Bourgeoisie, Révolution, Ex-nomination

bourgeoise propose alors un bonheur fait de grattes ciel à Dubaï, de vacances à cent euros la nuit au Maroc, d'argent en abondance et de femmes en bikini sur ...
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CO- MARX

Bourgeoisie, Révolution, Ex-nomination Essai Jérémie Berlioux 2nd semestre 2010

Essay sur une thématique marxiste. Professeur : Thomas Hippler. IEP de Lyon.

L’histoire de la Bourgeoisie peut être divisée en deux périodes. Premièrement une période durant laquelle, cet ensemble social somme toute assez hétérogène, s’est enrichi et a cherché la reconnaissance politique due à son statut économique. Cette période s’étend de l’apparition de la Bourgeoisie au Xème, XIème siècle jusqu’{ la Révolution française. La Bourgeoisie se développe par le biais du commerce, de la conquête du nouveau monde, de l’industrie naissante, etc. La Bourgeoisie finance alors l’Etat tant par l’impôt que par les crédits accordés { la couronne. L’économie du royaume dépend alors pleinement de cette classe sociale d’où la volonté d’être reconnue politiquement. La seconde période est marquée par la domination politique de la Bourgeoisie. Et tout l’enjeu de cette période est de trouver le moyen de maintenir ce pouvoir, de maintenir cette domination et d’empêcher qu’une nouvelle classe sociale use du même moyen qu’elle: la Révolution, pour arriver au pouvoir. Cet essay a pour but de montrer que la Bourgeoisie est l’unique classe révolutionnaire. Que toutes les révolutions qui ont secoué la France ont été l’œuvre de cette classe sociale. Dés lors que cela est démontré et qu’on sait que la bourgeoisie tient les rênes du pouvoir, comment fait elle pour continuer à présider aux destinés de ce pays tout en garantissant et développant ses intérêts ? La première chose, évidente, est d’éliminer les potentiels concurrents : le prolétariat (quelque soit la forme qu’il prenne au cours du temps). Il conviendra donc ici de se pencher sur le rôle de ce dernier mais aussi de celui des classes moyennes et petites bourgeoisies. Mais éliminer ces adversaires potentiels dans un cadre démocratique pose nécessairement le problème des moyens. Aussi, comment contrôler les autres classes sans ruiner la démocratie (qu’elle soit illusoire ou non) et éviter qu’elles se coalisent contre les intérêts bourgeois? La réponse nous est donnée par certains sociologues du vingtième siècle : Adorno, Barthes, Baudrillard, Chomsky. Il s’agit d’une domination symbolique. A la suite de cela on pourra se demander si les institutions démocratiques ellesmêmes telles que mises en place par la Bourgeoisie ne pourraient pas se retourner in fine contre cette dernière. De plus, l’hétérogénéité de la Bourgeoisie comme classe sociale n’est-elle pas en soit un danger pour sa pérennité ? De fait, elle n’est unie que face { l’ennemi. Or cette union ne se concrétise vraiment que si cet ennemi la menace. Dans le 18 Brumaire de Louis Bonaparte, Marx expose comment le parti de l’ordre est uni face à Bonaparte, la Montagne et les Révolutionnaires mais comment il se déchire aussi lorsqu’aucun ennemi ne se présente directement (dans ce cas entre Légitimistes et Orléanistes). Ces déchirures perpétuelles qui sont tout à fait logiques peuvent conduire la Bourgeoisie à la ruine comme ce fut le cas en 1852. Dés lors pour survivre, elle doit abandonner les rênes du pouvoir ou tout du moins cesser d’agir en tant que Bourgeoisie lorsqu’elle gouverne. La Bourgeoisie est historiquement l’unique classe révolutionnaire. En effet toutes les Révolution ayant parsemé le XIXème siècle français ont été menées par la Bourgeoisie. En 1789, ces sont les députés bourgeois du tiers Etats qui se rebellent contre l’absolutisme et abolissent les privilèges. La Révolution n’est pas la prise de la

Bastille par les sans culottes mais bien la nuit du 4 aout, le jugement de Louis XVI brisant le droit divin. En 1830, la Révolution romantique est conduite par les Bourgeois. En 1848, ce sont des bourgeois n’ayant pas les moyens de payer le Cens qui revendiquent le droit de vote et la république. A chaque fois, la Bourgeoisie unit le prolétariat dispersé pour abattre ses ennemis : le féodalisme, la noblesse, l’absolutisme, etc. Ainsi les révolutions sont toujours initiées et pilotées par la Bourgeoisie. Mais cela ne signifie pas qu’elle détient le monopole de la Révolution. Les classes moyennes et le prolétariat sont également des classes potentiellement révolutionnaires, mais ces classes ne sont pas autant disposées à faire la Révolution que la Bourgeoisie. La Révolution est consécutive à une frustration politique. Elle a besoin d’être pensée, elle suit toujours une période de plaintes émises par une partie de la population discriminée, de tensions politiques entre dominants et dominés. Or pour émettre ces plaintes, il faut être { même de se projeter dans l’espace et le temps, être capable de penser la situation au regard de l’histoire mais aussi de ce qui pourrait être. De fait, cela nécessite une bonne éducation. Or le prolétariat (et d’autant plus celui du XIXème siècle) ne dispose pas de cette éducation. Marx, dans le manifeste du Parti communiste admet que le Prolétariat a besoin de « transfuges » bourgeois pour se révolter. De plus, dans ce même ouvrage, on note que Marx considère le prolétariat comme désuni. Seule la Bourgeoisie réussit à le rassembler pour satisfaire ses intérêts. C’est peut être ici la limite de l’analyse marxiste en la matière : considérer que le prolétariat peut s’unir. On peut émettre des réserves { ce propos. Le Prolétariat est un ensemble d’individus ayant des histoires très diverses : ex-petits bourgeois ou classes moyennes qui ont chuté, paysans ayant émigré vers les villes, etc. Toutes ces personnes ont été forgées de manières diverses et il semble difficile de les rassembler dans un but commun. La désunion et la condition même de classe déshéritée de la société font que le Prolétariat a moins de chance d’être { la tête d’une Révolution que la Bourgeoisie. Marx considère les classes moyennes comme conservatrices et réactionnaires. Conservatrices car si elles luttent contre la Bourgeoisie c’est pour ne pas sombrer vers le Prolétariat. Réactionnaires car elles cherchent à empêcher une histoire qui diviserait la société en trois : les bourgeois, les prolétaires (qui ont absorbés les classes moyennes) et le lumpenprolétariat. Elles cherchent donc à « faire tourner { l’envers la roue de l’histoire ». Les classes moyennes sont issues de l’ascension sociale. Il leur est donc difficile de mettre en péril cette ascension pour une Révolution à l’issue incertaine. La perspective de tomber dans le prolétariat les effrayant, elles préfèrent conserver le système présent plutôt que de se lancer dans l’inconnu. La dimension réactionnaire est cependant { nuancer car cela suppose d’adhérer { l’idée que l’histoire a une fin donnée, ce qui est une pure construction idéologique. Ainsi donc, la Bourgeoisie est l’unique classe qui historiquement a fait la Révolution. Et quand bien même elle a utilisé le prolétariat à ces moments, elle ne l’a fait que dans un but : répondre à une insatisfaction politique qui la touche, elle. En 1789,

c’est exister et 1848 : gouverner. La question est donc maintenant de savoir comment elle s’y prend pour écarter ses concurrents potentiels. Marx propose une analyse historique de cette domination. Il semble clairement établi que la domination bourgeoise commence en 1848. Marx propose alors une lecture des événements et notamment de l’affirmation de la domination bourgeoise dans le 18 Brumaire de Louis Bonaparte. En 1849, lorsque la bourgeoisie du parti de l’ordre avait écarté de la scène politique la Montagne (les sociaux démocrates formant une alliance entre la petite bourgeoisie et les socialistes), elle avait également fragilisé ses uniques atouts contre Bonaparte : la légalité (le parti de l’ordre avait bafoué la Constitution à maintes reprises) et la garde nationale. Ce corps mythique était en partie entre les mains de la Montagne et en éliminant cette dernière, la Bourgeoisie la désacralisa et conduisit l’armée à ne plus la redouter. La Garde Nationale étant potentiellement révolutionnaire, elle fut dépouillée de tout poids et pouvoir. La Bourgeoisie ne pu donc s’en servir contre Louis Bonaparte le 2 décembre 1852. Ainsi, la Bourgeoisie en éliminant par la force ses opposants se priva de ses seules armes contre un coup d’Etat. C’est ici qu’apparaissent les limitent de la domination bourgeoise. La Bourgeoisie est une classe révolutionnaire. Elle a justifié 1789 et 1848 par le suffrage universel, la liberté d’association, le libéralisme c'est-à-dire par le mouvement et l’individu par opposition { l’ordre. Le système politique qu’elle a bâti, la république parlementaire, n’est autre que le régime de l’agitation. Or, sa stratégie de domination l’a conduite à brider la liberté d’association, { exclure du suffrage universel une partie de la population, { empêcher toute discussion. Marx d’écrire, « Si elle voyait en chaque mouvement de vie de la société une menace pour le calme, comment allait elle pouvoir maintenir au sommet de la société le régime de l’agitation, son propre régime, le régime parlementaire, ce régime qui selon l’expression de l’un de ses orateurs, ne vit que dans la lutte et par la lutte ? Le régime parlementaire vit de la discussion, comment peut il interdire la discussion » (p.10). Ainsi, elle finit, toujours selon Marx, par appeler tout ce pour quoi elle avait combattu : Socialisme et donc considérer cela comme dangereux. Cela la conduisit à admettre que dans son intérêt, elle ne pouvait plus se gouverner ellemême. Pour conserver sa puissance sociale, la Bourgeoisie devait briser sa puissance politique. Son unique activité politique est alors de maintenir le calme. Cela signifie qu’elle doit utiliser d’autres moyens pour empêcher les autres classes de faire la Révolution. C’est ici que d’autres auteurs entrent en jeu : Barthes, Adorno, Baudrillard, Habermas… L’idée sous tendant chez ces auteurs est que l’ensemble de la population est conditionnée soit par l’industrie culturelle soit par une série de représentations qui la conduisent { considérer le système comme l’unique chemin de l’histoire et donc découragent la révolte. Barthes parle dans son livre Mythologies, d’ex-nomination de la Bourgeoisie dans les domaines politique et social. L'ex-nomination est la volonté d'un individu ou d'un

groupe de ne pas vouloir se nommer et de ne pas vouloir être nommé par le biais de son vocable traditionnel. Cela signifie, selon les propres mots de Barthes, que "la Bourgeoisie se définit aujourd'hui comme la classe sociale qui ne veut pas être nommée". Depuis la IIIème République, il n’y a plus de parti à proprement parlé bourgeois. De fait, elle n’existe plus physiquement. Elle est devenue une construction mentale. Cette exnomination s’est construite autour de la notion de Nation qui avait servi un temps à exclure l’aristocratie. Aujourd’hui, la Bourgeoisie a fait corps avec la Nation en excluant tous les internationalistes (les communistes, anarchistes etc.). De fait, les partis dits nationaux au parlement auront tendance à défendre les intérêts du système bourgeois. On ne parle plus de la classe historique. Toute la domination bourgeoise repose désormais sur la culture, la morale, l’idéologie. En effet, les prolétaires ou les classes moyennes (souvent alliées à la Bourgeoisie pour les raisons que l’on a vues) ne peuvent plus aujourd’hui prétendre { une culture ou une morale propre à leur classe même s’ils peuvent prétendre à un parti révolutionnaire. De fait, ce qui se dit culture prolétaire emprunte ses composantes à l’idéologie bourgeoise. Celle-ci prend alors toute la place jusqu’{ créer l’illusion de l’existence d’une unique nature humaine. La révolte est normalement le fait d’une avant-garde. Or celle-ci vient de la Bourgeoisie (on retrouve ici le transfuge bourgeois dont Marx expose la nécessité pour faire une révolution dans le manifeste du parti communiste) et est généralement un petit groupe d’artistes et d’intellectuels sans autre public que la Bourgeoisie et dépendant de ses deniers. L’ex-nomination de la Bourgeoisie, et donc le recouvrement de l’ensemble de la société par l’idéologie bourgeoise, s’accentue lorsque les rites quotidiens profanes sont atteints. Lorsque le cœur du quotidien est pétri des codes bourgeois. Aujourd’hui, tout est atteint par cette hémorragie de la Bourgeoisie : depuis l’industrie culturelle de masse que nous absorbons { forte dose jusqu’aux vêtements que l’on porte et { la maison dont on rêve. La conséquence de cette propagation de l’idéologie bourgeoise est une naturalisation de choses qui n’étaient initialement vécues que par une minorité. Mais cette propagation se traduit aussi par un appauvrissement des rites bourgeois lorsqu’ils pénètrent les couches intermédiaires. C’est ici que l’ex-nomination bas son plein car elle est le fait de la petite bourgeoisie et frappe tout ce qui est de l’ordre de l’insignifiant, du quotidien, de l’indifférencié. Il y a deux conséquences { cela. Premièrement, l’appauvrissement des rites provoque une division au sein de la classe bourgeoise. Il y a ceux qui transmettent les rites en les appauvrissant et ceux qui inventent en permanence de nouvelles significations, de nouveaux codes etc. De fait, ces derniers révolutionnent en permanence notre représentation du monde, perpétuant ainsi le versant révolutionnaire de la Bourgeoisie. C’est uniquement grâce { cela que la classe maintien sa domination. Les représentations, les rites sont transmis selon Barthes, par le biais de mythes. Or le renouvellement permanent des mythes empêche qui que ce soit de révéler leur signification, et donc la Bourgeoisie, au monde. Deuxièmement, on assiste à une

symbiose entre la Bourgeoisie et la petite Bourgeoisie sur des bases idéologiques (et non pas économiques). Cela est capital car la partie innovante de ce nouvel ensemble vient de la Bourgeoisie mais ceux qui transmettent l’innovation sont la petite bourgeoisie dans sa quête perpétuelle de l’ascension sociale. Peu { peu, toute la société se retrouve happée par l’idéologie bourgeoise. Or, la société ne peut vivre ce « rêve » autrement que dans l’imaginaire, c'est-à-dire dans un appauvrissement de la conscience du monde. Cela a également pour conséquence d’homogénéiser les classes sociales. C’est { partir de ce moment qu’on ne parle plus de classe sociale mais de couche sociale et qu’on commence { gommer les identités de classe. Dés lors que ces identités s’affaiblissent, il s’en suit une perte de repères et donc un rattachement { la première représentation de la vie qu’on nous offre. L’idéologie bourgeoise propose alors un bonheur fait de grattes ciel à Dubaï, de vacances à cent euros la nuit au Maroc, d’argent en abondance et de femmes en bikini sur une plage paradisiaque. Bonheur somme toute inaccessible pour la très grande majorité de la population. Mais la Bourgeoisie en diffusant son idéologie s’attaque également au sens des choses et notamment à ce qui a failli la détruire : la démocratie. Partons de la citation suivante de Barthes : « il [le mythe] abolit la complexité des actes humains, leur donne la simplicité des essences, il supprime toute dialectique, toute remontée au-delà du visible immédiat, il organise un monde sans contradiction parce que sans profondeur, un monde étalé dans l’évidence, il fonde une clarté heureuse ; les choses ont l’air de signifier toutes seules ». Quelles sont les conséquences pour la représentation du système politique ? Dés lors que la Bourgeoisie construit un monde lissé par le biais de mythes, elle tente d’abolir ce qui lui nuisait : le débat, la formation de l’esprit du citoyen, la lutte, la démocratie, la révolution. Si la Bourgeoisie propage une idée universelle et éternelle de l’homme, alors nul besoin de confrontation car le chemin menant à la fin de l’histoire est trouvé. On parle désormais de politique apaisée, d’avènement de l’air du compromis (et non d’un consensus trouvé après une farouche confrontation d’idées). C’est aussi { ce moment qu’on parle d’apolitisme. Or, dés qu’on touche { la Cité, { la gestion d’une organisation, dés qu’on se bat pour un programme, n’est ce pas de la politique ? La conséquence est qu’on banni le débat jugé trop violent et archaïque. De fait, la Bourgeoisie se prémunie alors contre toute tentative de renversement de la domination ou de contestation. Mais cette œuvre touche aussi la signification des mots eux-mêmes. La démocratie est sensée être la formation du citoyen, le développement de sa capacité à se saisir et peser sur les enjeux de son environnement. Elle ne doit être qu’une étape d’apprentissage menant à une autogestion des sociétés, des hommes. Cette démocratie est réduite aux institutions chargées de l’organiser. Or, ces institutions sont de fait verrouillées par les bourgeois. La conclusion est que la transformation du sens du mot démocratie évite la remise en cause des institutions et donc du verrouillage politique bourgeois. Cette redéfinition bloque l’histoire, le progrès, à l’ère de la « démocratie

libérale ». De plus, la formation des citoyens implique une éducation, un esprit critique. Or, permettre cela, c’est mettre en danger les fondements de la domination car la critique permet de s’extraire de l’aliénation et de mettre en évidence les mythes, les représentations faussées et les processus de domination.

A suivre…