Arista Foods : l'écoresponsabilité alimentaire grâce aux insectes

28 oct. 2016 - Soucieux de promouvoir des habitudes de consommation écoresponsables, l'entrepreneur technologique Jean-Philippe Bisson développe des pâtes alimentaires qui sont faites de farines de grillons et de blé entier. L'apport en protéines provient souvent de la viande animale lors de la confection des.
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Profils d’entrepreneurs technologiques 28 octobre 2016

Arista Foods : l’écoresponsabilité alimentaire grâce aux insectes Soucieux de promouvoir des habitudes de consommation écoresponsables, l’entrepreneur technologique Jean-Philippe Bisson développe des pâtes alimentaires qui sont faites de farines de grillons et de blé entier. L’apport en protéines provient souvent de la viande animale lors de la confection des repas en Amérique du Nord. Or, la chaîne de production de cette viande a des impacts importants sur l’environnement en matière d’utilisation de ressources, d’espace, d’eau et d’énergie. Pourtant, ailleurs sur la planète, des millions de gens ingèrent leurs protéines essentielles par le biais… des insectes. De Jean-Philippe Bisson, on pourrait dire que l’idée, tout comme l’appétit, vient en mangeant. Pendant une orientation en développement durable, durant son baccalauréat en génie géologique à Polytechnique en 2015, il s’est intéressé aux sources de protéines en rechange à la viande et comme variante aux aliments tels que le tofu et les légumineuses. À la lecture d’un rapport de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture, où l’on soulignait les impacts environnementaux moindres de la consommation d’insectes, il s’est donné le défi de trouver comment en faire manger aux Québécois. « Manger des insectes ne fait pas partie de la culture ici, alors qu’on en mange couramment en Asie, en Amérique du Sud et en Afrique. Le défi était de trouver un moyen d’intégrer de la farine d’insectes à un aliment transformé pour s’adapter au marché local », constate M. Bisson. Il a porté alors son attention sur les pâtes alimentaires, puis sur le grillon, qui est susceptible d’avoir une meilleure acceptation que d’autres insectes de la part des mangeurs. Après avoir essayé de faire des pâtes uniquement avec cette farine, il a décidé d’ajouter de la farine de blé entier pour des raisons visuelles et gustatives, mais aussi pour assurer l’acceptabilité du produit par la clientèle visée.

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« Le blé entier procure aux pâtes un goût et une apparence qui font en sorte que la présence de farine de grillons ne dérange pas tant qu’on ne la voit pas. Il n’est pas toujours facile de réduire son impact environnemental, c’est pourquoi je cherchais à offrir une solution simple qui permet de faire une différence importante », note Jean-Philippe Bisson. « Je souhaitais offrir une alternative innovatrice pour diversifier les options d’alimentation sans viande qui s’avèrent écologiques, nutritives et accessibles à tous. Si plus de gens consomment des insectes plutôt que de la viande, les impacts seront positifs. » L’inspiration qui incite à l’action Après avoir lu sur le sujet et en avoir discuté avec des amis, Jean-Philippe Bisson est allé de l’avant. Durant ses démarches, il s’est intéressé aux ressources en entrepreneuriat qui s’offrent aux étudiants de Polytechnique : auprès du Centre d’entrepreneuriat PolyUdeM, il a obtenu une consultation et du soutien pour un premier modèle d’affaires; il a appliqué à l’un des concours de la série Innovinc. de l’organisme, mais a réalisé qu’il n’était pas encore prêt, ce qui l’a incité toutefois à poursuivre ses efforts. Mais son véritable passage à l’action est attribuable à une conférence donnée à l’hiver 2016 par le diplômé de Polytechnique Paul Shenouda, dont l’entreprise Hexa Foods commercialise des gâteries pour chiens à base de farine d’insectes, à l’invitation du Centre d’entrepreneuriat Poly-UdeM. Réalisant que les projets de M. Shenouda et le sien sont à la fois semblables et différents, il s’est adressé à l’entrepreneur après son allocution pour lui faire part de son idée. Cet échange a été déterminant pour l’étudiant. « Cette discussion a fait une énorme différence. Si je n’avais pas été à cette rencontre et que je n’avais pas parlé à Paul, j’en serais probablement encore au stade du " projet que j’aimerais faire ", affirme Jean-Philippe Bisson. Comme Paul l’a dit, c’est lorsqu’on parle à des gens, qui nous mettent en contact avec d’autres personnes, qu’un projet devient de plus en plus concret. » D’ailleurs, au moment de l’entretien, Jean-Philippe réalisait un stage entrepreneurial sous la supervision de Paul Shenouda. S’allier et foncer Pour son projet, Jean-Philippe Bisson s’est allié à Gabriel Péloquin, un étudiant en génie aérospatial de Polytechnique qu’il a côtoyé durant ses cours d’orientation en développement durable. Les entrepreneurs technologiques sont à poursuivre des essais maison de pâtes fraîches avec divers types de farines pour établir les dosages appropriés de leur recette, en vue de 2

la définition d’un procédé industriel avec l’aide d’un centre de recherche de développement de produits agroalimentaires. Également, une étude de marché et des tests de goût figurent au menu des entrepreneurs technologiques. « Le but est de produire des pâtes sèches qui procureront une valeur nutritive quasi complète, mais qui auront aussi un bon goût. Nous voulons un produit optimal », affirme Jean-Philippe Bisson. À son avis, l’étudiant qui désire être entrepreneur ne doit pas avoir peur de parler aux gens. « Il faut être fonceur : c’est en faisant de petites choses qu’on peut aller vraiment loin. Chaque personne qu’on rencontre peut nous aider à nous rapprocher de notre objectif. Et il y a tellement de ressources à Polytechnique… » Un nom qui en dit long Comme il se doit, Jean-Philippe Bisson et son associé ont formé une entreprise pour formaliser leurs initiatives. Au moyen d’une carte heuristique, ils ont opté pour le nom Arista Foods, qui évoque le dieu grec Aristaeus. Un choix qui s’est avéré être des plus pertinents. « Dans la mythologie grecque, Aristaeus était apiculteur, explique Jean-Philippe. Lorsque ses abeilles sont mortes, Aristée s’est rendu à une fontaine et a fait le sacrifice d’animaux de bétail. Il en est sorti une nuée d’abeilles – des insectes – qui ont reconstitué les ruches. » « De plus, on qualifie " d’aristée " une partie de l’antenne d’un insecte, mais aussi une des parties d’une tige de blé! », ajoute-t-il en souriant. C’est ce qu’on appelle avoir de la suite dans les idées…

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Hexa Foods : Saisir l’occasion et le moment présent Pour concrétiser son projet d’affaires, l’entrepreneur technologique Paul Shenouda a bénéficié des ressources offertes à Polytechnique Montréal, tout en poursuivant des études supérieures. En matière d’entrepreneuriat, deux voies s’offrent à l’étudiant qui désire se lancer en affaires à partir d’une idée : soit il y pense à temps perdu, soit il fonce lorsqu’une occasion se présente.

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À constater son parcours d’entrepreneur, Paul Shenouda, le vice-président à l’innovation de la société montréalaise Hexa Foods, a suivi résolument la deuxième voie. L’entreprise, qu’il a cofondée en 2015 avec les frères Philippe et Mathieu Poirier, commercialise des gâteries pour chiens à base de farine de grillons sous la marque BugBites. Les trois entrepreneurs n’ont pas tardé à obtenir du succès, leurs produits étant offerts présentement dans une centaine de points de vente au Canada et par le biais de leur site Internet. Récemment, l’entreprise a obtenu 0,3 M$ de la part d’Anges Québec lors d’une ronde de financement. Passionné par l’entrepreneuriat, Paul Shenouda attribue son intérêt pour la création d’une entreprise à son passage à Polytechnique Montréal, où il a étudié au baccalauréat en génie mécanique de 2010 à 2014. En 2013, dans le cadre d’un des cours de l’orientation thématique en innovation technologique, il a fait un premier pas en suivant le cours Entrepreneuriat technologique du Département des mathématiques et du génie industriel. « Ce cours fut mon tout premier contact avec l'entrepreneuriat. Ce fut pour moi l'étincelle en quelque sorte », indique Paul Shenouda. Également, la rencontre de Philippe Poirier, un ami proche du secondaire qui a étudié à HEC Montréal, a contribué à attiser son attrait pour l’entrepreneuriat, lors de rencontres pour discuter d’idées innovantes. En 2014, un rapport de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture, où il était question de la contribution des insectes pour l’apport de protéines alimentaires, a retenu leur attention. Le déclic est survenu lorsqu’ils ont envisagé la filière des aliments pour les animaux. « Il nous semblait encore tôt à ce moment de faire manger des insectes aux personnes en Amérique du Nord et en Europe, mais il y avait certainement une conscience d’écoresponsabilité, indique Paul Shenouda. À défaut de ne pas en manger, on se disait que les gens peuvent accepter que leur chien le fasse, en sachant que c’est naturel et qu’il y a un impact positif sur le système alimentaire global. » « Aussi, il n’y avait pas encore de leader dans ce domaine, mais il était certain qu’un grand joueur allait s’y intéresser tôt ou tard. Tant qu’à attendre, mieux vaut le faire soi-même! Nous nous sommes dits " OK, on va avec cette idée! " », ajoute-t-il. De la suite dans les études Alors qu’il étudiait au baccalauréat en génie mécanique, Paul Shenouda a travaillé à temps partiel sur son projet entrepreneurial. Or, alors qu’il s’apprêtait à terminer ses études, il a reçu un courriel qui a changé la donne. « On y annonçait le cours Montage de projet technologique qui était offert aux études supérieures par Isabelle Deschamps, du Département des mathématiques et du génie industriel, explique M. Shenouda. C’était un tout nouveau cours intensif de six semaines 4

qui était accessible aux personnes désirant lancer une entreprise technologique. On y traitait du démarrage d’entreprise, du plan de travail, du plan d’affaires… Je n’ai pas hésité et je m’y suis inscrit. » Après avoir complété ce cours, Paul Shenouda s’est inscrit au diplôme d’études supérieures spécialisées en génie industriel, option gestion de la technologie et de l’innovation à Polytechnique… puis est allé un cran plus loin. « J’ai choisi de poursuivre à la maîtrise, que j’ai terminée en environ un an avec le cumul des crédits, relate-t-il. Ce fut très rapide, mais ce fut un gros " plus ". En fait, c’est ce programme qui a contribué le plus fortement à mon parcours d’entrepreneur. Il est souvent ignoré, pourtant il est très pertinent. » Également, Paul Shenouda a fréquenté les ateliers du Centre d'entrepreneuriat de PolyUdeM, où il a obtenu un soutien important pour le développement de son entreprise. Il souligne à quel point les étudiants de Polytechnique Montréal ont accès à de nombreuses ressources d’apprentissage et d’aide en entrepreneuriat technologique. « En rétrospective, je réalise que j'ai profité au maximum de toutes les occasions à Polytechnique, ce qui a aidé à bâtir ma confiance entrepreneuriale. Si un étudiant a de la curiosité et une volonté d'apprendre, il y a plusieurs ressources dont il peut profiter - le plus on en fait, mieux c’est! », estime-t-il. De passion et de raison Certes, le parcours de l’idée jusqu’aux affaires ne s’est pas déroulé sans embûche. Durant ses études à la maîtrise, Paul Shenouda a acheté des grillons vivants qu’il a réfrigérés, puis tenté de moudre. En qualifiant le résultat « d’affreux » en riant, il dit avoir appris de cette expérience, en soulignant qu’il est primordial que l’entrepreneur technologique ait confiance en ses moyens. « Souvent l’ingénieur est très analytique, ce qui peut le paralyser dans l’attente de la situation parfaite, remarque-t-il. Mais l’entrepreneur, bien qu’il n’ait pas tout en main, se doit de commencer de façon tranquille son projet s'il lui tient à cœur et le passionne. » Cela dit, Paul Shenouda souligne que la raison et l’analyse sont des éléments essentiels à la réussite d’un projet d’affaires. « Dans un contexte d’entreprise en démarrage, on veut tellement que ça fonctionne! On ressent beaucoup d’émotions et dans le feu de l’action on pense avoir une bonne idée, mais il faut prendre du recul et avoir un esprit critique. Il faut avoir une bonne connaissance de soi-même. » Aussi, l’entrepreneur technologique souligne la nécessité d’avoir une grande tolérance envers l’ambiguïté. « Dans un environnement de technologie ou d’innovation radicale, il est impossible de prédire les changements dans le marché. Il faut se tenir au fait des

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évolutions. Si on n’a pas cette tolérance, on va fléchir. Mais une fois que notre stratégie est faite, il ne faut pas hésiter deux secondes. » Redonner au suivant Enfin, Paul Shenouda n’hésite pas à partager sa passion pour l’entrepreneuriat avec autrui. Notamment, il a été invité à discuter du sujet avec des étudiants des niveaux secondaire et universitaire au cours des derniers mois. D’ailleurs, c’est à l’occasion d’une allocution qu’il a prononcée à l’invitation du Centre d’entrepreneuriat Poly-UdeM qu’il a rencontré Jean-Philippe Bisson, un étudiant de Polytechnique dont le projet d’entreprise est fondé également sur l’alimentation et l’utilisation de farine de grillons. De fil en aiguille, Paul Shenouda a été sollicité pour superviser un stage en entrepreneuriat de l’étudiant. Cette implication dans le parcours d’affaires de Jean-Philippe Bisson suscite l’enthousiasme de l’entrepreneur technologique. « C’est le fun de pouvoir redonner et de contribuer à aider un étudiant entrepreneur. Alors que nous sommes pratiquement dans le même domaine, c’est stimulant de superviser Jean-Philippe, indique-t-il. Ce que j’ai ressenti chez lui est une passion profonde pour l’entrepreneuriat et la volonté sincère d’avoir un impact positif sur l’environnement, deux attributs que j'apprécie beaucoup chez lui. Je n’ai aucun doute qu’il a tout ce qu’il faut pour bâtir une entreprise d’impact. » ++++++++

Remindr : suivre la posologie grâce à la technologie Au moyen d’un boîtier intelligent et d’une application mobile, les entrepreneurs technologiques Victor Lambin Iezzi, Michel Gémieux et Philippe Guay aideront les personnes à mieux prendre leurs médicaments. La prise d’un médicament prescrit selon la bonne dose et au moment approprié est essentielle au maintien ou au recouvrement de la santé d’une personne. Or, un nombre élevé d’individus éprouvent des difficultés à respecter une prescription ou à renouveler leurs médicaments lorsqu’ils sont épuisés, ce qui entraîne souvent des hospitalisations attribuables à des doses inadéquates ou des surdoses.

Par le biais de l’entreprise Remindr, trois entrepreneurs technologiques qui sont issus de Polytechnique Montréal comptent remédier à la situation. Le président Victor Lambin 6

Iezzi, qui est étudiant au doctorat, diplômé au baccalauréat et diplômé à la maîtrise en génie physique, le directeur technique Michel Gémieux, qui est étudiant au doctorat en génie électrique et diplômé à la maîtrise recherche en génie électrique avec spécialisation en microélectronique, et le directeur informatique Philippe Guay, qui est diplômé en génie physique, développent présentement un boîtier intelligent et une application mobile qui serviront au rappel et au suivi de la prise de médicaments. Des rappels multisensoriels Remindr consiste en un boîtier à peine plus gros qu’une boîte de mouchoirs. Ce boîtier portatif, qui intègre une pile rechargeable, un logiciel embarqué et un module de connexion à un réseau Wi-Fi, est doté de compartiments servant au rangement des pots de médicaments en format courant. Au moment prévu de la prise d’un médicament, un bandeau translucide sur le côté du boîtier clignote en plusieurs couleurs pour attirer l’attention de l’usager. À l’intérieur du boîtier, le compartiment contenant le pot d’un médicament à prendre s’illumine, tandis que des lumières DEL indiquent combien de comprimés doivent être ingérés. L’utilisateur presse ensuite un bouton pour confirmer la prise du médicament.

« Selon des études, rappeler aux personnes qu’elles doivent prendre un médicament augmente de 70 % les chances qu’elles le fassent, indique Victor Lambin Iezzi. Une application mobile peut servir à rappeler à la personne qu’elle doit prendre un médicament, mais si elle n’est pas à la maison ou près de ses médicaments lorsqu’elle reçoit l’alerte, elle peut se dire qu’elle les prendra au retour. Or, il suffit d’un délai ou d’une distraction pour qu’elle oublie de le faire. »

« Le boîtier offrira une double fonction de rappel d’action à poser, avec ses voyants lumineux à l’extérieur et à l’intérieur, ajoute l’entrepreneur. L’approche favorise la prise de médicaments, mais aussi la responsabilisation de la personne : les lumières clignotantes l’inciteront à regarder à l’intérieur du boîtier et à prendre les médicaments. Également, le côté esthétique et le design épuré du boîtier font en sorte que la personne ne soit pas gênée de le laisser à la vue, ce qui favorise l’exposition aux alertes visuelles. »

Également, Remindr intègre une fonction d’avis de renouvellement d’une prescription lorsque la quantité de comprimés restants est basse, ainsi qu’une fonction de consultation de la liste de médicaments et des posologies en cours à partir d’un appareil en réseau, par le biais d’une liaison sécurisée. D’autre part, l’application mobile est vouée 7

à la gestion de la prise des médicaments, tout comme à l’envoi d’avis aux parents, aux aidants, au pharmacien et au médecin d’une personne à propos du suivi de ses posologies ou d’une situation anormale.

Des bancs d’école…

Le projet des trois entrepreneurs technologiques de Remindr a vu le jour et progressé rapidement grâce aux activités d’enseignement et aux ressources disponibles à Polytechnique Montréal.

En 2015, Victor Lambin Iezzi et Michel Gémieux devaient réaliser l’atelier Créativité à votre portée dans le cadre du cursus de leurs études au doctorat. Durant un des cours, la professeure a demandé aux étudiants de former des équipes et de concevoir en dix minutes une idée pouvant aider les personnes âgées au quotidien. « Ayant travaillé dans une pharmacie durant quelques années, j’étais fasciné par le temps fou que passaient les techniciens à préparer les médicaments, relate M. Lambin Iezzi. Aujourd’hui des machines peuvent automatiser des processus, mais généralement le travail est fait à la main. Je me suis demandé s’il était possible d’automatiser la prise de médicaments par les patients mêmes, à la maison, d’où l’idée d’un pilulier automatisé. »

Les deux étudiants auraient pu se contenter de remplir les obligations du cours, mais ils ont choisi de pousser leur réflexion plus loin : cette persévérance, à leur avis, a valu la peine. « Sur le coup, nous y avons travaillé à reculons parce que le projet avait un impact sur notre temps de recherche personnel, mais plus on creusait l’idée et qu’on en développait le potentiel, plus on constatait qu’on avait quelque chose », indique Michel Gémieux.

En creusant l’idée, MM. Lambin Iezzi et Gémieux ont constaté qu’il n’existait rien de tel sur le marché, notamment au Québec. Après avoir greffé à l’équipe Philippe Guay, un diplômé de Polytechnique que Victor Lambin Iezzi avait connu lors des études au baccalauréat, les entrepreneurs technologiques ont arrêté leur choix sur le concept de boîtier intelligent.

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Les cofondateurs de Remindr soulignent à quel point les programmes académiques de Polytechnique Montréal, notamment ceux des études supérieures, ont contribué à leur caractère entrepreneurial. « C’est vraiment à la maîtrise que Polytechnique m’a permis de m’épanouir, que ce soit par l’équipement qui m’a permis techniquement d’être capable de faire des choses avec mes mains, par les occasions de voyages pour assister à des conférences, par la rencontre de gens, par la prise en charge d’un laboratoire… Ces étapes m’ont donné l’audace de me lancer en affaires sans avoir peur que ça ne fonctionne pas », explique Victor Lambin Iezzi.

« Polytechnique m’a appris à avoir une rigueur intellectuelle dont j’ai su profiter pour effectuer de la recherche ou développer un prototype, déclare Philippe Guay. Cette rigueur a un impact profond sur ma carrière professionnelle. »

…Au tableau d’honneur Les cofondateurs de Remindr, au moment de l’entretien, poursuivaient le prototypage du boîtier et participaient à un marathon de programmation et de développement de technologies en santé. Or, leur projet a déjà retenu l’attention d’intervenants du domaine de l’entrepreneuriat, à en juger les récompenses obtenues lors des volets de la première série de concours Innovinc. du Centre d’entrepreneuriat Poly-UdeM auxquels ils ont participé en 2016.

Après avoir récolté le troisième prix du concours de définition de modèle d’affaires Innovinc. : Esquissez, qui était accompagné d’une bourse de 500 dollars, les entrepreneurs technologiques ont fait partie des gagnants du concours de définition de plan d’affaires Innovinc : Concrétisez, ce qui leur a valu une bourse de 3 000 dollars.

De la curiosité et de l’audace

Interrogés sur les caractéristiques de l’entrepreneur technologique qui contribuent à l’atteinte des buts et l’obtention de succès, les cofondateurs de Remindr font état d’une soif d’apprendre, d’un esprit d’initiative et de persévérance.

« L’entrepreneur technologique doit être multidisciplinaire et capable de faire de tout, estime Michel Gémieux. Il ne doit pas avoir peur d’essayer plein de choses, même si le 9

risque de se planter est élevé. Un entrepreneur va au bout des choses, parfois un peu trop loin… Mais avoir essayé est quasiment plus important que d’avoir réussi. Il faut avoir de l’audace! »

Selon Philippe Guay, l’entrepreneur technologique se doit d’être très curieux, mais aussi d’être à jour face aux évolutions constantes dans un domaine donné. « ll faut être à la fine pointe et s’inspirer de ce qui se fait ailleurs. Il faut filtrer l’information et se servir de notre flair pour en prendre les éléments les plus prometteurs et avant-gardistes », explique-t-il.

« Les entreprises en démarrage qui ont connu un succès retentissant étaient menées par des gens qui avaient une idée qui pouvait paraître un peu farfelue, mais qu’ils ont poussée à fond. Aujourd’hui, leurs entreprises valent des milliards de dollars et révolutionnent la vie de tous les jours. »

Enfin, Victor Lambin Iezzi croit que l’entrepreneur technologique doit avoir un désir d’apprendre en tout temps. « Il y a tellement de choses qu’on ne connaît pas lorsqu’on démarre un projet d’entreprise! C’est à la fois excitant et créatif… Être entrepreneur, c’est avoir le goût de se pousser au bout de ses limites : c’est beaucoup d’heures de travail et c’est épuisant, mais c’est vraiment gratifiant lorsqu’on voit que le projet prend vie et qu’on met son grain de sel dans la société. C’est stimulant de voir qu’on peut faire une différence ! » ++++++++

Corstem : Améliorer l’analyse par imagerie numérique au bénéfice des patients À partir de travaux au doctorat en génie biomédical, l’entrepreneur technologique Mitchel Benovoy a développé des solutions qui accéléreront la pose de diagnostics en cardiologie. Les systèmes d’imagerie numérique jouent un rôle important en médecine pour l’identification de pathologies auprès des patients, dans le but de prodiguer les soins appropriés. Or, les processus manuels et l’intervention humaine qui sont liés à l’utilisation de ces systèmes ont des incidences sur le temps d’exécution et la précision des observations lors des protocoles cliniques en cardiologie. Mitchel Benovoy, diplômé au doctorat en génie biomédical de Polytechnique en 2016, a consacré son projet d’études au développement d’un logiciel d’aide au diagnostic de 10

pathologies cardiovasculaires. Le but de l’initiative était d’automatiser des tâches d’analyse manuelle, par exemple la mesure du diamètre de segments d’artères coronaires durant un protocole d’angiographie par rayons X. «Actuellement, l’utilisation d’outils électroniques de mesure implique une certaine subjectivité qui peut être attribuable à la qualité de l’image, mais aussi à la fatigue de l’opérateur, Mitchel Benovoy. Avec notre logiciel, nous procédons au traitement automatique des données émises par l’appareil d’imagerie pour rehausser l’analyse des artères coronaires, en remplacement au technicien. Grâce à l’objectivité de l’ordinateur, l’analyse du cas d’un patient s’effectue en quelques secondes plutôt qu’en dix à quinze minutes. » « Également, le système a été poussé plus loin pour la reconnaissance de pathologies cardiaques, par la détection automatisée d’anévrismes existants ou potentiels au moyen d’une coloration de l’image, pour l’aide au prédiagnostic ou au diagnostic », précise-t-il. Entreprendre à des fins utiles En disant avoir amorcé ses activités en entrepreneuriat « par la porte arrière », Mitchel Benovoy relate que l’outil suscitait de l’engouement et de l’intérêt de la part des participants à des conférences scientifiques en cardiologie où des présentations ont été réalisées. « Cela a commencé à me chicoter, à voir que l’utilisation pratique de l’outil serait pertinente pour les cliniques. Le marché de la cardiologie est énorme et le potentiel commercial est présent », indique-t-il. Mitchel Benovoy a contacté alors Pascal Labrecque, un collègue de laboratoire durant ses études à la maîtrise, afin de travailler à la commercialisation du logiciel par le biais de l’entreprise Corstem, dont Mitchel assure la présidence. D’ailleurs, M. Benovoy affirme que l’adoption d’un outil pertinent dans le domaine de la médecine passe impérativement par une commercialisation plutôt qu’une offre gratuite. « Il existe beaucoup d’exemples d’outils très utiles qui ont été développés par des laboratoires, dont l’algorithme ou le code source ont été publiés gratuitement, mais qui ne sont pas utilisés dans le marché – ce qui est paradoxal. C’est une question de psychologie humaine… » En matière d’entrepreneuriat, Mitchel Benovoy estime qu’un entrepreneur technologique ne doit pas hésiter à cogner aux portes, à assister aux conférences d’affaires et à faire du réseautage. Également, il souligne l’importance des concours dans l’amorce des activités commerciales des entrepreneurs technologiques. Après avoir obtenu 500 dollars lors d’un concours de rédaction de plan d’affaires, Mitchel Benovoy et son associé ont remporté un concours qui leur a procuré du soutien légal pour 11

leur incorporation, un concours qui a servi à approfondir le plan d’affaires et, récemment, un volet du concours des Bourses Pierre-Péladeau de Québecor qui leur a valu 30 000 dollars. « Il y a eu un effet boule de neige : nous avons pu ainsi démarrer notre entreprise sans avoir de dette, ni de prêt », souligne M. Benovoy. Également, en septembre dernier, MM. Benovoy et Labrecque ont remporté le deuxième prix du jury de l’édition 2016 du concours Génies en affaires qui était organisé par l’Association francophone pour le savoir (ACFAS) et des sociétés universitaires de valorisation, dont la société Univalor de Polytechnique. La participation de Corstem à ce concours avait été coordonnée par le Centre d’entrepreneuriat technologique PolyUdeM. Nouvelles artères technologiques En parallèle au logiciel d’aide au diagnostic des pathologies cardiovasculaires, qui est à l’étape de la reconnaissance de conformité auprès de l’agence américaine Food and Drug Administration, Mitchel Benovoy et son collègue planchent sur d’autres projets novateurs. Les entrepreneurs technologiques ont développé un système de compensation du mouvement en imagerie médicale numérique, qui permet d’améliorer la précision des images en stabilisant les mouvements du patient lors d’une capture par résonance magnétique. Alors que la procédure conventionnelle nécessite l’immobilisme du patient durant 60 secondes, puis un traçage manuel du contour d’organes sur chaque image par un technicien – une procédure qui exige de dix à quinze minutes - le système procède automatiquement à l’analyse des images avec précision en vingt secondes, et ce, malgré les mouvements du patient. Le système a déjà été testé auprès d’une importante cohorte de patients. « Ce système sera utile en pédiatrie, alors que les enfants pourront respirer et gigoter plutôt que d’être soumis à une anesthésie générale. Également, les patients cardiaques âgés n’auront plus à retenir leur souffle », explique M. Benovoy. Enfin, à propos des caractéristiques propres à l’entrepreneur technologique, Mitchel Benovoy estime qu’un entrepreneur en devenir, durant ses études à Polytechnique Montréal, ne doit pas hésiter à recourir aux nombreuses ressources qui sont accessibles au Québec. « Pour trouver de l’aide financière ou du mentorat, il faut savoir ouvrir les bonnes portes. »

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