pour les Britanniques. Côté français, 35 000 soldats assurant la défense de cette opération que l’on n’appelle pas encore « amphibie » seront capturés. Ils auront permis l’évacuation de quelques 340 000 hommes, dont plus de 123 000 Français.

le Shikar quitte le môle pour sa dernière rotation, laissant à terre 40 000 soldats qui continuent de combattre. DUNKERQUE CAPITULE !

Le lendemain, les Allemands pénètrent dans une ville en ruines au-dessus de laquelle ils font flotter le drapeau à croix gammée. Ainsi s’achève l’opération Dynamo qui a permis d’évacuer sur une mer d’huile près de 340 000 combattants (dont 123 000 Français) en neuf jours. Malgré le succès de l’opération, tous les équipements lourds et les véhicules alliés ont dû être abandonnés(2). Pire, 35 000 soldats (des Français en majorité) sont fait prisonniers par la Wehrmacht. Parmi eux, des soldats qui ont protégé l’évacuation jusqu’au dernier moment et qui n’ont pas pu embarquer. Cet héroïsme des soldats français va être occulté, car les heures les plus sombres de notre République vont, en effet, bientôt résonner. Pour les Britanniques,

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histoire

cette opération est considérée comme une réussite, censure en temps de guerre oblige. Les combattants de Dunkerque sont trai­ tés en vainqueurs et non en vaincus. Seul Winston Churchill tempère les ardeurs, rappelant que « les guerres ne se gagnent pas avec des évacuations » aussi héroïques soient-elles. Cette épreuve a cependant façonné dans l’esprit collectif so british « l’esprit de Dunkerque », symbolisant la capacité de cette nation à se rassem­ bler et à surmonter l’adversité. Malgré la perte d’équipements et de matériels, la Grande-Bretagne a sauvé la majorité de ses soldats qui seront affectés à sa défense avant d’être déployés, la menace passée, en Outre-mer, au Moyen-Orient et sur d’autres théâtres. Ces soldats formeront le noyau des armées de retour sur les plages normandes en juin 1944. Quant aux Français évacués, ils ne vont séjourner que quelques semaines outre-Manche avant d’être transférés en France… avant l’armistice. Aujourd’hui, tous les historiens s’accordent à dire que cette évacuation « à la sauve-qui-peut ! » a sauvé le Royaume-Uni d’une invasion nazie face à laquelle ce pays n’aurait vraisembla­ blement pas pu résister malgré la puissance de feu de sa Navy et de son aviation. Cet épisode méconnu de l’histoire constitue la toile de fond du prochain film de Chris­ topher Nolan (Memento, The Dark Knight, Inception). Pour les besoins de son prochain long métrage Dunkirk (sur grand écran à l’été 2017), sa production compte utiliser le Maillé-Brézé, le dernier escorteur d’escadre de la Marine (encore à flot) amarré depuis 1988 dans le port de Nantes. Un nouvel éclairage sur l’une des opérations d’évacua­ tion les plus importantes de toute l’histoire militaire. Un inimaginable succès au cœur d’une défaite humiliante, là est tout le pa­ radoxe de cet épisode clé de l’histoire de la Seconde Guerre mondiale, dont on a fêté au printemps dernier les 75 ans. stéphane dugast

(1) Les fameux « petits navires de Dunkerque », dont le plus petit est un bateau de pêche de 4,6 m de long opérant sur la Tamise et exposé aujourd’hui à l’Imperial War Museum. Le « miracle des petits bateaux » reste présent dans la mémoire populaire en Grande-Bretagne. (2) Quelques chiffres : 2 500 canons, près de 65 000 véhicules et 20 000 motocyclettes, 377 000 tonnes d’approvisionnements, plus de 68 000 tonnes de munitions et 147 000 tonnes de carburant…

Retrouvez l’article, les chiffres clés, ainsi qu’une bibliographie et filmographie complète de la bataille de Dunkerque sur colsbleus.fr

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loisirs Musique

Livres

Cinéma

Expos

Il est minuit, monsieur K Voyage au bout de la nuit

Spectacle

le saviezvous ? Pavillon (épisode 1)

PRIX GONCOURT DE LA NOUVELLE AVEC PREMIÈRE PERSONNE DU SINGULIER EN MAI 2015, PATRICE FRANCESCHI  REVIENT SUR LE DEVANT DE LA SCÈNE LITTÉRAIRE. C’est d’ailleurs lors d’un embarquement sur le Batral La Grandière, en mission dans les îles Éparses, que l’écrivain de Marine a achevé l’écriture de ce roman. Un huis-clos mettant en scène deux protagonistes : Monsieur O et Monsieur K, deux agents de la Centrale, qui s’affrontent pour la possession d’un dossier Alpha explosif. Même unité de temps (une nuit) et de lieu (un bar perdu dans le sud de Madagascar). Ce roman ressemble à s’y méprendre à une pièce de théâtre. Outre les ressorts dramaturgiques habituels, Patrice Franceschi égrène ses réflexions philosophiques sur la place de la vérité, du mensonge et leurs corollaires. L’écrivain pousse même le bouchon jusqu’à éviter de dissocier le bien du mal, offrant ainsi une vision du monde aux antipodes du manichéisme ambiant. Un roman haletant. Une nouvelle fois, Monsieur F. fait mouche ! Il est minuit, monsieur K, Patrice Franceschi, Éditions Points, 191 pages, 12 €.

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Sur les bâtiments de la Marine à quai, le pavillon national est arboré chaque jour entre la cérémonie des couleurs du matin et celle du soir. Le matin, il est « envoyé » en présence de tout l’équipage lors de « l’appel ». Le soir, il est « rentré » par le personnel de service. À la mer, il est hissé en permanence au mât de pavillon arrière. Défini par le décret du 27 pluviôse an II (15 février 1794) grâce aux dessins du peintre David, les trois couleurs de notre pavillon national ne sont pas d’égale superficie : le bleu représente 30 % de la surface, le blanc 33 % et le rouge 37 %. Un rapport différencié des trois couleurs afin d’obtenir un effet visuel d’égale largeur lorsqu’il flotte à la mer. Notons que le pavillon est le même que celui hissé à terre (que les terriens appellent « drapeau »). Outre-Manche, le « pékin » doit être plus vigilant. Car outre l’Union Jack, exclusivement réservé aux bâtiments embarquant la reine et le First Sea Lord, il existe trois pavillons : un pour la Marine de guerre, un pour la marine marchande et un autre pour la plaisance. Ces pavillons intègrent chacun l’Union Jack dans le canton supérieur droit. Perfide ou plutôt subtile Albion ?

STÉPHANE DUGAST

Le Monde en guerre Paroles d’experts Crise ukrainienne, guerre civile en Syrie, guerre froide entre l’Iran et les pétromonarchies du Golfe, attaques terroristes islamistes, guerre économique… Notre monde contemporain est actuellement en surchauffe, des conflits d’un type nouveau fleurissent ici et là. Ce sont ces conflits et leurs bouleversements que Renaud Girard nous décrypte en 50 chroniques agrémentées de repères historiques, de chronologies et de cartes pour revivre les événements majeurs survenus sur notre planète depuis janvier 2014. Homme de réflexion et d’action, depuis 1984, Renaud Girard est correspondant de guerre au Figaro. Il est un spécialiste des crises, qu’elles soient mondiales, diplomatiques, économiques ou financières. Le Monde en guerre, 50 clefs pour le comprendre, Renaud Girard, co-éditions Carnets Nord/Editions Montparnasse, 368 pages, 22 €.

loisirs

© FONDS PAUL-EMILE VICTOR / RUE DES ARCHIVES

« Sextant photos anciennes » : quel drôle de nom ! C’est celui d’un catalogue diffusé sur le web et édité par l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (Ifremer). Ce catalogue rassemble environ 10 000 photos, réalisées entre 1919 et 1958. Autant de clichés couvrant la quasi-totalité de la frange littorale de métropole et dans les outre-mer. Un moyen ludique pour se faire une idée de nos approches maritimes de jadis ! Le passé éclaire souvent le présent et l’avenir.

Paul-Émile Victor J’ai toujours vécu demain Un homme, un destin

À voir sur http://sextant.ifremer.fr/fr/web/ photos-anciennes-littoral/accueil

IL MANQUAIT À LA LÉGENDE PAUL-ÉMILE VICTOR (1907-1995) UNE BIOGRAPHIE DÉFINITIVE. C’est le travail qu’a entrepris et réussi Stéphane Dugast. Pendant plusieurs années, il a pour ainsi dire vécu avec « PEV », personnalité exigeante et multiple, pétrie de contradictions et de mystères, mais surtout figure tutélaire de l’exploration polaire française, disparu il y a plus de vingt ans. Avec Daphné Victor (fi lle de), il s’est attelé à l’écriture de cette vie. Leur « biographie-somme » (480 pages) se positionne déjà comme une référence en la matière, mais elle se lit cependant et surtout comme un roman d’aventures, ou plutôt comme le roman d’un aventurier. On découvre ainsi, derrière le marin, le pilote, le militaire, l’ethnologue, le publiciste, le chef d’expédition ou l’entrepreneur, un PEV intime, tourmenté et attachant. Stéphane Dugast, qui n’en est pas à son coup d’essai, après des productions remarquées sur la Jeanne d’Arc ou la Route 66, signe certainement là l’ouvrage de la maturité. Nicolas Hulot, qui préface le livre, et les médias déjà nombreux qui ont salué sa qualité littéraire, ne s’y sont pas trompés. Aussi la rédaction de Cols Bleus est-elle heureuse de saluer la parution cette biographie vivante et agréable à lire, co-écrite par son grand reporter. CF BENJAMIN CHAUVET

Paul-Émile Victor – J’ai toujours vécu demain, Daphné Victor et Stéphane Dugast, Robert Laffont, 480 pages, 22,50 €.

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@ Le littoral vu du ciel Archives parlantes

100 ans d’exploits aéro Un spectacle supersonique Soutenu par la Marine nationale, ce grand spectacle est avant tout une ode aux conquérants des airs. Bruno Seillier, le créateur de la Nuit aux Invalides et des Luminessences d’Avignon, va ainsi abuser (au bon sens du terme) des technologies derniers cris, d’images d’archives, de séquences d’avions en vol et d’effets spéciaux pour raconter 100 ans d’exploits aéronautiques. Du vol des frères Wright aux drones du XXIe siècle, via les as de l’aéropostale ou de l’aéronavale, un bel hommage à déguster in situ. « La conquête de l’air, l’épopée Dassault, une aventure française », rendez-vous au Grand Palais à Paris du 9 au 14 avril prochains avec 2 séances chaque soir. Tarifs et réservations sur www.conquetedelair.com

Une BD marine Des cases et des bulles Mer & économie Une mine aux trésors Les lecteurs de Cols Bleus le savent : les mondes de la mer et de l’économie n’en font qu’un ! L’Atlas économique de la mer 2016 est un document précieux pour qui s’intéresse à ce domaine. Concocté par l’hebdomadaire Le marin, ce hors-série compile comme chaque année l’ensemble des données les plus récentes du sujet, dont certaines introuvables ailleurs. L’Atlas économique de la mer 2016, Le Marin, 136 pages, 19,90 €, en vente en kiosque ou en ligne http://www.marines-editions.fr/

À propos de cette série BD, l’éditeur est formel : « Enfin une série de BD consacrée à l’histoire de la Marine. » Le premier tome s’est intéressé à la Royale : De saint Louis à Louis XIV, le second tome : De Louis XV à la fin de l’Ancien Régime, le troisième opus : De la Révolution à la fin du XIXe siècle, tandis que le quatrième et dernier tome traite De la Grande Guerre à nos jours. Cette série BD éclaire ainsi autrement l’histoire de la Marine nationale. La grande fresque de la Marine, Vincenzo Federici (dessins) et Patrick de Gmeline (scénario), éditions du Triomphe, 40/45 pages, 14,90 € par album.

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