astelab.com/session mecanique/06 mauxion


597KB taille 36 téléchargements 466 vues
Analyse modale opérationnelle Operational modal analysis Gilles Mauxion MBDA - Vélizy

Résumé Le but de cette publication est de présenter l’activité d’analyse modale au sein de MBDA, et surtout de montrer que l’analyse modale opérationnelle constitue un complément riche en informations avec applications multiples : sur pots vibrants, en soufflerie ou sur site, sur structure ou sur électronique. Cette note s’articule autour de trois chapitres : L’un donne une vue sur les essais d’analyse modale classiques, où un exemple est présenté pour montrer à quel point les analyses modales opérationnelles, objet de cette note, peuvent apporter quelque chose à l’avenir. Le deuxième présente les bases théoriques des méthodes des sous-espaces stochastiques dans le domaine temporel. Enfin le troisième a pour but de présenter des exemples d’application sur des cas concrets. Abstract The aim of this paper is to present the Modal Analysis work at MBDA, and particularly to show that Operational Modal Analysis is a usefull tool for multiple applications : on shakers, in wind tunnel test, or in field, on structures or on electronics ; This paper is build around three chapters : the first give a view on the classical modal analysis tests, where an example is presented in order to show how much Operational Modal Analysis could help in the future. The second presents the theoretical basis for the stochastic sub-space in time domain method. Then the third aims to present Operational Modal Analysis examples.

1.

INTRODUCTION

Un essai d’analyse modale consiste à acquérir les FRF accélération sur force pour extraire les paramètres modaux. Ces résultats sont utilisés en premier lieu pour recaler et valider dynamiquement les modèles. Ces derniers occupent une place de plus en plus importante sur l’ensemble de nos programmes en phases de spécification, conception et validation. q q q q q q q q

Préparer les premiers essais sol structuraux ; risques, marges par rapport au besoin, stratégie de pilotage. Compléter les essais dynamiques, prise en compte des tolérances pénalisantes de la définition, simulation de contraintes résiduelles défavorables, mieux maîtriser les marges dégagées par l’essai. Garantir une meilleure maîtrise des marges des structures pour tenir les chocs d’appontage et de catapultage et conserver l’intégrité mécanique, calculs d’endommagement, après un certain nombre d’heures de vol sous avion. Jouer un rôle pour spécifier. Les cas de charge en statique sont spécifiés pour couvrir le comportement dynamique dans les basses fréquences incluant les premiers modes élastiques, équivalents statiques. Eviter en conception les couplages entre la structure et la plate-forme ou/et l’excitation. Placer les filtres de pilotage dans le cas d’un missile en vol libre, pour faire la distinction entre les modes de structure et les ordres de pilotage. Prévenir les risques de “flutter”, interaction entre l’excitation aérodynamique et la réponse de la structure. Fournir un indicateur de vieillissement, évolution des fréquences et des amortissements.

Les essais d’analyse modale sont généralement conduits en libre-libre avec des excitateurs suspendus de faibles puissances, la maîtrise des conditions limites, des forces d’excitation avec des moyens de mesure adaptés, nous permet ainsi d’identifier avec précision les paramètres modaux. L’analyse modale opérationnelle utilisant des réponses en accélération dans les conditions opérationnelles constitue un complément riche en informations pour palier les obstacles rencontrés sur nos systèmes : q Les conditions d’utilisation sont différentes des conditions d’essai en terme de conditions limites et d’excitation. q Nos structures équipées sont suffisamment non-linéaires aux liaisons pour observer des écarts entre les conditions d’essai et les conditions d’utilisation. q Les tolérances géométriques sont suffisantes pour générer également des écarts significatifs en fréquence d’un spécimen à l’autre. q La masse du missile diminue au cours du vol, le réservoir se vide, provoquant une baisse en fréquence. Astelab 2003

6-1

Analyse modale opérationnelle

2.

ESSAIS D’ANALYSE MODALE CLASSIQUES ; EGSS

Les essais d’analyse modale sont le plus souvent réalisés en configuration libre-libre car ce type de condition limite est mieux maîtrisé ; le matériel est suspendu par des sandows de façon à avoir des premiers modes de corps rigide très bas (1 ou 2 Hz) et découplés des modes de structure recherchés. Ces essais sont intéressants car nous maîtrisons parfaitement à la fois les forces d’excitation et les conditions limites, ils sont les seuls à pouvoir nous offrir des résultats où les fréquences sont identifiées à 1 % près, les vecteurs propres à 2 % et les amortissements à 5 % ; cela bien entendu dans des conditions d’essai données qui en général peuvent s’écarter des conditions opérationnelles. EGSS est un missile de croisière, les points et ddl constituant la géométrie ont été retenus avec l’aide du modèle EF Nastran et du logiciel LMS Link-pretest, les emplacements des excitations et des réponses ayant été validés. D’autres contraintes entrent en jeu dans le choix des points d’excitation comme la répartition de l’énergie ou la possibilité d’usiner un trou taraudé pour venir ancrer un point d’introduction de force.

Figure 1 - Premier mode symétrique des ailes Les modes les plus intéressants vis-à-vis du pilotage et de la tenue structurale sont les modes d’ailes et les premiers modes de flexion d’ensemble. Le mode d’aile anti-symétrique qui entraîne le missile en roulis est le plus critique pour garder le contrôle du missile. Ces informations participent au recalage du modèle numérique, ce recalage est important pour différentes raisons : • Calculs de tenue en fatigue des structures avec prise en compte des conditions pénalisantes en termes de contraintes résiduelles. Ces calculs sont réalisés vis-à-vis de la définition de référence et du profil de vie d’emport spécifié, mais aussi pour les maquettes de développement qui volent sous M2000, Rafale, et Tornado avec un profil de vie sur mesure. • Tenue aux chocs d’appontage et catapultage à charge extrême. • Fourniture d’un modèle condensé à l’avionneur, avec comme utilisation les simulations avion + missile aux cas de catapultage et d’appontage et l’étude des risques de flutter. • Filtres de pilotage, les ordres de braquage des gouvernes sont découplés des fréquences de résonance. Les essais d’analyse modale sont faits avec des niveaux d’excitation faibles (< 10-4 g²/Hz), nous avons mis en évidence expérimentalement des non-linéarités, les fréquences diminuent et les amortissements augmentent quand les niveaux augmentent, ces non-linéarités sont dues en partie aux nombreux équipements massiques interfacés avec des jeux. La figure 2 ci-dessous, obtenue en analyse modale libre-libre, donne l’évolution d’un mode de flexion quand les entrées sont multipliées par 10.

Astelab 2003

6-2

Analyse modale opérationnelle

Figure 2 - Evolution d’une FRF avec 20 N ou 200 N Même constat observé quand nous effectuons les essais de vibrations en configuration emport, les modes de flexion perdent 6 % avec 10 dB d’écart en entrée.

Photographie des essais de vibration d’emport - Vélizy Les fréquences calculées sont assez éloignées de celles mesurées en essais d’analyse modale, (- 12 %), nous expliquons cela : q En grande partie par les non-linéarités sachant que le choix lors du recalage du modèle s’est porté sur les essais de vibrations en emport réalisés avec des niveaux plus forts, 20 dB plus fort est un ordre de grandeur. En effet il est préférable d’avoir un modèle recalé dans les cas d’excitations maximums, pour la tenue des structures. q D’autre part, une analyse de sensibilité sur les épaisseurs de fonderie a montré que l’on pouvait avoir ± 6 % en fréquence par rapport aux tolérances nominales. Astelab 2003

6-3

Analyse modale opérationnelle Un autre paramètre perturbateur est le fait que le réservoir se vide au cours du vol libre, les deux fréquences des deux premiers modes de flexion augmentent. q

Sur une telle structure complexe, les résultats présentés ci-dessus montrent l’intérêt des méthodes d’analyse modale opérationnelle.

Le recalage des modèles s’appuie de façon complémentaire sur les essais faits en sinus balayé, en configuration encastré-libre lors des vibrations d’emport sous un montage en pendulaire.

3.

ANALYSE MODALE OPERATIONNELLE : THEORIE

Un certain nombre de méthodes existent, dans les domaines temporel et fréquentiel, nous nous sommes intéressés aux méthodes des sous-espaces stochastiques. Nous avons développé ces méthodes sous Matlab pour mieux les connaître.

3.1.

Reformulation en système d’état discret

Le système d’équations du mouvement pour un système linéaire dynamique à n 2 points indépendants M&z& + ζ &z + Kz = F peut être reformulé en écrivant dans le domaine temporel continu le système d’état suivant :

x& = A c x + Bc u y = Cx + Du Avec :

I   0 z   0  Ac =  ; x =   ; Bc =  −1  ; F( t ) = B2 u( t ) −1 −1  − M K − M ζ z&  M B2 

[

]

C = Cd − Ca M −1 K Cv − C a M −1ζ , et D = Ca M −1 B2 , La matrice A c est de dimension n,n avec n=2n 2, elle se nomme matrice d’état, x de dimension n,1 étant le vecteur d’état. La matrice B2 de dimension n 2 ,r traduit le fait que nous avons r entrées réparties sur les n 2 points. Nous avons des mesures en m points (accélération ou autre), telles que : y = Ca &z& + C v z& + Cd z , Les matrices Ca, Cv , Cd , de dimension m,n 2 donnent les relations entre le signal issu du capteur et les accélérations, ou vitesses, ou déplacements aux n 2 points. D’autre part nous avons : &z& =

M −1 ( B2 u − ζz& − Kz) , soit y = Ca (M −1 (B2 u − ζ z& − Kz)) + Cv z& + Cd z . t

L’équation

x& = A c x + Bc u a pour solution générale : x( t ) = e A c ( t − t 0 ) x( t 0 ) + ∫ e A c ( t − τ ) Bc u( τ) dτ . t0

Les mesures sont échantillonnées avec un ∆t donné, l’équation ci-dessus, où x(t 0 ) est la condition intiale, va nous permettre d’écrire une relation entre x(k+1) et x(k), séparés par un ∆t . En effet

x( k + 1) = e

A c ( ∆t)

x( k ) +

( k +1) ∆ t A c ((k +1) ∆ t − τ)

∫e

Bc u ( τ)dτ .

k∆t

En considérant que suivant :

u ( τ) est constant sur un pas d’échantillon, on obtient le système d’état dans le domaine discret

x( k + 1) = Ax ( k) + Bu ( k ) y( k ) = Cx( k ) + Du ( k) Ce système d’équation est à la base de la plupart des techniques d’identification des paramètres modaux dans le domaine temporel à partir des réponses mesurées. A se nomme matrice de transition. Astelab 2003

6-4

Analyse modale opérationnelle

3.2.

Paramètres de Markov

Avec pour entrée une impulsion telle que s’écrire

y m ,1 ( k ) = Yk .{1}r ,1 .

Relation dans laquelle nous définissons :

{u ( 0)}r,1 = {1}r,1

et

{u ( k )}r,1 = {0}r ,1

∀k > 0 , les réponses peuvent

Y0 = D; Y1 = CB; Y2 = CAB;....; Yk = CAk −1B .

Ces matrices de dimension m,r s’appellent les paramètres de Markov et peuvent être déterminés à partir des réponses à une impulsion, transformées inverses de fourrier des FRF. k

Dans un cas plus général les réponses s’écrivent :

y( k ) = ∑ Yi .u( k − i ) i =0

Cette relation montre que les réponses à l’échantillon k sont issues des entrées aux échantillons k, k-1, …, 0 pondérées par les matrices de Markov Y0 , Y1 , …, Yk .

3.3. DFT et fonctions de corrélations Pour u(t), possédant l échantillons temporels la DFT (Discrete Fourrier Transform) s’écrit :

U(f k ) = U( k ) =

 2 πk  i l 

− j 1 l −1 u (i )e  ∑ l i =0

Le peigne fréquentiel est tel que

∆f =

.

1 k k ; T = l∆ t ; f k = = . T T l∆ t l −1

Inversement, la fonction inverse DFT-1 :

 2 πk  j i l 

u ( k ) = ∑ U(i )e  i= 0

Les fonctions d’auto-corrélation et inter-corrélation se calculent de la façon suivante :

1 l− k ∑ u (i + k )u T (k ) . Matrice carrée de dimension r,r. l − k i =1 1 l− k R yu ( k ) = y(i + k ) u T (k ) . Matrice de dimension m,r ∑ l − k i =1 R uu ( k ) =

Les fonctions d’auto-corrélation et inter-corrélation sont les transformées de fourrier inverses des auto et inter-spectres.

3.4. Matrices de contrôlabilité et d’observabilité x( k + 1) = Ax ( k) + Bu ( k ) nous permet d’écrire le vecteur d’état à l’échantillon p de cette façon :  u( p − 1)  u ( p − 2)    x( p) = A p x ( 0) + B AB A 2 B ... Ap −1 B  u( p − 3)   ...     u ( 0) 

La relation

[

On appelle la matrice

]

[

]

Q p = B AB A 2 B ... Ap −1 B , matrice de contrôlabilité.

Un système est contrôlable si tout état x(k) peut être obtenu à partir de n’importe quel état initial x(0), sous l’effet d’actions de contrôle u(0), u(1), ….On montre que le système est contrôlable si la matrice de contrôlabilité d’ordre n,rp est de rang n. Sa décomposition en valeurs singulières fera apparaître n valeurs singulières non nulles.

y( k ) = Cx( k ) + Du ( k) , avec u(k)=0, nous permet d’écrire :  y( 0)   C   y(1)   CA     {x (0)}  =   M M    p  y( p)  CA 

La relation

Astelab 2003

6-5

Analyse modale opérationnelle

 C   CA   est nommée matrice d’observabilité. Un système est dit observable si la connaissance, ou La matrice Pp =   M   p  CA  l’observation, de u(k) et y(k) sur un intervalle fini permet d’en déduire n’importe quel état ultérieur x(p) . On montre que le système est observable si la matrice d’observabilité d’ordre mp,n est de rang n.

3.5. Identification des paramètres modaux Rappelons l’expression du système d’état dans le domaine discret :

x( k + 1) = Ax ( k) + Bu ( k ) y( k ) = Cx( k ) + Du ( k) Les réponses à une impulsion font apparaître les paramètres de Markov, matrices de dimensions m,r :

Y0 = D; Y1 = CB; Y2 = CAB;....; Yk = CAk −1B Les matrices A, B, C, D peuvent être calculées par l’acquisition expérimentale des réponses à une impulsion, transformées inverses de fourrier des FRF accélération/force. Prenons un nouveau vecteur d’état en posant : x=Tz, nous obtenons le nouveau système d’état suivant pour les mêmes entrées u et les mêmes réponses y :

z ( k + 1) = T −1 ATz (k ) + T −1Bu (k ) y( k ) = CTz ( k ) + Du (k ) Il y a donc une infinité de matrices A, B, C, D conduisant aux même résultats, mais avec plus ou moins d’effort à accomplir pour déterminer les paramètres modaux. Les paramètres modaux sont obtenus à partir des valeurs propres et vecteurs propres de la matrice A, notés :

Λ = diag (λ1 , λ 2 ,K , λ n ) ψ = [ψ1 , ψ 2 , K, ψ n ] Les fréquences propres et amortissements sont calculés en se ramenant dans le domaine continu :

Λ c = ln( Λ ) / ∆t . Les vecteurs propres de A donnent les déformées aux points de mesure avec la relation :

A = e A c ( ∆t ) ;

Φ = CΨ .

Les méthodes pour calculer les matrices A, B, C et D commencent par la formation de la matrice de Hankel :

 Yk Y k +1 H( k − 1) =   M  Yk + p −1 Nous

avons

Yk +1 L Yk + q −1  Yk + 2 L Yk +q  de dimension mp,rq.  M  Yk + p Yk + p + q − 2 

l’égalité

H( k − 1) = Pp A k −1Q q .

suivante

Nous

reconnaissons

dans

cette

relation

 C   CA  2 q −1  la matrice d’observabilité). Qq = B AB A B ... A B (la matrice de contrôlabilité) et Pp =   M   p  CA 

[

Astelab 2003

]

6-6

Analyse modale opérationnelle Maintenant, nous nous plaçons dans le cas de l’analyse modale opérationnelle où nous ne connaissons pas les paramètres de Markov, nous avons des réponses à des excitations inconnues et différentes d’une impulsion. Nous utilisons les fonctions de corrélation (transformées inverses de fourrier des auto et inter spectres) au lieu des réponses à une impulsion, les méthodes d’identification des paramètres modaux restent identiques. Choix de r références parmi m réponses, l échantillons temporels, nous calculons les matrices (dimension m,r comme les matrices de Markov définies ci-dessus) :

Rk =

1 l− k y(i + k ) y Tref (i ) ∑ l − k i =1

Nous construisons cette fois la matrice de Hankel avec Rk :

 Rk R k +1 H( k ) =   M  R k + p −1

R k +1 L R k + q −1  Rk +2 L R k +q   M  R k +p R k +p +q −2  R k = CA k G de cette façon nous pouvons écrire A2 G ... Aq −1 G (matrice de contrôlabilité) et

Nous faisons l’hypothèse de l’existence d’une matrice G telle que

H( k ) = Pp A k Q q

avec

cette

fois

[

Qq = G AG

]

 C   CA   (matrice d’observabilité). Pp =   M   p −1   CA  H( 0) = Pp Qq = RΣ ST (décomposition en valeurs singulières). H est de rang n, n valeurs singulières, nous calculerons n modes.

Σ 0  Σ= n  . Σ n = diag ( σ1 , σ2 ,K , σ n ) , avec σ1 ≥ σ2 ≥ K ≥ σn ≥ 0  0 0 H( 0) = Pp Qq = RΣ ST = R n Σ n STn = R n Σ1n/ 2 Σ1n/ 2 STn

Nous pouvons écrire

Rn : n premières colonnes de R Sn : n premières colonnes de S Il y a ensuite un grand nombre de méthodes, de variantes, par exemple nous pouvons maintenant utiliser H(1) :

H(1) = Pp AQ q = R n Σ 1n/ 2 AΣ 1n/ 2 STn . D’autre part R Tn R n = STn Sn = I n si bien que :

A = Σ −n 1 / 2 R Tn H(1)Sn Σ −n 1 / 2 .

Autre exemple : la méthode BR utilisée par le logiciel LMS :

Pp = R n Σ1n/ 2

 C   CA   =  M   p −1  CA 

 CA   CA 2  '  = Pp −1 A si bien que A = Pp⊕−1 Pp' Nous notons Pp =   M   p −1   CA  Nous faisons ici une approximation par le calcul de la matrice pseudo-inverse au sens des moindres carrés Astelab 2003

6-7

Analyse modale opérationnelle

Pp⊕−1 = ( PpT−1 Pp −1 ) −1 PpT−1

4.

ANALYSE MODALE OPERATIONNELLE : APPLICATIONS

4.1.

Validation sur un missile air-air

Nous avons développé des programmes sous Matlab de façon à mieux connaître la théorie, mais nous utilisons de préférence les licences LMS disponibles sous Cada-X, plus puissantes en pratique elles sont en contrepartie à nos yeux des boites noires : nous n’avons pas accès à tous les paramètres comme la dimension de la matrice de Hankel ou la troncature modale effectuée à l’issue de la décomposition en valeur singulière de cette matrice de façon à éliminer les valeurs singulières faibles pouvant être associées à des modes purement mathématiques issus du bruit de mesure, et non physiques. Les licences LMS offrent plusieurs méthodes : BR, LSCE et CVA, notre préférence se tourne sans ambiguïté sur la méthode BR. Nous avons commencé par valider ces méthodes en exploitant un essai d’analyse modale classique : d’un côté nous opérons classiquement avec la mesure des forces d’entrée pour calculer les FRF accélération sur force avec en parallèle la sauvegarde des temporels qui nous permettent ensuite de mettre en pratique les méthodes d’analyse modale opérationnelle sans utiliser la connaissance des forces d’entrée. Ces essais ont été réalisés en bi-excitation avec plusieurs niveaux : 50 N et 300 N crête. L’essai à 300 N conduit à des accélérations proches de celles rencontrées en vol libre. Nous nous sommes intéressés aux deux premiers modes doubles de flexion, pour chaque méthode et quelle que soit la force d’entrée, nous avons obtenu des résultats en fréquences et déformées très proches de ceux issus des méthodes classiques déjà validées, les résultats sont plus dispersés concernant les amortissements. Nous constatons pour le premier mode double de flexion : q Ecart maxi de 0,6 % sur la fréquence, quand la Force est de 50 N. q Ecart maxi de 1 % sur la fréquence, quand la Force est de 300 N. q Ecart maxi de 26 % sur l’amortissement, quand la force est de 50 N. q Ecart maxi de 35 % sur l’amortissement, quand la force est de 300 N. Et concernant le deuxième mode double de flexion : q Ecart maxi de 0,7 % sur la fréquence, quand la Force est de 50 N. q Ecart maxi de 1,7 % sur la fréquence, quand la Force est de 300 N. q Ecart maxi de 43 % sur l’amortissement, quand la force est de 50 N. q Ecart maxi de 99 % sur l’amortissement, quand la force est de 300 N. Cet exemple a permis de valider l’outil LMS (et nos programmes Matlab). Nous remarquons que la détermination des fréquences et amortissements est meilleure avec un niveau d’entrée faible, conduisant à des mesures de très bonne qualité faiblement bruitées. Dans ce cas nous avons des accéléromètres adaptés avec les meilleures sensibilités, des étendues de mesure optimisées pour chaque voie. Les mesures issues des conditions opérationnelles ou sur pots vibrants sont très rarement, pour ne pas dire jamais, de cette qualité.

4.2.

Données issues de Nastran

Pour chercher à connaître les limites des méthodes, nous avons eu l’idée d’utiliser des sorties issues de modèles Nastran : deux modèles ont été excités par des signaux aléatoires stationnaires, un missile air-air en libre-libre et un lance-missile et son missile, encastré-libre ; ensuite les réponses en terme d’accélération calculées par Nastran ont fait l’objet d’une analyse modale opérationnelle. Cela offrait les avantages ci-dessous : q Les paramètres modaux réels sont connus, nous pouvons quantifier les erreurs précisément, y compris pour les amortissements. q Nous pouvions introduire dans le modèle des non-linéarités, et regarder comment réagissent les méthodes. Malgré quelques difficultés apportées par des approximations faites par Nastran, nous avons retrouvé les modes réels du modèle EF avec une bonne fidélité, comme le montrent le tableau ci-dessous et la figure 3 avec les déformées comparées. Lance-missile + Missile Mode 1 Mode 2 Mode 3 Astelab 2003

Fréquence (Hz) Ecart en % Nastran / Estimé 0,00% 2,50% 0,86% 6-8

ξ (%) Ecart en % Nastran / Estimé -4,00% -32,00% -42,00%

Analyse modale opérationnelle Mode 4 Mode 5

-2,16% 2,87%

-80,00% -36,00%

Missile air-air en libre-libre Mode 1 Mode 2

Fréquence (Hz) Ecart en % Nastran / Estimé 1,67% 4,26%

ξ (%) Ecart en % Nastran / Estimé 2,00% 15,00%

Figure 3 Déformées Nastran

4.3.

Déformées estimées

Essais d’analyse modale opérationnelle sur équipements électroniques

Au cours des essais sur équipements électroniques, nous exploitons les essais de type balayage en sinus pour identifier les fréquences de résonance. Si celles-ci sont effectivement identifiées nous avons peu d’information finalement sur les amortissements, les déformées et les couplages entre cartes et boîtier. Les défauts rencontrés des composants électroniques sous l’effet des vibrations, ont généralement pour explication trois principes : q q q

Rupture mécanique sous l’effet de l’inertie, composants lourds soumis à une accélération normale ou transverse au plan de la carte. Effet des déformations induites par les modes propres des composants, rupture mécanique au sein du composant ou au niveau des connexions. Résonances des cartes pouvant se coupler au boîtier, les efforts appliqués dans les connexions des composants sont apportés par les déformations de la carte.

En pratique, nous rencontrons souvent le troisième cas, il est donc important de bien connaître les déformées de la carte et les rayons de courbure sous les composants. Nous pouvons utiliser un vélocimètre laser à effet doppler avec balayage Astelab 2003

6-9

Analyse modale opérationnelle de la carte, cela permet d’avoir une très bonne idée des déformations de la carte. En revanche ce moyen, incontournable quand les cartes sont petites, ne fournit pas directement les paramètres modaux (fréquences, amortissements, vecteurs propres), et il n’est pas souvent possible de viser une carte à l’intérieur d’un boîtier. L’analyse modale opérationnelle, avec une instrumentation adaptée, environ 24 voies pour une carte et de 60 à 100 voies pour un boîtier, est dans certains cas intéressante. Des essais ont été réalisés sur des équipements et sur des cartes électroniques montrant qu’il est possible d’obtenir de bons résultats pour ce type d’équipement au cours d’essais en environnement sur pots vibrants. Figure 4 – Carte seule - Eléments Finis / Essais

5. CONCLUSION Nos structures sont de moins en moins surdimensionnées, les chocs d’appontage et de catapultage sur le PA Charles de Gaulle sont plus sévères, les composants civils plus fragiles se généralisent. La validation en dynamique devient plus importante et repose sur une modélisation validée. L’analyse modale opérationnelle permet de combler les lacunes des essais d’analyse modale actuels. Par ailleurs, les moyens de mesure et de sauvegarde ainsi que les stations de travail sont de plus en plus performants, cela autorise maintenant une instrumentation suffisamment riche, in-situ ou en laboratoire, avec des temps de calcul raisonnables. L’application de ces méthodes sur des exemples concrets nous a montré : Astelab 2003

6 - 10

Analyse modale opérationnelle q q q q

La méthode BR (Balanced realization), dans le domaine temporel, est la meilleure parmi celles mises à disposition. Les résultats sont excellents quand les mesures sont de très bonne qualité avec des amortissements faibles (ξ ≈ 1%), nous estimons une erreur de ± 1 % sur les fréquences et de ± 100 % sur les amortissements. Les résultats sont plus difficiles à interpréter quand les mesures sont bruitées avec amortissements plus importants (≥ 5 %), les diagrammes de stabilisation sont moins clairs, nous estimons une erreur de ± 5 % sur les fréquences. L’analyse modale opérationnelle ne peut pas remplacer les essais d’analyse modale classiques, car ces derniers nous placent dans des conditions idéales de mesure, l’analyse des données conduit à des résultats précis et clairs. L’analyse modale opérationnelle est un complément très instructif.

Les applications de l’analyse modale opérationnelle peuvent être multiples, sur pots vibrants, en soufflerie ou sur sites, sur structures ou sur électroniques. Les plans d’instrumentation des maquettes en développement devront en tenir compte, en particulier pour le vol libre. Nous avons eu au cours de cette année quelques contacts avec l’extérieur, en particulier avec l’ENS Cachan puisque nous avons accueilli un élève stagiaire, Sébastien Grange que je remercie au passage, qui a développé sous Matlab plusieurs méthodes dans le domaine temporel, bien que celles-ci ne rivalisent pas avec les licences LMS, elles nous ont permis de bien connaître les bases théoriques. Quelques échanges ont eu lieu avec la SOPEMEA et l’université de Tours. Nous souhaitons poursuivre et multiplier ces échanges à l’avenir.

REFERENCES BILIOGRAPHIQUES 1.

S.Grange, ENS Cachan, "Rapport de Stage de maîtrise de mécanique et de technologie", 2002

2.

J.N.Juang, "Applied System Identification", Prentice Hall

3.

L.Hermans, LMS, "Modal testing and analysis of a car under operational conditions"

4.

L.Hermans, LMS, "Evaluation of subspace identification techniques for the analysis of flight test data"

5.

H.Herlufen, N.Moller, R.Brincker, Brüel &Kjaer, "Modal parameters from a wind turbine wing by operational modal analysis"

6.

N.Moller, Brüel & Kjaer, "Operational Modal Analysis on a Exhaust System"

7.

C.Gontier, R.Clara-Serra, Université de Tours, "Une analyse modale de type stochastique sous-espace avec prévision de l’erreur statistique sur les amortissements"

8.

J.Lardiès, L.M.A.R.C, "Différentes approches de l’analyse modale temporelle", 2001

9.

Elmer G. Gilbert, "Controllability and observability in multivariable control systems"

10. J-N.Juang, R.S.Pappa, "A comparative overview of modal testing and system identification for control of structures" 11. B.Colomies, SOPEMEA, "Détermination des paramètres modaux des avions en vol par la méthode des sousespaces" 12. R.Brincker, P.Anderse, "ARMA Models in mdal space" 13. M.Viberg, "Subspace-based methods for the identification of linear time-invariant systems" 14. J.Deweer, B.Dierckx, LMS, "Modal Parameters from data measured on a car in operating conditions"

Astelab 2003

6 - 11