Appareil à main pour les amateurs photographes Aucune notion de la ...

phiques aux Etats-Unis reposa moins sur l'essor du mar- ché national urbain2 que sur ..... l'Etat de New. York. Plus tard, en 1888 et 1889, lorsque les ressources.
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EXEMPLE DE PUBLICITÉ

Appareil à main pour les amateurs photographes Aucune notion de la photographie n'est, nécessaire Pressez simplement le bouton du Kodak, et vous pouvez faire de une à cent photographies consécutives, en une demi-heure, en un jour, en un mois, en un an, à votre choix.

PHOTOGRAPHIC

MATEE^IAL·^ C° IfD

4, Place Vendôme, P a r i s Envoi franco du Catalogue illustré 1894 contre 0 fr. 50 en timbres-poste remboursables à la première commande. —74—

Reese V. Jenkins.

George Eastman et les débuts de la photographie populaire

*

Professeur d'Histoire des Sciences associé à Case Western Reserve University.

«Le destin manifeste de la Compagnie Eastman Kodak est d'être le plus grand fabricant mondial de matériel photographique, ou d'aller au bouillon1.»

A George Eastman sur le bateau qui le conduit en Europe. Document Kodak. < Publicité Kodak en 1894.

Technology and the market : George Eastman and the origins of mass amateur photography (1975)* Reese V. Jenkins (associate professor in the graduate program in the history of science and technology at Case Western Reserve University).

Depuis 1839, date à laquelle elle fut introduite sur le marché, et jusqu'à la fin des années 1870, la photographie reposait sur un processus technique si complexe que seuls les professionnels et quelques amateurs passionnés étaient en mesure de la pratiquer. En effet, dans les années 1870, le photographe devait préparer son matériel photosensible, régler son appareil, exposer, développer et fixer la plaque de verre servant de négatif, puis tirer et fixer l'épreuve positive. Vingt ans plus tard, il suffisait à n'importe qui, même sans aucune connaissance en optique ou en chimie des produits photographiques, d'appuyer sur le bouton d'un simple appareil tenu à la main, d'en retirer le film exposé, et de l'envoyer dans une usine ou de le porter chez un photographe local. Ce passage de la pratique essentiellement professionnelle à l'amateurisme révolutionna autant l'industrie que le rôle de la photographie dans la société. Contrairement à ce qui se passa pour la plupart des autres produits ou services, la révolution qui affecta, entre 1880 et 1895, le marché et l'industrie photographiques aux Etats-Unis reposa moins sur l'essor du marché national urbain2 que sur une série de changements interdépendants dans la technologie et la distribution commerciale et qui aboutirent à une nouvelle définition du «client photographe ». Bien que plusieurs personnes aient contribué à la phase initiale de cette révolution, c'est l'industriel George Eastman, de Rochester, qui fut au cœur des changements fondamentaux de conception et de technique qui créèrent le marché populaire. Et c'est donc lui qui joua un rôle décisif dans la transformation industrielle qui s'ensuivit.

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Etant donné l'influence des interprétations historiques de l'école «romantico-héroïque», personne ne s'étonnera que le nom de George Eastman soit lié à celui de la photographie populaire et du développement des entreprises de grande envergure dans ce secteur. Pourtant, malgré les innombrables livres et articles publiés s u r l ' h i s t o i r e de la p h o t o g r a p h i e 3 et sur George Eastman 4 , on ne s'est jamais attaché comme il l'aurait fallu à la nature précise de ses premiers travaux ni à ses véritables motivations. Dans les ouvrages traitant de son œuvre, on présente George Eastman comme un homme qui voulait «simplifier» la photographie, sans s'arrêter vraiment à la signification de ce mot ni à toute une série de problèmes qui furent à l'origine de ses motivations. Il nous faudra donc reconsidérer son rôle dans le contexte technique et commercial de l'époque et nous arrêter sur les étapes essentielles qui menèrent de la photographie sur plaque de collodion h u m i d e p r a t i q u é e p a r quelques professionnels à l'utilisation du film souple à gélatine par des millions d'amateurs.

1. DES PLAQUES DE COLLODION HUMIDE AUX PLAQUES DE GÉLATINE SÈCHE. Le procédé au collodion humide, qui remplaça dans les anqées 1850 celui du daguerréotype, faisait appel à une solution de nitrocellulose, appelée collodion, qui servait de liant à des sels d'argent halogènes photosensibles. Le photographe préparait son négatif en couchant la solution collodion-halogénure sur une plaque de verre. Comme la photosensibilité de cette solution disparaissait dès qu'elle séchait, il devait préparer son négatif juste avant la prise de vue. Il fabriquait aussi son propre papier de tirage. Le photographe était donc non seulement un opérateur, mais aussi un fabricant artisanal décentralisé de matériel photosensible et d'épreuves finales positives. Au cours des années 1860, les photographes cherchèrent à fabriquer du collodion sec ou tout autre liant moins périssable. Durant les années 1870, plusieurs photographes anglais 5 réussirent à utiliser un substitut hautement sensible du collodion humide : la gélatine sèche. Dès la fin de la décennie, les revues de photographie anglaises publiaient les renseignements relatifs à cette formule, ce qui facilita le passage du collodion à la gélatine. La gélatine sèche, non seulement augmentait la sensibilité des sels d'argent, mais conservait cette sensibilité pendant plusieurs mois, ce qui permit de produire en usine l'élément le plus délicat du processus photographique. A la fin des années 1870, plusieurs entreprises anglaises démarrèrent la production des plaques de gélatine et, en 1880, quatre compagnies américaines au moins produisaient ces plaques à l'échelle commerciale : Cramer and Norden à Saint Louis, JohnCarbutt à Philadelphie, D.H. Cross à Indianola et George Eastman à Rochester. Bientôt, Cramer, Carbutt et Eastman prirent les commandes de cette industrie naissante grâce à la qualité supérieure de leurs emulsions et à leurs agences de vente exclusives animées par les trois revendeurs nationaux Anthony, Scovili et Gennert 6 . L'un des trois

fabricants pionniers de cette technologie nouvelle allait être à l'origine d'une révolution beaucoup plus déterminante. George Eastman (1854-1932) se lança dans le marché de la photographie en 1880, après avoir été un amateur sérieux durant trois ans. Fils du propriétaire et directeur d'une école commerciale de Rochester alors décédé, Eastman avait étudié huit ans à l'école publique et privée, et travaillé quelques années comme employé d'un bureau d'assurance, puis comme employé de banque et comptable adjoint à la Savings Bank de Rochester. Ayant vu sa promotion refusée au profit d'un collègue, parent proche d'un des responsables de la banque, Eastman, déçu, consacra ses loisirs à pratiquer sérieusement la photographie, et surtout la nouvelle photographie sur plaque de gélatine, dont il avait appris l'existence à la fin des années 1870 par les revues de photographie anglaises. Il préparait lui-même ses plaques en mélangeant l'halogénure d'argent (généralement au bromure) à de la gélatine, en cuisant celle-ci durant plusieurs jours (maturation) puis en la découpant et en la lavant pour la répandre enfin sur des plaques de verre. Une fois préparées, celles-ci gardaient leur sensibilité durant plusieurs mois. Eastman pouvait ainsi partir en randonnée avec une boîte de plaques, son appareil et un pied, faire ses prises de vue, ranger les plaques exposées dans leur boîte étanche et rentrer dans son laboratoire développer et fixer ses négatifs, puis en tirer les épreuves positives. Ses plaques ne tardèrent pas à acquérir une réputation locale, ce qui l'amena à envisager une production commerciale. Ainsi, le jeune homme qui avait été si impressionné par les machines de l'Exposition Internationale du Centenaire à Philadelphie en 1876, conçut à la fin des années 1870 une machine de couchage en continu des plaques de verre. Sur les conseils de son ami George Seiden 7 , autre inventeur de Rochester et expert juridique en brevets, Eastman, non seulement déposa pour sa machine un brevet américain, mais développa une stratégie en vue de faire enregistrer ce brevet en Grande-Bretagne, puis sur le continent. Ensuite, il vendit ses brevets européens pour financer son entreprise américaine 8 . Malgré un voyage en Europe au cours duquel il supervisa la concession des licences de son brevet anglais, Eastman parvint tout juste à réunir les fonds nécessaires pour couvrir les frais de son brevet d'origine. Il passa néanmoins la première moitié de l'année 1880 à mettre en place la production des plaques de gélatine, tout en conservant son emploi à temps plein à la banque. La fabrication démarra en été et, peu après, Eastman signa un contrat de distribution exclusive avec E. et H.T. Anthony de New York, principal fournisseur et revendeur national de matériel photographique. L'année suivante, il travailla à sa production de plaques sèches tout le temps que lui laissait son emploi à la banque. L'affaire se développa, et exigea bientôt des capitaux qui dépassaient les maigres économies du jeune entrepreneur. Son énergie et ses capacités d'homme d'affaires impressionnèrent Henry A. Strong, industriel local qui avait fait fortune dans les fouets pour voitures attelées, et qui logeait pour quelque temps avec sa femme chez la mère d'Eastman. Strong s'associa avec

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Eastman au début de l'année 1881. Eastman apportait à la nouvelle Eastman Dry Plate Company ses brevets, les capacités de production limitées de son «ancienne» entreprise et sa connaissance du produit et de la technologie de fabrication. Strong, qui ne travailla pas dans l'affaire durant la première décennie, mettait à la disposition de l'entreprise ses conseils, sa réputation d'homme d'affaires expérimenté et un capital de 5 000 dollars. De 1881 à 1883, l'Eastman Dry Plate Company acquit une réputation mondiale, ce qui fit progresser d'autant ses ventes et ses bénéfices. Mais les obstacles à franchir pour se lancer dans cette industrie n'étaient guère difficiles — malgré le caractère délicat de Γ emulsion — et les fortes marges bénéficiaires qu'elle dégageait attirèrent de nombreuses sociétés dans tout le pays 9 . Les pionniers gardèrent leur avance grâce aux relations exclusives qu'ils entretenaient avec leurs revendeurs nationaux, mais cet avantage disparut lorsqu'en 1883 la concurrence sur les prix s'intensifia, provoquant l'effondrement des marges bénéficiaires 10 . Cette situation amena Eastman à réexaminer le concept sur lequel reposait son affaire.

2. DES PLAQUES SÈCHES AU SYSTÈME DE FILM SOUPLE. L'érosion des profits et le tassement de la demande menaçaient le jeune entrepreneur, pour qui la croissance était un objectif fondamental. Il réagit en élaborant deux stratégies ; l'une à court terme et l'autre à long terme. A court terme, il forma avec ses principaux concurrents l'Association des Fabricants de Plaques Sèches (Dry Plate Manufacturers' Association), dont le but explicite était de chercher à stabiliser le prix des plaques. Mais cette mesure ne pouvait permettre à la Compagnie Eastman de reprendre une croissance rapide de ses ventes et de ses bénéfices. Eastman élabora donc aussi une stratégie à long terme: la «poursuite d'expérimentations ayant pour but la mise au point d'un système de photographie sur film qui supplante les plaques sèches en verre ». Fidèle à la politique de brevet de ses débuts, Eastman chercha à mettre au point un produit bien protégé. Pour cela, il collabora avec un fabricant local d'appareils et de plaques photographiques, William Hall Walker, dont il avait fait la connaissance en 1880. Comme leur projet avançait, Walker vendit sa petite affaire et s'associa avec la Compagnie Eastman en janvier 1884 pour «participer à l'expérimentation d'un nouveau système de photographie sur film». Au cours de l'année 1884, Walker et Eastman dépensèrent une énergie considérable pour développer leur produit. Walker travaillait à temps plein sur le projet, et Eastman y consacrait tout le temps que lui laissaient ses tâches de gestion et de production. A ce projet commun, Walker apportait son expérience de la fabrication des appareils ainsi que la conception d'un nouvel appareil portable à plaques sèches. Outre deux appareils à plaques dont il avait déposé les brevets au début des années 1880, Walker avait conçu et introduit sur le marché le «Walker's Pocket Camera» qu'il destinait, avec son nécessaire à développer et à tirer, au marché ama-

teur grandissant. Eastman, lui, apportait son expérience des produits et des plaques, la conception des machines de fabrication, une grande connaissance de la littérature spécialisée américaine et étrangère, ainsi que les ressources d'une compagnie solide à la réputation nationale. Mais surtout, il était particulièrement sensible à Interrelation entre la conception des produits, les méthodes de production et les possibilités du marché. Dès les débuts de leurs relations, Eastman et Walker s'engagèrent à mettre au point un système de pellicule en rouleau — ce qui constituait une approche radicalement différente du système traditionnel à plaques. Bien que l'idée d'un support flexible et continu ne fût pas neuve, il est peu probable que les deux hommes aient eu connaissance des idées de ceux qui, dans les années 1850, avaient déjà travaillé sur le problème 11 . Ces premiers systèmes n'eurent aucun succès commercial, en raison surtout des défauts techniques du porte-bobine et de la mauvaise qualité de la couche photosensible. Mais les deux hommes connaissaient le système non breveté de Leon Warnerke, introduit en Grande-Bretagne au début des années 1870. Ce système se composait d'un porte-bobine fixable sur un appareil à plaques et de deux rouleaux incorporés qui faisaient avancer un papier spécialement traité enduit de collodion. Les pellicules utilisées durant les années 1870 étaient revêtues d'une emulsion au collodion sec peu sensible. Bien que le système Warnerke eût retenu l'attention des revues photographiques anglaises, il n'obtint aucun succès commercial. On lui reprochait au moins cinq défauts : I o le prix de revient de la pellicule était élevé, ce qui la rendait trop chère pour le marché populaire; 2°les opérations de mise en place et de déchargement du film étaient mal commodes car elles devaient se faire sur l'appareil lui-même, les rouleaux n'étant pas amovibles ; 3° les repères servant à l'avancement du film et à son découpage lors du tirage l'endommageaient ; 4° lorsque Warnerke introduisit le film à gélatine au début des années 1880, on s'aperçut que les variations de l'humidité atmosphérique en modifiaient la tension, d'où une déformation de la surface sensible donnant des images floues; 5°en raison des méthodes de production artisanale du portebobine et du film, le système était très cher et peu fiable. Malgré tous ces problèmes et l'échec commercial du système, c'est sur cette base que Walker et Eastman entamèrent leurs recherches. Les deux hommes se partagèrent les principales tâches de conception et de mise au point des éléments essentiels du système, qui comprenait: I o l e portebobine; 2° la pellicule ; et 3° les machines nécessaires à la fabrication de cette pellicule. Walker, qui avait l'expérience de la conception et de la fabrication des appareils photographiques, s'occupa de concevoir le porte-bobine. Eastman, qui connaissait la fabrication du matériel photosensible et la conception des machines, se chargea de mettre au point le film et les machines nécessaires à sa fabrication. Tous deux travaillèrent en étroite collaboration, partageant même les bénéfices des brevets relatifs aux trois éléments de base : ils étaient en effet conscients que ces éléments faisaient partie d'un même concept et que le fait de breveter séparément les éléments d'un sys-

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G. EASTMAN. CAMERA.

Patented Sept. 4, 1888.

No. 388,850 * & ' * '

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^ä. * Brevet d'invention de Vappareil photo par George Eastman — 1888. —78—

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