Évaluation du potenciel de développement de la diaspora de ... - ISEG

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Évaluation du potenciel de développement de la diaspora de Guinée-Bissau au Portugal et en France

Organisation internationale pour les migrations Mission à Lisbonne

ational Organization for Migration (IOM) tion internationale pour les migrations (OIM) ción Internacional para las Migraciones (OIM)

International Organization for Migration (IOM) Organisation internationale pour les migrations (OIM) Organización Internacional para las Migraciones (OIM)

Évaluation du potenciel de développement de la diaspora de Guinée-Bissau au Portugal et en France

Rua José Estevão, 137, 8º 1150-201 LISBOA www.iom.int

Carlos Sangreman (coord.) João Estêvão Alexandre Abreu Maria João Carreiro Fernando Sousa Jr.

International Organization for Migration (IOM) Organisation internationale pour les migrations (OIM) Organización Internacional para las Migraciones (OIM)

Évaluation du potentiel de développement de la diaspora de Guinée-Bissau au Portugal et en France

Carlos Sangreman, João Estêvão, Alexandre Abreu, Maria João Carreiro, Fernando Sousa Jr.

International Organization for Migration (IOM) Organisation internationale pour les migrations (OIM) Organización Internacional para las Migraciones (OIM)

Les auteurs sont des chercheurs du Centre d'études sur l'Afrique et du développement (CesA) de l'ISEG, Université technique de Lisbonne. Les points de vue exprimés dans cette étude sont de la responsabilité exclusive des auteurs. Cette publication est basée sur le rapport Assessment of the Development Potential of the Guinea-Bissau Diaspora in Portugal and France (Final Report to 1035 Facility). Les auteurs remercient toutes les personnes qui ont généreusement mis à disposition leur temps et leurs connaissances dans le contexte des entretiens réalisés dans le cadre de ce projet. Nous adressons également des remerciements tout particuliers à Michel Tabet (anthropologue et assistant de recherche dans le contexte du travail de terrain réalisé en France), Canha Nan Bunde, João Ribeiro Có, Maria Pascoalina da Costa, Maria Teixeira, Moïse Gomis et Solène Guerinot. Pour finir, nous remercions l'Ambassade de Guinée-Bissau en France pour son soutien et, plus chaleureusement, la FASCAE et ses dirigeants pour le soutien essentiel qu'ils ont fourni à la réalisation du travail de terrain en France.

Index Liste des tableaux et des graphiques

3

Abréviations et acronymes

4

Sommaire exécutif

5

1. Introduction

6

2. Développement, dynamiques migratoires et diaspora guinéenne

9

2.1. Une vision globale du processus de développement économique

9

2.2. Contraintes du processus de développement

14

2.3. Les migrations guinéennes : un panorama historique

19

2.4. La diaspora guinéenne dans l'actualité : un portrait statistique

23

3. Les communautés guinéennes au Portugal et en France

27

3.1. Aspects généraux

27

3.2. Pratiques et dynamiques transnationales

31

3.3. Caractéristiques du tissu associatif

35

3.4. La diaspora guinéenne hautement qualifiée

41

3.5. Synthèse de conclusion

45

4. Migrations internationales et développement humain dans le contexte

48

4.1. La dynamique migratoire dans les régions continentales et ses effets

48

4.2. Comparaison régionale des grandes tendances migratoires et de leurs

55

4.3. L’aide des migrants à leurs familles et communautés d'origine et son

63

4.4. Synthèse de conclusion

68

de la Guinée-Bissau : une analyse comparative de 45 tabancas sur le développement des tabancas d'origine effets sur les communautés d'origine

impact sur le développement de la Guinée-Bissau

5. Conclusions et recommandations

71

5.1. Conclusions générales

71

5.2. Recommandations et suggestions pour une politique nationale de la diaspora

74

5.2.1. Recommandations de nature politique et structurelle

74

5.2.2. Recommandations au niveau des projets et des programmes

79

Références bibliographiques 2

Évaluation du potentiel de développement de la diaspora de Guinée-Bissau au Portugal et en France

83

Liste des graphiques et des tableaux Graphiques Graphique 2.1 : Évolution du produit intérieur brut, 1975-2010

9

Graphique 2.2 : Évolution comparative du PIB et de la population, 1975-2010

10

Graphique 2.3 : Évolution comparative du RNB per capita, ppc, 1975-2010

11

Graphique 2.4 : Flux de financement international, 1975-2002

15

Graphique 2.5 : Principaux pôles de concentration de la population migrante d'origine guinéenne

23

Graphique 3.1 : Montant moyen annuel des envois de fonds effectués par les personnes interrogées

32

Graphique 5.1 : Architecture institutionnelle pour l'exécution de programmes et de projets

80

Tableaux Tableau 2.1 : Indicateurs de qualité de vie de la population, 1980-2010.

12

Tableau 3.1 : Coefficients du modèle explicatif de l'envoi de fonds par les personnes interrogées de la communauté guinéenne en France

33

Tableau 3.2 : Caractérisation du tissu associatif guinéen au Portugal et en France

36

Tableau 4.1 : Migrants et initiatives promues par des migrants, par groupe ethnique

56

Tableau 4.2 : Pays africains de destination des migrants guinéens, par région

57

Tableau 4.3 : Pays européens de destination des migrants guinéens, par région

58

Tableau 4.4 : Poids des envois de fonds sur le bien-être des populations et pourcentage des ménages ruraux qui reçoivent des envois de fonds

59

Tableau 4.5 : Projets de développement communautaire avec contribution des migrants, par région

60

Tableau 4.6 : Activités génératrices de revenus promues par les migrants, par région

60

Tableau 4.7 : Perception des populations sur la contribution relative de différents acteurs au développement des tabancas

61

Tableau 4.8 : Indicateurs moyens de services de base, par région

62

Évaluation du potentiel de développement de la diaspora de Guinée-Bissau au Portugal et en France

3

Abréviations et acronymes ABP ACIDI ACIME ACP AEDES Aguinenso APD AT ATN BM CAGF Camões IP CEDEAO CEE CEsA CIFAGP CCDIGB CPLP DENARP UE FAGP FASCAE FEC FLING GRDR IDE IDH ILAP INE INEC INEP INSEE IPAD ISEG MICS MIDA OCDE ODIGBO OIM ONG ONGD PAIGC PIB PGAD PNUD PFR PRODIGB RESEN RGPH RNB SCMR SEF SISA SNV TESE UAME UE UEMOA ONU UNDP USB

4

Union des associations baboques au Portugal - Association Haut-commissariat pour l'immigration et le dialogue interculturel Haut-commissariat pour l'immigration et les minorités ethniques Afrique, Caraïbes et Pacifique Agence européenne pour le développement et la santé Association guinéenne de solidarité sociale Aide publique au développement Assistance technique directe Association de terre natale Banque mondiale Confédération des associations bissau-guinéennes de France Camões - Institut de la coopération et de la langue Communauté économique des états d'Afrique Occidentale Communauté économique européenne Centre d'études sur l'Afrique et le développement Commission installatrice de la Fédération des associations guinéennes au Portugal Conseil consultatif de la diaspora de la Guinée-Bissau Communauté des pays de langue portugaise Document de stratégie nationale de réduction de la pauvreté Union européenne Fédération des associations guinéennes au Portugal Fédération des associations du secteur de Calequisse Fondation évangélisation et cultures Front de libération et d'indépendance nationale de la Guinée-Bissau Groupe de recherche et de réalisation pour le développement rural Investissement direct étranger Indice de développement humain Sondage léger d'évaluation de la pauvreté Institut national de statistiques (Portugal) Institut national de statistiques et recensement Institut national d'études et de recherche Institut national de la statistique et des études économiques (France) Institut portugais de soutien au développement Institut supérieur d'économie et de gestion Multiple Indicator Cluster Survey Migration for Development in Africa Organisation pour la coopération et le développement économique Observatoire de la diaspora de la Guinée-Bissau Organisation internationale pour les migrations Organisation non gouvernementale Organisation non gouvernementale de développement Parti africain de l'indépendance de la Guinée et du Cap-Vert Produit intérieur brut Politique gouvernementale de soutien à la diaspora Programme des Nations-Unies pour le développement Pays à faible revenu Programme de relation avec la diaspora Rapport de l'état du système éducatif national Recensement général de la population et du logement Revenu national brut Sussex Centre for Migration Research Service des étrangers et frontières Système d'information pour la sécurité alimentaire Stichting Nederlandse Vrijwilligers Association pour le développement par la technologie, l'ingénierie, la santé et l'éducation Union des associations Mandiakos en Europe Union Européenne Union économique et monétaire de l'Ouest africain Nations-Unies United Nations Development Programme Unité de santé de base

Évaluation du potentiel de développement de la diaspora de Guinée-Bissau au Portugal et en France

Sommaire exécutif Le projet Assessment of the Development Potential of the Guinea-Bissau Diaspora in Portugal and in France a pour principal objectif de fournir des informations contextualisées à l'État de la Guinée-Bissau sur la diaspora guinéenne au Portugal et en France et sur son potentiel pour contribuer au développement de la Guinée-Bissau. Nous souhaitons ainsi contribuer à renforcer la liaison entre l'État et la diaspora guinéenne et faciliter le développement de stratégies qui favorisent les plus-values de la diaspora pour le développement durable de la Guinée-Bissau. Au Portugal et en France, nous avons cherché à recueillir des informations sur les communautés d'origine guinéenne résidant dans ces pays, sur le tissu associatif respectif et sur les dynamiques et les pratiques transnationales qui relient la diaspora entre elle et avec la Guinée-Bissau. À travers la combinaison de différentes stratégies de recueil de données, nous avons souhaité obtenir un portait actuel et digne de foi des principales caractéristiques des communautés présentes dans ces deux pays, de leurs activités associatives; du caractère et de l'intensité de leurs pratiques transnationales et de leurs perceptions et points de vue concernant le processus de développement de la Guinée-Bissau et le rôle actuel et potentiel de la diaspora lors de ce processus. Les résultats obtenus confirment que la diaspora guinéenne au Portugal et en France contribuent de manière régulière et significative au développement et au bien-être de ses communautés d'origine et de la Guinée-Bissau en général. L'envoi régulier d'un volume substantiel de fonds ; les multiples initiatives menées par les associations tant dans le pays d'origine (où elles remplacent très souvent l'action de l'État) que dans les pays d'accueil (sur le plan de l'assistance sociale mutuelle au sein de la propre communauté ou en tant qu'ambassadeurs culturels); ou le retour au pays d'origine d'une proportion raisonnable des cadres hautement qualifiés formés à l'étranger (en particulier au Portugal) n’est qu'une des trois modalités les plus visibles de contribution d'une diaspora qui maintient un lien identitaire et affectif notable par rapport à son pays d'origine. En Guinée-Bissau, nous avons recueilli des informations sur les impacts de la migration sur les niveaux de développement de 45 localités des 7 régions continentales du pays. Les résultats obtenus dans le pays confirment, indubitablement, l'importance du lien entre la diaspora guinéenne et ses localités d'origine. La forme que ce lien assume est hétérogène, selon le degré d'ancienneté du processus migratoire, la situation des migrants dans le pays d'accueil, l'appartenance ethnique et le degré d'organisation des propres migrants. Différents types d'initiatives promues par les migrants ont été identifiés (construction d'écoles et don de matériel scolaire, construction de dispensaires, routes et pompes à eau), ainsi que des investissements productifs dans l'agriculture, d'autres activités génératrices de revenus et un soutien ponctuel en cas d'urgence médicale. Les envois de fonds ont régulièrement été considérés comme fondamentaux pour la satisfaction des besoins de base. Nous avons conclu que la migration guinéenne affecte substantiellement le bien-être des populations non migrantes et qu'elle contribue au développement global du pays, étant d'ailleurs fondamentale pour des aspects-clés comme la santé, l'éducation et la sécurité alimentaire. Les informations obtenues ont servi de support à l'élaboration d'un ensemble de recommandations qui visent à opérationnaliser des stratégies de renforcement de la liaison entre l'État guinéen et sa diaspora au Portugal et en France et qui permettent de tirer au maximum parti des liens économiques, sociaux, culturels et humains qui existent entre la diaspora et son pays d'origine, en faveur du développement de la Guinée-Bissau. Les recommandations incluent des dimensions structurantes importantes comme le besoin de l'État guinéen d'approfondir ses connaissances par rapport à la diaspora, de définir une stratégie d'action, d'édifier et de soutenir une politique de confiance mutuelle, de renforcer la capacité institutionnelle nationale et de développer les liens entre la Guinée-Bissau et sa diaspora (notamment en ce qui concerne les envois de fonds, l'investissement direct de la diaspora, le développement des capacités institutionnelles, la philanthropie et le soutien au retour définitif). Pour finir, cette étude suggère également au gouvernement guinéen une architecture organisationnelle pour la conception et l'exécution de programmes et de projets avec la diaspora. Évaluation du potentiel de développement de la diaspora de Guinée-Bissau au Portugal et en France

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1. Introduction 1. Introduction La La mobilité mobilité et et la la migration migration sont sont un un trait trait distinctif distinctif de de la la grande grande majorité majorité des des groupes groupes ethnolinguistiques ethnolinguistiques qui qui constituent constituent la la population population de de la la Guinée-Bissau. Guinée-Bissau. Les Les multiples multiples mouvements mouvements de de peuples peuples dans dans l'espace l'espace régional régional environnant environnant ont ont mené mené àà des des recompositions recompositions populationnelles populationnelles successives successives dans dans ce ce qui qui est est aujourd'hui aujourd'hui la la Guinée-Bissau, Guinée-Bissau, lui lui conférant conférant cette cette caractéristique caractéristique très très particulière particulière qui qui est est de de constituer constituer une une véritable véritable mosaïque mosaïque ethnoculturelle ethnoculturelle et et linguistique. linguistique. L'arrivée L'arrivée des des Portugais Portugais et et des des Européens Européens et et le le parcours parcours colonial colonial subséquent subséquent ont ont généré généré des des mouvements mouvements de population de de grande grande ampleur, ampleur, enen conséquence conséquencedes des« «campagnes de pacification pacification»» et de population campagnes de et d'occupation d'occupation effective effective du du territoire, territoire, des des mesures mesures d'exploitation d'exploitation et et de de répression répression coloniales, coloniales, jusqu'aux jusqu'aux effets effets de de la la guerre guerre de de libération. libération. Après Après l'indépendance, l'indépendance, la la mobilité mobilité de de la la population population aa gagné gagné de de nouvelles nouvelles dynamiques, dynamiques, avec avec l'affirmation l'affirmation croissante croissante des des migrations migrations intercontinentales. intercontinentales. Les développement de de la la Guinée-Bissau Guinée-Bissau se se sont sont Les différentes différentes contraintes contraintes qui qui ont ont empêché empêché le le développement traduites traduites depuis depuis lors lors par par des des vagues vagues d'immigration d'immigration successives, successives, avec avec l'augmentation l'augmentation rapide rapide du du nombre nombre de de migrants, migrants, mais mais également également de de leurs leurs motivations, motivations, de de leur leur origine origine régionale régionale ainsi ainsi que que des des destinations destinations d'immigration. d'immigration. L'incapacité développement et du bien-être la L'incapacité de de l'État l'État de de correspondre correspondre aux aux attentes attentes de de développement et du bien-être de de la population au cours de ces presque 40 ans d'indépendance, ainsi que l'instabilité politique population au cours de ces presque 40 ans d'indépendance, ainsi que l'instabilité politique permanente et l'insécurité et entrepreneuriale entrepreneuriale qui qui en en résultent permanente et l'insécurité personnelle, personnelle, professionnelle professionnelle et résultent ont ont conduit conduit les les émigrants émigrants àà s'organiser s'organiser en en associations, associations, avec avec différents différents degrés degrés de de formalisation formalisation et et formes dans le le pays, formes d'intervention d'intervention dans pays, mais mais également également avec avec une une attitude attitude de de critique critique permanente permanente au au pouvoir enexercice, exercice,et cela, et cela, indépendamment de l'appartenance politique. Cette constitue attitude pouvoir en indépendamment de l'appartenance politique. Cette attitude constitue un trait commun qui donne à la diaspora guinéenne des caractéristiques un trait commun qui donne à la diaspora guinéenne des caractéristiques très particulièrestrès de particulières de méfiance profonde par rapport aux initiatives gouvernementales. Ce difficultés sentiment méfiance profonde par rapport aux initiatives gouvernementales. Ce sentiment crée des crée desrelations difficultés les relations entre la diaspora et des le conséquences pouvoir politique, avecsurdes dans les entredans la diaspora et le pouvoir politique, avec évidentes la conséquences évidentes sur la capacité de formulation et d'exécution de politiques destinées capacité de formulation et d'exécution de politiques destinées à l'émigration. Les actions militairesà l'émigration. Les successifs actions militaires coups d'État successifs quices ontdernières atteint la décennies Guinée-Bissau ces et coups d'État qui ontetatteint la Guinée-Bissau ont non dernières décennies ont non seulement approfondi l'instabilité politique et institutionnelle, mais seulement approfondi l'instabilité politique et institutionnelle, mais ont également retiré le crédit et ont égalementdans retiré le créditpolitique, et la confiance dans ainsi le pouvoir empêchant ainsi que se le la confiance le pouvoir empêchant que le politique, potentiel de la diaspora puisse potentiel la par diaspora puisse se traduire de fait par une plus grande et meilleure contribution traduire dedefait une plus grande et meilleure contribution au développement du pays. au développement du pays. L'avènement de nouvelles technologies de communication et la banalisation des transports L'avènement de nouvelles technologies de communication la banalisation des transports aériens ont cependant permis aux migrants d'augmenter le lien etavec leur pays d'origine, d'une aériens aux migrants d'augmenter le lien Ces avecdynamiques leur pays d'origine, d'une manièreont pluscependant régulière,permis multiforme et, en grande partie, inédite. qui peuvent se manière plusde régulière, et, traduire en grande inédite. sociaux, Ces dynamiques peuvent se matérialiser formes multiforme diverses et se parpartie, des impacts culturels,quipolitiques et matérialiser formes diverses et se traduire par des impacts sociaux, culturels, politiques et économiquesdesont appelées transnationalisme migrant et il est reconnu aujourd'hui qu'elles économiques sont appelées migrant il estd'origine reconnuetaujourd'hui qu'elles possèdent un grand potentieltransnationalisme pour le développement desetpays d'accueil ainsi que possèdent un grand potentiel pourexternes le développement desimpliqués. pays d'origine et d'accueil ainsi que pour le renforcement des relations entre les pays pour le renforcement des relations externes entre les pays impliqués. Des recherches récentes accordent une attention particulière au phénomène. La recherche Des recherches récentes une attention particulière au phénomène. La recherche développée dans le cadre du accordent projet Architectes d'un espace transnational lusophone, réalisé au développée dans sur le cadre du projet d'un (CEsA/ISEG) espace transnational lusophone, réalisé au Centre d'études l'Afrique et du Architectes développement et financé par la Fondation Centre d'études sura, l'Afrique et du permis développement (CEsA/ISEG) et de financé par la Fondation Portugal-Afrique, en particulier, de conclure qu'en raison leur lien historique et Portugal-Afrique, particulier, de conclure qu'en raison lien transnational historique et multidimensionnel,a,leenPortugal et lapermis Guinée-Bissau configurent déjàdeunleur espace multidimensionnel, Portugal et la Guinée-Bissau déjà un espace consolidé, alimenté lepar des liaisons et des flux deconfigurent biens et de personnes quitransnational constituent consolidé, alimenté par des liaisons et des flux de biens et de personnes qui indubitablement un élément fondamental du patrimoine de ces pays. Les contours deconstituent cet espace indubitablement un élément fondamental du cependant patrimoine pas de ces pays.dûment Les contours de cet et, espace et des dynamiques de ses acteurs ne sont encore caractérisés par et des dynamiques de ses acteurs cependant pas encore dûment et, par conséquent, leurs potentialités dansnelessont différents domaines demeurent en caractérisés deçà des multiples conséquent, leurs potentialités dans les différents domaines demeurent en deçà des multiples possibilités de concrétisation. possibilités de concrétisation. Le sujet a été maintenant plus approfondi grâce à la recherche développée dans le cadre du LeAssessment sujet a été of maintenant plus approfondi la recherche développée le cadreand du projet the Development Potentialgrâce of theà Guinea-Bissau Diaspora dans in Portugal projet Assessment of the Development Potential the Guinea-Bissau Diaspora in Portugalpour and France, sollicité par le Gouvernement guinéen,offinancé par l'Organisation internationale France, sollicité par leet Gouvernement guinéen, financé par internationale pour les migrations (OIM) réalisé aussi par le CEsA/ISEG. Ce l'Organisation projet a pour principal objectif la les migrations (OIM) et réalisé aussi par le CEsA/ISEG. Ce projet a pour principal objectif la 6 6 Évaluation Évaluationdudupotentiel potentieldededéveloppement développementdedelaladiaspora diasporadedeGuinée-Bissau Guinée-BissauauauPortugal PortugaletetenenFrance France

construction d'informations contextualisées sur la diaspora guinéenne au Portugal et en France et sur son potentiel pour soutenir le développement de la Guinée-Bissau afin d’aider à l'élaboration d'un plan d'action qui permette à l'État de capitaliser ce potentiel et d'augmenter la capacité d'interaction des acteurs en présence, pour une action plus dynamique en faveur du développement et du progrès de l'ensemble de la société guinéenne. Cette étude est une version réduite du projet Assessment of the Development Potential of the Guinea-Bissau Diaspora in Portugal and France, préparé pour constituer un livre de divulgation des résultats obtenus et des recommandations et suggestions qui sont proposées, en tant que contribution à la conception d'une Politique gouvernementale de soutien à la diaspora (PGAD) de la part du gouvernement guinéen. S'agissant d'une version réduite, ce livre n'inclut pas un ensemble important d'éléments du processus de sondage et de sa conduite sur le terrain, raison pour laquelle nous recommandons la consultation du projet original aux intéressés. Il a été en particulier impossible d'inclure l'important chapitre sur la méthodologie, ainsi que les annexes concernant les listes d'entretiens réalisés avec des représentants des associations et le formulaire utilisé à l'occasion des entretiens (semi-structurés). Le livre a donc une structure compacte par rapport au projet original. L'introduction inclut une synthèse des aspects méthodologiques. Le chapitre 2, avec des contributions de différents chapitres du projet original, souhaite introduire les aspects essentiels du processus de développement de l'économie guinéenne et de ses principales contraintes, depuis l'indépendance du pays, ainsi qu'une introduction sur les dynamiques migratoires de la Guinée-Bissau et la présentation d'un portrait statistique actuel de la diaspora. Le chapitre 3 présente les résultats importants pour ce qui a trait à la caractérisation, digne de foi et actualisée, des dynamiques des communautés guinéennes au Portugal et en France et leur contribution actuelle et potentielle au développement de la Guinée-Bissau. Le chapitre 4 a permis de vérifier que la dimension du phénomène migratoire et les stratégies d'intervention des migrants en faveur du développement du pays varient significativement de région en région, mais que malgré cette hétérogénéité, la migration guinéenne affecte substantiellement le bien-être des populations et contribue au développement global du pays. Pour finir, le chapitre 5 inclut les conclusions générales du projet et synthétise les principales recommandations et suggestions proposées à partir des résultats du projet.

Méthodologie Outre le recours aux sources secondaires (statistiques et bibliographiques) mentionnées au fil du texte, la recherche a également inclus le recueil de données primaires pendant les périodes de travail de terrain en Guinée-Bissau, au Portugal et en France. Dans le cas du Portugal et de la France, la recherche a eu pour principal objectif de recueillir des informations sur les communautés d'origine guinéenne, le tissu associatif respectif et les dynamiques et pratiques transnationales qui relient la diaspora entre elle et avec la Guinée-Bissau. Au moment de la conception des stratégies de recueil des informations, nous avons commencé par tenir compte du fait que deux autres études ont récemment été publiées, réalisées à partir d'exercices de recueil de données directement importantes dans ce contexte: i) un sondage auprès de 77 migrants d'origine et/ou de nationalité guinéenne résidant au Portugal, réalisé en 2009 dans le contexte du projet de recherche exécuté par le CEsA, en partenariat avec la Fondation Portugal-Afrique (Carreiro et Sangreman, 2011) et ii) un relevé d'informations qualitatives et quantitatives auprès de 61 organisations de la communauté d'origine guinéenne en France, mené en 2010 à l'initiative d'une association française de codéveloppement1 (GRDR 2010:6). Ainsi, afin de réduire la redondance et de maximaliser l'intérêt des informations recueillies dans le contexte de cette étude, nous avons opté pour une stratégie de recueil de données qui soit autant que possible complémentaire face aux informations déjà existantes et disponibles publiquement. En ce sens, les principales stratégies de recueil de données adoptées dans le contexte de la présente étude ont été les suivantes: 1

Groupe de recherche et de réalisations pour le développement rural (France). Voir www.grdr.org Évaluation du potentiel de développement de la diaspora de Guinée-Bissau au Portugal et en France

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Au Portugal: réalisation d'entretiens semi-structurés avec des représentants de 28 organisations de la communauté guinéenne, entre octobre 2011 et avril 2012 ;



En France: (i) réalisation d'un sondage sur la migration et les dynamiques transnationales auprès de 103 individus d'origine guinéenne sélectionnés par la méthode snowballing, effectué en mars et avril 2012 dans différentes localités de l'axe Paris-Le Havre et (ii) réalisation d'entretiens semi-structurés avec des représentants de 21 organisations de la communauté guinéenne, également en mars et avril 2012.

En même temps que les stratégies principales indiquées ci-dessus, différentes stratégies secondaires de recueil d'informations ont également été adoptées, à savoir: entretiens avec divers informateurs privilégiés sur la communauté d'origine guinéenne en France; deux groupes focaux avec des dirigeants d'associations appartenant à la FASCAE sur le thème du processus du développement de la Guinée-Bissau et le rôle de la diaspora dans ce contexte; et la création d'un minisondage en ligne destiné à l'identification des individus hautement qualifiés d'origine guinéenne, résidant au Portugal, susceptibles de mobilisation dans le cadre d'un éventuel programme futur de transfert de compétences. En ce qui concerne le travail de terrain réalisé en Guinée-Bissau, la recherche a impliqué le recueil de données primaires dans un ensemble présélectionné de tabancas, ainsi que leur analyse en articulation avec des données secondaires provenant de documents de référence, en particulier le Document de stratégie nationale de réduction de pauvreté (MEPIR, 2011), le 3e recensement général de la population et logement (INEC, 2009) et le Sondage léger d'évaluation de la pauvreté (ILAP, 2010), entre autres. Les tabancas ont été sélectionnées à partir des informations obtenues auprès de la diaspora au Portugal et en France, en parallèle avec les tabancas référencées par les autorités locales dans chaque région (directions régionales de l'éducation et de la santé, administrations de secteur) comme ayant une grande expression migratoire. Aléatoirement, des tabancas ayant peu ou aucun migrant ont également été prises en compte pour garantir une base de comparaison avec les autres et pour isoler l'action d'autres acteurs de développement, comme les ONG, avec celles qui possédaient une plus grande expression migratoire dans chaque région (d'après la référence obtenue auprès des autorités locale s : Directions régionales d'éducation et de santé et administrations de secteur). Le recueil de données primaires a été fait grâce à un instrument de recherche produit à cet effet (guide d'entretien collectif/groupe focal), constitué de questions ouvertes et fermées qui avaient pour objectif de déterminer les principaux indicateurs de développement de chaque tabanca, les contingents globaux de migrants et leurs principales destinations ainsi que les actions développées par les migrants au sein de leurs communautés d'origine. La dernière partie du questionnaire incluait des questions relatives à la perception des populations sur le rôle des migrants pour le développement local et national et recueillait leurs recommandations sur les stratégies pour augmenter les effets positifs de la migration. Cet instrument a été appliqué dans des groupes focaux, constitués de préférence, mais pas exclusivement, des principales figures de la communauté — leaders du pouvoir traditionnel (roitelets et chefs de tabanca), anciens, représentants des associations locales, professeurs et familles de migrants — afin d'obtenir une caractérisation globale de la tabanca. En tout, des groupes focaux ont été réalisés dans 44 tabancas des 7 régions continentales de la GuinéeBissau (Bafata, Biombo, Cacheu, Gabu, Oio, Quinara et Tombali) et sur l'île de Jeta, dans la région de Cacheu. Les groupes focaux ont été complétés par une observation participante et par un grand relevé photographique, cette partie du travail de terrain ayant eu lieu entre octobre 2011 et mars 2012. Des informations plus détaillées à propos des méthodes utilisées au cours du projet de recherche qui a servi de support à cette étude — incluant les questionnaires et les formulaires utilisés, ainsi que les listes des associations interviewées et des tabancas de Guinée-Bissau où ont été réalisés des groupes focaux — sont disponibles dans le rapport final du projet. 8

Évaluation du potentiel de développement de la diaspora de Guinée-Bissau au Portugal et en France

2. Développement, dynamiques migratoires et diaspora guinéenne Ce châpitre analyse le parcours de développement de la Guinée-Bissau entre 1975 et 2010 en particulier ses résultats, l'évolution des structures économiques et les contraintes qui limitent les possibilités de transformation productive et de construction de bases plus solides pour améliorer la performance économique. Cette analyse permet de construire un cadre de soutien important pour l'analyse du processus migratoire et des potentialités de développement de la diaspora guinéenne.

2.1. Une vision globale du processus de développement économique Lors d'une première approche, il importe d'analyser la performance de l'économie guinéenne à long terme, de caractériser son parcours et d'évaluer les résultats en matière de revenu par habitant. Cet indicateur dépend de la manière dont évoluent la croissance économique et la croissance populationnelle, mais sa propre évolution à également des conséquences significatives sur les conditions de vie des populations.

La croissance de l'économie guinéenne entre 1975 et 2010 300,0

Le processus politique, économique et social en Guinée-Bissau a été très perturbé dès les premières années après l'indépendance. Cependant, si nous visualisons l'évolution du PIB, à des prix constants, nous pouvons observer une tendance modérée de croissance économique, au cours des 35 années analysées, de près de 2,0% par an. Le graphique 2.1 montre cette évolution du PIB et nous permet de souligner trois sous-périodes principales dans le parcours de croissance250,0 économique.

Millions de dollars USA, prix constants de 2000

Graphique 2.1 : Évolution du produit intérieur brut, 1975-2010 200,0

150,0

100,0

Source :50,0 World Bank, World Data Bank [en ligne.]

Évaluation du potentiel de développement de la diaspora de Guinée-Bissau au Portugal et en France

9

1998

1997

1996

1995

1994

1993

1992

1991

1990

1989

1988

1987

1986

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1983

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1979

1978

1977

1976

1975

0,0

Les premières 8 années (1975-1983) montrent un mouvement très instable et un rythme de croissance moyenne annuel de 1,5%, soit un parcours au-dessous de la moyenne observée pour le total de la période analysée. Les fluctuations sont intenses en certaines années (-7,2% en 1977 et 13,1% en 1978 ou -16,0% en 1980 et 18,2% en 1981), ce qui révèle, de fait, la grande instabilité économique de ces premières années. La seconde sous-période, entre 1983 et 1997, constitue la période de plus grand rythme de croissance de l'économie guinéenne, avec un taux moyen annuel de 4,6%. Il s'agit d'un parcours ayant peu de fluctuations, relativement stable, avec quelques moments de croissance rapide, comme en 1988-91 et 1995-97. Cette sous-période a atteint son maximum en 1997 et a été suivie d'une chute brusque et intense en 1998, de près de 28,1%, ce qui marque une nette rupture sur la voie stable de la croissance en cours depuis 1983. Le processus de croissance a cependant repris en 1999 et l'économie a récupéré son parcours de croissance, d'abord d'une façon fluctuante, entre 1999 et 2003, puis avec une plus grande stabilité. Bien que sans atteindre le rythme de 1983-97, la tendance se situe légèrement au-dessous du rythme moyen de toute la période, avec un taux moyen annuel de croissance de près de 1,8%.

-30,0

-40,0

2005

2004

2003

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1993

2002

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1989

1997

1995

1994

1988

1993

1991

1985

1992

1990

1989

1984

1988

1986

1981

1987

1985

1984

1980

1983

1981

1982

1980

1977

1979

1978

1977

1976

1996

1995

1994

1991

1990

1987

1986

1983

1982

1979

0,0 1978

-20,0

10,0

1975

-10,0

1976

Graphique 2.2 : Évolution comparative du PIB et de la population, 1975-2010 1975

0,0

Variations annuelles en pourcentage

Variations annuelles en pourcentage

Une lecture de la croissance de la population observée pendant les 35 ans analysés permet une première évaluation des résultats de la croissance économique constatée. Au cours de la 30,0période, la population guinéenne a augmenté à un taux moyen annuel de 2,2%, avec une légère tendance au déclin dans le temps. De fait, après les premières années pendant lesquelles la population a observé un taux de croissance très proche de 4%, un déclin a été constaté entre 1979 et 30,0 1981, le rythme s'étant ensuite stabilisé aux alentours de 2% par an. En lisant le 20,0processus en termes de produit par habitant, ce qui ressort est sa stabilité dans le temps, malgré un léger déclin de 0,2% par an. En comparaison avec l'évolution du PIB, les données nous montrent une tendance identique de déclin de la production (2,0%) et de la population (2,2%), mais légèrement plus faible en ce qui concerne la population, ce qui représente une tendance 10,0 longue de déclin de la production par habitant. 20,0

-10,0

-20,0

Variations annuelles du PIB

Variations annuelles de la population

Source : World Bank, World data bank [en ligne.]

-30,0

Le graphique 2.2 compare l'évolution des variations annuelles du PIB avec celles de la population totale, en permettant de visualiser des comportements très distincts entre les deux indicateurs, en particulier, la fluctuation élevée des taux de croissance du PIB. Lors des premières années de l'indépendance, entre 1975 et 1986, la production interne a présenté des -40,0 10

Évaluation du potentiel de développement de la diaspora de Guinée-Bissau au Portugal et en France

Variations annuelles du PIB

Variations annuelles

fluctuations annuelles très intenses autour d'une tendance stable de décroissance de la population, mais elle a diminué plus vite que la population, ce qui s'est traduit par un déclin de la production par habitant (PIB per capita) de près de 0,6% par an. Entre 1987 et 1997, l'économie guinéenne se trouvait dans sa période de croissance la plus dynamique et le PIB a augmenté beaucoup plus vite que la population, de près de 2,9% par an, constituant ainsi l'une des phases les plus importantes des gains de production par les habitants du pays. Après la crise de 1998, la récupération de la croissance économique a été plus lente que pendant la période précédente, avec une croissance du PIB d'à peine 0,2% au-dessus de la population, ce qui s'est traduit par une situation de quasi-stagnation de la production par habitant. Cette évolution peut être analysée selon une optique de revenu, en prenant le revenu national brut (RNB) per capita2 comme indicateur de référence, ce qui permet d'inclure dans l'analyse les entrées nettes de revenus primaires de l'extérieur. Si nous considérons le RNB per capita en parités de pouvoir d'achat (ppc), nous pourrons inclure une analyse comparée de son évolution avec des groupes de pays de référence, comme présenté dans le graphique 2.3

Dollars internationaux

Graphique 2.3 : Évolution comparative du RNB per capita, ppc, 1975-2010

Guinée-Bissau Pays à faible Afrique subsaharienne subsaharienne Guinée-Bissau Pays àrevenu faible revenu Pays revenu à faible Guinée-Bissau Afrique Afrique subsaharienne

Source : World Bank, World data bank [en ligne]

Le graphique 2.3 nous permet de vérifier que le RNB per capita de la Guinée-Bissau révèle une tendance de croissance depuis le début des années 19803. La tendance est plus accentuée jusqu'en 1997, bénéficiant de la période de plus grande croissance observée ci-dessus. Deux aspects sont importants dans cette évolution jusqu'en 1997: d'une part, la convergence avec les pays d'Afrique subsaharienne et de l'autre, la position de la Guinée-Bissau toujours au-dessus des valeurs de l'ensemble des pays à faible revenu4. Après 1998, l'évolution du RNB per capita de la Guinée-Bissau révèle un parcours comparatif différent et l'on constate une nette divergence par rapport à l'Afrique subsaharienne et ce qui semble également être le début d'un parcours de divergence avec les pays à faible revenu. Dans les deux cas, le parcours récent de divergence est un résultat de l'évaluation très positive des deux groupes de pays et de la croissance plus lente de la Guinée-Bissau depuis 1998. 2 Le revenu national brut (ancien produit national brut) est égal au produit intérieur brut augmenté du solde net des revenus primaires reçus de l'extérieur. 3 La Banque mondiale n'a pas de données en termes de parités de pouvoir d'achat disponible pour la période avant 1980. 4 Nous avons utilisé ici le classement de la Banque mondiale, basé sur des niveaux du RNB per capita. Le World Development Report de 2012, considérant des valeurs de 2010, établit comme étant à faible revenu (low income) les pays ayant un RNB per capita égal ou inférieur à 1005 dollars.

Évaluation du potentiel de développement de la diaspora de Guinée-Bissau au Portugal et en France

11

Les effets sur la qualité de vie de la population Comme nous l'avons vu dans la section précédente, la Guinée-Bissau a démontré une meilleure performance de la croissance économique que celle de la moyenne des pays à faible revenu, et cela, malgré le recul de ces dernières années. Du début des années 80 à la moitié des années 2000, son parcours a clairement été supérieur, ce qui a permis quelques améliorations dans les conditions de vie de la population guinéenne et un rapprochement des valeurs moyennes de l'ensemble des pays à faible revenu. Les progrès ont cependant été timides dans de nombreux aspects et très inégaux entre les dimensions qui définissent la qualité de vie de la population, sans oublier que les références du groupe de pays sont, elles aussi, très faibles. Le tableau 2.1 contient un ensemble synthétique d'indicateurs qui permettent d'évaluer l'évolution en Guinée-Bissau et sa position par rapport aux montants moyens des pays à faible revenu. Tableau 2.1: Indicateurs de qualité de vie de la population, 1990-2010 PFR Revenu national brut per capita (dollars) Espérance de vie à la naissance (années)

1990

2000

2005

2010

2010

220

180

410

590

530

43

45

46

47

59

Taux de mortalité infantile (‰)

125

107

99

92

70

Taux de mortalité des moins de 5 ans (‰)

210

177

162

150

108

36

50

57

64

65

Accès à une source d'eau améliorée (% de la population) Accès à l'assainissement amélioré (% de la population)

13

14

17

20

37

Taux d'analphabétisme (%)

nd

58,6

49,8

45,8

40,4

Scolarisation primaire brute (%)

50,9

78,7

119,8

123,1

96

Scolarisation primaire nette (%)

36,4

51,0

nd

73,9

73

Scolarisation secondaire brute (%)

5,4

18,5

33,8

46,6

49

Taux d'incidence de la pauvreté (% de la population)

49

64,7

nd

nd

nd





0,340

0,351

0,456

Indice de développement humain (IDH)

Sources : World Bank, World Data Bank [en ligne.]. PNUD, Rapport de développement humain, 2011. Note :

nd – non disponible dans les bases statistiques. PFR - Pays à faible revenu

Le premier ensemble d'indicateurs reflète la qualité de vie de la population du point de vue de la santé. L'espérance de vie à la naissance en Guinée-Bissau a progressé de près de 7 ans entre 1980 et 2010, passant de 40 à 47 ans, ce qui continue à être une valeur assez faible et très inférieure à l'espérance de vie de 57 ans dans les pays à faible revenu. Le taux de mortalité infantile constitue un autre bon indicateur de santé, dans la mesure où il reflète les conditions de vie et l'accessibilité aux soins de santé pendant la première année de vie, une période extrêmement sensible. Les améliorations dans ces conditions sont rapidement traduites par le déclin du taux de mortalité infantile, comme ce fut le cas en Guinée-Bissau ces dernières décennies : d'un taux de l'ordre de 125 ‰ en 1990, nous avons constaté une diminution importante, passant à 107 ‰ en 2000 et à 92 ‰ en 2010. Mais, ici aussi, le pays continue encore éloigné de la moyenne des pays à faible revenu, de 70 ‰ en 2010. Le taux de mortalité des moins de cinq ans est un indicateur qui élargit la perception des conditions de vie à l'âge juvénile et est très important pour évaluer des contextes comme ceux de la Guinée-Bissau. Bien 12

Évaluation du potentiel de développement de la diaspora de Guinée-Bissau au Portugal et en France

qu'ayant des valeurs encore très élevées (150‰ en 2010) et clairement supérieures à celles des pays à faible revenu (108‰), il a subi une diminution elle aussi importante, de presque 30% entre 1990 et 2010. Les accès à l'eau potable et à l'assainissement de base sont des indicateurs importants des conditions de vie, compte tenu de leurs effets sur la santé des populations et de la forme rapide comme leurs améliorations se traduisent en une amélioration des conditions de vie. L'accès à l'eau potable à partir de sources améliorées5 a enregistré d'importants progrès en Guinée-Bissau et est passé de 36% en 1990 à près de 64% en 2010, une valeur déjà pratiquement identique à celle de la moyenne du groupe (65%). L'accès à l'assainissement de base amélioré 6 a également enregistré un important progrès, mais avec des valeurs (20% en 2010) encore très en deçà de la moyenne du groupe de pays (37%). Les quatre indicateurs suivants seront du domaine éducationnel et nous donnent des informations importantes sur l'acquisition de connaissances à un niveau encore élémentaire, mais fondamental, du point de vue de la transformation de la qualité et des conditions de vie des individus. C'est l'un des domaines où le progrès guinéen est évident, bien qu'il y ait encore de nombreux progrès à faire. Le taux d'analphabétisme est encore plus élevé que celui de la moyenne des pays du même groupe de revenu, bien qu'avec quelques progrès: d'un taux de 58,6% en 2000, le pays est passé à 45,8% en 2010, c'est-à-dire, plus proche de la moyenne des pays à faible revenu. Par rapport aux niveaux de scolarisation, les progrès sont significatifs, aussi bien dans l'enseignement primaire que dans le secondaire, bien que la Guinée-Bissau est loin d'atteindre « l'objectif du millénium » de l'enseignement primaire universel en 2015. Les progrès par rapport aux pays à faible revenu sont néanmoins très importants: dans l'enseignement primaire, le parcours a été de 50,9% de scolarisation brute en 1990 à 123,1% en 2010, bien meilleur que la moyenne du groupe, tandis que pour la scolarisation nette, le pays est passé de 36,4% en 1990 à 73,9% en 2010, sensiblement identique à la moyenne du groupe; pour la scolarisation secondaire brute, le progrès a été notable, avec un passage de 5,4% en 1990 à 46,6% en 2010, une valeur très proche de celle des pays à faible revenu (49%). L'indice de développement humain (IDH), publié annuellement par le Programme des Nations-Unies pour le développement (PNUD), nous donne une image globale du développement humain très fragile en Guinée-Bissau. L'IDH est un indicateur synthétique, relativement simple dans sa construction, mais extrêmement utile en matière d'analyse comparative, dont l'intégration d'informations relatives à la longévité (« vie longue et saine »), l’acquisition de connaissance et le revenu per capita permet une vision multidimensionnelle des progrès relatifs de chaque pays. En observant les données publiées par le PNUD, nous pouvons constater que la Guinée-Bissau occupe, systématiquement, l'une des dernières places de la liste ordonnée des niveaux d'IDH par pays, étant en 2011 à la 176e position sur 179 pays. L'évolution de ses valeurs a été très lente, de 0,340 en 2005 à 0,351 en 2010 et 0,353 en 2011, ce qui signifie une position très faible dans l'ensemble des pays à faible développement humain (0,456 en moyenne en 2010) 7. La propre lecture des techniciens du PNUD révèle que la Guinée-Bissau n'est pas parvenue jusqu'à présent à traduire ses résultats de revenu par habitant en gains de développement humain. Elle continue donc d'être l'un des pays les plus pauvres du monde. Des près de 1,5 million d'habitants, 69,3% vivent dans la pauvreté (avec moins de 2 dollars par jour), 33% étant en situation de pauvreté extrême, soit avec moins de 1 dollar par jour8. La pauvreté est ressentie d'une manière généralisée dans le pays. Cependant, il a été constaté une aggravation de la situation par rapport aux valeurs constatées dans le Sondage léger d'évaluation de la pauvreté 5 « Les sources d'eau améliorées incluent l'eau courante dans les logements, les terrains ou les jardins, les robinets ou les tuyaux d'accès public, les puits tubulaires ou les forages, les puits creusés, protégés, les sources protégées et les eaux fluviales » (PNUD, Rapport de développement humain 2010, p. 234). 6 « Les installations sanitaires améliorées incluent des chasses d'eau reliées à des systèmes de canalisation d'égouts ou des fosses septiques, des latrines de fosse ventilées, ou avec dalle et toilettes sèches. Elles ne sont cependant pas considérées améliorées lorsqu'elles sont partagées avec d'autres familles ou ouvertes au public » (Ibidem, p. 234). 7 Le PNUD utilise également un classement de pays, basé sur ses calculs de l'IDH. Il considère quatre groupes basés en quartis : développement très élevé, élevé, moyen et faible. La Guinée-Bissau occupe l'une des dernières places du groupe à revenu faible. 8 V. OCDE, 2011, p. 23 (http://www.oecd.org/dataoecd/60/53/48899975.pdf).

Évaluation du potentiel de développement de la diaspora de Guinée-Bissau au Portugal et en France

13

(SLEP) antérieur à 2010 9. Bien que la grande majorité de la population réside dans les zones rurales, Bissau a cependant actuellement près d'un tiers de la population totale, alors qu'en 1991 la population urbaine ne dépassait pas les 18%. La pauvreté est donc pour cette même raison ressentie plus particulièrement à Bissau et dans les régions d'Oio, Bafatá, Quinara/Tombali et Gabú. En ce qui concerne la pauvreté non monétaire, qui affecte près de 40% de la population du pays, elle atteint surtout les zones rurales où elle dépasse les 60%10.

2.2. Contraintes du processus de développement Dans la section précédente, nous avons vu que le processus de croissance économique de la Guinée-Bissau est caractérisé par un lent parcours à long terme et des mouvements de grande instabilité, ce qui lui donne une configuration d'avancées et de reculs successifs, bien qu'il soit soutenu par une longue tendance de croissance modérée. La Guinée-Bissau se trouve cependant aujourd'hui dans un parcours de divergence par rapport aux deux groupes de pays pris en compte, d'une forme très claire par rapport à l'Afrique subsaharienne, mais encore très proche des pays à faible revenu. Ce parcours de divergence résulte de l'incapacité que le pays révèle à générer un processus dynamique de transformation productive, capable de proportionner des modifications essentielles en facteurs décisifs de la croissance et du développement économique, comme la croissance de la productivité de l'économie, l'augmentation de la capacité d'absorption productive du travail et la création d'avantages comparatifs dans le commerce international. L'absence de ces modifications s'exprime par un ensemble de caractéristiques que nous avons vues par rapport à la Guinée-Bissau, mais qui prévalent également dans la plupart des pays d'Afrique Subsaharienne: (i) l'approfondissement du fossé entre l'agriculture et les autres secteurs de l'économie qui caractérise le fonctionnement de sociétés de plus en plus dépendantes des activités agricoles traditionnelles qui reflète la difficulté de la transformation structurelle de l'économie et du transfert de ressources vers des activités de plus grande productivité, indispensables pour gérer et soutenir un processus de croissance économique; (ii) la permanence du travail dans l'activité agricole est dans un contexte de niveau de sous-emploi élevé qui finit par forcer les populations à la migration rurale-urbaine et à la concentration marginalisée périurbaine qui reflète l'incapacité à absorber de manière productive l'excès de travail, ce qui n'est possible que grâce à des politiques économiques et industrielles actives; (iii) la reproduction d'une économie qui dépend d'une agriculture technologiquement traditionnelle ne crée pas les conditions pour gérer de manière endogène une modification des avantages comparatifs, sa capacité exportatrice étant entièrement dépendante de facteurs exogènes (prix internationaux, conditions climatiques, etc.). La Guinée-Bissau est confrontée, en fait, à un ensemble de contraintes qui ont entravé la création de conditions pour un processus de transformation productive et d'affirmation d'un processus soutenu de croissance et de développement économique. Les contraintes sont variées, mais nous accorderons ici une attention particulière à quatre types fondamentaux: (i) les contraintes de financement qui résultent de la fragilité de l'épargne interne, mais aussi de l'absence d'un cadre institutionnel de confiance, capable d'attirer l'investissement étranger; (ii) les contraintes résultant de l'instabilité politique, qui empêchent la mise en place d'un État véritablement développementaliste et la construction d'une structure institutionnelle politique et stable; (iii) les contraintes qui résultent de la manipulation de la diversité ethnique comme instrument de lutte pour le pouvoir et (iv) les contraintes résultant de l'absence d'un modèle d'intégration économique internationale, capable de contribuer à l'établissement de relations économiques génératrices des gains de commerce nécessaires pour soutenir le financement et la transformation productive de l'économie guinéenne. 9

Le premier SLEP en Guinée-Bissau a été réalisé en 2002. D'après la Banque mondiale, en 2006, la pauvreté atteignait près de 64,7 % de la population, dont 20,8 % se trouvaient en situation de pauvreté extrême. Voir : World Bank, 2009, p. 2 (http://ddpext.worldbank.org/EdStats/GNBstu09a.pdf). 10 Il s'agit d'un indicateur composite de bien-être, construit à partir d'indicateurs distincts qui relient l'habitat, l'accès à l'eau potable et la possession de biens durables. 14

Évaluation du potentiel de développement de la diaspora de Guinée-Bissau au Portugal et en France

Le financement du développement Si la transformation productive constitue un élément central de la construction du processus de développement, l'inexistence de moyens internes de financement (épargne) devient un obstacle majeur de cette transformation. Telle est la réalité à l'heure actuelle dans la généralité des pays les moins développés. Au cours des années analysées, la Guinée-Bissau montre une énorme fragilité, avec un niveau moyen d'épargne égal à - 1,8% du PIB et des valeurs positives uniquement pendant la période entre 1978 et 1997. Si le faible niveau d'épargne est une conséquence du faible niveau du revenu par habitant, c'est également un facteur limitatif de la capacité à investir, ce qui rend évident le cercle vicieux de la pauvreté. 200

D'autre part, l'économie de la Guinée-Bissau est caractérisée par un niveau élevé du déficit public, avec des valeurs moyennes annuelles bien proches de 25% du PIB. Étant un résultat à la fois de la faible performance économique et de la fragilité du système d'imposition, le déficit public est un facteur d'écart permanent de ressources pour l'État, réduisant ainsi davantage les disponibilités de financement productif de l'économie et aggravant le cercle vicieux.

180

160

Graphique 2.4: Flux de financement international, 1975-2002

140

120

Millions de dollars USA courents

100

80

60

40

20

Aide publique au développement

Investissement direct étranger

Envoi d'argent d'émigrants

Source : World Bank, World data bank [en ligne.]

Incapable de s'autofinancer, la Guinée-Bissau dépend fortement des flux de financement international. Le graphique 2.4 nous montre que la Guinée-Bissau est essentiellement financée par l'Aide publique au développement (APD), que les flux privés n'ont pas beaucoup de signification, ils sont relativement récents et pratiquement réduits à l'investissement direct étranger (IDE)11. L’importance de l'APD est une caractéristique non seulement de la GuinéeBissau, mais également de l'Afrique subsaharienne en général, la région où l'Aide publique au développement maintient encore un poids très élevé dans la structure du financement international. La question centrale ici est que le poids réduit de l'IDE ne permet pas que le pays 11 Les flux publics reçus par la Guinée-Bissau sont essentiellement l'Aide publique au développement, aussi bien bilatérale que multilatérale. Dans les cas des flux privés, les valeurs concernant les emprunts et les investissements de portefeuille sont parfaitement négligeables et très occasionnels. Les valeurs sont celles de la base de données en ligne de la Banque mondiale.

Évaluation du potentiel de développement de la diaspora de Guinée-Bissau au Portugal et en France

15

2009

2008

2007

2006

2005

2004

2003

2002

2001

2000

1999

1998

1997

1996

1995

1994

1993

1992

1991

1990

1989

1988

1987

1986

1985

0

tire parti de ses multiples avantages, car, outre un flux de financement au sens strict, l'IDE est également un instrument de transfert de technologie et un mécanisme important d'élargissement des marchés externes. Cela veut dire que l'investissement direct étranger peut contribuer directement à soutenir la transformation productive, l'augmentation de la capacité d'absorption productive du travail et l'amélioration des conditions de participation au commerce international. Il est donc fondamental que la Guinée-Bissau crée un cadre institutionnel de confiance et capable d'ouvrir un espace pour la captation croissante d'IDE afin d'introduire un nouveau mécanisme de dynamique économique et de changement structurel. Le graphique 2.4 nous montre également que les envois de fonds des émigrants gagnent un poids croissant sur la structure des flux internationaux. Il s'agit d'un flux important au niveau du revenu des familles réceptrices, ce qui lui donne une caractéristique particulière par rapport aux autres flux. Il n'a cependant pas la même nature macro-économique dans la mesure où il s'agit plus exactement d'une agrégation de flux individuels et donc dépendants des options et des objectifs des émigrants et de leurs familles respectives dans le pays. Il s'agit de toute façon d'un flux très important en raison non seulement de sa contribution à l'amélioration des conditions de vie des populations, mais également de sa contribution à l'équilibre des paiements externes.

L'instabilité politique et institutionnelle Après son indépendance en 1974, la Guinée-Bissau a vécu dans un cadre institutionnel dessiné autour d'un modèle autoritaire dans lequel l'économie était menée par l'État et celui-ci par un unique parti politique. À partir de la moitié des années 80, avec un programme de stabilisation et d'ajustement structurel conçu par la Banque mondiale, le pays a commencé à évoluer vers une libéralisation économique qui devrait mener, en tout cas en théorie, à un modèle de fonctionnement décentralisé dans lequel les « mécanismes de marché » substitueraient progressivement les mécanismes de dirigisme gouvernemental. Ce modèle institutionnel de « marché libre » devrait être suivi par un processus de libéralisation politique qui permettrait une action politique décentralisée et reposant sur l'interaction entre les différents partis politiques en tant que porte-paroles d'options et de stratégies concurrentes entre elles. Au contraire, la Guinée-Bissau est entrée dans un processus qui a fini par dégénérer en une situation de grande conflictualité et d'instabilité politique permanente. Le contexte d'instabilité créé a provoqué, comme nous l'avons vu ci-dessus, une situation fortement contraignante du développement de l'économie de marché en Guinée-Bissau et cela pour plusieurs raisons: d'abord, parce que cela a empêché le pays de disposer d'un cadre institutionnel stable, prévisible et générateur de confiance, indispensable au fonctionnement de l'économie de marché. La stabilité est précisément indispensable parce que le marché est une construction institutionnelle où le cadre normatif est nécessaire pour favoriser l'interaction entre les agents économiques, en particulier, lorsqu'il s'agit d'interactions qui se développent dans le temps et dans l'espace. Le fonctionnement du marché implique donc une combinaison d'institutions stables, indispensables pour structurer, organiser et légitimer les relations d'échange permettant aux agents d'anticiper des comportements et donc d'avoir confiance dans le système. En second lieu, l'instabilité politique et institutionnelle limite l'État dans le développement de ses fonctions, notamment sa capacité à dessiner, promouvoir et soutenir un processus de développement de l'économie et de la société. Dans une économie avec le niveau de développement de la Guinée-Bissau, l'expérience historique montre que l'activisme de l'État est indispensable à la dure tâche de « construire » le développement économique. La reprise du processus de développement en Guinée-Bissau implique qu'il soit possible d'évoluer vers une véritable autonomie12 de l'État et de son engagement total envers le développement du pays, en assumant un ensemble de fonctions indispensables pour relancer une 12 La littérature institutionnaliste accorde une attention toute particulière à ce thème de l'autonomie de l'État. D'après Peter Evans, autonomie veut dire capacité pour l'État d'agir indépendamment par rapport aux pressions particulières de la société, ce qui permet d'isoler l'administration des efforts pour capturer le pouvoir de l'État et de l'utiliser au profit des intérêts particuliers. L'exercice de l'autonomie présuppose une administration hautement qualifiée, formée sur la base du mérite et capable de prendre des décisions politiques de manière autonome. (Evans, Peter. Embedded Autonomy, 1995)

16

Évaluation du potentiel de développement de la diaspora de Guinée-Bissau au Portugal et en France

dynamique de développement. L'État doit être capable de pourvoir le pays d'une « vision » du développement et de trouver les alliances politiques et économiques indispensables pour la mettre en pratique. Cela ne signifie pas que l'État doive « remplacer le marché »13, bien au contraire, ce que l'on attend c'est qu'il fonctionne comme un véritable « gestionnaire » du processus de développement et qu'il soit capable de trouver les mécanismes de coordination les plus adéquats. L'État doit également avoir un rôle central dans le processus de construction de la structure institutionnelle du pays, en contribuant à la définition d'un ensemble d'institutions véritablement régulateur de l'interaction entre les agents, c'est-à-dire, comme nous l'avons dit ci-dessus, un cadre institutionnel stable, prévisible et générateur de confiance. Pour finir, l'État doit être capable d'exercer une fonction essentielle pour sa « gestion» du processus de développement, celle de gérer les conflits qui tendent à être générés dans les processus d'allocation de ressources, de choix de secteurs, de transfert de ressources aux secteurs à haute productivité, d'investissement, etc.

La manipulation politique de facteurs ethniques La période de fixation des peuples sur le territoire de la Sénégambie a été marquée par une cohabitation parfois difficile entre les Mandingues et les Peules. Au XXe siècle, le Portugal a cherché à tirer profit des alliances et des divergences entre les différentes ethnies, en particulier par l'intermédiaire des islamisés, notamment les Peules, contre les animistes insurgés ou les Grumetes (Pélissier 2001: 144-178). Lors de ce conflit, des blessures profondes entre les différents groupes ethniques se sont accentuées. La lutte de libération menée par le PAIGC a cependant eu un pouvoir conciliateur, en minimisant ces discordes et en unifiant les différentes sensibilités autour d'un objectif plus grand qui était l'obtention de l'indépendance. Ce fut une lutte pour le « sol » qui n'appartenait pas seulement à une ethnie, mais à toute la Guinée14. L'instrumentation des questions ethniques est cependant utilisée dès qu'il existe des intérêts évidents de dispute du pouvoir politique ou économique, générant ainsi une instabilité généralisée dans la société guinéenne. À la date de l'indépendance et fruit de la circonstance historique de dépendance de la Guinée par rapport au Cap-Vert, outre les élites petites-bourgeoises natives, on trouvait dans le pays des Cap-Verdiens qui, pour la plupart, assumaient des postes d'une certaine importance dans l'administration et dans les activités économiques résultat, aussi bien du travail précédemment développé auprès de l'administration coloniale que du fait qu'ils étaient détenteurs de facteurs de production, notamment comme grands propriétaires terriens15 ou propriétaires de maisons commerciales16. Après l'indépendance, les relations entre les natifs (pretu-nok) et les descendants de Cap-Verdiens (burmejdos-wak) ont cependant été altérées par la séparation en deux pays effectuée par le « mouvement réajusteur du 14 novembre » 1980. Ces clivages à caractère ethnique ont été encore plus extrêmes en février 1991, pendant le IIe Congrès exceptionnel du PAIGC, lorsque l'on souhaitait transmettre à l'extérieur l'image que le Parti se démocratisait effectivement. Ce fut dans ce contexte que Malam Bacai Sanhá et Nino Vieira ont débattu « l'éternelle rivalité entre les métis et les noirs ». En d'autres termes, le débat a été plus centré sur les questions raciales qu'idéologiques (Nóbrega 2001: 272). Comme résultat, un grand nombre de cadres du parti à qui l'on reconnaissait « une meilleure compétence et formation culturelle » s'est vu écarté du processus de transition politique commencé par le Parti17, certains d'entre eux venant à créer de nouveaux partis. Le succès de la lutte pour l'Indépendance avait engendré l'idée que les guérilleros étaient « les meilleurs enfants ». Et qu'en tant que tels, ils devaient jouir de droits spéciaux, raison pour laquelle le

13 Un thème auquel Joseph Stiglitz a donné beaucoup d’importance dans son analyse des causes du succès des expériences asiatiques (Stiglitz, Joseph. « Some Lessons from the East Asian Miracle », 1996). 14

Voir Ferreira, 2012, p. 2. Terme qui désigne les propriétaires de petites terres («as pontas») qui Ωcédaient aux indigènes en échange des taux d'intérêt élevés. 16 Alexandre e Dias, 1998, p. 254. 17 Le processus de scission surgit, aux yeux extérieurs, comme étant dirigé par ledit Groupe de la lettre des 121, composé de cadres distingués exclus du congrès, qui ne sont pas tous Burmedjos. Idem. 15

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reste de la société civile devait leur fournir une révérence particulière18. Il semble que ce sentiment se soit maintenu au niveau de la coupole politique, mais qu'il s'agit d' une idée avec laquelle la société civile guinéenne, en général, cesse peu à peu de s'identifier, fondamentalement, en raison de l'accusation selon laquelle les guérilleros ont échoué dans la lutte pour le développement (Sangreman et al, 2006). Les divergences ethniques continuent donc à être utilisées politiquement, mais alliées à l'idée de légitimation de l'autorité accordée par la « Lutte » à ceux qui y ont combattu, et cela, indépendamment des compétences professionnelles ou humaines que les individus présentent19. Ce modus operandi adopté par les dirigeants ayant des responsabilités politiques a en Koumba Yalá son principal représentant, en particulier entre 2000 et 2003, pendant la période de sa présidence, car celui-ci réglait son gouvernement par l'appel aux affinités ethniques20. L'utilisation de ces affinités a cependant inclus l'implication de hautes patentes du secteur militaire, majoritairement de l'ethnie Balanta, le groupe responsable du coup d'État réalisé le 12 avril 2012.

Le modèle d'intégration économique internationale Comme nous l'avons vu auparavant, la Guinée-Bissau dispose pratiquement d'un seul produit d'exportation et a une structure d'importation avec un poids élevé de produits agricoles et alimentaires et autres biens de consommation. C'est un modèle très commun dans des pays peu développés, mais, ce qui est particulier c'est l'importance que la noix de cajou assume pour l'économie guinéenne, ce qui peut causer certains risques à l'avenir. Or, si ce modèle d'intégration économique internationale n'est pas très approprié pour une stratégie de croissance et de changement structurel, le danger que l'augmentation de l'importance de la noix de cajou ait des effets nocifs sur le processus de développement économique guinéen existe. La Guinée-Bissau est l'un des pays qui consacrent le plus de surface agricole à la culture de la noix de cajou, une plantation qui exige peu en moyens de production, incluant le travail, ce qui lui confère une valeur ajoutée relativement élevée et, par conséquent, un grand potentiel pour améliorer le revenu des agriculteurs. La noix de cajou est une production importante pour la Guinée-Bissau parce que c'est la principale source de revenus du secteur agricole et la principale source de recettes fiscales pour l'État, en plus d'être également la principale source de revenus pour le secteur privé. Tout cela fait de la culture de la noix de cajou un cas très particulier et ayant encore beaucoup d'espace pour progresser davantage. L'exploitation ne bénéficie cependant pas des meilleures conditions en raison des graves problèmes auxquels le pays fait face en matière de transports, d'infrastructures ou de capacité de financement. La grande question qui se pose est que la Guinée-Bissau est très dépendante d'un unique produit. Indépendamment des bonnes conditions naturelles et du climat pour la production de la noix de cajou, son exportation est soumise à de nombreux facteurs exogènes qu'elle ne contrôle pas, ce qui peut soumettre l'économie du pays à des risques élevés. D'autre part, le désir d'augmenter la production de noix de cajou pourrait avoir pour effet le détournement de ressources d'autres productions pour supporter cette augmentation, avec deux effets possibles, tous deux négatifs pour l'économie guinéenne et pour la survie des petits agriculteurs: (i) d'une part, l'abandon d'autres productions et le déclin de leur production, en augmentant la pratique d'utilisation de la noix de cajou par les petits agriculteurs comme moyen d'échange direct avec d'autres produits qu'ils ne possèdent pas, notamment le riz; (ii) la réduction d'autres productions pourrait augmenter le besoin d'importer d'autres produits agricoles comme c'est également le cas avec le riz. Un autre aspect important de ce modèle guinéen basé sur un produit de récolte est également la grande concentration de la destination d'exportation, car la noix de cajou est essentiellement vendue à des entreprises de traitement d'Inde (75,4% en 1990-2004 et 67,1% en 2004-2009) et de Singapour (10,2% en 1990-2004, 16,9% en 2004-2006), celles-ci étant remplacées depuis 2006 par des entreprises du Sénégal (15,8% en 2006-2009). Cette concentration augmente, naturellement, les risques de l'exportation de la noix de cajou. 18

V. Ferreira, 2012 : 2. Dans son article, aux points 13 et 17, Ferreira mentionne que l'on a nommé d'authentiques analphabètes à des postes de direction et que l'incompétence et l'analphabétisme se sont chargés du gouvernement après le « mouvement réajusteur » (2012: 3). Ces critiques sont néanmoins récurrentes même dans les gouvernements les plus récents. 20 V. Ferreira, 2012:3; International Crisis Group, 2012: 17. 19

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Pour les raisons exposées, la Guinée-Bissau a un problème de diversification de la structure des exportations au cas où elle voudrait réduire les risques de la concentration à un seul produit. Mais la question du commerce international est plus vaste et est intimement liée au problème central du processus de développement qui est la transformation productive, source des transformations structurelles dans une économie en transition. La transformation productive intègre en son sein les questions de la technologie, de l'innovation et du travail, avec en amont le problème du financement et en aval la question du commerce externe. Cela veut dire que les changements structurels dans le commerce dépendent du processus de transformation productive, mais il est également vrai que les modifications dans le commerce peuvent favoriser la dynamique des transformations productives. L'exemple posé ici de l'agriculture est très adéquat, en reprenant l'importance de la diversification des exportations en Guinée-Bissau. La création des conditions pour améliorer et augmenter la production de la noix de cajou peut avoir des effets positifs sur l'économie si les gains supplémentaires des exportations de noix de cajou sont canalisés pour soutenir la diversification de l'économie et des exportations, en améliorant les conditions pour une articulation progressive entre changements dans le commerce externe et transformations productives.

2.3. Les migrations guinéennes : un panorama historique La mobilité humaine est un élément central de l'histoire de la Guinée-Bissau qui a caractérisé les modes de vie de sa population et influencé la trajectoire sociopolitique de ce territoire depuis bien longtemps. La mobilité et la migration, plus quotidiennes ou plus exceptionnelles, sont un trait distinctif de la plupart des groupes ethnolinguistiques qui constituent la population de ce pays — des Balantas (dont la migration vers le sud au siècle dernier constitue l'un des grands déterminants récents de la recomposition de la population de ce territoire) aux Peuls (peuple nomade pastoral par excellence de l'Afrique occidentale), en passant par les Manjaques (avec leur histoire, vieille d'un siècle, de migration intercontinentale). Les origines de la mosaïque ethnoculturelle qui caractérise la population de ce pays (dans lequel coexistent, de forme hybride, deux matrices principales — respectivement animiste et islamisée) remontent à l'expansion, à différents moments des derniers siècles et vers l'intérieur de ce territoire, par deux grands groupes ethnolinguistiques de l'intérieur du continent africain — les Mandingues et les Peuls —, qui dans ce processus ont « poussé » vers la côte, subjugué militairement et influencé culturellement les communautés animistes qui habitaient la région depuis une phase assez antérieure (Davidson, 1978; Pélissier, 1989). Les contacts et l'influence croissances des navigateurs et des commerçants portugais à partir du XVe siècle ont également généré des mouvements et des recompositions de la population significatifs : d'une part, dans la mesure où les comptoirs et les entrepôts commerciaux fondés par ceux-ci ont constitué des pôles d'attraction de la population en vertu des opportunités économiques qu'ils représentaien t; de l'autre, le trafic des esclaves ayant influencé profondément les rapports entre les différents groupes de populations locaux et ayant été à l'origine de la ponction d'une partie significative de la population de cette région. Toutes les conséquences de ce contact n'ont cependant pas été néfastes : par exemple, l'interaction mercantile avec les Portugais au fil des siècles serait à l'origine de l'apparition d'une culture et d'une langue véhiculaire, spécifiquement créoles, résultant des processus d'hybridation et d'acculturation mutuelles entre les populations locales et européennes (Pélissier, 1989; Nafafé, 2007). La période de colonisation effective — à partir de la fin du XIXe siècle — a également été à l'origine de mouvements de population de grande ampleur. Lors d'une phase initiale, les déplacements de population ont particulièrement été évidents en réaction auxdites « campagnes de pacification » destinées à soumettre les différents groupes locaux (qui, dans certains cas, ont été prolongées jusqu'aux années trente). D'autre part, l'imposition de plusieurs mesures typiques d'exploitation et de violence coloniale, comme l'imposition de travaux forcés ou de cultures Évaluation du potentiel de développement de la diaspora de Guinée-Bissau au Portugal et en France

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agricoles obligatoires, a également engendré des flux de population spécifiques — comme c'est le cas de la grande migration balanta à partir de la région d'Oio vers le sud du territoire, au cours de la première moitié du XXe siècle, motivée en grande partie par le manque de terres résultant de l'imposition de la culture de la cacahuète par l'administration coloniale (Van der Ploeg, 1990; Temudo, 2009). Lors de la décadence de la période coloniale, les déplacements de population sont principalement associés aux effets de la répression politique et à la destruction associée à la guerre d'indépendance (entre 1963-74): d'une part, le déplacement forcé de communautés rurales entières a été fréquent, tant de la part du PAIGC que de l'administration coloniale, afin de les soustraire au contrôle ennemi; d'autre part, la fuite vers l'extérieur du territoire, notamment vers le Sénégal et la République de Guinée, a également constitué une option pour des dizaines de milliers de Guinéens fuyant les effets directs du conflit et de la répression politique. Le rôle central de la mobilité de la population en tant que pratique sociale et stratégie de subsistance au fil des siècles ne s'est cependant pas limité aux cas dans lesquels elle a été motivée par des contacts — de nature belliqueuse, commerciale ou coloniale — avec des groupes et des peuples originaires de l'extérieur du territoire. Même sur une base quotidienne, la mobilité saisonnière ou permanente, motivée par des facteurs comme la pression démographique sur la terre, la détérioration des sols ou la simple adaptation au cycle agricole annuel, constituent des stratégies très communes pour la population qui habite ce territoire, dont les origines se perdent dans les brumes de la mémoire. Les communautés de l'archipel des Bijagós (région de Bolama) dont l'isolement et l'insularité permettraient difficilement de deviner qu'elles sont caractérisées par des niveaux considérables de mobilité, possèdent également une tradition ancestrale de mobilité saisonnière d'île en île au cours du cycle agricole annuel, afin de pratiquer différentes récoltes. La migration rurale-urbaine constitue une autre facette très importante des dynamiques de mobilité qui caractérisent l'histoire de la Guinée-Bissau. Ses origines, en tant que processus significatif, remontent à la période de la guerre d'indépendance et sont explicables par la fuite provoquée par la destruction engendrée par le conflit (qui a en particulier touché les zones rurales). L'afflux de la population vers des zones urbaines (en particulier Bissau) n'a toutefois pas cessé avec la fin du conflit et avec l'indépendance. Au contraire, il a plutôt eu tendance à s'accentuer au cours des décennies suivantes suite à la concentration d'opportunités économiques dans les secteurs urbains et à la situation d'inconvénient cumulatif et d'abandon relatif auxquelles ont été soumises les zones rurales, aussi bien pendant la période « dirigiste » des premières années après l'indépendance que pendant la période qui a suivi le programme d'ajustement structurel de la moitié des années 80 (Imbali, 1993). C'est ainsi que le pourcentage estimé de la population guinéenne résidant dans des zones classées comme urbaines est passé de moins de 15 % en 1960 à près de 30 % au milieu des années 90 (il s'est depuis stabilisé en termes relatifs)21. Si les paragraphes précédents illustrent largement jusqu'à quel point la mobilité interne est un aspect central et récurrent de l'histoire de la Guinée-Bissau, il n'en est pas moins vrai que la mobilité vers l'extérieur du territoire est également, et depuis longtemps, une pratique très importante et extrêmement commune. Dans cette catégorie est incluse, en premier lieu, la mobilité quotidienne des groupes ethnolinguistiques dont les territoires ont été traversés, de manière arbitraire, par des frontières internationales tracées par des tiers (c'est le cas par exemple des Felupes du nord de la Guinée-Bissau, appelés Diola dans la région de Casamance). L'exemple le plus fini et significatif de la longue tradition de mobilité en dehors des frontières de l'actuel territoire guinéen consiste cependant en un système migratoire qui unit depuis au moins deux siècles la région nord de la Guinée-Bissau au Sénégal. Représenté principalement (mais pas uniquement) par des éléments d'ethnie manjaque, les origines de ce système migratoire remontent au rôle des Manjaques en tant qu'intermédiaires entre les commerçants européens et locaux et les déplacements du nord de la Guinée-Bissau vers le Sénégal dans le 21

Source : World Bank, World Development Indicators (http://data.worldbank.org/indicator). 20

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contexte de la culture de la cacahuète et de la récolte du caoutchouc (Diop, 1996; Carreiro et Sangreman, 2011; Abreu, 2011). Depuis une phase assez précoce (début du XIXe siècle, d'après Diop, 1996:47), la tradition et l'expérience maritimes des Manjaques les a rendus particulièrement enclins à être recrutés par les navires marchands qui opéraient sur la côte sénégalaise — ce qui a permis que lors d'une phase postérieure, certains finissent par arriver, par l'intermédiaire de cette liaison maritime 22, en France (en tant que métropole du Sénégal), commençant ainsi un courant migratoire intercontinental. Reflétant également les origines historiques de ce processus, la nombreuse communauté d'origine manjaque présente en France est encore aujourd'hui fortement concentrée dans des villes portuaires ou dans leur voisinage — en particulier le long de la vallée de la Seine, entre Le Havre et Paris, et dans la région de Marseille (idem, ibidem). Outre ce prolongement intercontinental vers la France, qui allait gagner sa propre dynamique et se consolider tout au long du XXe siècle, le courant migratoire lui-même à destination du Sénégal (et aussi de la Gambie qui est fonctionnellement intégrée dans le même système) s'est fortement renforcé au cours de la seconde moitié du XXe siècle, en conséquence de l'augmentation de la pression démographique dans le nord de la Guinée-Bissau, de la répression coloniale et, à partir de 1960, des effets directs de la guerre d'indépendance (qui ont également amené un nombre significatif de Guinéens à chercher refuge en République de Guinée ou Guinée-Conakry, qui constituait d'ailleurs la principale arrière-garde du PAIGC pendant le conflit) (Galli et Jones, 1987). L'indépendance de la Guinée-Bissau en 1973 et la fin de la guerre en 1974 ont introduit de nouvelles transformations au niveau des flux migratoires internationaux provenant de la GuinéeBissau. D'une part, l'indépendance récemment conquise et la fin de la guerre ont permis le retour d'une partie de la population qui se trouvait dans les pays voisins. La répression contre certains groupes spécifiques pendant la période postindépendance a cependant eu pour conséquence de faire en sorte que l'émigration mue, en tout cas partiellement, pour des raisons politiques ait continué à être une réalité pendant la période postcoloniale. C'est le cas de la fuite d'un nombre significatif de « luso-guinéens », caractérisé par différents types de liens avec l'administration coloniale (incluant la participation à la guerre au service de l'armée coloniale) qui ont accompagné les colons dans leur retour en métropole et ont constitué la première « vague » de migrants guinéens qui se sont fixés au Portugal (Machado, 2002). C'est également le cas du flux migratoire vers le Cap-Vert qui est le résultat des conditions plus hostiles par rapport aux individus d'origine Cap-Verdienne après le coup d'État de 1980, dans le cadre duquel la direction politique et l'administration publique de la Guinée-Bissau ont été purgées de nombreux cadres et dirigeants Cap-Verdiens. C'est aussi le cas de la migration (ou permanence à l'extérieur, typiquement au Sénégal) d’éléments, majoritairement d'ethnie manjaque, associés au mouvement de libération et au parti politique FLING, qui ont été persécutés par le PAIGC au cours de certaines phases de la période après l'indépendance. Si, au cours de la première décennie après l'indépendance, les logiques fondamentales sousjacentes aux flux migratoires provenant de la Guinée-Bissau ont eu un caractère essentiellement politique, à partir de 1980, la migration économique a commencé progressivement à s'imposer. Dans ce contexte, caractérisé également par l'accélération de la migration rurale-urbaine (comme mentionné), la migration intercontinentale vers l'Europe a constitué une soupape de sécurité très importante face à la détérioration des conditions de vie dans les zones rurales, permettant de mitiger ce qui aurait pu être un processus d'urbanisation encore plus explosif et permettant l'accès, par de nombreuses familles, à un flux d'envois de fonds qui a assumé de plus en plus d’importance à l'échelle nationale. Contrastant avec ce qui avait été jusque-là la principale tradition de migration intercontinentale guinéenne (vers la France, via le Sénégal), la partie la plus substantielle des flux migratoires vers l'Europe à partir de 1980 a reposé sur le lien postcolonial et a eu le Portugal pour destination principale. Ont contribué à ce changement d'une 22 Curieusement, cela se reflète dans l'expression qui, en langue manjaque, désigne ces pionniers de la migration intercontinentale : « napat ubabul » qui signifie littéralement « ceux qui rament vers la terre des blancs ».

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part la politique migratoire plus restrictive adoptée en France suite à la crise économique des années 70 qui a impliqué des restrictions significatives à la nouvelle immigration de main d'œuvre (bien que d'autres canaux, comme le regroupement familial, aient continué à être assez accessibles); d'autre part, la forte recherche de main-d'œuvre faiblement qualifiée par l'économie portugaise (découlant de la modernisation infrastructurelle associée à l'adhésion à la CEE en 1986), avec des liens linguistiques, culturels et historiques qui unissaient le Portugal et les pays africains d'expression portugaise, dont la Guinée-Bissau. Les décennies de 1980 et 1990 ont ainsi constitué l'apogée de la migration guinéenne de main-d’œuvre vers le Portugal. Comme cela a été signalé par Machado (2000), cette seconde grande vague migratoire vers le Portugal a présenté des caractéristiques assez distinctes de celles de la première vague (de la période immédiatement après l'indépendance) que nous avons mentionnée ci-dessus: tandis que la première vague était tendanciellement urbaine, originaire de la « société créole » et plus qualifiée, la seconde vague, associée à l'immigration de main d'œuvre des années 80, s'est révélée bien plus diverse en matière d'origines ethniques et géographiques (en ce qui concerne les contextes d'origine en Guinée-Bissau) et était typiquement moins qualifiée. Le premier quart de siècle après l'indépendance, en ce qui concerne les caractéristiques principales de la constellation migratoire guinéenne, a ainsi été dominé par les toujours importantes dynamiques de mobilité sous-régionales (principalement vers le Sénégal, la Gambie et le Cap-Vert); par le très progressif déclin du courant migratoire vers la France (motivée par la faible rénovation des flux migratoires et par l'intégration progressive des descendants dans la société d'accueil); et par l'apogée de la migration postcoloniale vers le Portugal dans les années 80 et 90 (qui enregistrera un nouveau pic au moment du conflit politico-militaire de 1998-99, en vertu du flux de réfugiés qui a alors été constaté). De pair avec tout cela, nous avons également constaté un flux, moins nombreux en termes agrégés, mais beaucoup plus divers en termes de destinations, associé à la migration d'étudiants typiquement dans le cadre des accords intergouvernementaux de coopération. Dans ce contexte, les pays de l'ancien bloc de l'Est ont assumé une grande importance, en particulier pendant les premières années après l'indépendance, mais également des destinations comme le Maroc, Cuba, l'Italie ou le Brésil (et le Portugal naturellement). Dans quelques-uns de ces cas, la transition de certains de ces étudiants vers le marché du travail des pays d'accueil devrait donner lieu à la formation de communautés guinéennes ayant une certaine expression quantitative. Pour finir, la dernière décennie correspond à la période de diversification de la migration guinéenne en matière de modèles de dispersion géographique. Plusieurs facteurs ont contribué à cela. En ce qui concerne les migrants déjà établis en Europe, l'accès à un statut légal stable, voire à la nationalité du pays d'accueil (nommément le Portugal), en vertu des nombreuses années de séjour, a rendu plus facile la mobilité intra-européenne pour de nombreux migrants. D'autre part, le ralentissement (puis la contraction) de l'économie portugaise au cours des années 2000 — et, en particulier, des secteurs des travaux publics et du bâtiment, particulièrement touchés par la trajectoire économique adverse — a incité un grand nombre de migrants guinéens à émigrer de nouveau vers un ensemble de nouvelles destinations européennes. L'Espagne, où la crise économique s'est installée plus tardivement qu'au Portugal, a été un cas particulièrement expressif dans ce contexte et a accueilli de nombreux milliers de migrants guinéens, dans leur grande majorité provenant du Portugal, au cours de la seconde moitié de la décennie de 2000 (bien que toutes les indications suggèrent que le pic aurait été atteint il y a de nombreuses années et que depuis la tendance est à la diminution). La remigration vers la France (profitant des réseaux associés au système migratoire plus ancien vers ce pays), le Luxembourg et le Royaume-Uni aurait cependant également assumé une certaine importance quantitative et qualitative. Parallèlement à tout cela, la facilité relative de circulation dans le cadre de la CEDEAO et la dynamique de croissance économique exhibée par certains pays africains avec des liens particulièrement importants avec la Guinée-Bissau (comme le Cap-Vert et l'Angola) ont également contribué, dans le contexte africain, à cette diversification des destinations de la migration guinéenne qui se reflète sur les modèles actuels de dispersion de la diaspora (Carreiro et Sangreman, 2011). 22

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2.4. La diaspora guinéenne dans l'actualité: un portrait statistique La caractérisation de la dispersion quantitative de la diaspora guinéenne n'est pas une tâche facile. Cette difficulté est due à des obstacles d'ordre divers, comme : i) l'invisibilité statistique des communautés guinéennes présentes dans divers pays d'accueil, aussi bien en raison de la porosité des frontières (notamment dans la CEDEAO et l'UE) que de l'acquisition de la nationalité des pays de destination par un nombre élevé de migrants, nommément au Sénégal, en France et au Portugal; ii) les limitations des instruments de recueil des données utilisées aussi bien par les organismes statistiques des pays d'accueil que par les représentations consulaires de la GuinéeBissau; et iii) le fait que les communautés guinéennes résidant dans la plupart des pays d'accueil, en vertu de leur dimension relativement réduite (face à la population totale de ces pays ou à la dimension des autres communautés d'immigrants) ne fassent pas toujours l'objet d'une attention statistique individualisée, en particulier en ce qui concerne la publication des données. D'après la Global Migrant Origin Database,23 de 2007, les pôles les plus nombreux de la diaspora originaire de la Guinée-Bissau (graphique 2.5) sont le Sénégal (32 628 individus), le Portugal (21 435), la Gambie (17 130) et la France (8 125). En ajoutant à ces nombres les communautés guinéennes (moins nombreuses) indiquées pour les autres pays, nous obtenons un total global consistant avec les 111 300 migrants internationaux mentionnés par la Banque mondiale en 2011, soit près de 7 % de la population totale de la Guinée-Bissau (World Bank, 2011). Cela étant, il existe toutefois de forts indices que ces chiffres sous-estiment significativement la dimension et l'importance réelles de la diaspora guinéenne. Pour que nous comprenions quelles en sont les raisons, examinons plus en détail chacun des principaux pays d'accueil de la diaspora guinéenne. Graphique 2.5 : principaux pôles de concentration de la population migrante d'origine guinéenne 35.000

32628

30.000 25.000

21435 17130

20.000 15.000

8125

10.000

7448

7326

6107

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Source : SCMR, Global Migrant Origin Database, 2007 (v.4.0).

Comme nous l'avons vu au point précédent, la Guinée-Bissau, le Sénégal (en particulier Dakar et la région de Casamance) et la Gambie sont liés par une longue tradition de mobilité, 23 La base de données du Sussex Centre for Migration Research (SCMR), produite à partir de la compilation de plusieurs sources officielles, utilise le lieu de naissance comme critère primaire et la nationalité comme critère complémentaire. Disponible sur http://www.migrationdrc.org/research/typesofmigration/global_migrant_origin_database.html.

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qui concerne essentiellement les groupes ethniques du nord de la Guinée-Bissau (Manjaques, Mancagnes et Felupes), mais qui inclut aussi d'autres groupes, comme les Balantas et les Peuls, en nombres significatifs. Les origines lointaines de ce système migratoire et la porosité de la frontière ont pour conséquence qu'il est extrêmement difficile d'estimer le nombre d'individus d'origine guinéenne présents tant au Sénégal qu'en Gambie. Il est en tout cas probable que l'apogée des flux migratoires ait eu lieu lors de la phase finale de la période coloniale, comme cela est soutenu par l'estimation, avancée par Galli et Jones (1987), de 87 000 Guinéens qui y sont présents à la fin des années 80. Malgré cela, que les 33 milliers indiqués par la base de données du SCMR constituent ou pas une sous-estimation (comme cela semble probable), il semble certain que le Sénégal constitue le plus nombreux et significatif pôle de la diaspora guinéenne — en particulier si nous ajoutons au contingent qui s'y trouve les très nombreux milliers qui résident en Gambie (qui, en termes fonctionnels, peuvent être considérés comme une partie du même système migratoire). D'après diverses sources (e.g. Diop 1996), la grande majorité de cette population est concentrée dans la région de Casamance, de Gambie et de Dakar ; elle présente un taux élevé de féminisation et exerce majoritairement des professions peu qualifiées et faiblement rémunérées (comme les ménages ou la production de broderies), ce qui contribue à expliquer leur capacité limitée pour des envois de fonds (par rapport à la dimension de la communauté). Les près de 20 500 migrants d'origine guinéenne indiqués par le SCMR comme résidant au Portugal constituent également, d'après les différents indices, une sous-estimation — bien que la grande tendance à la remigration ou le retour temporaire en Guinée-Bissau, ces dernières années, rendent particulièrement difficile d'avancer des estimations avec un degré élevé de crédibilité. Le Service des étrangers et des frontières portugais mentionne dans son rapport annuel de 2010 (SEF, 2010) un total de 19 187 citoyens de nationalité guinéenne en situation régulière au 31 décembre 2010 — ce qui représente une diminution significative par rapport aux 22 945 mentionnés à peine un an auparavant (SEF, 2009). L'Eurostat, pour sa part, indique une population totale de nationalité guinéenne qui s'élevait à 23 672 en 2010 — impliquant une réduction de près de cinq mille personnes par rapport à 2008 (28 871).24 Face à ces valeurs, il y a deux aspects que nous pouvons considérer comme certains: en premier lieu, que n'importe lequel de ces nombres sous-estime de manière significative la dimension et l'importance réelles de la communauté d'origine guinéenne résidant au Portugal qui inclut également les migrants qui ont acquis la nationalité portugaise au fils des ans, ceux qui se trouvent dans le pays en situation irrégulière, mais aussi les descendants de migrants guinéens (motif qui mène certains chercheurs à indiquer une estimation totale de l'ordre de 40 000 (Abreu, 2011); d'autre part, que la communauté guinéenne résidant au Portugal a enregistré ces dernières années une forte tendance à la diminution, suite aux stratégies de remigration et de retour temporaire adoptées dans le contexte de la récession économique et de la contraction du marché de travail enregistrés au Portugal ces dernières années. Ce dernier fait ne doit cependant pas être compris comme impliquant une tendance inexorable à l'abandon permanent du Portugal par cette communauté : les récits de stratégies de remigration temporaire pour la recherche d'emploi, comme forme d'adaptation à la conjoncture défavorable où les familles demeurent au Portugal et où il existe une intention de revenir dans ce pays lorsque la situation au niveau du marché du travail enregistrera une amélioration sont très fréquents. Le profil socioprofessionnel de la communauté d'origine guinéenne résidant au Portugal reflète la superposition des différentes vagues migratoires qui ont été à son origine — incluant notamment des flux migratoires relativement qualifiés, principalement les premières années après l'indépendance et au moment du conflit de 1998-99; un important courant d'immigration essentiellement de main-d'œuvre, masculine et relativement peu qualifiée, dont le pic a eu lieu entre 1985 et le virage du millénaire; mais aussi l'immigration (et transition postérieure vers le marché du travail) par un nombre considérable d'étudiants universitaires guinéens. En conséquence de cette conjugaison de profils, nous constatons au sein de la communauté 24

http://epp.eurostat.ec.europa.eu/portal/page/portal/population/data/database#. 24

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guinéenne, une tendance à la surreprésentation aussi bien dans des segments peu qualifiés du marché du travail secondaire (bâtiment, ménages, surveillance et sécurité) que dans certains segments hautement qualifiés (médecins, ingénieurs et autres professionnels hautement qualifiés). La France quant à elle est le plus ancien pôle européen de la diaspora guinéenne, mais c'est également le pays où l'invisibilité statistique de cette communauté est certainement la plus intense. Cela est dû à deux facteurs principaux: en premier lieu, le fait qu'une partie substantielle de cette communauté se soit installée en France après avoir résidé pendant quelque temps au Sénégal et, pour cela, possède la nationalité sénégalaise (et y est très souvent née), malgré son lien identitaire très fort à la Guinée-Bissau (ou plus exactement au « sol Manjaque »); en second lieu, le fait que les politiques françaises d'intégration et de nationalité ont une tendance fortement assimilationniste et sont basées sur le jus soli, raison pour laquelle la plupart des membres de cette communauté, indépendamment de l'effectivité des liens qui les unissent à la Guinée-Bissau et de l'importance de leurs pratiques transnationales, possèdent la nationalité française et n'apparaissent pas dans les statistiques comme étant guinéens. La communauté d'origine guinéenne présente en France dépassera donc certainement les 15 000 personnes estimées par Diop (1996: 61) dans les années 1980 (mentionnant exclusivement les individus d'origine manjaque), de nombreux informateurs de cette communauté indiquent des valeurs actuelles de l'ordre de 40 000 à 50 000, sans que cela ne soit reflété dans les statistiques officielles: la base de données du SMCT indique à peine 8 125 (en 2007); l'Eurostat mentionne 2 491 en 2005 (de façon assez surprenante, compte tenu des 7 596 indiqués pour 1999) 25; et l'INSEE ne signale que 1 714 individus économiquement actifs de nationalité guinéenne résidents en France en 2006 26. Comme indiqué au point précédent, certains pays européens ont récemment émergé comme nouveaux pôles significatifs de la diaspora guinéenne, dans le contexte des stratégies de remigration en réponse aux altérations des conditions du marché de travail (en particulier au Portugal). L'Espagne et le Royaume-Uni assument une importance particulière parmi ces pays. Cependant, le caractère très récent de ces flux migratoires et leur grande fluidité ont pour conséquence l'absence de traduction statistique de ces nouvelles tendances. Dans le cas de l'Espagne par exemple, il y a de forts indices ad hoc que la communauté guinéenne aurait enregistré une croissance très significative il y a environ 5 ans (le marché du travail espagnol ayant maintenu un certain dynamisme pendant plus longtemps que le portugais au moment du choc initial de la crise économique), mais la tendance la plus récente est dans le sens d'une réduction également abrupte, en raison de l'aggravation de la récession en Espagne et des taux très élevés de chômage enregistrés par ce pays. Par conséquent, les valeurs statistiques relatives à la communauté guinéenne résidant dans ce pays ont un degré de fiabilité très limité : le SCMR indique 2 226 individus en 2007 (soit avant le pic de remigration depuis le Portugal) alors que l'Eurostat mentionne 6 679 en 2010, mais il est probable que la communauté guinéenne dans ce pays, au moment de son apogée, ait été beaucoup plus nombreuse — bien qu'il soit également très probable qu'elle ait entretemps enregistré une forte réduction. Pour conclure ce portrait indicatif de la distribution de la diaspora guinéenne dans l'actualité, il est également important de mentionner un ensemble de pays qui, bien que moins significatifs dans les statistiques officielles, assument une grande importance pour différentes raisons : plusieurs pays de l'Afrique occidentale, comme la Guinée-Conakry (7 326 d'après le SCMR 2007), le Burkina Faso (7 448) et le Ghana (6 107), dans le contexte desquels la migration guinéenne est probablement liée au fonctionnement de réseaux commerciaux intraethniques et de mécanismes de recrutement de main-d'œuvre 'par la base' 27 ; l'Angola, une 'nouvelle destination' qui, du point de vue statistique, est encore invisible, mais dont de nombreux indices montrent que ce pays a assumé une importance croissante ces cinq dernières 25

http://epp.eurostat.ec.europa.eu/portal/page/portal/population/data/database#. http://www.insee.fr/fr/themes/detail.asp?reg_id=99&ref_id=pop-immigree-pop-etrangere. Auxquels il faut aussi ajouter le Cap-Vert où des sources ad hoc désignent une population immigrante guinéenne de l'ordre de 10 000 individus, bien qu'une fois de plus, la plupart soient statistiquement invisibles.

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années, notamment en raison de ses liens historico-linguistiques proches avec la Guinée-Bissau et de ses importants taux de croissance économique, deux destinations principales sur le continent américain, à savoir, le Brésil (principalement dans le contexte de la migration des étudiants) et les États-Unis (en partie d'après des routes migratoires Cap-Verdiennes) ; mais aussi d'autres destinations européennes comme l'Allemagne (5 701 d'après le SCMR 2007), le Luxembourg et l'Italie, qui se sont renforcés comme pôles de la diaspora ces dernières années en raison de la diversification des destinations découlant de la conjoncture économique dans les destinations les plus traditionnelles (ce qui, dans certains cas, est venu s'ajouter à des communautés préalablement existantes découlant de liaisons migratoires d'étudiants). En résumé, les sources statistiques officielles sont assez limitées dans leur capacité à transmettre un portrait fidèle et actuel de la distribution de la diaspora guinéenne. Cela découle d'un ensemble de motifs difficilement contournables qui incluent la rapidité de réorientation des flux en réponse à des changements de la conjoncture économique, ainsi que le fait qu'une partie très significative de la diaspora qui, malgré l'intensité des liens identitaires et affectifs qui l'unissent au pays d'origine, ne possède pas encore la nationalité guinéenne (ou ne la déclare pas dans les exercices de recensement statistique). Cela n'empêche cependant pas que nous puissions parvenir à une série de conclusions principales, validées par le croisement de sources qualitatives et quantitatives, incluant les contacts maintenus sur le terrain aussi bien en Guinée-Bissau qu'au sein de la diaspora: i) que la migration dans la sous-région de l'Afrique occidentale représente, du point de vue quantitatif, la grande majorité de la migration internationale originaire de Guinée-Bissau; ii) que la France et le Portugal continuent à être les principaux pôles européens de la diaspora (aussi bien en termes de contingent d'origine guinéenne qu'en tant que bases pour les processus de circulation intraeuropéenne); iii) que la dernière décennie correspond à la période de diversification 'cosmopolite' de la migration et de la diaspora guinéennes, dans le contexte duquel différentes nouvelles destinations (Espagne, Royaume-Uni, Luxembourg, Angola, entre autres) se sont assumées comme d'importantes nouvelles extensions de la diaspora ; et iv) qu'étant donné la forte tendance à la sous-représentation statistique des communautés d'origine guinéenne résidant dans chacun de ces pays existant, nous pouvons également conclure avec un degré élevé de certitude que la véritable importance quantitative de la diaspora guinéenne globale dépasse largement les 7% de la population totale de la Guinée-Bissau estimés par la Banque mondiale (World Bank, 2011a).

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3. Les communautés guinéennes au Portugal et en France Le Portugal et la France sont deux des plus importants contextes d'accueil de la diaspora guinéenne en dehors du continent africain. De plus, les Guinéens immigrés dans ces deux pays ont démontré une capacité inégalée à contribuer au bien-être de leurs familles, communautés et régions d'origine, comme l'illustre le modèle géographique des envois de fonds vers la GuinéeBissau; en 2007, par exemple, 80,5 % du volume total des envois de fonds formels à destination du pays ont eu pour origine le continent européen (lisons en grande partie le Portugal et la France), comparé aux 17,7 % provenant d'autres pays africains28 (United Nations, 2010). Les communautés d'origine guinéenne en Europe sont liées à la Guinée-Bissau et contribuent à son développement socio-économique de bien d'autres formes, en plus de l'envoi d'argent : en investissant dans des activités productives, aussi bien à distance qu'après le retour; en envoyant des biens en vue de la satisfaction des besoins privés ou collectifs ou encore pour une utilisation productive; en concevant et mettant en œuvre des projets communautaires qui complètent le rôle de l'État ou colmatent les lacunes de l'action de celui-ci; en agissant comme des ambassadeurs informels de la culture, de la société et de l'économie guinéenne auprès de l'extérieur; en accompagnant et participant au débat politique; en finançant des activités religieuses comme les déplacements à La Mecque ou en revenant en Guinée-Bissau de manière temporaire ou permanente pour y appliquer les connaissances et les compétences acquises à l'extérieur. Dans chacun de ces sens, les communautés guinéennes au Portugal et en France ont joué de manière consistante un rôle déterminant dans le processus de développement de la Guinée-Bissau - justifiant ainsi que nous nous intéressions plus en détail à celles-ci.

3.1. Aspects généraux Lieu de naissance, nationalité et identité Les communautés d'origine guinéenne en France et au Portugal possèdent des origines historiques et des caractéristiques assez distinctes, comme nous l'avons vu au chapitre précédent. D'une manière résumée, le courant migratoire de la Guinée-Bissau vers la France est vieux de près d'un siècle; il a été en grande partie coordonné par un contexte migratoire intermédiaire (le Sénégal); il provient dans sa grande majorité d'un contexte spécifique (zones rurales du «sol Manjaque», dans le nord de la Guinée-Bissau) et il a atteint depuis longtemps la maturité, tant en termes d'assimilation formelle de la communauté que parce que celle-ci se trouve depuis plusieurs décennies dans une phase de déclin par rapport à la rénovation des flux. En opposition, la migration guinéenne vers le Portugal est un phénomène essentiellement postcolonial; elle n'a pas impliqué l'existence d'un contexte migratoire intermédiaire (à l'exception, dans certains cas, de la ville de Bissau elle-même); elle est beaucoup plus diversifiée en termes d'origines ethniques et géographiques, mais aussi en termes de profils de qualifications et socioprofessionnels; et la tendance à la diminution quantitative constatée ces dernières années semble en tout cas pour l'instant ne constituer qu'une réponse conjoncturelle (par la voie de stratégies de remigration ou de retour temporaire) à la situation particulièrement difficile constatée sur le marché du travail portugais (surtout dans les segments qui emploient le

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Il est certain que la proximité géographique et l'adoption d'une monnaie commune dans l'espace de l'UEMOA augmentent significativement la prédominance de l'envoi de fonds « de la main à la main » dans le cas des contextes d'accueil africains, en particulier le Sénégal. Cependant, une partie très substantielle de ce différentiel est due au fait que la situation économique des migrants en Europe soit en général bien plus favorable et permette l'envoi de plus grosses sommes. Évaluation du potentiel de développement de la diaspora de Guinée-Bissau au Portugal et en France

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plus les migrants guinéens) et bien qu'elle pourrait naturellement assumer des contours structurels de fin de cycle. Plusieurs de ces différences sont clairement illustrées par les résultats des sondages réalisés dans le cadre de cette étude auprès des deux communautés en question. Un premier exemple est la comparaison entre les distributions de la variable «année d'installation dans le pays de destination». Parmi les 77 migrants guinéens concernés par le sondage au Portugal, la grande majorité (86%) est arrivée en 1998 ou après, ceux qui se sont installés au Portugal avant 1986 étant résiduels (3%); parmi les 86 immigrés d'origine guinéenne concernés par le sondage en France qui ont indiqué leur année d'installation (excluant ainsi les 14 qui sont déjà nés en France), nous constatons au contraire une surreprésentation de la période 1974-1990 (avec 47% des réponses), illustrant clairement le caractère plus ancien de la migration guinéenne vers la France. D'ailleurs, le motif probable pour lequel les décennies avant 1970 ne sont pas plus représentées dans le sondage réalisé en France (bien qu'elles aient correspondu, d'après toutes les indications, à l'apogée de ce courant migratoire) est le fait que la plupart des migrants arrivés à cette époque soient entre-temps décédés, revenus en Guinée-Bissau ou actuellement trop âgés pour pouvoir être inclus dans l'échantillon. Une autre différence fondamentale qui découle des différentes histoires de ces deux courants migratoires est le fait que dans le cas portugais les liens identitaires, affectifs et familiers avec la Guinée-Bissau sont accompagnés, dans la grande majorité des cas, par des liens de nationalité et lieu de naissance tandis que dans le cas de la communauté d'origine guinéenne résidant en France, nous trouvons une superposition de générations caractérisées par différents types de liens en terme de lieu de naissance et nationalité. Il s'agit d'une question où la comparaison directe avec les données relatives au contexte portugais n'est pas possible, car l'échantillon utilisé par Carreiro et Sangreman (2011) a délibérément été sélectionné à partir du critère de la nationalité (guinéenne), mais par rapport auquel le sondage réalisé maintenant en France permet certaines conclusions très intéressantes. Pour contextualiser cette relation entre identité, lieu de naissance et nationalité dans le cas de la communauté d'origine guinéenne résidant en France, il est utile de commencer par attirer l'attention sur la distribution de l'échantillon en ce qui concerne l'identité ethnique des personnes ayant répondu, telle qu'elles l'ont elles-mêmes indiqué. Les faits permettent, en particulier, deux conclusions principales: i) la très forte prédominance du groupe ethnique Manjaque (près de 29 90%) et ii) le fait que les référentiels identitaires correspondant aux groupes ethniques de la Guinée-Bissau sont, pratiquement sans exception, assumés spontanément par les personnes interrogées. Le résultat immédiatement antérieur assume un intérêt particulier, attendu qu'une bonne partie (40%) de l'échantillon n'est pas née en Guinée-Bissau (incluant 24% des personnes interrogées qui sont nées au Sénégal et 14% en France). Ce croisement entre les liens d'identité, de lieu de naissance et de nationalité est complet lorsque nous examinons les nationalités déclarées par les personnes interrogées, qui révèlent des aspects très significatifs et intéressants. Parmi les personnes qui ont répondu de manière valide à cette question, 61% ont déclaré posséder deux nationalités ou plus (y compris deux cas de trinationalité: guinéenne, sénégalaise et française). Cependant, si elles sont considérées isolément, la nationalité la plus commune de l'échantillon est la française (58% des réponses), suivie par la guinéenne (48%), sénégalaise (44%) et portugaise (14%). L'analyse conjointe des différents résultats indiqués jusqu'à présent révèle qu'au contraire de ce qui se passe tendanciellement dans le cas de la communauté guinéenne résidante au Portugal, la communauté guinéenne résidante en France présente une forte disjonction et complexité en ce qui concerne l'articulation entre lieu de naissance, identité et nationalité. Tous ou presque tous se considèrent liés identitairement à leur groupe ethnique d'origine (et, plus que 29 Cet aspect spécifique doit être interprété avec prudence, compte tenu du biais intrinsèque associé à l'échantillonnage snowballing (il est plus probable que des individus ayant des identités ethniques identiques appartiennent aux mêmes réseaux sociaux). Remarquons cependant que ce pourcentage approximatif (près de 90 %) est consistant avec l'estimative globale du poids relatif du groupe ethnique manjaque sur la communauté d'origine guinéenne en France (85 %-90 %), comme cela est avancé par plusieurs sources qualitatives (notamment, au moment des entretiens avec des dirigeants associatifs).

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cela et dans le cas de la grande majorité, au 'sol manjaque') bien que 40% d'entre eux soient nés dans un pays autre que la Guinée-Bissau et que moins de la moitié soient citoyens de la GuinéeBissau. Toutefois, comme nous l'avons suggéré, ni l'absence de citoyenneté formelle ni le lieu de naissance non guinéen n'impliquent l'absence de lien identitaire. Au contraire: dans le cas des individus qui sont nés au Sénégal et sont partis en France au cours de leur enfance ou jeunesse, par exemple, ce que nous trouvons typiquement est l'assomption explicite d'une triple identité, correspondant respectivement à la socialisation primaire (identité guinéenne ou plus concrètement et typiquement, manjaque), au contexte de socialisation secondaire précoce (identité sénégalaise) et au contexte de socialisation secondaire tardive (identité française). Il est important de signaler qu'il ne s'agit pas d'une minorité: le pourcentage de personnes qui ont résidé au moins un an au Sénégal (66%) est même supérieur à celui de ceux qui ont résidé au moins un an en Guinée-Bissau (65%) 30. Il s'agit d'un phénomène qui n'a pas de parallèle dans le cas de la communauté guinéenne au Portugal, compte tenu du caractère beaucoup plus récent du courant migratoire et de l'absence d'un contexte migratoire intermédiaire. Dans ces cas, nous sommes face à une communauté où: presque tous (sauf les descendants presque toujours mineurs) sont des immigrants, dans le sens où ils sont nés en Guinée-Bissau et ont immigré au Portugal; presque tous (une fois de plus sauf quelques descendants) sont nationaux de la Guinée-Bissau (bien qu'une partie de ceux qui se trouvent au Portugal depuis plus longtemps ait entre-temps acquis la nationalité portugaise) et où le lien identitaire présente des traits moins complexes. Les différences enregistrées à ce niveau entre les deux communautés impliquent certaines conséquences importantes en ce qui concerne la liaison présente et potentielle au pays d'origine qu'il faut prendre en compte. Dans le cas de la communauté guinéenne en France, l'absence d'un lien juridique formel de citoyenneté guinéenne (pour la plupart), la conjugaison avec deux autres référentiels identitaires susceptibles de mobilisation et le fait qu'un pourcentage élevé ne soit pas né et n'est pas résidé en Guinée-Bissau constituent, tous, des « facteurs de risque » en ce qui concerne la robustesse du lien avec ce pays. Jusqu'à présent, cependant, ces facteurs semblent ne pas avoir empêché le maintien et la rénovation des dynamiques transnationales qui relient cette communauté à la Guinée-Bissau (voir section suivante). Les dynamiques internes de la communauté guinéenne en France (incluant sa densité associative et l'organisation d'évènements et de célébrations communautaires) ont excessivement contribué à cela, de même que l'importance donnée par la famille et la communauté en général à l'éducation et à la socialisation selon des normes et des valeurs culturelles qui sont en partie celles du contexte original en Guinée-Bissau (il est par exemple fréquent que les jeunes nés en France se rendent pendant leur enfance ou leur adolescence en Guinée-Bissau afin de participer à des cérémonies initiatiques de leur groupe ethnique). Il ne faut cependant pas oublier que les facteurs de risque indiqués ci-dessus, en particulier dans un contexte de manque de rénovation des flux migratoires vers la France mettent cette communauté dans une phase charnière où les dynamiques transnationales tendront de plus en plus à devenir une question d'option (par opposition à l'obligation sociale) et, comme tel, plus conditionnelles et susceptibles d'abandon. C'est sous cette lumière que doivent être interprétées les déclarations de plusieurs jeunes dirigeants d'associations de la communauté guinéenne (socialisés au Sénégal et/ou en France et correspondants au profil indiqué ci-dessus) lorsqu'ils mentionnent la mise en place de projets de développement en Guinée-Bissau. Comme l'a mentionné l'un d'entre eux, « avec nous, les choses se sont passées d'une manière différente de celle des plus vieux. Ils ont beaucoup fait pour la Guinée-Bissau et ont souffert de nombreuses déceptions. Nous voulons aider, mais nous ne sommes pas disposés à tolérer ce qu'ils ont toléré.» 30 À ce propos, il est intéressant de signaler que 22 % des personnes (communauté guinéenne en France) ont affirmé avoir résidé au moins un an au Portugal, ce qui révèle des liens, plus forts que celui envisagé habituellement, entre ces deux communautés. Il s'agit en grande partie d'un phénomène récent : La France est une destination pour une bonne partie de la remigration récente depuis le Portugal et, effectivement, la grande majorité des 22 % susmentionnés affirme s'être installée en France ces dernières années. Il faut également mentionner les 9 % qui ont résidé plus d'un an dans des pays outre que la Guinée-Bissau, le Sénégal et le Portugal (typiquement en Gambie).

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Profils de qualifications et trajectoires d'insertion socioprofessionnelle L'apogée de la migration guinéenne en France a eu lieu dans le contexte des décennies « dorées » de croissance économique après la 2e Guerre mondiale, époque où les nouveaux migrants guinéens, pour la plupart Manjaques, correspondaient à la recherche accrue de maind'œuvre immigrante du secteur industriel français. Cette diversification au niveau des trajectoires d'insertion socioprofessionnelle (des emplois liés aux activités maritimes et portuaires, dominantes parmi les 'pionniers' des décennies précédentes, pour des emplois majoritairement dans le secteur industriel) a également assumé une expression spatiale propre: c'est de cette époque que date la dispersion géographique de la communauté d'origine guinéenne vers les villes et les régions de concentration de l'industrie transformatrice française, en particulier pour le secteur de la production automobile et, en termes spatiaux, vers la vallée de la Seine, entre Le Havre et Paris (Rouen, Mantes-la-Jolie, Évreux…). Au cours des décennies les plus récentes (après des phases maritime-portuaire et industrielle), une troisième période a eu lieu, caractérisée par la diversification socioprofessionnelle (bâtiment, emplois à faibles qualifications dans le secteur des services) à laquelle a également correspondu une diversification spatiale (les générations les plus jeunes, correspondant à ce profil, ont tendance à se déplacer progressivement vers de nouvelles zones résidentielles, notamment dans la région de Paris-Ile de France). Dans le cas de la communauté guinéenne au Portugal, le modèle présente des similitudes, mais également des différences importantes. Comme Carreiro et Sangreman l'ont signalé (2011), les emplois sur le marché du travail secondaire, en particulier dans les secteurs du bâtiment et des services (ménages, restauration) assument un poids prépondérant dans le profil socioprofessionnel actuel de cette communauté — et, dans cet aspect, la communauté au Portugal ne se distingue pas de la toute dernière mutation de la communauté guinéenne de France. Ce qui était absent, et l'est encore, dans le cas de la communauté au Portugal, est l'élément concernant l'emploi industriel qui, dans le cas français et par l'intermédiaire des migrants des générations plus âgées, trouve encore une certaine expression dans les résultats du présent sondage. Une autre question, qui assume une grande importance aux fins de la présente étude et qui s'avère particulièrement intéressant d'analyser, à la lumière des histoires migratoires et des profils socioprofessionnels, est celle des modèles de qualifications. D'une façon surprenante ou pas, ce que nous trouvons est une différence très significative entre les communautés guinéennes du Portugal et de France: la seconde présente un profil de qualifications scolaires très en dessous de celui de la première. Cela s'explique par diverses raisons. Comme cela a déjà été mentionné, la migration guinéenne vers la France a eu pour origine un contexte sociogéographique assez spécifique — les zones rurales du « sol manjaque » (et ses extensions au Sénégal)—, elle remonte à une époque plus lointaine (où l'offre de formation scolaire dans le contexte d'origine, aussi bien guinéen que sénégalais, était plus limitée) et a été traitée, en grande partie, par des réseaux migratoires associés à des processus de recrutement de maind'œuvre adressés à des emplois industriels à faibles qualifications. C'est cette conjonction de facteurs, en particulier entre les générations plus âgées, qui explique que presque 60% des personnes ayant répondu au sondage réalisé en France aient des qualifications inférieures à l'enseignement primaire complet. Comme il fallait s'y attendre, les personnes interrogées (relativement peu nombreuses) ayant des qualifications élevées dans le cas de la communauté guinéenne en France sont beaucoup plus jeunes que la moyenne de l'échantillon. Dans le cas de la communauté guinéenne au Portugal, au contraire, nous trouvons un profil de qualifications beaucoup plus élevées, avec un pourcentage élevé de personnes interrogées (55%) indiquant des niveaux de qualifications égales ou supérieures au niveau secondaire complet. Par contraste avec la situation constatée dans le cas de la communauté guinéenne de France, ce résultat s'explique (outre l'éventuel biais introduit par la méthodologie snowballing) par le caractère plus récent de la migration guinéenne vers le Portugal (qui a impliqué un accès accru à la formation scolaire dans le pays d'origine), par les différences au niveau du contexte d'origine en Guinée-Bissau (moins concentré dans les zones rurales), par l'importance de la migration 30

Évaluation du potentiel de développement de la diaspora de Guinée-Bissau au Portugal et en France

d'étudiants vers le Portugal et par les caractéristiques des flux qui, à divers moments historiques, ont donné origine à la communauté guinéenne au Portugal (dont certains ont présenté des profils de qualification assez élevés). Curieusement, cette différence au niveau des qualifications ne se reflète pas au niveau des trajectoires d'insertion socioprofessionnelle qui, à l'exception des différences déjà signalées, sont d'une manière générale assez similaires entre les communautés dans les deux pays. Comme Carreiro et Sangreman l'ont signalé (2011), cela reflète un problème généralisé de non utilisation de compétences dans le cas portugais, découlant de problèmes structurels du marché du travail de ce pays, aggravés par des mécanismes spécifiques de discrimination dans le cas des Guinéens. Le cas français, par opposition, correspond à des trajectoires d'insertion socioprofessionnelle relativement conformes aux profils de qualifications. Ces conclusions ont quelques implications importantes en ce qui concerne l'évaluation du potentiel de contribution de la diaspora guinéenne dans ces deux pays, notamment pour la question du transfert de compétences: la conclusion de base, fondée sur les résultats des sondages, mais également sur des éléments qualitatifs obtenus à partir de diverses sources, montre que la diaspora guinéenne hautement qualifiée se trouve disproportionnellement surreprésentée parmi la communauté résidant au Portugal — beaucoup plus qu'en France. Cela ne veut pas dire qu'il n'existe pas de potentiel important dans le cas français correspondant à des jeunes ayant une formation universitaire, des compétences dans des domaines avancés et disponibles pour contribuer activement à des projets et des initiatives en Guinée-Bissau. Néanmoins, à ce niveau spécifique, il n'y a pas de doutes que la plus grande partie du potentiel (d'ailleurs, très souvent sous-utilisé) se trouve au Portugal.

3.2. Pratiques et dynamiques transnationales L'un des indicateurs les plus significatifs de l'intensité des dynamiques transnationales entre les communautés de la diaspora et leur pays d'origine est la fréquence des contacts réalisés avec le pays d'origine. En plus de refléter d'une manière assez robuste l'intensité des liens — qu'ils soient affectifs ou utilitaires —, la fréquence de ces contacts est elle-même constitutive d'interactions transnationales, dans la mesure où, grâce à ces contacts, les individus dans la diaspora et dans le pays d'origine renforcent des affections, élaborent des plans, partagent des informations, donnent des instructions, font des demandes et exercent une influence culturelle et politique, parmi de nombreuses autres possibilités. Parmi les échantillons correspondant aux communautés guinéennes au Portugal et en France concernées par les sondages, nous constatons que la fréquence de ces contacts est, effectivement, très significative: 97% des personnes au Portugal et 66% des personnes en France affirment maintenir un certain type de contact avec la Guinée-Bissau, au moins une fois par mois. Il ne cesse cependant pas d'être évident que la communauté guinéenne au Portugal semble être liée à son pays d'origine par des liens plus forts — ou en tout cas que ceux-ci se traduisent par une fréquence de contacts significativement supérieure. Cette différence s'explique en grande partie, une fois de plus, par les différentes histoires migratoires des deux communautés: le caractère plus ancien de la migration vers la France et le fait qu'une partie substantielle de cette communauté maintienne des liens familiaux déjà relativement distants avec le pays d'origine tendent à se traduire directement par une plus faible fréquence des contacts. Ainsi, tandis que 98% des personnes interrogées au Portugal affirment posséder de la famille proche en Guinée-Bissau (Carreiro et Sangreman 2011:67), le pourcentage correspondant, dans le cas des personnes en France, est de 71%. En termes désagrégés, 13% affirment avoir des enfants qui résident en Guinée-Bissau; 61% ont un frère ou plusieurs dans ce pays; 39% y ont un ou leurs deux parents et 11% y ont un(e) ou plusieurs époux (épouses). Ces nombres sont tout de même étonnamment élevés, à la lumière de ce qui a été mentionné précédemment sur le caractère plus ancien du flux migratoire et sur les caractéristiques de cette communauté en matière de lieu de naissance et de résidence préalable (ou pas) en GuinéeBissau. Entre autres choses, ils suggèrent qu'effectivement le retour en Guinée-Bissau après la Évaluation du potentiel de développement de la diaspora de Guinée-Bissau au Portugal et en France

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retraite est une réalité très fréquente pour les migrants des générations plus âgées, le pourcentage considérable des personnes interrogées nées au Sénégal ou en France qui ont au moins l'un de leurs parents en Guinée-Bissau étant par exemple ainsi expliqué.

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Avec les contacts réguliers par téléphone ou e-mail, les déplacements réguliers en GuinéeBissau constituent un autre indicateur important de l'intensité des liens et des pratiques transnationales. Dans le cas de la communauté guinéenne au Portugal, Carreiro et Sangreman (2011) ont conclu que le coût élevé des voyages et le statut irrégulier de la partie des éléments de l'échantillon arrivés au Portugal plus récemment contribuent à expliquer une fréquence assez réduite des déplacements au pays d'origine — considérée d'ailleurs quelque peu discordante de la fréquence élevée des contacts à distance (par téléphone). Dans le cas de la communauté guinéenne en France, la conclusion est, en termes comparatifs, inverse: bien que les éléments de cette communauté concernés par le sondage réalisé en France révèlent une fréquence moyenne plus faible des contacts à distance, la fréquence de leurs voyages en Guinée-Bissau est assez élevée, avec 84% des personnes affirmant se rendre en Guinée-Bissau au moins une fois tous les 5 ans. Cette valeur très 80 élevée,80qui 80 est d'ailleurs surprenante, doit être interprétée à la lumière du pourcentage élevé de qui80possèdent de80la famille directe dans le pays d'origine 31— mais également, 80 personnes interrogées 80 par opposition à celui indiqué pour le cas portugais, compte tenu du pouvoir d'achat plus élevé de la communauté guinéenne en France et de la plus grande stabilité de la situation légale et 70 professionnelle 70 70 respective. 70

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Parmi les différentes dimensions des dynamiques transnationales, celle qui est normalement la plus soulignée dans le contexte de l'analyse du lien migrations-développement est l'envoi de fonds. 60 Dans le 60 cas 60 de la Guinée-Bissau, nous savons que l'argent et les biens envoyés par les migrants 60 60 60 constituent 60des ressources extrêmement importantes pour un pourcentage élevé des familles. Les données recueillies dans cette étude confirment la prépondérance et l'importance de cette pratique: par exemple, 75% des personnes interrogées dans le contexte portugais et 92% des personnes dans 50 50 50 50 le cas de la 50 communauté 50 guinéenne 50 en France affirment envoyer régulièrement de l'argent à quelqu'un dans leur pays d'origine. Le graphique 3.1 révèle pour les échantillons correspondants aux deux communautés en question la distribution des montants mensuels envoyés. Graphique 3.1: Montant moyen annuel des envois de fonds par les personnes interrogées (% des réponses valables)

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0 0 NS/NR

Portugal France

0 0 0 euros]0-600] 0]0-600] 0]0-600] ]0-600] annuels ]600-1200] euros annuels ]1200-3000] euros annuels Plus de ]1200-3000] 3000 euros NS/NR euros]0-600] annuels ]600-1200] euros annuels ]1200-3000] euros annuels Plus deannuels 3000Plus euros NS/NR NS/NR euros annuels ]600-1200] euros euros annuels euros annuels annuels ]600-1200] ]1200-3000] ]600-1200] euros euros euros annuels annuels annuels ]1200-3000] Plus deannuels 3000 euros euros euros annuels annuels Plus deannu 3000 de NS/NR NS/NR ]0-600] eurosNS/NR annuels ]0-600] euros ]600-1200] NS/NR annuels ]0-600] euros euros ]600-1200] annuels annuels ]0-600] ]1200-3000] euros euros ]600-1200] annuels annuels euroseuros ]1200-3000] annuels ]600-1200] annuels Plus euros de ]1200-3000] euros annuels 3000annuels euros Plus euros annu d]

Sources: Portugal: Carreiro et Sangreman, 2011; France: Sondage de la communauté d'origine guinéenne, 2012.

Avec la plus grande prédominance de l'envoi de fonds dans le cas de la communauté guinéenne en France, la distribution quantitative des montants soutient la conclusion que cette communauté 31

Les motifs indiqués pour les déplacements en Guinée-Bissau par les personnes ayant répondu au sondage réalisé en France (réponses valables par une partie de ceux qui affirment se rendre régulièrement en Guinée-Bissau) sont, par ordre de fréquence relative (catégories non exclusives): visiter la famille (81%); respecter des obligations familiales-communautaires (mariage, funérailles, cérémonies) (70%) ; s'occuper d'affaires (20%) ; autres motifs (3%) et s'occuper d'affaires/obligations légales (1%). 32

Évaluation du potentiel de développement de la diaspora de Guinée-Bissau au Portugal et en France

assume un rôle plus important du point de vue de l'envoi total de fonds que la communauté guinéenne au Portugal. Par exemple, presque 40% des personnes interrogées en France affirment envoyer, en moyenne, plus de 100 euros par mois contre à peine plus de 10% dans le cas de celles interrogées au Portugal. Cette différence s'explique très probablement par le fait que la communauté en France se trouve dans des conditions relativement plus favorables pour le faire grâce à la plus grande stabilité de sa situation socio-professionnelle (découlant d'un processus d'installation et d'intégration plus ancien) et du niveau de vie plus élevé dans ce pays d'accueil (en comparaison avec le Portugal). En analysant ce résultat, il importe tenir compte, en contrepartie, que la prédominance élevée des individus d'origine ethnique manjaque parmi la communauté guinéenne de France permet de deviner que la plus grande partie de ce flux de fonds est destiné, certainement, à la région nord de la Guinée-Bissau (tandis que les envois de fonds effectués depuis le Portugal tendront à se répartir d'une manière relativement plus déconcentrée sur le territoire guinéen). Face à ces résultats, nous avons considéré important de vérifier quelles sont les variables qui exhibent une plus grande association avec l'envoi de fonds — notamment afin de nous interroger sur la «durabilité» de ces dynamiques de transnationalisme économique dans le cas de la communauté française, dans la mesure où celle-ci est plus soumise aux facteurs de risques suggérés dans la première section de ce chapitre. Or, dans le contexte de l'analyse des résultats du sondage réalisé au Portugal, Carreiro et Sangreman (2011) ont identifié une importante relation statistique inversa entre le niveau de scolarité et l'envoi de fonds (attribuée principalement au fait que les migrants les plus qualifiés proviennent de contextes familiaux d'origine moins nécessiteuse). Tableau 3.1: Coefficients du modèle explicatif de l'envoi de fonds par les personnes interrogées de la communauté guinéenne en France Coefficients non standard

Modèle 1

B

Écart type

(Constant)

3218,416

445,538

Sexe

-512,248

182,281

Âge

-33,543

6,870

Scolarité

-269,271

Famille

897,654

Coefficients standard Beta

T

Sig.

7,224

,000

-,214

-2,810

,006

-,379

-4,883

,000

53,427

-,469

-5,040

,000

244,523

,366

3,671

,000

Source : analyse à partir des données recueillies par les auteurs, 2012.

Dans le cas du présent sondage réalisé en France, nous avons considéré important de construire et tester un modèle de régression linéaire en vue d'identifier les principales variables explicatives de l'envoi de fonds. Dans ce modèle, la variable dépendante a correspondu au montant annuel envoyé («0» en cas de non-envoi), tandis que les variables indépendantes prises en compte ont été au nombre de quatre: sexe, âge, scolarité et le fait d'avoir ou pas de la famille directe en Guinée-Bissau32. Malgré le nombre réduit de variables indépendantes prises en compte, le modèle s'est révélé avoir une remarquable capacité explicative: ces quatre variables, prises ensemble, expliquent 60% de la variance totale de la variable dépendante ( . Le tableau 3.1 présente la grille de coefficients qui en résulte. Toutes les variables surgissent comme extrêmement significatives: le sexe des personnes interrogées (le sexe masculin est associé, dans le modèle, à l'envoi annuel moyen de 512 euros en plus); l'âge (chaque année en plus correspond 32 «Avoir ou pas de la famille directe en Guinée-Bissau» a été inclus dans le modèle comme variable dummy, c'est-à-dire qui assume la valeur «1» en cas de réponse affirmative et «0» en cas de réponse négative (les parents, enfants, frères et époux/épouses ont été considérés comme famille directe). Analogiquement, la variable «sexe» a également été incluse comme variable dummy («0» pour «homme» et «1» pour «femme». «Âge» a été inclus comme variable continue (nombre d'années complètes). «Socalarité» a été incluse comme variable ordinale à huit catégories (ne pas savoir lire ou écrire; savoir lire et écrire; primaire complet; collège complet; lycée complet; université; cursus universitaire complet, troisième cycle, master ou doctorat).

Évaluation du potentiel de développement de la diaspora de Guinée-Bissau au Portugal et en France

33

en moyenne à l'envoi annuel de moins 34 euros); le fait que la personne interrogée possède de la famille directe résidant en Guinée-Bissau (associé à l'envoi moyen de 898 euros annuels de plus) ; et le niveau de scolarité (en général, plus il est élevé, plus faible est l'envoi moyen de fonds). Pour ce qui est de cette dernière variable, il est intéressant de signaler que le montant moyen plus élevé en matière d'argent envoyé est enregistré, étonnamment, parmi les 12 personnes interrogées qui ne savent ni lire ni écrire. En résumé, l'analyse des résultats du sondage révèle que l'envoi d'argent par la communauté d'origine guinéenne en France, en plus d'être une pratique tendanciellement associée aux éléments masculins de la communauté est surtout associé aux éléments plus âgés (qui possèdent également un niveau de scolarité plus faible), en particulier lorsqu'ils ont de la famille directe en Guinée-Bissau. Compte tenu de la tendance au déclin des flux migratoires vers la France ces dernières décennies (malgré la légère inversion de ces 3 ou 4 dernières années, suite à la remigration au départ du Portugal), ces résultats suggèrent que l'envoi de fonds de France vers la Guinée-Bissau pourra, très probablement, présenter une tendance progressivement décroissante à l'avenir — un aspect qui peut et doit être pris en compte lors de l'analyse prospective du rôle des envois de fonds dans le développement de la Guinée-Bissau. La dernière dimension du transnationalisme économique que nous avons mentionnée dans ce chapitre concerne les activités entrepreneuriales transnationales — une pratique plus fréquente dans le cas de l'échantillon au Portugal que dans celui de France. Ainsi, tandis que 13% des personnes interrogées au Portugal affirment développer un type d'activité commerciale ou entrepreneuriale à son propre compte (dont 70% dépendent pour cela de contacts avec la Guinée-Bissau), parmi les personnes interrogées en France, 8% affirment développer une activité entrepreneuriale ou commerciale et, parmi celles-ci, seule la moitié dit dépendre pour cela de contacts avec la Guinée-Bissau. Jusqu'à un certain point, cette différence a une dimension ethnique: tandis que l'échantillon au Portugal a impliqué différents individus appartenant au groupe ethnique peule, dont la tradition commerciale ou les réseaux transnationaux ont une longue histoire, cela n'est pratiquement pas arrivé dans le cas de l'échantillon inclus dans le sondage en France (la migration peule guinéenne vers le Portugal est d'ailleurs beaucoup plus significative que vers la France). Pour finir, il est pertinent de mentionner certains aspects liés audit transnationalisme politique. Dans ce domaine, nous avons cherché à comprendre quel était le degré de participation politique des communautés d'origine guinéenne dans ces deux pays, en ce qui concerne les processus politiques des contextes d'origine et d'accueil, mais aussi à obtenir des informations sur les perceptions des éléments de cette communauté sur l'importance de cette même participation politique. Bien que, naturellement, la participation politique ne se limite pas aux actes électoraux (d'autant plus qu'en ce qui concerne la possibilité pratique de vote pour les élections en Guinée-Bissau, ceux-ci ont été interdits aux communautés de la diaspora33), nous utilisons cette dimension comme essentiellement indicative du degré d'implication et comme représentative des perceptions quant au processus politique. Cela n'empêche cependant pas que nous ayons conscience de l'importance des autres formes d'implication dans la micro et la macro-politique, notamment par l'intermédiaire des structures associées, de forums de débat présentiels ou virtuels, ou encore de l'influence exercée à distance sur la famille dans le pays d'origine. En tout cas, en ce qui concerne cette dimension spécifique de la participation politique, les résultats obtenus au Portugal (Carreiro et Sangreman, 2011) indiquent un degré élevé de confiance dans le processus politique: 62% des personnes interrogées considèrent important, ou très important, de participer aux actes électoraux du pays d'accueil, tandis que 89% considèrent important, ou très important, de participer aux actes électoraux de la Guinée-Bissau. Parmi l'échantillon constitué d'éléments de la communauté guinéenne résidant en France, nous trouvons des niveaux de confiance et d'implication similaires, bien que caractérisés par une différence importante: en termes comparatifs, les personnes interrogées résidant au Portugal considèrent, avec 33

À l'exception d'un unique acte électoral, dans le cas de la communauté guinéenne au Portugal (Carreiro et Sangreman, 2011). 34

Évaluation du potentiel de développement de la diaspora de Guinée-Bissau au Portugal et en France

plus de fréquence, qu'il est important ou très important de participer au processus politique guinéen par rapport au contexte d'accueil (89% versus 62%), tandis que dans le cas de la communauté en France, l'inverse est constaté (78% versus 83%). Il s'agit d'un résultat de plus qui renforce l'idée qu'une bonne partie de la communauté guinéenne en France, en raison du caractère plus avancé de son processus d'assimilation formelle (notamment par le biais du lien de nationalité), se trouve, pour certains aspects, déjà plus liée au contexte d'accueil qu'au contexte d'origine. L'interprétation de ces résultats devient plus claire lorsque nous tenons compte de certains résultats supplémentaires. Dans le cas de l'échantillon du Portugal, par exemple, seule l'une des 77 personnes a affirmé appartenir à un parti politique portugais — et seuls 9% ont affirmé avoir exercé leur droit de vote lors d'élections portugaises (Carreiro et Sangreman 2011: 97-98). Parmi les personnes interrogées de la communauté guinéenne résidant en France, 15% ont affirmé appartenir ou avoir déjà appartenu à un parti politique français et 41% affirment avoir déjà voté lors d'élections françaises34. De plus, les personnes interrogées au Portugal soutiennent le degré d'importance élevé attribué à la participation aux processus électoraux en GuinéeBissau dans des affirmations qualitatives qui suggèrent une confiance élevée dans ces processus et une forte confiance en la participation électorale des migrants comme un droit et un devoir (Carreiro et Sangreman 2011:96). En France, au contraire, bien qu'une majorité considère cette participation importante ou très importante, le degré d'importance relativement plus faible qui lui est attribué apparaît associé, dans le cas d'un nombre considérable de personnes, à la croyance dans le caractère « tendu » et « faussé » des processus électoraux réalisés dans le pays d'origine. D'ailleurs, même parmi ceux qui considèrent la participation électorale des migrants aux élections guinéennes importante ou très importante, beaucoup le justifient par l'importance de contribuer à « consolider la démocratie ». Les expériences directes moins positives dans la relation avec l'État et avec l'administration guinéenne sont ainsi reflétées sur la perception par rapport au processus politique de la Guinée-Bissau d'une manière plus générale. En conclusion, il importe signaler que les pratiques transnationales qui unissent ces deux communautés dans la diaspora à leur pays d'origine sont, dans tous les cas, très intenses et significatives — tant au niveau social qu'économique ou politique. Cependant, les modalités et la magnitude qu'elles assument dans chacun des cas sont interreliées par deux variables fondamentales: les caractéristiques des processus d'incorporation dans les sociétés d'accueil et la nature des liens au pays d'origine. Dans le cas de la communauté guinéenne au Portugal, la trajectoire d'insertion la plus récente et précaire contraint plus intensément, en termes comparatifs, la capacité des migrants à intervenir (en se rendant dans leur pays d'origine ou en envoyant des fonds, par exemple), au contraire de ce qui se passe dans le cas de la communauté guinéenne la plus consolidée en France. En contrepartie, la communauté guinéenne au Portugal semble unie par des liens de nature plus multidimensionnelle à son pays d'origine, au contraire de ce qui se passe dans le cas de la communauté en France: pour cette dernière, la GuinéeBissau est très souvent le lieu de résidence de famille et le pays qui inclut son territoire référentiel sur le plan mythico-culturel (le « sol manjaque ») — mais pas nécessairement un espace national auquel ils feraient confiance ou pour le processus du développement général pour lequel ils se sentiraient très motivés à contribuer.

3.3. Caractéristiques du tissu associatif La diaspora guinéenne, aussi bien au Portugal qu'en France, comme dans la généralité des contextes d'accueil où elle est présente, est connue pour la densité et le dynamisme de son tissu associatif. Dans le cas des deux communautés spécifiques en question, deux indicateurs de cela sont les nombres estimés des associations qui leur sont directement liées: 62 personnes 34

Le fait que 8,8% des personnes interrogées appartenant à la communauté guinéenne en France affirment appartenir ou avoir déjà appartenu à un parti politique guinéen est encore plus notable — un pourcentage élevé qui ne peut être lu qu'à la lumière de la forte relation historique entre le mouvement de libération/parti politique FLING et le groupe ethnique manjaque (bien que des questions sur quel est le parti en question n'aient pas été posées et qu'il ne soit pas licite d'assumer cette simple correspondance dans le cas de tous les éléments de la communauté résidant en France). Évaluation du potentiel de développement de la diaspora de Guinée-Bissau au Portugal et en France

35

recensées, mais près de 200 estimées, dans le cas de la communauté guinéenne de France (GRDR 2010); 56 recensées (par la CIFAGP), mais certainement beaucoup plus que cela d'après certains critères (comme nous le verrons par la suite) dans le cas de la communauté d'origine guinéenne résidant au Portugal. Tableau 3.2 : Caractérisation du tissu associatif guinéen au Portugal et en France Portugal

France

Nombre d'associations de la communauté

56 (recensement CIFAGP, 2011)

62 (recensement GRDR - 2010); près de 200 (estimation totale GRDR, 2010: 7)

Pourcentage estimé des éléments de la communauté qui affirment appartenir à des associations de la diaspora

64% (Carreiro et Sangreman, 2011) 92% (sondage auprès de la communauté d'origine guinéenne, 2012)

Principaux secteurs de concentration spatiale des sièges (physiques, sociaux et/ou aux fins de correspondance)

Ligne de Sintra (27%); municipalité de Lisbonne (21%) ; ligne de Cascais (16%); ceinture sud du Tage (13%); Loures/Odivelas/Vila Franca de Xira (13%); en dehors de la zone métropolitaine de Lisbonne (5%) [Source: recensement CIFAGP 2011]

Paris-Ile de France (56%) ; Haute -Normandie (31%); Provence Alpes Côte d’Azur (3%); Centre (2%); Midi Pyrénées (2%) [Source: recensement GRDR 2010]

Principales organisations à caractère fédératif

Fédération des associations guinéennes au Portugal (FAGP, en phase d'installation); Union des associations baboques au Portugal - Fédération (ABP)

Confédération des associations bissau-guinéennes de France (CAGF); Union des associations mandiakos en Europe (UAME); Fédération des associations du secteur de Calequisse (FASCAE); Fédération Babok de France

Sources : Données recueillies par les auteurs. Portugal : CIFAGP (2011), Carreiro et Sangreman (2011). France : GRDR (2010).

La difficulté d'avancer des estimations rigoureuses du nombre total des associations de ces deux communautés guinéennes est liée à l'informalité de la plupart des associations, unies en général par des liens de parenté, de lignage ou de contemporanéité en vue de la poursuite d'objectifs spécifiques. À titre d'exemple, l'une des personnes interrogées a mentionné la participation de sa mère, migrante en France, à sept initiatives collectives différentes — incluant, outre l'association de terre natale (Calequisse), six cercles informels d'épargne avec des compositions distinctes: entre les femmes de Calequisse; entre frères et sœurs; entre cousines; au sein de la famille maternelle; relative à la classe d'âge (uran, dans le cas des individus d'origine manjaque) et entre les femmes d'origine guinéenne résidant à Rouen. Dans chacun de ces cas, la cotisation — typiquement mensuelle — est destinée à la constitution d'un fonds commun destiné à répondre à des situations d'urgence, à des besoins individuels (de manière rotative), à des besoins et des objectifs spécifiques du groupe (construction d'une maison de famille en Guinée-Bissau, organisation de fêtes) ou, dans le cas des associations plus structurées et typiquement basées sur la terre d'origine, pour la mise en œuvre d'initiatives de soutien au développement et au bien-être communautaires en Guinée-Bissau. Nombre de ces initiatives collectives ont un caractère entièrement informel, fréquemment intrafamilial, les participants ne ressentant aucun besoin de les formaliser. Dans ce contexte, le processus de formalisation d'une partie des organisations guinéennes s'est essentiellement déroulé au cours des dernières décennies (à partir de 1990, aussi bien dans le cas français que 36

Évaluation du potentiel de développement de la diaspora de Guinée-Bissau au Portugal et en France

portugais) et a correspondu, dans les cas où cela est arrivé ainsi, à leur transformation progressive en ONG afin de donner une réponse plus structurée aux divers besoins, tant des associés que de tiers (principalement les localités d'origine, dans le cas des associations de terre natale). Pour celles qui ont suivi cette voie, le processus de formalisation a été considéré non seulement comme un besoin, mais également comme une opportunité: un besoin dans la mesure où l'augmentation du nombre d'associés et l'augmentation de l'échelle des activités développées ont exigé des mécanismes internes de fonctionnement plus structurés; une opportunité, dans le sens où la constitution formelle des associations a été une condition nécessaire pour que celles-ci aient accès à des soutiens et à des ressources supplémentaires susceptibles de faciliter la poursuite des objectifs. Dans le contexte portugais, un facteur déterminant a été la création du Haut-commissariat pour l'immigration et le dialogue interculturel (ACIDI, à l'époque ACIME) en 1996 — lequel, au cours des années subséquentes, a créé une série d'incitations à la formalisation des associations de migrants et à leur constitution comme partenaires institutionnels (des incitations qui ont inclus la mise à disposition de fonds à diverses fins et activités). C'est en partie pour cette raison que la plupart des associations de la communauté guinéenne au Portugal a formellement été constituée au début des années 2000, même si dans la plupart des cas, elles existaient déjà depuis plusieurs années (dans certains cas, dix ans ou plus) à la date où elles ont été formalisées. Dans les deux contextes d'accueil, cette tendance relativement récente à la formalisation a été accompagnée d'efforts en vue de la constitution de structures fédératives afin d'assurer la coordination des efforts et une représentation unifiée auprès des interlocuteurs officiels des pays d'origine et d'accueil. Ces structures sont essentiellement de deux types: les fédérations qui regroupent un nombre limité d'associations de base locale, se rapportant à un même secteur administratif en Guinée-Bissau (comme l'ABP au Portugal ou la FASCAE et la Fédération Babok en France) et des structures de portée nationale qui regroupent et coordonnent toutes, ou presque toutes, les organisations de la diaspora guinéenne dans chacun des contextes nationaux de l'accueil (comme la CAGF et l'UAME en France ou la FACG au Portugal — cette dernière étant encore en phase d'installation). Ces incitatives fédératives sont louables à divers niveaux, dans la mesure où elles cherchent à éviter des redondances, à atteindre des gains d'efficacité au niveau des projets développés et à augmenter la capacité des communautés à faire entendre leur voix auprès des interlocuteurs officiels. Cependant, aussi bien au Portugal qu'en France, elles ont affronté certains obstacles qui ont remis en question le succès de l'effort fédératif: d'après de nombreuses personnes interrogées dans les deux pays d'accueil, les efforts de constitution et de fonctionnement des fédérations à contexte national ont été remis en question par une combinaison de rivalités personnelles, de problèmes de manque de confiance et de craintes que le processus fédératif implique une perte d'autonomie des associations — et cela a beaucoup retardé et entravé le processus de constitution (au Portugal) et compromis l'efficacité de l'action des fédérations et/ou amené certaines associations fédératives à s'éloigner (en France). Curieusement, les structures fédératives qui semblent être mieux parvenues à éviter ces problèmes et à garantir des mécanismes harmonieux de gouvernance interne sont celles qui articulent des associations à une échelle plus limitées — comme l'ABP au Portugal ou la FASCAE en France. L'effort de constitution et de consolidation des structures fédératives nationales pleinement représentatives est ainsi encore incomplet dans les deux contextes d'accueil — et s'il continue à être considéré un objectif méritoire et un pas nécessaire pour la plupart des dirigeants interviewés, les difficultés inhérentes à ce processus ne doivent pas être ignorées ou minimisées. Nous avons ainsi constaté que le tissu associatif des communautés guinéennes au Portugal et en France est caractérisé par un continuum de formes organisatrices où à une extrémité se trouvent les cercles informels d'épargne et de solidarité de base familiale, de lignage ou compatriote et, à l'autre, les structures fédératives de portée nationale. Entre ces deux extrêmes se trouvent celles qui constituent la majorité des associations formellement constituées: les associations de terre natale (ATN) qui représentent 51% des 59 associations incluses dans le recensement du GRDR (2010), en France et un pourcentage égal des 56 associations incluses Évaluation du potentiel de développement de la diaspora de Guinée-Bissau au Portugal et en France

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dans la liste de la CIFAGP au Portugal. Dans le contexte français, compte tenu de la prédominance des individus d'origine manjaque dans la communauté, cet univers d'associations de terre natale est une réalité concernant essentiellement les Tabancas de la région nord de la Guinée-Bissau. Il en est de même au Portugal, et cela surtout parce que cette communauté ethnique a une plus grande tradition de pratiques associatives. Ce phénomène provient probablement de la division de la société manjaque en classe d'âge et de la pratique traditionnelle qui fait que les individus appartenant à chacune de ces classes («uran ») effectuent, surtout lorsqu'ils sont jeunes, des travaux agricoles collectifs pour des tiers en échange d'une rémunération qui est, elle aussi, utilisée collectivement (pour des fêtes ou pour acheter des costumes pour tous les éléments) — outre la solidarité renforcée qui advient de la réalisation commune de cérémonies d'initiation des éléments de ces classes. Dans un contexte migratoire, cette solidarité et cette pratique ont été adaptées dans le sens de la création de mécanismes de soutien destinés à faciliter le processus d'installation des migrants arrivés récemment et à garantir un réseau de solidarité mutuelle. Ce sont ces arrangements collectifs informels qui sont à l'origine de la majorité du tissu associatif en contexte migrant ayant, lors d'une phase postérieure (une fois garanti un minimum de stabilité pour les « pionniers » de la tabanca) commencé à diriger une partie plus substantielle de leur attention au développement d'initiatives dans les localités d'origine. Plus récemment, les migrants provenant des différentes tabancas de la Guinée-Bissau où prédominent les groupes ethniques islamisés ont de plus en plus adopté cette pratique bien que dans ces cas, celle-ci n'ait pas le même type d'enracinement culturel «organique». Outre les types de structures déjà mentionnées, les tissus associatifs des communautés guinéennes dans ces deux pays ont également deux autres catégories principales: d'une part, des associations à caractère national (dont la Casa da Guiné au Portugal est un exemple); de l'autre, des associations basées sur des affinités et des objectifs spécifiques de nature religieuse, culturelle ou socioprofessionnelle (comme l'Association Kalanda et l'Association des entrepreneurs bissau-guinéens, en France; ou l'Association des étudiants guinéens et l'Association des musulmans nés en Guinée-Bissau au Portugal). Ces deux types d'associations sont relativement minoritaires (par rapport aux associations de terre natale), mais jouent un rôle très important tant dans la poursuite des intérêts spécifiques de leurs membres que pour le caractère plus transversal qu'elles assument (ce qui renforce la cohésion de la communauté d'une manière plus générale). En contrepartie, il est moins fréquent qu'elles se consacrent au financement et à la mise en œuvre d'initiatives de promotion du développement et du bien-être en Guinée-Bissau (un domaine où les associations de base locale jouent le rôle principal). En ce qui concerne le nombre de membres/associés, les associations de la communauté guinéenne sont caractérisées par une hétérogénéité considérable. D'une manière générale, les structures à caractère fédératif tendent évidemment à présenter un plus grand nombre d'associés (comme c'est le cas de la FASCAE, en France, qui a près de 3 000 associés). Pour leur part, certaines associations 'transversales' ont également un nombre particulièrement élevé de membres (dont beaucoup ne sont pas guinéens dans la mesure où ces associations réunissent également des personnes d'autres nationalités ou origines qui partagent des intérêts communs ou qui décident de s'associer par solidarité) — c'est le cas de l'Aguinenso ou du Centre de culture arabe ou Pulaar islamique (au Portugal) qui ont toutes deux près de 3 000 associés. Les associations de terre natale, comme il fallait s'y attendre, ont une dimension moyenne moindre — mais même dans ce sous-ensemble, nous constatons une hétérogénéité considérable (dans le cas portugais, 40% des associations de terre natale ont entre 50 et 99 membres, mais près de 25% ont 300 membres ou plus). Un autre résultat important est le fait que les associations de terre natale de la communauté guinéenne au Portugal ont une dimension moyenne franchement supérieure à leurs homologues françaises, en ce qui a trait au nombre d'associés: dans le contexte portugais, il n'est pas rare que les associations aient 200, 300 ou 400 membres, tandis que la plupart des ATN dans le contexte français ont moins de 100 associés. Malgré cela, la quasi totalité des dirigeants associatifs interviewés dans le contexte portugais a affirmé que, ces dernières années, leurs 38

Évaluation du potentiel de développement de la diaspora de Guinée-Bissau au Portugal et en France

associations sont confrontées à une réduction significative du nombre de membres en raison de la forte tendance à la remigration dans le contexte de l'actuelle récession — un fait qui se révèle problématique pour les associations dans la mesure où il implique une réduction des recettes obtenues à titre de cotisations35. La quasi-totalité des associations recensées au Portugal et en France dépendent principalement des cotisations payées par les associés (qui oscillent généralement entre 5 et 10 euros par mois) pour garantir le financement de leurs activités. Pour nombre d'entre elles, le financement/mise en place de projets spécifiques, en particulier en Guinée-Bissau, donne également origine à des collectes exceptionnelles de fonds. Cependant, dans certains cas minoritaires, le financement régulier ou exceptionnel par les associés est complété par des recettes provenant d'autres sources — à titre de subventions par des organismes du pouvoir local (en général au niveau des collectivités locales, au Portugal et régionales en France) ou, dans le cas portugais, grâce à des lignes de financement de l'ACIDI pour la poursuite d'activités spécifiques (activité d'insertion professionnelle, promotion de la culture, etc.) Les soutiens « en espèces » résultant d'accords ou de partenariats avec différents types d'organismes (mairies, églises, instituts universitaires) moyennant lesquels ces derniers cèdent des espaces ou des équipements divers pour que les associations réalisent des réunions et des activités. Malgré cela, seule une petite minorité des associations interviewées (dans les deux contextes, mais surtout en France) dispose d'un espace propre permanent — cédé, loué ou appartenant au patrimoine de l'association. L'inexistence d'un siège social ou d'un espace propre est particulièrement problématique dans le cas des associations guinéennes au Portugal, car ces dernières consacrent tendanciellement une grande partie de leur attention au développement d'activités dans le contexte d'accueil (en contrepoint avec les activités dirigées vers le pays d'origine, plus centrales dans le cas des associations en France). Cette différence devient plus évidente lorsque nous analysons plus en détail la question des domaines d'action des associations recensées. En premier lieu, soulignons le fait que la plupart des associations de la communauté guinéenne au Portugal privilégient l'intervention dans le contexte d'accueil; dans quatre domaines d'action dans le pays d'accueil (santé, aide en cas de décès, convivialité et la catégorie résiduelle « autres aides sociales »), le pourcentage d'associations intervenantes se rapproche ou dépasse les 50%. En contrepartie, les deux domaines d'action en Guinée-Bissau les plus communs (éducation et santé) concernent près d'un tiers de toutes les associations interviewées — et, d'une manière générale, les pourcentages de réponses affirmatives sont beaucoup plus faibles dans les différents domaines. Ce fait ne doit pas être compris comme reflétant une plus faible liaison au pays d'origine ou une plus faible disponibilité pour contribuer à son bien-être et à son développement — ce qui se passe c'est que la communauté guinéenne au Portugal souffre elle-même de difficultés et de précarités très pressantes (fruit des caractéristiques de son processus d'incorporation, du niveau de développement du pays plus faible lorsqu'il est comparé à la France et du caractère moins englobant et efficace des aides sociales et publiques), raison pour laquelle les associations tendent à chercher à répondre, avant tout, à ces mêmes besoins. En effet, c'est exactement cela que nombre de ces associations font d'une manière remarquable: la diversité des aides qu'elles proposent et des activités qu'elles réalisent constituent, pour la plupart d'entre elles, un authentique système de providence parallèle qui complète les aides sociales fournies par l'État portugais (auxquelles les migrants ont, d'ailleurs, une difficulté particulière à accéder par rapport à la population autochtone). Aide monétaire en cas de chômage; financement des déplacements en Guinée-Bissau (en cas de maladie considérée incurable par la médecine «occidentale» pour réaliser des cérémonies au nom de parents décédés voire pour des jeunes qui ont des problèmes de toxicodépendance ou de criminalité); aide et représentation légales 35 Bien que, mentionnons-le, les situations de remigrations où les associés continuent à payer les cotisations de leur association au Portugal ne sont pas rares, en particulier si le projet remigratoire est envisagé comme temporaire (35 la famille continue à vivre au Portugal) et si le migrant en question ne choisit pas entretemps d'adhérer à une autre association dans le nouveau contexte d'accueil. En contrepartie, l'actuelle situation économique exerce aussi un effet négatif sur les recettes des associations grâce à une autre voie : de nombreux dirigeants associatifs au Portugal ont mentionné une augmentation de l'incidence de retards ou d'absences de paiement des cotisations, motivés par des situations de chômage et de difficulté économique.

Évaluation du potentiel de développement de la diaspora de Guinée-Bissau au Portugal et en France

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parfois moyennant le recours de l'association à des accords avec des avocats; initiatives d'alphabétisation et formation professionnelle; groupes de danses traditionnelles; déjeuners conviviaux et fêtes annuelles — dans des combinaisons variables et à des degrés divers, toutes ces activités constituent des «services» fréquemment proposés aux membres par les associations recensées. Certaines d'entre elles développent des activités dans la quasi-totalité des domaines d'action énumérés ci-dessus — des activités comme la distribution d'aliments, les visites en prison régulières à des reclus guinéens (sans liens familiaux ou d'origine géographique) ou encore l'aide au niveau de l'hébergement et l'alimentation des migrants venus au Portugal sous couvert de commissions médicales. Même si pour les raisons indiquées les activités développées au Portugal assument un caractère prioritaire, il est cependant vrai que 17 des 27 associations interrogées à ce propos développent également ou ont déjà développé des initiatives au bénéfice de leur pays d'origine. Naturellement, cela est particulièrement vrai dans le cas des associations de terre natale pour lesquelles mettre en place, dès que possible, un projet significatif de soutien à la tabanca d'origine constitue, en général, un objectif prioritaire. Compte tenu des difficultés que beaucoup de membres de ces associations connaissent dans leurs vies personnelles et familiales, la disponibilité démontrée pour aider leurs compatriotes en Guinée-Bissau ne cesse d'être remarquable. S'ils n'en font pas plus, c'est très souvent parce qu'ils n'en ont pas la possibilité comme l'a affirmé l'un des dirigeants interviewés : «en premier lieu, nous devons résoudre nos propres problèmes et résoudre notre situation pour après être capables de mieux aider ceux qui sont en Guinée ». Comme cela a déjà été mentionné, les domaines les plus communs d'intervention en Guinée-Bissau sont l'éducation et la santé, ce qui reflète les besoins les plus pressants ressentis dans les tabancas d'origine. La liste complète des projets développés dans le contexte d'origine est cependant très variée, incluant des initiatives aussi diverses que, pour ne citer que quelques exemples, la construction et l'équipement d'écoles et de dispensaires ; l'envoi d'équipements sportifs; le financement de la réparation des routes; le paiement des frais de voyage des professeurs détachés dans les tabancas en question; l'envoi de véhicules pour assurer le transport médical ou d'embarcations pour le transport maritime; l'installation de panneaux solaires ou encore la création de primes pour les meilleurs étudiants. D'une manière générale, les associations qui développent ce type de projets (pour la plupart ATN) tendent à le faire de manières relativement structurées: typiquement, avec la constitution d'une association homologue en Guinée-Bissau, laquelle assume la responsabilité de recevoir et gérer les fonds impliqués et de surveiller la mise en place du projet. Dans certains cas, des acteurs collectifs supplémentaires sont également impliqués: la plupart des ATN manjakas, en particulier, possèdent des associations homologues en France et d'après les personnes interrogées, la coopération entre les 'filiales' de chacun des pays dans le contexte du cofinancement et de la co-mise en œuvre de projets dans la tabanca d'origine est une pratique très commune. Rappelons que seule l'une des personnes interrogées a mentionné l'occurrence de problèmes à ce niveau découlant de méfiances et de mésententes entre les associés au Portugal et en France qui ont fini par retarder l'exécution d'un projet. En ce qui concerne le tissu associatif en France, bien que nous ne disposions pas de données parfaitement comparables, il est certainement possible d'effectuer une comparaison indirecte. Un premier aspect à souligner est le fait que 23 des 59 organisations recensées par le GRDR (2010) mentionnent le développement de projets ou d'initiatives en Guinée-Bissau. Pour ce qui est de la répartition de ces initiatives par domaines d'activité, nous constatons que, comme pour leurs homologues portugaises, les domaines de l'éducation et de la santé sont ceux qui concentrent prioritairement l'attention de ces associations. En effet, les caractéristiques des initiatives développées en Guinée-Bissau par des organisations de la diaspora guinéenne en France ne se distinguent pas significativement de ce qui arrive dans le cas de la communauté résidente au Portugal. Dans un contexte comme dans l'autre, le rôle principal à ce niveau est joué par les associations de terre natale, concernant généralement des tabancas de la région nord de la Guinée-Bissau. Dans la mesure où les priorités d'intervention sont directement liées aux besoins les plus pressants ressentis dans les tabancas et que celles-ci font, en général, l'objet 40

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d'un consensus relatif, les domaines d'intervention prioritaires ressemblent davantage à ceux des associations au Portugal — et comme nous l'avons vu, les interventions elles-mêmes sont très souvent mises en place en articulation avec leurs homologues dans cet autre contexte d'accueil. Cependant, un aspect important très souvent mentionné par les personnes interrogées en France — beaucoup plus qu'au Portugal — concerne le besoin ressenti de suivre directement la mise en place des initiatives sur le terrain, suite à quelques expériences qui se sont mal passées (exécution défaillante de projets, détournement de fonds). Cet aspect est lié à une caractéristique spécifique des ATN dans le contexte français qui les distingue de leurs homologues portugaises: tandis que la communauté guinéenne au Portugal comme un tout est, en moyenne, plus qualifiée qu'en France, dans le cas spécifique des ATN, il semble y avoir une situation inverse, car au Portugal, elles ont été constituées, en grande partie, suite à la migration prédominante de main-d'œuvre et moins qualifiée des années 80 et 90, tandis que les origines plus anciennes de la migration guinéenne en France ont déjà permis l'implication dans les ATN françaises de générations plus jeunes, socialisées en France et plus qualifiées. L'assomption récente de responsabilités directives par cette nouvelle génération est associée à la manifestation d'une volonté de transformer les pratiques adoptées en vue d'une plus grande formalisation et «professionnalisation» des procédures. Une autre différence entre les deux tissus associatifs, que nous avons déjà mentionnée, concerne l'emphase sur les activités sociales développées dans le contexte d'accueil. Les données recueillies dans le contexte du recensement promu par le GRDR (2010) ainsi que les informations obtenues lors des entretiens réalisés dans le contexte de la présente étude révèlent qu'au contraire de ce qui se passe dans le contexte portugais, les associations de la communauté guinéenne en France n'ont pas ressenti le besoin de promouvoir un «système de providence parallèle» aussi englobant — ce qui s'explique par le fait que la situation socio-économique de la communauté en France soit relativement plus stable qu'au Portugal et par les aides sociales plus robustes proposées par l'État français. Par conséquent, les domaines d'intervention privilégiés par les associations en France sont d'un autre genre et consistent surtout en la promotion et la divulgation cultuelles (grâce à l'aide au fonctionnement de groupes musicaux et de danse, de cours de langue manjaque, de journées culturelles, d'édition d'albums musicaux et de programmes de radio); l'organisation de rencontres et de fêtes (rencontres régulières, fêtes annuelles, concours Miss Mandjak); la promotion d'activités et de rencontres sportives et l'organisation de débats et de colloques sur des thèmes politiques, sociaux et culturels. Les seules activités d'intervention plus strictement sociales indiquées assez souvent par ces associations sont les cours d'alphabétisation (mentionnés par trois associations recensées) et, surtout, les caisses de solidarité (mentionnées par près d'un quart des associations recensées par le GRDR) qui proposent une aide monétaire en cas de décès, ainsi que, plus communément, en cas de maladie ou de mariage. Notons, entretemps, que cette dernière fonction (épargne et solidarité mutuelles) est, comme nous l'avons déjà mentionné, exercée également par une myriade de structures informelles à géométrie variable et qu’il est courant que l'un des éléments de la communauté appartienne à plusieurs d'entre elles. En tout cas, il est clair que l'intervention des associations dans le contexte de l'accueil français assume comme priorité typique le domaine socioculturel tandis que dans le cas portugais, les difficultés les plus pressantes auxquelles est soumise la communauté et le caractère plus récent du processus d'incorporation orientent plus l'intervention vers les domaines socio-économiques, médico-sanitaires et juridicolégaux.

3.4. La diaspora guinéenne hautement qualifiée L'aspect hautement qualifié de la diaspora guinéenne est le résultat de trois types de processus survenus dans différentes proportions et à différents moments: l'émigration hautement qualifiée à partir de la Guinée-Bissau; la transition vers le marché du travail des pays d'accueil des étudiants guinéens émigrés et l'acquisition de qualifications et de compétences élevées des Évaluation du potentiel de développement de la diaspora de Guinée-Bissau au Portugal et en France

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descendants de migrants. En tant que contextes d'accueil, le Portugal et la France ont été historiquement affectés par ces processus dans des proportions assez distinctes. L'émigration hautement qualifiée à partir de la Guinée-Bissau est un phénomène récent et relativement circonscrit car l'acquisition de qualifications de niveau supérieur par la population guinéenne est, elle-même, assez récente et jusqu'à il y a très peu de temps, d'une ampleur très limitée. Les trois grandes vagues de sortie de migrants dotés de qualifications plus avancées ont toutes été associées à des facteurs à caractère politique. La première vague a eu lieu pendant la période après l'indépendance de la Guinée-Bissau et s'est encadrée dans le flux, à destination du Portugal, desdits «luso-guinéens» (Machado, 1998) qui a impliqué la sortie d'un contingent significatif d'individus ayant des formations intermédiaires et techniques (incluant, d'après plusieurs récits, un nombre significatif d'infirmiers). La seconde a eu lieu dans le contexte du flux migratoire accentué en direction du Cap-Vert qui a eu lieu suite au coup d'État de 1980 et qui a impliqué, en particulier, l'émigration d'un nombre significatif de professeurs de l'enseignement primaire et secondaire36 (Có, 2012). Pour sa part, la troisième vague est survenue au cours du conflit de 1998-99 et a correspondu à la fuite du pays d'un nombre considérable d'individus — incluant, en particulier, beaucoup de médecins et de cadres de l'administration publique — qui, tirant parti de leurs réseaux de connaissance et de leur capacité de mobilisation d'épargnes, ont cherché refuge dans d'autres contextes (en particulier le Portugal, mais aussi, à un moindre degré, d'autres pays incluant le Cap-Vert et la France), certains ayant fini par rester dans ces pays après la fin de la guerre. La transition vers le marché du travail dans un contexte d'émigration concerne aussi le Portugal comme contexte d'accueil. Bien que divers autres pays (comme ceux de l'ancien bloc de l'Est, Cuba, le Maroc, la Russie, le Brésil, entre autres) aient accueilli des contingents significatifs d'étudiants universitaires guinéens au cours des dernières décennies, le Portugal a toujours été la destination la plus importante, en termes quantitatifs, de ce type d'émigration et celui où l'on a constaté une plus grande tendance à la permanence après la conclusion des études. Outre la plus grande proximité linguistique et culturelle et l'existence des réseaux de soutien associés à la nombreuse communauté guinéenne au Portugal, la plus grande facilité d'accès au marché du travail portugais lorsqu'elle est comparée aux autres destinations y a également contribué. En effet, dans le cas des migrants ayant des formations universitaires acquises dans des pays de l'ancien bloc de l'Est ou à Cuba au cours des trois dernières décennies, la trajectoire subséquente est passée par un nombre élevé de cas par le Portugal, peut-être même plus que par la Guinée-Bissau elle-même. Cependant, à l'exception d'un secteur ou l'autre, comme celui du personnel médical, l'incorporation sur le marché du travail portugais n'a pas toujours eu lieu d'une manière conforme aux qualifications détenues par les migrants en question. Au contraire, la tendance générale est dans le sens de la non-utilisation de compétences, avec de nombreux cas de migrants hautement qualifiés qui ont fini par occuper des segments du marché du travail secondaire distincts de leur secteur de formation (Có, 2012). La troisième modalité mentionnée comme contribuant à la constitution d'une diaspora hautement qualifiée (bien qu'au sens strict, il ne s'agisse pas de migrants hautement qualifiés) consiste en l'acquisition de qualifications avancées par les descendants de migrants guinéens dans les contextes d'accueil, en particulier dans les cas où la liaison effective à la Guinée-Bissau continue à être significative. Il est facile de déduire que cette modalité concernera surtout les communautés guinéennes au Portugal et en France, mais en vérité il y a une quasi complète insuffisance de données sur cette question, à l'exception du type d'informations indicatives obtenues grâce à des instruments comme ceux utilisés dans le cadre de cette étude. En tout cas, compte tenu des difficultés de mobilité sociale ascendante ressenties par ces deux communautés, il est assez probable qu'il s'agisse d'un phénomène limité. À partir de cette énonciation des dynamiques sous-jacentes à la constitution de la diaspora guinéenne hautement qualifiée, il est possible d'en tirer dès à présent quelques conclusions. En 36

D'après la forme d'opérationnalisation de la « migration hautement qualifiée » qui est le plus communément utilisée, ces deux « vagues » ne correspondent pas, au sens strict, au concept. Elles ont cependant assumé à l'époque une grande importance étant donné le manque de ressources humaines qualifiées ressenti en Guinée-Bissau dans les secteurs en question. 42

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premier lieu, le Portugal est, certainement à grande distance, le plus important pôle de la diaspora qualifiée guinéenne (bien qu'il soit indubitablement possible de trouver des Guinéens à des postes importants dans les domaines les plus divers) 37. En second lieu, la diaspora guinéenne hautement qualifiée a une dimension relativement limitée — estimée, même si ce n'est que dans les pays de l'OCDE et en ce qui concerne les émigrants hautement qualifiés, à 24,4% de la population «nationale» totale hautement qualifiée (Marfouk et Abdeslam 2007, cit. in Có 2012: 93). En troisième lieu, sauf quelques exceptions, cette diaspora n'a pas eu la trajectoire d'incorporation sur le marché du travail la plus conforme à ses qualifications — ce qui, entre autres répercussions, a certainement empêché l'utilisation et la potentialisation des compétences acquises. Dans le contexte portugais, la récente étude séminale de Có (2012), qui procède à la compilation de données d'un ensemble élargi de sources, a recours à des données désagrégées des recensements de 2001 (ceux de 2011 n'ont pas été mis à disposition) qui indiquent 792 citoyens guinéens, sur un total de 15 284 résidents au Portugal, détenteurs de niveaux de qualification entre le collège et le doctorat. Parmi les individus en question, 103 sont infirmiers, 96 techniciens de recherche en physique et chimie, 61 médecins et similaires et 54 architectes, ingénieurs et similaires (id, ibid : 24). Rappelons, pour que nous puissions avoir un terme de comparaison plus récent qui permette de détecter une éventuelle modification de l'ordre de magnitude de ces valeurs, que le nombre de médecins guinéens enregistrés à l'Ordre des médecins portugais en mai 2012 était de 9538. Dans les sondages auprès des communautés guinéennes au Portugal et en France sur lesquels nous avons basé la grande majorité des analyses de ce chapitre, les individus ayant des qualifications élevées apparaissent avec un poids relativement réduit et, en termes généraux, conformes aux indications provenant d'autres sources que nous avons déjà mentionnées. Dans le sondage sous-jacent à l'étude de Carreiro et Sangreman (2011), 12% des personnes interrogées ont déclaré posséder au moins un cursus universitaire complet — une valeur qui est quelque peu supérieure aux environ 7% indiqués par les données des recensements de 2001 probablement en raison du biais inévitable de l'une ou l'autre variable qui résulte de la constitution de l'échantillon par la méthode snowballing. Dans le présent sondage réalisé auprès de la communauté guinéenne en France le pourcentage a été de près de 7%. En ce qui concerne ce dernier résultat, et bien qu'il s'agisse d'un sous-groupe de l'échantillon très petit en termes absolus, il est intéressant de signaler que seul un des individus en question est né en GuinéeBissau, qu'aucun ne possède la nationalité guinéenne et que la moyenne d'âge du sous-groupe est relativement jeune (41 ans), ce qui renforce l'idée que la composante qualifiée de la diaspora d'origine guinéenne en France correspond essentiellement à des individus qui ont effectué leurs processus de socialisation et d'acquisition de qualifications en dehors de la Guinée-Bissau. L'autre instrument utilisé qui permet d'extraire des informations indicatives sur la composante qualifiée de la diaspora guinéenne — dans ce cas au Portugal — a consisté en un mini-sondage en ligne à remplissage volontaire que nous avons divulgué auprès des associations contactées. Comme mentionné précédemment, le nombre absolu de réponses a été très réduit — et le fait que ce mini-sondage soit destiné exclusivement à des individus ayant des qualifications de niveau universitaire empêche que des conclusions soient tirées sur la dimension relative de ce groupe (par rapport à la communauté d'une manière générale). Il permet cependant d'identifier certaines caractéristiques de ce mini-échantillon de 18 individus ayant des qualifications de niveau supérieur qui, en adhérant spontanément à cette initiative, ont prouvé leur disponibilité à participer à un éventuel programme de transfert de compétences. Ainsi, au sein de ce groupe, le secteur de formation le plus commun est, de loin, l'ingénierie (9/18), suivi de 37 Un ensemble de données qui illustrent bien cela est la base publiée par Clemens et Petterson (2006), même si elle se réfère exclusivement à des médecins et à des infirmiers et est basée sur le critère de la nationalité. Pour l'année en question, le Portugal rassemblait d'après cette source, 160 des 251 médecins recensés pour le total des pays de l'OCDE (75 seraient en France et 15 aux USA), ainsi que 212 des 262 infirmiers (45 en France et 5 au Royaume-Uni). Notons cependant que le nombre de médecins indiqué par cette source n'est pas consistant avec le nombre (61) indiqué par l'INE à partir de l'analyse désagrégée des données des recensements de 2001 (Có, 2012:24). Les nombres en questions doivent donc être considérés indicatifs de l'ordre de magnitude et non pas totalement fiables. 38 Information mise à disposition par un courrier de l'Ordre des médecins portugais.

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l'économie/gestion/comptabilité (5/18) et de la médecine (2/18). 14 de ces 18 personnes ont réalisé leur formation universitaire initiale au Portugal, les autres quatre ayant effectué cette formation dans des pays de l'ancien bloc de l'Est (Russie, Pologne et Biélorussie). Cependant, parmi ces quatre derniers, deux ont fait, par la suite au Portugal, des formations universitaires d'un niveau plus avancé (master ou troisième cycle). Trois des entretiens réalisés au Portugal dans le cadre de cette étude ont permis de recueillir des informations qualitatives particulièrement importantes pour les perceptions et les préoccupations des éléments les plus qualifiés de la diaspora: avec le président de l'Association des étudiants guinéens à Lisbonne, Edilson Santos; avec le président de l'Association culturelle et récréative des natifs et amis d'Oio de la République de Guinée-Bissau, Augusto Mansoa (médecin de profession) et avec deux dirigeants de l'Association universitaire des cadres guinéens, José Baldé et Ansumane Cassamá. La première des associations mentionnées réunit un grand nombre d'étudiants guinéens demeurant dans la zone métropolitaine de Lisbonne, tandis que l'Association universitaire des cadres guinéens est l'une des trois associations dont l'objet porte essentiellement sur les segments les plus qualifiés de la diaspora guinéenne (les deux autres sont l'Association Bolanha et la Guinéaspora qu'il a été impossible d'interviewer et qui, d'après plusieurs sources, sont actuellement beaucoup moins actives). Cette dernière association affirme réunir parmi ces associés, près de 190 individus d'origine guinéenne ayant des qualifications de niveau universitaire. Dans le cadre de ces entretiens, l'un des principaux thèmes abordés a été la question du potentiel de contribution de la diaspora hautement qualifiée résidant au Portugal au développement de la Guinée-Bissau. D'une manière générale, les personnes interrogées considèrent que le cas spécifique des médecins et autres professionnels de la santé est assez distinct, dans la mesure où, en général, celles-ci sont assez bien intégrées dans leur profession. Pour la généralité des autres éléments hautement qualifiés de la diaspora, la situation est très souvent caractérisée par des difficultés diverses d'incorporation sur le marché du travail primaire qui sont dues aussi bien à des difficultés au niveau de la reconnaissance des qualifications (en particulier lorsqu'elles ont été obtenues dans des pays de l'ancien bloc de l'Est) qu'à diverses formes de discrimination. En conséquence de cela, nombreux sont ceux qui ont choisi des stratégies alternatives d'incorporation socio-professionnelle qui, dans un grand nombre de cas, sont passées par le secteur du bâtiment (que ce soit en tant qu'employés ou soustraitants). La question de la mobilisation des compétences des individus en question dans le contexte du processus de développement de la Guinée-Bissau se pose de manière distincte pour chacun de ces sous-groupes: dans le cas du personnel du secteur de la santé, la difficulté principale passe par assurer, dans le contexte guinéen, des conditions propices au retour (temporaire ou permanent), d'une manière qui ne remette pas en question les conditions entretemps atteinte dans le contexte portugais — ce qui soulève des questions au niveau des rémunérations, des conditions techniques pour l'exercice de la profession et de l'encadrement du processus de retour afin de mitiger les problèmes de rapports entre les cadres qui sont revenus et ceux qui sont restés en Guinée-Bissau. Ce dernier problème — les difficultés d'intégration dans la fonction publique guinéenne — est également assidument mentionné par les personnes interrogées lorsqu'elles se réfèrent au potentiel de retour temporaire ou permanent des autres cadres qualifiés, y compris ceux qui ont subi des problèmes de non-utilisation de compétences dus à la difficulté d'incorporation sur le marché du travail portugais. En particulier, le manque d'une culture méritocratique, l'absence d'appels d'offres publics pour occuper la plupart des postes et le ressentiment généralisé face aux cadres qualifiés qui reviennent de l'extérieur et cherchent à occuper des fonctions élevées sont, tous, des obstacles auxquels de nombreux cadres guinéens ont déjà été confrontés en essayant de revenir par le passé. Face à tout cela, les personnes interrogées sont unanimes lorsqu'elles considèrent que l'aspect clé pour qu'une éventuelle initiative de mobilisation de la diaspora qualifiée et du transfert de compétences puisse être couronnée de succès réside dans la question de son encadrement — dans le sens de la préparation soignée des conditions d'incorporation dans la 44

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fonction publique (ou sur le marché du travail) de Guinée-Bissau. Elles signalent cependant qu'il y a probablement des problèmes plus pressants à résoudre, notamment dans le sens de promouvoir les conditions d'incorporation socioprofessionnelles des cadres qualifiés dans le propre contexte portugais afin d'éviter la non utilisation de compétences et de doter les cadres en question de conditions plus stables et favorables39, qui leur permettent de contribuer plus efficacement et de diverses manières au développement de leur pays d'origine.

3.5. Synthèse de conclusion Au cours de ce chapitre, nous avons cherché à croiser des données primaires et secondaires provenant d'un ensemble élargi de sources afin de permettre une caractéristique digne de foi et actualisée des dynamiques de la diaspora guinéenne au Portugal et en France et de leur contribution actuelle et potentielle au développement de leur pays d'origine. L'évaluation de cette contribution a principalement eu lieu en ce qui concerne la mobilisation de trois types principaux de ressources: économiques, sociales (associatives) et humaines (qualifications et compétences). La première conclusion est que la diaspora guinéenne dans ces deux pays, malgré des difficultés très significatives qu'elles traversent dans de nombreux cas (d'une manière particulièrement aigüe au Portugal, mais également en France40), contribue déjà d'une manière remarquable au développement et au bien-être de ses communautés d'origine et de la GuinéeBissau en général: l'envoi régulier d'un volume substantiel de fonds; les multiples initiatives menées à bien par les associations tant dans le pays d'origine (où elles remplacent très souvent l'action de l'État) que dans les pays d'accueil (sur le plan de l'assistance sociale mutuelle au sein de la propre communauté ou en tant qu'ambassadeurs culturels); ou le retour déjà concrétisé dans le pays d'origine d'une proportion raisonnable des cadres hautement qualifiés formés à l'étranger (en particulier au Portugal). Ce ne sont que trois des modalités les plus visibles de contribution d'une diaspora qui, indépendamment du sentiment généralisé que son action n'est pas facilitée par l'État guinéen, maintient un lien identitaire et affectif remarquable par rapport à son pays d'origine. Nous voyons également que les différentes histoires des processus migratoires à destination de la France et du Portugal placent actuellement les communautés guinéennes de ces deux pays face à des questions et à des défis quelque peu distincts. La communauté en France, plus avancée dans son processus d'assimilation et moins précaire du point de vue socio-économique est surtout confrontée à des défis associés à une transition générationnelle où le maintien de ces types de liens et pratiques envers le pays d'origine n'est pas garanti. Quant à la communauté au Portugal, elle est essentiellement confrontée à un ensemble de graves difficultés sur les plans socio-économiques et de l'insertion sur le marché du travail (aussi bien pour les plus qualifiés que, d'une manière généralisée, pour la grande majorité qui occupe le segment secondaire du marché du travail portugais) — des difficultés qui se sont aggravées en raison de l'actuelle situation économique portugaise et qui non seulement empêche une contribution plus effective au bien-être de leur pays d'origine, mais sont également à l'origine d'une vague remigratoire très nombreuse qui peut finir par altérer le modèle de dispersion géographique de la diaspora guinéenne d'une manière permanente. En résumant certaines des principales conclusions par rapport à chacune des dimensions susmentionnées (économique, associative et relatives aux qualifications et aux compétences), nous avons tout d'abord constaté que la communauté guinéenne en France en raison du caractère antérieur et plus stabilisé de son processus d'incorporation socio-économique ainsi que du 39

Il en est de même dans le cas des étudiants déplacés, dont beaucoup se trouvent dans des situations très difficiles et précaires suite à leur besoin de garantir plusieurs nécessités à la fois: l'étude ; un travail qui permette de recevoir un revenu susceptible de payer les frais universitaires et de supporter les frais quotidiens et le maintien d'un statut légal régulier (pour lequel il faut avoir ses frais universitaires régularisés, ce qui exige normalement que l'étudiant travaille). 40 Où la question de la délinquance et le manque d'opportunités pour les jeunes continue par exemple à être un problème important, malgré le degré plus avancé d'assimilation formelle de la communauté. Évaluation du potentiel de développement de la diaspora de Guinée-Bissau au Portugal et en France

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niveau de vie supérieur dans le contexte d'accueil, semble être associée — en termes moyens, voire agrégés — à une capacité relativement plus importante de mobilisation d'épargne et d'envoi de fonds. Il importe toutefois de signaler trois exceptions à ce propos: sa concentration régionale élevée sur le «sol manjaque»; sa forte association aux éléments plus âgés de la communauté, suggérant un risque considérable de diminution à l'avenir et la tendance pour que les fonds qui sont envoyés à titre d'investissement, typiquement dans le secteur immobilier, soient faits au Sénégal et non pas en Guinée-Bissau41. Pour ce qui a trait à la communauté guinéenne au Portugal, les risques principaux sont ceux qui découlent des difficultés économiques et de travail d'une grande partie de la communauté et de la recomposition géographique suite à la remigration actuellement en cours. En ce qui concerne les ressources liées à la diaspora qui trouvent leur expression la plus achevée dans le tissu associatif des deux communautés, nous avons conclu que la diaspora guinéenne est caractérisée par l'existence de dynamiques associatives d'une énorme richesse et densité — et que le travail mené par ces associations joue un rôle essentiel, au moins à trois niveaux: dans le maintien et la rénovation des liens identitaires qui unissent les communautés migrantes entre elles et avec le pays d'origine; lors de la prestation d'assistance mutuelle dans un ensemble de domaines fondamentaux et dans le financement et la mise en place d'initiatives de promotion et de bien-être des communautés d'origine et, d'une manière plus générale, de la Guinée-Bissau. À ce propos, les principales différences entre les communautés dans les deux pays concernent surtout les priorités d'intervention dans les pays d'accueil, car les interventions dans les pays d'origine ont non seulement en général un caractère analogue (bien que dans le cas français, plus concentrées dans la région nord de la Guinée-Bissau), mais sont aussi très souvent mises en place de manière conjointe ou en partenariat par des associations homologues au Portugal et en France. Pour finir, pour ce qui a trait aux ressources humaines (qualifications et compétences) des communautés guinéennes à l'extérieur, nous avons constaté que la diaspora la plus qualifiée, en vertu de la spatialité des processus historiques qui lui ont donné naissance, est surreprésentée au sein de la communauté guinéenne au Portugal. Le retour en Guinée-Bissau de cadres et d'individus ayant une formation supérieure est, depuis longtemps, une réalité bien qu'elle soit contrebalancée, à diverses occasions, par des flux de sortie. Dans ce contexte, le problème de la 'fuite des cerveaux' concerne surtout les médecins, les infirmiers et les autres membres du personnel du secteur — un domaine dans lequel les ressources humaines guinéennes à l'extérieur dépassent probablement celles dont le pays dispose actuellement. Dans la plupart des autres domaines de spécialisation, les principaux problèmes sont liés à l'utilisation des compétences déjà existant dans la diaspora: tant dans les contextes d'accueil où se propagent les situations de non utilisation de compétences que lors des trajectoires de retour non encadré, fréquemment confrontées à des difficultés d'ordre divers au niveau de l'insertion sur le marché du travail ou dans la fonction publique. Les migrants, dirigeants associatifs et autres informateurs privilégiés sur ces deux communautés présentent un degré de convergence très élevé lorsqu'ils sont interrogés sur ce que devraient être les priorités en matière d'action politique pour la diaspora. En premier lieu, il faut reconstruire la confiance entre l'État et la diaspora — une confiance qui a été minée par des décennies de méfiances mutuelles — avec des pas simples, mais solides, qui révèlent une volonté consistante de considérer la diaspora comme un partenaire. En second lieu, il faut renforcer le flux d'informations — en mettant à disposition de la diaspora des informations par l'intermédiaire de différents canaux sur les procédures à adopter pour différents effets en Guinée-Bissau et en créant des mécanismes de consultation régulière et englobante de la communication (par le biais de représentations consulaires dotées de moyens renforcés et en utilisant les associations comme partenaires et interlocutrices privilégiées). En troisième lieu, il est fondamental de garantir la prévisibilité et la transparence des procédures administratives en ce qui concerne les différentes activités et initiatives développées par la diaspora en Guinée41 Cela est essentiellement dû, d'après les personnes interrogées à une plus grande transparence et prévisibilité des procédures et des garanties légales dans ce pays.

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Bissau, de réduire les abus et de garantir l'effectivité des droits de propriété afin d'encourager l'investissement. En quatrième lieu, la simplification administrative du processus du passage de la douane avec des conteneurs et des biens provenant de l'extérieur serait une mesure importante et bien reçue par la diaspora — permettant de réduire les abus et les temps d'attente et, idéalement, exonérant la diaspora du paiement des taxes douanières dès que les biens ne sont pas destinés à des fins commerciales. En cinquième lieu, la concrétisation effective du droit de vote des communautés à l'extérieur constituerait non seulement un pas symbolique très important, mais renforcerait aussi les liens entre la diaspora et le pays d'origine et favoriserait certainement les dynamiques de différents types que nous avons mentionnés. Outre ces domaines, la diaspora avance avec des suggestions dans de nombreux autres domaines — comme le développement d'efforts politiques en vue de la réduction des prix des voyages d'avion et des appels téléphoniques vers la Guinée-Bissau (mais aussi afin de créer des vols directs de et vers la France); l'annonce publique aussi bien en Guinée-Bissau qu'auprès de la diaspora des concours pour la fonction publique guinéenne — et la sélection méritocratique des candidats ou l'encadrement adéquat des processus de retour de cadres qualifiés pour garantir un ensemble de conditions minimales et de préparation des équipes et des services qui accueilleront le migrant de retour. Les cinq grandes lignes d'action indiquées ci-dessus demeurent cependant, du point de vue de la diaspora au Portugal et en France le centre de la question et les domaines d'action prioritaires. Une nouvelle politique pour la diaspora qui atteint des avancées significatives dans chacun de ces cinq domaines apportera, dès lors, une réponse à ses principales craintes dans sa relation avec l'État et la société guinéens.

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4. Migrations internationales et développement humain en Guinée-Bissau: une analyse comparative de 45 villages « tabancas » L'investigation développée en Guinée-Bissau a eu pour objectif d'identifier les effets de la migration dans le développement des tabancas d'origine des migrants et sa contribution en ce qui concerne le développement régional et global de la Guinée-Bissau. 45 tabancas ont fait l'objet d'études, toutes distribuées parmi toutes les régions continentales de la Guinée-Bissau — Bafatá, Biombo, Cacheu, Gabu, Oio, Quinara et Tombali — en même temps qu'a été faite l'analyse de données secondaires se trouvant dans des documents de référence, notamment le Document de Stratégie Nationale de Réduction de Pauvreté (MEPIR, 2011), l'Enquête Nationale à la Population (INEC, 2009), et l'Enquête non détaillée d'Évaluation de la Pauvreté (ILAP, 2010), entre autres. Les données obtenues montrent que la dimension du phénomène migratoire, ainsi que le degré d'implication et les stratégies d'intervention des migrants en faveur du développement de leur pays, changent significativement d'une région à l'autre. Le degré d'ancienneté du processus migratoire et les pays prédominants de destination sont des éléments explicatifs importants en ce qui concerne l'hétérogénéité constatée, ainsi que l'appartenance ethnique et le degré d'organisation des propres migrants. Il a été également constaté qu'il existe d'autres acteurs de développement, en particulier l'État et les ONG, dont l'intervention affecte de manière significative les dynamiques de développement local et que, dans ce scénario complexe, l'importance de la migration pour le bien-être des populations est relative, variant en fonction des priorités définies et de la mesure dans laquelle ils complètent, ou pas, d'autres interventions existantes. Malgré l'hétérogénéité de la réalité analysée, les données obtenues permettent de conclure que la migration guinéenne affecte de façon substantielle le bien-être des populations qui en bénéficient, qu'elle contribue au développement global du pays et qu’elle est fondamentale pour des aspects clés comme la santé, l'éducation et la sécurité alimentaire.

4.1 La dynamique migratoire dans les régions continentales et ses effets dans le développement des tabancas d'origine L'information obtenue à partir des 45 groupes focaux réalisés s'est focalisée sur (i) les caractéristiques du tabanca (la localisation, le nombre d'habitants, les principales activités économiques, les projets de développement en cours, les infrastructures sanitaires, l'éducation, l'eau et l'énergie existantes et leur degré de fonctionnement); (ii) les modèles, les destinations et le degré d'organisation des diasporas respective; (iii) les actions réalisées par les migrants (tant à titre individuel que collectif) dans le tabanca d'origine, tant dans le volet social que dans les activités génératrices de revenus; (iv) les perceptions des populations locales en ce qui concerne l'importance relative de la contribution des migrants au développement local et national, en comparaison avec le rôle d'autres acteurs, notamment l'État et les ONG.

La région de Bafatá Les tabancas analysés dans la région de Bafatá présentent un taux moyen d'émigration de 16 %. Le début du processus migratoire a commencé lors de la période postindépendance, même si dans 3 des tabancas enquêtées on fait référence à la décennie des années 1960. C'est une réalité hétérogène: quelques-uns des groupes focaux ont affirmé que la migration a commencé à baisser ces dernières années, tandis que d'autres ont souligné son augmentation progressive, en dépit de la croissante difficulté du processus. Le Portugal est la destination 48

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européenne à laquelle on fait le plus référence, suivi par la France. D'autres pays comme l'Espagne, le Royaume-Uni, la Hollande, l'Allemagne et l'Italie se détachent également, comme de façon plus aléatoire, l'Australie, le Brésil, le Canada et les États-Unis. Cependant, les pays voisins continuent d’être les destinations les plus anciennes et les plus importantes, notamment le Sénégal et la Gambie, suivis du Cap-Vert. L'Angola a été citée comme une destination récente, qui a attiré un nombre croissant de migrants ces dernières années. Les tabancas de Kamsamba, Djabicunda, Amedalai et Bangacia possèdent des associations de migrants qui se trouvent au Portugal, en France, en Espagne, au Sénégal et au Cap Vert. L'école primaire de Kamsamba a été réhabilitée par l'association de migrants et les salaires des professeurs locaux sont également versés par l'association. Il en est de même à Bangacia où les salaires des professeurs ont été versés par les migrants durant sept ans. La ville de Bambadinca a reçu une donation de matériel scolaire. Un forage d'eau potable, construit par une ONG, a obtenu une contrepartie locale grâce à la contribution des migrants. Pour 4 tabancas sur 7 analysées, les groupes focaux réalisés ont confirmé l'envoi de médicaments, de draps et de couches pour les dispensaires de santé locaux. Une ambulance a été donnée par les migrants au dispensaire de santé de Bambadinca, qui dessert également les tabancas environnants. Dans toutes les tabancas, les personnes interrogées ont souligné l'importance de l'aide fournie par les migrants pour garantir que les familles aient un meilleur accès à la santé, à l'éducation, à l'alimentation et à la capacité pour gérer de graves maladies ou des situations de détresse. On a constaté un nombre élevé d'habitations construites ou rénovées, par les migrants dans les tabancas analysées dans cette région. Djabicunda présente un aspect unique dans l'univers considéré, étant la seule tabanca sur un total de 45 où il a été constaté que plus de 90 % des habitations existantes sont de construction définitive, avec un toit en zinc et des murs en briques qui délimitent chacune des résidences. Les associations de migrants de cette tabanca envisagent maintenant de rénover l'école locale et de construire un dispensaire de santé. En général, les activités agricoles sont soutenues par les migrants et, sur 3 des tabancas étudiées, l'achat des terrains et l'acquisition du bétail et des instruments servant à labourer ont été considérés comme des pratiques ordinaires. Dans les 7 tabancas analysées dans cette région, l'aide aux cérémonies religieuses a fréquemment été évoquée, et compte également, dans la mesure du possible, avec la présence des migrants eux-mêmes. Il est fréquent d'envoyer des parents de migrants à la Mecque et à Djabicunda, une partie de la mosquée locale a été construite avec l'aide de l'association des migrants locaux. D’une manière générale, les tabancas analysées dans la région de Bafatá présentent d'importants signes de l'impact de la migration et les liens symboliques maintenus par les migrants sont importants et sont exprimés au travers du soutien et d'une participation fréquente aux cérémonies religieuses et traditionnelles. L'aspect des tabancas est marqué par l'influence des migrants et tous les groupes focaux ont souligné l'importance du soutien reçu en ce qui concerne le bien-être des populations locales. Dans 6 des 7 tabancas étudiées, les groupes focaux ont considéré que ce sont les migrants qui ont le plus contribué au développement local, suivi des ONG, alors que la contribution de l'État apparaît, à l'unanimité, comme celui qui est le moins important des trois.

Région de Biombo Le taux moyen d'émigration dans cette région avoisine les 5% et l'Europe n'est pas la destination principale. Même si l'émigration, dont la destination est le Portugal, la France et l'Espagne est mentionnée, la plupart des émigrants dans les tabancas analysées se trouvent en fait dans les pays voisins, notamment au Sénégal et au Cap-Vert, avec une minorité également en Guinée-Conakry et en Mauritanie. L'Angola est mentionnée comme destination récente et néanmoins significative. L'émigration est vue comme un phénomène récent dans la région: Évaluation du potentiel de développement de la diaspora de Guinée-Bissau au Portugal et en France

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même si le début du mouvement migratoire est parfois mentionné comme étant situé dans les années 1970, le conflit de 1998 est en fait indiqué comme étant le tournant dans la quantité des contingents et dans la diversité des destinations. Les populations ont la perception que l'émigration a commencé à augmenter très récemment. Malgré les difficultés accrues, l’absence de perspectives, la réduction de la production locale du riz et l'amélioration potentielle de la qualité de vie dans d'autres pays constituent les principales causes en ce qui concerne cette augmentation. Aucune des tabancas analysées ne possède une association de migrants dans la diaspora. La nature fondamentalement individualiste du groupe ethnique majoritaire dans cette région — les rôles — a été indiquée comme la raison principale pour le manque d'organisation et de contribution systématique de sa diaspora. Les aides qui sont effectivement envoyées par les émigrants ont lieu à un niveau strictement familial et sont considérées comme irrégulières et peu significatives en ce qui concerne le bien-être de la communauté comme un tout. La nature récente de cette émigration, les difficultés des émigrants eux-mêmes, et le fait que la majorité réside dans d'autres pays africains constituent les raisons évoquées comme étant celles qui ont provoqué la moindre participation des migrants dans les procédures de développement local. Les principales sources de revenus des populations locales sont la cueillette de noix de cajou, la pêche et le tissage traditionnel. Aucun projet de développement n'a été identifié — en éducation, santé, eau, assainissement ou infrastructures de base — ni aucune activité générant des revenus promue par les émigrants. Seul Bissauzinho s’est vu attribué, par un migrant et à titre individuel, un équipement pour son club de football local. En cas d'urgence familiale, il se peut que l'émigrant aide sa famille, mais cela est considéré comme une pratique peu fréquente dans les 6 tabancas analysées. Dans ce scénario, les populations enquêtées considèrent que se sont les ONG, suivies immédiatement par l'État de la Guinée, qui contribuent le plus pour leur bien-être. L'aide des migrants est considérée comme peu importante et ces derniers ne sont pas considérés comme un acteur important pour le développement local. Il est intéressant de constater que, dans 2 des tabancas analysées (Sidja et Bissa), les populations interrogées ont considéré que ceux qui aident le plus la tabanca respective est l'association locale elle-même. D’une manière générale, la dynamique migratoire de la région de Biombo est de petite dimension, caractérisée par la basse intensité de pratiques transnationales et orientée en majorité vers d'autres pays africains. Les impacts de la migration dans cette région sont pratiquement inexistants — le peu d'investissement réalisé est sporadique et est concentré au niveau de la famille, sans aucun bénéfice au niveau collectif, soit à travers de projets locaux ou à travers d'activités productives. Le paysage de la tabanca est marqué par la construction traditionnelle et les quelques maisons au toit en zinc identifiées appartiennent aux habitants locaux liés à la production de noix de cajou.

Région de Cacheu Les tabancas interrogées dans la région de Cacheu présentent les contingents de migrants les plus importants de toutes les régions analysées. Dans toutes les tabancas analysées et dans l'île de Jeta, le nombre de migrants et environ 50 % du total de la population. Certains groupes focaux ont mentionné que le nombre de migrants était supérieur à celui des non-migrants. C'est aussi la région qui montre la dynamique migratoire la plus ancienne. Dans 4 des 7 tabancas étudiées, les personnes interrogées ont situé le processus migratoire à la fin du XIXe siècle, avec comme destination, la France, bien qu’il soit parfois mentionné des dates encore plus anciennes, qui soulignent la nature saisonnière de la migration vers le Sénégal, dans le contexte de la récolte de la cacahuète. Jusqu'à nos jours, la principale destination des migrants des tabancas analysés dans cette région est la France, suivie du Portugal, même si le Sénégal continue d’être également une destination de référence. Cependant, nous assistons à une croissante diversification des flux 50

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migratoires, avec des pays comme l'Espagne et le Royaume-Uni qui émergent comme des pays importants, tout comme le Luxembourg, la Suisse et l'Italie. Même si cela est de plus en plus difficile, la migration a commencé à augmenter dans la plupart des tabancas analysées. L'appauvrissement progressif de la Guinée-Bissau, la constante instabilité politique et les forts réseaux établis par les migrants les plus anciens — qui encouragent fréquemment et aident à la migration de leurs parents et amis les plus jeunes — constituent les principales raisons du maintien de la dynamique migratoire. Le lien de ces migrants avec leur communauté d'origine est significatif, en effet toutes les tabancas étudiées avaient des associations de migrants en France, au Portugal, en Espagne, au Royaume-Uni et au Sénégal, parmi d'autres pays de destination. Dans 4 des 6 tabancas, l'école primaire locale a été construite ou réhabilitée par les associations de migrants. À Jeta, le projet de réhabilitation de l'école, développé initialement par les migrants, a été conclu par la coopération américaine, qui a également équipé l'école. En conséquence, l'école bénéficie maintenant d'aides d'autres partenaires internationaux. Toutes les tabancas ont évoqué l’aide reçue dans ce secteur à travers la mise à disposition d’équipement et de matériel scolaire. À Tame et à Calequisse, les associations de migrants assurent le paiement d'une allocation aux professeurs, garantissant ainsi la non-interruption des cours lors des fréquentes périodes de grève de la fonction publique. À Binhante, des panneaux solaires ont été envoyés à l'école locale par les migrants résidants en France. De plus, les personnes interrogées ont été unanimes lorsqu’elles ont souligné l'importance des envois de fonds destinés à assurer les conditions nécessaires pour que les enfants puissent fréquenter l'école régulièrement. La santé a aussi été un des secteurs fortement soutenus par les associations de migrants. Dans la tabanca de Calequisse, le dispensaire de santé local a été construit par l'association de migrants résidants en France, et a été postérieurement équipé par une ONG française. Également sur l'île de Jeta, le dispensaire de santé local a été construit par les migrants en France et au Portugal, l'association au Portugal ayant obtenu une aide de la Fondation Calouste Gulbenkian afin d'équiper le centre avec des panneaux solaires et de l'approvisionner en médicaments de façon régulière. À Pelundo, le projet de la construction d'un dispensaire de santé a été conçu, avec l'aide des migrants de France et du Portugal. Tous les enquêtés ont parlé de l'envoi de médicaments, ainsi que de l'aide mise à disposition en cas de maladie, y compris les cas d'évacuation médicale vers le Portugal ou le Sénégal. Également au niveau des infrastructures routières, l'investissement réalisé par les migrants a été significatif. La route reliant Tame à Canhobe et celle qui relie Pelundo à la route principale de Canchungo ont été réhabilitées avec l'aide des associations de migrants. Les véhicules destinés au transport public envoyés par les migrants pour leurs familles sont également souvent mentionnés. Sur l'île de Jeta, les migrants ont envoyé des vedettes à moteur pour remplacer les canoës à rames qui assuraient les liaisons avec le continent, en particulier à l'hôpital de Caió. Des forages d'eau et des fontaines construites grâce à l'aide financière des migrants ont également été mentionnés. Dans les 7 tabancas analysées, des activités génératrices de revenus promues par les migrants, par leurs familles ou par d'anciens migrants ont également été identifiées. Des machines à décortiquer le riz, des générateurs, dont l'énergie est vendue aux voisins, des épiceries, des discothèques, des petites pensions et des maisons de passage, ayant été également souligné de façon fréquente, des investissements pour l'acquisition de terrain, de bétail ou d’équipements pour le labourage des terres. Le nombre d'habitations de construction définitive est important et la plupart ont des toits en zinc. De petits bâtiments de trois étages maximum ont également été identifiés dans certaines tabancas, ayant tous une couverture téléphonique intégrale des trois opérateurs existants. Dans l'une d'elles, Calequisse, une filiale de la Western Union est en train d'être créée. Seule l'île de Jeta présente un paysage où le traditionnel prédomine, avec peu de maisons aux toits de zinc. Globalement, la relation des associations et des migrants avec leur famille et la communauté est dans l'ensemble forte et régulière. Les principales activités et les cérémonies traditionnelles sont réalisées avec l'aide des migrants et certaines d'entre elles comptent même Évaluation du potentiel de développement de la diaspora de Guinée-Bissau au Portugal et en France

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sur leur présence. Ils ont également identifié des cas de migrants qui, étant déjà à la retraite, sont revenus pour assumer des positions de dirigeants dans la communauté (comme le roitelet de Calequisse, par exemple, émigré en France pendant 20 ans), ou également ceux qui visitent la tabanca avec régularité et qui y résident une partie de l'année. Dans cette région, les interrogés ont considéré que ce sont les migrants qui ont le plus contribués au développement local, avec les ONG et l'État se disputant ex aequo la deuxième place.

Région de Gabu Le taux d'émigration dans les tabancas analysées dans la région de Gabu avoisine les 8% et les données obtenues montrent une réalité hétérogène. Alors que dans certaines tabancas, la migration a débuté juste après l'indépendance, dans d'autres, il est mentionné que cela n'a débuté que dans les années 1990. La destination européenne la plus évoquée est le Portugal, suivi de la France, de l'Espagne, du Royaume-Uni et de l'Allemagne, même si dans l'une des tabancas — Dembube — aucune migration vers l'Europe n’est mentionnée. Les pays voisins sont évoqués comme les destinations les plus anciennes et les plus importantes, en particulier le Sénégal, et à une plus petite échelle le Cap-Vert, la Gambie et la Mauritanie. L'Angola est la destination récente, est considérée importante dans 5 des 7 tabancas analysées. Alors que la migration vers l'Europe, la plus récente, est en relation directe avec l'augmentation provoquée par la pauvreté de la Guinée-Bissau, la migration vers les pays voisins fait partie d'une ancienne tradition de mobilité transfrontalière, maintenue par des liens familiaux et par le fréquent engagement des populations locales sur les routes commerciales de la sous-région. Aucune des tabancas analysées n'a évoqué l'existence d'associations de migrants. De cet ensemble, seule la ville de Sonaco a souligné le don d'une ambulance à l'hôpital local et aucune des restantes n'a présenté de projets de développement promus par les migrants et visant la communauté en tant que telle. Dans cette région, la contribution des migrants est surtout remarquée au niveau symbolique. Il a été souligné le soutien apporté aux cérémonies religieuses, en particulier, le Ramadan et le Gamo, ainsi que le financement des déplacements des familles à la Mecque. À Cumpanghor, la mosquée locale a été construite grâce à l'aide des migrants résidants en Angola. Cependant, l'aide fournie par les migrants au niveau familial est considérée comme extrêmement importante par l'ensemble des tabancas de cette région, en particulier dans des situations de maladie, ou d’insécurité alimentaire. Dans 2 des tabancas étudiées — Oco Maunde et Dara —, il a été rapporté l'aide des migrants pour l'acquisition d'outils agricoles, de graines et de bétail. À Nemataba, on a également rajouté l'acquisition de terrain pour la pratique du labourage. D'autres activités génératrices de revenus, telles que des petites épiceries et des commerces ambulants (de vêtement, entre autres) ont été soulignées comme ayant été soutenues par des migrants, même si cela ne se concrétise pas au niveau de la tabanca mais au niveau de la capitale de la région, Gabu. C'est également dans cette ville que se trouvent la plupart des investissements des migrants en ce qui concerne l'acquisition ou la construction d'habitation, ce qui arrive peu de fois et qui n'est pas significatif au niveau des tabancas. Effectivement, c'est dans la ville de Gabu que se concentrent les principaux investissements promus par les migrants. Contrairement à la majorité des villes guinéennes, Gabu possède un système d'électricité fonctionnel, garanti par une entreprise locale, propriété d'un ancien émigrant qui a résidé en Hollande pendant 20 ans. La plus grande entreprise de construction civile de la ville, qui emploie plus de 50 personnes, a été créée par un migrant qui réside toujours au Portugal, alors que la seule usine de glace de toute la région appartient à un ancien migrant qui a vécu au Portugal pendant environ 30 ans. La ville allie le trait colonial classique avec des bâtiments de style européen contemporain, certains ayant trois étages. Globalement, les effets de la migration dans la région de Gabu sont très diffus. Au niveau des tabancas analysées, ils s'expriment surtout au niveau familial et par les aides fournies à l'infrastructure et à des pratiques religieuses. Ici, les maisons présentent une construction de type traditionnel (adobe et paille, ponctuellement avec une construction définitive et toit en zinc) et c'est surtout dans la capitale de la région que l'on constate les effets significatifs résultants de la 52

Évaluation du potentiel de développement de la diaspora de Guinée-Bissau au Portugal et en France

dynamique migratoire, exprimés, tant au niveau des entreprises et des petites entreprises existantes qu’au niveau du type de construction visible dans la ville. La perception des populations interrogées concernant la contribution des différents acteurs de développement locaux est aussi hétérogène: alors que certaines valorisent le rôle de l'État (4 des interrogés), 2 donnent la primauté aux ONG et une seule considère les migrants comme les acteurs qui se détachent le plus.

Région d’Oio Dans la région d’Oio, le taux d'émigration moyen dans les 6 tabancas analysées tourne autour des 7%. Les interrogés situent le début de la dynamique migratoire vers l'Europe dans les années 1960, avec une augmentation significative lors de la période postindépendance et au long des années 1980. La tendance à l’augmentation de la pression migratoire ces dernières années se confirme, en conséquence de l'aggravation du sous-développement de la Guinée-Bissau et de l'augmentation de l'espérance de vie, surtout chez les jeunes. Le Portugal est le pays de destination le plus important en Europe, suivi de l'Espagne et de la France. D'autres destinations européennes, telles que le Royaume-Uni, l'Italie, la Belgique et l'Allemagne ont également été citées. Cependant, et à l’instar des autres régions, ce sont les pays africains, notamment le Sénégal et la Gambie, qui se détachent en tant que destinations les plus importantes pour les migrants, ainsi que le Cap-Vert, la Mauritanie et la Côte d'Ivoire, mais à un moindre degré. Quatre des six groupes focaux réalisés ont confirmé l'existence d'associations de migrants au Portugal, en Espagne, en France, au Sénégal et en Gambie. En dépit de posséder une diaspora apparemment bien organisée, dans cette région, on ne trouve pas de projets de développement promus par les migrants au niveau de la communauté. Dans les six villes analysées seule — Farim — a signalé la donation de matériel hospitalier. Cependant, les interrogés sont unanimes lorsqu’ils soulignent l'importance des envois de fonds d'argent pour améliorer les conditions de vie des populations locales. L'aide apportée au niveau familial est la garantie d'un accès accru à l'éducation, à la santé, à l'alimentation et à une plus grande capacité à surmonter les moments de crise et de grande détresse. Outre les envois de fonds, il a également été mentionné l'envoi de matériel scolaire. Dans 2 des 6 tabancas étudiées, on a cité l'envoi par les migrants de véhicules utilisés ici comme transports publics. Par rapport aux activités génératrices de revenus, il a été mentionné l'acquisition de terrains et d'outils agricoles, afin d'augmenter et de diversifier la production agricole locale. À Farim, il a été évoqué le financement pour l'acquisition de canoës et de moteurs qui traversent le fleuve qui relie la ville à la route, ainsi que l'envoi de vêtements du Portugal destinés à la vente locale. Bien que des maisons de construction définitive aient été mentionnées et observées, la plupart des tabancas possèdent encore une majorité de maisons de construction traditionnelle. L'aide fournie par les migrants aux cérémonies traditionnelles et religieuses a été mentionnée dans tous les groupes focaux, ainsi que leur participation directe, ce qui est fréquent pour ceux qui résident dans les pays voisins. Globalement, la région d’Oio présente une expression migratoire peu dynamique. Ses effets sont peu visibles, tant au niveau des infrastructures existantes, qu’au niveau de projets de développement visant à bénéficier toute la communauté. La perception des enquêtés au sujet du rôle des différents acteurs de développement local confirme le peu d'importance des migrants, qui arrivent en dernière place, alors que l'État et les ONG se détachent, au même niveau, comme étant ceux qui contribuent pour le bien-être des populations locales.

Région de Quinara Cette région présente un taux d'émigration pratiquement marginal, qui ne dépasse pas les 4 % dans les 6 tabancas analysées. Une des tabancas — Buba Tumbum — a rapporté l’absence de migrants. Dans les restantes, le phénomène migratoire a débuté avant l'indépendance, ayant comme destination principale le Sénégal, préférence qui se maintient encore de nos jours. Le CapÉvaluation du potentiel de développement de la diaspora de Guinée-Bissau au Portugal et en France

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Vert ressort aussi comme une destination importante et dans l'une des tabancas, N'Tunghane, il a même été souligné comme étant le pays le plus important. Seules deux des tabancas — SambaSabali et Uane — ont mentionné l’existence d’un contingent important de migrants en Europe, surtout au Portugal. D’autres moindres ont également été mentionnés en Espagne, Hollande, Italie et en Allemagne. La pression migratoire semble être hétérogène, la moitié des tabancas interrogées mentionne une diminution et tandis que l’autre moitié souligne une augmentation. Le manque de perspectives pour l’avenir, qui encourage au départ concoure avec la peur du parcours, étant vu comme dangereux à cause de sa nature de plus en plus irrégulière. Aucune association de migrants dans les 6 tabancas analysée n'a été identifiée et il n'a été rapporté aucune initiative visant le développement de la communauté. À ce niveau, seules deux des tabancas interrogées, N'Tunghane et Batambali, ont parlé de la contribution des migrants pour équiper la mosquée locale, ainsi que de leur aide pour réaliser des festivités religieuses. La contribution des quelques migrants existants se manifeste au niveau familial, mais elle est tout de même présentée comme irrégulière, étant surtout associée à des urgences familiales. Cependant, cette aide est considérée comme très importante si l’on tient compte des limitations des services de base nationaux. Dans 2 des 5 tabancas ayant des migrants, il a été souligné leur aide aux petites activités génératrices de revenus, notamment, l'acquisition de terres pour l'agriculture et la plantation de noix de cajou, de machines à décortiquer le riz et des voitures de transport public. Dans 3 d'entre-elles, les interrogés ont dit que les migrants ont réhabilité ou construit des maisons, pour eux ou pour leur famille, mais en si petit nombre que cela n'affecte pas l'aspect général du paysage. Et ainsi, globalement, les tabancas analysées sont caractérisées par des maisons de construction traditionnelle, avec peu de toits en zinc. D'une façon générale, cette région se caractérise par une faible expression migratoire et par le peu d'importance de ses effets en ce qui concerne le développement de la tabanca et des infrastructures existantes. Selon les enquêtés, la migration ne fait pas partie des stratégies de vies typiques pour les groupes ethniques résidents — pour la plupart des Beafadas et, à une moindre échelle, les Balantas — et les déficits de développement observés sont le résultat de la Guerre coloniale, qui a sévèrement pénalisé la zone sud du pays. Ce sont les ONG — suivis de loin par l'État de la Guinée — qui contribuent le plus, selon l'opinion des interrogés, au bien-être des populations: 5 des 6 écoles des tabancas analysées ont été construites ou réhabilitées par des ONG internationales ou locales et tous les points d'eau existants ont été construits par des ONG. Les migrants ne sont pas considérés comme des acteurs du développement dans 3 des 6 tabancas analysées et dans les restantes ils ont peu d'importance, lorsqu’ils sont comparés avec l'État et surtout avec les ONG.

Région de Tombali Les 6 tabancas analysées dans la région de Tombali présentent un taux d'émigration moyen de 5%. Le Portugal est clairement la destination européenne la plus importante, mais il existe aussi des références à la France, à l'Espagne, au Royaume-Uni et à l'Italie, entre autres. De nouveau, ce sont les pays voisins qui regroupent le plus grand nombre d'émigrants, avec d'importantes références au Sénégal, mais aussi au Cap-Vert, à la Guinée-Conakry, à la Gambie et à la Mauritanie. L'Angola est une destination récente, mais l'une des plus recherchées. Dans la plupart des cas, la migration a débuté après l'indépendance, et dans 4 des 6 tabancas analysées son augmentation a été soulignée, alors que pour les 2 autres c’est sa diminution qui prédomine. Généralement, le sous-développement du pays face aux attentes accrues, surtout de la part des jeunes, contribue à l'augmentation de la pression migratoire, ce qui entre en concurrence avec la perception de la crise, qui pousse d'autres à dévaloriser l'option migratoire, surtout si l’on considère les difficultés inhérentes au processus dans le cas de l'Europe. Dans aucune des tabancas analysées les groupes focaux ne se réfèrent à l'existence des associations de migrants 42. Cependant, des groupes de migrants ou des migrants à titre individuel ont 42

Cependant, au Portugal, a été identifiée l'Association de Migrants de Mampata Forea. 54

Évaluation du potentiel de développement de la diaspora de Guinée-Bissau au Portugal et en France

contribué de façon significative au développement de leur tabanca d'origine. À Mampata Forea, les migrants ont réhabilité le dispensaire de santé, pour lequel ils ont également envoyé l'équipement hospitalier et les médicaments. Dans cette même tabanca, les migrants ont contribué à un projet d'électrification et d'approvisionnement en eau potable promu par une ONG internationale. À Colibuia, les migrants ont donné un véhicule qui est utilisé comme ambulance, également par d'autres tabancas voisines. À Háfia, les migrants ont donné l'équipement et le matériel scolaire. Cependant, dans les 2 tabancas analysées, plus au sud de la région — dans le secteur de Catió, où les populations sont majoritairement d'ethnie balanta et où l'isolement par rapport aux autres communautés est élevé, surtout pendant la saison des pluies — il n'a pas été identifié de projet en faveur de la communauté. À Sintchã-Sambel, un migrant résidant en Espagne a donné un générateur avec la capacité de desservir toute la communauté, 2 tracteurs pour aider aux activités agricoles et un camion qui permet d’écouler la production locale de cajou vers les marchés régionaux. La même chose a été réalisée par un émigrant à Colibuia. Dans ces 2 tabancas, des machines ont également été envoyées pour décortiquer le riz et des voitures ont été données et sont utilisées comme transport public. Les revenus générés par ces activités sont reversés aux populations locales. De nouveau, dans les 2 tabancas du secteur de Catió — Mato Farroba et Ilhéu Infanda —, il n'a pas été identifié d'activité génératrice de revenus promue par les émigrants. Dans 4 des tabancas étudiées, il a été rapporté l'envoi de fonds et souligné l'importance de ces ressources financières pour le bien-être des familles, notamment en temps de crise, où l'aide des migrants est expressément sollicitée et, chaque fois que cela est possible, envoyée. Dans ces 4 tabancas, les migrants apportent également leur soutien aux cérémonies traditionnelles ou religieuses et à Colibuia, la mosquée locale a été construite et équipée avec l'aide des migrants. Globalement, la région de Tombali présente un profil migratoire hétérogène et les effets associés au processus sont différents. Alors que dans les 4 tabancas au nord de la région, situées dans la zone de Quebo, quelques investissements ont été observés, qui se font également remarqués au niveau du paysage de la tabanca, avec un nombre élevé de maisons réhabilitées ou construites (notamment à Háfia), dans les tabancas du Sud, situées dans la zone de Catió, les effets de la migration sont pratiquement inexistants. La perception des populations locales correspond aux données obtenues: dans les tabancas au nord de la région, les principaux acteurs du développement sont les ONG et les migrants. Dans les tabancas du Sud, les ONG jouent le rôle principal, avec l'état qui apparait en deuxième place et les migrants qui sont considérés comme peu importants en tant qu'acteurs du développement.

4.2 Comparaison régionale des grandes tendances migratoires identifiées et de leurs effets dans les communautés d'origine Les données obtenues dans cette enquête suggèrent que la dynamique migratoire en GuinéeBissau est importante. Le taux moyen global de l'émigration est d’environ 14%, nettement audessus de la moyenne officielle nationale de 8 % (Banque Mondial, 2010), une donnée à laquelle on s'attendait si l’on tient compte du fait que les résultats incluent les migrants guinéens dans l'espace CEDEAO et ceux qui se trouvent en Europe en situation irrégulière. Cependant, le phénomène migratoire n'est pas une réalité homogène sur tout le territoire national, variant de région en région et dans chacune selon le groupe ethnique. Effectivement, ce sont les tabancas de populations majoritairement manjaques qui présentent un taux élevé d'émigration, ainsi qu’un important retour de cette migration vers leur tabanca d'origine. Les populations peules, suivies de près par les Mandingues, présentent des valeurs vraiment inférieures. Cependant, les deux groupes montrent des taux élevés de l'investissement dans leur tabanca d'origine, en particulier au niveau des activités génératrices de revenus. D'un autre côté, ce sont les tabancas majoritairement papeis, balantas et beafadas qui enregistrent, non seulement une baisse de la dynamique migratoire, mais aussi un bas (ou aucun) retour de migration. Évaluation du potentiel de développement de la diaspora de Guinée-Bissau au Portugal et en France

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Nous constatons aussi que l'organisation administrative du territoire ne coïncide pas totalement avec la distribution des populations des différents groupes ethniques43. Tableau 4.1: Migrants et initiatives promues par des migrants, par groupe ethnique Balantas

Beafadas

Mandingues

Manjaques

Papéis

Gabu, Bafata, Oio, Tombali Quinara

Gabu, Bafata, Oio

Cacheu

Biombo

0,8%

10%

7%

50%

5%

Peu important dans 100% des tabancas

Peu important dans 100% des tabancas

Très important dans 87% des tabancas

Très importants dans 80% des tabancas

Très importants dans 100% des tabancas

Peu important dans 100% des tabancas

0/3 (0%)

0/3 (0%)

9/16 (56%)

2/5 (40%)

7/7 (100%)

0/6 (0%)

Quinara, Tombali

Quinara

Taux moyen de migration

4%

Importance des envois de fonds Projets de développement communautaire

Région

Peuls

Source : Enquête collective réalisée dans 45 tabancas guinéens, 2012.

Malgré l'impossibilité de tirer des conclusions généralisées, compte tenu de la dimension de l'univers considéré, les résultats actuels, conjointement avec les études déjà réalisées (Carreiro, 2007; Carreiro et Sangreman, 2011), suggèrent: (i ) que la migration n'est pas une ambition uniforme, c’est-à-dire qu'elle n'est pas considérée comme une stratégie de vie privilégiée par tous les groupes ethniques; (ii) que la migration a lieu avec plus d'intensité lorsqu’elle est associée à un rituel de passage, comme dans le cas des Manjaques, ou à une pratique professionnelle qui implique une mobilité, comme le commerce, dans le cas des Peuls et des Mandingues (Carreiro, 2007; Carreiro et Sangreman, 2011); (iii) que, dans les contextes où l'immigration n'est pas collectivement perçue comme une stratégie de vie préférable, alors, elle a lieu à une moindre échelle, en tenant compte que l'investissement financier, associé au processus migratoire (pour l'Europe) est important et que le migrant rural, ayant peu d'étude, aura difficilement les capacités de l'amorcer tout seul; (iv) ce qui confirme que l’investissement dans la migration internationale et tendanciellement, une décision et un investissement familial (voire presque communautaire) et qu'il existe en retour une attente semblable, ce qui en grande partie justifie les différents types d'investissements réalisés par les migrants en faveur de leur famille et de leur communauté d'origine. La variété des attentes et des comportements migratoires identifiés se reflètent dans l'hétérogénéité des résultats dans les différents domaines analysés dans cette étude. Dès lors, dans les pays de destination préférentiels, qui varient selon les régions. Cependant, les données obtenues sont contondantes dans un aspect-clé: L'Afrique est la principale destination de la migration guinéenne, une réalité transversale à toutes les régions analysées. Dans ce contexte, le Sénégal apparait comme la principale destination et des 45 tabancas considérées, seulement deux affirment ne posséder aucun migrant dans ce pays. Il y a aussi d'autres destinations africaines également importantes. En plus d'être la destination la plus représentée, le Sénégal a également été considéré la destination la plus importante pour 51% des tabancas interrogées, étant important dans toutes les 43 En fait, il n'y a qu'à Biombo qu'il existe une cohérence presque intégrale entre la région et le groupe ethnique (AEDES, 2009). À Oio, une bonne partie de la population est balanta (AEDES, 2009), mais les tabankas inclus dans cette étude sont majoritairement mandingues. La plupart de la population de Cacheu est manjaque, ainsi que les tabankas présentés dans cette étude. Mais Gabu et Bafatá possèdent déjà des populations majoritairement peules et mandingues (AEDES, 2009), qui ont des comportements migratoires semblables et qui se trouvent également présents dans les résultats recueillis. De la même façon, les populations qui sont aussi majoritairement balantas et beafadas de Tombali et Quinara présentent des modèles migratoires identiques, mais dans ces régions ont également été analysées des tabancas dont la majorité est peule, c'est pourquoi, pour éviter la perte de la spécificité de l'analyse régionale de ces 2 régions, les deux zones seront dédifférenciées entre elles.

56

Évaluation du potentiel de développement de la diaspora de Guinée-Bissau au Portugal et en France

régions. Le Cap-Vert se détache également comme la destination la plus importante pour les migrants de Biombo et c'est néanmoins l'un des moins importants pour Cacheu. À noter également la Gambie, mentionnée par 36 des 45 tabancas interrogées, mais dont les contingents sont extrêmement petits dans les régions de Tombali et Biombo. L'Angola est une destination extrêmement récente et toujours avec des contingents peu nombreux, mais elle a été mentionnée par plus de 55 % des tabancas analysées – mais aucune dans la région de Cacheu, où le Sénégal domine comme la destination africaine la plus importante — apparaissant de manière évidente, selon la perception des populations, comme la meilleure destination où l'on doit migrer actuellement. Tableau 4.2: Pays africains de destination des migrants guinéens, par région Nombre de références à des pays de destinations africaines Sénégal

Gambie

Cap Vert

Mauritanie

Angola

Autres

Total

Bafatá

7/7

6/7

7/7

2/7

3/7

6/7

7/7

Biombo

5/6

3/6

6/6

3/6

6/7

1/6

6/6

Cacheu

7/7

7/7

2/7

3/7

0/7

1/7

7/7

Gabu

7/7

3/7

3/7

4/7

4/7

1/7

7/7

Oio

7/7

7/7

4/7

4/7

2/7

3/7

7/7

Quinara (beafada)

3/4

2/4

3/4

0/4

1/4

0/4

3/4

Quinara (peul)

2/2

2/2

2/2

1/2

1/2

2/2

2/2

Tombali (peul)

3/4

4/4

3/4

1/4

4/4

3/4

4/4

Tombali (balanta)

2/2

2/2

2/2

0/2

0/2

2/2

2/2

43/45

36/45

32/45

18/45

21/45

19/45

44/45

Total

Source: Enquête collective réalisée dans 45 tabancas guinéens, 2012.

En comparaison, l'Europe est une destination peu expressive. Même si les références sont fréquentes, les contingents sont globalement peu nombreux, à l'exception de la région de Cacheu et à un moindre degré, Bafatá. Le Portugal est la destination européenne la plus citée, mais elle ne se révèle importante que pour 24% des tabancas analysées, la majorité fait partie de la région de Bafatá et à un moindre degré, dans la zone peule de Tombali. Bien que ce soit le deuxième pays européen le plus cité, l'Espagne est une destination importante pour 3 des tabancas, mais pour les restantes, les contingents pour ce pays sont très bas. La France a été citée comme la destination la plus importante pour la région de Cacheu et à un moindre degré, Bafatá. Cependant, ses contingents migratoires n'ont pratiquement pas d'importance dans les tabancas des régions de Tombali, Quinara et Biombo. D'autres pays européens ont été cités, mais parmi ceux-ci, seul le Royaume-Uni ressort comme une destination intéressante, avis partagé par 44 % des tabancas, même si leur contingent est peu nombreux. Il a également été constaté une croissante diversité des destinations, avec des pays comme le Luxembourg, l'Allemagne, la Hollande, ainsi que des destinations non européennes, notamment le Brésil, mais avec des contingents pratiquement marginaux. Les envois de fonds se trouvent aussi distribués de façon inégale au long du territoire national. Dans l'impossibilité de quantifier les montants reçus, et compte tenu de la méthodologie utilisée, le poids relatif des envois de fonds a été évalué pour le bien-être des populations en comparaison avec les données mises à disposition par le projet SISA (AEDES, 2009), pour les régions considérées44. 44

Cette source ne contemple pas les versements qui sont canalisés pour des investissements productifs, ou pour des projets sociaux, ni ceux reçus ponctuellement lors de situations d'urgence médicale et alimentaire, et qui ont été citées par 98% des tabancas interrogées. Évaluation du potentiel de développement de la diaspora de Guinée-Bissau au Portugal et en France

57

Les données obtenues suggèrent que les montants reçus dans les tabancas interrogées ont des montantes et une importance supérieure à ceux suggérés par les montants officiels dans les régions de Bafatá, Oio, Quinara (peul) et Tombali (peul), mais surtout Cacheu. La différence significative observée dans cette dernière région est, en grande partie, justifiée par sa composition ethnique, constituée par deux réalités très différenciées. Au nord du fleuve Cacheu, la population est majoritairement felupe et balanta (AEDES, 2009), deux groupes ethniques orientés vers l'agriculture et sans tradition migratoire (Carreiro et Sangreman, 2011). C'est surtout au sud du fleuve Cacheu que se trouvent les populations manjaques, qui ont une vieille et forte tradition migratoire, dont les contingents et effets ont été illustrés dans cette étude. Dans l'ensemble, les deux réalités placent le poids moyen des envois de fonds dans le revenu des ménages autour d’un pourcentage modeste 10 % (AEDES, 2009). D'un autre côté, cela révèle l'aide significative que les tabancas interrogées dans cette enquête reçoivent, ce qui les place dans une situation avantageuse en comparaison avec les autres. Tableau 4.3: Pays européens de destination des migrants guinéens, par région Nombre de références aux pays de destinations européennes Portugal

France

Espagne

RoyaumeUni

Italie

Autres

Total

Bafatá

7/7

6/7

5/7

4/7

2/7

5/7

7/7

Biombo

4/6

3/6

4/6

1/6

2/7

2/6

6/6

Cacheu

7/7

7/7

7/7

5/7

2/7

2/7

7/7

Gabu

5/7

2/7

5/7

2/7

0/7

3/7

6/7

Oio

6/6

5/6

6/6

4/6

1/6

3/6

7/7

Quinara (beafada)

2/4

0/4

2/4

0/4

1/4

2/4

2/4

Quinara (peul)

2/2

1/2

1/2

0/6

0/2

1/2

2/2

Tombali (peul)

4/4

1/4

3/4

2/4

1/4

2/2

4/4

Tombali (balanta) Total

2/2

0/2

1/2

0/2

1/2

0/2

2/2

39/45

25/45

34/45

18/45

10/45

20/45

43/45

Source: Enquête collective réalisée dans 45 tabancas guinéens, 2012.

Gabu, la région la plus bénéficiée par les envois de fonds, selon les données officielles, présente une spécificité intéressante. En effet, c'est la région où l'on constate les plus importants investissements productifs, mais concentrés dans la capitale de la région, au détriment de la tabanca d'origine. Ce phénomène justifie le manque d'unanimité dans l'importance attribuée aux envois de fonds pour le bien-être des familles, probablement parce qu'une partie de ces revenus potentiels au niveau familial est en train d'être canalisée pour la création d'activités génératrices de revenus. Cependant, également dans les tabancas interrogées dans cette région, les résultats ont été frappants en ce qui concerne la mise à disposition d'aide financière lors de situations ponctuelles d'urgence familiale. À Bafatá, les données officielles placent cette région légèrement derrière Gabu et Cacheu, avec 9,6 % des revenus familiaux attribués à la migration (AEDES, 2009). Cependant, les contingents migratoires et les investissements identifiés dans cette étude pour cette région sont supérieurs aux officiels, ce qui montre que les tabancas analysées se trouvent au-dessus de la moyenne régionale présentée. Oio présente aussi des caractéristiques intéressantes. Bien que les données obtenues attribuent un poids important aux envois de fonds pour 5 des 6 cas analysés, la source citée situe le poids concernant les envois de fonds de cette région en dessous de 1%. Il est important de souligner que les tabancas analysées à Oio étaient issues de populations majoritairement mandingue, même si la région compte dans son ensemble un contingent important de population balanta, surtout dans les 58

Évaluation du potentiel de développement de la diaspora de Guinée-Bissau au Portugal et en France

zones de Nhacra et de Bissorã (AEDES, 2009), que cette enquête n'a pas prise en compte. Les tabancas analysées s'affirment ainsi, clairement au-dessus de la moyenne régionale, ayant à leur disposition une capacité financière additionnelle par rapport aux tabancas qui ne se trouvent pas dans des circuits migratoires, ou qui ne bénéficient pas de ces derniers, et qui seront la grande majorité, en tenant compte du faible montant des envois de fonds au niveau régional. Tableau 4.4: Poids des envois de fonds en ce qui concerne le bien-être des populations et le pourcentage des ménages ruraux qui les perçoivent

Poids des envois de fonds en ce qui concerne le bien-être des populations, selon les tabancas interrogées Sans rapport (ne reçoit pas)

Importants

Très importants

% de migrants

Pourcentage des ménages ruraux qui reçoivent des envois de fonds des émigrants (AEDES 2009)

Bafata

0/7

0/7

7/7

14

9,6

Biombo

0/6

6/6

0/6

5

0,0

Cacheu

0/7

0/7

7/7

50

10,2

Gabu

1/7

1/7

5/7

8

11,7

Oio

0/6

1/6

5/6

7

0,8

Quinara (beafada)

1/4

3/4

0/4

0,8

Quinara (peul)

0/2

0/2

2/2

5,5

Tombali (peul)

0/4

0/4

4/4

7

Tombali (balanta)

0/2

2/2

0/2

3,5

Total

2/45

13/45

30/45

14

0,0 4,4 –

Source: Enquête collective réalisée dans 45 tabancas guinéens, 2012. AEDES, 2009.

Dans la région de Tombali, cette enquête a observé des différences significatives en ce qui concerne les investissements faits par les migrants dans les différentes tabancas analysées, un aspect qui montre des différences significatives entre les zones de population peule et les zones de population balanta, à cause des raisons déjà citées. La prédominance de populations balantas justifiera la valeur de 4% (AEDES,2009) qu’ont les envois de fonds dans le revenu des familles dans la région, en même temps qu’est révélé le revenu supplémentaire dont les tabancas peules bénéficient, contrairement aux restantes. Mais dans les régions de Biombo et Quinara, où les deux citées ne reçoivent pas de envois de fonds (0%), il est intéressant de voir que les tabancas interrogées ont mentionné leur existence, même si cela est ponctuel et souvent lié à des situations d'urgence familiale. En conséquence on constate, également dans ce cas, que les tabancas analysées sont favorisées par rapport aux rapport aux restantes, ayant à disposition des aides additionnelles en cas de besoin. Globalement, on constate que ce sont les régions ayant le plus grand nombre de migrants et, à l'intérieur de celles-ci, celles qui sont les plus liées à des circuits migratoires européens – surtout Cacheu et à un moindre degré, Bafatá, Gabu, Oio et les zones peules de Quinara et Tombali – celles qui bénéficient le plus des envois de fonds. Cependant, les investissements sociaux promus par les migrants ne suivent pas la même tendance dans toutes les régions considérées. On constate que ce sont les tabancas de la région de Cacheu qui se détachent, sur la totalité des tabancas enquêtées qui reçoivent au moins une aide sociale, celle-ci étant de 100 % pour le secteur de l'éducation. Vient ensuite Bafatá, avec 5 des 7 tabancas analysées qui bénéficient d'au moins une initiative et avec une distribution équilibrée des investissements dans trois domaines sociaux considérés. Les tabancas peules de Tombali présentent aussi des investissements, plus accentués dans Évaluation du potentiel de développement de la diaspora de Guinée-Bissau au Portugal et en France

59

le secteur de la santé. Pour Gabu et Oio, seules 2 des tabancas analysées dans les deux régions ont reçu une aide, et toutes deux dans le secteur de la santé. Tandis qu’à Biombo, Quinara et dans les zones balantas de Tombali, les migrants n'ont promu aucun projet de développement des services de base. Globalement, 38 % des tabancas considérées ont reçu un certain type d’aide sociale. L'éducation, avec 44 % du total des interventions, est le secteur le plus soutenu, suivi de la santé, qui regroupe 36 % des investissements réalisés. Le secteur de l'eau a concentré 20 % du total des interventions réalisées. Tableau 4.5: Projets de développement communautaire avec une contribution des migrants, par région Nombre d'initiatives par tabanca Santé

Éducation

Eau

Total

Bafatá

3/7

3/7

2/7

5/7

Biombo

0/6

0/6

0/6

0/6

Cacheu

3/7

7/7

2/7

7/7

Gabu

1/7

0/7

0/7

1/7

Oio

1/6

0/6

0/6

1/6

Quinara (beafada)

0/4

0/4

0/4

0/4

Quinara (peul)

0/2

0/2

0/2

0/2

Tombali (peul)

2/4

1/4

1/4

3/4

Tombali (balanta)

0/2

0/2

0/2

0/2

Total

9/45

11/45

5/45

17/45

Source : Enquête collective réalisée dans 45 tabancas guinéens, 2012.

Concernant les activités génératrices de revenus promues par les migrants, les résultats obtenus suivent un modèle légèrement différent de ce qui est observé pour les projets du développement social. Dans ce domaine, l’accent est également mis dans les régions de Bafatá, Cacheu et les zones peules de Tombali, en tant que bénéficiaires des activités génératrices de revenus promues par les migrants. Mais, contrairement au domaine antérieur, Gabu, Oio et les zones peules de Quinara montrent également des initiatives de ce genre, et importantes compte tenu de l'univers considéré. Seuls Biombo et les zones beafadas et balantas ne font référence à aucune initiative, à l'exception de la construction d'habitations. Tableau 4.6: Activités génératrices de revenus promues par les migrants, par région Pourcentage de tabancas analysées par région Habitation

Agriculture

Commerce

Autres

Total

Bafatá

7/7

6/7

3/7

1/7

7/7

Biombo

2/7

0/7

0/7

0/7

2/7

Cacheu

7/7

4/7

2/7

3/7

7/7

Gabu

6/7

4/7

1/7

1/7

6/7

Oio

4/6

0/6

1/6

2/6

4/6

Quinara (beafada)

¼

0/4

0/4

0/4

1/4

Quinara (peul)

2/2

2/2

2/2

2/2

2/2

60

Évaluation du potentiel de développement de la diaspora de Guinée-Bissau au Portugal et en France

Tombali (peul)

4/4

Tombali (balanta) Total

4/4

2/4

3/4

4/4

0/2

0/2

0/2

0/2

0/2

33/45

20/45

9/45

12/45

33/45

Source : Enquête collective réalisée dans 45 tabancas guinéens, 2012.

Globalement, les initiatives les plus nombreuses concernent la construction d'habitations, avec 33 des tabancas citant les actions promues par les migrants dans ce domaine. L'agriculture est également soulignée, correspondant à 60 % du total des initiatives réalisées, en particulier dans les zones peules du Sud et Bafatá et, à un moindre degré, à Cacheu et Gabu. Le petit commerce représente 36 % du total des initiatives réalisées (dont se détache l'envoi de voitures destinées au transport public). La perception des populations sur qui a le plus contribué au développement local reflète largement le degré d'investissement fait par les migrants dans chacune des régions et permet de pondérer les effets de leurs interventions en ce qui concerne le bien-être des populations locales. L'analyse de la perception des populations est révélatrice de la relation entre les interventions des émigrants et le bien-être des populations. Effectivement, dans toutes les régions où les migrants ont le plus soutenu leurs tabancas d'origine en ce qui concerne les équipements sociaux — Cacheu, Bafatá et les zones peules de Tombali — les respectives populations ont considéré leurs migrants comme étant les principaux acteurs du développement local, au détriment de tout autre acteur. Il est intéressant de constater que, même dans les régions où les migrants revêtent une importance moindre par rapport aux trois acteurs considérés — Biombo, Gabu et Oio — et qui enregistrent peu ou aucune intervention sociale, leur aide est tout de même reconnue, ce qui suggère la valorisation d'un autre genre de contributions, telles que les envois de fonds, ou les initiatives génératrices de revenus, d’ailleurs importantes dans les deux régions de l’est. Il n'y a que dans la zone beafada de Quinara que les migrants sont considérés comme non pertinent en tant qu'acteurs de développement, une donnée à laquelle on s'attendait, étant donné qu’il n’a pas été possible d’identifier d'activités génératrices de revenus ni de projets sociaux. Tableau 4.7 : Perception des populations en ce qui concerne la contribution relative des différents acteurs pour le développement des tabancas.

Perception ayant comme base un classement attribué sur une échelle prédéfinie (0 à 3)

État (%)

ONG (%)

Migrants (%)

Nombre de projets sociaux développés par les migrants

Nombre d'activités génératrices de revenus

Bafatá

17

35

47

8

17

Biombo

38

41

20

0

2

Cacheu

23

28

47

12

16

Gabu

38

38

22

1

12

Oio

38

38

22

1

7

Quinara (beafada)

45

50

5

0

1

Quinara (peul)

25

50

25

0

8

Tombali (peul)

16

45

38

4

13

Tombali (balanta)

25

75

0

0

0

Total (moyen)

30

40

30

26

73

Source : Enquête collective réalisée dans 45 tabancas guinéens, 2012. Évaluation du potentiel de développement de la diaspora de Guinée-Bissau au Portugal et en France

61

D'un autre côté, l'État est particulièrement valorisé dans les zones beafadas de Quinara, même si dans aucune des autres régions cela n’est considéré comme un acteur plus important, à l'exception d’Oio et de Gabu où il arrive en première place à égalité avec les ONG. Cependant, l'État arrive en troisième place dans trois des régions considérées. Ce sont les ONG qui recueillent la reconnaissance la plus unanime et la plus véhémente, occupant la première place dans les régions de Biombo, Gabu, ONG, Quinara et Tombali, et la deuxième place dans toutes les autres. Globalement, on constate que les migrants sont particulièrement valorisés dans les zones où ont été réalisés des équipements sociaux qui ont bénéficié l'ensemble de la communauté. Mais, lorsqu’ils sont comparés avec les initiatives génératrices de revenus, les projets sociaux sont beaucoup moins nombreux, étant donné qu'ils exigent un plus grand investissement et, en conséquence, une plus grande concertation entre les migrants, en plus du fait qu'ils ne produisent aucun retour financier. D'un autre côté, les initiatives génératrices de revenus ont, en général, un caractère privé et, même si à court ou moyen terme elles contribuent à réduction une importante de la pauvreté, elles n'affectent pas directement le collectif de la communauté et sont donc perçues comme moins importantes pour le développement des communautés locales. La comparaison entre les résultats obtenus dans les tabancas analysées dans chaque région et les données officielles mises à disposition pour les indicateurs-clés de développement de chaque région (INEC, 2009)45 révèlent une réalité différente et confirment la multiplicité des facteurs et des acteurs qui affectent les processus de développement. Tableau 4.8: Indicateurs moyens de services de base, par région

Dispensaire de santé par habitant Écoles par enfant Forage d'eau habitant

par

Bafatá

Biombo

Cacheu

Gabu

Oio

Quinara

Tombali

1/2.114

1/7.156

1/2.011

1/2.477

1/2.625

1/1.321

1/1.282

1/170

1/498

1/236

1/244

1/250

1/188

1/198

1/447

1/1.979

1/911

1/584

1/828

1/613

1/690

Source: INEC, 2009.

En matière d'éducation, c'est la région de Bafatá qui présente les meilleurs indicateurs, si l'on tient compte des interventions des migrants dans ce secteur, mais aussi des nombreuses ONG, desquelles se détache le Plan Internacional. S'en suivent les régions de Quinara et Tombali et ensuite Gabu, Cacheu et Oio, dans cet ordre, avec une moyenne de 1 école pour chaque 200 enfants. Il est pertinent de remarquer que Cacheu, en dépit des investissements de ses migrants dans ce domaine, présente des valeurs moyennes. Biombo se détache négativement, avec un indicateur qui met en avant la moyenne de 1 école pour chaque 498 enfants. Également dans le domaine de la santé, la région de Biombo apparait comme la moins développée, avec 1 dispensaire de santé pour chaque 7.156 habitants, très loin de la moyenne de la région la plus bénéficiée, Tombali, suivie de près par Quinara, avec 1/1321 habitants. Les régions restantes ressemblent à Cacheu, Bafata, Gabu et Oio (dans cet ordre), montrant une moyenne de 1 dispensaire de santé pour chaque 2.300 habitants. C'est pourtant les deux régions du Sud qui présentent les meilleures conditions dans ce secteur de développement. En ce qui concerne l'accès à l'eau, Bafatá est la région qui présente les meilleures conditions, juste après Gabu. Il est intéressant de voir qu’à Bafatá des initiatives communautaires des migrants ont été identifiées dans ce domaine, malgré l'intervention beaucoup plus importante des ONG, comme le Plan international et la TESE. S'en suivent les 45

En tenant compte d'éventuelles restrictions concernant la fiabilité de cette source. 62

Évaluation du potentiel de développement de la diaspora de Guinée-Bissau au Portugal et en France

régions de Quinara, Tombali et Oio. Cacheu n’a que deux puits pour chaque 911 habitants. Cependant, c’est de nouveau Biombo qui présente la valeur la plus critique, avec 1 puits pour chaque 1.979 habitants, pour les mêmes raisons identifiées au point précédent. Globalement, on constate qu'il n'existe aucune relation directe entre les niveaux de développement régional et le nombre et genre d'intervention des migrants dans leur tabanca d'origine. C'est le Sud qui présente les résultats les plus positifs dans l'agrégation des trois domaines considérés, une zone où l'intervention des ONG est extrêmement importante et où les migrants sont peu ou pas du tout considérés. La contribution des migrants pourra être expressive à Bafatá, qui présente également des résultats positifs, mais les ONG sont également considérées comme un acteur très important dans cette région et leur impact devra être pris en compte. Bien que Cacheu soit une région particulièrement bénéficiée par la migration, la disparité de la dynamique migratoire existante entre les rives Nord et du Sud du fleuve aura tendance à diluer sa contribution positive potentielle dans les indicateurs régionaux. Cette région présente, donc, les résultats moyens, au même niveau que les régions des contingents migratoires nettement inférieurs, tels que Gabu et Oio. En contrepartie, Biombo, qui recueille peu d'aides des ONG et aucune de la part de ses quelques migrants, apparaît avec des valeurs fréquemment critiques dans tous les domaines et est clairement la plus fragile de toutes les régions considérées. Nous concluons que la procédure de développement en Guinée-Bissau se concrétise de façon hétérogène dans les différentes régions du pays. Cette variété est le résultat de différents facteurs, dans lesquels sont inclus les priorités et les investissements de l'État lui-même, le genre d'activités économiques développées par les populations et l'intervention des différents agents, comme les ONG et les organisations internationales (Union Européenne, Banque Mondial, Nations Unies), entre autres. Cependant, et tel que le révèle cette enquête, les migrants aussi sont des acteurs dans les processus de développement local et leur intervention, dans les différentes formes et effets qu'elle revêt, constitue aussi une contribution au développement régional.

4.3 L'aide des migrants aux familles et aux communautés d'origine et leur impact sur le développement de la Guinée-Bissau L'agrégation régionale des effets de la migration observés au niveau des tabancas offre des éléments intéressants pour apprécier la contribution des migrants au développement global de la Guinée-Bissau. L'analyse nationale sera réalisée à partir d'une grille d'indicateurs d'éducation; santé; eau; assainissement et énergie; économie; et gouvernance et droits humains, dans une adaptation libre de la typologie proposée par l'Observatoire ACP de la migration (2012).

Éducation Au niveau national, les indicateurs de base de l'éducation en Guinée-Bissau sont en dessous de la moyenne des Pays les moins développés du monde (PNUD, 2011). Avec un taux d'analphabétisme d'environ 46 %, un ratio d'un professeur pour chaque 61 élèves, 1 salle de cours pour chaque 44, un taux d'abandon scolaire qui frise les 10 % et un tiers des enseignants en exercice n'ayant pas de formation à cet effet (RESEN, 2009), le pays a également des difficultés de gouvernance chroniques, qui provoquent des grèves fréquentes de la fonction publique et la réduction, voire l'annulation des années scolaires. Dans ce scénario, les effets des investissements que les migrants ont réalisés dans le secteur de l'éducation sont significatifs. Dans 18 % des tabancas analysées au niveau national, il a été constaté la construction et/ou la réhabilitation des infrastructures scolaires. La question de la réhabilitation des infrastructures est particulièrement pertinente dans le contexte de la Guinée-Bissau, où 32 % des écoles sont dégradées (Banque Mondial, 2010), situation aggravée par les conditions climatiques du pays, avec une forte saison des Évaluation du potentiel de développement de la diaspora de Guinée-Bissau au Portugal et en France

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pluies qui couvre un tiers de l'année scolaire, période pendant laquelle les écoles de construction non définitive (baraques), ou celles qui sont en situation précaire ne peuvent pas fonctionner. Les années scolaires qui ont eu lieu entre la fin du conflit politico-militaire de 1998 et la relative stabilisation des finances publiques, à partir de 2009, ont été caractérisées par des retards récurrents en ce qui concerne le paiement des salaires de la fonction publique – dans certains cas jusqu’à six mois – et, en conséquence, par des grèves, fréquentes des enseignants (Banque Mondial, 2010). Dans 25 % des tabancas analysées dans cette étude, les migrants ont mis à disposition une aide financière pour assurer le maintien du salaire des professeurs, permettant ainsi la continuité du processus éducatif sans interruption, à l’inverse de ce qui s’est passé dans la généralité des écoles qui n'ont pas eu cette aide. En 2011, la Direction Régionale de l'Éducation de Cacheu a réalisé une campagne de sensibilisation en vue de diminuer l'abandon scolaire et de promouvoir la scolarisation des filles, grâce aux six radios communautaires existantes dans la région. Pour assurer le succès de la campagne, la Direction régionale a sollicité la collaboration des migrants résidents au Portugal, qui ont enregistré des messages de soutien quant à l'éducation des enfants, et qui ont ensuite été transmis par la radio (SNV, 2011). Pour ce qui est de la qualité de l'éducation, notamment, la question de la formation des professeurs, l'effet de l'aide des migrants est moins évident. En raison du manque de coordination de leurs actions avec les institutions publiques et de la faible capacité de l'État guinéen, il est fréquent qu'une école construite par les migrants continue à ne pas être opérationnelle à cause du manque de professeurs. Dans ces cas, une solution souvent avancée par les communautés est le choix du membre le plus apte à assumer le rôle de professeur, même s'il ne possède aucune formation pour cela. Le phénomène de ces écoles appelées communautaires est une réalité significative en GuinéeBissau, où cela correspond à 20 % du total des écoles primaires existantes (Banque Mondial, 2010). Une ONG portugaise qui intervient en Guinée-Bissau depuis 2001, la Fundação Evangelização e Culturas (FEC), s'est concentrée sur l'aide et la formation des professeurs de ces écoles communautaires. Dans la région de Cacheu, la totalité des écoles qui, en 2009, bénéficiaient de leur intervention étaient des écoles réhabilitées ou construites par les migrants et dont les professeurs étaient partiellement ou entièrement financés par les associations de migrants. On constate ainsi que la région de Cacheu est la seule des régions considérées ayant un ratio professeur/élève, meilleur que la moyenne nationale, de 1/55. Compte tenu des interventions effectivement réalisées par les migrants, leurs donations et leur reconnaissance exprimée quant à l'importance de l'éducation, on considère que l'impact de la migration dans le développement des conditions éducatives au niveau du pays est important. Il a également été constaté que les investissements des migrants ont tendance à attirer l'aide d'autres ONG, qui dans plusieurs cas étudiés ont complété ou amplifié les impacts de leurs interventions. De plus, on considère comme positif l'effet des envois de fonds au niveau des ménages bénéficiaires, dont les enfants ont une plus grande capacité à fréquenter et à conclure l'école. Combinés, les effets des interventions des migrants sur ces différents fronts contribuent à combattre quelques-uns des principaux obstacles de la scolarisation primaire universelle en Guinée-Bissau : la pauvreté (et en conséquence, le travail des enfants46), le manque de professeurs, d'infrastructures et de matériels éducatifs, et le peu d'importance donnée à la scolarisation, en particulier à celle des filles (et en conséquence, le mariage précoce).

Santé Comme dans l'indicateur de développement humain précédent, l'état de santé de la GuinéeBissau révèle également une situation critique. L'espérance de vie moyenne n’atteint pas les 48 ans (PNUD, 2011), la deuxième moyenne la plus basse au monde ; 1 enfant sur 10 meurt avant d'avoir un an (MEPIR, 2011). En dépit d'avoir été déclarée illégale en 2012, 50 % de la population féminine a souffert de certaine façon de mutilation génitale (MICS, 2010). À cause 46

Qui regroupe 65 % des enfants en milieu rural en Guinée-Bissau (MICS,2010) 64

Évaluation du potentiel de développement de la diaspora de Guinée-Bissau au Portugal et en France

de la fragilité du système de santé, du manque d'informations, de la distance et du manque de moyens financiers, en 2010, seulement 38% (et 9% dans les couches les plus pauvres) de la population avait accès à des soins de santé de base (Banque mondiale, 2010). Il existe 1 médecin pour chaque 10. 000 habitants et un infirmier pour chaque 5000 (Banque Mondiale, 2010). Les chirurgies les plus élaborées ne sont pas réalisées dans le pays et seuls ceux qui ont les possibilités financières pour faire un voyage international, ou ceux qui arrivent à accéder à des protocoles internationaux d'évacuation médicale ont accès à ce genre de traitement. C'est dans ce contexte que s'inscrivent les interventions des migrants dans le domaine de la santé. La construction, ou la réhabilitation, des infrastructures de santé ont été identifiées dans seulement 3 de la totalité des tabancas analysées, étant peu significatives lorsque comparées aux interventions des ONG et de l'Église Catholique dans ce domaine, responsables de la construction et de la réhabilitation de Dispensaire de santé dans 13 des tabancas étudiées. Même comme ça, le dispensaire de santé de Calequisse, construit par les émigrants et qui dessert au moins 3 des tabancas environnantes, bénéficie un ensemble d'environ 5.000 personnes. Il en est de même pour le dispensaire de santé de Jeta, où le seul dispensaire de santé pour les 1.700 habitants de l'île (qui se trouve à six heures de distance de l'hôpital le plus proche) a été construit, équipé et est régulièrement approvisionné en médicaments envoyés par des émigrants, en partenariat avec la Fundação Calouste Gulbenkian. Dans 13 % des tabancas étudiées, il a également été mentionné la donation de moyens de transport qui sont utilisés comme « ambulances ». Cependant il a été constaté que, de la totalité des dispensaires de Santé 47 identifiés dans cette étude, 32 % ne fonctionnent pas, soit à cause du manque de ressources humaines qualifiées ou à cause du manque de matériaux et d'équipements. Quant à la qualité des ressources humaines dans ce secteur, l'investigation réalisée confirme que les migrants n’exercent aucun rôle dans cette matière. Il n'a pas non plus été rapporté le paiement de salaires des médecins et infirmiers au travers des migrants et de leurs associations. À également été réitérée l'attraction des initiatives des migrants auprès d'autres acteurs de développement — l'ONG française qui a complété le dispensaire de santé de Calequisse, ou l'aide de la Fundação Calouste Gulbenkian au dispensaire de santé de l'île de Jeta, à la suite des contacts développés par l'association de migrants au Portugal — a également été réitérée, mais aucun des projets identifiés ne s’est traduit expressément par la capacitation des ressources humaines existantes, donc la qualité du secteur ne devra pas être affectée, même de façon indirecte avec les initiatives des migrants. Même si elle possède un système de santé publique, la Guinée-Bissau est dépendante à 86% de financements de partenaires internationaux pour le fonctionnement du secteur qui est, donc, profondément instable (Banque Mondial, 2010). L'État ne participe pas à l'achat de médicaments, l'accès — ou pas — des soins nécessaires dépend de la la capacité financière du ménage à. Dans ce pays, seuls 51% des enfants ont accès aux traitements contre le paludisme, la principale cause de mortalité infantile dans le pays (Banque Mondial, 2010) et qui touche 69% de la population (ILAP, 2010). L'enquête réalisée a montré qu'il y a un envoi de médicaments dans 31 % des tabancas analysées, même si leur utilisation ne se concrétise pas dans certains des cas considérés. C'est clairement du point de vue familial qu’à travers des envois de fonds, on constate les principaux effets de la migration dans l'amélioration de la situation de santé des non-migrants. Dans toutes les tabancas analysées — y compris dans celles où a été rapporté un faible lien des migrants aux communautés d'origine — le soutien fourni par les migrants en cas de maladie a été évoqué. Même une aide à caractère ponctuel a, dans le scénario en question, une importance significative pour assurer l'accès aux soins médicaux et aux médicaments, et dans les cas de maladies graves, pour permettre l'évacuation du malade vers le Sénégal, voire vers le Portugal. Contrairement à ce qui a été constaté dans le secteur de l'éducation – où l'aide des migrants a souvent été rapportée quant à la scolarisation des enfants et, en conséquence, une influence dans la perception de la valeur de l'école — l'influence des migrants dans les pratiques de santé est très ambigüe. La valorisation de la médecine traditionnelle persiste toujours pour le 47

Le terme utilisé en Guinée Bissau est Unité de Santé de Base (USB) Évaluation du potentiel de développement de la diaspora de Guinée-Bissau au Portugal et en France

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traitement de beaucoup de maladies, et se voit renforcée par le comportement des migrants euxmêmes, qui se rendent spécialement à la tabanca pour soigner des maladies qui ne peuvent pas être soignées grâce à la médecine conventionnelle (Info Pelundo, 2007). Leur contribution a, donc, une fonction surtout palliative et non préventive. Considérant le portrait global du secteur de la santé en Guinée-Bissau et les initiatives que les migrants ont développées dans ce contexte, on constate que les effets de la migration dans ce domaine sont positifs, mais complexes. D'une part, les migrants soutiennent de manière significative leur famille en matière de santé, leur garantissant un plus grand accès aux soins médicaux et aux médicaments, ce qui contribuera à des impacts positifs en termes d'indicateurs comme l'espérance de vie moyenne, le taux de mortalité infantile et les récidives de maladies comme la malaria et la typhoïde. Cependant, la nature de leurs interventions ne contribue pas à surmonter d'autres problèmes existants dans ce secteur, précisément ceux qui le maintiennent chroniquement sous-développé: le manque de ressources humaines, la faible qualification des ressources existantes et surtout les perceptions et les pratiques de santé des populations locales, qui déterminent qu’aujourd'hui encore, environ 40% des femmes soient en faveur de la mutilation génitale féminine (MICS, 2010).

Eau, assainissement et énergie Les indicateurs de base de l'eau et de l'assainissement présentent des valeurs préoccupantes en Guinée-Bissau. En milieu rural, l'accès à l'eau potable est limité à un peu plus de 53% de la population, alors que seulement 5% des personnes ont accès à des structures améliorées d'assainissement (MICS, 2010). Cet élément, associé au manque d'information, mène à ce que 48% de la population pratique la défécation à l'air libre, un des plus grands vecteurs de maladies en Guinée-Bissau, surtout du choléra (MICS, 2010). Il n'existe pas d'approvisionnement public de l'énergie électrique dans les zones rurales, où seulement 10% de la population a accès à une source d'énergie, grâce à des projets des ONG, ou à leur propre investissement privé (Banque Mondial, 2011). Les investissements des migrants dans ce domaine sont globalement peu nombreux. Seulement dans 5 des 45 tabancas étudiées ont été identifiées des initiatives promues par les migrants dans le domaine de l'eau : construction de puits, donation d'électropompes ou cofinancement de projets promus par d'autres acteurs. Quant à l'approvisionnement en énergie, 5 projets ont été identifiés: la donation de panneaux solaires pour les écoles et les dispensaires de santé et la donation de générateurs de grande capacité, pour approvisionner en énergie les tabancas. Grâce à son innovation, son degré de fonctionnalité et sa couverture à grande échelle, nous soulignons de nouveau l'initiative de l'émigrant en Hollande de la ville de Gabu. Aucune initiative en matière d'assainissement n'a été identifiée, soit au niveau de la construction ou de la réhabilitation d'infrastructures ou au niveau de la participation des migrants dans des campagnes d'information ou de sensibilisation pour le changement de comportements. Il n'est cependant pas possible de vérifier dans quelle mesure les migrants ont influencé directement (à travers le partage d'information et de pratiques) et indirectement (à travers l’installation sanitaire des maisons qu'ils construisent pour eux et/ou pour leurs parents) les conditions d'assainissement dans leurs tabancas d'origine. Globalement, nous constatons que les pratiques des migrants n’ont pas influencé de façon significative les indicateurs-clés considérés dans ce domaine. Les interventions en matière d'eau et d'énergie ne sont pas communes et leurs impacts pourraient être considérés comme marginaux si ce n'était pas la grande et significative exception de la ville de Gabu et de ses 41 612 habitants. D’autres parts, les initiatives communautaires en matière d'assainissement sont pratiquement inexistantes, mais les données recueillies suggèrent qu’ici, également, les migrants peuvent avoir des effets que le contexte de cette enquête et la méthodologie utilisée ne permettent pas d’identifier convenablement.

Économie Dans ce domaine, la Guinée-Bissau présente aussi des indicateurs-clés extrêmement faibles, même si ces derniers ont commencé à s'améliorer sensiblement ces 3 dernières années. Le PIB per 66

Évaluation du potentiel de développement de la diaspora de Guinée-Bissau au Portugal et en France

capita était le 4e le plus bas de l'ensemble des pays considérés dans l'Indice de Développement Humain de 2010. Mais en 2011, environ 48% de la population vivait encore avec moins de 1,25 dollar EUA (PNUD, 2011) par jour et la malnutrition affectait 31% de la population (PNUD, 2010). Plus de 40% de la population considère qu'elle n'a pas assez d'aliments pendant toute l'année (AEDES, 2009). Cette enquête ne s'est pas proposée de quantifier le montant des envois de fonds, ni de préciser les façons dont ces derniers sont utilisés par les familles bénéficiaires. Mais les données obtenues montrent que, dans 98% des tabancas, les envois de fonds sont utilisés prioritairement pour l’alimentation, la santé et l’éducation, dans cet ordre. Ils sont également considérés comme fonds d'urgence, mobilisables en cas d'accident, ou toute autre fatalité. À titre d'exemple, environ 32% des groupes focaux ont souligné l'importance des envois de fonds dans l'aide à la population pendant le conflit militaire de 1998. Une fois les besoins de base satisfaits, les tendances ont une pré disposition à diverger. Dans certains cas cela peut servir à créer, ou amplifier les activités génératrices de revenus, alors que dans d'autres, les envois de fonds servent à acquérir des biens de consommation, comme des télévisions, des portables ou des vêtements. Dans tous les cas, on souligne l'effet multiplicateur que ces envois de fonds ont envers les économies locales, si l’on considère que l'augmentation du pouvoir d'achat augmente avec l'acquisition de biens et de services locaux. À ce niveau, il est important de souligner la construction d'habitations — citées dans 73% des tabancas et dans certaines d'entre-elles à une échelle importante, comme dans le cas de Djabicunda — et les effets engendrés, soit dans l'emploi de main-d'œuvre locale, soit dans l'acquisition de matériaux et d’équipements nécessaires. Dans 22% des tabancas l'investissement des migrants dans l'acquisition de terre a été souligné, que ce soit à des fins d'horticulture ou pour la production de la noix de cajou. L'acquisition de bétail a également été mentionnée. Comme dans le cas de l'achat de produits de consommation et d'équipements agricoles, ces derniers sont des investissements qui permettent aux familles de diversifier et d'augmenter leurs sources de revenus. En plus petit nombre, les investissements dans l'acquisition de machines à décortiquer le riz, de tracteurs et de camions pour écouler les produits agricoles dans les marchés régionaux et sous-régionaux, notamment le cajou ont également été identifiés. Dans ce cas particulier, les effets de l'investissement des migrants sont ambigus. D'un côté, ils contribuent à l'augmentation significative du revenu des familles, étant donné que le cajou contribue, en moyenne, à 66% du revenu global des ménages ruraux (AEDES, 2009). Mais, d'un autre côté, cela permet d'augmenter la logique de la monoculture du cajou qui a commencé à s'imposer en Guinée-Bissau ces dernières années et, en dernière analyse, de diminuer la sécurité et la souveraineté alimentaire, mettant le pays dans une situation de vulnérabilité et de dépendances accrues face aux fluctuations des prix sur les marchés internationaux. D'autres activités génératrices de revenus résultants des investissements des migrants ont également été identifiées. Des petites épiceries, des restaurants, des discothèques, des boutiques et des voitures pour le transport public ont été rapportés dans 26% des tabancas analysées. Les investissements réalisés dans la ville de Gabu, dans le bâtiment et l’approvisionnement en électricité, celles de plus grande dimension et de plus grands impacts dans le tissu productif en ce qui concerne la création d'emplois, ont déjà été mentionnées. Globalement, les effets de la migration dans l'économie de la Guinée sont considérés comme extrêmement positifs. Les envois de fonds sont une source de revenus très importante pour les familles bénéficiaires et, même s'ils sont utilisés en priorité pour la satisfaction des besoins de base, ils ont des effets directs sur le PIB, contribuant avec 8% dans la production nationale (World Bank, 2011a). La migration a également contribué au dynamisme des économies locales, que ce soit par les effets multiplicateurs des envois de fonds, ou à travers des investissements productifs réalisés par les migrants, qui contribuent positivement à la stimulation de la production, du revenu et de l'emploi dans leur pays.

Gouvernement et droits humains De ce point de vue, nous considérons deux genres d'indicateurs, tous deux de nature qualitative. Le premier prétend vérifier le degré et la nature de l’influence des migrants en ce Évaluation du potentiel de développement de la diaspora de Guinée-Bissau au Portugal et en France

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qui concerne le comportement politique des non-migrants. Le deuxième a trait à la capacité de la diaspora à exercer — ou non — une pression au sujet des décideurs politiques, au travers de campagnes, de manifestations et de projection médiatique en ce qui concerne les questions relatives à la gouvernance et aux droits humains. Dans le collectif des tabancas analysées, plus de 45 % ont mentionné que les migrants essayent d'influencer leurs parents et amis au moment des élections, leur suggérant en qui voter. Dans les tabancas restantes, les interrogés ont affirmé que les migrants ne cherchent pas à influencer les votes. Cependant, et parce que cela concerne la moitié de l'univers analysé, l'influence des migrants peut être considérée importante dans ce domaine et tendanciellement positive, compte tenu du fait que leur vécu dans les pays de destination leur permet de connaître des formes de gouvernance et de citoyenneté potentiellement plus développées. Quant à la pression directe des migrants en faveur de l'amélioration de la gouvernance et de la protection des droits de l’homme, le cas du coup d'État du 12 avril 2012 peut être considéré un cas exemplaire. Dans un contexte où, tant le Chef d'État que le Gouvernement ont été inconstitutionnellement retirés de leurs fonctions et où les manifestations populaires ont été réprimées, la diaspora de la Guinée-Bissau a assumé un rôle important dans les principaux pays de destination des migrants — le Portugal, la France, le Cap-Vert — la diaspora a organisé les manifestations de soutien à la restitution de l'ordre constitutionnel. Également dans des pays comme les États-Unis, l'Allemagne et le Royaume-Uni des manifestations ont été organisées dans le même but. Dans certains des cas, les manifestations ont été accompagnées par des actions d’advocacy concrètes, avec la remise de lettres formelles auprès d'institutions-clés de la communauté internationale, comme les Nations Unies au Cap Vert et le CPLP au Portugal. En considérant ces deux indicateurs, on constate que l'influence des migrants non seulement est importante comme elle est clairement positive, et son action tend à améliorer les indicateurs-clés de la gouvernance considérée.

4.4 Synthése de conclusion D'une façon générale, les investissements réalisés par les migrants en faveur de leurs communautés d'origine sont une contribution modeste, mais réelle, dans les répercussions globales du développement de la Guinée-Bissau, malgré leur caractère aléatoire, leur petite dimension et leur fréquente désarticulation. Parfois, les initiatives des migrants n'atteignent pas l'effet escompté — comme les machines à décortiquer le riz qui ont besoin d'énergie pour fonctionner, les médicaments obtenus sans critère (ou périmés), ou les manuels scolaires qui ne sont pas utilisés. D'autres fois, les investissements réalisés par les migrants n'ont aucun impact, car ils ont besoin des ressources humaines nécessaires pour les faire fonctionner — les professeurs, les médecins et les infirmiers — et un bâtiment destiné à un dispensaire de santé, ou une école, ne peuvent pas fonctionner en tant que tel. Dans d'autres situations, les priorités des migrants — qui vont souvent dans le sens de ce qui est exprimé par les communautés — se concentrent surtout sur les aspects les plus symboliques, ou religieux, comme des rites de passage (fanados), des enterrements ou la construction de mosquées, mais ne se traduisent pas par une amélioration palpable des conditions de vie des populations, bien qu'ils soient importants du point de vue financier et expressif par rapport à l'importance des liens symboliques et religieux maintenus par les migrants avec leur communauté d'origine. Cependant, compte tenu de la sévérité des déficits du développement auxquels le pays est confronté, les initiatives promues par les migrants sont révélatrices de leur effort en ce qui concerne le bien-être du pays et de leur potentiel en tant qu'acteurs du développement. Leurs efforts, notamment lorsqu'ils sont associés à ceux d'autres acteurs, constituent une contribution effective et non négligeable. De fait, l'enquête confirme que dans les situations où les interventions des migrants complètent, ou sont complétées par l'État ou par les ONG, leur importance est considérable. C'est le cas de Calequisse, Canhobe ou Tame, où les écoles construites/réhabilitées par les migrants fonctionnent effectivement, grâce à la formation des professeurs fournie par une ONG. 68

Évaluation du potentiel de développement de la diaspora de Guinée-Bissau au Portugal et en France

Toujours à Calequisse, les efforts des migrants en ce qui concerne la construction d'un lycée local ont été complétés par la Mission catholique, qui a garanti la présence de professeurs et des équipements nécessaires. Il en est de même avec les dispensaires de Santé de Jeta et de Calequisse et avec les projets d'approvisionnement en eau dans le Sud, à Mato-Forrea, où les migrants cofinancent l'initiative de l'Union Européenne. En raison de l'utilisation de canaux informels de transfert, il est extrêmement difficile d'estimer les montants envoyés par les migrants à leur famille. Cependant, la dimension des contingents migratoires et le lien que les migrants entretiennent avec leur famille d'origine, suggèrent que les envois de fonds bénéficient plus de 70% des familles guinéennes (Carreiro et Sangreman, 2011). Leur utilisation sera sûrement variable, mais les données sont différentes en ce qui concerne leur utilisation prioritaire dans l'alimentation, la santé, l’éducation et donc à ces niveaux, les envois de fonds ont une importance incontournable. Il est important de souligner, aussi, l'effet démultiplicateur que les envois de fonds ont dans les économies locales, pouvant, avec les investissements de nature productive des migrants, se traduire également par des impacts positifs sur les indicateurs économiques du pays, en dépit des défis mentionnés. De la même façon, l'effet des migrants dans les pratiques et les perceptions des populations locales n’est pas négligeable dans les différents domaines. Ce sont des personnes qui ont habité pendant des dizaines d'années dans d'autres contextes, ayant appris et incorporé de nouvelles perspectives en matière d'éducation, de santé, de participation politique et de citoyenneté. La façon dont ces personnes influencent les pratiques et les perceptions locales suggère un syncrétisme culturel qui combine des éléments de modernité (priorité à l'éducation, logiques d'investissements à moyen et long terme, meilleure capacité critique en termes politiques) avec des éléments traditionnels, comme le recours à la médecine traditionnelle et au maintien de cérémonies de passage, religieuses ou funèbres. Dans tous les cas, leur influence est potentiellement importante, grâce à leur statut et à leur légitimité accrue. Globalement, il a été constaté qu'il y a une augmentation de la pression migratoire, même si ce n'est pas de façon uniforme et en dépit des difficultés accrues du processus. Dans ce scénario, il est important de pondérer les stratégies qui permettent de retirer le meilleur d'une éventuelle dynamique migratoire existante et potentielle. Bien que cette étude ne se penche pas spécifiquement sur le sujet, les groupes focaux ont souvent mentionné la migration par des voies irrégulières et les migrants qui vivent en situation irrégulière. Cela a été considéré comme l'un des principaux problèmes associés à la migration et les groupes focaux ont été unanimes en ce qui concerne la sollicitation de l’attention du Gouvernement guinéen par rapport à cette question. En plus de la vulnérabilité des migrants eux-mêmes, ceux qui se trouvent dans cette situation sont moins capables d'aider leur famille d'origine, ou de promouvoir toute espèce d'initiative de développement local. Globalement et unanimement, les enquêtés considèrent qu’un des principaux obstacles à l'augmentation des bénéfices de la migration est le manque de soutien de l'État de la Guinée à sa diaspora. Dans 89 % des groupes focaux, le besoin d'améliorer le fonctionnement des services consulaires guinéens pour garantir l'information et la protection nécessaires aux citoyens résidants à l'étranger a été mentionné. Il a également été suggéré un renforcement des initiatives diplomatiques de l'État auprès des pays qui accueillent les migrants guinéens, en particulier le Portugal, surtout dans le contexte de CPLP et de l'Union Européenne. Dans la même ligne, le besoin de restructurer l'Institut d'Aide à l'Émigrant, a également souvent été mentionné non seulement pour encourager et faciliter l'investissement des migrants dans leurs pays d'origine, mais aussi pour informer les migrants potentiels au sujet de la meilleure façon d’amorcer le processus migratoire. Ces aspects légaux, institutionnels et politiques doivent découler d'une reconnaissance formelle et effective de la contribution des migrants au développement de leur pays d'origine. Et cette reconnaissance doit aussi être traduite dans d'autres actions concrètes, notamment, la création de taxes favorables à la douane pour les biens importés par les migrants, non seulement pour ceux qui ont un but productif, mais aussi et surtout pour ceux qui ont un caractère social. Les taxes douanières ont fréquemment été considérées comme l'aspect qui décourage le plus les migrants à donner, ou à investir dans leur pays d'origine, contrairement à ce que l'on voit au Cap-Vert, un exemple de bonnes pratiques fréquemment mentionné. Évaluation du potentiel de développement de la diaspora de Guinée-Bissau au Portugal et en France

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Finalement, la faible qualité de la gouvernance et l'instabilité politique constituent les éléments qui découragent l'investissement, mais, aussi, et surtout, le retour. Le mention à ce sujet, de plusieurs cadres qualifiés existants dans la diaspora, qui ont tendance à retarder ou annuler leur retour au pays, surtout parce qu’ils n'ont pas d'opportunités de travail (ce qui est perçu comme étant disponible seulement pour une petite élite), ou par peur de l'instabilité du pays. L’amélioration de la transparence, de l'égalité des chances et du respect de l'ordre constitutionnel sont des éléments fondamentaux pour attirer et/ou développer des mécanismes de coopération avec la diaspora, considérée pour 100 % des groupes focaux comme une composante fondamentale pour le développement durable du pays.

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Conclusions et recommandations

5.1 Conclusions générales Cette étude a été développée au long de trois chapitres, à travers une articulation de niveaux d’investigation et d'analyse, cherchant à combiner les résultats de lecture du parcours du développement économique et social de la Guinée-Bissau, et de ses contraintes, avec les résultats des études de terrain réalisées auprès des communautés de la diaspora au Portugal et en France et auprès de 45 tabancas distribuées dans toutes les régions continentales du pays. L'objectif principal était la construction d'information contextualisée au sujet de la diaspora guinéenne au Portugal et en France et son potentiel pour aider au développement de la GuinéeBissau, afin de supporter l'élaboration d'un plan d'action qui permet à l'état de capitaliser ce potentiel et d'augmenter la capacité d'interaction des acteurs en présence pour une action plus dynamique en faveur du développement et du progrès de la société guinéen dans son ensemble. Le premier chapitre a permis de constater que la Guinée-Bissau présente un ensemble d'indicateurs économiques et sociaux qui révèlent un niveau de développement plus faible, en particulier, quand il est comparé à l'Afrique Subsaharienne et à l'ensemble des pays à faible revenu. Après une période où le parcours de la Guinée-Bissau révélait quelques convergences avec la moyenne des pays d'Afrique subsaharienne, après 1998, le pays est entré en nettes divergences avec les deux ensembles de pays cités. Cette divergence reflète l'énorme incapacité que la Guinée-Bissau révèle dans la gestion d’un processus de transformation productive capable de promouvoir des changements essentiels au niveau de facteurs décisifs de croissance et de développement économique, comme la croissance de la productivité de l'économie, la création d'avantages comparatifs dans le commerce international et, surtout, l'augmentation de la capacité d'absorption productive du travail. Dans ces conditions, le pays finit par vivre dans une situation de reproduction permanente, et même d'approfondissement, de la pauvreté et du faible développement humain. Le contexte d’instabilité politique, institutionnelle et économique qui s'est établi dans le pays a provoqué une situation très désagréable dans le développement de l'économie de la Guinée-Bissau, et ce, pour diverses raisons: d'abord, parce que cela a empêché que le pays puisse avoir une situation institutionnelle stable, prévisible et génératrice de confiance, indispensable au fonctionnement de l'économie de marché et à l'attrait de l'investissement productif. En deuxième lieu, l'instabilité politique et institutionnelle a limité l'État dans le développement de ses fonctions, notamment, dans sa capacité à dessiner, promouvoir et soutenir un processus développementaliste de l'économie et de la société. Dans une économie avec le niveau de développement de la Guinée-Bissau, l'expérience historique montre que l'activisme développementaliste de l'État est indispensable pour cette dure tâche de « construire » le développement économique et social et le progrès du bien-être collectif. Les diverses contraintes qui empêchent le développement de la Guinée-Bissau se sont traduites, depuis son indépendance, par des vagues successives d'immigration, avec une croissance du nombre de migrants, mais aussi de motivations, de provenance régionale et de destinations. Une migration de motivation essentiellement politique dans la première décennie après l'indépendance, qui a été d'origine essentiellement urbaine, provenant de la « société créole » et relativement qualifiée, alors que dans les décennies de 1980 et 1990 on a assisté à un boom migratoire, d'origine ethnique et régionale diversifiée, essentiellement lié au travail (motivation économique) et non qualifiée. Plus récemment, et avec les crises successives politicomilitaires, la combinaison des motivations a donné lieu à une nouvelle vague avec la migration d'étudiants, qui ont opté pour une transition entre leurs études et les marchés de travail des pays d'accueil. Les courants migratoires ont également évolué de leurs destinations traditionnelles vers de nouveaux pays d'accueil, une dispersion dans de nouvelles destinations européennes et africaines pouvant être observée dans la dernière décennie. Évaluation du potentiel de développement de la diaspora de Guinée-Bissau au Portugal et en France

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Les résultats du Chapitre 3 ont permis quelques conclusions importantes en ce qui concerne la caractérisation, réelle et actualisée, des dynamiques des communautés guinéennes au Portugal et en France et de leur contribution actuelle et potentielle pour le développement de la GuinéeBissau. En termes généraux, il a été possible de conclure que ces deux communautés ont déjà contribué de manière significative au développement et au bien-être de leur communauté d'origine et du pays en général, notamment, grâce à: l'envoi régulier d'un volume important de de fonds; à de multiples initiatives menées à bien par les associations de la diaspora, tant dans le pays d'origine que dans le pays d'accueil; et au retour au pays d'origine d’une proportion raisonnable de cadres hautement qualifiés et formés à l'étranger (en particulier au Portugal). Ce sont trois des modalités de contribution les plus visibles de la part d'une diaspora qui, indépendamment du sentiment que son action n'est pas été facilitée par l'État guinéen, conservent un lien identitaire et affectif extraordinaire avec leur pays d'origine. L'évaluation des contributions de la diaspora a eu pour base trois dimensions principales: économique, sociale (associative) et humaine (qualifications et compétences). Par rapport à la première, on constate que les communautés en France présentent une plus grande capacité de mobilisation d'épargne et d’envois de fonds que celles qui résident au Portugal, même si cette plus grande capacité est fortement orientée vers le «sol manjaque» en Guinée-Bissau. Dans les deux cas, l'envoi de fonds présente quelques risques significatifs : le poids élevé des plus vieilles générations dans les communautés en France et quelques tendances montrant une envie d'investir dans l'immobilier au Sénégal; et dans les communautés résidant au Portugal, les risques qui résultent des actuelles difficultés économiques et liées au travail, ainsi que de la recomposition géographique à travers la remigration qui est en cours. En ce qui concerne la dimension sociale, on peut conclure que la diaspora guinéenne se caractérise par l'existence de dynamiques associatives d'une énorme richesse et grande densité et que les associations jouent un rôle essentiel, au moins à trois niveaux: le maintien et le renouvellement des liens d'identité qui unissent les communautés migrantes entre elles et au pays d'origine; la prestation d'une assistance mutuelle dans un ensemble de dimensions fondamentales; financement et exécution d’initiatives de promotion du bien-être des communautés d'origine et de la Guinée-Bissau en général. Et par rapport à la dimension humaine, nous avons constaté que la diaspora la plus qualifiée se trouve surreprésentée au sein de la communauté guinéenne au Portugal. Le retour en Guinée-Bissau de cadres et d'individus ayant une formation supérieure est depuis longtemps une réalité, bien que contrebalancée en diverses occasions, par des flux de sorties. Dans ce contexte, le problème de «fuite de cerveaux» concerne essentiellement les médecins, les infirmiers et le reste du personnel du secteur — un domaine où les ressources humaines guinéennes à l'extérieur dépassent, probablement, le nombre de celles qui se trouvent dans le pays à l’heure actuelle. Dans la généralité des autres domaines de spécialisation, les principaux problèmes viennent du fait que l'on exploite des compétences qui existent déjà dans la diaspora: que ce soit dans les contextes d'accueil, où abondent les situations de non-utilisation de compétences, ou lors des trajectoires de retour non encadré, souvent confronté aux difficultés d'ordre divers au niveau de l'inclusion dans le marché de travail, ou dans la fonction publique. La recherche développée en Guinée-Bissau, dont les résultats étoffent le Chapitre 4, a eu comme objectif d'identifier les effets de la migration dans le développement des tabancas d'origine des migrants et leur contribution au développement régional et global de la Guinée-Bissau. 45 tabancas distribuées dans toutes les régions continentales de la Guinée-Bissau ont été étudiées, en même articulation avec l'analyse de données secondaires figurant dans des documents de référence. Les résultats obtenus montrent que la dimension du phénomène migratoire, ainsi que le degré d’implication et les stratégies d'intervention des migrants en faveur du développement de leur pays varient de manière significative selon les régions. Mais, en dépit de cette hétérogénéité, nous pouvons conclure que la migration guinéenne affecte énormément le bien-être des populations bénéficiaires et que cela contribue au développement global du pays, étant même fondamental dans certains aspects-clés comme la santé, l'éducation et la sécurité alimentaire. Il est extrêmement difficile, en raison de l'utilisation de canaux informels, d'estimer les montants envoyés par les migrants à leur famille. Cependant, la dimension des contingents migratoires et le 72

Évaluation du potentiel de développement de la diaspora de Guinée-Bissau au Portugal et en France

lien que les migrants entretiennent avec leur famille d'origine, suggèrent que les envois de fonds bénéficient plus de 70 % des familles guinéennes. Leur utilisation est variée, mais les résultats obtenus montrent une utilisation prioritaire, comme cela a été dit plus haut, dans l'alimentation, la santé et l'éducation, des niveaux où les envois de fonds ont une importance incontournable. Au niveau de l'investissement, leur contribution pour le développement global du pays est modeste, mais réelle, en dépit de leur caractère aléatoire, de leur petite dimension et de leur fréquente désarticulation. L'enquête a montré que dans des situations où les efforts d'investissements des migrants complètent, ou sont complétés par les actions d'autres acteurs du développement, comme l'État et les ONG, l'importance de ces investissements est considérable. Nombreux sont les cas où les migrants guinéens ont investi en partenariat avec d'autres acteurs et avec des résultats intéressants, comme celui de la construction et de la réhabilitation d'écoles, de la construction de dispensaire de santé, ou dans des projets d'approvisionnement en eau. Les résultats des travaux de terrain en Guinée-Bissau montrent l'opinion globale et unanime que l'un des principaux obstacles de l'augmentation des bénéfices de la migration est le manque d'aide de la part de l'État guinéen envers sa diaspora. Cette opinion est en conformité avec les résultats des travaux réalisés auprès des communautés guinéennes au Portugal et en France. Les migrants, dirigeants d'associations et autres informateurs privilégiés de la diaspora, ainsi que leur famille résidant en Guinée-Bissau ont montré un degré de convergence élevé lorsqu'interrogés au sujet de quelles doivent être les priorités en matière d'action politique du Gouvernement envers la diaspora. Quelques-unes des suggestions les plus importantes sont les suivantes: •

Reconstruire la confiance entre l'État et la diaspora, en faisant participer les institutions guinéennes ayant un certain prestige et en organisant un espace de dialogue et de conseil entre la société civile de la diaspora et l'État.



Améliorer le fonctionnement des services consulaires guinéens et mettre à disposition l'information auprès de la diaspora, grâce à différents canaux, en créant des mécanismes de consultation régulière et complète des communautés et en utilisant les associations comme des partenaires et des interlocuteurs.



Garantir la prévisibilité et la transparence dans les procédures administratives relativement aux diverses activités et initiatives développées par la diaspora en Guinée-Bissau, réduisant ainsi l'aspect arbitraire et garantissant la mise en place de droits de propriété, de façon à encourager l'investissement.



Restructurer l'Institut d'Aide à l'Émigrant, non seulement pour encourager et faciliter l'investissement des migrants dans leur pays d'origine, mais aussi pour informer les potentiels migrants sur la meilleure façon d’amorcer un processus migratoire.



Simplifier la procédure administrative de traversée de la douane avec des biens provenant de l'extérieur, réduisant l'aspect arbitraire et le temps d'attente et, idéalement exemptant la diaspora des paiements des taxes douanières dès lors que les biens n'ont pas de buts commerciaux.



Rendre concret le droit de vote des communautés, ce qui constituerait un pas symbolique très important, cela permettrait aussi de renforcer les liens entre la diaspora guinéenne et son pays d'origine et de potentialiser différents types de dynamiques analysées au long de cette étude.

Finalement, la faible qualité de la gouvernance et l'instabilité politique constituent les éléments qui découragent l'investissement, mais aussi, et surtout, le retour. Relativement à cela, ont été mentionnés les nombreux cadres qualifiés existants dans la diaspora et qui tendent à retarder, ou annuler, leur retour au pays, surtout, parce qu’ils n’ont pas d'opportunités de travail (perçu comme n'étant disponible que pour une petite élite), ou par peur de l'instabilité du pays. L'amélioration de la transparence, de l'égalité des opportunités et le respect de l'ordre constitutionnel sont les éléments fondamentaux pour attirer la diaspora et pour développer des mécanismes efficaces de coopération entre les communautés émigrées et les autres acteurs qui se trouvent sur le terrain, avec des bénéfices évidents pour le processus de développement de la Guinée-Bissau. Évaluation du potentiel de développement de la diaspora de Guinée-Bissau au Portugal et en France

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5.2 Suggestions et recommandations pour une politique nationale de la diaspora L'enquête réalisée a permis de conclure que la diaspora guinéenne construit, en permanence, un espace transnational qui unit la Guinée-Bissau au Portugal et à la France, supporté par des liens réguliers et subventionnés que les migrants guinéens entretiennent avec leur pays d'origine dans les domaines social, culturel, économique et politique. Cette relation dynamique influence, clairement, les conditions de vie des migrants et de leur famille, mais étant donné son échelle et sa nature, elle a aussi de forts impacts sur le développement global de la Guinée-Bissau. Mais cette relation est inhibée par des difficultés et des obstacles qui n'ont pas permis une augmentation durable des bénéfices de la migration guinéenne. Son identification constitue un pas important pour la conception d'une politique nationale de la diaspora. Cette section présente un ensemble de recommandations et de suggestions construites comme une contribution pour la conception d'une Politique Gouvernementale d'Aide à la Diaspora (PGAD), adressée, naturellement, à l'ensemble de la diaspora et pas seulement à ceux qui vivent dans les deux pays concernés par l’étude. Sa mise en place exigera, dans la plupart des cas, un leadership politique crédible auprès de la diaspora, des familles et d'autres habitants des localités d'origine en Guinée Bissau et, aussi, des entités internationales qui peuvent aider financièrement et politiquement les mesures nécessaires. Un plan d'action basé sur ces recommandations, et avec des suggestions de calendriers et de priorités, sera présenté au gouvernement guinéen une fois que la situation du pays sera normalisée.

5.2.1 Recommandations à caractère politique et structurant Les recommandations ici considérées comprennent des dimensions structurantes importantes comme le besoin de l'État guinéen d'approfondir sa connaissance par rapport à la diaspora, d'édifier et de soutenir une politique de confiance mutuelle, de renforcer la capacité institutionnelle nationale, de définir une stratégie par rapport à la diaspora et de développer les relations entre la Guinée-Bissau et sa diaspora, en tenant compte des différents domaines considérés dans cette étude et qui ont été soulignés par divers intervenants lors de l'enquête.

Connaitre la diaspora La définition d'une PGAD suppose que le Gouvernement connaisse les différentes capacités financières, les savoirs techniques, les disponibilités et les motivations de la diaspora, et que celle-ci se connaissent aussi elle-même. Comme la connaissance est évolutive, la création d'un instrument comme une page Web48, avec la biographie et les contacts des professionnels de la diaspora, devient importante49 en tant que « pont d'information » entre les différents intervenants. Une page qui ait des liens dans les pages des ambassades et des ministères, mais qui soit hébergée dans le site de l'INEP50 de manière à garantir qu’elle se maintient en ligne, quel que soit le fonctionnement du gouvernement. La page dédiée à la diaspora devra, aussi, avoir des liens à des blogs, ou sites, des associations de la diaspora. Cette connaissance implique, également la réalisation d'études, avec une méthodologie similaire à celle utilisée dans cette enquête, dans des pays comme le Cap-Vert, la Gambie, le Sénégal et l'Espagne, où sont 48

Consultez le site du projet MIDA pour la région des Grands Lacs comme un des bons exemples. Disponible sur http://www.rwandandiaspora.gov.rw/ Comme l'ont démontré d'autres projets, notamment, le Who Is Who in BiH” Diaspora Project, du Département pour la Diaspora de la Bosnie-Herzegovine. 50 L'Institut National des Études et recherches à Bissau est l'une des rares institutions de Guinée reconnue internationalement, avec des publications et des enquêtes faites par eux depuis 1984. Ils ont la seule bibliothèque et archive du pays dans de bonnes conditions de fonctionnement, qui aide l'Université Amílcar Cabral. Son actuel directeur est le Prof. Mamadu Jao et le premier directeur a été le Prof. Carlos Lopes, actuellement, Secrétaire Exécutif de la Commission Économique des Nations Unies pour l'Afrique. 49

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également citées d'importantes communautés de la diaspora guinéenne. Et il faudra, également, chercher à comprendre les mouvements de ces communautés, en détectant quels sont les pays où leur présence croît, ou décroît, comme les exemples de l'Espagne ou de l'Italie.

Définir une stratégie La définition d'une stratégie dans la relation avec la diaspora est essentielle pour la construction de politiques et d'identification des principales mesures qui devront être prises. En général, les principaux objectifs d'une stratégie gouvernementale peuvent inclure : i) la promotion de la participation de la diaspora dans le développement du pays; ii) établissement d'actions et de priorités gouvernementales pour les différents domaines dans lesquels les migrants sont en relation avec le pays: l'éducation, la santé, les envois de fonds (financiers et de biens), investissement direct et symbolique, etc.; iii) faciliter les procédures légales consulaires et définir les bénéfices fiscaux pour les émigrants; iv) établir des protocoles avec les pays de destination qui facilitent la sortie temporaire d'émigrants pour participer directement à des activités définies au préalable, dans une philosophie similaire à celle de la migration circulaire; v) promouvoir des droits de citoyenneté des migrants, tant dans leur pays de destination, qu’en Guinée-Bissau. Ce sont quelques-uns des nombreux aspects considérés dans cette étude, qui permettent au Gouvernement guinéen une diversité d'éléments pour supporter les décisions politiques nécessaires à l'élaboration d'une stratégie.

Construire une politique de confiance Une politique consistante pour la diaspora qui puisse créer une confiance entre ses membres et l'État, peu importe le Gouvernement en fonction, exigera l'approbation et la diffusion auprès des communautés de la diaspora des mesures structurelles qui facilitent l'action des migrants, individuellement et dans leurs associations, pour la promotion d'une confiance mutuelle. Une confiance très fragilisée par des erreurs, des malentendus du passé et par l'évolution politique et sociale récente du pays. Dans les réponses obtenues, les promesses non respectées ont été systématiquement montrées comme un élément qui affaiblit la crédibilité des gouvernants auprès des diasporas. La présente enquête indique que l'établissement d'une confiance mutuelle doit inclure des mesures telles que: i)

la création de mécanismes systématiques et réguliers de consultation de la diaspora par les représentations consulaires, à travers, par exemple, d'une enquête annuelle sur la satisfaction individuelle;

ii) la divulgation par les ambassades des opportunités d'emploi en Guinée-Bissau, notamment dans les organisations internationales ayant une représentation à Bissau; iii) l'approbation de célébrations annuelles du jour de l'Émigrant, tant dans les pays de destination, qu'en Guinée Bissau, incluses dans les fonctions normales des ambassades et du bureau du secrétaire d'État de la tutelle; iv) l'approbation de règlements pour le recrutement du personnel technique pour l'Administration publique guinéenne, qui soit transparent et ouvert à la candidature d'émigrants, sans que ces derniers aient à se déplacer en Guinée Bissau à cet effet; v) la création d'un conseil consultatif de la diaspora, par pays de destination et avec des membres élus par les associations, pouvant compléter les réunions personnellement en GuinéeBissau avec une participation grâce aux technologies d'information et de communication; vi) la mise en place de la législation qui existe déjà en ce qui concerne la capacité de vote du peuple guinéen de la diaspora; vii) la mise en place de mesures d'aide aux migrants qui ne possèdent pas de documents légaux concernant les cartes de séjour dans les pays d'accueil.

Évaluation du potentiel de développement de la diaspora de Guinée-Bissau au Portugal et en France

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Renforcer la capacité institutionnelle nationale de l’État Il n'existe pas de modèle d'architecture institutionnelle qui puisse être considéré comme idéal dans tous les pays. Des fondations au Maroc et en Corée de Sud; des fonds publics ou semi-publics au Pakistan, Philippines et Thaïlande, des instituts publics ayant leur propre statut, ou intégrés dans un ministère, ou un bureau de secrétaire d'État au Mexique, en Inde et au Mali; des commissariats ayant un statut d'institutions non gouvernementales, comme au Portugal, ce sont des exemples différents ayant aussi des succès différents, mais sans aucune corrélation entre les modèles et les succès. La Guinée-Bissau a eu un Institut d'Aide à l'Émigrant, qui n'a eu aucun succès significatif, et qui a aujourd'hui une Direction générale dans le bureau du secrétaire d'État des communications avec les mêmes fonctions. Il ne nous paraît pas possible de créer une institution spécifique d'aide à la diaspora, comme cela existe dans beaucoup de pays, étant donné la phase actuelle de fragilité institutionnelle que le pays traverse. Il est préférable que la politique concernant la diaspora fonctionne en réseau, englobant l'institution centrale du pays — Ministère des Affaires étrangères/Secrétaire d'État — un technicien qui ait la responsabilité des relations entre la diaspora de chaque ambassade où cela se justifie (Portugal, France, Sénégal et Cap-Vert, au moins), les associations d'émigrants, les émigrants individuels et les familles en Guinée Bissau. Cela est possible grâce à l'articulation des instruments les plus formels de l'État, comme les forums en ligne à participation permanente, une Rencontre annuelle de diasporas51 et avec l'élaboration et la mise en place de législation qui favorise et motive la relation entre la diaspora et le pays.

Développer la relation entre la diaspora et la Guinée Bissau Les domaines qui sont concernés ici sont ceux qui nous semblent en adéquation avec la situation sociale de la diaspora guinéenne et de ses pratiques de participation dans le développement du pays, jusqu'à nos jours, comme cela a été analysé dans cette étude, tout comme la capacité de l'État guinéen. Dans d'autres pays, il est possible de développer d'autres politiques (par exemple, au niveau des investissements financiers, grâce à des produits spécifiques promus par la banque, ou au niveau des participations gouvernementales dans des projets, comme dans le programme mexicain 3×1), mais comme nous l'avons vu dans les chapitres précédents, la réalité de la Guinée-Bissau et la capacité et la stabilité de sa gouvernance nous indiquent que la diaspora guinéenne doit être le point de départ pour les propositions que, nous croyons, pouvoir produire un résultat positif. Envois de fonds Pendant le processus d'enquête, nous avons constaté que les envois de fonds sont considérés comme étant un sujet qui fait partie de la sphère privée des familles, sur lesquels les informations qu'ils donnent ne sont que très générales. Dans une situation de diminution de l'activité économique dans les pays de destination, surtout en Europe et aux USA, il faut s'attendre à certaines réductions du flux d’envois de fonds, tout comme à une période de déplacement de ses origines, comme cela semble arriver entre le Portugal et l'Espagne quand les personnes déménagent à la recherche d'emploi dans un autre pays, qui n'est pas leur destination initiale de migration. Actuellement, les envois de fonds en numéraire circulent par des canaux formels de virement, comme la banque et le Western Union, ou informels, « de main à la main», pouvant même reproduire la métrologie de cette dernière institution, mais entre privés. Comme l'expérience d'autres pays le montre, le Gouvernement guinéen n'a rien à gagner à essayer de contrôler ces flux de forme rigide. L'information donnée à la diaspora au sujet des avantages et des inconvénients à utiliser les différents canaux, sans faire l'apologie d'aucuns d'entre eux, et le traitement de ces flux comme ressources fréquentes des familles sont le meilleur service que l'État peut avoir, pour que la diaspora gagne confiance dans les institutions formelles. Cette information doit être disponible sur Internet, mais aussi sur papier dans les associations de la 51

Ceux qui ont répondu à cette enquête ont parlé d'une promesse de réalisation d'un «Congrès» de la diaspora. Étant donné qu'il y a une certaine connotation de partis en ce qui concerne le terme, nous suggérons l'appellation «Rendez-vous». 76

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diaspora et dans les ambassades, étant donné le nombre significatif d'émigrants qui ont ou pas Internet. La même chose s'applique en ce qui concerne les envois de biens de consommation, ou les petites ventes. En plus de l'information sur la façon d'effectuer ces envois, le gouvernement doit approuver un régime d'exonération fiscale douanière à partir de l'émission de cartes d'émigrants, mais en tenant toujours compte du fait que cela peut être une voie qui peut faciliter le trafic illicite. Investissement direct de la diaspora Comme vous avez pu le constater dans cette enquête, l’investissement direct de la diaspora guinéenne existe et dans certaines régions il s’avère même très important pour le bien-être des populations. Gabu est un cas particulier, la seule ville où ce genre d'investissement atteint toute la population. Le mauvais fonctionnement de la justice en ce qui concerne la solution de conflits, le recouvrement de recettes fiscales au migrant que l'État ne facture pas aux résidants et la vision des migrants comme source globale de revenu, sont des difficultés qui empêchent que l'investissement des migrants sorte de la sphère purement familiale, ou du cercle d'amis, et puisse avoir une plus grande contribution quand au développement du pays. Cet investissement peut avoir des dimensions très variables, qui vont de la compagnie d'électricité de Gabu, au générateur qui permet de vendre de l'électricité aux voisins, au taxi à Bissau ou à la camionnette de transport public, au capital pour les petites boutiques et les étals de marché, jusqu’aux machines à décortiquer le riz et les équipements agricoles de moindre importance, ou même les graines et le bétail dans les zones rurales. La recommandation la plus évidente est la mise à disposition de l'information en ligne, adressée aux potentiels investisseurs de la diaspora, tout en sachant qu'il existe des niveaux d'instructions très différents et qu’ils peuvent avoir l'habitude ou non d'investir. Une autre recommandation est l'inclusion dans les célébrations de la Journée de la Diaspora d'un évènement orienté vers l'investissement des migrants. La construction d'un réseau de techniciens et d'hommes d'affaires travaillant toujours, y compris des personnes guinéennes et d'autres qui ont un intérêt pour le pays, afin de diffuser l'information et d’établir des contacts, ce qui est une réalisation importante et qui dans d'autres pays s'est révélée de grande utilité. La charge fiscale sur l'investissement doit être réduite, notamment, en ce qui concerne la construction d'écoles, de dispensaire de santé et d'autres équipements sociaux. L'introduction d'une période gratuite pour d'autres investissements, grâce à un instrument fiable, est une mesure qui doit aussi être prise en compte. À cet effet, il pourra être utile d'analyser le fonctionnement de ce qu'a été la "carte de l'émigrant", qui a existé jusqu'en 1990, selon l'information recueillie. Une autre dimension de cette sous-zone est l'aide aux émigrants dans les pays d'accueil, avec des programmes qui vont du microcrédit aux candidatures pour l'investissement en Guinée-Bissau à partir du crédit bancaire obtenu dans le pays d'accueil52. Merci de noter que l'investissement dans des projets qui ont un rapport avec la diaspora, mais de concrétisation dans les pays d'accueil, peuvent également être l'objet de politiques du gouvernement d'origine, en général, se résumant à des lignes de crédit pour les entreprises des émigrants qui ont une activité en relation avec la production du pays d'origine. Mais les pays de destination ont tendance à regarder de tels programmes comme quelque chose de favorable dans un environnement de concurrence. Capacitation institutionnelle à travers le transfert des ressources Ce sous-domaine peut être le centre des politiques du Gouvernement guinéen adressées aux professionnels hautement qualifiés. Cela correspond également à ce qui a été désigné de «retour des cerveaux», «banque de cerveaux», «circulation de cerveaux», etc. Les ressources sont en général, comprises comme des ressources humaines, mais l'expérience des autres pays nous indique que dans la plupart des cas de succès, on constate également des transferts de ressources physiques, comme 52

Le haut Commissariat pour l'Immigration et le Dialogue Interculturel, “Promoção do Empreendedorismo Imigrante”, em www.acidi.gov.pt/es-imigrante/informacao/promocao-do-empreendedorismo-imigrante. Un autre exemple est le guide pour l'investissement de la diaspora du Burundi, surhttp://pt.scribd.com/doc/21836481/BURUNDI-GUIDE-dinvestissement. Évaluation du potentiel de développement de la diaspora de Guinée-Bissau au Portugal et en France

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l'équipement hospitalier ou agricole. Cela implique certaines conditions que l'expérience permet de dire qu'elles sont nécessaires, mais pas suffisantes pour que les activités se passent bien: i)

que dans le pays de destination soit clair le processus d'absence temporaire d'un émigrant qui veut aller aider son pays d'origine, durant une courte période, et ensuite revenir, mas sans perdre les droits de travail qu'il a réussi à avoir entre temps53.

ii) que soit pris en considération que les émigrants ne sont pas toujours capables de gérer les limitations qu'ils trouvent dans leur pays d'origine (surtout les plus qualifiés et ceux qui sont hors circuit depuis longtemps), montrant de surprenants manques d'adaptation s'ils n'ont pas les informations nécessaires au préalable. iii) que les niveaux de rémunération pour ces activités de courte durée soient définis selon les niveaux locaux, de façon à ce que la collaboration des professionnels résidants soit assurée54. iv) que les institutions locales d'accueil soient impliquées dans ce processus dès le début, pour ne pas provoquer de tensions entre «ceux qui restent» et «ceux qui sortent», comme cela est arrivé dans d'autres pays (Libérie, Sierra Leone, Soudan du Sud, etc.). v) que soit évitée la tendance de n'avoir que des participations des élites de la diaspora pour ce genre de projet, tenant compte plus spécifiquement de la différence de qualifications détectée entre la diaspora guinéenne au Portugal et en France. Il est à noter que la participation de la diaspora peut également avoir une composante digitale, qui ne contraint pas à des déplacements, comme l'enseignement par le biais de tuteur, ou des cours brèves à distance, et qui en contrepartie peut être plus élargie, mais en ayant toujours en considération que l'accès et la capacité de fonctionnement d'Internet n'est pas encore une réalité universelle ni pour la diaspora guinéenne, ni pour la population d'origine. Cette composante de politiques est vue comme ayant comme leitmotiv la capacitation d'institutions publiques, ou privées, au travers du remplissage temporaire de spécialités de ressources humaines dans le pays d'origine avec des professionnels émigrants ayant les capacités de le faire. En général, cela veut dire que les secteurs comme la médecine, l’infirmerie spécialisée, l'enseignement universitaire et la formation professionnelle (les professionnels guinéens existants dans les municipalités en jumelage peuvent être une plus-value) sont prioritaires et réussissent à respecter les objectifs mieux que quiconque. Avec la méthodologie de « retour virtuel », il est évident que les possibilités se sont agrandies, allant de l'aide tutorielle technique aux étudiants ou professeurs jusqu'à la réalisation d'études spécialisées qui peuvent être élaborées pendant une période plus grande à partir d'un déplacement de courte durée au pays55. La mise en place de cette politique doit être faite avec une procédure mixte de candidatures individuelles pour les activités où il existe beaucoup de professionnels guinéens (comme le personnel de santé au Portugal, comptant 95 éléments inscrits dans l'Ordre des Médecins, selon l'information donnée en juin 2012) et de contacts directs à travers une invitation individuelle, à partir d'une structure dynamique centrale. Le peu d'adhésion à l'instrument pilote de la base de données, créée dans le cadre de l'enquête, nous permet de conclure qu'il faut un certain travail pour gagner la confiance des migrants. Philanthropie, ou investissement en capital social Dans ce sous-domaine, nous incluons les activités dans le pays de destination, ou d'origine, avec la participation de ressources fournies par les migrants et sans buts lucratifs. Ce sont les activités ci-après, et qui contribuent au prestige social de ceux qui les pratiquent : l'aide au 53

La législation portugaise et européenne au sujet de la migration circulaire peut servir d'exemple. Cf. SEF, 2010. Dans différents pays, ces programmes sont réalisés sur une base de volontariat altruiste. On croit que dans une première phase, cela peut être difficile pour la Guinée-Bissau. 55 Nous ne considérons pas que la participation en tant que chercheurs, ou consultants, dans des projets de recherche soit une activité faisant partie de ces recommandations, étant donné qu'elle se situe à un niveau de choix et de contacts personnels qui ne permettent pas l'adoption de procédure de généralisation. Et la Guinée n'a pas assez de chercheurs concentrés dans un seul et même pays de destination, ni assez de crédibilité institutionnelle nationale, pour pouvoir justifier auprès des créanciers internationaux, un programme d'aide pour les projets concernant le pays, à l'exception de ceux qui sont faits à partir de Bissau par l'INEP. 54

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pèlerinage à la Mecque, les donations à l'église ou à la Mosquée, les écoles (construction, mobilier, matériel didactique et paiement de l’enseignant), dispensaire de santé (construction, mobilier spécifique, médicaments, ambulances et salaires d'infirmiers), «bourses d'études» (en frais d'inscription, livres, matériel didactique, sac à dos et tabliers), promotion de rendez-vous et débats, aide aux cérémonies de mariage, ramadan, initiation sociale (fana), enterrement (toqua tchor), assainissement, puits et pompes à eau, électricité, amélioration des accès et réparation des rues, des maisons et des tabancas (le plus commun, ce sont les toits en plaque de zinc qui remplacent la paille traditionnelle) ou des bâtiments de villages et de villes de la zone d'origine, l'aide aux groupes de danse, de sports et de musique ou à des artistes individuels. Le modèle typique de politiques consiste en une aide financière de l'État aux initiatives prises par les migrants (Mexico Programa 3×1). Cependant, il ne nous semble pas qu'en Guinée-Bissau, l'État soit en mesure d'assumer toutes sortes de compromis de ce genre. Nous pensons, donc, qu'il est préférable de concevoir une méthodologie d'exécution de projets qui fasse également appel aux émigrants pour l'aide, mais aussi avec des objectifs très bien définis : une école dans une tabanca, des médicaments pour un dispensaire de santé de quartier, etc. Mais aussi où l'État ou les institutions privées nationales, puissent garantir un peu d'aide, au cas par cas. Aide au retour définitif Dans les entretiens, il n'y a pas d'indications importantes concernant les intentions de retour définitif en Guinée-Bissau. Ce que l'enquête montre c'est que les personnes qui reviennent au pays affirment toujours qu'elles émigreront de nouveau si elles en ont l'opportunité. Les émigrants interrogés au Portugal et en France, en général, affirment qu'un jour ils reviendront, mais ils placent cette action loin dans le temps, apparaissant plutôt comme une manifestation qu'ils ne répudient pas le pays où ils sont nés, qu'une réelle intention de repartir. En dépit du fait que l'analyse des données nous suggère (Chapitre 3) que, à l'âge de la retraite, le retour est plus fréquent que ce qui est attendu et des exemples de personnes qui sont repartis une fois à la retraite et qui ont opté pour l'exercice d'activités socialement notoires, comme mentionné au Chapitre 4. Le gouvernement peut approuver, avec la participation des émigrants, les politiques d'aide au retour définitif survenant des suggestions présentées dans ce travail, mais il nous semble plus logique que ce débat ait lieu ces prochaines années, après que la relation entre la diaspora et le gouvernement ait changé grâce à des actions concrètes.

5.2.2 Recommandations au niveau des programmes et projets Dans cette section nous suggérons au Gouvernement guinéen une architecture organisationnelle pour une politique de relation avec la diaspora, qui nous semble faisable, et qui cherche à répondre à la situation financière du peu de ressources du pays et à la fragilité de ses institutions, ainsi que l'existence dans la diaspora de professionnels qui pourront colmater les besoins nationaux qui existent dans différents secteurs, si la politique approuvée et appliquée réussit à gagner leur confiance. Mais ces suggestions supposent une situation de normalité dans le fonctionnement de l'Administration, du Gouvernement et des ambassades, sans laquelle nous pensons que la mise en place ne sera pas possible. Et la situation actuelle n'est pas du tout favorable, étant donné le contexte actuel où la situation politique et militaire ne favorise pas la crédibilité nationale et internationale du pays.

Architecture institutionnelle pour l'exécution de programmes et de projets Nous pouvons considérer un axe d'organisation, où l'on suggère l'ascension d'un compromis de stabilité de structure de la relation du Gouvernement avec la diaspora, au travers d'une conception qui ait des éléments indépendants des cycles et des crises politiques. Nous suggérons ici qu'il n'existe qu'un seul programme, sous-divisé en projets, avec l'appellation de Programme de Relation avec la Diaspora (PRODIGB). Ce programme a pour acteurs centraux le secrétariat d'État de la tutelle, ou son équivalent dans de futurs gouvernements, les ambassades et un conseil consultatif de la Diaspora Évaluation du potentiel de développement de la diaspora de Guinée-Bissau au Portugal et en France

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(CCDIGB), qui possède une existence juridique légalisée dans le pays de destination, de façon à pouvoir recevoir les financements publics pour les projets. Le secrétariat d'État aura la responsabilité de l'exécution de projets et d'établir la relation avec les deux autres acteurs. En parallèle, il existera un programme conçu comme un partenaire national, mais non dépendant du PRODIGB – l’Observatoire de la Diaspora guinéenne (ODIGB), dont le siège est à l'INEP, avec comme fonction l'élaboration d'études, le recueil de données et des propositions de projets de lignes de financement internationales. L'observatoire aura une assistance technique directe (AT) de l'OIM. Le conseil consultatif de la Diaspora (CCDIGB) sera élu par les associations légalisées dans le pays d'accueil et aura comme fonctions celles de participer à la définition des politiques, aux études à élaborer et aux projets, et surtout, il aura un rôle central dans la politique de confiance. Les entités – PRODIGB, CCDIGB et ODIGB – auront avec les ambassades les responsabilités définies au cas par cas pour chaque projet commun. L'axe Observatoire + Associations donne un peu de stabilité indépendamment des changements et des crises gouvernementales. l'exécution de programmes et de projets Graphique 5.1 : Architecture institutionnelle pour l’exécution

PRODIGB/SE/MNE PRODIGB/SE/MAE

CCDIGB

AMBASSADES

ASSOCIA TIONS ODIGB

AT

Les projets Indépendamment des projets, nous pouvons considérer deux axes de financement auxquels le pays pourra recourir, étant donné que le Budget général de l'État n'a pas la capacité d'assurer les subventions nécessaires: L'axe de politique nationale. Dans la phase actuelle du budget national très déficitaire, cet axe attribuera en gros des fonctions à l'intérieur des projets qui sont suggérées plus loin comme bons pour les fonctionnaires et les installations déjà existantes. L'axe des lignes internationales de financement de la Coopération. Élaboration de projets à inclure dans les programmes de coopération avec des partenaires bilatéraux, suivant l'exemple de ce qui se passe déjà dans les pays comme la Belgique, ou le Canada, pour les diasporas d'autres origines, ou les organisations internationales comme la Banque Mondiale, l'Union Européenne et surtout l'OIM, en tenant compte du fait que la Guinée-Bissau est un état dont la situation fragile est connue.

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Les réunions avec les autorités guinéennes à Bissau, dans le cadre de cette enquête, nous mène à croire qu'elles sont conscientes de l'existence de programmes adressés aux diasporas, dans différents pays, ou dans des organisations internationales, qui pourront permettre l'organisation de candidatures d'associations de la diaspora à des lignes de financement pour l'exécution de projets concrets dans les zones d'origine, que ce soit dans l'optique de coopération bilatérale, ou dans une optique multilatérale. La diaspora guinéenne a une grande variété de compétence, certaines plus qualifiées que d'autres, pouvant postuler à des programmes/projets transversaux à tous les domaines relatifs à la coopération, par exemple, ceux qui sont éligibles dans les lignes de financement de l'Union Européenne. Au Portugal, pour pouvoir postuler à ces financements, les associations doivent être reconnues par l'ACIDI, devenir des ONGD reconnues par l'IP Camões56et chercher, dans les premières années, des alliances avec d'autres acteurs non gouvernementaux et gouvernementaux pour les candidatures, ayant comme exigence une intervention d'au moins 3 ans. Il est à noter qu'il existe plusieurs ONG en Guinée Bissau qui peuvent, facilement, être des parts nationales de projets, s'il n'existe pas de structures nationales dans les zones/régions/tabancas où les migrants veulent intervenir. Comme on l'a vu au Chapitre 4, ces ONG, telles que les internationales, jouissent d'un capital social positif, en général supérieur à celui de l'État (voir Chapitre 4) Dans une phase pilote, nous suggérons que le PRODIGB soit composé de deux projets – «Faire confiance» et «Développement» – et l’ODIGB d'un projet – «Connaitre». À partir d'une exécution qui satisfasse les intervenants et les créanciers, de nouveaux projets pourront être conçus dans une deuxième phase, individualisant les activités du «Développement». Projet Faire Confiance Institutions impliquées: PRODIGB, Ambassades et CCDIGB Résultats souhaités : i)

organisation, avec le CCDIGB, d'un conseil consultatif de la diaspora, par pays de destination, avec des membres élus par les associations, la participation permanente avec le pays grâce à l’Internet et une réunion annuelle avec le Gouvernement guinéen.

ii) enquête annuelle permanente au sujet de la satisfaction individuelle de la diaspora, en articulation avec l’ambassade respective. iii) des feuilles mensuelles de diffusion, dans les ambassades, des opportunités d'emploi en Guinée-Bissau, y compris dans les organisations internationales avec une représentation à Bissau, ayant comme source minimale les journaux de la ville. iv) organisation de la Journée de la Diaspora, ou de l'Émigrant, réalisée annuellement dans les pays de destination et en Guinée-Bissau. v)

Approbation par le gouvernement de règlements pour le recrutement du personnel technique pour l'Administration publique guinéenne, qui soient transparents et ouverts à la candidature d'émigrants, sans que ces derniers aient à se déplacer en Guinée Bissau à cet effet.

vi) Mise en place de la législation déjà existante relative à la capacité de vote des Guinéens de la diaspora, permettant ainsi que, au moins dans les pays ayant les plus grands contingents, il soit possible de voter. Projet Développement Institutions impliquées: PRODIGB et CCDIGB Résultats souhaités: En général, l'élaboration et la distribution, par les associations de la diaspora et par les ambassades, d'un manuel de la diaspora qui contienne des informations importantes, détaillées et écrites en ayant la 56

L'actuel Institut da Língua e de Cooperação, IP Camões est le fruit d'une fusion de l'ancien Instituto Camões (IC) avec l'ancien Instituto Português de Apoio ao Desenvolvimento (IPAD), le nouvel institut passant à réunir la politique de promotion de la langue et de la culture portugaise avec les politiques de coopération internationale. Évaluation du potentiel de développement de la diaspora de Guinée-Bissau au Portugal et en France

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préoccupation de pouvoir aider en ce qui concerne toutes les étapes nécessaires en ce qui concerne les différents actes que la diaspora pratique. Plusieurs pays ont un manuel de ce genre, qui peut servir d'inspiration pour l'élaboration d'un manuel adapté aux besoins de la diaspora guinéenne. a) Envois de fonds (PRODIGB) i)

Mettre à disposition l'information du manuel par le biais de l’Internet, mais aussi sur papier, dans les associations de la diaspora, les Ambassades et en Guinée Bissau.

ii) Approbation d'un régime d'exonération ou de réduction fiscale en ce qui concerne la douane, à partir de l'émission d'une carte du migrant. b) Investissement direct (PRODIGB et CCDIGB) i)

Inclure dans les célébrations de la Journée de la Diaspora un évènement orienté vers l'investissement.

ii) Définir une période de gratuité pour les investissements, grâce à un instrument légal et fiable, conçu, éventuellement, à partir de l'analyse de l'ancienne "carte de l'émigrant" qui a existé jusqu'en 1990, selon l'information recueillie. iii) Proposer aux entités des pays de destination la création de lignes de crédit destinées aux immigrants guinéens, pour une aide à l'investissement en Guinée Bissau. c)

Retour temporaire (PRODIGB et CCDIGB)

i)

Organisation, avec les entités locales de la Guinée-Bissau, d'un nombre déterminé au préalable de déplacements de membres de la diaspora qualifiée, sur de courtes périodes de temps (un à trois mois) et à partir d'accord de définition de besoin, avec une planification annuelle divulguée.

ii) Garantir, avec les pays d'accueil, que leur cadre légal ne porte pas préjudice aux immigrants lors de ces sorties temporaires. Le bon fonctionnement du programme pourra permettre un agrandissement temporaire de la présence, mais répétée au long de l'année, de professeurs et de chercheurs qui accumulent la recherche avec le soutien en matière d'enseignement, ou d'orientation de thèses, à l'Université Hamilcar Cabral ou dans des institutions privées. d) Investissement social (PRODIGB et CCDIGB) i)

Rechercher des fonds pour soutenir une méthodologie d'exécution de projets d'émigrants, mais avec des objectifs bien définis et une procédure de candidature ouverte et transparente.

ii) Réduire la charge fiscale concernant les investissements pour la construction d'écoles, de dispensaires de santé et autres équipements sociaux, y compris les routes. Projet Connaître Institutions partenaires impliquées: ODIGB et CCDIGB Résultats souhaités: i)

Création d'une page Web de la diaspora à inclure dans le site de l'INEP.

ii) Définition des contenus et du travail correspondant pour la manutention de la page, avec l'introduction permanente d'informations. iii) Élaboration d'une étude similaire à la présente pour le Sénégal, le Cap-Vert et l'Espagne. iv) Étude d'un programme de soutien aux migrants sans documents de résidence légaux dans les pays d'accueil, afin de les présenter au Gouvernement guinéen. Comme dans le cas précédent, le bon fonctionnement du programme pourra permettre un élargissement de la présence temporaire, mais répétée au long de l'année, de professeurs, de chercheurs qui accumulent la recherche et le soutien dans l'enseignement, ou l'orientation de thèses, dans l'Université Amílcar Cabral ou les institutions privées. 82

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L'OIM pose le principe selon lequel les migrations s'effectuant en bon ordre et dans le respect de la dignité humaine sont bénéfiques pour les migrants et la société. En tant qu’organisation intergouvernamentale, l’OIM agit avec ses partenaires de la communauté internationale en vue de: contribuer à relever concrétement les défis croissants que pose la gestion des flux migratoires; favoriser la compréhension des questions de migration; promouvoir le développement économique et social à travers les migrations, et œuvrer au respect de la dignité humaine et au bien-être des migrants. Coordination éditoriale: OIM Lisbonne et le Centre d´Études sur l´Afrique et le Développement (CEsA) Edité par: Organisation internationale pour les migrations Mission au Portugal Rue José Estêvão, nº 137 – 8º 1150-201 Lisbonne Portugal Tel: +351 21 324 29 40 Fax: +351 21 324 29 49 E-mail: [email protected] Conception graphique et impression: DPI Cromotipo Dépôs légal : 350454/12

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