« Le concept de musique conçue spécifiquement comme une trame de fond dans l'environnement a été lancé par Muzak Inc. dans les années cinquante, et a depuis lors été désigné par le terme générique Muzak. Les connotations que ce terme porte sont celles qui sont particulièrement associées à la nature du contenu que produit Muzak Inc. - airs familiers arrangés et orchestrés d'une manière légère et commune. Naturellement, cela a conduit les auditeurs les plus exigeants (et la plupart des compositeurs) à rejeter entièrement le concept de musique environnementale comme une idée digne d'attention. Au cours des trois dernières années, je me suis intéressé à l'utilisation de la musique en tant qu'ambiance, et j'en suis venu à penser qu'il est possible de produire du matériel qui peut être utilisé ainsi, sans être en aucune façon compromis. Pour créer une distinction entre mes propres expériences dans ce domaine et les produits des différents fournisseurs de musique en boîte, j'ai commencé à utiliser le terme de musique Ambient. Une ambiance est définie comme une atmosphère, ou une influence environnante: une teinte. Mon intention est de produire des pièces originales en apparence (mais pas exclusivement) pour des périodes et des situations particulières en vue de la constitution d'un petit mais polyvalent catalogue de musique environnementale adaptée à une grande variété d'ambiances et d'atmosphères. Alors que les entreprises de musique en boîte qui subsistent cherchent à régulariser les environnements en recouvrant leurs particularités acoustiques et atmosphériques, la musique Ambient est destinée à les renforcer. Alors que la musique de fond conventionnelle est produite en ôtant tout sentiment de doute et d'incertitude (et donc tout intérêt réel) de la musique, la musique Ambient conserve ces qualités. Et alors que leur intention est d' "égayer" l'environnement (en soulageant l'ennui des tâches routinières et en gommant les hauts et les bas naturels des rythmes corporels), la musique Ambient est destinée à favoriser le calme et la construction d'un espace pour penser. La musique Ambient doit être en mesure d'accueillir de nombreux niveaux d'attention portés à l'écoute sans en imposer un en particulier, elle doit être aussi facile à ignorer qu'elle est intéressante.»

Brian Eno, Septembre 1978 Notes de Ambient 1 : Music for airports 3

Des précurseurs aux années 80 « Chaque manifestation de notre vie est accompagnée par le bruit. Le bruit nous est familier. Le bruit a le pouvoir de nous rappeler à la vie. Le son, au contraire, étranger à la vie, toujours musical, chose à part, élément occasionnel, est devenu pour notre oreille ce qu’un visage trop connu est pour notre œil. Le bruit, jaillissant confus et irrégulier hors de la confusion irrégulière de la vie, ne se révèle jamais entièrement à nous et nous réserve d’innombrables surprises. Nous sommes sûrs qu’en choisissant et coordonnant tous les bruits nous enrichirons les hommes d’une volupté insoupçonnée. » Luigi Russolo, L’art des bruits, 1913 Il est possible de situer les racines de la musique ambient dans les mouvements futuriste et dadaïste du début du XXè siècle. Le compositeur futuriste italien Francesco Balilla Pratella crée des pièces modernistes allant contre les formes classiques, alors que Luigi Russolo publie en 1913 le manifeste L’art des bruits mettant en avant la nécessité d’élargir le domaine des sons et l’impact grandissant de la technique sur la création et l’appréhension de la musique. Le mouvement dadaïste d’après-guerre influence quant à lui Erik Satie dans la création de Musique d’ameublement, dont le rôle serait non pas d’attirer l’attention ou de requérir une concentration particulière de la part de l’auditeur mais de créer une atmosphère sonore. Dans les années 50, l’américain John Cage étend les notions de hasard et de silence dans la composition tout en développant l’innovation dans la technique (composition pour instruments « arrangés ») et l’écriture (abandon du vocabulaire musical classique). Il ouvre la voie aux compositeurs minimalistes d’avant-garde : La Monte Young, Steve Reich, Terry Riley, Philip Glass, utilisant la répétition comme technique de composition, une régularité dans le rythme ainsi qu’une ouverture aux sonorités extra-occidentales. 4

Le terme « ambient » est créé par Brian Eno dans les années 70 et développé dans le manifeste inclus dans son album Ambient 1: Music for Airports de 1978, pionnier du genre, pour qualifier une musique qui pourrait « être activement écoutée avec attention ou tout aussi bien être ignorée, selon le choix de l'auditeur ». Il développe, avec d’autres compositeurs, tels qu’Harold Budd et Jon Hassell, une musique minimaliste influencée par l’avant-garde américaine, la composition aléatoire de Cage, les drones de La Monte Young, les enregistrements de Miles Davis avec le producteur Teo Macero, et les développements de la musique électronique depuis le premier enregistrement du genre de Morton Subotnick, Silver apples of the moon. Au-delà d’Eno, il est possible d’élargir le terme ambient à d’autres artistes et courants incluant une attention portée aux timbres et à l’atmosphère ainsi qu’une recherche sur l’utilisation de l’électronique : space-rock et rock 60s « planant » (premiers albums de Pink Floyd), krautrock allemand (Kraftwerk, Can, Popol Vuh, Tangerine Dream, Klaus Schulze), et des compositeurs tels que Vangelis, Jean-Michel Jarre et Mike Oldfield.

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Erik Satie : Socrate & Musique d’ameublement / 3 SAT 31 La Monte Young : Just stompin' - live at The Kitchen / 450 LAM John Cage : Music for prepared piano vol. 2 / 4 CAG 11.15 Philip Glass : Piano music / 3 GLA 11.11 Steve Reich : Music for 18 musicians / 4 REI 18 Steve Reich : Tehillim / 3 REI 34 Steve Reich : Different trains / 3 REI 14.40 Gavin Bryars : The sinking of the Titanic / 4 BRY 20 Terry Riley : In C / 3 RIL 20 Brian Eno : Ambient 1 – Music for airports / 7 ENO Brian Eno : Music for films / 450 ENO Brian Eno : My life in the bush of ghosts / 450 ENO Brian Eno & Robert Fripp : No pussyfooting / 450 FRI Brian Eno & Robert Fripp : Evening star / 2 FRI Brian Eno & Robert Fripp : The essential Fripp & Eno / 450 FRI Brian Eno : Apollo / 450 ENO Pink Floyd : Meddle / 2 PIN Pink Floyd : Ummagumma / 2 PIN Pink Floyd : Obscured by clouds / 2 PIN Pink Floyd : The piper at the gates of dawn / 2 PIN Pink Floyd : Atom heart mother / 2 PIN Kraftwerk : Autobahn / 4 KRA Kraftwerk : Trans-Europe express / 4 KRA Kraftwerk : The man machine / 4 KRA Kraftwerk : Computer world/ 4 KRA Can : Monster movie / 2 CAN Can : Tago mago / 2 CAN Ashra : Walkin’ the desert / 2 ASH Tangerine Dream : Phaedra / 2 TAN Popol Vuh : Das hohelied salomos / 2 POP Popol Vuh : Tantric songs / 450 POP Popol Vuh : Nicht hoch im himmel / 2 POP Klaus Schulze : Mirage / 450 SCH 6

Klaus Schulze : Dune / 450 SCH Cluster : Cluster n°2 / 7 CLU Harmonia : Tracks & traces / 450 HAR Morton Subotnick : Silver apples of the moon / 4 SUB 10 Miles Davis : Get up with it / 1 DAV Jean-Michel Jarre : Oxygène 7-13 / 450 JAR Mike Oldfield : Tubular bells / 2 OLD Michael Stearns : Sacred site / 450 STE Vangelis : Heaven and hell / 450 VAN Vangelis : The city / 450 VAN Yellow Magic Orchestra : Solid state survivor / 035.2 YMO

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Les mutations électroniques des années 90 « Le succès d’Aphex Twin survient à un moment où, à la fois en Angleterre et sur le continent, une frange de la techno se dirige vers des sonorités plus enveloppantes, plus climatiques. Le ralentissement des cadences constitue en partie une réponse à la tendance hardcore, encore très présente dans les milieux populaires, et qui pénètre régulièrement dans les charts à coups de hits génériques comme ceux de The Prodigy ou Altern-8. » Jon Savage, Machine Soul, 1993

Après les dérives new age de la musique « d’ambiance », l’ambient ressurgit à la fin des années 80 au Royaume-Uni avec des artistes issus de la culture rave, influencés aussi bien par Eno que Steve Reich, le rock progressif des Pink Floyd et le dub jamaïcain ; que l’on va désigner sous les termes ambient house, ambient techno, IDM (Intelligent Dance Music), ou chill-out, du nom des espaces destinés au repos des danseurs fatigués. Les premiers représentants de cette nouvelle culture sont Alex Paterson et Jimmy Cauty, DJ londoniens de la chill-out room du club d’acid house Land of Oz, révélés au public par le disque A huge ever-growing pulsating brain that rules from the centre of the ultraworld de The Orb, incluant des extraits de pièces 8

radiophoniques de sciences fiction, des bruits « naturels » et un sample du Loving you de Minnie Riperton. Cette nouvelle approche atmosphérique de la musique électronique – nappes de synthétiseurs, beats 4/4 voire absents, samples vocaux et bruitistes - se développe avec le DJ Mixmaster Morris (Irresistible Force), KLF, Biosphere, les productions du label Flax Records de Pete Namlook, puis Global Communication, The Future Sound of London, et l’ambient-techno du label Basic Channel de Moritz Von Oswald et Mark Ernestus. Le mouvement atteint son apogée en 1992 avec la sortie de l’album Selected Ambient Works 85–92 d’Aphex Twin, suite de ballades synthétiques restant une œuvre charnière de l’histoire de la musique électronique. The Orb : U.F. Orb / 290 ORB The Orb : The Orb's adventures beyond the ultraworld / 4 ORB 1 The Orb : The future academy of noise, rhythm and gardening presents... the dream / 4 ORB The KLF : The White room / 2 KLF Future Sound Of London : Dead cities / 2.90 FUT Future Sound Of London : ISDN / 290 FUT Future Sound Of London : From the archives vol. 1 – 2 - 3 / 290 FUT The Irresistible Force : It’s tomorrow already / 290 IRR Global Communication : 76:14 remastered / 290 GLO Biosphere-Deathprod : Nordheim transformed / 290 BIO Biosphere : Cirque / 290 BIO Biosphere : Substrata ; Man with a movie camera / 290 BIO Biosphere : Dropsonde / 290 BIO The Black Dog : Temple of transparent balls / 4 BLA Juno Reactor : Transmissions / 290 JUN Aphex Twin : Selected ambient works 85–92 / 4 APH Aphex Twin : Selected ambient works II / 4 APH Aphew Twin : 26 mixes for cash / 4 APH 6 Tetsu Inoué : World receiver / 450 INO 9

Tetsu Inoué : Yolo / 290 INO System 7 : Point 3 - Fire album / 2 SYS 90 Death Ambient : Synaesthesia / 450 DEA Ultramarine : Every man and woman is a star / 2 ULT Tranquility Bass : Let the freak flag fly / 290 TRA Speedy J. : G.Spot / 290 SPE Basic Channel : BCD / 2 BAS Basic Channel : BCD-2 / 4 BAS V.A. : B12 records, archive. vol. 2 / 290 MOS Maurizio : M-Series / 4 MAU 23

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Développements récents « Pendant une brève période, l’ambient était la plus passionnante des musiques, et menaçait d’engloutir toutes les autres. Mais finalement la situation se retourna, et ce furent les autres musiques qui engloutirent l’ambient. En 1994, le terme « ambient » était quasiment devenu insultant. Peut-être nos magiciens sont-ils parvenus à leurs fins, en ce que leurs idées, tels des fantômes, hantent de nombreux autres disques. Peut-être était-ce là le mieux qu’ils pouvaient espérer : que ce qu’ils ont laissé derrière eux continue d’enivrer le monde moderne – quelques croquis confus mais fascinants, quelques éclats brillants semblables à autant de rêves. » Tony Marcus, Modulations, 2000

Dès le milieu des années 90 les pionniers de KLF développent une house pour les stades alors que the Orb expérimente les voix puis la techno minimale. L’engouement pour l’ambient diminue mais son influence dans la production électronique reste majeure. Si la dénomination « ambient » devient rare, on retrouve une approche « chill-out » et une interprétation des théories d’Eno chez Boards of Canada, l’electronica d’Autechre et Pan Sonic, ou encore Tim Hecker. 11

Autechre : Tri repetae / 4 AUT 1 Boards of Canada : Music has the right to children / 4 BOA 5 Boards of Canada : Trans Canada highway / 4 BOA Mira Calix : Eyes against the sun / 4 CAL Pan Sonic : Katodivaihe / 4 PAN Stars of the Lid : And their refinement of the decline / 460 STA Stars of the Lid : Avec laudenum / 290 STA Tim Hecker : Harmony in ultraviolet / 290 HEC Tim Hecker : Ravedeath 1972 / 4 HEC Ben Frost : By the throat / 4.6 FRO Ben Frost : Solaris / 4 FRO Max Richter : Songs from before/ 450 V.A. : Pop Ambient 2007 / 290 POP V.A. : Pop Ambient 2009 / 290 POP Gas : Nah und fern / 4 GAS

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Ambient et cinéma La musique ambient a été largement exploitée par le cinéma, pour sa capacité à recréer des atmosphères et paysages sonores, et ce depuis le Time Steps de la compositrice Wendy Carlos pour Orange Mécanique. Les compositions les plus notables sont celles de Vangelis (Les Chariots de Feu et Blade Runner) la collaboration de Brian Eno et Toto pour le Dune de David Lynch, les bandes originales de Philip Glass, de Tangerine Dream, et de Popol Vuh pour Werner Herzog.

B.O.F. : Orange mécanique / 6 ORA B.O.F. : Dune (Toto & Eno) / 520 DUN B.O.F. : Cœur de verre (Popol Vuh) / 520 COE B.O.F. : Sei still, wisse ich bin (Popol Vuh) / 6 POP 1 B.O.F. : Cobra verde (Popol Vuh) / 520 COB B.O.F. : Popol Vuh – Best soundtracks for Werner Herzog films / 520 POP B.O.F. : L’affaire Wallraff (Tangerine Dream) / 450 TAN B.O.F. : Les chariots de feu (Vangelis) / 520 CHA B.O.F. : Opéra sauvage (Vangelis) / 520 OPE B.O.F. : Antarctica (Vangelis) / 520 ANT B.O.F. : Themes (Vangelis) / 520 VAN 13

B.O.F. B.O.F. B.O.F. B.O.F. TRU B.O.F.

: Koyaanisqatsi (Philip Glass ) / 3 GLA 20 : Mishima (Philip Glass) / 520 MIS : Powaqqatsi (Philip Glass) / 520 POW : The Truman show (Burkhard Dallwitz & Philip Glass) / 520 : Solaris (Cliff Martinez) / 520 SOL

Livres Luigi Russolo : L’art des bruits – manifeste futuriste / 781.2 RUS Jon Savage : Machine soul / 7867.7 SAV Modulations : Une histoire de la musique électronique / 781.66 MOD David Toop : Ocean of sound - ambient music, mondes imaginaires et voix de l'éther / 18 TOO

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Sélection proposée en novembre/décembre 2012 à la discothèque Oscar Wilde bibliothèque Oscar Wilde 12, rue du Télégraphe 75020 Paris 01 43 66 84 29 [email protected]