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30 sept. 2011 - Informatisation de la déclaration des incidents et accidents. En vertu de ce cadre juridique, chaque établisse- ment doit constituer un registre ...
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Des soins sans incidents ni accidents ! Au Québec, Fidelman souligne, dans l’édition du 11 février 2011 de The Gazette, l’absence de registre national des incidents et accidents, neuf ans après l’adoption du projet de loi 1131. Depuis plusieurs années, les établissements de santé ont mis en place des registres locaux pour la documentation des incidents/accidents. L’objectif de cet article est de faire le point sur la déclaration, la documentation et la divulgation des incidents et accidents médicamenteux en établissement de santé.

Neuf ans après le projet de loi 113

Alors que l’obligation de déclarer les accidents existe dans les centres hospitaliers depuis 1972 et dans plusieurs codes de déontologie des professionnels de la santé depuis quelques décennies, la sanction du projet de loi 113 (Loi modifiant la Loi sur les services de santé et les services sociaux, ou LSSSS) concernant la prestation sécuritaire des services de santé et de services sociaux, en décembre 2002, a introduit de nouvelles obligations. Ainsi, chaque usager a le droit d’être informé de tout accident survenu au cours de la prestation des services qu’il a reçus et susceptibles d’entraîner des conséquences sur son état de santé ou son bien-être2. Le projet de loi 113 prévoit aussi qu’une personne exerçant des fonctions dans un établissement a l’obligation de déclarer tout incident ou accident qu’elle a constaté, et ce, le plus tôt possible après cette constatation. Ces changements législatifs prévoient également l’obligation pour tout établissement de mettre en place un comité de gestion des risques, lequel a pour fonctions de rechercher, de mettre en place et de promouvoir des moyens visant à assurer la sécurité des usagers et à réduire l’incidence des effets indésirables et des accidents liés à la prestation des services de santé et des services sociaux. De plus, le conseil d’administration d’un établissement doit prévoir les règles relatives à la divulgation à un usa-

ger de toute l’information nécessaire lorsque survient un accident, des mesures de soutien mises à sa disposition ainsi que des mesures visant à prévenir la récurrence d’un tel accident. Enfin, le projet de loi confie aux agences régionales la responsabilité, dans leur région, d’assurer aux usagers la prestation sécuritaire de services de santé et de services sociaux. En vertu de l’article 183.2 de la LSSSS, on définit un incident comme une action ou une situation qui n’a pas de conséquences sur l’état de santé ou le bien-être d’un usager, d’un professionnel concerné ou d’un tiers, mais dont le résultat est inhabituel et qui, en d’autres occasions, pourrait avoir des conséquences. En

Texte rédigé par : Jean-François Bussières, B. Pharm., M.Sc., M.B.A., F.C.S.H.P., chef du département de pharmacie et de l’unité de recherche en pratique pharmaceutique, CHU Sainte-Justine, et Denis Lebel, B. Pharm., M.Sc., F.C.S.H.P., adjoint au chef du département de pharmacie et de l’unité de recherche en pratique pharma­ ceutique, CHU Sainte-Justine. Texte original soumis le 2 mars 2011. Texte final remis le 13 juin 2011.

Figure 1 Extrait du formulaire de déclaration d’un incident ou d’un accident en CSSS

Un registre national des incidents et des accidents permettrait d’établir les réelles tendances, plutôt que de témoigner d’une importance accrue accordée à la documentation et à la déclaration comme pourraient le faire les registres locaux. www.professionsante.ca

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InfoROUTE pharmacie, un incident peut être une erreur médicamenteuse évitée grâce à la vigilance d’un autre professionnel (p. ex., mauvaise concentration d’un médicament préparée par la pharmacie et détectée par l’infirmière du patient) ou une erreur médicamenteuse avérée sans conséquence (p. ex., erreur quant à l’heure d’administration d’un médicament). En vertu de l’article 8 de la LSSSS, on définit un accident comme une action ou une situation où le risque se réalise et est, ou pourrait être, à l’origine de conséquences sur l’état de santé ou le bien-être de l’usager, d’un professionnel concerné ou d’un tiers. En pharmacie, un accident peut être une erreur médicamenteuse avérée avec conséquence pour le patient (p. ex., mauvais médicament dispensé et effet indésirable observé ou effet thérapeutique attendu non observé). La conséquence peut être appréhendée et nécessiter une surveillance même si, en définitive, il n’y en aura aucune. On définit la conséquence comme un impact sur l’état de santé ou le bien-être de la personne victime de l’accident.

Informatisation de la déclaration des incidents et accidents

En vertu de ce cadre juridique, chaque établissement doit constituer un registre local de gestion des incidents et accidents. La déclaration de ces événements peut être faite par n’importe quel employé de l’établissement ou médecin en utilisant un formulaire normé, par catégorie d’établissement. L’employé (le plus souvent une infir-

mière) ou le médecin (qui n’est pas un employé de l’hôpital) complète le formulaire AH223 en version papier (trois copies) qu’il intègre au dossier du patient. Le gestionnaire administratif du programme de soins revoit l’événement avec le déclarant et complète le rapport avec les recommandations notées sur-le-champ. Un gestionnaire de risque de la Direction de la qualité, sécurité et risques de l’établissement (il existe plusieurs dénominations pour cette direction) revoit les rapports pour analyse et divulgation au patient, lorsque requis. Une fois établis, les rapports font l’objet d’une saisie dans l’un des logiciels disponibles en établissement de santé (p. ex., GesriskMD de Optimum Conseil - http:// optimumconseil.com3, application Web du SISSS4, ou applications locales). Ces logiciels permettent la saisie des champs issus du rapport AH223. À partir du 1er avril 2011, ces logiciels devraient être en mesure de transférer, de façon non nominale, et ce, tant pour les données prospectives que pour celles colligées depuis le 1er avril 2009, les données des registres locaux à un registre national, sous l’égide du ministère de la Santé et des Services sociaux. La figure 1 illustre le rapport AH 223.

Que devrait savoir un pharmacien ?

Une bonne gestion des incidents et accidents en établissement de santé repose sur les principes suivants : Tout incident et accident doit être documenté en utilisant un des formulaires AH-223 appro-

Figure 2 Extrait de l’écran de déclaration des incidents et accidents (ISMP Canada)

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prié pour le type d’établissement. Il existe des formulaires AH-223 pour la déclaration, l’analyse et la divulgation. Toutes ces versions sont offertes en ligne5. Dans le rapport de déclaration, il existe cinq catégories d’événements, soit les chutes, les événements liés au matériel, à l’équipement, aux bâtiments ou aux biens personnels, les événements associés aux abus, aux agressions ou au harcèlement, les événements liés à d’autres causes et, enfin (le type B), les événements liés à la médication, aux traitements, aux tests diagnostiques ou à la diète. Tout incident ou accident déclaré portant sur les médicaments, même s’il n’est pas imputable à une action du personnel du département de pharmacie, devrait faire l’objet d’une révision par l’équipe de pharmaciens. Sans vue d’ensemble, il est difficile d’apporter des améliorations au circuit du médicament afin de prévenir des erreurs de type systémique. La documentation des incidents et accidents en ce qui concerne les médicaments doit porter minimalement le nom du médicament, la dose, la voie, le motif (p. ex., omission, présence d’allergie, entreposage, etc.). Le registre provincial permettra de codifier plus finement les incidents et accidents médicamenteux avec une taxonomie similaire à celle du National Coordinating Council for Medication Error Reporting and Prevention (NCCMERP- www.nccmerp.org). Cette taxonomie standardise la façon de décrire le patient, l’événement, les conséquences, le produit et le personnel impliqués, le type d’erreur, ses causes, ainsi que les facteurs contributifs. Les pharmaciens qui participent aux activités de soins pharmaceutiques décentralisées dans les unités de soins et les cliniques externes devraient participer au sous-comité de gestion des risques de leur programme-clientèle. Un pharmacien désigné par le chef du département de pharmacie devrait siéger au comité central de gestion des risques. S’il est difficilement applicable d’utiliser le formulaire AH-223 pour les incidents qui surviennent à l’intérieur du département sans dispensation externe, un registre complémentaire devrait être mis en place afin d’assurer un suivi des processus non conformes. Rien n’empêche un patient ou un pharmacien de rapporter une erreur survenant à un tiers externe dans un établissement de santé. Deux organismes américains recueillent des déclarations volontaires d’incidents et d’accidents, soit le programme de l’Institute for Safem Medication Practice (Medication Errors Reporting Program - MERP - www.ismp.org/orderforms/ reporterrortoISMP.asp) et celui de la Food and Drug Administration (MedWatch Program www.fda.gov/Safety/MedWatch/default.htm). Au Canada, le Programme de déclaration d’incident/accident lié à l’utilisation de médicaments de ISMP-Canada se nomme désormais

Des soins sans incidents ni accidents !

« Tout incident ou accident déclaré portant sur les médicaments, même s’il n’est pas imputable à une action du personnel du département de pharmacie, devrait faire l’objet d’une révision par l’équipe de pharmaciens. » « le Système national de déclaration des accidents et incidents » - SNDAI - www.ismpcanada.org/cmirps et www.cihi.ca/CIHI-extportal/internet/fr/document/types+of+care/ pharmaceutical/services_cmirps (figure 2). En outre, un portail d’ISMP permet la déclaration d’accidents et d’incidents par les professionnels en établissement de santé, les pharmaciens communautaires et les patients (www.ismp-canada. org/err_index.htm). On peut consulter le rapport sur l’essai-pilote national du SNDAI, publié en 2010 par l’Institut canadien d’information sur la santé6. La déclaration à ces organismes peut avoir un impact sur l’ensemble des praticiens en permettant l’émission de recommandations à différents niveaux (p. ex., étiquetage du fabricant, entreposage, dispensation, etc.) En établissement de santé, la divulgation d’un accident devrait se faire par la personne la plus appropriée, selon le contexte de soins et après discussion avec le gestionnaire de risque de

l’établissement. Le pharmacien devrait prendre contact avec ce gestionnaire avant de procéder à une divulgation. La déclaration d’un incident ou d’un accident impliquant un membre du département de pharmacie n’exclut pas la déclaration au Fonds d’assurance en responsabilité professionnelle de l’Ordre des pharmaciens du Québec, qui s’est doté d’un nouveau site Web en 2010 (www.farpopq.com/default.aspx). À noter, le guide Prévenir et gérer les erreurs relatives à la médication en pharmacie, publié par l’Ordre des pharmaciens du Québec en 2000 (www.opq.org/fr/media/docs/guides-normes/ guide_erreurs.pdf). Un nouveau guide rédigé en collaboration avec l’Ordre et le FARPOPQ devrait paraître en 2011. Il faut interpréter avec prudence les données quantitatives issues des registres locaux d’incidents ou d’accidents. Par exemple, dans La Presse du 26 janvier 2011, on compare le nombre

d’incidents et d’accidents compilés par établissement entre 2006-2007 et 2009-20107. Cette hausse apparente témoigne davantage d’une importance accrue accordée à la documentation et à la déclaration qu’à une réelle hausse des incidents et accidents. La mise en place du registre national et plusieurs années de recul permettront d’établir réellement les tendances. La documentation des incidents et des accidents fait évoluer le cadre normatif. Ainsi, la norme sur la gestion des médicaments (~ 140 critères) d’Agrément Canada incluant les pratiques organisationnelles requises s’inspire d’événements sentinelles survenus dans le réseau de santé8.

Conclusion

Une bonne compréhension des obligations, des outils et de la démarche de gestion des incidents et des accidents s’impose en pratique pharmaceutique. n

Références 1. Fidelman C. Hospitals won’t admit mistakes. [En ligne. Site consulté le 20 février 2011.] www.montrealgazette.com/health/Secret+Society+Hospitals+ admit+mistakes/4262765/story.html 2. Publications Québec. Projet de loi 113. [Cité le 19 décembre 2002. Site consulté le 26 février 2011.]  www2.publicationsduquebec.gouv.qc.ca/ dynamicSearch/telecharge.php?type=5&file= 2002C71F.PDF 3. MSSS. Centre de certification des logiciels. Fiche de Gesrisk. [En ligne. Site consulté le 26 février 2011.] http://msssa4.msss.gouv.qc.ca/extranet/ri.nsf/vc at/5D746FD99CF749CF8525728A0071F6DA?open document

4. MSSS. Centre de certification des logiciels en santé. Fiche de Web SISSS [En ligne. Site consulté le 26 février 2011.] http://msssa4.msss.gouv.qc.ca/ extranet/ri.nsf/vcat/39E6B71453A82FA885257512 00589911?opendocument 5. MSSS. Rapport d’incident/d’accident selon les missions d’établissement. [En ligne. Site consulté le 26 février 2011.] http://msssa4.msss.gouv.qc.ca/ intra/formres.nsf/9d7020958f686e8a85256e45007 15a8f/7743727e80484897852573e20050af81?Ope nDocument 6. ICIS. Rapport sommaire sur l’essai pilote national – sommaire. [2020] [En ligne. Site consulté le 26 fé­vrier 2011.] www.cihi.ca/CIHI-ext-portal/ pdf/internet/PDF_NSIR_NAT_PI_TSTEXEC_SUM_FR

7. Lacoursière A. Le nombre d’erreurs médicales a bondi de 2006 à 2009. [Cité le 26 janvier 2011. Site consulté le 26 février 2011.] www.cyberpresse.ca/ actualites/quebec-canada/sante/201101/26/014364065-le-nombre-derreurs-medicales-a-bondide-2006-a-2009.php 8. Agrément Canada. Norme sur la gestion des médicaments. [En ligne. Site consulté le 26 février 2011.] www.accreditation.ca/fr/content.aspx?pageid=285 &rdr=true&LangType=3084

Question de formation continue 12) Parmi les énoncés suivants entourant les incidents et accidents en établissement de santé, lequel est faux ? A. L’obligation de déclarer les accidents existe dans les centres hospitaliers depuis 1995. B. La sanction du projet de loi 113 concernant la prestation sécuritaire des services de santé et de services sociaux a introduit de nouvelles obligations, notamment le droit de tout usager d’être informé de tout accident survenu au cours de la prestation des services qu’il a reçus et susceptibles d’avoir des conséquences sur son état de santé ou son bien-être.

C. La sanction du projet de loi 113 oblige aussi toute personne exerçant des fonctions dans un établissement à déclarer tout incident ou accident qu’elle a constaté, et ce, le plus tôt possible après cette constatation. D. Tout établissement de santé doit mettre en place un comité de gestion des risques, appelé « comité des erreurs médicamenteuses ».

Répondre maintenant en ligne. Voir page 66  www.professionsante.ca

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