AMISSEUM Les Terres Inconnues

d'or, mais également d'un pantalon qui complétait parfaitement la longueur de ses .... Adam était un garçon de 17 ans qui, comme les jeunes de son âge, aimait .... de tout genre, mais plus particulièrement des mangas et autres comic book.
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AMISSEUM Les Terres Inconnues

Maes Larson

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PROLOGUE

C’était une sombre nuit dans le royaume d’Elmeria. Non pas à cause des nuages gris qui recouvraient le ciel, mais plutôt par l’atmosphère pesante qui y régnait. Et plus particulièrement pour cet homme à l’allure peu conventionnelle, assis sur une chaise aux accoudoirs ornés d’or. Il se tenait devant son bureau le corps bien droit et une plume à la main. Il avait sous les yeux une note qu’il venait d’écrire et qu’il signa de son nom, Klausmery. Il ressentait, depuis plusieurs jours maintenant, un malaise, comme si un danger le guettait. Bien sûr, certaines nouvelles émanant d’autres royaumes n’étaient pas des plus réjouissantes, mais aucune attaque ou menace n'avait encore visé sa personne. Puis, que pouvait-il lui arriver ? Lui qui vit dans cet énorme château aussi robuste que convoité, dont l’architecture et les fortifications n’avaient pas d’égal. Il fut construit à partir d’une pierre bleue provenant de la vallée du tombeau. Quelques légendes courraient sur cette fameuse montagne, certains la disaient habitée par des créatures fantastiques alors que d’autres pensaient qu’elle n’existait tout simplement pas. Cette roche avait la réputation d’être incassable et avait surtout une beauté étincelante, comparable au saphir. Ce magnifique édifice, bâti dans les hauteurs d’Elmeria ; royaume reconnu dans le monde entier, était une demeure fortifiée qui imposée par sa taille avec ses portes boisées, son pont-levis et ses grandes tours. Sur chacune d’elles flottait l’étendard de la famille royale, une panthère aux yeux verts. Cette bannière provenait des ancêtres de Klausmery réputés pour être d'excellents guerriers qui n’attaquaient que pour se défendre tout comme ces bêtes féroces. « Le sang du peuple coule dans nos veines et pour eux nul sacrifice n’est vain » telle était leur devise. La garde rapprochée de Klausmery composée d’une quarantaine d’hommes se répartissait à chaque coin de la demeure. Ses loyaux soldats connus sous le nom des sentinelles de l’ombre s’entrainaient depuis leurs plus jeunes âges dans le seul but de protéger le roi. On les décrivait comme de valeureux guerriers prêts à sacrifier leurs vies pour le bien d'Elmeria. Ce soir-là, la lune rouge ne présageait rien de bon. Les lumières de l'édifice étaient toutes éteintes excepté celle de la tour Est où Klausmery passait ses nuits. Il se trouvait dans une pièce semblable à un salon de lecture. C’était une personne très cultivée qui aimait beaucoup la lecture, d’ailleurs sa bibliothèque regorgeait d’ouvrages et de parchemins anciens. La fenêtre grande ouverte permettait d’entendre le bruit des criquets, mais également les pas des gardes qui effectuaient leurs rondes tout autour du château.

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À l’intérieur, une odeur ambiante de bois brûlé embaumait la salle. Il appréciait particulièrement ce moment, les buches craquaient dans la cheminée, et Klausmery assit dans son fauteuil laissait ses pensées s’envoler dans l’air. Habituellement, la chaleur sur son visage l’apaisait, mais aujourd’hui elle semblait projeter un souffle aussi glacial que la mort. Ce mauvais pressentiment, qu’il avait depuis quelques jours le préoccupait énormément. Était-ce cela d’être roi ? Être seul dans une tour froide malgré un feu ? Sûrement pas. Il avait fait des sacrifices, mais ne les regrettait pas et à présent les habitants d'Elmeria vivaient dans un monde en paix. Mais à bientôt 44 ans Klausmery, pensait, avant tout au bonheur de ses sujets. C’était une évidence à ses yeux, il fallait assurer sa descendance pour qu’un jour un de ses enfants prenne sa place. Un choix qu’il avait murement réfléchi ces derniers mois. Et quoi de mieux qu’une union entre deux familles royales pour donner à ses sujets une vie paisible et rassurante. Cela assurerait une stabilité sur de longues années non négligeables aux siens tout en envoyant un signal fort à de potentiels ennemis. Il se tourna lentement vers la cheminée et prit sa canne. Son bois de couleur nuit aux reflets bleutés et sa poignée faite d’or, s’étaient polis au fil des années. Sur celle-ci figurait l’emblème de la famille qui brillait comme au premier jour. Il s’agissait d’un cadeau de son vieil ami Garamei souverain lui aussi, que l’on trouvait par-delà l’océan. Et sa sœur Ania… Ne ferait-elle pas une parfaite épouse, s’interrogea Klausmery ? Ils communiquaient régulièrement avec son camarade. Il avait d’ailleurs eu une conversation avec lui un peu plus tôt dans la journée. Je devrais lui demander son avis, se disait-il. Après tout, il s’entendait très bien avec Ania et elle était tout comme lui célibataire. Il prit appui sur sa canne et se leva de son fauteuil. Klausmery n’était pas infirme, mais la gardait toujours près de lui. Son élégante tenue provenait du village de Pourouk, reconnu par tous comme étant des couturiers aux talents inégalables. Leurs secrets résidaient surtout dans la fabrication de leurs tissus, que l’on qualifiait de supérieurs à la soie. Son habit était d’un blanc que l’on apercevait dans les nuits les plus sombres, composé d’une longue tunique, dont le col et les manches étaient ornés de broderie en fil d’or, mais également d’un pantalon qui complétait parfaitement la longueur de ses jambes. Il portait à son cou un foulard bleu noué avec délicatesse harmonisant le tout. Klausmery était aussi un bel homme, qui ne manquait pas de courtisanes. Mais malgré leurs charmes, aucune d’elle n’avait pu faire tomber le cœur de cette personne empli de dévotion et d’amour pour ses sujets. Il avait le visage fin, sa peau pâle rappelait celle de son peuple. Klausmery se distinguait par ses longs cheveux noirs ondulés lui arrivant aux épaules et par ses grands yeux verts. Il se dirigea vers son bureau afin d’informer son ami de cette nouvelle, quand soudain il s’arrêta. L’atmosphère avait basculé, Klausmery sentait une présence hostile, mais ne parvenait pas à en déterminer la provenance. Pourtant les gardes n’avaient rien signalé de suspect. Alors pourquoi était-il dans cet état ? Lui qui a combattu durant la « Sordide Guerre » et dont l’évocation de son nom faisait frémir les plus grands soldats. Ce conflit réveillait en lui de vieux cauchemars qu'il aimerait oublier. Cette interrogation le dirigea vers la fenêtre, celle qui donnait sur la cour intérieure, mais également sur le domaine d’Elmeria. Il contemplait avec satisfaction l'étendue de sa propriété, ses inquiétudes se dissipaient pour laisser place à un sentiment de fierté. Il était parvenu à reconstruire son royaume malgré les nombreux dégâts causés par la guerre. La vie avait repris son cours et chacun apprenait à revivre en paix. Malgré ses doutes, tout paraissait idyllique et rien ne semblait pouvoir interrompre cet instant. Il retourna s’assoir sur son bureau conforté dans son idée qu’un mariage entre lui et Ania serait parfait.

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Subitement, un vent froid parcourra le château, une bourrasque si violente qu’elle éteignit le feu de la cheminée. Ce fut à cet instant que Klausmery se rendit compte qu’il n’entendait plus les pas de ses soldats. Tout à coup un bruit énorme semblable à celui d’une déflagration retentit à l’autre bout du palais résonnant plusieurs secondes. Klausmery bondit, faisant tomber sa chaise au sol. On pouvait distinguer son regard noir malgré la pénombre. Il empoigna sa canne de toutes ses forces, sentant quelque chose de plus en plus proche. Que se passe-t-il, Klausmery se demanda ? Ses doutes étaient-ils fondés ? Que quelqu’un tente de l’attaquer de front ainsi ? Quel fou oserait s’en prendre au roi dans sa demeure ? Pour en être certain, il accourut vers la porte. Il posa sa main sur la poignée pour l’ouvrir lorsque soudain, la pièce où il se trouvait explosa. C’était effectivement une sombre nuit pour Klausmery.

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CHAPITRE 1

Adam se réveilla en sursaut. Le souffle court et les oreilles bourdonnantes. Il paraissait perdu. Était-il encore dans ce rêve ou se trouvait-il dans sa chambre ? Pour en être sûr, Adam se leva, toujours sous le choc et les jambes chancelantes. Il chercha l’interrupteur à tâtons. Dans son entreprise, il heurta sa commode du genou entrainant la chute des objets posés dessus. Il eut du mal à contenir sa douleur, mais parvint à ne pas faire davantage de bruit. Après plusieurs tentatives, il réussit à allumer la lumière. Il scruta les lieux avec difficulté tant l’intensité de sa lampe l'éblouissait. Son ordinateur, bien installé sur le bureau, était encore en marche et ses mangas, jeux vidéo qu’il n’avait pas rangés la veille tapissaient le sol. Pas de doute, Adam se trouvait bien dans sa maison. Sa tête lui faisait un mal de chien et il ressentait des courbatures dans tout son corps. Il lui fallait se désaltérer pour reprendre son calme. Adam ouvrit la porte de sa chambre et traversa le couloir qui menait à la cuisine le plus silencieusement possible. Il prit une bouteille d’eau dans le réfrigérateur et s’assit sur la chaise la plus proche. Son esprit était accaparé par cet étrange rêve. Qui était cette personne ? Et ce château bleu ? Il n’en avait jamais vu d’aussi beau, même dans les films qu’il aimait regarder avec ses amis. Il mit sa tête entre ses mains pour oublier toutes ces idées qui le tourmentaient. « Il faut que je me calme », se disait-il. Ce n’était qu’un songe après tout, pas de quoi en faire toute une histoire. Pourtant, il avait senti les murs froids du château, le bois de la bibliothèque et la chaleur qui émanait de la cheminée. Comme s’il avait touché de ses mains chaque objet de son rêve. Il avait ce sentiment qu’il avait eu en face de lui une personne bel et bien vivante. Adam se rappela qu’il avait vu sa signature, mais il ne se souvenait plus exactement de son nom. Il prit la bouteille d’eau et se servit un verre. Il jeta un regard vers l’horloge. 6 heures du matin, trop tôt pour se rendre au lycée et bien trop tard pour se recoucher. Soudain, il discerna des pas provenant du couloir qui s’approchaient de lui. Adam leva la tête et vit sa mère, Camille. Elle avait entendu du bruit dans la cuisine et se demandait qui pouvait être debout à cette heure tardive. Elle questionna d’une voix éraillée : — Adam ? C'est bien toi ? — Qui tu veux que ce soit maman !? — Ne me dis pas que tu viens de rentrer à la maison tout de même, l'interrogea sa mère surprise de le voir debout si tôt. — Mais non, t'inquiètes pas. Puis je serais jamais sorti en pyjama ! dit-il pour la taquiner. J’ai fait un drôle de rêve et en me réveillant j’avais soif c’est tout. Sa mère prit une chaise à son tour pour s’assoir auprès de son garçon. Elle y voyait plus clair depuis quelques instants. — Je préfère ça, pas besoin de te rappeler ce que ton père et moi attendons de toi cette année. Adam était un garçon de 17 ans qui, comme les jeunes de son âge, aimait beaucoup sortir avec ses amis, et parfois leurs soirées finissaient à des heures tardives. Mais ses parents lui avaient demandé de ne pas veiller trop longtemps les jours de semaine. 5

À la fin de cette année, il passerait ses examens, et il se devait de les réussir avec brio pour ne pas décevoir sa famille. Adam ne lui répondit pas. Il fixait le verre d’eau et le faisait tournoyer dans sa main. — T’as l’air déboussolé, raconte-moi ce qui ne va pas ? demanda Camille qui sentait son fils confus. — Rien de particulier, rétorqua Adam toujours marqué par cet homme qu’il avait vu. Puis il compléta : — Tu sais, c’est ce genre de rêve qui paraisse si vrai que t’as l’impression de l'avoir vécu. — Oui, je crois savoir ce que c’est. Je pense que les films et séries que tu regardes doivent y contribuer grandement. Mais ne t'en fais pas mon fils, ce n'était que le fruit de ton imagination. Tu vas t'en remettre, ajouta sa mère en lui passant la main dans les cheveux. Adam eut un mouvement de recul devant le geste de sa mère. Elle ne put s'empêcher de rire devant la réaction de son fils. — Excusez monsieur, ce n'est pas parce que tu auras 18 ans dans quelques mois que tu n'es plus mon bébé, ajouta-t-elle d'un air moqueur. — Mais non, rien à voir. Tu sais que … Enfin bref, lança Adam un peu gêné par les mots de sa mère, mais qui esquissa tout de même un sourire. En un instant elle avait réussi à changer les idées d’Adam et ce dernier ne pensait déjà plus à cet étrange rêve. Camille se leva et sortit d’un placard un bol et des céréales. Intrigué, Adam lui demanda : — Qu’est-ce que tu fais ? Depuis quand tu manges des céréales le matin ? — Ah, mais ce n’est pas pour moi. Je me rends compte que je ne m’occupe plus de toi, surtout depuis que Nina est malade. Nina, la petite sœur d’Adam était âgée de 12 ans seulement. Elle avait contracté une pathologie orpheline à ses 8 ans et depuis ce jour Camille ne se consacrait qu’à sa fille. Elle avait tout abandonné pour rester à son chevet, sa vie professionnelle et même ses amies. Seul son mari continuait à travailler afin de subvenir aux besoins du foyer en cumulant deux fonctions, malheureusement cela le contraignait à être souvent absent. Cela permettait à la famille d’Adam de payer les soins médicaux, mais aussi les courses et les factures de la maison. Malgré les difficultés cela restait à leurs yeux le choix le plus évident pour le bien de tous et un sacrifice lourd à assumer. Adam regardait Camille tartiner du pain avec de la confiture, elle semblait heureuse de pouvoir passer un moment avec son petit homme, comme elle aimait le surnommer. Adam ne lui en voulait pas, au contraire il aidait sa famille du mieux qu’il pouvait en s’efforçant de causer le moins de problèmes possible. — Tiens, c’est prêt, dit Camille en posant le tout sur la table. — Humm, c’est parfait, je vais me régaler. Je n’aurais jamais fait tout ça pour moi, merci, maman. Adam se jeta sur la nourriture tandis que Camille l'observait se goinfrer. La fine taille du garçon ne l’empêchait pas d’être un gros mangeur. Il termina son bol et ses tartines en un rien de temps sous les yeux apaisés de sa mère. Adam regarda Camille tout en essuyant sa bouche avec une serviette. Il voulait lui parler, mais ne savait pas comme s'y prendre. — Tu avais rendez-vous hier avec un autre spécialiste, demanda-t-il d’une voix hésitante. Est-ce qu’il … Adam ne put finir sa phrase que Camille l’interrompit. — Il a dit exactement ce qu'avaient annoncé les précédents. Si elle vit jusqu’à ses 20 ans ce sera un miracle… Mais il faut garder courage, les recherches continuent chaque jour que Dieu fait. 6

Camille gardait espoir et ne voulait pas paraitre tourmentée aux yeux de ses enfants. Adam comprenait ce qu’elle ressentait, car il portait lui aussi ce même masque devant sa famille. Il ne pouvait montrer ses inquiétudes à l’égard de sa petite sœur, il se devait d’être fort. Le garçon se leva et débarrassa la table. Camille ne se souciait déjà plus vraiment de ce qu’il faisait ; elle avait l’esprit ailleurs, les yeux à demi ouverts plongés dans son café fraichement préparé. Adam s’approcha d’elle pour lui faire un bisou sur la tête et chuchota dans son oreille. — Tu devrais retourner dormir, il est encore tôt. Nina ne se réveillera pas de si tôt. Cette dernière phrase ne manqua pas de faire réagir Camille qui sortit de sa léthargie. Elle fixa son fils avec une certaine fierté, soulagée de l’avoir près d’elle. — Tu as raison, je vais me rallonger, travaille bien, lui dit-elle avant de quitter la pièce. Peu de temps après, Adam regagna sa chambre. Il observa le désordre d’un air désespéré. Il n'avait pas l’habitude de voir sa chambre dans cet état, lui qui d’ordinaire était très soigneux et surtout très organisé. Il ne savait pas par où commencer, alors il alluma la télé et se jeta sur son lit pour oublier son état. Il se mit à changer de chaine sans s’arrêter, recherchant le programme qui lui plairait. Ne trouvant rien d'intéressant, Adam opta finalement pour un journal d’information en continu et se leva pour ranger ses livres. Le garçon avait une grande bibliothèque très bien organisée. Elle était triée par type et par ordre alphabétique. Il y avait un coin dédié aux jeux vidéo, mais surtout un réservé pour ses Bluray. En grand passionné de cinéma, Adam disposait d’une collection impressionnante dont il était très fier. Dans la seconde moitié se cachaient des ouvrages de tout genre, mais plus particulièrement des mangas et autres comic book. Pendant qu’il ramassait les derniers livres au sol, Adam s’arrêta subitement suite à une information de la journaliste. « Deux personnes toujours recherchées suite à l’attaque d’une église à l’arme automatique. Le bilan provisoire est de 12 morts et 7 blessés dont 3 dans un état jugé très préoccupant. Les suspectes seraient deux femmes d’une trentaine d’années venant de la mouvance « PWR ». C’est la 3èmee attaque de ce type dans le pays en deux ans. Le président a tenu à rassurer les représentants des cultes religieux dans son allocution, précisant que le nécessaire sera fait pour éradiquer cette menace qui sévit dans le monde. Et maintenant, place à la météo avec du beau temps et des températures très chaudes pour un mois de novembre, allant de 32 à 35 degrés dans la majeure partie du pays ». Adam avait entendu parler de ce fait divers par le biais d’un ami la veille, mais ignorait que les coupables restaient toujours en fuite. Il constatait à quel point le monde actuel était devenu dangereux, et cela sans compter l’augmentation des catastrophes naturelles. Il ne savait pas si ces accidents étaient plus fréquents ou juste plus médiatisés. Mais pour lui cela n’avait pas une grande importance tant que ça ne l'atteignait pas. Il prit la télécommande et éteignit la télé. Il en avait plus qu’assez d’écouter ces mauvaises nouvelles déprimantes. Adam tira ses rideaux et ouvrit les fenêtres en grand pour aérer sa chambre. Soudain son téléphone sonna, et Adam s’empressa de voir de quoi il s’agissait. Comme tous les jeunes de sa génération, il ne pouvait se passer de son Smartphone. Il regarda les dernières notifications qu’il avait reçues dans la nuit. Un rappel lui disait de changer les piles de sa calculatrice. Il disposait d’une bonne mémoire, mais restait toujours vigilant sur certains points pour ne pas être pris au dépourvu. Il connaissait l’importance du devoir écrit de cette après-midi et il ne voulait pas le rater. Il se souvenait qu’il avait des piles neuves dans une boite cachée sous son lit. Le garçon se baissa pour mettre la main dessus puis ouvrit le carton quelque peu poussiéreux. Comme il s’en doutait, un stock jamais utilisé s’y cachait. En fouillant à l’intérieur, il tomba également sur un ancien ouvrage qui 7

ne se trouvait pas à sa place habituelle. Il décida de le sortir pour le feuilleter. À son grand étonnement, ce qu’il pensait être un livre était en réalité un vieil album photo. Adam se leva du sol pour s’assoir confortablement sur son lit. Il tourna les pages une à une en regardant les images avec attention. Le jeune homme ne se rappelait plus qu’il possédait ces clichés, à croire qu’il avait occulté l’existence de ces souvenirs. Sur certains d'entre eux, on pouvait le voir. Il y en avait aussi de Nina enfant, pas encore atteinte du virus. Il s’arrêta sur l’une d’entre elles en particulier. La photo montrait Adam et sa famille en vacances en bord de mer. Sur celle-ci on découvrait Adam à peine âgé de 12 ans attrapant la jambe de Camille. Son père quant à lui avait une barbe fournie et portait sur ses épaules Nina, qui avec ses couettes faisait une grimace tout en tirant les cheveux de son papa. Ce fut l’année suivante que les premiers symptômes de sa maladie apparurent. Adam regarda l'image avec insistance, regrettant cette époque où tous allaient pour le mieux. Il voulait croire qu’un jour les médecins trouveraient un remède et que Nina pourrait alors vivre une vie normale. À cet instant il eut une idée. Il se leva pour retirer un cadre accroché sur son mur et remplaça la photo présente par celle qu’il venait de retrouver. Il comptait l’offrir à sa sœur comme cadeau, pour lui rappeler ces beaux souvenirs. Adam pensait que cela lui donnerait de la force supplémentaire pour continuer à se battre et croire à une vie heureuse. Il la posa sur son bureau à côté de son ordinateur pour ne pas l’oublier en partant. Il rangea les derniers habits qui trainaient et s’avança vers son armoire pour choisir sa tenue du jour. Le soleil qui traversait sa chambre illuminait son visage jusqu’à éclaircir davantage ses yeux marron. Il avait le teint plutôt pâle et des cheveux noirs courts qu’il ne coiffait jamais. Sans trop hésiter, il prit un jean clair avec un t-shirt blanc uni et les posa sur son lit. Il sortit ensuite une boite de chaussures du dessus de son armoire, une paire de converse bleues qu’il appréciait particulièrement. Maintenant qu’il avait fini de préparer ses vêtements et que la pièce était rangée, Adam pouvait se doucher l’esprit tranquille. Quelques minutes plus tard, Adam propre, parfumé et habillé se trouvait devant la chambre de Nina tenant la photo fermement dans sa main droite. Il se doutait qu’elle dormait encore alors il essayait de faire le moins de bruit possible pour ne pas la réveiller. Son objectif était de rentrer incognito, de déposer le cadre auprès d’elle sans la déranger et de repartir dans la foulée. Adam se lança et ouvrit doucement la porte marchant sur la pointe des pieds. Il se fraya un chemin tant bien que mal dans l’obscurité. Nina avait une grande chambre, la plus spacieuse de l’appartement. Ses déplacements étaient limités et surtout difficiles, alors ses parents avaient décidé de tout faire pour qu’elle ait tout ce dont elle avait besoin à porter de main. On pouvait donc voir dans cet espace quelques pièces peu ordinaires comme une salle de bain ou bien un mini frigidaire. Au début de sa maladie, Nina pouvait se doucher elle-même, mais plus maintenant. Son état s’était aggravé au fil des années et aujourd’hui elle passait la grande partie de ses journées au lit. Adam s’avança doucement vers la table de chevet et posa la photo. Il retourna aussitôt sur ses pas pour sortir lorsqu’il entendit : — Grand frère ! C’est toi ? Malgré tous les efforts qu’il avait fournis pour s’immiscer silencieusement dans la chambre il avait quand même réussi à la réveiller. — Oui, c’est moi, chuchota-t-il. Recouche-toi, il est encore tôt.

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Elle se redressa doucement de son lit avec un peu de difficulté, puis se frotta les yeux pour y voir plus clair et dit : — Ça y est, je ne dors plus. Tu peux rester avec moi maintenant. Adam souffla de dépit puis dit : — Tu en fais qu’à ta tête comme toujours. — Bah quoi, ça ne te fait pas plaisir ? lui demanda Nina avec une mine boudeuse. — Tu sais très bien que ce n’est pas ça le problème. Adam ne voulait pas l’affaiblir davantage, bien qu’il aimerait passer plus de temps auprès d’elle. Après réflexion, il décida de rester un moment pour lui tenir compagnie. — T’as gagné puis j’ai du temps ce matin, je suis en avance. Et si on mettait un peu plus de lumière dans cette pièce. Ça te dit ? Nina répondit sans hésitation par l’affirmatif. Adam tira les rideaux et ouvrit les fenêtres en grand. — Ça fait du bien de sentir l’air frais contre mon visage, rétorqua-t-elle. Adam retira le coussin qui était au pied de son lit et s’assit auprès d’elle. Nina regarda en direction de sa table de chevet et vit la photo posée dessus. Elle ne l’avait pas remarqué à son réveil et fut surprise. — C’est toi qui l'as mise ici ? lui demanda Nina, intriguée. — C’est ma petite surprise de la journée, elle est pas mal hein ? Tu te rappelles de ce jour-là comme tu avais embêté papa ? Elle ne répondit pas immédiatement. Elle fixa à nouveau la photo, les souvenirs lui revenaient à la tête tel un boomerang. Cela lui remémorait une époque qui lui paraissait lointaine. Nina très émue dit : — J’arrêtais pas de lui tirer sa barbe et lui n’osait pas me gronder...Merci, grand frère. C’est le deuxième plus beau cadeau que tu pouvais me faire. Elle ouvrit soudainement ses bras pour faire un câlin à son frère. Adam, surpris dans un premier temps s’approcha d’elle et la serra fort contre lui. — J’ai vraiment de la chance de vous avoir tous près de moi ! s’exclama Nina Adam étonné par les mots prononcés par sa sœur marqua une hésitation. Elle était malade, mais se montrait forte et prête à se battre pour guérir. Elle semblait même heureuse. « L’était-elle vraiment ? » pensa-t-il tout en la fixant du regard. — Attend une seconde. Tu viens de dire que c’était le deuxième plus beau cadeau qu’on pouvait te faire. Quel est le premier alors ? l’interrogea Adam. — T’as encore oublié, répondit Nina en fronçant les sourcils. Ça fait plusieurs jours que je te demande un Colibri. — Ah, mais oui ! Désolé, c'était sorti de ma tête, tu sais j’ai beaucoup de travail en ce moment. Après les cours si je ne finis pas trop tard je passerai en acheter un, promis. — C’est bon j’ai c... Soudain, Nina se mit à tousser sans pouvoir s’arrêter. — Ça va ? dit son frère qui se précipita pour la rallonger sur le lit. Ne bouge pas, je t'apporte à boire. Adam se dirigea vers le mini réfrigérateur et prit une bouteille d’eau. Il servit un verre à Nina qui l’avala par petites gorgées. — Merci, ça va beaucoup mieux, puis allongée c’est toujours plus confortable pour moi, lâcha Nina pour rassurer Adam. — Je vais te laisser te reposer un peu, tu en as besoin. Nina, qui ne voulait pas le voir partir si rapidement, l’interrompit : — Au fait, comment ça se fait que tu sois debout aussi tôt ? — Tu me sors ça comme si j’avais l’habitude de me réveiller tard, répondit Adam en souriant. J’ai fait un rêve bizarre et je n’ai pas réussi à me recoucher. 9

— Bizzare tu dis !? rétorqua Nina en regardant la photo comme si elle espérait que sa maladie soit juste un cauchemar. — Tu es sûre que tout va bien ? demanda Adam qui sentait de la crispation chez Nina. — Oui, ne t’inquiète pas. C’est que papa me manque beaucoup, je n’ai pas arrêté de penser à lui cette nuit et maintenant le voir ici sur cette photo… — Il me manque à moi aussi, tu sais ? Il devrait rentrer ce week-end, si tout se passe bien. Le visage de Nina se referma quelque peu. Malgré les efforts de son frère, elle semblait triste. Adam ne pouvait quitter la pièce en laissant sa sœur dans cet état. — Comment tu te sens ces derniers jours ? — Pas trop mal, mis à part que je suis très fatiguée, répondit timidement Nina. Pourquoi tu me demandes ça ? — Ça te plairait d’aller faire un tour au parc ce week-end, juste tous les deux ? De la joie se dessina sur le visage de Nina. Elle n’avait pas vu l’extérieur depuis plusieurs semaines et avait une folle envie de quitter sa chambre. —Évidement que ça me dirait, répondit Nina toutes dents dehors. J’ai trop hâte maintenant... — Super, on va bien s’amuser tu verras, lâcha Adam tout sourire. Je dois finir de me préparer petite sœur, comme ça j’arriverai peut-être avant Ryan. Repose-toi bien. — Bon courage pour aujourd'hui. Tu passeras le bonjour à Ryan et Isaac de ma part. — Sans problème, rétorqua Adam qui se penchait pour lui faire un bisou sur le front avant de sortir de la chambre. Nina semblait comblée. Il n'avait suffi que d’une proposition de son frère pour lui faire oublier sa tristesse, mais cette joie fut de courte durée. Elle se tourna vers sa table de chevet et fixa la photo. Dans sa tête des images d’elle plus jeune défilaient à toute vitesse. Ses yeux devinrent larmoyants, si bien qu’elle lâcha d’un léger murmure : « c’est le passé, plus rien ne se sera comme avant ». Puis elle claqua la photo contre le meuble pour ne plus la voir. De retour dans sa chambre, Adam soupira. La journée venait à peine de commencer qu’elle lui paraissait déjà interminable. Son téléphone sonna aussitôt, ne lui laissant pas le moindre répit. Il s’agissait de son ami Ryan. « Je suis devant la boulangerie, oublie pas mes écouteurs », disait le message. Adam fut soufflé, lui qui pensait être au point de rendez-vous avant son ami. Il prit ses clefs et dévala le couloir à toute vitesse pour le rejoindre.

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CHAPITRE 2

Comme chaque matin, Adam et ses amis se rejoignaient devant leur boulangerie préférée. Ils se donnaient rendez-vous à cet emplacement avant chaque sortie. Pour s’y rendre, Adam empruntait le boulevard en bas de son appartement. Il vivait dans un quartier modeste où tout le monde ou presque se connaissait. La plupart d’entre eux l’avaient vu grandir, mais la personne qu’il appréciait le plus restait sans aucun doute M. Miramond, le libraire de la ville. Adam avait beaucoup d’affection pour lui et le considérait comme une seconde figure paternelle dans sa vie. C’était un homme plutôt âgé. D’ailleurs, on distinguait de nombreux poils blancs sur sa barbe bien fournie et dans ses cheveux, enfin pour le peu qu’il lui restait. De petite taille, le vieil homme portait toujours un pantalon en toile marron et une chemise à carreaux. Adam passait le voir avant de partir au lycée pour avoir de ses nouvelles et pour récupérer quelques livres. Le garçon lui rendait visite les week-ends pour lui apporter de l'aide à la boutique. Cela lui permettait d’avoir des avantages ; il pouvait prendre ce qu’il voulait sans débourser un seul centime. Adam disposait également d’un double des clés lui donnant accès à l’ensemble du magasin à n’importe quelle heure de la journée. Il pouvait ainsi passer ses soirées à l’intérieur, et ce même en l’absence de M. Miramond. Ce jour-là, le garçon croisa le chemin de M. Miramond qui ouvrait la porte de sa librairie. Adam, content de le voir, l’interpella en tapant doucement sur son épaule et dit gaiement : — Bonjour, M. Miramond, comment allez-vous ? Le vieil homme se retourna lentement et répondit : — Tiens ! C’est toi, Adam ! Bah ... Écoute, très bien, surtout avec un ciel aussi bleu. — Attendez ! Je vous donne un coup de main ! s’exclama Adam tout en bâillant. — C’est bien gentil de ta part, rétorqua M. Miramond. Eh bien, tu m’as l’air bien fatigué. Tu as passé une nuit agitée ? — On peut dire ça. J’ai fait un sacré rêve cette nuit, enfin ce matin. J’avais l’impression d’être dans un autre monde. C’était incroyable et ça semblait si réel. — Ton histoire me parait très intéressante, lâcha le libraire qui tendit son bras en direction du jeune garçon comme pour montrer qu’il s’en moquait. Adam attrapa le sac et entra dans le magasin accompagné de M. Miramond. L’endroit plutôt sombre disposait de plusieurs meubles tous poussiéreux et très vétustes. Tous les ouvrages reposaient au niveau supérieur dans des étagères en bois foncé. Adam posa le bagage qu’il peinait à porter sur le bureau du vieil homme. — Qu’est-ce qu’il y a à l’intérieur ? C’est super lourd... — Ça, ce sont d’anciens livres que j’ai récupérés dans un marché d’occasion. Ils appartenaient à une famille qui en avait hérité de leurs grands-parents. Personne n’en voulait, alors je les ai achetés. Le libraire se montrait tellement passionné par son métier qu’il sillonnait toutes les brocantes de la région à la recherche d'œuvres rares. — Et comment va notre chère Nina, ce matin ? — Plutôt bien, rétorqua Adam avec sourire. D’ailleurs, je lui ai fait un cadeau ce matin 11

qui lui a plu. Enfin, je crois, ajouta-t-il songeur. — C’est bien que tu t’occupes d’elle ainsi, dit le vieil homme d’un ton sincère. Il lui faut un frère présent et fort comme toi, surtout ne l’abandonne jamais. — Pourquoi est-ce que je ferais ça, M. Miramond ? C’est ma sœur, je ne l'abandonnerais jamais, s’étonna Adam qui ne comprenait pas les propos du vieil homme. — Excuse mon air sérieux, mais Nina aura encore plus besoin de toi dans les années à venir. Ne l’oublie pas, dit-il en regardant Adam droit dans les yeux. Après un moment de flottement, M. Miramond, s’apercevant qu’il avait gêné le garçon, enchaina en souriant : — Je te sers une tasse de thé ? — Non, merci. La prochaine fois. Ryan m’attend, vous savez à quel point il déteste les retardataires. — Tant pis pour toi, c’est une nouvelle trouvaille que j’ai faite. Il est vraiment délicieux. Il sera rangé à l’endroit habituel si tu veux en prendre. Surtout, pense à récupérer les livres que tu as commandés. — Sans faute, répondit Adam tout en marchant vers la sortie. J’essayerai de passer ce soir, si je ne finis pas trop tard. Adam s’en alla en faisant un geste en direction du vieil homme qui le regardait partir avec un sourire malicieux. Le garçon avait repris sa route et apercevait au loin Ryan assis sur un banc, son Smartphone dans la main gauche et dans l’autre un pain au chocolat. Il épluchait les dernières informations sportives en attendant ses amis. Le garçon était très à cheval sur la ponctualité et détestait faire patienter les gens. D’ailleurs, il avait toujours au moins cinq minutes d’avance sur tout le monde. En contrepartie, il valait mieux se présenter à l’heure, sans quoi il pouvait se mettre en colère très rapidement. Cela ne posait pas trop de problèmes avec Adam qui sauf exception, arrivait toujours à l’heure. Ryan aperçut son camarade qui s’approchait de lui et rangea son téléphone avant de se lever. Le garçon était passionné par de sport depuis son plus jeune âge, surtout d’escrime qu’il pratiquait dans un club réputé. Sa passion lui venait de son grand-père qui fut pendant longtemps un espoir de médaille pour la fédération. Malheureusement, après un accident et une grave blessure au genou le grand-père de Ryan dû renoncer à ses rêves de devenir un jour champion d’escrime. Il mit un certain temps avant de se remettre et ce ne fut que lorsqu’il vit Ryan, encore enfant jouer avec son matériel qu’il décida de lui transmettre sa passion. Très vite, Ryan démontra un véritable talent si bien que son grandpère décida de l’inscrire dans club afin qu’il réalise un jour son rêve. Son maitre d’armes actuel, Marc voyait en lui un potentiel champion et lui prédisait un brillant avenir. — T’as une sale gueule mon vieux, dit Ryan en se moquant de son camarade. Qu’estce qui t’est arrivé ? Ryan avait le teint mat, et à ses côtés, Adam paraissait bien pâle surtout après sa mauvaise nuit. — Ça se voit autant ? répondit Adam. D’abord M. Miramond puis maintenant toi, il faut que je fasse quelque chose, ajouta le jeune homme en remettant à Ryan ses écouteurs. Soudain, le téléphone des deux garçons sonna. C’était leur ami Isaac qui leur envoyait un message. « Je ne suis pas encore prêt. Je serai là dans 10 minutes max ». Ryan regarda son camarade avec dépit tandis qu’Adam pas étonné prit place sur le banc. Il connaissait son ami et se doutait bien que cela pourrait prendre plus de temps que prévu. C’était très bruyant autour d’eux ; des voitures, motos et autres véhicules circulaient dans les deux sens de l’avenue. Lors des heures de pointe, les automobilistes montraient leur mécontentement à coup de klaxon. Adam observait la scène ainsi que les passants 12

sans vraiment prêter attention. Il semblait si perdu dans ses pensées qu'il resta figé sans bouger. — Il ne changera jamais ! s’exclama Ryan. Heureusement que t’es pas comme lui sinon je serais devenu fou. — Tu parles d’Isaac, marmonna Adam sans détourner son regard des personnes qui marchaient devant lui. Tu ferais mieux de ne pas avoir trop d’espoir, je pense même que ça ira en s’empirant avec le temps. Ryan souffla de dépit, il ne pouvait pas faire autrement que d’accepter les retards habituels de son ami. Cela faisait partie du de son caractère après tout. — T’as regardé le match de NBA hier soir ? demanda Ryan pour changer de sujet. Adam ne répondit pas. Il était bien à ses côtés, mais semblait être ailleurs. Une part en lui essayait de se rappeler du rêve qu’il avait fait. Ryan, excédé, le secoua et s’exclama. — Tu m’entends ? Depuis tout à l’heure je te parle. — Désolé, j’étais dans mes pensées. Non, j’ai pas regardé, j’avais totalement oublié qu’il y avait du basket à la télé. Puis en coupant la parole à Ryan qui mourrait d’envie de raconter la partie d’hier, Adam ajouta : — Quand je regarde les personnes autour de nous, je me dis que la vie c’est super chiant. Tu trouves pas ? — Qu’est-ce que tu entends par là ? demanda Ryan, surpris par la question soudaine de son ami. — Bah... c’est simple : quand tu es jeune, tu vas à l’école parce que t’es obligé. Après les cours, tu sors avec tes potes puis tu finis par rentrer chez toi. Une fois adulte, tu fais la même chose sauf que tu te rends au travail. Tu répètes ça, jour après jour jusqu'à ta mort. Une vie sans fun, je trouve ça pas du tout passionnant et même déprimant. — Ça dépend du travail que tu fais plus tard, rétorqua Ryan qui ne semblait pas partager l'opinion de son ami. — Pas du tout. C’est exactement pareil, insista Adam. Peu importe ce que tu fais, tu seras confronté à la routine, c’est obligé. — Après, ce n’est pas une mauvaise chose, puis personne n’a l’air de se plaindre. Tu voudrais quoi d’exceptionnel dans ta vie ? demanda Ryan. — Ce qui serait vraiment cool ? Ce serait de se lever tous les matins sans vraiment savoir ce qu’il se passera dans la journée. D’aller de surprise en surprise, pour ne jamais être lassé. Ryan réfléchit à la proposition de son ami et semblait y adhérer complètement. — J’avoue, c’est pas mal, mais perso j’ajouterais une petite routine sportive à tout ça pour que ce soit parfait, lâcha Ryan d’un ton taquin. Adam le regarda puis esquissa un sourire. — Plus sérieusement, t’as réfléchi à ton orientation pour l’année prochaine ? demanda Ryan. — Non, pas encore, mais faut que je m’y mette... — De toute façon avec tes résultats tu pourras faire ce que tu veux. — C’est bien ça le problème. Je trouve rien d’intéressant, c’est flippant. Et toi t’as fait un choix pour l’escrime ? — J’hésite encore, je pense que je trancherai au dernier moment comme je l’ai toujours fait. Lorsque je me déciderai, je foncerai sans regret. Adam sourit timidement tandis que Ryan regarda son téléphone : il voyait l’heure tourner et son ami n’était toujours pas là. Il commençait à s’impatienter sérieusement et envoya donc un SMS à Isaac. Adam bâilla en s’étirant sur tout le long de son corps avant de se redresser pour mieux s’asseoir sur le banc. 13

— Qu’est-ce que tu as fait cette nuit pour être fatigué comme ça ? — Rien de spécial : je me suis couché assez tôt en plus, répondit Adam. Mais je me suis réveillé en sursaut ce matin vers 6h à cause d’un rêve bizarre. Je te dis pas, j’étais en sueur. Ryan se rapprocha de son ami ; il voulait en savoir davantage, d'autant plus que cela permettrait de faire passer le temps en attendant l’arrivée d’Isaac. — Qu'est-ce que tu sous-entends par bizarre ? Il faisait peur, c’est ça ? — Non, pas du tout, dit Adam. C’était vraiment étrange, j’ai vu d’abord un château bleu magnifique, puis un homme avec une canne dans une sorte de bibliothèque. Ça s’est fini avec une explosion et je me suis réveillé. C’est pas le rêve qui m’a perturbé, mais la sensation qu’il m’a procurée. Ryan, curieux par ce qu’Adam venait de raconter, se mit en face de lui puis le fixa droit dans les yeux, le sourire en coin. — Ça ne ressemblait pas à un rêve... tu sentais que c’était bien réel, c’est ça hein ? Genre tu étais dedans ! — Exactement ! s’exclama Adam l’air sérieux. Mais bon, ce n’est pas nouveau les rêves qui paraissent vrais. — Oui, c’est sûr. Mais maintenant que tu le dis, je me rappelle avoir vécu la même chose cette nuit, mais c’était plutôt vers 2h du matin, si je me souviens bien. — Tu te fous de ma gueule en fait ? demanda Adam qui voyait clair dans le jeu de son ami. Difficile de le blâmer tant son camarade ne semblait pas prendre la discussion au sérieux. — Non, non. J'te promets que c’est vrai. Je rigole parce que notre conversation est carrément folle, c’est tout, se justifia Ryan. — Vas-y, raconte-moi pour voir ? questionna Adam soudainement intéressé. — Je m’en souviens pas super bien. C’était vraiment flou. Je me trouvais dans un cimetière, il pleuvait énormément. Je crois que c’était l'enterrement d'une personne, et les gens autour… C’était comme s’ils venaient d’une autre époque. Ensuite … ensuite, le trou noir. — Et c’est tout ? Tu as pu voir qui c'était au moins ? — Non, j’étais trop loin, mais au vu des invités présents et du protocole il s’agissait certainement de quelqu'un d'important. Enfin, c’est ce que je pense. Ryan avait beau réfléchir, il ne se souvenait pas de détails supplémentaires. Il n’aimait pas donner de la considération à des faits qui n’en valaient pas la peine et surtout pas à de l’imaginaire. Pour lui, ce songe ressemblait à tous les autres dans son contenu. Mais un élément peu ordinaire le perturbait. Il ajouta d’une voix basse : — Le plus flippant c’est que je me suis réveillé totalement trempé. Mes draps et mon oreiller l’étaient également. C’était comme si j’avais été sous la pluie avec les invités. Et l’odeur de la terre humide sentie dans le rêve était la même à l'instant où j'ai ouvert les yeux. Mes habits étaient tellement mouillés que j’ai dû me changer, mais j’étais tellement crevé après l’entrainement de la veille je me suis rendormi direct. — Avoue que c’est flippant en y repensant, non ? C’est exactement ce qui s'est passé ce matin. J’étais tout transpirant et j’avais du mal à respirer. Le garçon prit le temps de réfléchir à ce qu’il avait vu cette nuit. Il trouvait certaines similitudes avec ce que venait de lui raconter son camarade. Ce n’était pas le fait que Ryan ait rêvé qui le tourmentait, après tout cela arrivait à tout le monde. Il paraissait troublé par son réveil brutal et surtout par la sensation qu’ils avaient eue au moment d'ouvrir les yeux. — L’autre point en commun, c'est que le mien aussi se déroule à une époque différente 14

de la nôtre, lâcha Adam. Je sais que tu vas me prendre pour un fou, mais il y a peut-être une signification à tout cela. Si ça se trouve, demain on en fera à nouveau et les jours d'après aussi. La mine de Ryan se transforma et d'un soupir, il lança : — Il faut toujours qu’il y ait une logique à tout avec toi ! Je suis d’accord pour dire que nos rêves sont louches, mais de là à chercher un sens... Ce n’est qu’une simple coïncidence, c’est tout, pas la peine d’aller plus loin. — Tu as surement raison, mais reconnais que de se réveiller et d’avoir la conviction que ce qu’on a vu était bien réel peut être déroutant. Ajoute à cela que ça s’est produit le même jour, et qu’il y a d’étranges ressemblances. Tu as senti l’odeur de la terre, je te rappelle. Je ne l’ai pas inventé, c’est toi qui l’as dit ! s’exclama Adam. Ryan cessa de discuter avec son ami. Il ne voulait pas rentrer dans l’une de ces obsessions comme il aimait s’en créer. Il comprenait la logique qui avait amené Adam à penser à tout cela, mais ce n’était pas bien important à ses yeux. Il détourna son regard et vit Isaac. Ce dernier avançait tranquillement avec sa démarche si particulière. On pouvait presque croire qu’il n’était pas en retard tant il marchait lentement. Le jeune homme ne se sentait jamais pressé et l’essentiel, pour lui, était d’arriver à destination, quel que soit le temps mis pour y parvenir. Isaac avait la peau aussi noire que ses grands yeux qui fixaient droit devant lui. Il était passionné par la musique et la mode, en particulier par les sneakers qu’il collectionnait. Plutôt coquet, Isaac aimait prendre soin de lui et cela se remarquait. Excepté ce jour-là. Il n’avait pas eu le temps de se préparer et avait dû enfiler un vieux jeans noir troué au niveau des genoux, une veste en cuir sur ses épaules et à ses pieds sa paire de chaussures favorites. — Salut, les gars, cool ? demanda Isaac gaiement comme pour narguer ses amis. — Tu te moques de nous, rétorqua aussi vite Ryan l’air énervé. Ça fait plus de 15 minutes qu’on t’attend. Je te préviens, la prochaine fois je me casse ! — Calme-toi, il est encore tôt, dit Isaac en regardant ses camarades. Puis à ce que je sache, on n’est pas en retard là, non ? Adam qui ne s’était pas levé du banc questionna Isaac dans la foulée : — Qu’est-ce qui s’est passé pour que tu mettes autant de temps ? — Laisse tomber, j’ai travaillé trois heures sur le devoir de math cette nuit et je me suis couché à deux heures du matin. Inutile de vous dire que j’ai éteint le réveil quand il a sonné ! — Il fallait faire comme moi, lâcha Ryan fier de lui et qui n'en voulait déjà plus à Isaac. Je prendrais la feuille d’Adam en cours et je serais assuré d’avoir une bonne note. Adam avait d’excellents résultats à l’école et n’hésitait pas à donner un coup de main à ses amis lorsqu’ils en avaient besoin. D’ailleurs Ryan, en abusait bien trop souvent, allant parfois même jusqu'à recopier les devoirs de celui-ci. Adam regardait Isaac avec insistance comme s’il attendait une autre réponse de sa part. Ryan s’en rendit compte aussitôt et ne s'empêcha pas de l’interpeller. — Mais non... ne me dis pas que ... Tu croyais qu’il avait fait un rêve lui aussi, c’est ça ? Adam, gêné et démasqué, chercha une échappatoire sans y parvenir. — On sait jamais, tenta de se justifier Adam en bougeant les bras. — De quoi vous parlez les gars ?! lâcha Isaac en regardant à tour de rôle ses deux amis. — Ton pote est un malade mental, ajouta Ryan. On te racontera sur la route. Adam se leva aussitôt et prit la direction du lycée accompagné de ses compagnons. Pour rejoindre l'établissement, ils devaient traverser le parc municipal, l’unique espace 15

vert de la ville. Le lieu était déjà bien fréquenté par les habituels joggeurs du matin. On pouvait apercevoir également quelques passants qui pour certains se rendaient au travail, ainsi que des élèves qui empruntaient le même chemin que les trois garçons. Le parc se situait au centre de la métropole, ce qui en faisait un raccourci pour aller d’un bout à l’autre. Il faisait très beau, comme les jours précédents. On se croyait en plein été alors qu’on se trouvait au milieu du mois de novembre. Cela n’empêchait pas les oiseaux de chanter leur plaisir de voir le soleil briller. Ceci rappela au passage à Adam qu’il devait acheter un colibri à sa petite sœur. Ryan quant à lui avait trouvé avec qui discuter du match de NBA en la personne d’Isaac qui avait mis la partie en fond tout en faisant ses devoirs. Le groupe progressait lentement passant devant un magnifique lac. Les chiens adoraient s’y baigner tandis que les canards favorisaient le repos. L’été les habitants de la ville aimaient s’y installer tout autour pour siroter des jus et manger des glaces. D’autres préféraient tout simplement s’allonger pour bronzer et profiter du soleil. — Un problème ? demanda Isaac en s’adressant à Adam. Tu es vachement silencieux ce matin. — Je crois que je deviens fou, lui répondit le garçon. Ou bien, peut-être que c’est l’ennui qui me fait ça. Je cherche une connexion logique entre mon rêve et celui de Ryan. — Tu vois ! Même lui l’admet, se moqua Ryan. — C’est quoi cette histoire encore ? Quel genre de rêve vous avez fait, vous ne m’avez rien dit ! Adam raconta ce que lui et son ami avaient vécu cette nuit-là. Isaac écouta attentivement, ne voulant rater aucun détail. Malgré tout, il ne comprenait pas, lui aussi, l’engouement d'Adam et surtout son obsession à croire que leurs rêves avaient une signification spéciale. Il pensait d’ailleurs que tous les songes paraissaient réels dans un premier temps, mais qu'une fois réveillé, on se rendait compte que tout cela n’était qu'imagination. Il s’approcha de son ami, dépité, puis l’attrapa par l’épaule et lui dit : — Désolé mon vieux, mais je ne vois toujours pas ce qui te choque là-dedans. — Laisse tomber, vous avez raison. Je me prends la tête pour rien. Comme si je n’avais pas assez de problèmes dans ma vie, lâcha Adam avec un léger rictus. Le garçon ne pouvait cacher sa déception, il semblait persuadé d’avoir mis le doigt sur une importante découverte. Peut-être qu’il s’efforçait de croire en cela pour ne pas affronter la réalité. Il devait l’admettre, tout cela n’était qu’une simple coïncidence surement liée à son imagination débordante. L’esprit de nouveau vif, Adam se rendit compte qu’ils étaient maintenant les seuls élèves dans le parc et que la grille risquait de bientôt fermer. — Isaac, est-ce que tu vois Gary quelque part ? interrogea Adam. — Non, j’ai beau regarder, il n’est pas là. Pourtant il était derrière nous il y a à peine 5 minutes, j’en suis sure. Gary, un camarade de lycée avait comme particularité d’arriver systématiquement en retard, et cela tous les jours. À cause des problèmes de ponctualité d’Isaac, Adam et Ryan avaient fait de Gary un repère pour se situer dans le temps. Adam jeta un œil derrière lui et s’aperçut que Ryan se trouvait également à la traîne et statique. Il tira Isaac par l’épaule pour lui montrer ce que faisait son ami qui s’empressa de l’interpeller. — Qu’est-ce que tu fous Ryan ? Ne reste pas scotché face à ce truc ! s’écria Isaac. On va rater le cours si t’accélère pas. Ryan semblait subjugué, si bien qu’il mit un certain temps avant d’entendre les cris de ses compagnons. Il finit par se ressaisir et accourra vers eux en criant. — Désolé, je suis là ! — Si on arrive en retard, ce sera à cause de toi, ajouta Isaac qui voulait profiter de 16

situation pour jeter la faute sur son ami. Ryan était resté figé face à un monument construit dans le parc protégé par un verre très résistant et une barrière électrifiée. La construction dénaturait quelque peu le lieu, car il ne ressemblait à rien de commun. Il s’agissait un gros bloc de pierre de forme particulière qui s’apparentait à un losange et faisait environ trente mètres de haut sur vingt mètres de large. Les racines des arbres enfouis dans la terre entouraient la roche. Ce qui indiquait que le monument se trouvait ici depuis plusieurs années. — Je n’avais jamais fait attention à ce truc auparavant, dit Ryan d’un air étonné. Ça a toujours été là ? — Aucune idée. Accélère au lieu de continuer à fixer cette mocheté, répondirent Adam et Isaac d’une seule voix. Alors qu’ils couraient pour ne pas se voir refuser l’entrée du lycée, Adam se retourna subitement. Il eut la sensation qu’un lourd regard s’était posée sur ses épaules. À cet instant précis, il avait la conviction qu’on l’observait, mais derrière lui il ne trouva personne. Était-ce son imagination qui lui jouait des tours une nouvelle fois ? Il scruta de longues secondes le parc, mais en vain. Ne voulant pas passer pour un fou auprès de ses amis et n’étant pas certain de ce qu’il avait senti, le garçon se tut et garda cela secret.

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CHAPITRE 3

— Tu as vu le dernier snap de James ? lança tout à coup Isaac alors qu’ils entraient dans le lycée. — Il est trop fort ! s’exclama Ryan. — J’ai rigolé tout seul dans mon lit une bonne minute quand je l’ai reçu. — De quoi vous parlez encore ? les interrogea Adam, visiblement pas informé. — Je t’ai dit de te mettre sur l’application, mais tu refuses de m’écouter, c’est de la folie, lui répondit Isaac. Je te jure, cette fois il m’a tué, il l’a trop bien fait, lui expliqua Isaac tout en lui montrant. Leurs camarades d’école avaient fait une imitation plutôt réussie d’un clip vidéo d’un rappeur très en vogue. James aimait les imiter en les tournant au ridicule. Il avait d’ailleurs beaucoup de succès à l’école grâce à cela. — Je n’ai pas encore regardé la version originale, mais j’avoue que la sienne est drôle. — Hé ouais mon vieux, tu rates plein de trucs je te le dis, persista Isaac qui incitait son ami à télécharger l’application. Adam n’avait pas envie de discuter ce matin et fit un simple geste de la tête. Il restait discret et silencieux, préférant plutôt écouter ses amis. Il repensait malgré lui à ce qu’il avait ressenti peu de temps avant dans le parc. Leurs petites discussions prenaient fin dans la place centrale de l’école. C’était un établissement tout à fait ordinaire composé de trois bâtiments, un gymnase et une grande cour au centre. L’entrée donnait directement sur un hall dans lequel se situaient les différents bureaux administratifs et les casiers des élèves. Un passage obligatoire pour atteindre les immeubles où se trouvaient les salles de classe. À cette heure-ci on entendait le bruit des portes s’ouvrir et se fermer sans arrêt. Adam bailla la bouche grande ouverte et dit : — Je suis encore dans les vapes. Ça vous dit un café avant de monter ? Le jeune garçon pensait qu’avec cela il pourrait enfin repartir de bon pied. — Je vais te suivre, je n’ai pas eu le temps de prendre mon petit-déj, répondit Isaac. — Ce sera sans moi les gars, j'ai déjà mangé. En plus je n’ai pas envie d'avoir de problèmes avec Suizer, expliqua Ryan. Les trois compagnons avaient cours d'histoire avec la professeur Suizer, qui était très à cheval sur le règlement. Elle ne tolérait ni les bavardages et encore moins les retards. — On a encore le temps, il nous reste 12 minutes précisément avant la sonnerie, lui répondit Adam en regardant l’heure sur sa montre. — Moi je vais plutôt me poser en cours, j’ai eu pas mal d’absences ces derniers mois, je dois me calmer un peu, s’expliqua Ryan qui préférait rester prudent. — Comme tu le sens, on se retrouve en cours, ajouta Adam avant de se diriger vers le couloir qui menait à la cafétéria accompagnée d’Isaac. Ils y arrivèrent en quelques minutes à peine. À cette heure-ci, il n’y avait pas foule, ce qui était agréable. Les deux amis s’installèrent à une table située dans le fond face à l’entrée. Isaac s’empressa de jeter un œil sur ses réseaux sociaux pendant qu’Adam lisait le journal du lycée. On y trouvait des informations sur les évènements à venir, tels que le voyage à la montagne organisé par le bureau des étudiants. 18

— Tiens, il y a un séjour au ski organisé pour le mois de février, dit Adam. On a raté celui de l’année dernière, ce serait bien de ne pas manquer celui-ci. — J’avoue que ça serait cool d’y participer, il faudrait qu’on en parle à Ryan, répondit Isaac. — On lui en touchera un mot tout à l’heure, mais je pense qu’il sera d’accord. Adam se leva soudainement pour aller prendre son café et une pâtisserie. — Qu’est-ce que tu veux ? C’est pour moi aujourd’hui. — Un thé et un flan à la framboise s’il te plaît. Malgré ses modestes moyens, Adam n’hésitait pas à être généreux avec ses proches, qui en faisaient de même pour lui. Il y avait un lien fort qui les unissait. —J'espère qu’il en reste au moins. Et effectivement, il n'y avait plus grand-chose, seulement des brownies et des cookies. Adam sourit puis prit sa commande comme s’il avait une idée en tête. Une fois servi il revint à la table et tendit à son ami sa part de gâteau. — Tiens il n'y en avait plus rien alors je t’ai pris un brownie. — Mais non ! Tu sais très bien que je mange pas de chocolat ! s'exclama Isaac. — Et voilà ça recommence, tu ne veux pas arrêter avec ces histoires, lui répondit Adam. Isaac répétait sans cesse à ses compères qu'il était comme allergique au chocolat. Pourtant, il lui arrivait d'en consommer occasionnellement, ce qui rendait la situation confuse pour Adam et Ryan. — Je t’ai déjà expliqué. Quand on est allergique à une chose on n'en prend pas et puis c’est tout. Combien de fois je t'ai déjà vu en manger ? demanda Adam à son ami. — C'est toujours pareil, vous ne comprenez rien. Je t’ai dit que j‘étais pas allergique au chocolat, mais que je n'aimais pas ça, donc oui, parfois j'en mange. Mais quand j'ai le choix, eh bien, je n'en prends pas, expliqua Isaac. — Bref, là, t'as pas d'autre solution, dit Adam en faisant glisser le plateau devant lui. Isaac hésita quelques secondes puis se décida à manger le gâteau malgré les moqueries de son camarade. — Tu vois ! Qu´est-ce que je disais. — Je préfère t’ignorer plutôt que d’écouter tes conneries, lui rétorqua Isaac en continuant à manger. Adam, qui faisait face à Isaac, fut alerté soudainement lorsqu’une jolie fille pénétra dans la cafétéria. Il la regarda longuement sans pouvoir s’arrêter. Elle était accompagnée d’une camarade de classe et toutes les deux prirent place sur une table près de la porte. La demoiselle ne semblait pas les avoir remarqués et discutait tranquillement avec son amie. Isaac, qui voyait Adam fixer la sortie, lui demanda : — Qu’est-ce que tu regardes comme ça ? — Rien de spécial, j’ai cru qu’ils avaient rajouté des gâteaux, répondit Adam qui ne voulait pas dire ce qu’il observait. Isaac, qui ne le croyait pas, se retourna pour voir ce qui l’avait interpellé, mais ne trouva pas d’explication. Les quelques élèves autour d’eux commençaient à quitter la pièce pour se rendre en salle de classe. Adam regarda sa montre et ne paraissait pas inquiet. Ils continuèrent leur petit déjeuner et leurs discussions sans s’affoler. — À part ça, tu as des nouvelles d’Alexandra ? T’as réussi à arranger les choses avec elle ? demanda Adam tout en buvant son chocolat chaud. — Pas vraiment ! La dernière fois que j’ai essayé de lui parler, elle ne m’a même pas laissé le temps de placer un mot qu’elle m'avait déjà rembarré. C’est quand même fou après tout ce temps passé ensemble. — Elle est vraiment pas commode. Comment tu fais pour te mettre toujours dans des 19

situations pareilles ? — Arrête, tu sais très bien que je n’ai rien fait qui mérite une telle réaction, dit Isaac désemparé. Alexandra et Isaac formaient un couple depuis presque 2 ans et tout se passait pour le mieux. Jusqu'à ce fameux jour où elle le surprit dans le parc accompagné d’une autre fille alors qu’il devait être chez Ryan. Elle lui fit une scène mémorable et le quitta sur-lechamp. Elle avait un fort caractère et avait été claire dès le début. Elle connaissait la réputation d’Isaac et avait prévenu ce dernier qu’elle ne serait pas tendre avec lui si elle le voyait avec une autre fille. Après cela, Ryan et Adam tentèrent d’arranger la situation, mais elle ne voulut rien entendre. — Ouais je sais ça, mais c’est pas moi que tu dois convaincre malheureusement. Puis tu dis toujours que des filles il y en a plein ? Qu’est-ce que tu attends ? — Je suis pas super chaud ? J’ai l’impression qu’Alexandra est unique. Puis avec elle, il y avait une alchimie. En plus de ça, mamie n’arrête pas de me demander de ses nouvelles. J’ai dû lui dire qu’elle se concentrait sur les examens de fin d’année, mais ce mensonge ne tiendra pas longtemps. — Eh oh doucement, je veux pas connaitre tes sentiments pour elle. Puis si tu tiens tant à elle, regarde qui se trouve à la table derrière. Si tu veux régler tes affaires, c’est maintenant. Isaac se retourna discrètement et vit Alexandra assise un peu plus loin. Il ne l’avait pas remarquée la première fois qu’il avait jeté un coup d’œil et comprit maintenant ce qui avait intrigué Adam. — C’est elle que tu matais tout à l’heure, enfoiré. Et merde, qu'est-ce qu'elle fait là ? s'interrogea à voix haute Isaac, qui ne pensait pas la croiser ce matin. — Bah elle a le droit de se détendre et de prendre un petit dej’ comme tout le monde, non ? Je crois que c'est l'occasion pour toi. — Non laisse tomber, j’ai même pas envie de me prendre la tête ce matin. En plus, elle est avec sa copine, je suis sûr que c’est elle qui lui monte la tête contre moi. — Qui, Julie ? s’exclama Adam. Elle a l’air plutôt cool, enfin avec moi ça s’est toujours bien passé. — Bah avec moi c’est tout le contraire. Dès qu’elle me voit elle me regarde de travers comme si je lui avais fait du mal. Quand je demandais à Alexandra des explications, elle me disait que c’était sa façon d’être. — Peut-être que Julie kiffe sur toi aussi mon vieux, dit Adam en ricanant. Ça se trouve, elle est jalouse, tout simplement. — Raison de plus pour ne pas essayer de discuter avec Alexandra, rétorqua Isaac en se levant. Bon on y va, on va être en retard. Les deux amis quittèrent leur table. Ils devaient au grand désespoir d’Isaac passer devant Alexandra pour quitter la cafétéria. Au moment de passer près d'elle, le jeune homme fit mine de ne pas la voir. Alexandra, concentrée dans sa discussion avec Julie, ne l’avait pas remarqué non plus. Au lieu de regarder devant lui, Isaac tourna la tête sur sa gauche, mais malheureusement pour lui cela lui joua un mauvais tour. Alors qu’il avançait prudemment, Alexandra poussa sa chaise brusquement vers l’arrière, faisant trébucher Isaac qui réussit à se rattraper de justesse en s’appuyant sur la table. Cela causa un raffut monstre dans la salle et le jus d’orange d’Alexandra se retrouva renversé sur la table. Adam, qui ne voulait pas assister à la scène qui allait suivre, prit la fuite en laissant son ami seul. Le temps qu'Isaac se rende compte de ce qui lui arrivait, il était déjà trop tard. — Merde ! Tu peux pas faire attention, t’es débile ma parole, s’écria Julie en le fixant d’un regard noir. 20

Alexandra quant à elle tentait nettoyer le jus d’orange qui coulait avec des serviettes, sans dire un mot. — Désolé, lâcha Isaac en essuyant ses vêtements. J’ai pas fait exprès. — C’est pas grave, rétorqua Alexandra d’une voix calme. Elle se remit face contre la table, ignorant le garçon qui resta immobile face à elle. Il voulait lui parler, mais ne savait pas comment s’y prendre, surtout que Julie ne le lâchait pas du regard. — Qu’est-ce que tu veux ? C’est bon, tu peux partir maintenant que t’as fait ta connerie ! s’exclama Julie. Isaac ne daigna pas lui répondre, plus intéressé par Alexandra. Il hésitait entre lui parler ou bien partir. Elle avait une beauté naturelle avec de longs cheveux raides châtain lui arrivant au milieu du dos et des yeux noisette. Le jeune homme en avait assez de cette situation, alors il prit son courage à deux mains et dit d’un ton sûr : — Il faut qu’on parle. T’as une minute ? La jeune fille redoutait cela et tourna la tête dans sa direction. Elle avait fait en sorte de couper toute communication avec lui pour ne pas être tentée de lui pardonner. Alexandra savait qu’elle pouvait craquer à tout moment si elle lui permettait de s’expliquer. Elle avait toujours des sentiments pour lui, mais devait rester forte et ferme sur ses positions. Malgré tout elle voulait accepter sa requête, alors elle demanda poliment à son amie : — Tu peux nous laisser 5 minutes ? Julie la regarda avec stupéfaction. Un brin mécontente, elle prit ses affaires et lâcha d’un ton sec : — On se rejoint en classe ! Un sourire se dessina sur le visage d’Isaac. Julie n’était plus un obstacle et Alexandra acceptait enfin de l’écouter. — On a déjà discuté, Isaac, je pense que c’est mieux comme ça. Je préfère m'arrêter maintenant plutôt que souffrir plus tard. — Laisse-moi au moins m’expliquer. C’est tout ce que je demande. Tu ne m’as jamais donné l'occasion de me justifier. S’il te plaît, écoute-moi. — Je n’ai pas besoin de tes explications, ce que j’ai vu m'a suffi, lui répondit Alexandra sèchement. — Combien de fois je vais devoir te dire que ce n’était pas ce que tu crois ? se défendit Isaac. Je te demande juste de me laisser parler. Tu me dois au moins ça. Elle ne pouvait rester insensible à ses paroles. Sa volonté s’effilochait au fil des mots que prononçait Isaac et ses sentiments prenaient le dessus. Cela faisait deux mois qu’elle avait mis fin à leur relation. Elle pensait qu’elle devait lui offrir l’opportunité de s’exprimer après tout ce temps, et puis Isaac semblait sincère. — Ok ! Je t’écoute, dit-elle soudainement alors que le garçon n’y croyait plus. Isaac attendait cela depuis un moment. Il prit une chaise pour s’assoir à côté d’elle et à l’instant où il ouvrit la bouche, un garçon accompagné de plusieurs camarades l’interpela en lui tapant sur l’épaule. Isaac, surpris, le regarda avec des yeux noirs qui montraient bien qu’il était en train de le déranger. Le garçon ne s’en préoccupa guère et dit : — Zac ! Ça roule ? — Ah ! James. Désolé, mais on peut se parler plus tard, je suis occupé, lui répondit brutalement Isaac avant de se retourner vers Alex. Malheureusement pour lui, James ne se soucia pas de sa demande et persista dans la discussion. — Quoi de neuf ? T’as vu mon ma vidéo d’hier soir ? Elle a fait un tabac ! 21

— Oui je l’ai vue, mais là, je peux vraiment pas discuter avec toi. On peut en parler plus tard. — Pas de soucis, répondit James. Tu sais quoi, ce week-end je fais une petite soirée chez moi. Il y aura des filles et de la bonne musique. Elles vont toutes te courir après, comme toujours. Tu peux venir avec Ryan et Adam bien sûr. Alors, ça te dit ? Isaac fut médusé par les paroles de son ami qu’il ne pensait pas capable d’une telle bêtise. James savait qu’il avait été en couple avec Alexandra et malgré sa présence il n’avait pas hésité une seule seconde à l’inviter. Même Alexandra se montrait surprise par le manque de jugeote de James. Il avait la réputation d’être collant et malpoli, mais cette fois-ci il avait fait fort. La jeune femme scrutait avec attention la réponse d’Isaac qui tardait à venir. L’horloge tournait et les cours allaient bientôt commencer. Elle se leva soudainement pour se rendre en classe. Le manque de réaction d’Isaac avait remis ses idées en place. Alexandra avait été témoin de toute la scène et fut vexée qu’Isaac n’ait pas répondus clairement à James. Elle pensait que tout ce qui l’intéressait était de séduire un maximum de filles, et les paroles de James ne l’encourageaient pas à croire le contraire. Soudain, la sonnerie du lycée retentit. — Je te laisse mon vieux, je monte en cours. Tu me donneras ta réponse plus tard, lâcha James avant de s’en aller. Isaac ne se souciait déjà plus de lui et tentait désespérément de retenir Alexandra. — Attends, Alex ! — Je t’avais dit que cela ne servait à rien que l’on discute, tu m’as fait perdre mon temps. Malgré les nombreux appels d’Isaac, Alexandra ne se retourna pas. Elle avait été une nouvelle fois déçue et ne semblait plus avoir de doutes sur ses choix. La deuxième sonnerie retentit dans la foulée. Isaac n’avait plus le temps de réfléchir. Il fallait qu’il monte au plus vite en cours, auquel cas il risquait de ne pas être accepté. Mme Suizer était intransigeante et aimait le rappeler. Isaac se précipita en direction de la salle de classe. Il arriva en moins d’une minute devant la porte fermée. Il tapa plusieurs fois et fut surpris que ce soit M. Suizer qui lui ouvrit. Isaac se tenait en face du professeur. Au premier abord elle paraissait accessible. Ses cheveux grisonnants ne reflétaient pas son âge puis elle avait toujours ce petit sourire affable qui lui donnait une apparence trompeuse. — Pour quelle raison vous accepterais-je dans mon cours jeune homme ? Isaac n’avait pas de justificatif valable et n’avait surtout plus envie de mentir suite à sa mésaventure matinale. Il semblait fatigué psychologiquement et se moquait presque de la réponse de l’enseignante. — J’étais à la cafétéria, madame. Je n’ai pas vu le temps passer. Je m’excuse pour mon retard. Elle sourit et lui répondit. — Excuse acceptée. Je suis de bonne humeur aujourd’hui, vous avez de la chance. Mais vous aurez quand même un devoir supplémentaire noté à me rendre la semaine prochaine. Ce fut sans réaction qu’Isaac entra dans la salle. Comme toujours, aucun absent n’était à déplorer dans la classe de Madame Suizer. Isaac prit place sur une table libre juste derrière Carlos une place de choix pour celui qui voulait rester discret. En effet, Carlos était assez monstrueux physiquement, une armoire à glace, comme on pouvait entendre dans le lycée. Il faisait du rugby et sa corpulence demeurait un atout de choix. La classe dénombrait autant de filles que de garçons. Le bureau du professeur était positionné juste en dessous du tableau. Celui-ci avait été installé sur une estrade afin qu’elle puisse observer l’ensemble de la salle. Une fois assise, elle ne bougeait plus d’un poil jusqu’à la 22

sonnerie. Elle ne se levait ni pour écrire ni pour aller voir un élève. Juste en face d’elle se trouvait Lucie, une fille brillante qui composait l'élite du lycée avec Adam. Elle était entrée en compétition avec lui sans même qu’Adam ne le sache et faisait tout pour avoir de meilleurs résultats que lui. Le cours de Mme Suizer allait débuter, mais Ryan décida de l’interrompre. — J'ai une question, mais elle n'est pas en rapport avec le cours. — Je vous ai pourtant prévenus, les questions qui n'ont aucun rapport avec le cours doivent attendre la fin de l'heure. Elle était intransigeante au niveau disciplinaire. Ryan savait cela, mais son côté tête en l’air lui jouait parfois des tours.   — Excusez-moi Madame, mais c’est une chose qui me tracasse, dit-il pour se justifier. Elle fit un geste de la main comme pour passer à autre chose. Elle avait accepté Isaac, elle pouvait faire une nouvelle entorse pour une question. — Je vous écoute. Quelle est votre question ? lui demanda-t-elle d'un ton ferme. Il se lança sous le regard attentif de ses camarades qui ne comprenaient pas son intervention. — Il y a un étrange rocher dans le parc de la ville. Vous savez quand il a été construit ? C’est la première fois que j’y fais attention. Ryan n’accordait aucun intérêt au musée ou bien à l’art, mais ce qu’il avait vu ce matin l’interpellait pour une raison qu’il ignorait. La professeure n’eut aucun mal à comprendre de quel objet parlait le garçon. — Eh bien ! En voilà une drôle de question ! s’exclama Suizer. Surtout venant de vous M. Masseer. Cela ne manqua pas de faire rire la classe, mais étrangement Ryan s’en moqua et resta concentré. — Pourquoi vous intéressez-vous si soudainement à l’archéologie, jeune homme ? — Ah, mais pas du tout. C’est juste cette chose, je n’avais jamais remarqué son existence avant. Puis si elle est protégée, c’est qu’elle doit être importante. — Eh bien ! Il y a un début à tout, répondit Suizer. Je suis navrée, mais je n’ai pas la réponse à votre question. — Ah bon ?! Ça fait rien, merci quand même, répondit Ryan un peu déçu. — Attendez, je n’ai pas dit que je n’avais pas d’information à son sujet, rétorqua la professeure qui semblait passionnée par la question. Cette roche a été étudiée pendant plusieurs siècles. Il y a de nombreuses années maintenant, des archéologues du monde entier sont venus faire des recherches. C’était un gros projet. Cela a duré 17 longues années, pendant lesquelles ils ont tenté d'en découvrir davantage. Après coup, ils voulurent la déplacer pour la mettre dans un lieu sûr, mais ils ne se doutaient pas que la pierre avait une profondeur sans fin. Face à cet obstacle, ils décidèrent de sécuriser la roche et de ne plus la toucher. Ils emportèrent avec eux les quelques informations qu’ils avaient glanées et non des moindres. Un seul homme, qui avait reçu une dérogation spéciale et dont j’ai oublié le nom, continua les recherches, mais ses travaux n’ont jamais été communiqués ni étudiés. Seuls quelques élèves paraissaient intéressés par le monologue de madame Suizer. Les autres n’y prêtaient guère attention, préférant s’occuper avec leurs smartphones. Mme Suizer continua son récit, mais son regard et sa voix devinrent bien plus sérieux. — Ils n’ont certes pas déterminé la date exacte, mais elle serait sur terre depuis plusieurs milliers d’années, bien avant les premiers hommes. Ce qui voudrait dire que ce n’est pas une construction humaine. Il faut savoir qu’à ce jour, il n’existe aucun autre monument de ce style répertorié dans le monde. Et pour finir, et c’est le plus incroyable, 23

la composition de cette roche ne trouve pas son équivalent sur la planète. — Qu’est-ce que vous voulez dire ? Elle serait d’origine extraterrestre ? lança Adam, intrigué. — Ce n’est pas moi qui le dis, mais les archéologues. D’après eux, elle viendrait d’un astéroïde ou de l’ère préhistorique. Cela remonte à des milliers d’années. Ils ont peut-être modifié leurs recherches depuis. Si vous voulez en savoir plus, je vous conseille de vous rendre au centre archéologique de la ville. Les questions fusaient dans la tête d'Adam. Ces révélations avaient éveillé sa curiosité, lui qui pensait souvent que rien n’arrivait au hasard. Ryan, d’ordinaire plus mesuré, était tout aussi surpris par ces informations. Une roche extra-terrestre, ce n’était pas rien après tout. Il pouvait lire l’excitation sur le visage de son ami qui était toujours à la recherche d'une nouvelle aventure. — Du calme à présent ! Bon, allez, parenthèse fermée, et naturellement les minutes perdues seront rattrapées à la fin de l’heure. Quelques insatisfactions se firent entendre dans la classe. Ryan resta silencieux et regarda en direction d’Adam. — Sortez vos livres et ouvrez-les à la page 37. Nous commençons un nouveau chapitre sur la guerre froide. Des mécontentements se firent entendre dans la classe, le sujet n’enchantait personne. Mme Suizer continua quand même sa leçon sans prêter attention aux élèves. Ryan essayait de remettre de l’ordre dans sa tête et avait comme ses camarades ouvert son cahier. Plutôt que de suivre le cours, il en profita pour recopier le devoir de math. Adam tenait dans sa main son stylo, mais n’écoutait plus Mme Suizer. Il regardait au loin ; le ciel si bleu ce matin était de plus en plus menaçant. Pourtant la météo prévoyait du bon temps pour aujourd’hui. Ces dernières années, le monde constatait de plus en plus de dérèglements climatiques et il n’y avait plus vraiment de saison. Les minutes passèrent et le ciel devint sombre, presque noir. Quelques gouttes commencèrent à tomber sur les fenêtres, celles-ci paraissaient rouges sous les reflets du soleil qui traversaient péniblement les nuages. Il y avait des traces de sang dans ce long et étrange couloir. Une forte odeur nauséabonde à vous rappeler celle des morts. Les murs en brique étaient noirs et froids, salis par la crasse de cet endroit qui avait des airs de vieux égouts. Au sol, des flaques d’eau foncées se mélangeaient avec le sang. La lumière du soleil ne pénétrait pas dans ce lieu, seules les quelques torches allumées permettaient de s’y frayer un chemin. Quel pouvait bien être cet endroit lugubre ? On apercevait de part et d’autre des barreaux de fer rouillé fermés par des chaines. L’odeur rappelait celle d’une fosse septique et pourtant, on se croyait dans une prison. Il n’y avait pourtant aucun homme dans les cellules, le lieu semblait vide de toute vie. Au loin on entendait des gouttes d’eau tomber sur le sol, mais si on prêtait davantage attention une légère voix résonnait. Plus on avançait, plus les mots se précisaient. « Aidez-moi ! Aidez-moi ! » répétait sans cesse la personne qui parlait. Tout au fond, il y avait une porte que l'on pouvait voir grâce à la torche accrochée sur le mur. Soudain la porte en acier s’ouvrit et, lentement, le grincement du fer vint remplacer les gémissements. Il faisait très sombre dans cette étrange pièce, mais l'éclairage du feu était suffisant pour distinguer une silhouette dans une cellule. Un homme, attaché par de grosses chaines et qui semblait souffrir. Son état déplorable ne lui permettait pas de s’évader. Était-ce un criminel ? Un voleur ? Un tueur ? Il avait la tête baissée, seule sa chevelure était visible. Elle était d’une incroyable couleur dorée qui reflétait la lumière des torches. Il murmura à nouveau « Pourquoi ? Pourquoi ? » Il était impossible de voir 24

son visage, mais sa voix hésitante, tremblante montrait à quel point il avait peur. Des bruits de chaines. L’homme leva lentement la tête, mais en même temps qu’il entreprit ce geste une secousse se fit sentir, puis une seconde plus violente. Les murs de la prison commencèrent à vibrer, puis à s’effriter. Et au moment où le visage de l'homme allait apparaître ; — Réveille-toi vite Isaac, c'est un tremblement de terre !

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