astelab.com/session climatique/19 warnier


327KB taille 14 téléchargements 355 vues
Moyens d’essais pour la simulation de l’environnement marin profond Testing facilities for deep marine environment simulation Philippe Warnier Ifremer - Brest Résumé Pour l’étude des variations des caractéristiques physiques des matériaux ou matériels utilisés en mer par grande profondeur ou pouvant par accidents être confrontés aux fortes pressions, il est nécessaire de simuler cet environnement particulier en caisson haute pression et de reconstituer les effets de certains des paramètres physico-chimiques de l’eau de mer. Ce papier donne quelques exemples des types d’essais réalisés, des moyens d’essais et de mesures mis en œuvre pour parvenir à apporter des réponses aux problèmes particuliers posés par les scientifiques ou les industriels du domaine d’activité. Abstract For the study of physical characteristics variations of materials or equipment used in deep marine sea or equipment facing to high pressure accidentally, it is useful and necessary to simulate this special environment in high pressure tanks and to create effects of some physical parameters of sea water. This paper submits some examples of hyperbaric tests performed, testing facilities and measurement systems used to attempt and provide replies to special problems that scientists and manufacturers need to solve.

1.

INTRODUCTION

La conduite des études relatives au milieu marin profond et la qualification des matériels à cet environnement nécessitent des moyens de simulation spécifiques -des caissons d’essais hyperbares- dans lesquels il est possible de reconstituer un environnement marin par grande profondeur. Les paramètres influents comme la pression, la température mais aussi la salinité, l’oxygène dissous, le pH peuvent ainsi être régulés pour tenter de connaître leur influence respective sur le comportement de certains matériaux ou matériels. Les scientifiques ou les industriels du domaine marin n’envisagent plus d’utiliser leurs matériels in situ sans tests préalables en simulation, car l’utilisation des navires représente un coût très élevé. L’étude de la fragilisation des aciers à haute limite élastique, de la corrosion bactérienne, du comportement des mousses de flottabilité et matériaux d’isolation thermique, de l’évolution de la densité des fuels lourds s’échappant des épaves ou de la tenue à la pression hydrostatique des enceintes de confinement des produits nucléaires et des AUV (Autonomous Underwater Vehicle) en matériaux composites, sont autant de sujets qui peuvent être traités et simulés pour tenter d’apporter des réponses aux besoins des utilisateurs finaux. Un grand projet scientifique international comme le télescope sous-marin détecteur de Neutrino ANTARES (immergé à 2500 m), utilisant des technologies très diverses, a nécessité de nombreux tests en caisson hyperbare avant la phase de déploiement en mer des lignes de détecteurs.

2. 2.1.

MOYENS D’ESSAIS Les caissons hyperbares

Cette dénomination, rencontrée dans des secteurs d’activités aussi différents que dans la plongée humaine ou l’agroalimentaire, ne couvre pas les mêmes étendues de pression dans l’environnement marin profond. Quelques rappels concernant les océans pour situer les besoins de simulation : •

Les grands fonds : relativement réguliers, d'une profondeur comprise entre 3000 et 6000 m, ils représentent 76% de la surface des océans.



Evolution de la température en profondeur : On met en évidence trois couches différentes dans l’océan : La couche de surface (ou couche de mélange) de 50 à 200 m d’épaisseur où les températures sont à peu près celle de la surface, La couche thermocline de 200 à 1000 m d’épaisseur, dans laquelle la température décroît rapidement en fonction de la profondeur (sauf aux grandes latitudes où la température de surface est voisine de celle du fond), La zone profonde, qui s’étend jusqu’au fond, caractérisée par des températures faibles et homogènes (6000 m/2 °C).

Astelab 2003

19 -

1

Moyens d’essais pour la simulation de l’environnement marin profond Pour simuler ces profondeurs océaniques où les paramètres pression et température sont prépondérants, les caissons hautes pressions trouvent toute leur place. Aussi, compte tenu des coefficients de sécurité appliqués pendant les tests de simulation, les caissons hautes pressions mis en œuvre pour l’environnement marin profond permettent d’atteindre des valeurs de 240 MPa ; la gamme de régulation de température associée à chaque moyen varie mais couvre une étendue de mesure de +2 °C à +100 °C. Les volumes mis en œuvre vont de quelques dizaines de litres à 2 m3 . Remplis d’eau douce ou pour certains d’eau de mer, ces caissons sont pressurisés en utilisant des pompes à pistons multiplicateurs de surface ou des sur-presseurs à vérins aiguilles ; un contrôle-commande équipé d’un système de supervision permet de dérouler des scénarios d’essais et d’appliquer des vitesses de pénétration dans l’eau variables suivant l’objectif recherché. Les bouchons de ces caissons sont équipés de connectiques électriques, hydrauliques et optiques pour mettre en communication les matériels pressurisés avec l’extérieur, les alimenter ou collecter des données.

Caisson 1000 bar

Caisson 2400 bar

La conversion de la profondeur (m) en pression (bar) s’effectue en utilisant cette équation généralement admise : −6 2 Pr ession( bar) = 0,101 × Pr ofondeur( m ) + 0, 5 × 10 × [Pr ofondeur( m )]

2.2.

Les moyens de mesures associés

Il n’est pas question de décrire en détails tous les moyens de mesure ou d’instrumentation mis en œuvre dans les caissons hyperbares car ils sont très variés. On peut cependant en citer quelques-uns : •

mesure de l’affaiblissement de la transmission d’un signal sur une fibre optique,



étude de l’évaluation du risque de rupture fragile (par pénétration de l’hydrogène) des alliages métalliques protégés cathodiquement,



mesure de la flottabilité d’un matériau en mousse syntactique ou de sa compressibilité sous pression hydrostatique,



mesure de la variation de densité d’un fuel lourd contenu dans un navire échoué par grand fond,



mesure des déformations axiales et circonférentielles sur des enceintes métalliques ou en matériau composite (enroulés filamentaires),



mesures de fluage et relaxation sur les matériaux fabriqués en enroulés filamentaires,



détermination de la pression d’endommagement par pénétration d’eau d’enceintes de confinement de déchets nucléaires transportés par bateau,



mesure de couple sur moteurs brushless en équipression,



écoute acoustique pour détermination du début de rupture des filaments d’un conteneur en fibre de carbone,



mesure de la célérité d’un signal dans l’eau en fonction de la pression et de la température,



mesure du potentiel cathodique sur une structure immergée,



etc.,

et décrire deux systèmes utilisés pour des applications diverses. Astelab 2003

19 -

2

Moyens d’essais pour la simulation de l’environnement marin profond 2.2.1. Balance pour pesée sous pression Une balance, développée spécialement pour des mesures de pesée jusqu’à des pressions de 1000 bar (100 MPa) et d’une étendue de mesure de ± 5 N, utilise une technologie qui permet d’obtenir un écart de non linéarité et d’hystérésis 1 500m) sont particulièrement sensibles à ces problèmes, il faut donc trouver des solutions. Les solutions courantes, ″pipes enrobés ″, ″pipe dans pipe″, ″mousse syntactique″, doivent être adaptées aux grandes profondeurs. En effet, il y a des limitations de conductivité thermique, de pression hydrostatique et de possibilités d’installation ou de mise en œuvre.

Astelab 2003

19 -

5

Moyens d’essais pour la simulation de l’environnement marin profond Il est donc nécessaire de faire des essais permettant d’évaluer le potentiel des matériaux couramment utilisés pour réaliser la flottabilité et l’isolation thermique des pipelines en grande profondeur.

Projet GIRASSOL

4.2.

Microsphères

Les types d’essais

4.2.1. Définition Différents tests hors pression sont réalisés sur ces matériaux suivant leur utilisation future. Ce sont surtout et principalement des essais mécaniques comme la flexion, le cisaillement, la compression, la traction, mais aussi des mesures pour connaître la densité et le coefficient de dilatation en fonction de la température. A côté de ces tests ″classiques ″, des essais sous pression hydrostatique sont nécessaires car toutes les mousses syntactiques perdent une partie de leur flottabilité quand elles sont immergées par grande profondeur. A court terme, la plus grande partie de la perte initiale est due à la compression élastique, tandis que les pertes à long terme sont provoquées par absorption d’eau. Des calculs prédictifs permettent d’estimer ces pertes, toutefois ils peuvent diverger en fonction du matériau et de la fabrication. Les tests portent sur les aspects suivants : •

compressibilité et variation de flottabilité : Les pertes par compression élastique peuvent être exprimées par: V = 100(P/K), avec : V : variation de volume en % (≤ 1.0 à 2.0 %). P : pression hydrostatique (psi). K : module (psi) ou module élastique E. Ces essais sont réalisés à des pressions égales à 65 %-75 % de la pression d’implosion.



pression d’implosion ou crush test : Le test d’écrasement est destiné à connaître la limite de flottabilité d’une mousse sachant qu’à partir de 3.0 % de la variation de volume, les dommages causés aux microsphères sont irréversibles et entraînent un écrasement permanent.



prise en eau : La surface d’une mousse syntactique est composée de nombreuses fissures et de vides qui absorbent l’eau de manière continue pendant l’immersion. La vitesse d’absorption de l’eau diminue avec le temps suivant l’équation : W= X(Log NH) + Y avec : W : Percent weight gain, %. N : nombre de cycles de pression. H : nombre d’heures à la pression de service. X,Y : constantes (généralement X=1 et Y=0).

Prise en eau Astelab 2003

19 -

6

Moyens d’essais pour la simulation de l’environnement marin profond

D’autres essais sont réalisés, notamment la combinaison des effets de la pression et de la température ainsi que la tenue à long terme en pression qui est simulée soit par une pression plus grande et/ou du cyclage. A titre d’exemple, des calculs montrent qu’un cycle à la pression de 100 bar pendant 100 heures équivaut à une pression de 35 bar pendant 10 ans pour une mousse dont la pression d’implosion se situe vers 140 bar. 4.2.2. Principe des mesures Une balance mesure les variations relatives de pesée de l’échantillon engendrées par les variations de la poussée d’Archimède car pression et température soumettent la mousse syntactique à des variations de volume . La taille des blocs de mousse testés dépend de l’étendue de mesure de la balance utilisée.

4.3.

Les résultats obtenus

La figure suivante, qui représente un test d’écrasement, montre que la pression d’implosion survient vers 80 Mpa ; la variation de volume relative en fonction de la pression permet d’évaluer le coefficient de compressibilité χ du matériau, constant pendant la montée en pression. La courbe avec correction tient compte de la compressibilité du liquide de pressurisation ; elle est recalculée à l’aide de la formule de l’UNESCO.

Evolution de la densité d'un bloc de mousse

5.

CONCLUSION

Les quelques exemples traités ici montrent la variété des sujets d’études auxquels ce type de moyens d’essais peut être consacré. Le programme d’évaluation des mousses syntactiques a permis aux industriels du secteur d’opérer des choix techniques et d’engager leur société sur des tonnages potentiellement importants à fabriquer. La connaissance de l’évolution de la densité du fuel du Prestige permet aux organismes chargés d’améliorer les modèles de dérive des nappes de pétrole de faire des prévisions plus sûres sur la vitesse de remontée du fuel en fonction des masses d’eau et des courants au voisinage de la zone de naufrage du pétrolier. Comme c’est le cas dans de nombreux secteurs d’activités, les opérateurs du milieu marin comprennent aujourd’hui que le succès d’une mission en mer, dont le coût peut avoisiner 2 M€ peut être tributaire d’un essai préalable dont le budget ne dépasse pas 20 k€. Par ailleurs, les installations d’essais en environnement profond d’Ifremer sont aujourd’hui labellisées ″Infrastructure de Recherche Européenne″ par l’union européenne. Elles sont à ce titre visitées par des PME/PMI et des équipes de recherches qui les utilisent pour y traiter des sujets les plus variés, prouvant ainsi, si c’était nécessaire, l’intérêt de ce type de moyen de simulation de l’environnement très spécifique.

Astelab 2003

19 -

7