Dimensions régionales des conflits dans les Grands Lacs
Bureau de l’ISS à Pretoria Block C, Brooklyn Court, 361 Veale Street New Muckleneuk, Pretoria, South Africa Tel: (27-12) 346 9500 Fax: (27-12) 460 0998 E-mail:
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[email protected] Bureau de l’ISS à Dakar 4ème Etage, Immeuble Atryum Route de Ouakam, Dakar, Sénégal Tel: (221-33) 860 3304/42 Fax: (221-33) 860 3343 E-mail:
[email protected] Bureau de l’ISS à Nairobi Braeside Gardens, off Muthangari Road Lavington, Nairobi, Kenya Tel: (254-20) 266 7208; (254-20) 266 7198 E-mail:
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Cette publication a été réalisée avec l’aide du Ministère Fédéral des Affaires Etrangères du Gouvernement Suisse, l’Union Européenne, et le Bureau du Haut Commissaire des Nations Humains pour les Droits de l’Homme (HCDH). Le projet a également reçu des financements de la part des gouvernements du Danemark, des Pays-Bas, de la Norvège et de la Suède.
R apport d’atelier
ISBN 978-1-920422-72-1
9
781920 422721
Rappor t d’atelier
www.issafrica.org
Compilé par Nyambura Githaiga Mada Hôtel, Nairobi, 12-13 Septembre 2011
Rappor t d’atelier
Dimensions régionales des conflits dans les Grands Lacs
Compilé par Nyambura Githaiga Mada Hôtel, Nairobi, 12-13 Septembre 2011
Table des matières Remerciements
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .iii
Les institutions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Introduction
iv
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .v
Résumé des exposés de l’atelier . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
DOCUMENTS DE TRAVAIL DE L’ATELIER
vi
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .1
Armes légères et conflits dans la Région des Grands Lacs
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .3
Francis K Wairagu
Ressources Naturelles et conflits dans la Région des Grands Lacs
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13
Nyambura Githaiga
Déplacements forcés et conflits dans la Région des Grands Lacs
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .23
Dr Khoti Chilomba Kamanga
Jeter des Ponts dans les Grands Lacs
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .34
Dr Isabell Kempf
Le rôle des organes régionaux dans la promotion de la paix durable dans la Région des Grands Lacs
. . . . . .45
Dr Connie Mumma-Martinon
ANNEXES
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .55
Annexe
Programme
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .57
Annexe B
Liste des participants
Rapport d’atelier
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .59
i
Remerciements Le Centre régional des Nations Unies sur les
Kempf, Conseiller régional en matière de Droits de
Armes Légères et de Petits Calibres (RECSA), la
l’Homme, HCDH ; Singo Stephen Mwachofi, Chargé de
Conférence Internationale sur la Région des Grands Lacs (CIRGL) et la Section Prévention des Confl its et Analyses
Programme, Paix et Sécurité ■
ISS: Roba Sharamo, Directeur Intérimaire; Andrews
des Risques de l’Institut d’Etudes de Sécurité (ISS) à
Atta Asamoah, Chercheur cadre; Nyambura Githaiga,
Nairobi voudraient remercier les personnes et institu-
Chercheur; Samira Yusuf, Assistant de Programme;
tions suivantes pour leur contribution à la réussite de cet atelier :
George Mukabana, Administrateur ■
Présentateurs: Andrews Atta-Asamoah, Chercheur Cadre, ISS; Nathan Byamukama, Chargé de
■
■
■
L’Union Européenne, le Gouvernement Suisse et le
Programme, Questions Transversales, CIRGL;
Haut Commissaire des Nations Unies pour les Droits
Nyambura Githaiga, Chercheur, ISS; Dr Khoti
de l’Homme (HCDH) pour leur appui fi nancier et leur
Kamanga, Directeur, Centre d’études sur les
participation.
migrations forcées, Université de Dar-es-Salaam;
RECSA: Dr Francis K Sang, Secrétaire Exécutif;
Dr Isabell Kempf, Conseiller Régional en matière
Francis K Wairagu, Directeur de la Recherche et des
de Droits de l’Homme (HCDH), CIRGL; Dr Connie
questions de genre; Angela Baiya-Wadeyua, Directeur
Mumma-Martinon, Chercheur Consultant; Dr Frank
de la Communication et des Relations Publiques; et
Muhereza, Chercheur agréé, Centre des Recherches
Dan Osano, Comptable
de Base; Singo Mwachofi, Chargé de Programme,
CIRGL: Ambassadeur Liberata Mulamula, Secrétaire
Paix et Sécurité, CIRGL ; et Francis K Wairagu,
Exécutif; Nathan Mwesigye Byamukama, Chargé
Responsable de la Recherche et des questions de
de programme, Questions transversales; Dr Isabell
genre, RECSA
Rapport d’atelier
iii
Les institutions Conférence Internationale sur la Région des Grands Lacs
Région des Grands Lacs et la Corne de l’Afrique. La
La Conférence Internationale sur la Région des Grands
Région des Grands Lacs et la Corne de l’Afrique, a été
Lacs (CIRGL) est une organisation non-gouvernementale
signée le 15 mars 2000 par les Ministres des Affaires
qui rassemble onze états membres de la Région des
Etrangères et/ou représentants des gouvernements
Grands Lacs en Afrique, en l’occurrence l’Angola, le
du Burundi, de la RDC, de Djibouti, de l’Ethiopie, de
Burundi, La République Centre Africaine, la République
l’Erythrée, du Kenya, du Rwanda, du Soudan, de la
Démocratique du Congo (RDC), le Kenya, la République
Tanzanie et d’Ouganda.
Déclaration de Nairobi sur le problème de la prolifération des armes légères et de petit calibre illégales dans la
du Congo, le Rwanda, le Soudan, la Tanzanie, l’Ouganda et la Zambie. Sa création découle de la prise de conscience de l’importante dimension régionale de
L’Institut d’Etudes de Sécurité
l’instabilité politique et des conflits dans ces pays d’une
L’Institut d’Etudes de Sécurité (ISS) est une Institut de
part, et de la nécessité d’efforts conjoints et concertés
recherche panafricaine qui opère dans le domaine de
pour la promotion de la paix et le développement
la sécurité humaine en Afrique. Elle cherche à intégrer
durable.
les questions de sécurité humaine dans les processus d’élaboration des politiques publiques et à influencer
Le Centre Régional des Nations Unies sur les Armes légères et de Petits Calibres
les décideurs sur le continent et au-delà. L’objectif de
Le Centre Régional des Nations Unies sur les
contextuelles sur des questions de sécurité humaine
Armes Légères et de Petits Calibres (RECSA) est une or-
pertinentes, pour les décideurs politiques, experts,
ganisation intergouvernementale issue de la Déclaration
groupes de plaidoyer, et médias selon leurs besoins.
de Nairobi et dont l’objectif est de coordonner les efforts
L’ISS est un laboratoire d’idées bien établi ayant des
conjoints des points focaux nationaux, dans le but de
sièges à Pretoria et Cape Town en Afrique du Sud, à
combattre et éradiquer le stockage et le trafic illicite
Nairobi au Kenya, à Addis Abeba en Ethiopie, et à Dakar
d’armes légères et de petits calibres (ALPC) dans la
au Sénégal.
iv
l’Institut est d’établir l’équilibre et l’objectivité en menant des recherches et empiriques et des analyses
Institute for Security Studies
Introduction La Région des Grands Lacs a été la scène des conflits
trois institutions ont organisé un atelier régional pour
les plus acharnés et les plus turbulents que l’Afrique
délibérer et réfléchir sur les dimensions changeantes des
ait connu. Sur une période de 20 ans, cette région a vu
confl its dans la Région des Grands Lacs, et pour analyser
entre autres, le Génocide Rwandais, la Guerre Civile du
les défis et perspectives d’une paix durable. La section
Burundi et le confl it transfrontalier de la RDC, qui ont
Prévention de Confl its et Analyse de Risques de l’ISS
tous été exacerbés par des groupes armés clandestins
à Nairobi a abrité cet atelier qui s’est tenu du 12 au 13
venant de l’intérieur et de l’extérieur la région. Les
septembre 2011 à l’hôtel La Mada, à Nairobi au Kenya.
dimensions régionales de ces confl its, telles que les
La porté régionale de cet atelier spécifique était
guerres par procuration menées par les groupes armés
largement limitée aux questions relatives aux quatre
clandestins à travers les frontières, ont contribué à leur
pays suivants: le Burundi, le Rwanda, l’Ouganda et la
prolongation car les acteurs et les problèmes au centre
République Démocratique du Congo (RDC), et dans une
de ces batailles changent constamment de bases. Ces
moindre mesure la Tanzanie et le Kenya. Environ 35
violents confl its continus ont donné lieu à des crises
parties prenantes clé issues des gouvernements, des
humanitaires, l’augmentation du nombre de personnes
milieux académiques, des partenaires de développement
déplacées et la pauvreté issue de la perte des moyens
et des organisations de la société civile (OSC) de ces pays
de subsistance et de la sécurité. Parmi les thèmes
s’y sont retrouvés. Neuf exposés ont été faits sur des thé-
importants qui ont dominé les confl its dans la région on
matiques régionales telles que les éléments catalyseurs
compte l’exploitation illégale des ressources naturelles,
et facteurs clé de confl its; l’analyse des groupes armés
la prolifération d’armes légères et de petits calibres
clandestins; les confl its et les violences sexuelles et sex-
(ALPC), les groupes armés clandestins, la violence
istes; les ressources naturelles et les confl its; le rôle des
sexuelle et sexiste, les déplacements de populations, et
organes régionaux dans la promotion de la paix durable ;
l’ethnicité transfrontalière. Malgré les nombreux efforts
les déplacements forcés et les confl its ; les implications
visant à y apporter des solutions, ces confl its persistent
régionales des confl its sur le développement politique,
et continuent d’avoir un profond impact sur les commu-
économique et social ; et la dimension des Droits de
nautés et la stabilité de la région.
l’Homme de la CIRGL.
Le développement progressif et la sécurité humaine
Au terme de l’atelier, les participants se sont engagés
de la région nécessitent crucialement d’adresser les
à développer des initiatives nationales et régionales pour
dimensions régionales de ces confl its jusque là ignorées.
traiter des causes fondamentales des conflits et de la
Au vue des défis auxquels ont fait face les précédentes
violence, promouvoir la démocratie inclusive, la bonne
tentatives et en tenant compte du caractère fluide des
gouvernance et les capacités de l’état ; améliorer la
dynamiques de ces confl its, il est important d’examiner
justice, les Droits de l’Homme et l’état de droit ; renforc-
de manière constant les dynamiques qui en forment la
er les capacités régionales ; et promouvoir l’utilisation
base afi n d’élaborer et produire des interventions mieux
judicieuse des ressources naturelles communes. A la
informées et plus viables. La Conférence Internationale
suite de l’atelier, l’ISS a été mandatée de la coordination
sur la Région des Grands Lacs (CIRGL), le Centre Régional
d’une réunion de partenaires pour articuler une feuille
des Nations Unies sur les Armes Légères et de Petits
de route régionale pour une paix durable dans la Région
Calibres (RECSA) l’Institut d’Etudes de Sécurité (ISS) ont
des Grands Lacs et promouvoir une meilleure coordina-
été impliquées de manière variée dans différents aspects
tion et cohérence dans les initiatives existantes et aussi
des confl its de la région. C’est dans ce contexte que ces
faire face aux défis et manquements actuels.
Rapport d’atelier
v
Résumé des exposés de l’atelier Neuf exposés thématiques ont été faits pendant l’atelier
nécessite des solutions urgentes à multiples facettes.
dans l’ordre ci-dessous. Les cinq exposés complets suiv-
Les dynamiques de la prolifération incluent l’offre, la
ront dans la section subséquente.
demande et la mauvaise utilisation, ce dernier aspect étant la principale source d’inquiétude. Les dimen-
Principaux facteurs et catalyseurs de conflits dans la Région des Grands Lacs
sions régionales de cet aspect des confl its sont surtout
Andrews Atta-Asamoah
pause au développement post-confl it. Les estimations
Institut d’Etudes de Sécurité
évidentes au niveau des retombées qu’a la prolifération des ALPC à travers les frontières et les entraves qu’elle du nombre d’ALPC en circulation ne sont pas fiables.
D’entrée de jeu, l’exposé à affi rmé que les confl its de la
Afi n de traiter du problème de la prolifération des ALPC,
Région des Grands Lacs ont atteint une certain visibilité,
il est nécessaire de tenir compte du fait que le mauvais
mais il n’en reste pas moins que ces derniers ont été
usage de ces derniers n’est que symptomatiques de
beaucoup plus étudiés d’un point de vue national plutôt
causes plus fondamentales telles que la pauvreté, le
que régional. Les facteurs et dynamiques des confl its de
chômage des jeunes, et l’aliénation politique et sociale.
la région constituent désormais un complexe sécuritaire
Par conséquent, bien que les ALPC constituent une
régional et en tant que tel, nécessitent une analyse au
source d’inquiétude immédiate dans les confl its des
niveau régional afi n de bien saisir les dynamiques de
Grands Lacs, pour atténuer leur impact il est nécessaire
cet aspect régional. L’exposant définit les facteurs de
d’adresser d’autres causes fondamentales à l’origine
confl its et autres éléments catalyseurs en en identifia six
de leur demande dans la région. En dehors du fait que
principaux selon leurs dimensions régionales : l’aspect
les ALPC ont impact non sur la létalité du conflit, leur
transnational de l’ethnicité; les politiques d’exclusion
longue durée de vie pause également des risques de
(politique, ethnique et générationnelle) ; la faiblesse de
mauvais usage continu même bien après que le conflit
l’état, et les vides de gouvernance et de sécurité qui en
soit résolu. Les initiatives régionales visant à faire face
découlent; la présence de ressources naturelles fongibles
à la prolifération des ALPC nécessiteront une coopéra-
et exploitables qui servent au financement de la guerre ;
tion entre les forces de l’ordre, une réforme générale du
les acteurs cupides ; et la prolifération des armes légères
secteur de la sécurité, et un changement de focalisation
et petits calibres (ALPC). Aborder la Région des Grands
des ALPC vers des objectifs holistiques tels que la gouv-
Lacs comme un complexe sécuritaire régional constitu-
ernance pour la paix et la stabilité.
erait une stratégie pour cibler les facteurs de conflits régionaux tout en atténuant simultanément les facteurs de confl its nationaux.
Armes légères et conflits dans la Région des Grands Lacs Francis Wairagu
Centre Régional des Nations Unies sur les Armes Légères et de Petits Calibres
Analyse des groupes armés clandestins dans la Région des Grands Lacs Singo Mwachofi
Conférence Internationale sur la Région des Grands Lacs
Dans cette analyse, les groupes armés clandestins sont classifiés comme rebelles ou milices. Les mouvements rebelles sont défi nis comme des groupes basés dans un ou plusieurs pays et ayant pris les armes contre un
L’exposé a mis en exergue la prolifération des armes
gouvernement pour des raisons politiques, économiques
légères et des petits calibres (ALPC) et son impacte sur
et idéologiques ; tandis que les milices sont des groupes
l’accentuation de la nature violente des confl its. A cause
organisés clandestins opérant sur un territoire défini
de leur usage légitime par les gouvernements, les ALPC
d’un pays spécifique et ayant des objectifs politiques
ne peuvent pas être prohibés – cependant, leur mauvaise
ou économiques. La prévalence des groupes armés
utilisation est devenue un fardeau pour la région et
clandestins dans la Région des Grands Lacs est en partie
vi
Institute for Security Studies
Compilé par Nyambura Githaiga
le résultat de violents confl its et de la prolifération
d’application des lois et la faiblesse de l’infrastructure;
subséquente des ALPC dans la région. Il existe trois
la situation de l’industrie minière, qui est en grande
principaux groupes armés clandestins de la région qui
partie informelle et non-réglementée; et la prévalence
opèrent hors de leur pays d’origine. Il s’agit des Forces
des groupes armés dans la région et leur usage des res-
Démocratiques de Libération du Rwanda (FDLR) du Rwanda
sources comme moyens de fi nancement des confl its. Par
à l’Est de la RDC; l’Armée de Résistance du Seigneur
conséquent, les ressources naturelles qui devraient prof-
(LRA) à l’Est de la République Centre Africaine, au Nord-
iter à la région sont exploitées illégalement pour financer
Ouest de la RDC et au Soudan Australe ; et les Forces
les confl its en l’absence de l’état de droit. Les dimensions
Démocratiques Alliées (ADF) dans l’Est de la RDC. En
régionales des ressources naturelles dans les confl its
dehors des mouvements rebelles il y a également des
sont exemplifiées par les activités transfrontalières des
milices telles que Mai Mai Cheka, Mai Mai Kifuafua,
groupes armés clandestins, les réseaux de contrebande
Mai Mai APCLS, Mai Mai Pareko et Mai Mai Yakutumba
régionaux, le commerce de ressources naturelles il-
qui sont actives dans l’Est de la RDC. Les groupes
légalement exploitées et les confl its inter-états sur les
clandestins profitent de l’effondrement de l’état de droit
ressources naturelles communes. Bien que briser le lien
et survivent essentiellement de l’exploitation illégale
entre les ressources naturelles régionales et les confl its
des ressources naturelles, d’extorsion et de pillage des
demande une solution régionale, la volonté et la capacité
villages. Bien qu’il y ait plusieurs causes à l’origine de
des pays respectifs à domestiquer et mettre en pratique
la création de ces groupes (par exemple la rébellion
les règlements visant à traiter du rôle des ressources
politique), leur mode de subsistance est caractérisé par
naturelles dans ces confl its reste un défi.
des violations de Droits de l’Homme telles que le viol,
Ceci dit, la sensibilisation autour de l’impact négatif
les enlèvements et le pillage. De plus, leur présence a
des confl its fi nancés par les ressources naturelles est
aggravé la crise humanitaire dans les zones de confl its,
de plus en plus grandissante, de même que l’imposition
accru la prolifération des ALPC illégales, et exacerbé
continue de normes internationales strictes sur
l’exploitation illégale et le trafic des personnes et des
l’exploitation et le commerce des ressources. Les pays
ressources naturelles. Les dynamiques régionales des
de la région se doivent de réagir vite afin de prévenir
groupes armés dans les confl its de la région affectent
les effets négatifs que la mise en œuvre de ses normes
négativement les relations inter-états sur plusieurs plans
pourrait avoir sur les économies dépendantes de ces res-
et nécessitent donc des stratégies régionales concertées,
sources naturelles dans la région.
afi n d’atténuer la vulnérabilité des populations et renforcer la coopération entre les états.
Ressources naturelles et conflits dans la Région des Grands Lacs Nyambura Githaiga
Institut des Etudes de Sécurité
Déplacements forcés et conflits dans la Région des Grands Lacs Dr Khoti Kamanga
Centre d’études sur les Migrations Forcées
Le terme ‘déplacement forcé’ est celui qui saisit le mieux le type de mouvement humain dont il est question ici et
Les liens entre les ressources naturelles et les confl its
qui a le plus grand impact sur les confl its. Parmi les dé-
dans la région sont aussi bien directs qu’indirects. Les
placés forcés on compte les demandeurs d’asile déplacés
liens directs font référence à deux ou plusieurs états qui
de force, les réfugiés de tout genre, et les personnes
s’affrontent pour l’exploitation de ressources naturelles
déplacées internes (PDI). Le terme ‘réfugié’ désigne les
présentes le long de frontières communes ; tandis que
demandeurs d’asile rejetés, les personnes en situation ir-
les liens indirects font référence à l’exploitation illégale
régulière, les individus naturalisés mais non intégrés, les
des ressources naturelles dans le but de fi nancer les
sans papiers, les personnes en voie de retour et celles en
confl its dans la région. Les ressources naturelles non
voie de rapatriement. Suite au nouvel élan apporté par
renouvelables, exploitables et génératrices de revenus
l’impact du régionalisme sur les déplacements et migra-
jouent ainsi un rôle primordial dans la régionalisation
tions forcés, on note un déclin du nombre de réfugiés et
de l’insécurité, la prolifération des ALPC, des violents
une croissance du nombre d’immigrés clandestins dû
confl its et des réseaux de contrebande régionaux. Les
à la traite des êtres humains, à la contrebande, et aux
dynamiques régionales entre les ressources naturelles et
conditions environnementales et climatiques hostiles.
les confl its constituent elles aussi un complexe sécurit-
La réponse à ces flux migratoires mixtes a été intensifiée
aire à cause des défis contextuels tels que la multiplicité
par des mesures restrictives, la sécurisation de l’asile
des acteurs et des facteurs contributeurs; les défi s de
et l’effondrement des systèmes d’asile et de migration.
gouvernance liés à une faiblesse de l’état, le manque
Dans la région, le lien entre les déplacements et les
Rapport d’atelier
vii
Dimensions régionales des conflits dans les Grands Lacs
confl its est un cercle vicieux et continu, caractérisé par
alimentent l’insécurité et peuvent donc mener au
de violents confl its qui à leur tour produisent des PDI et
renouvellement des confl its. L’absence d’institutions na-
des réfugiés. Ces derniers augmentent la pression sociale
tionales indépendantes et actives des Droits de l’Homme
et créent ainsi des tensions internes et régionales qui par
pause un problème au suivi des violations des Droits de
la suite, servent de fondements aux conflits. Les déplace-
l’Homme à l’échelle régional. Les efforts du CIRGL pour
ments engendrent eux aussi des confl its de manière
l’amélioration des Droits de l’Homme dans la région in-
directe ou indirecte. A la base des violents conflits et
cluent la facilitation des bonnes pratiques et le renforce-
des déplacements se trouvent des défis locaux liés à la
ment des fora régionaux sur des systèmes conjoints de
gouvernance, l’égalité socio-économique, la géopolitique,
suivi des Droits de l’Homme, à travers des ateliers et des
la dégradation de l’environnement et les stratégies
projets, ainsi que l’établissement d’un Centre Régional
d’adaptation au climat. La situation persistante des ré-
pour la Démocratie, la Bonne Gouvernance, les Droits
fugiés dans la Région des Grands Lacs doit être prise en
de l’Homme et l’Education Civique pour la Région des
compte et un plus grand nombre de ressources doit être
Grands Lacs, dans le but d’améliorer la prévention des
orienté vers la réalisation d’une plus grande cohérence
confl its et l’alerte précoce sur le base du suivi des Droits
entre les politiques, les lois et les pratiques, tout en
de l’Homme.
maintenant un équilibre entre la gestion du contrôle des frontières et la protection légitime des besoins des immigrés.
Jeter des Ponts dans les Grands Lacs: Mise en œuvre de la dimension des Droits humains de la Conférence Internationale sur la Région des Grands Lacs Dr Isabell Kempf
Conseiller régional sur les Droits de l’Homme, HCDH, CIRGL
Les conflits et les violences sexuelles et sexistes Nathan Byamukama
Conférence Internationale sur la Région des Grands Lacs
La recrudescence des violences sexuelles et sexistes (VSS) dans les confl its de la Région des Grands Lacs constitue un problème grave. L’impacte psychologique néfaste à long terme des VSS sur les femmes, hommes et enfants affectés a des implications négatives sur
Reconnaitre que les confl its nationaux et les violations
leur contribution à la croissance et au développement
des Droits de l’Homme dans la Région des Grands
régional. Bien que la défi nition des VSS incluent les
Lacs ont une dimension régionale, c’est reconnaitre
(tentatives de) viols, les abus et exploitations sexuels et
l’interconnexion des peoples de la région, de sorte que
les mariages précoces forcés, la violence domestique,
l’instabilité d’un pays affecte les pays voisins. Des
la traite et la mutilation génitale des femmes, l’exposé
institutions telles que la Conférence Internationale sur
s’est essentiellement focalisé sur les deux aspects que
la Région des Grands Lacs (CIRGL) servent de points
sont le viol et les abus sexuels. Une approche à trois
d’entrée pour la protection des Droits de l’Homme dans
dimensions est nécessaire dans la lutte contre les VSS,
la région. Le Pacte du CIRGL sur la Sécurité, la Stabilité
notamment à travers la lutte contre l’impunité, l’aide
et le Développement dans la Régions des Grands Lacs
aux victimes et la prévention de la violence. La plupart
traite des causes fondamentales des violents conflits
des initiatives se sont focalisées sur la lutte contre
dans la région à travers certains protocoles et projets
l’impunité et l’aide aux victimes, mais il y a eu très peu
de Droits de l’Homme. Ceux-ci incluent la lutte contre
d’interventions stratégiques sur la prévention des VSS.
la violence sexuelle, les droits des personnes déplacées
Les recherches sur les VSS dans la région indiquent une
internes et en voie de retour, la lutte contre l’exploitation
forte incidence de viols massifs de femmes, d’hommes
illégale des ressources naturelles, un centre régional
et d’enfants par des gangs armés ou des civils pour des
sur la bonne gouvernance, la démocratie et les Droits de
raisons rituelles, de vengeance et de purgea ethnique. La
l’Homme (avec un observatoire des Droits de l’Homme),
stigmatisation sociale associée aux VSS a fait en sorte
la prévention des génocides, la lutte contre l’impunité
qu’un grand nombre de cas passent inaperçus, surtout
et le suivi des élections. Il existe des défis relatifs au
ceux concernant des hommes victimes de VSS. De plus,
respect des Droits de l’Homme à cause de l’absence
les instruments légaux contre les VSS semblent ne pas
ou de la faiblesse des institutions et organisations
adresser la question de la protection des hommes. Cela
nationales des Droits de l’Homme indépendants. L’une
veut dire que les victimes continuent de mener des vies
des questions à traiter consiste à savoir s’il convient de
dysfonctionnelles avec des traumatismes psychologiques
donner priorité à la paix et la réconciliation au détriment
et physiques qui affectent leurs capacités à mener des
de la justice pour les victimes d’abus, en tenant compte
vies productives. L’impunité est généralement perçue
du fait que les abus des Droits de l’Homme et l’impunité
comme la cause du caractère rampant des VSS, mais les
viii
Institute for Security Studies
Compilé par Nyambura Githaiga
poursuites judiciaires et les punitions ne représentent
sur l’auto-défense, et la confluence des confl its armés
qu’une partie de la solution. L’attention doit être portée
internes et inter-états, ainsi que les violations trans-
vers la prévention des VSS en traitant leurs causes
frontalières des Droits de L’Homme. Sur le plan social,
fondamentales dans la Région des Grands Lacs. Le con-
les implications des confl its se caractérisent par un
texte des violents confl its dans la région présente pour
impact sur la violence sexuelle et sexiste sur les femmes,
certains un style de vie atypique, qui consiste à faire
les homes et les enfants, les effets psychologiques
usage de la force pour subvenir aux besoins en l’absence
du traumatisme qu’elle cause, les déplacements des
de l’état de droit. Les instruments du CIRGL tels que les
populations, et l’intensification de la vulnérabilité à
protocoles sur les VSS, la non-agression, les ressources
travers l’accès limité aux services sociaux. Parmi les
naturelles et la prévention des génocides, contribuent
défis auxquels font face les initiatives d’intervention
tous à faire face aux problèmes systémiques autour des
visant à atténuer ces implications au niveau régional, il
VSS et ainsi, à améliorer la prévention de ce type de
y a l’absence de démocratie interne et de gouvernance
violence.
politique au niveau des pays membres, les facteurs de confl its provenant de l’extérieur de la région des Grands
Les implications régionales des conflits sur le développement politique, social et économique dans la Région des Grands Lacs
Lacs, les multiples cadres régionaux et l’engament poli-
Dr Frank Muhereza
démocratiques et faire face à la pauvreté et autres condi-
Centre de recherches des bases
tique des pays membres vis-à-vis de ces derniers, ainsi que les contradictions qui existent dans les interventions occidentales telles que le « droit de projet ». Les états membres devraient s’efforcer de renforcer les réformes tions qui ont poussé les populations à avoir recours à de
L’interconnexion des confl its armés dans la Région des
violents confl its. Au niveau régional, les pays devraient
Grands Lacs a eu un impact politique, économique et
améliorer la coopération transfrontalière et multiplier
social sur l’ensemble de la région. Parmi les éléments
les projets d’intégration économique et d’harmonisation
d’interconnexion on compte le la proximité territori-
des cadres stratégiques pertinents. Des efforts devraient
ale, les ressources transfrontalières et les ethnicités
être faits afi n d’accroitre les investissements envers une
transnationales. Chaque confl it de la région est lié à au
interdépendance visible et l’appui à la stabilité bilatérale
moins un ou plusieurs autres sur le plan des causes, des
pour tous les pays de la Région des Grands Lacs.
acteurs ou des intérêts des acteurs et pourvoyeurs de ce confl it. La régionalisation des conflits est évidente à travers les opérations transnationales des groupes armés, la composition des forces belligérantes, la régionalisation des agendas militaires, le flux des réfugiés et l’extériorisation des confl its internes. Les coûts directs des confl its armés dans la région se font ressentir à
Le rôle des organes régionaux dans la promotion de la paix durable dans la Région des Grands Lacs Dr Connie Mumma-Martinon Chercheur consultant
travers la réduction de la formation des capitaux, la
Les organes régionaux actifs dans la Région des Grands
perte du produit domestique brut cumulé, la destruction
Lacs (plus précisément au Burundi, en RDC, au Rwanda
de l’infrastructure, et le détournement des capitaux
et en Ouganda) sont les suivants: La Conférence
fi nanciers de l’état d’un usage productive pour dépenses
Internationale sur la Région des Grands Lacs (CIRGL),
liées au fi nancement des confl its, notamment les
la Communauté des Etats de l’Afrique de l’Est (EAC),
besoins militaires, médicaux et humanitaires. Les coûts
la Communauté Economique des Etats de l’Afrique
économiques indirectes des conflits incluent la perte
Centrale (CEEAC), La Communauté Economique des Pays
des revenus de l’état à cause de l’exploitation illégale
des Grands Lacs (CEPGL) et le Marché Commun d’Afrique
des ressources menée par les entrepreneurs de confl its,
de l’Est et Australe (COMESA).
la dégradation des ressources environnementales et
La plupart de ces organes ont été initialement
naturelles, la réduction des échanges régionaux, le poids
créés pour promouvoir la croissance économique et
des flux de réfugiés et les prestations de service dysfonc-
l’intégration régionale, mais ont étendu leur mandat
tionnels, qui contribuent tous à renforcer la pauvreté.
pour inclure les questions de sécurité également.
Sur le plan politique, les implications régionales des con-
Le succès de ces organes régionaux a été négative-
fl its ont été ressenties dans la dégradation des relations
ment affectés par le caractère intraitable et prolongé des
diplomatiques, la destruction des institutions étatiques
confl its dans la région, une forte dépendance vis à vis
(qui à son tour contribue à la fragilisation de l’état),
des fonds externes, une faible capacité institutionnelle,
les dépenses militaires inadéquatement compétitives
des processus de prise de décision lents, la multiplicité
Rapport d’atelier
ix
Dimensions régionales des conflits dans les Grands Lacs
des organes et le manque d’harmonisation stratégique,
régionaux ont besoin de mieux coordonner leurs
le manque de responsabilité envers les civiles qui
stratégies afi n de faire face aux dimensions régionales
sont les plus affectés par les confl its, et l’absence de
des confl its dans la Région des Grands Lacs. Comme
cohérence au niveau des perceptions et des approches de
point de départ, il faudrait une compréhension plus
résolutions de conflits dans la région.
cohérente des causes fondamentales des confl its dans
Les défi s respectifs des pays membres ont eux aussi
la région et une approche de mitigation commune.
un impact sur le niveau d’efficacité de ces organisa-
Les organes régionaux doivent également améliorer
tions régionales selon les capacités des états à ap-
leur capacité à appliquer les protocoles régionaux et
pliquer l’état de droit, la présence de faibles infrastruc-
soutenir les états membres dans la domestication et la
tures et le déclin des services publiques. Les organes
vulgarisation de ces cadres.
x
Institute for Security Studies
Documents de travail de l’atelier Armes légères et conflits dans la Région des Grands Lacs Francis K Wairagu
Ressources Naturelles et conflits dans la Région des Grands Lacs Nyambura Githaiga
Déplacements forcés et conflits dans la Région des Grands Lacs Dr Khoti Chilomba Kamanga
Jeter des Ponts dans les Grands Lacs : mise en œuvre de la dimension des Droits humains de la Conférence Internationale sur la Région des Grands Lacs Dr Isabell Kempf
Le rôle des organes régionaux dans la promotion de la paix durable dans la Région des Grands Lacs Dr Connie Mumma-Martinon
Armes légères et conflits dans la Région des Grands Lacs Francis K Wairagu Centre régional sur les armes légères et de petit calibre
INTRODUCTION
monde, si l’on compte celles des civils, celles qui servent
La prolifération des armes légères et de petit calibre
plus grande partie de ces armes dans le monde -environ 75
(ALPC) a un impact négatif énorme sur les situations de
pour cent du nombre total qui a pu être établi- appartien-
conflit violent. Il existe partout dans le monde un trafic
nent à des civils.2 Dans la majorité des cas, les chiffres
illicite d’ALPC, mais celui-ci est concentré dans les zones
qu’on possède sur les propriétaires d’armes à feu viennent
où sévissent des conflits armés, des violences et une
bien souvent d’estimations faites par des observateurs bien
criminalité organisée, c’est-à-dire là où il y a une demande
informés, et leurs évaluations sont utiles, mais peuvent
souvent plus importante pour ces armes illégales.
différer énormément. Il est difficile d’établir exactement le
à l’application de la loi et celles qui servent à l’armée. La
Le trafic d’armes alimente les guerres civiles et les
nombre d’armes illégales qui sont en circulation où que ce
confl its régionaux ; il approvisionne l’arsenal des terror-
soit, et c’est pourquoi les chercheurs et les organismes en
istes, des cartels de la drogue et autres groupes armés ;
général sont peu enclins à donner des chiffres. Du fait que
et il contribue aux crimes violents. L’afflux de trafic et la
la possession de ces armes à feu est illégale, il est difficile
facilité avec laquelle on peut se procurer des ALPC entre-
d’aller recueillir des données fiables auprès de ceux qui les
tiennent l’instabilité et le confl it et sont une menace au
possèdent. Il est également intéressant de noter que ces
développement durable dans les pays affectés.
chiffres concernent les armes à feu et que les estimations
1
Depuis des années, la Région des Grands Lacs d’Afrique a terriblement souffert des confl its et de la
quant aux autres ALPC restent très vagues. Les armes légères sont la cause de la grande majorité
violence des armes. La prolifération et l’usage illégal des
des morts directement liées aux confl its sévissant dans
ALPC ont ainsi lourdement accablé la région et exigent
le monde entier et ce sont, maintenant plus que jamais,
que soient apportées des solutions urgentes présentant
les populations civiles qui subissent le plus fort des con-
des facettes multiples et concernant des secteurs mul-
fl its armés, et de plus en plus, les enfants. Ces armes ne
tiples. Le fait que ces armes aient des usages légitimes
sont pas seulement largement utilisées dans les confl its
dans le domaine de l’armée, de la police et des civils,
entre états, mais ce sont aussi les armes de prédilection
s’agissant d’assurer la sécurité de l’Etat, le respect de la
dans les guerres civiles, pour le terrorisme, la criminal-
loi et le maintien de l’ordre, ainsi que pour l’autodéfense,
ité organisée, la piraterie et les guerres des gangs.3 Les
rend leur prohibition indésirable et peu réaliste.
armes les plus utilisées dans les confl its en Afrique sont
Etant donné que la plupart des armes illégales font
les fusils d’assaut Kalachnikov. Une très grande majorité
leur première apparition en tant qu’approvisionnement
de ces armes et de leurs munitions –peut-être 95 pour
légal par l’intermédiaire d’agents agréés, on s’oriente
cent- vient de l’extérieur de l’Afrique.4
actuellement, pour faire face aux problèmes liés aux
La prolifération des armes légères dans certaines
ALPC, vers un contrôle et une gestion des ALPC aussi
parties de la Région des Grands Lacs remonte à l’époque
bien légales qu’illégales, plutôt que vers leur éradication.
précoloniale, époque à laquelle les marchands d’esclaves
Des recherches menées sur les armes légères ont montré qu’il y en a, au moins 875 millions dans le
Rapport d’atelier
et les chercheurs de trésors tels que l’ivoire et les richesses minérales fournissaient des armes en échange
3
Dimensions régionales des conflits dans les Grands Lacs
de certaines marchandises. Les guerres de libération
conçues pour ou qui peuvent facilement être modifiées
contre le colonialisme ont amené une nouvelle vague
pour propulser des plombs, une balle ou un projectile
de prolifération et c’est pendant la période de la guerre
sous l’action d’un explosif, et toute autre arme ou tout
froide qu’elle fut à son maximum, alors qu’on dressait
engin de destruction du type bombe explosive, bombe
les régimes de la région les uns contre les autres et que
incendiaire ou bombe à gaz, grenade, lance-roquettes,
le côté qu’ils soutenaient leur fournissait des armes.
missile, système de missiles ou mine. Les armes légères
La période de l’après-guerre froide fut l’occasion d’un
comprennent également les ‘munitions’ qui peuvent con-
nouveau flux d’armes puisque maintenant les régimes
sister en une cartouche complète ou ses composantes,
soutenus par ce système bipolaire s’effondraient et que
y compris les douilles de cartouches, les amorces, la
la démocratisation et de nouveaux systèmes de gouvern-
poudre propulsive, les balles ou projectiles qui sont uti-
ance faisaient leur apparition dans la région. Il y a des
lisés avec une arme légère ou de petit calibre, ainsi que
facteurs issus de cette dernière phase qui représentent,
tout élément, toute pièce détachée ou pièce de rechange
aujourd’hui encore, un défi à la gouvernance et à l’état
qui sont essentiels à son fonctionnement. D’autre part,
de droit dans certains des états de la région.
les armes de petit calibre sont définies comme des armes
Si la prolifération des ALPC joue un rôle significatif
portatives conçues pour être utilisées par plusieurs per-
dans la subsistance et la gravité des conflits, par ailleurs,
sonnes faisant partie d’une équipe. Elles comprennent
les confl its de la région sont provoqués par le concours
les mitraillettes lourdes, les canons automatiques, les
de plusieurs facteurs, incluant des disputes historiques
obusiers, les mortiers d’un calibre inférieur à 100 mm,
concernant les territoires et des disputes actuelles con-
les lance-grenades, les armes antichars et les lanceurs,
cernant le gouvernement de la nation et la distribution
les fusils sans recul, les roquettes tirées à l’épaule, les
des ressources de l’Etat. Le fait qu’on puisse facilement
armes anti-aériennes et les lanceurs, et les armes de
se procurer des armes a pour conséquence que les
défense anti-aérienne.7 On remarquera toutefois que
éventuels belligérants vont opter pour la violence plutôt
ces défi nitions ont leurs limites si l’on considère les
que pour la négociation pour tenter de faire aboutir leurs
avancées technologiques actuelles grâce auxquelles
revendications. L’abondance des armes a contribué à
des armes de plus gros calibre peuvent être actionnées
la gravité, à la durée et à l’étendue géographique des
par une personne seule ou être contrôlées à distance. Il
guerres qui ont éclaté ces derniers temps. En ce sens, la
est donc nécessaire de s’interroger d’autant plus sur les
prolifération des armes est un facteur significatif dans la
défi nitions actuellement dites opérationnelles des ALPC.
dynamique du confl it contemporain.5
La dynamique de la prolifération des armes illicites tourne autour de trois aspects, qui sont : l’offre, la
LES ARMES LÉGÈRES ET DE PETIT CALIBRE ET LA DYNAMIQUE DE LA PROLIFÉRATION : DÉFINITIONS
demande et l’usage illégal. Il y a là une grande dif-
Bien qu’il ait été difficile d’arriver à un accord interna-
simple présence (offre) d’armes et le désir d’en posséder
tional quant à la définition des armes légères et de petit
(demande) en soi qui posent problème, mais c’est lorsque
calibre, il existe une définition générale opérationnelle
les armes sont utilisées de façon illégale dans des
dont on peut s’inspirer. Les armes légères sont des armes
confl its et pour des activités criminelles que cela pose
conçues pour un usage individuel et peuvent inclure des
problème. On risque de s’égarer en se concentrant trop
pistolets, des pistolets mitrailleurs, des fusils d’assaut
sur le commerce illicite d’armes, car ce dernier ne peut
et des mitraillettes légères. Les armes de petit calibre
être très précisément isolé d’autres types de transferts
sont conçues pour être déployées et utilisées par une
tels que les ventes autorisées mais détournées.8
équipe de deux personnes ou plus et comprennent
férence avec la dichotomie la plus couramment admise en matière de contrôle des armes et qui repose sur l’aspect offre contre demande : en effet, ce n’est pas la
Les armes légères ne prolifèrent pas toutes seules. C’est
des lance-grenades, des canons antiaériens et canons
à la demande de gouvernements et/ou de civils qu’elles
antichars portatifs et des lance-missiles, des fusils sans
sont conçues, produites et fournies. Elles sont vendues,
recul et des mortiers d’un calibre inférieur à 100 mm.6
revendues, peut-être volées, détournées et peut-être trans-
Le protocole de Nairobi, qui est un instrument régional
férées légalement ou illégalement encore plusieurs fois. En
de contrôle des armes, définit les armes légères comme
fin de compte, elles sont utilisées et réutilisées pendant
des armes destinées à un usage personnel, du type
et après les conflits. A chacun des moments critiques de
mitraillettes légères, mitraillettes, y compris les pistolets
cette chaine complexe de transferts licites et illicites, des
mitrailleurs, fusils automatiques et fusils d’assaut,
personnes, des courtiers, des insurgés, des criminels, des
ainsi que fusils semi-automatiques. Dans ces armes
fonctionnaires des gouvernements, et/ou des groupes
sont aussi classés : toutes les armes à canon portatives
organisés participent activement à ce processus. C’est là
4
Institute for Security Studies
Compilé par Nyambura Githaiga
un fait simple dont doivent découler la réglementation et
services militaires, des compagnies aériennes louches et
le contrôle de ces armes.9
des contrebandiers locaux, pour venir attiser les conflits existants et faciliter l’émergence de nouveaux confl its sur le continent.11 L’instabilité qui s’ensuivit dans les régimes
CONTEXTE HISTORIQUE DE LA PROLIFÉRATION DES ALPC DANS LA RÉGION
devenus orphelins encouragea encore l’acquisition de
L’usage d’armes dans les conflits humains remonte à des
pour ouvrir la voie à des compagnies du Bloc de l’Est a fait
temps immémoriaux. L’usage d’ALPC au sein de la Région
baisser les prix des ALPC.
nouveaux stocks dans la mesure où ces régimes voulaient rester au pouvoir. La recherche de marchés peu chers
des Grands Lacs est le résultat de certaines avancées dans
La vague de démocratisation des années 1990 sur le
la technologie de la guerre. Alors qu’au départ celles-ci
continent a également affecté la Région des Grands Lacs.
étaient utilisées par les commerçants arabes pour chasser
Dans la plupart des cas, les régimes post-indépendance
l’éléphant et d’autres animaux sauvages pour leurs
se sont accrochés au pouvoir grâce à des manipulations
trophées, ainsi que pour leur propre protection, le fait que
et des tendances dictatoriales, provoquant, dans certains
les populations régionales aient combattu aux côtés des
de ces pays, une instabilité interne. Cette instabilité
régimes coloniaux au cours des Première et Deuxième
a, à son tour, mené à la prolifération des ALPC, et ce
Guerres mondiales a eu pour effet d’introduire des armes
jusqu’à nos jours. Certains de ces régimes, luttant pour
dans ces populations, bien que ce fût en petit nombre. Le
leur survie, ont recruté des milices et groupes tribaux
problème, c’est que la plupart des armes à feu survivent
comme armées politiques. Des armes leur ont été
toutefois beaucoup plus longtemps que les confl its pour
fournies sans qu’on ne leur demande de rendre aucuns
lesquels on se les est procurées. Par exemple, il reste
comptes. Cela a même présenté un défi lors du processus
encore certaines armes de la Deuxième Guerre mondiale
de désarmement, car il s’est avéré impossible de déter-
qui sont en circulation dans la région.
miner le nombre d’armes que l’on attendait. La marginalisation historique de certaines commu-
De nombreux facteurs, aussi bien internes qu’externes,
nautés ou zones considérées comme périphériques par
ont contribué à la culture effrénée de la violence qui
rapport à l’Etat de certains pays a eu pour conséquence
déchire et monte les uns contre les autres les états
d’y installer l’insécurité. Celles-ci ont alors réagi en
africains. C’est en plaçant le débat sur les ALPC au
s’armant afin de protéger leur vie ainsi que leurs moyens
point d’intersection entre les processus de gouvernance
de subsistance. C’est ce qu’on peut constater très claire-
internes et les influences externes qui les façon-
ment dans la plupart des communautés pastorales et
nent, qu’on en aura la vision la plus juste. Il est par
dans les zones semi-arides de la région de la Corne de
exemple exact de dire que la phase de mondialisation
l’Afrique, ainsi que dans certaines zones de la région
de l’après-guerre froide caractérisée par l’hégémonie
des Grands Lacs. La présence d’armes dans ces régions a
du marché et de la démocratie libérale constitue une
créé une culture de l’armement dans les communautés :
cause majeure de la violence structurelle dans le monde
le signe de la masculinité y est maintenant perçu comme
en développement, et notamment en Afrique. Mais
étant la possession d’armes.
malgré cela, l’effet d’affaiblissement de l’état africain
Notre approche visant à traiter des divers facteurs
par la mondialisation ne doit être compris que comme
déterminants conduisant à l’obtention illicite d’armes
ayant certes un rôle d’aggravation, mais tout en étant
doit être suffisamment vaste pour pouvoir inclure toute
un impact seulement secondaire dans l’effondrement
la gamme variée des facteurs et des circonstances qui
de la gouvernance interne. En conséquence, la
dominent dans la région. Les interventions politiques
prolifération des armes et la violence inextricable
réussiront là où les facteurs déterminants sont de
en Afrique doivent être remises dans le contexte du
nature politique, alors que là où il y a marginalisation et
projet de construction d’un Etat postcolonial.
exclusion, c’est une amélioration de la gouvernance et
10
une responsabilité assumée face aux populations et aux L’une des sources majeures d’ALPC dans la région con-
institutions en place qui permettra de réussir.
tinue de venir des stocks d’armes qui ont été déversés sur l’Afrique dans les années 1970 et 1980 par l’ancienne Union soviétique, les Etats-Unis et leurs alliés, afin d’alimenter des guerres interétatiques par adversaires
LES ARMES LÉGÈRES ET LES CONFLITS
interposés. Les armes qui restaient, ont fait leur chemin à
Au cours de ces dernières décennies, la Région des
travers des réseaux clandestins impliquant des courtiers
Grands Lacs a été victime de nombreux confl its
en armements peu scrupuleux, des sociétés privées de
armés. Leur dynamique est passée de celle de conflits
Rapport d’atelier
5
Dimensions régionales des conflits dans les Grands Lacs
intraétatiques à celles de guerres civiles à l’intérieur
faire entrer dans cette équation la nécessité de s’assurer
même des Etats plus récemment. Ceux-ci ont débordé
que les armes légères détenues par des civils ne puissent
sur les territoires des états voisins, et ont ainsi pris des
pas entrer dans le circuit illégal.17
dimensions régionales.
Dans les situations de confl its, les vies humaines
Ces confl its et l’insécurité qui les a accompagnés
sont gâchées puisque les jeunes gens consacrent toute
ont fait naître une forte demande pour des ALPC. Ainsi,
leur énergie à des confl its qui, à tous les niveaux de la
des civils ordinaires se sont mis à la recherche d’armes
société, sont générateurs de morts. En plus de toutes
pour se protéger eux-mêmes en l’absence de protection
ces morts qui pourraient généralement être évitées, des
officielle de l’Etat. Dans des situations où l’Etat aussi
centaines de milliers de personnes qui survivent à la vio-
bien que d’autres groupes sont acteurs dans le confl it,
lence armée se retrouvent avec des blessures, des handi-
les civils reçoivent des armes distribuées par tous les
caps permanents, et des désordres psychologiques.18
côtés.
Pour fournir des soins à ceux qui ont été blessés, les
12
La prolifération d’armes légères en Afrique pose un
communautés épuisent les ressources qui pourraient
problème majeur pour le développement. L’aspect peu
leur permettre de faire face à des responsabilités quoti-
coûteux de ces armes, la facilité avec laquelle on peut
diennes telles que la sécurité alimentaire et l’éducation.
se les procurer et les utiliser ont le potentiel d’attiser les
Pendant les périodes postérieures aux conflits, la
confl its, de fragiliser les accords de paix, d’intensifier
prolifération des armes légères représente un obstacle
la violence et l’impact de la criminalité, d’empêcher le
considérable au processus de développement post-
développement économique et social, et de faire obstacle
confl ictuel. Les investissements étrangers risquent
au développement de la stabilité sociale, de la démocra-
d’être limités à cause de la violence qui continue et de
tie et de la bonne gouvernance.13 En Afrique, les armes
la perception d’une insécurité. Lorsque des segments
à feu ne sont pas seulement des armes de prédilection,
considérables des infrastructures et de l’économie ont
mais aussi des armes de destruction massive.
été détruits durant le confl it, les pays dépendent de
14
La disponibilité et l’utilisation illégale d’armes à feu
l’assistance de la communauté internationale pour la
peut avoir toute une gamme d’impacts indirects, ceux-ci
reconstruction. S’ils ne peuvent pas se fier à la sécurité
pouvant, dans la plupart des cas, mettre en danger la vie
d’une communauté, les investisseurs risquent d’hésiter
des personnes. On compte parmi ces impacts le déplace-
à fournir des fonds pour le développement. Cela leur
ment de civils ; la militarisation des camps de réfugiés ;
coûterait probablement trop cher d’assurer la sécurité
l’érosion du développement durable ; la restriction de
de leurs employés et la protection des projets de
l’accès aux services de santé, à l’éducation et à la sécurité
développement.
alimentaire ; l’impossibilité d’utiliser certaines terres ;
De nombreuses armes légères restent en circulation
ainsi que les obstacles posés à l’assistance humanitaire et
et entre les mains des anciens combattants à la fi n des
à celle des personnels pour le développement et la santé.15
hostilités. Elles sont souvent utilisées pour commettre
Une étude récente menée par Oxfam ainsi que d’autres
des attaques armées criminelles et vont perpétuer
organisations de la société civile a fait ressortir qu’en plus
l’instabilité. Certains pays de la région ont vu monter
de la tragédie humaine que représentent ces confl its, les
la criminalité violente armée au moment même où le
conflits armés coûtent à l’Afrique environ 18 milliards de
confl it avait officiellement pris fi n. Le pouvoir de l’arme
dollars américains par an, et met donc sérieusement en
à feu peut facilement être interprété comme le pouvoir
échec son développement.
de l’individu, ce qui explique ce désir d’obtenir des
16
On peut en déduire que les
conflits sont un facteur qui contribue grandement aux
choses de l’autre par la violence. De nombreux anciens
niveaux de pauvreté dans les pays et régions affectés.
combattants ont toutes les chances de devenir candidats
Il est du devoir de tous les Etats souverains d’assurer
à des activités criminelles car ils ne disposent pas de
la sécurité publique et ces Etats devraient avoir à cœur
mécanismes pour faire face au stress psychosocial créé
d’assurer la sécurité humaine afi n de permettre le
par leur exposition à des violences extrêmes et à l’état
développement de leurs citoyens. Il leur appartient de
de dépression qui s’ensuit.
s’assurer que les armes restent bien entre les mains de
Il y a également des souffrances sociales à long
la police et des forces armées et sous leur responsabilité,
terme qui sont moins facilement quantifiables, mais
afi n de garantir que les stocks d’armes de l’Etat ne
qui affectent tout autant l’avenir des régions et pays
tombent pas entre les mains de ceux qui sont suscepti-
sujets aux confl its. Il peut s’agir des familles qui ont été
bles d’en faire mauvais usage. De plus, selon la théorie
déchirées, des enfants rendus orphelins, et des systèmes
du contrat social, ils ont l’obligation de protéger les
d’assistance sociale et économique qui ont été perturbés
citoyens et leurs propriétés contre tout confl it ou toute
par le confl it et la violence. Les écoles, les universités
menace. En conséquence, tout gouvernement doit bien
et les programmes de formation peuvent être dans
6
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Compilé par Nyambura Githaiga
l’impossibilité de fonctionner à cause de la violence, du manque de personnel, ou du manque de ressources. De telles conditions vont considérablement limiter les
L’IMPACT DES ARMES LÉGÈRES DANS LES SITUATIONS DE CONFLIT
capacités de reconstruire et de fournir à la génération
S’il est difficile de séparer l’impact des armes légères
suivante certaines opportunités.19
dans le confl it de l’impact du confl it lui-même, il est
Les armes légères sont peu chères, peu encombrantes
cependant possible d’identifier l’héritage laissé par
et faciles à manipuler, à transporter et à cacher. Si
les armes légères des confl its armés. Etant donné la
l’augmentation du nombre d’armes légères ne peut en
longueur de la durée de vie des armes, celles-ci continu-
soi créer les confl its dans lesquels elles sont utilisées,
ent d’être disponibles longtemps après la fi n du confl it
leur accumulation excessive et leur disponibilité uni-
pour lesquelles elles ont été acquises. Si elles ne sont
verselle a cependant tendance à aggraver les confl its en
pas collectées et détruites, elles vont passer vers de
augmentant non seulement le pouvoir meurtrier et la
nouvelles zones où il y a une demande s’il règne une
durée des violences, mais aussi le sentiment d’insécurité
certaine instabilité, ou bien elles seront utilisées pour
qui engendre une plus forte demande d’armes.
des activités criminelles lorsque le confl it armé a pris
20
Du fait
que les armes légères sont peu chères et facilement dis-
fi n. Quelles que soient les circonstances qui l’entourent,
ponibles, il est aisé d’en faire l’acquisition. Ceux qui sont
l’utilisation illégale d’armes crée l’insécurité et empêche
équipés d’un nouvel arsenal d’armes ont maintenant
les personnes de jouir pleinement de la vie sociale.
tendance à provoquer les parties qui sont considérées
Lorsque les armes sont utilisées pour des activités
comme plus faibles, et cela exacerbe la violence. Les
criminelles, les attaques deviennent plus meurtrières
gens s’arment pour contrer les menaces présentées par
et répandent la peur dans le cœur des populations. Pour
ceux qu’ils perçoivent comme leurs ennemis, créant
réagir à cette situation, les gouvernements redirigent
ainsi un modèle circulaire de demande et de confl it
des ressources, déjà limitées, vers la lutte contre les
ayant pour but de tester les moyens et les compétences
criminels, aux dépens d’autres services sociaux tels que
des uns et des autres.
l’éducation et la santé. Les communautés, quant à elles,
C’est principalement en raison des confl its armés
réagissent à cette situation en investissant largement
que les gens s’enfuient de leurs maisons, et ces conflits
dans des services de protection personnelle tels que
sont donc aujourd’hui la cause la plus répandue de
des services de sécurité privés et des moyens de dis-
l’insécurité alimentaire, car les terres productives sont
suasion comme les systèmes de clôtures électriques et
abandonnées et les personnes compétentes sont relocal-
d’alarmes. Au bout du compte, il en résulte une baisse de
isées vers des terres ou des activités non-productives.
la qualité de vie dans les communautés affectées. Il est
Pour les pays qui sont plongés dans des confl its à long
même arrivé, dans certaines communautés pastorales,
terme ainsi que pour les états en crise où en phase
que les gardes armés par le gouvernement et chargés
post-confl ictuelle et pour les nations par ailleurs
de protéger les habitations se retournent contre leurs
théoriquement ‘en paix’, la violence armée a le potentiel
propres communautés et se lancent dans des activités de
d’aggraver la pauvreté, d’empêcher l’accès aux services
banditisme et de cambriolage.
sociaux, et de détourner l’énergie et les ressources des
Dans les situations de confl it armé, les services
efforts visant à améliorer le développement humain.
sociaux ou les interventions et l’assistance humanitaires
Ainsi, les pays qui souffrent de violence armée dans des
sont souvent retirés lorsque la vie des prestataires de ces
situations de criminalité ou de confl its réalisent souvent
services est menacée. Les communautés affectées sont
des performances très médiocres en ce qui concerne les
ainsi exposées à l’insécurité alimentaire, au manque de
Objectifs de développement du millénaire.21 S’attaquer
services de santé, au manque de services d’éducation,
au problème de la prolifération des armes légères et de la
puisque les institutions ferment, ainsi qu’à la disparition
violence armée qui l’accompagne, c’est donc s’attaquer
des compétences locales, puisque les professionnels
aux facteurs qui sont la cause du sous-développement et
préfèrent aller pratiquer leurs activités dans d’autres
de la pauvreté. On reconnait généralement que certaines
zones. Comme cela prend du temps pour reconstruire
conditions socio-économiques donnent à la violence
ces compétences, le développement est donc effective-
armée plus de chances de se développer et vont ainsi
ment ralenti.
accroître la demande d’armes. Réagir à ces causes pro-
Les coûts liés à l’accumulation de suffisamment
fondes pourra toutefois présenter des défi s, puisque les
d’armes et de munitions pour entretenir des confl its
éléments clés d’un tel programme, comme la réduction
(en particulier des conflits internes qui ne reçoivent
de la pauvreté, l’emploi pour les jeunes et la prévention
pas de soutien externe) sont énormes. L’acquisition
de l’aliénation sociale, entre autres, sont des objectifs de
d’armes et de munitions, que ce soit pour son auto-
développement difficilement quantifiables.
défense ou pour entretenir le confl it, appauvrit les
Rapport d’atelier
22
7
Dimensions régionales des conflits dans les Grands Lacs
communautés affectées. Dans les zones où opèrent des
à l’intention des états pour qu’ils puissent renforcer les
groupes rebelles, le pillage des villages et des entreprises
mesures pour le contrôle des ALPC ainsi que leur mise
commerciales, ainsi que des centres médicaux afi n de
en œuvre aux niveaux national et régional. Les états
pourvoir aux besoins des combattants dans les forêts,
qui se sont engagés dans ce processus ont également
fait faire marche arrière à tous les progrès qui ont pu
été encouragés à remettre des rapports annuels aux
être réalisés.
Nations Unies sur l’avancée de la mise en œuvre de ces
L’utilisation illégale d’armes légères conduisant à des
contrôles.24 Conformément aux dispositions prises dans
pertes humaines et faisant obstacle au développement
ce cadre, la communauté internationale se réunit deux
économique, la lutte contre l’accumulation d’armes
fois dans l’année pour examiner les progrès réalisés
légères illégales est une lutte contre la pauvreté, le
dans le contrôle de la prolifération des armes illicites,
sous-développement, la désintégration sociale et la
les défis qui s’attachent à sa mise en œuvre et les pos-
dégradation de la santé. Exercer un contrôle sur les
sibilités d’apporter une coopération et une assistance
armes légères n’est donc pas seulement une question
aux Etats et régions affectés. Mais cet instrument, bien
qui se limite à la sécurité, mais englobe tout ce sur quoi
qu’il soit mondialement accepté et mis en œuvre dans
repose la survie humaine dans son ensemble. Bien qu’il
la plupart des pays du monde, n’est que politiquement
soit admis que les états doivent continuer à posséder
contraignant. Cela signifie qu’il n’y a aucun mécanisme
des armes pour protéger leur souveraineté et pour faire
pour mettre en demeure les pays qui ne respectent pas
appliquer la loi et maintenir l’ordre, il doit en même
les dispositions qui y sont prévues. Cela n’a toutefois
temps y avoir une gestion appropriée des stocks d’armes,
pas empêché les pays et régions affectés de chercher à
afi n de s’assurer que les stocks des états n’aillent pas
réaliser ces aspirations en ayant recours à cet accord.
alimenter le marché illicite.
Le continent africain s’est trouvé en première ligne pour ce qui est de la recherche de solutions aux défis
C’est grâce à une gestion sûre des réserves nationales
présentés par la circulation et l’accumulation d’armes
d’armes légères qu’on peut maîtriser la proliféra-
légères illicites. Afin de se préparer à la conférence de
tion de ces armes. La cause première qui permet le
l’ONU, les Etats membres de l’Union africaine se sont
détournement des armes et des munitions issues
réunis à Bamako, au Mali, pour défi nir une position
du marché légal vers le marché illicite est la mau-
commune sur la manière de résoudre le problème de la
vaise sécurisation des stocks. Avec des pratiques
prolifération, de la circulation et du trafic illicites des
laxistes en matière de sécurité, le vol est facilité.
ALPC. Cette position fut ensuite nommée « Déclaration
Des fonctionnaires corrompus peuvent ainsi vendre
de Bamako sur une position africaine commune sur la
ou transférer les armes dont ils ont la charge à
prolifération, la circulation et le trafic illicites des armes
des groupes criminels ou des forces rebelles. Cette
légères et de petit calibre ». La Déclaration de Bamako
sécurisation des stocks est particulièrement pré-
demande aux Etats membres de renforcer les mesures
caire dans les Etats qui sont en proie à des confl its
existantes pour ce contrôle et formule des recommanda-
violents ou dont la gouvernance laisse à désirer.23
tions à appliquer tant au niveau régional que national.25 Cette position africaine commune a eu une influence considérable pour guider les discussions à la réunion de
LES INSTRUMENTS INTERNATIONAUX ET RÉGIONAUX SUR LE CONTRÔLE DES ALPC
l’ONU de 2001, d’où est ressorti le programme UNPoA.
La gravité du défi posé par la prolifération des ALPC a
Au niveau régional, quatre instruments ont été élaborés
été reconnue, puisque des instruments internationaux,
et des institutions ont été établies pour mener les Etats
régionaux et nationaux visant à faire face aux problèmes
signataires vers la réalisation de leurs aspirations de
qui lui sont liés ont été introduits.
Bamako. Ces instruments sont les suivants :
Au niveau international
■
Au niveau régional
Convention de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) sur les armes
Au niveau international, nous avons le Programme
légères et de petit calibre, leurs munitions et autres
d’action des Nations Unies en vue de prévenir, combattre
matériels connexes (2006). La Convention de la
et éliminer le commerce illicite des armes légères et
CEDEAO est le résultat de l’évolution du Moratoire
de petit calibre sous tous ses aspects (UNPoA). Ce pro-
politiquement contraignant sur les armes de petit
gramme a établi des directives et des recommandations
calibre décrété par la CEDEAO en 1998 et est entrée
8
Institute for Security Studies
Compilé par Nyambura Githaiga
■
■
en vigueur en novembre 2010. La mise en œuvre de
au niveau national et régional avec d’autres parties
cette convention a été confiée à la Commission de la
prenantes pour résoudre les problèmes d’ALPC. Il y a
CEDEAO.
entre les institutions des PFN des différences en ce qui
Protocole de la Communauté de développement de
concerne leur mandat, leur personnel, leurs affectations
l’Afrique australe (SADC) sur le contrôle des armes
budgétaires et leur capacité à faire agir. L’un des faits les
à feu, des munitions et autres matériels connexes
plus préoccupants est que certains des PFN ne sont pas
(2001). La mise en œuvre de ce protocole a été confiée
intégrés dans les institutions qui s’occupent de la résolu-
à l’Organisation de la coopération des Chefs de police
tion des confl its et des mécanismes de consolidation de
de l’Afrique australe (SARPCCO).
la paix. Pour leur permettre de jouer le rôle qui est le
Protocole de Nairobi pour la prévention, le contrôle et
leur dans la lutte contre la prolifération illicite d’ALPC
la réduction des armes légères et de petit calibre dans
au niveau national, et de pouvoir ainsi avoir une influ-
la Région des Grands Lacset la Corne de l’Afrique, de
ence sur la situation régionale, il faut que les problèmes
2004 (issu de la Déclaration de Nairobi de 2000 qui
mentionnés ci-dessus soient résolus.
était politiquement contraignante). La mise en œuvre
■
Le Programme d’action des Nations Unies (UNPoA)
de ce protocole a été confiée au Centre régional sur
et la Déclaration de Bamako font appel aux Etats pour
les armes légères dans la région des Grands Lacs, la
qu’ils élaborent des plans d’action nationaux (PAN)
Corne de l’Afrique et les Etats limitrophes (RECSA).
pour s’attaquer à l’ensemble des défis posés par les
Convention de l’Afrique centrale relative au contrôle
ALPC dans leurs pays respectifs. En réponse à cet appel,
des armes légères et de petit calibre, de leurs muni-
huit pays (le Burundi, Djibouti, la RDC, l’Erythrée, le
tions et de toutes pièces et composantes pouvant
Kenya, le Rwanda, l’Ouganda et la Tanzanie) ont mis en
servir à leur fabrication, réparation ou assemblage,
place des PAN. Pour élaborer ces plans, il faut réaliser
appelée Convention de Kinshasa : signée le 19
des études cartographiques à l’échelle nationale, afi n
novembre 2010 à Brazzaville. (Il reste encore aux
de comprendre avec précision où se situent les armes
Etats signataires à la ratifier.) Sa mise en œuvre a été
légères à l’intérieur du pays concerné. Ensuite, les
confiée au secrétariat de la Communauté économique
rapports sur ces études sont partagés et des discus-
des Etats de l’Afrique centrale (CEEAC).
sions s’ouvrent avec toutes les parties prenantes pour déterminer la réponse appropriée à cette situation.
Il reste encore, dans ces quatre régions, à obtenir des
L’analyse des facteurs prépondérants créant la demande
gouvernements qu’ils attribuent un degré suffi sant
ou la prolifération d’armes légères est, en général, l’un
d’attention et de priorité à l’affectation de ressources à
des éléments qui jouent un rôle clés. Les confl its ou
cette tâche, ce qui n’est pas encore fait et pourra être
situations d’instabilité sont donc traités dans les PAN.
réalisé en faisant clairement ressortir le lien entre cette
Un plan quinquennal est ensuite élaboré et adopté par
nécessité urgente de prévenir, combattre et éliminer la
les autorités nationales de mise en œuvre. Les régimes
fabrication et le trafic illicites d’armes à feu, de muni-
juridiques jouent un rôle crucial dans le fait que les con-
tions, d’explosifs et autres matériels connexes et les
fl its soient engendrés ou alors évités. De la même façon,
effets néfastes que ceux-ci ont sur la sécurité des Etats et
les structures juridiques en place dans un pays déter-
de la région dans son ensemble.
minent jusqu’à quel point la prolifération des ALPC peut être contrôlée. Afin de régler cet aspect crucial, un appel
INITIATIVES VISANT À RÉSOUDRE LE PROBLÈME DES ALPC DANS LA RÉGION DES GRANDS LACS ET DE LA CORNE DE L’AFRIQUE
a été lancé aux signataires du Protocole de Nairobi dans
Etant donné les défis évidents auxquels les Régions des
l’Ethiopie, la Tanzanie, l’Ouganda et le Kenya en sont à
Grands Lacs et de la Corne de l’Afrique continuent de
des stades divers du processus de révision.
faire face, ainsi que leur engagement par rapport aux
la région pour qu’ils mettent leur législation en conformité avec les instruments régionaux. Pour l’instant, le Rwanda et le Burundi ont introduit une législation qui est conforme aux instruments régionaux, mais la RDC,
Dans un environnement post-confl ictuel, la destruc-
instruments et mécanismes régionaux de résolution du
tion immédiate des armes et des munitions qui restent,
problème des ALPC, il n’est pas sans intérêt de mention-
élimine ce qui peut alimenter une nouvelle instabilité.
ner certaines interventions.
La Région des Grands Lacs a entrepris de détruire plus
La plupart des pays qui sont parties au Protocole de
de 200 000 armes, la RDC qui en a détruit plus de 90 000
Nairobi ont établi des points focaux nationaux (PFN).
étant en tête. Les discussions continuent pour savoir
Ce sont des unités de coordination nationales ou points
si les armes récupérées ou rendues doivent être détru-
de contact qui ont pour mandat d’assurer la liaison
ites ou réattribuées à l’usage des forces officielles du
Rapport d’atelier
9
Dimensions régionales des conflits dans les Grands Lacs
gouvernement. La position régionale est qu’elles doivent
parallèle avec d’autres développements, afin de consolider
être détruites afi n de convaincre le public qu’elles
les progrès réalisés ou ceux qu’on vise à réaliser dans
n’ont pas été collectées pour renforcer la capacité du
d’autres secteurs de la société. Pour cela, un véritable
gouvernement, mais au contraire parce que le gou-
changement de paradigme pourrait être nécessaire en ce
vernement est persuadé qu’elles sont devenues inutiles.
qui concerne la gestion de la sécurité, et, en particulier,
La gestion et le contrôle des stocks s’est avéré être
les démarcations entre les diverses unités spécialisées.
l’un des problèmes concernant les armes légères les
Les autorités chargées de l’application de la loi doivent
plus épineux. L’une des sources principales de réserves
échanger les informations concernant les mouvements
d’armes illicites vient du stock légal de l’Etat qui est,
d’un côté à l’autre des frontières d’armes légères illégales
pour ne citer que quelques méthodes, volé, perdu, dis-
et autres marchandises de contrebande. Les barrières
tribué par les gouvernements à des milices, ou encore,
qui s’opposent au partage de ces informations – entre,
les stocks de l’Etat sont détournés par des courtiers
par exemple, les unités responsables des douanes, de
en armes. Les fuites venues des stocks de l’Etat sont
l’immigration, de la police et des gardes-frontière –
donc des sources éminentes d’armes légères illicites en
doivent être réduites ou même, peut-être, éliminées.
circulation. Afi n de répondre à cette préoccupation et
L’Article 4 du Protocole de Nairobi (capacité opéra-
d’améliorer leur traçabilité, une initiative de marquage
tionnelle), insiste sur le fait que les Etats parties doivent
des armes a été entreprise, qui concerne tous les stocks
renforcer la coopération entre les responsables des serv-
détenus par l’Etat ainsi que les armes détenues avec
ices de la police, des renseignements, de la douane et du
permis de port d’arme par des civils. Cela est en cours
contrôle des frontières dans la lutte contre la circulation
depuis deux ans et jusqu’à présent les réactions ont été
illégale et le trafic d’ALPC, établir des bases de données
très encourageantes. En vue de soutenir ce processus, le
et des systèmes de communication et les améliorer, et
RECSA a mis au point un logiciel de gestion des données
faire l’acquisition d’équipements permettant le contrôle
permettant d’améliorer la consignation des informa-
et le suivi des mouvements d’armes légères et de petit
tions, la responsabilité et la sécurisation des données
calibre à travers les frontières.27
enregistrées.
Le rôle important que jouent la communauté internationale ou les partenaires en matière de développement
CONCLUSION
dans la lutte contre la prolifération des ALPC est ap-
Les défis que présentent la prolifération et l’utilisation
à court terme à un engagement à long terme qui crée des
illégale des armes légères sont complexes et il n’existe
fondements assez solides pour permettre l’appropriation
pas de solutions tout à fait simples pour les résoudre.
au niveau local et une implication à travers des capacités
Les concepts traditionnels de sécurité s’étant avérés
durables et une institutionnalisation.28 Les acquis pour-
inopérants face à la nature changeante de la violence
raient ainsi être bien consolidés grâce à des investisse-
armée et aux violences reposant sur l’usage d’outils
ments dans le renforcement des mécanismes de contrôle
particuliers, il est grand temps de réagir en tenant
des frontières en établissant des lois, des réglementations,
compte de ces faits. Comme l’illustre Nelson Mandela l’a
des politiques et des pratiques, en améliorant les infra-
bien dit, la sécurité et la sureté ne sortent pas du néant,
structures, en fournissant des équipements et en les mod-
elles sont le résultat d’un consensus collectif et d’un
ernisant, en partageant les leçons tirées de l’expérience,
investissement public. (’Safety and security don’t just
en mettant en application des mesures visant à renforcer
happen: they are the result of collective consensus and
la confiance entre pays voisins, et en élaborant des pro-
public investment.’)26
grammes de formation pour le personnel.
L’importance du renforcement des dispositifs
préciable, mais son orientation devrait passer des projets
Les gouvernements régionaux, de leur côté, doivent
juridiques et/ou réglementaires dans le but de mieux
investir dans la sécurité de leurs citoyens. Les organisa-
contrôler les frontières aux niveaux national, régional
tions régionales ont pris en main le processus pour
et multilatéral est primordiale si l’on veut empêcher la
résoudre les problèmes liés aux armes légères sans
circulation des armes et des matériels connexes à travers
qu’il y ait réciprocité de la part des gouvernements qui
la plupart de nos frontières régionales poreuses. Les Etats
avaient mis sur pieds ces mécanismes régionaux. Le
doivent améliorer la coopération sur le plan pratique
principe de la responsabilité partagée est cependant
entre les institutions qui sont responsables du contrôle
essentiel au renforcement des efforts pour prévenir et
effectif des frontières dans le but de combattre non
combattre le commerce illicite d’ALPC au-delà des fron-
seulement le commerce illicite des ALPC, mais aussi les
tières ainsi qu’à l’intérieur des pays. Il doit y avoir une
activités criminelles qui sont liées à ce commerce illicite.
appropriation plus entière au niveau national et celle-ci
Tout investissement dans la sécurité devrait se faire en
devrait transparaître dans des affectations budgétaires
10
Institute for Security Studies
Compilé par Nyambura Githaiga
aux PFN et un recrutement de personnel suffi sant pour
d’une capacité institutionnelle adéquate. Ce à quoi cette
gérer les responsabilités de coordination nationale. Les
capacité institutionnelle renvoie, c’est à la solidité de
PFN devraient être tenus à des mécanismes de rapports
l’Etat et à son efficacité pour faire respecter l’état de
afi n que puisse être évaluée leur efficacité. Ils devraient
droit, ainsi qu’à l’acceptation par tous les groupes qui
être juridiquement constitués de façon à aligner leur
le composent de la notion de cet Etat et de son autorité.
travail sur celui d’autres institutions appropriées du
La capacité institutionnelle d’un Etat comporte plus que
gouvernement traçant les avenues de la prévention des
seulement les rouages servant à fournir des biens et des
confl its, de la gestion des conflits, et de la reconstruction
services à ses citoyens. Si les secteurs de l’exécutif, du
d’après les confl its là où le processus de consolidation de
judiciaire, de la sécurité et du développement sont bien
la paix est en cours.
répandus et acceptés, s’ils sont une référence et sont
Si l’on isole la lutte contre la prolifération des armes
efficaces, cela contribue énormément à déterminer la
légères de la résolution des conflits, de la consolidation
stabilité structurelle d’un Etat et sa capacité à prévenir,
de la paix, du désarmement, de la démobilisation et de la
gérer et résoudre tout confl it. Il faut à tout régime un
réintégration (DDR), et des réformes du secteur de la sé-
consensus, une autorité, une loyauté et un consentement
curité (SSR), cela ne favorise pas le processus. Il faut voir
pour assurer sa légitimité et sa survie. Une légitimité
tous ces aspects comme de simples étapes d’un même
insuffisante peut entraîner un confl it.
processus qui doit être intégral et bien coordonné. Dans
Lorsqu’échoue la gouvernance et que les conflits écla-
le cas d’une résolution de conflit, il faut arriver à faire
tent, l’usage illégal d’armes détourne les ressources déjà
des choix sur la manière dont les belligérants vont se
maigres du gouvernement dans le domaine de la santé
désarmer grâce à un processus qui n’affaiblisse aucune
et de l’éducation vers la sécurité publique, empêche
des parties et ne risquerait pas ainsi d’encourager l’une
l’investissement et la croissance économique, et prive
de ces parties à attaquer l’autre. Pour ce qui est des
le pays ou la région qui en souffrent des compétences
processus de consolidation de la paix, l’élimination des
et talents des victimes des armes légères qui ont perdu
armes ne doit pas être considérée comme un but en soi-
la vie ou ont été déplacées. Afi n d’éviter tout confl it, les
même, mais plutôt comme l’objectif qui sera atteint du
processus électoraux et la gestion de l’Etat doivent être
fait d’avoir réussi à retrouver suffi samment de confiance
inclusifs, ce qui permet de régler les défi s qui survien-
et à accumuler certains dividendes de la paix parmi les
nent par des voies pacifiques. Il faut s’occuper du prob-
communautés ou groupes précédemment en guerre. Les
lème de la marginalisation sous tous ses aspects afi n
processus de DDR, qui ciblent les anciens combattants
de s’assurer qu’il n’y ait aucune communauté ou aucun
armés et autres groupes similaires, doivent également
groupe qui se sentent plus exposés à l’insécurité que les
s’adresser aux individus qui, dans les communautés,
autres. Dans les zones où la sécurité publique est mal
sont armés sans toutefois faire partie d’aucun groupe de DDR. Au bout du compte, ce que la réforme du secteur de la sécurité devrait mettre en place et fournir, c’est une sécurité à laquelle tous peuvent se fier et qui est centrée sur les personnes, créant ainsi un contexte où les individus peuvent s’en remettre à l’appareil de sécurité de l’Etat pour toute préoccupation concernant leur sécurité. Le rôle du gouvernement d’un pays n’est pas seulement de guider son développement économique, mais aussi de fournir un bien public qui est la sécurité de ses citoyens. ‘De hauts niveaux de violence armée et de prolifération des ALPC dans les sociétés, qu’elles soient en proie à un confl it ou non, sont souvent le signe d’une faiblesse ou d’un manque de responsabilité du secteur
assurée ou pas du tout, posséder une arme peut devenir une question de survie, soit pour se procurer de la nourriture ou autres ressources vitales, soit pour se protéger des attaques. Par ailleurs, du fait de leur prix peu élevé et de leur grande disponibilité, les armes à feu peuvent promouvoir une ‘culture de la violence’, où posséder une arme est vu comme un symbole de pouvoir et de prestige social et où l’on a recours à la violence des armes pour régler tout désaccord personnel ou politique.
NOTES 1
armes légères et leur trafic illicite}, http://www.smallarmssur-
de la sécurité.’29 Etant donné la relation très forte qui
vey.org/weapons-and-markets/transfers/illicit-trafficking.html
existe entre la gouvernance et les conflits, ainsi que leur capacité à engendrer l’usage illégal d’armes légères et de petit calibre, l’amélioration de la gouvernance
(consulté le 2 septembre 2011). 2
See Small Arms Survey, Stockpiles, http://www.smallarmssurvey.org/weapons-and-markets/stockpiles.html (accessed 3
devrait figurer au nombre des actions de lutte contre la prolifération et l’usage illicite des armes légères. Les
Voir : Small Arms Survey, Illicit trafficking {Enquête sur les
September 2011). 3
United Nations Office for Disarmament Affairs (UNODA),
défis et problèmes auxquels la plupart des gouverne-
Confl icts of interests: children and guns in zones of instability,
ments font face ont souvent leur origine dans l’absence
Panel discussion at the United Nations, 15 July 2008, New York,
Rapport d’atelier
11
Dimensions régionales des conflits dans les Grands Lacs
4
Occasional Paper 14, February 2009, http://www.un.org/disar-
action {Violence armée, disponibilité des armes et sécurité
mament/HomePage/ODAPublications/OccasionalPapers/PDF/
humaine : point sur la situation et les options d’action}, Centre
OP14.pdf (accessed 7 May 2012).
pour le dialogue humanitaire, Processus d’Helsinki, 2004, kms1.
IANSA, Oxfam, et Saferworld, Les milliards manquants de l’Afrique : flux d’armes internationaux et le coût des confl its, octobre 2007, document de briefi ng 107, http://www.oxfam. org/sites/www.oxfam.org/fi les/africas%20missing%20bils.pdf (consulté le 7 mai 2012).
5
Jayantha Dhanapala et al (eds), Small arms control: old weapons, new issues {Lutte contre les armes légères : des armes anciennes qui créent des problèmes nouveaux}, Aldershot : Ashgate, pour l’Institut des Nations Unies pour la recherche sur le désarmement (UNIDIR), 1999.
6
Voir : http://www.un.org/events/smallarms2006/faq.html (consulté le 3 septembre 2011).
7
Voir le Protocole de Nairobi pour la prévention, le contrôle et la réduction des armes légères et de petit calibre dans la région des Grands Lacs, la Corne de l’Afrique, et les Etats limitrophes, signé le 21 avril 2004.
8
Emanuela-Chiara Gillard, What’s ‘legal’? What’s ‘illegal’? {Qu’est-ce qui est ‘légal’ ? Qu’est-ce qui est ‘illégal’ ?} In Lora Lumpe (ed), Running guns: the global black market in small arms {La contrebande des armes : le marché noir mondial des armes légères}, Londres : Zed Books, 2000.
9
Small Arms Survey {Enquête sur les armes légères} 2001,
le 31 mai 2012). 16 IANSA et al, Les milliards manquants de l’Afrique. 17 UNODA, Confl icts of interests. 18 Organisation mondiale de la santé, Injury: a leading cause of the global burden of disease {Blessures : l’une des causes principales du fardeau mondial des maladies}, 2000, http://www.who.int/ violence_injury_prevention/publications/other_injury/injury/ en/index.html (consulté le 14 août 2011). 19 Rachel Stohl et Doug Tuttle, The challenges of small arms and light weapons in Africa {Le défi des armes légères et de petit calibre en Afrique}, Conflicts Trends 1 (2009), 19-26, http://www.accord.org. za/downloads/ct/ct_2009_1.pdf (consulté le 7 mai 2012). 20 Conseil de sécurité de l’ONU, Small arms: report of the Secretary-General {Les armes légères : rapport du Secrétaire général}, 17 avril 2008, S/2008/258, http://www.unhcr.org/ refworld/docid/48108c982.html (consulté le 7 mai 2012), 2. 21 Ibid, 3. 22 Buchanan, Armed violence, weapons availability and human security. 23 Small Arms Survey, Stockpile management and security
Profi ling the problem {Présentation du problème}, Oxford :
{Enquête sur les armes légères : la gestion des stocks d’armes et
University Press, 2001, 2.
la sécurité}, http://www.smallarmssurvey.org/regulations-and-
10 Abdel-Fatau Musah, Africa: the political economy of small arms and conflicts {Afrique : l’économie politique des armes légères et des conflits}, http://unpan1.un.org/intradoc/groups/public/documents/idep/unpan002406.pdf (consulté le 4 septembre 2011). 11 Ibid. 12 Natalie Pauwels et Marta Martinelli, Addressing the problem of SALW in the Great Lakes region of Africa: existing initiatives
controls/control-measures/pssm.html (consulté le 7 mai 2012). 24 Programme d’Action de l’ONU 2001, http://www.poa-iss.org/ poa/poahtml.aspx (consulté le 20 mai 2012). 25 Déclaration de Bamako 2001, http://www.chr.up.ac.za/test/ images/fi les/documents/ahrdd/theme10/democracy_bamako_ declaration_2000.pdf (consultée le 20 mai 2012). 26 Organisation mondiale de la santé, Rapport mondial sur
and options for the EU {Résoudre le problème des ALPC dans la
la violence et la santé, 2002, http://whqlibdoc.who.int/
région des Grands Lacs d’Afrique : initiatives en cours et options
hq/2002/9241545615.pdf (consulté le 7 mai 2012).
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27 Voir : http://www.recsasec.org/pdf/Nairobi%20Protocol.pdf (consulté le 16 août 2011). 28 Maze Kerry, Searching for aid effectiveness in small arms assist-
unidir.org/pdf/EU_background_papers/EU_BGP_16.pdf (consulté
ance {Vers une efficacité de l’aide pour les actions concernant les
le 14 août 2011).
armes légères et de petit calibre}, New York: UNIDIR, 2010, http://
13 Virginia Gamba, citée dans Michael Fleshman, Small arms in Africa: counting the cost of gun violence {Les armes légères
unidir.org/pdf/activites/pdf3-act529.pdf (consulté le 7 mai 2012). 29 Mike Bourne et al, Implications of illicit proliferation and
en Afrique : calculer le coût de la violence des armes à feu},
misuse of SALW {Les conséquences de la prolifération illicite
Africa Recovery 15(4) décembre 2001, http://www.un.org/en/
et de l’usage illégal des ALCP}, in Reviewing action on small
africarenewal/vol15no4/154arms.htm (consulté le 8 mai 2012).
arms 2006: assessing the fi rst five years of the UN programme
14 Fleshman, Small arms in Africa. 15 Cate Buchanan, Armed violence, weapons availability and human security: a view of the state of play and options for
12
isn.ethz.ch/.../ArmedViolenceWeaponsAvailability.pdf (consulté
of action, London: IANSA, Biting The Bullet Project, 2006, 231, http://www.scribd.com/doc/44276513/74/IMPLICATIONS-OFILLICIT-PROLIFERATION-AND-MISUSE-OF-SALW (consulté le 7 mai 2012).
Institute for Security Studies
Ressources naturelles et conflit dans la Région des Grands Lacs Nyambura Githaiga Institut d’Études de Sécurité
INTRODUCTION
ressources naturelles et du confl it s’est bien illustrée en
La Région des Grands Lacs Africains regorge de res-
qui utilisent des ressources naturelles pillables pour
sources naturelles qui ont été liées au conflit à l’échelle
générer des revenus en vue de nourrir le confl it dans la
nationale et régionale. Les ressources naturelles par-
région et de parvenir à leurs fi ns.
RDC par la présence de groupes armés illégaux étrangers
ticulièrement associées aux confl its régionaux, sont des
Une des implications du fi nancement de confl it
ressources non renouvelables , comme, le pétrole, les
auxquels sont confrontés les pays de la région, a été la
diamants, l’or et les minerais2 de cassitérite, de coltan
régionalisation de l’insécurité et l’impact négatif qui en
et de wolframite générant des revenus. Tandis que dans
découle sur les économies nationales et régionales. Puis
certains pays, les ressources naturelles comme les
une fois encore, les demandes de l’économie mondiale
terres, sont au cœur de confl its difficiles à résoudre, le
pour répondre aux besoins croissants en matière de
côté transportable rend les ressources naturelles comme
technologie, ont créé un marché pour ces ressources
les minerais, les diamants et l’or, plus exposées aux
pillables.
1
exploitations illégales et commerces illicites et par conséquent, un facteur dans l’économie de confl it. Ces res-
En dehors du ralentissement économique résultant de l’insécurité, l’exploitation illégale et du commerce
sources naturelles portables sont également désignées
illicite, liés au financement des confl its, ces derniers
comme étant des ressources pillables. En raison de
ont intensifié la prolifération des armes légères et de
l’insécurité régionale, de l’exploitation illégale et du
petit calibre (ALPC) non seulement dans le contexte des
commerce illicite transfrontaliers, il n’est pas possible
zones de confl its, mais également dans celui du crime en
de déterminer de manière exacte la véritable richesse
milieu urbain. En outre, cela a engendré une montée de
provenant des ressources naturelles, bien qu’elle soit,
violence contre les civils dans les régions en conflits avec
sans l’ombre d’un doute, considérable.
des rapports faisant état de violations flagrantes des
Les ressources naturelles et le confl it sont liés à la
droits de l’homme, y compris de viols massifs, ainsi que
fois directement et indirectement. Les liens directs se
de la militarisation du secteur minier, pour ne citer que
manifestent à travers les conflits bilatéraux entre deux
cela. Le caractère non renouvelable de ces ressources
pays, émanant de l’exploitation de ressources naturelles
naturelles, qui suppose une raréfaction de ces dernières,
partagées, tandis que les liens indirects se caractérisent
est un indicateur de tendances de confl its à venir,
par l’utilisation du produit de l’exploitation illégale
surtout en l’absence d’infrastructures et d’industries
des ressources naturelles pour fi nancer le confl it. Le
économiques viables. L’avenir semble sombre pour les
confl it sur les frontières maritimes entre l’Angola et la
économies qui dépendent des ressources naturelles
République Démocratique du Congo (RDC) constitue un
renouvelables.
bon exemple de lien direct, confl it visant à déterminer
Les efforts déployés en vue de réduire l’exploitation
les propriétaires légitimes d’un gisement pétrolier qui
illégale et le commerce illicite sont soutenus, tant au
est à l’origine de 30 pourcent de la production totale
niveau national que régional. A l’échelle nationale, les
de pétrole de l’Angola. La dimension régionale des
pays de la région sont en train de tester et de mettre en
Rapport d’atelier
13
Dimensions régionales des conflits dans les Grands Lacs
place des programmes de certification afi n de permettre
dans la région à des fins de profit. Ce confl it pourrait
une localisation efficace des minéraux, ainsi que les
non seulement faire émerger une compétition malsaine
accords établis au niveau des douanes et frontières, en
entre les pays, mais également créer des relations et
vue de juguler le trafic illégal de minéraux. A l’échelle
des opportunités dans un contexte diplomatique tendu,
régionale, les gouvernements se sont conjointement
dont pourraient bénéficier les acteurs du confl it pour
engagés à lutter contre l’exploitation illégale des
augmenter les profits provenant de l’exploitation illégale.
ressources naturelles dans la région, en mettant sur
La perspective de raréfaction/ abondance alimente
pied un mécanisme de certification régionale, chargé
la théorie du grief et de l’appât du gain. Développé en
d’établir une base de données sur les flux de minéraux
référence à la guerre civile, le débat sur le grief et l’appât
et d’harmoniser la législation nationale relative au
du gain aide à conceptualiser le lien entre ressources na-
Protocole sur la lutte contre l’exploitation illégale de
turelles et confl it. Collier et Hoeffler ont analysé le grief
ressources naturelles . Les développements sur la scène
et l’appât du gain comme étant les causes de la guerre
internationale ont créé des défis auxquels les pays de
civile, en indiquant comment l’appât du gain, en tant
la région doivent faire face pour mettre en œuvre les
que facteur de motivation5, l’emporte sur le grief. Dans
normes de certification établies ou ils risquent de voir
une perspective d’appât du gain, ‘les groupes engagés
leurs minéraux catalogués comme étant ‘minéraux
dans des confl its violents ne sont pas principalement
de confl its’. Cette stigmatisation s’étend au delà des
motivés par les griefs (c’est à dire la discrimination
pays directement touchés par les conflits, tels que la
ethnique, les inégalités, les animosités du passé), mais
RDC, jusqu’aux pays voisins qui pourraient être utilisés
essentiellement par des priorités économiques et donc
comme canal pour les ressources naturelles exploitées.
par l’appât du gain’.6
3
4
Cet article cherche à mettre en exergue les liens
L’argument démontrant le besoin de contempler une
entre les ressources naturelles et le confl it dans les
analyse plus holistique, prolonge le débat sur l’appât
pays de la Région des Grands Lacs, particulièrement
du gain en considérant des variables telles que la faible
au Burundi, en RDC, au Rwanda et en Ouganda. Le
présence d’un état qui donne lieu à la présence de
terme ‘ressources naturelles’ sera utilisé pour renvoyer
groupes armés.7 Dans la Région des Grands Lacs, le grief
aux minéraux pillables tels que l’or, les diamants et
et l’appât du gain représentent tous deux des facteurs
minerais, qui pourraient être exploités illégalement pour
de causalité au cœur du confl it. Lorsqu’on examine les
fi nancer le confl it. Plus loin, une analyse des initiatives
acteurs du confl it en RDC, le motif de grief est évident
nationales et régionales visant à réduire l’exploitation
dans la formation de quelques groupes armés illégaux
illégale et le commerce illicite à des fi ns de fi nancement
installés dans l’Est de la RDC. La présence continue de
du confl it, sera présentée et se concentrera autour
groupes armés illégaux locaux et étrangers est rendue
des défis et perspectives des diverses initiatives. Cet
possible par la faible présence de l’état dans l’Est du
article va conclure en donnant des recommandations
pays. Ces groupes armés illégaux ont souvent recours
sur comment éliminer les liens entre les ressources
à l’exploitation illégale de minéraux pour alimenter
naturelles et le confl it dans la Région des Grands Lacs.
le confl it. Dans cette arène d’exploitation anarchique,
Cadre conceptuel
ces groupes ainsi que l’armée et les civils sont motivés
Il existe une multitude de causes à l’origine du confl it
par l’appât du gain, facteur du pillage des minéraux.
de la Région des Grands Lacs. Les ressources naturelles
En substance, l’interaction entre grief, appât du gain,
ont été à la fois la cause immédiate et la cause profonde
opportunité et autres variables, perpétue le cycle vicieux
du confl it dans la région, selon qu’il s’agisse d’un lien
du confl it.
indirect ou direct. L’abondance des ressources naturelles
Le lien clé entre ressources naturelles et confl it dans
et leur lien par rapport au confl it dans la Région des
la Région des Grands Lacs est le fi nancement de confl it,
Grands Lacs ont mené à des descriptions telles que ‘la
où les revenus provenant des ressources naturelles
malédiction des ressources naturelles’.
sont utilisés pour fi nancer et par là même, aggraver
Il se pourrait que les perspectives de raréfaction et
les confl its qui pourraient découler d’autres causes
d’abondance s’appliquent. Tandis qu’un pays pourrait
profondes. Cependant, l’analyse du rôle des ressources
avoir une abondance de, ou une perception d’abondance
naturelles dans le financement de confl it devrait être
des ressources naturelles, son voisin peut avoir une raré-
équilibrée en prenant compte d’autres variables présents
faction ou une perception de raréfaction des ressources
dans l’économie du confl it. ‘Tandis que les ressources
naturelles. Un confl it peut se déclencher lorsque deux ou
naturelles jouent sans l’ombre d’un doute un rôle
davantage de pays ou les acteurs du confl it perçoivent
important dans certains confl its, dans d’autres, elles
un élément d’incompatibilité mutuelle dans leur course
sont de moindre importance ou ne représentent qu’un
vers l’accès et le contrôle des ressources naturelles
des moyens de fi nancement du confl it.’8 Wennmann
14
Institute for Security Studies
Compilé par Nyambura Githaiga
désigne le fi nancement de confl it comme les efforts d’un
Cependant, étant donné que les ressources naturelles
groupe armé organisé pour fi nancer les activités de leur
comme le pétrole et le gaz demandent un investisse-
confl it . Le panel d’experts de l’ONU sur l’Exploitation
ment considérable pour être exploités et qu’ils ne sont
illégale de ressources naturelles en RDC, a indiqué que
pas portables, ils constituent généralement une cause
l’exploitation illégale, était l’une des principales sources
de confl it direct entre les états touchés par rapport à
de fi nancement des groupes impliqués dans la perpétua-
l’exploitation contestée. En revanche, les ressources
tion du confl it en RDC ainsi que dans le trafic d’armes.10
naturelles pillables peuvent être utilisées pour fi nancer
Ainsi, bien que les ressources naturelles ne constitu-
le confl it qui touche les pays de la région de différentes
9
ent pas la seule variable dans le fi nancement de confl it,
façons, comme par exemple à travers une insécurité
l’exploitation illégale de ressources naturelles dans la
plus ressentie du fait de la présence de groupes illégaux
Région des Grands Lacs, demeure une des principales
armés, la prolifération des armes, la vulnérabilité
sources de revenu d’un grand nombre d’acteurs de
accrue des populations et la détérioration des conditions
confl it. Les autres sources de financement de confl it
socio-économiques.
qui pourraient prévaloir en l’absence de ressources
Bien que le discours actuel se concentre sur le lien in-
naturelles, comprennent le pillage, les prélèvements
direct entre ressources naturelles et confl its, la menace
illégaux d’impôts et les remises appliquées à la diaspora.
future de l’accroissement de confl its directs causés par
Cependant, pour les civils, l’impact terrible du conflit
les ressources naturelles transfrontalières, mérite d’être
supplante les modalités de financement de confl it.
évoquée. Les exemples enregistrés de confl its directs
Cet article se concentre sur les dimensions régionales
causés par des ressources naturelles transfrontalières
des ressources naturelles et du confl it, où les ressources
indiquent que ceci prendra de l’ampleur étant donné
naturelles pillables ont constitué la cause immédiate
l’amenuisement des ressources partagées. L’impact sur
du confl it, principalement à travers le fi nancement de
les civils des états en confl it et dont les relations sont
confl it. Les ressources naturelles pillables sont rarement
acrimonieuses, constitue la préoccupation principale.
la cause immédiate des confl its régionaux – elles ne con-
Rappelons-nous du confl it qui a opposé la RDC et
stituent pas non plus la seule variable du fi nancement de
l’Angola, de 2003 à 2009 et qui a vu près de 158 000 con-
confl it. Les causes immédiates des conflits dans la région
golais expulsés d’Angola, tandis qu’en mai 2011, 1048 sur
comprennent la gouvernance, les dispositifs socio-
10 961 hommes et femmes de nationalité congolaise, ex-
économiques inadaptés et les injustices historiques. Une
pulsés par la force, étaient selon des dires, violées par les
faible gouvernance et les déficiences de l’administration,
forces de sécurité angolaises.11En 2009, 39,000 angolais
l’insuffisance de l’administration et le passé d’insécurité
ont été déportés de la RDC.12Selon le gouvernement
dans la région, ont permis le développement de
angolais, les immigrants congolais contribuaient à
l’exploitation illégale des ressources naturelles. Dans ce
l’exploitation et au commerce illégal des richesses min-
contexte, les efforts déployés pour réduire l’exploitation
ières. Il se pourrait que la tension entre les deux pays
illégale des ressources naturelles, seront analysés au
soit influencée par leur aptitude d’arriver à une solution
delà du champ de l’exploitation illégale, de manière à
mutuellement acceptable.13
inclure d’autres variables essentielles qui ont un effet
Malgré le fait que l’attention soit portée sur les
sur les liens entre ressources naturelles et confl its dans
ressources naturelles pillables, la région doit rester
la Région des Grands Lacs.
attentive au confl it transfrontalier sur les ressources naturelles, qui pourrait probablement accroître l’insécurité
RESSOURCES NATURELLES ET CONFLITS
régionale. ‘[I]l devient clair que les gisements importants
En soutenant les acteurs de confl it, et par là même,
le Burundi et la Tanzanie (bordant surtout les régions du
en prolongeant les confl its, la dotation en ressources
Lac Albert, du Lac Kivu et du Lac Tanganyika) font que
naturelles de la Région des Grands Lacs a caractérisé les
ces emplacements deviennent rapidement des points
confl its dans la région. Il est possible de dire que toute
chauds dans les relations régionales.’14
de pétrole et de gaz naturel situés dans les territoires où la RDC partage ses frontières avec l’Ouganda, le Rwanda,
ressource naturelle peut jouer un rôle dans les situations de confl it. Peu importe qu’elles soient exploitées légalement ou illégalement, comme c’est le cas des res-
Contextes qui prévalent dans la région
sources naturelles partagées. Par exemple, les gisements
Les ressources naturelles ont servi de monnaie aux
pétroliers ont été la cause des différends frontaliers
fonctionnaires corrompus, pour les activités des
entre l’Angola et la RDC, même si les deux états cherch-
groupes armés illégaux et aux réseaux criminels
ent à exploiter les réserves partagées de manière légale.
dans l’exploitation illégale et le commerce illicite. Les
Rapport d’atelier
15
Dimensions régionales des conflits dans les Grands Lacs
bénéficiaires fi naux, vont des conglomérats internationaux aux conglomérats de l’Etat, des pays de la région
Disparités dans l’industrie minière
qui réexportent les ressources pillées aux criminels
Les disparités qui existent dans les capacités des indus-
individuels.15 L’exploitation illégale des ressources na-
tries minières de la région, vont poser un défi continu. Si
turelles devient un problème régional lorsqu’exploitées
l’on revient au cas de la RDC, parmi les défis rencontrés
à travers les pays voisins servant de pays de transit ou
dans l’industrie minière, on compte l’exploitation
de destination fi nale et lorsque les produits des res-
minière non réglementée et informelle, le manque de
sources exploitées illicitement fi nancent les groupes
transparence dans les contrats d’exploitation, la milita-
armés illégaux étrangers. Résultat: l’insécurité région-
risation des mines, un réseau d’infrastructure inadéquat
ale se trouve par là même exacerbée. Ceux qui sont
ainsi que l’exploitation illicite et le trafic illégal des
impliqués dans des réseaux de contrebande régionaux
minerais. L’exploitation minière artisanale non régle-
peuvent être essentiellement motivés par des intentions
mentée fait qu’il est difficile d’indiquer avec certitude
économiques, à leur tour influencées par les différents
les revenus de l’Etat, générés de l’exploitation minière
tarifs d’exportation régionale qui servent de mesure
et a également introduit la vulnérabilité à l’exploitation
d’incitation pour l’évasion fi scale en matière de droit à
illégale des ressources minières. En outre, les gouverne-
l’exploitation.16
ments précédents étaient présumés avoir accordés des
Ces activités criminelles ne deviennent un facteur
concessions minières par lubie, compromettant ainsi la
dans le rapport ressources naturelles/confl its que
régularité de la procédure. Il est encore difficile d’obtenir
lorsqu’elles affectent les relations diplomatiques et que
la transparence dans les contrats d’exploitation minière.
l’intensification des représailles a un impact sur les
Par ailleurs, avec le nombre restreint d’infrastructures,
civils. Parmi les différents éléments qui ont exacerbé
il devient difficile d’avoir accès aux mines, de contrôler
l’exploitation illégale et le commerce illicite des res-
les exploitations minières légitimes et de réglementer le
sources naturelles, on compte la faible gouvernance,
commerce. Même là où il existe une bonne législation
l’exploitation minière non réglementée et les activités
sur la régulation de l’exploitation minière, elle est dif-
illégales des groupes armés. Bien que des efforts
ficile à faire exécuter et c’est le statut quo.
d’atténuation soient déployés à l’endroit des deux derni-
La dépendance excessive des populations vis-à-vis
ers éléments, la question de gouvernance demeure un
de l’exploitation minière dans les régions riches en
problème essentiel que l’on ne devrait pas perdre de
minéraux, devient une source potentielle de confl it
vue lorsque l’on élabore des initiatives qui pourraient à
une fois que les moyens de subsistance ne sont plus
long terme influencer le rapport ressources naturelles/
viables en raison de l’épuisement des ressources
confl its.
ou des nouvelles régulations. Par exemple, lors des six mois d’interdiction d’exploitation minière dans
Le défi de la gouvernance
les trois provinces situées à l’Est de la RDC, des vil-
Les pays dans la région sont confrontés à des défis
menant ainsi à la migration et à une hausse présumée
divergents en matière de gouvernance et ces derniers ont
du crime en milieu urbain. Etant donné la dimension
un impact sur leur capacité à développer des approches
régionale de l’exploitation illégale et du trafic de res-
communes pour gérer les ressources naturelles et les
sources naturelles, les défi s spécifiques auxquels fait
confl its dans la région. Les défis en matière de gouvern-
face l’industrie minière congolaise affecteront les pays
ance, auxquels fait face la RDC par exemple, s’illustrent
voisins du fait de leur proximité. Si par aventure un pays
par la faible présence de l’état dans l’Est, des réseaux
est vulnérable à l’exploitation illégale, il pourrait affecter
infrastructurels insuffisants, le manque de dévelop-
la vulnérabilité des pays voisins au trafic illégal de res-
pement socio-économique adapté et par l’absence de
sources naturelles.
lages entiers ont été privés de moyens de subsistance,
bonne gestion des ressources nationales et d’exécution des régulations se rapportant à la gestion des ressources naturelles. Ces défi s en matière de gouvernance, créent
Groupes armés et financement de conflit
des brèches qui ont été occupées par les groupes illégaux
Les groupes armés qui se soutiennent eux-mêmes
armés, nationaux et étrangers, qui à présent prospèrent
fi nancièrement, à travers les revenus provenant des
aux dépens de ces réserves abondantes. La situation
ressources naturelles illégalement exploitées ont créé un
unique de la RDC s’étend sur ses voisins qui par la suite,
complexe régional d’insécurité. Par exemple, les Forces
se voient affectés par les manœuvres des acteurs de
démocratiques alliées (ADF), un groupe de rebelles
confl it qui opèrent de la RDC avec l’objectif de déstabi-
d’Ouganda qui opère en RDC a été associé à une taxation
liser la région.
illégale de l’or et du bois, et les Forces Démocratiques
16
Institute for Security Studies
Compilé par Nyambura Githaiga
de Libération du Rwanda, FDLR ont été impliquées
partie fi nancé par l’exploitation illégale et le commerce
dans le commerce de minéraux, bois, et de charbon,
illicite des ressources naturelles. Ceci met en exergue
ainsi que dans la production de cannabis. Des éléments
l’importance d’adopter une perspective régionale par
criminels au sein des Forces Armées de la République
rapport au ressources naturelles et au confl it dans la
Démocratique du Congo, FARDC, ont également été
Région des Grands Lacs.
impliqués dans des affaires de taxation et d’exploitation
L’interconnexion des pays dans la région se ressent
illégale, notamment au cours des six mois de suspension
à travers les groupes illégalement armés et les réseaux
des activités du secteur minier dans l’Est de la RDC, de
de crime régionaux, les économies interdépendantes,
mars à septembre 2010.
les diverses nationalités, et les ressources naturelles
17
La demande du marché mondial constitue également
partagées. ‘Tandis que la plupart des confl its dans la
un facteur perpétuant. Les minerais tels que la cassiterite
Région des Grands Lacs commencent à l’intérieur des
(l’étain) et le coltan sont des composantes importantes de
frontières d’un pays, il est très rare que les acteurs d’un
téléphones portables, d’ordinateurs et d’autres appareils
confl it se réduisent aux frontières du pays concerné. En
électroniques, et la RDC représente une des principales
effet, les confl its ont tendance à relier plusieurs acteurs,
sources mondiales. 18 Cette demande accroît le phéno-
à rassembler les intérêts et sujets, et ces liens élargissent
mène de contrebande au niveau régional, que des indivi-
les économies locales, régionales et internationales ainsi
dus et des groupes de personnes utilisent comme moyen
que les contextes politiques’. 23 L’impact régional de l’ex-
de tirer profit illégalement des ressources naturelles. Il a
ploitation illégale et du commerce illicite des ressources
été reporté que des groupes armés illégaux ont la main
naturelles, et son lien dans le fi nancement du confl it,
mise sur l’accès aux mines dans des régions reculées où
indique que seule une approche régionale concertée et
les civils sont soumis à des violations flagrantes des droits
consacrée pourra traiter efficacement le rapport qui
de l’homme et condamnés à se déplacer.19En dehors de
existe entre ressources naturelles et confl its.
l’aspect régional du trafic illégal de ces minerais pour
Comme indiqué précédemment, les ressources natu-
financer les activités de groupes armés et de la recherche
relles ne constituent pas la seule source de fi nancement
du profit à travers des actes criminels, les minerais sont
de confl it pour les groupes armés illégaux. ‘Le défi pour
également utilisés comme monnaie forte pour le com-
la politique est de traiter avec des groupes armés organi-
merce à des fins de financement du conflit. A cela s’ajoute
sés qui sont rationnels, qui ont une multitude de sources
l’approvisionnement en armes.
de fi nancement, et passent d’une à l’autre selon leurs
20
Dans le rapport fi nal, le Panel d’Experts de l’ONU
besoins. Ils ont opéré dans un environnement structurel
sur la RDC, 21 a conclu que l’implication de militaires et
favorable au fi nancement du confl it, caractérisé par la
de groupes armés dans le commerce illégal de minerais
persistance des états faibles, des collaborateurs dispo-
se faisait par voie de taxation, de protectionnisme, de
sés, des économies de l’ombre et des économies ouvertes
contrôle commercial et coercitif. La taxation implique le
dans les pays développés.’24
prélèvement de taxes illégales sur des activités minières et commerciales non réglementées dans la zone. Il a été demandé d’obtenir une protection des groupes militaires
ANALYSE DES EFFORTS EXISTANTS
et armés afi n de sécuriser les activités minières et
Pour une paix durable dans la région, il devient de plus
d’empêcher des pillages. Pour des raisons d’ordre com-
en plus prioritaire d’ éliminer l’exploitation illégale et
mercial, les militaires utilisent des revenus illicites pour
le commerce illicite de ressources naturelles comme
s’adonner au commerce de minerais.
facteur contribuant au confl it régional. Afin d’y arriver,
Les groupes militaires et armés prennent le contrôle
les initiatives visant à lutter contre l’exploitation illégale
en s’accaparant des mines les plus productives et en
et le commerce illicite doivent traiter de façon détaillée
pillant de manière périodique les minerais. L’implication
les contextes existants et les causes immédiates.
des militaires dans l’exploitation illégale et le commerce
Contextes existants – qui dans une certaine mesure
illicite des ressources naturelles a compromis leur
représentent également les causes profondes – compren-
mandat qui consiste à assurer la protection des popu-
nent une demande mondiale croissante en ressources
lations civiles. En rapport avec ces éléments criminels
naturelles, ainsi que les caractéristiques d’une faible
dans l’armée, il a été observé que le déploiement de ces
gouvernance, qui s’illustrent par une faible présence de
réseaux de criminels était de plus en plus poussé par le
l’état, une infrastructure pauvre, des régulations min-
désir de contrôler les ressources naturelles.
ières non exécutées ou inadaptées ainsi qu’un service
22
Les groupes armés illégaux forment une composante
douanier ou de contrôles de frontière inefficace ou
essentielle du lien ressources naturelles/ confl its. Leur
incompatible. Parmi les causes immédiates ou facteurs
rôle dans l’insécurité à tendance régionalisante est en
déclencheurs figurent les états prédateurs ou corrompus,
Rapport d’atelier
17
Dimensions régionales des conflits dans les Grands Lacs
les groupes armés illégaux, les éléments incontrôlés de
confl it. ITRI continue son projet d’étiquetage de minerais
l’armée, les réseaux criminels régionaux et les processus
en RDC pendant que BGR travaille avec le gouvernement
politiques comme les élections.
congolais sur la configuration d’une base de données des exploitations minières artisanales.28 Le manque d’objectifs pourrait affecter l’efficacité des
Efforts au niveau national
efforts nationaux. Il semblerait que l’on se penche vers la
Une approche régionale efficace œuvrant pour la gestion
traçabilité et la certification pour endiguer l’exploitation
des ressources naturelles et la dynamique du conflit com-
minière illégale et le commerce illicite en ressources
mence avec des initiatives nationales judicieuses, pouvant
naturelles. Compte tenu du fait que les régulations
par la suite, être harmonisées de sorte à obtenir un
du secteur minier ne sont pas adaptées et/ou restent
impact régional. Les efforts déployés à l’échelle nationale
non appliquées, cela constitue un bon point de départ.
reposent essentiellement sur la mise en œuvre de normes
Cependant, au vu du taux élevé d’exploitation minière
de conformité par rapport au secteur minier, reconnues
artisanale, il sera difficile de mettre en œuvre ces régu-
dans le monde entier, qui se concentrent sur la traçabilité
lations sans avoir formalisé les activités minières. Par
et la certification. Ces normes internationales ciblent
ailleurs, réglementer le secteur minier et résoudre les
soit un minerai donné comme la cassiterite dans le cas
questions structurelles profondément encrées de gou-
de l’étain ou un mécanisme de traçabilité de la chaîne
vernance et de sécurité, vont de pair. La mise en œuvre
d’approvisionnement tel que l’empreinte analytique.
des régulations, aussi bonnes soient-elles, dépendra en
Le Rwanda travaille actuellement sur deux principales initiatives, développées par l’Institut fédéral alle-
grande partie d’une bonne gouvernance. Les efforts dont a fait preuve la RDC, en imposant la
mand pour les géosciences et les ressources naturelles
suspension des activités du secteur minier, même s’ils
(BGR) et l’Institut international de recherche sur l’étain
n’ont été que partiellement fructueux, ont démontré une
(ITRI). Sous la supervision du BGR, cinq concessions
volonté politique et peuvent avoir renforcés le contrôle
minières rwandaises, connues comme étant des sources
de l’état dans ces régions, tout en ayant probablement
importantes de cassiterite, wolframite et de coltan, ont
restreint l’accroissement du fi nancement du confl it. L’un
subi des audits de conformité et à présent, attendent les
des effets indésirables de ces efforts, s’est traduit par le
rapports de ces audits. En outre, l’Empreinte analytique
fait qu’ils aient favorisé une sur-militarisation des zones
(méthode AFP) a établi une base de données au Rwanda,
minières, qui déplace le problème sans le résoudre’. 29
qui identifie l’origine des minerais jusqu’au niveau du
Pour empêcher les groupes illégaux d’avoir accès aux
site de fouille, en défi nissant les signatures géochi-
mines, il y a eu une augmentation du personnel armé,
miques, géochronologiques et minéralogiques distinctes
dont certains éléments furent plus tard impliqués dans
de sites de production de minerais donnés. 25 ITRI, un
des incidences similaires d’exploitation et de prélè-
système de traçabilité de la chaîne d’approvisionnement,
vements illégaux. Vircoulon soutient que l’échec des
a commencé à étiqueter la cassiterite au Rwanda. Selon
initiatives existantes à se concentrer sur des réformes
l’Office de Géologie et des mines du Rwanda, il est
de gouvernance, a mené à ‘préconiser des solutions coercitives sans véritable outil de coercition’. 30 Si les
présentement en train d’étiqueter 80 pourcent de la cassiterite, du coltan et de la wolframite du Rwanda.
26
La RDC travaille avec des initiatives similaires ainsi
structures de gouvernance existantes n’ont pas traité de manière satisfaisante des questions au centre de la pri-
qu’avec d’autres, comme par exemple, le développement
mauté du droit dans certaines parties du pays, comment
du concept de centre commercial et l’exécution de
peuvent-elles mettre en œuvre de manière efficace de
l’interdiction d’exploitation minière dans l’est du pays.
nouvelles régulations ? Même si l’interdiction d’exploi-
L’objectif des centres commerciaux désignés par le nom
tation minière était une mesure temporaire, elle n’a pas
de ‘centres de négoce’ est d’offrir un marché où les mine-
conceptualisé comment les effets indésirables pouvaient
rais pouvant être retracés peuvent être commercialisés
exacerber davantage l’exploitation illégale. Les mesures
en toute sécurité. C’est une initiative entreprise par l’ad-
à court-terme devraient être examinées de manière plus
ministration minière congolaise, la Mission de l’Organi-
détaillée pour garantir des avantages durables.
sation des Nations Unies en République démocratique du
Les efforts nationaux en RDC ne semblent pas aller
Congo (MONUSCO), l’Organisation internationale pour
de pair avec ceux déployés en vue de traiter des points
les migrations (IOM) et le Partenariat Appui Gouvernance.27
clés que représentent le renforcement de la présence de
De septembre 2010 à mars 2011, le gouvernement de
l’état dans l’Est et l’amélioration de l’infrastructure. Par
la RDC a suspendu temporairement toutes activités
exemple, développer des centres de négoces sécurisés,
minières dans les provinces du Sud-Kivu, du Nord-Kivu
permettra de promouvoir la transparence dans certaines
et de Maniema en vue de vérifier le fi nancement du
zones du secteur minier, mais ici également, dépendra
18
Institute for Security Studies
Compilé par Nyambura Githaiga
d’une bonne gouvernance pour garantir que l’adminis-
approuvés au cours d’un sommet du CIRGL sur le même
tration se conforme aux procédures établies. Le secteur
sujet. Ils comprennent le mécanisme de certification
minier de la RDC est en grande partie artisanal et
régionale, l’harmonisation des législations nationales,
compte tenu du nombre élevé de civils actifs dans cette
l’établissement d’une base de données régionales sur les
industrie, il est nécessaire de se concentrer sur la nor-
flux de minerais, la formalisation, l’apprentissage entre
malisation de l’exploitation minière ainsi sur l’augmen-
pairs de l’EITI et la dénonciation des dysfonctionne-
tation d’options alternatives de moyens de subsistance.
ments. Les forces de la RINR s’illustrent à travers leurs
En examinant l’interdiction d’exploitation minière, les
principes de transparence, avec des bases de données
civils sont ceux qui ont pâti des conséquences, parce
accessibles au public, la responsabilité primaire de se
qu’ils ne pouvaient pas légitimement avoir accès aux
conformer à l’industrie, des vérifications par des tiers et
mines, tandis que les groupes armés continuaient d’en
l’accent sur le besoin d’adapter les systèmes actuels en
tirer profit. Les civils devraient être considérés comme
conséquence.33
des parties prenantes dans l’exploitation minière et leur
Le problème est que le RINR va inclure l’histoire et
collaboration sera fondamentale pour le contrôle et la
le contexte des pays de la Région des Grands Lacs, les
régulation de ce secteur. A l’occasion de la levée de la
capacités de mise en œuvre des états individuels, leurs
mesure de suspension des exploitations minières, les
combats internes uniques et la volonté politique des
civils ont exprimé leur engagement solennel, à travers
gouvernements. Etant donné que la RDC est la principale
l’Acte d’engagement solennel de la Société Civile, de
victime et à l’épicentre du rapport ressources naturelles/
contribuer à la vulgarisation de la législation minière,
confl its, la mise en œuvre efficace des mesures con-
d’intervenir dans l’éducation civique sur les régulations
cernées dépendra dans une large mesure du leadership
de l’industrie minière et de développer un partenariat
en RDC et de la capacité à se conformer. Les stratégies
pour contribuer aux efforts du Gouvernement dans la
doivent être détaillées en vue de chercher à renforcer
traçabilité des produits miniers.
la capacité interne de la RDC, en traitant de questions
31
Les efforts nationaux
pour éradiquer le lien entre ressources naturelles et
telles que la faible gouvernance, le mauvais état des in-
confl its doivent faire intervenir les populations locales
frastructures et les failles de sécurité, en parallèle avec
qui pâtissent des conséquences négatives dans leur lutte
les efforts de juguler l’exploitation et l’activité minière
quotidienne contre la pauvreté et l’insécurité.
illégales.
Efforts régionaux
d’insécurité régionale créé par la présence de groupes il-
Les ressources naturelles sont devenues des variables
de contrebande qui prospère dans le chaos d’un secteur
considérables dans le prolongement du confl it. Il est
minier accessible à tous. Les bénéficiaires régionaux de
par conséquent impératif que les pays de la Région des
l’exploitation illégale et du trafic illicite pourraient avoir
Grands Lacs mettent en œuvre des efforts coordonnés et
l’avantage financier et administratif de ralentir le proc-
harmonisés pour s’opposer au lien ressources naturelles/
essus à la fois au niveau national et régional.
L’autre problème se traduit par le complexe
confl its. ‘Les régimes diplomatiques sous-régionaux
légalement armés opérant en RDC et un réseau régional
Puis se pose le problème de capacité. Si les états à
doivent par conséquent redéfi nir les stratégies de gestion
présent en charge de mettre en œuvre le RINR doivent
des confl its en termes d’une plus grande reconnaissance
relever leurs défis en matière de gouvernance et
dans la gestion des ressources naturelles comme forte
d’administration dans les zones d’exploitation minières,
variable de négociation, médiation et de reconstruction
par conséquent, l’insuffisance de capacités mettra en
post confl ictuelle.’ 32 Au niveau bilatéral dans la région, il
péril la mise en œuvre effective du RINR. ‘Même si
y a eu des progrès considérables avec les autorités doua-
tous les pays de la Région des Grands Lacs venaient à
nières en RDC, au Rwanda, au Burundi et en Ouganda
introduire des régulations nationales sur la certifica-
dans la mise en œuvre d’accords visant à combattre le
tion et la traçabilité, ils ne possèdent pas la capacité
trafic transfrontalier.
administrative nécessaire pour garantir la conformité
La principale initiative régionale est sous le contrôle
à ces régulations (Il n’y a eu aucune augmentation que
de la Conférence Internationale sur la Région des Grands
ce soit dans le budget ou dans le personnel du ministère
Lacs (CIRGL), qui relève du protocole sur la lutte contre
provincial des mines au nord et au Sud-Kivu). ’34 Ces
l’exploitation illégale des ressources naturelles dans le
défis auxquels sont confrontés les états, n’ont pas
cadre du pacte sur la sécurité, la stabilité et le dévelop-
empêché ces derniers de faire preuve d’engagement
pement dans la Région des Grands Lacs. Six outils
dans la lutte contre l’exploitation minière illégale et le
de l’Initiative Régionale de lutte contre l’exploitation
commerce illicite, comme illustré par la Déclaration de
illégale des ressources naturelles (RINR) ont été
Lusaka de décembre 2010 du sommet spécial de la CIRGL
Rapport d’atelier
19
Dimensions régionales des conflits dans les Grands Lacs
sur la lutte contre l’exploitation illégale des ressources
devraient s’ajouter les efforts régionaux de manière
naturelles dans la région. La poursuite de la mise en
à améliorer les conditions politiques, sociales et
œuvre du RINR de manière coordonnée et harmonisée
économiques, même lorsqu’ils cherchent à éviter toute
va refléter la volonté politique de ces états dans la lutte
complicité au confl it.
contre l’exploitation illégale des ressources naturelles, dans un premier temps au niveau national et ensuite au niveau régional.
CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
Efforts internationaux
Le lien entre ressources naturelles et confl its s’est prin-
Les efforts régionaux cherchent également à se conformer
sources naturelles pillables pour alimenter les activités
au Guide sur le devoir de Diligence internationale contre
du confl it. Comme le marché mondial prend davantage
l’exploitation illégale tel que développé par l’Organisation
conscience des dimensions éthiques et morales des
de coopération et de développement économique (OCDE)
demandes et des chaines d’approvisionnement ir-
et les Nations Unies. Cependant, ces lignes directrices ne
responsables, la Région des Grands Lacs va commencer
sont pas obligatoires, contrairement à la Loi américaine
à connaitre des procédures plus exigeantes par rapport
Dodd-Frank, qui cherche à obliger les sociétés améric-
au processus d’approvisionnement. Face à cette réalité,
aines cotées à divulguer leur état financier.
la région a déployé des efforts pour l’établissement
En juillet 2010, les Etats Unis ont adopté la Loi Dodd-
cipalement ressenti dans l’exploitation illégale des res-
de normes internationalement reconnues, mais il est
Frank dont la Section 1502 traite spécifiquement des
encore possible de faire d’autres choses. Bien que la
minerais du confl it en République Démocratique du
raison économique de réformer l’exploitation minière
Congo et au titre de laquelle les entreprises américaines
dans la Région des Grands Lacs résonne parmi les
ont l’obligation de divulguer l’origine du coltan, de la
acteurs de la scène internationale, le lien entre res-
cassiterite, de l’or, de la wolframite ou leur dérivé s’ils
sources naturelles et confl it doit primer lorsque des so-
proviennent de la RDC ou de pays voisins. Ceci a conduit
lutions durables sont envisagées pour la région. Jusque-
à la crainte que l’obligation de divulgation nécessitant à
là, les efforts des pays de la Région des Grands Lacs
qualifier les minerais régionaux de minerais ‘hors zone
ont été louables, mais il reste encore beaucoup à faire
du confl it en RDC’, ait un impact négatif sur la demande
afi n de contrer le rôle des ressources naturelles dans
en minerais provenant de la RDC et de la région. Bien
la continuation du confl it. Les gouvernements dans la
que la législation visant à adresser le problème que
région doivent développer leurs capacités de manière
pose le lien entre ressources naturelles et confl its, soit
à mettre en œuvre les initiatives existantes telles que
louable, elle ne parvient pas toutefois, à atténuer les
le RINR et les accords frontaliers actuels. Vu que les
effets imprévus de sa mise en œuvre. Ceci pourrait
pays de l’ICGLR appartiennent aux blocs économiques
comprendre la détérioration des conditions socio-
régionaux comme la Communauté Est Africaine et la
économiques résultant de la baisse d’investissement
Communauté de Développement d’Afrique Australe, ces
dans l’industrie minière et de la diminution de demande
derniers peuvent servir d’alliés naturels dans l’appui à
officielle en minerais provenant de la région à cause de
la mise en œuvre. Comme les effets négatifs du fi nance-
la stigmatisation découlant du confl it.
ment du confl it ne peuvent pas être limités à des pays
Bien que la législation américaine ne soit pas encore
donnés, une approche régionale collaborative serait très
entrée en vigueur, elle a poussé les pays de la région
efficace. Le rapport ressource naturelle/confl it est une
à régulariser leur situation en matière d’exploitation
question d’intérêt régional grave qui devrait figurer au
minière étant donné qu’initialement, l’impact se ferait
centre des efforts de lutte pour une paix et un dévelop-
ressentir dans l’ensemble de la région. La demande
pement durables dans la région. Les recommandations
mondiale en minerais étant l’élément catalyseur de
qui suivent peuvent servir de lignes directrices en vue
l’exploitation illégale et du commerce illicite, l’obligation
d’un tel engagement.
de divulgation va certainement réduire la demande et peut-être, donner à la région le temps de mettre sur pied un mécanisme d’exploitation minière régional efficace. D’un autre côté, l’effet de dissuasion des nouvelles
Pays dans la région ■
S’entendre par rapport aux initiatives en matière de sécurité:
obligations va probablement amplifier le trafic régional
L’insécurité régionale a eu un impact négatif sur les
illégal des minerais dans des pays plus éloignés et aura
pays de la région et c’est sur cette base que devrait se
surtout des effets néfastes sur les moyens de subsistance
fonder la collaboration sur les questions de sécurité.
des communautés minières. Aux efforts internationaux
Les efforts déployés pour faire face aux groupes
20
Institute for Security Studies
Compilé par Nyambura Githaiga
armés étrangers illégaux bénéficieront d’initiatives
à forte valeur ajoutée. Ceci permettra de générer
communes en matière de sécurité, centrées sur
davantage de revenus et de créer plus d’emplois.
l’amélioration de la sécurité régionale. La collaboration régionale devrait également se focaliser sur un désarmement coordonné et une mise en œuvre des accords de contrôle aux frontières. ■
Acteurs internationaux ■
acteurs internationaux devraient appuyer de manière
bonne gouvernance: Les gouvernements de la région
proactive la mise en œuvre des nouvelles régulations
devraient chercher à traiter activement des ques-
visant à contrer le fi nancement de confl it, en faisant
tions de démocratie et de bonne gouvernance à
prendre conscience du besoin de mettre sur pied
l’origine du confl it dans la région. Les processus électoraux donnent l’opportunité aux pays de la
■
Appuyer la mise en œuvre des nouvelles régulations: Les
Appuyer les processus encourageant la démocratie et la
l’infrastructure nécessaire. ■
Promouvoir la démocratie et le développement: Les acteurs
région d’encourager une transition politique et une
internationaux devraient continuer de soutenir les
démocratie dans les règles.
processus qui renforceront l’avancée de la démocratie
Mettre la priorité sur le développement économique et
et l’accroissement du développement économique,
la formalisation des industries minières: La clé pour
comme moyen de palier aux causes profondes du
réglementer le secteur minier se trouve dans la
confl it.
formalisation à l’échelle nationale. Ce sera essentiel pour veiller au succès de la certification et des mécanismes de traçabilité. Le développement de moyens de subsistance alternatifs augmenterait la diversification et la durabilité des économies locales. ■
NOTES 1
Les ressources naturelles sont généralement classées comme ressources renouvelables ou non renouvelables. Le premier
Domestication rapide du protocole sur la lutte contre
terme renvoie aux ressources comme les forêts, l’air et l’eau ;
l’exploitation illégale des ressources naturelles: Les gou-
le dernier terme, par contre, renvoie aux ressources telles que
vernements devraient entreprendre des programmes
les minerais et le pétrole. Les ressources renouvelables peuvent potentiellement se reconstituer naturellement.
intensifs d’éducation civique de manière à sensibiliser les populations locales, en tant que parties
2
lement utilisés dans les industries électroniques. Les minerais
prenantes et alliées, sur la nécessité de juguler
sont traits comme suit: la cassitérite en étain, le coltan/colum-
efficacement l’exploitation illégale des ressources na-
bite-tantalite en tantale et la wolframite en tungstène.
turelles. La gestion des ressources naturelles devrait également être intégrée aux systèmes d’éducation et
Ces minerais sont fondus afi n de fabriquer les métaux généra-
3
Ce protocole rentre dans le cadre du Pacte sur la Sécurité, la Stabilité et le Développement dans la région des Grands Lacs,
de formation pour des secteurs pertinents tels que
adopté par les états-membres de la Conférence internationale
l’application des lois.
sur la Région des Grands Lacs. 4
Organes régionaux
Le terme ‘minerai de confl it ’ renvoie aux minerais provenant des régions de confl its armés et dont les ventes permettent de perpétuer le confl it.
■
Faciliter l’apprentissage entre pairs: Les organes régionaux devraient faciliter l’échange d’apprentissage
5
entre états-membres dans tous les aspects se rapportant à la gouvernance, la sécurité et la gestion des ressources naturelles. Ce partage d’expérience et
Bank Development Group, 2000. 6
■
Renforcement des capacités: Les organes régionaux
and Institute for Security Studies, 2002, 8. 7
New York: International Peace Academy, 2003. 8
Achim Wennmann, The political economy of confl ict fi nancing:
protocoles régionaux. Ceci permettra à terme, de
a comprehensive approach beyond natural resources, Global
parfaire la capacité régionale en matière de sécurité,
Governance 13(3) (2007) 427-444, 427.
de contrôle des frontières et de gestion des ressources naturelles. ■
Karen Ballentine and Heiko Nitzschke, Beyond greed and grievance: policy lessons from studies in the political economy of armed conflict,
devraient jouer un rôle moteur dans l’amélioration de la capacité des états-membres à se conformer aux
Jeremy Lind and Kathryn Sturman (eds), Scarcity and surfeit, the ecology of Africa’s conflicts, African Centre for Technology Studies
de bonne pratique va favoriser la parité dans divers secteurs.
Paul Collier and Anke Hoeffler, Greed and grievance in civil war, World Bank Policy Research Working Paper 2355, The World
Planification du développement: La région a besoin de
9
Ibid.
10 United Nations Security Council, Final Report of the Panel of Experts on Illegal Exploitation of Natural Resources and Other Forms of
commencer à planifier le développement infrastruc-
Wealth of the Democratic Republic of Congo, S/2003/1027, 2003, 14,
turel en vue de stimuler le processus de production
http://daccess-dds-ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/N03/567/36/
Rapport d’atelier
21
Dimensions régionales des conflits dans les Grands Lacs
IMG/N0356736.pdf?OpenElement (accessed 19 May 2012).
2010, 48-49, http://www.un.org/ga/search/view_doc.
{Conseil de Sécurité des Nations Unies, Rapport Final du Groupe
asp?symbol=S/2010/596 (accessed 19 May 2012). {Conseil de
d’Experts sur l’Exploitation illégale des Ressources naturelles et autres
Sécurité des Nations Unies, Rapport intérimaire du Panel d’Experts
formes de richesses de la République démocratique du Congo}
sur la République démocratique du Congo}.
11 IRIN, DRC: Angola’s ‘sans papiers’ violently deported in latest wave of expulsions, 2011, http://www.irinnews.org/report. aspx?reportid=93004 (accessed 30 August 2011). 12 Ibid.
22 Ibid, 75. 23 Patricia Kameri-Mbote, Environment and conflict linkages in the Great Lakes Region, IELRC Working Paper, 2005-6, 4. 24 Wennmann, The political economy of confl ict fi nancing, 428.
13 Adrian Craddock, Congolese rape victims pay the price of Angola–DRC oil dispute, Think Africa Press, 2011, http://thinkaf-
25 Federal Institute for Geosciences and Natural Resources, Mineral
ricapress.com/angola/congolese-rape-victims-pay-price-angola-
certification: certified trading chains and the Analytical Fingerprint
drc-oil-dispute (accessed 16 August 2011).
(AFP), Newsletter 03/2011.
14 Petrus de Kock, The DRC at 50: confronting the challenges of peace and territorial consolidation, Policy Briefi ng 22, 2010, 3. 15 Bruce Guenther, The Asian drivers and the resource cures in Sub-Saharan Africa: the potential impacts of rising commodity prices for confl ict and governance in the DRC, The European Journal of Development Research 20(2) (2008), 347-363. 16 United Nations Security Council, Interim Report of the Group of Experts on the Democratic Republic of the Congo, S/2011/345, 2011, 18, http://www.un.org/ga/search/view_doc.asp?symbol=S/2011/345 (accessed 19 May 2012). {Conseil de Sécurité des Nations Unies, Rapport intérimaire du Groupe d’Experts sur la Republique démocratique du Congo}.
26 United Nations Security Council, Interim Report of the Group of Experts on the Democratic Republic of the Congo, S/2011/345, 21. {Conseil de Sécurité des Nations Unies, Rapport intérimaire du Panel d’Experts sur la République démocratique du Congo}. 27 Ibid, 20. 28 Blore and Smillie, Taming the resource curse, 15. 29 Thierry Vircoulon, Behind the problem of confl ict minerals in DR Congo: governance, International Crisis Group, 2011, http://www.crisisgroup.org/en/regions/africa/central-africa/ dr-congo/behind-the-problem-of-confl ict-minerals-in-dr-congogovernance.aspx (accessed 19 May 2012).{Derrière le problème des minerais des confl its, la gouvernance du Congo ttp://www.
17 Ibid, 8-15.
crisisgroup.org/fr/regions/afrique/afrique-centrale/rd-congo/
18 Chip Pitts, Human exploitation fuels mining trade in DRC:
Derriere%20le%20probleme%20des%20minerais%20des%20
Apple, Dell look away, 2009, http://www.huffingtonpost.com/ amnesty-international/human-exploitation-fuels_b_243939.
confl its.aspx}. 30 Ibid.
html (accessed 30 August 2011). 19 De Kock, The DRC at 50, 2. 20 United Nations Security Council, Final Report of the Panel of Experts on Illegal Exploitation of Natural Resources and Other Forms of Wealth of the Democratic Republic of Congo, S/2003/1027, 15. {Conseil de Sécurité des Nations Unies, Rapport Final du Groupe d’Experts sur l’Exploitation illégale des Ressources naturelles et autres formes de richesses de la République démocratique du Congo}. 21 United Nations Security Council, Final Report of the Group of Experts on the Democratic Republic of the Congo, S/2010/596,
22
31 Ministère des Mines, Acte d’engagement solennel de la Société Civile, 2011. 32 Philip Arthur Njuguna Mwanika, Natural resources conflict management processes and strategies in Africa, ISS Paper 216, 2010, 9, http:// www.issafrica.org/uploads/216.pdf (accessed 19 May 2012). 33 Blore and Smillie, Taming the resource curse, 34-35. 34 Vircoulon, Behind the problem of confl ict minerals in the DR Congo, 3. {Derrière le problème des minerais des confl its, la gouvernance du Congo}.
Institute for Security Studies
Déplacements forcés et conflits dans la Région des Grands Lacs Dr Khoti Chilomba Kamanga Centre d’Études des Migrations Forcées
INTRODUCTION
déplacements forcés, un éventail d’autres formes de mo-
Le terme ‘Région des Grands Lacs’, bien que largement
lieu, il y a la question des personnes déplacées internes
utilisé, n’a pas une interprétation commune ou partagée.
(PDI). 3 Le tableau 1 met en exergue le phénomène de PDI
Dans le contexte de la Conférence Internationale sur
dans certains pays de la Région des Grands Lacs.
bilité des personnes exige des interventions. En premier
la Région des Grands Lacs (CIRGL) 1 le terme indique
Dans la foulée des PDI, on retrouve une catégorie au
onze états africains, dont sept, à savoir, le Burundi, la
cœur des sujets d’actualités très importants que sont
République démocratique du Congo (RDC), le Kenya,
le changement environnemental et le réchauffement
le Rwanda, la Tanzanie, l’Ouganda et la Zambie, sont
climatique. Le déplacement est devenu une stratégie
nichés sur les côtes des plus grands lacs d’Afrique :
d’adaptation en ce qui concerne un autre stimulant -
Victoria, Tanganyika, Albert et Kivu. Les quatre autres
la perturbation caractérisée de l’écosystème qui le
états membres : l’Angola, la République Centrafricaine,
rend de manière temporaire ou permanente, inadapté à
la République du Congo – Brazzaville et le Soudan, ne
la vie humaine. 4 L’impact potentiel du changement cli-
se trouvent pas à proximité des lacs. Dans cet article,
matique sur le mouvement des populations a été décrit
le terme ‘Région des Grands Lacs’ a une interprétation
par une des sources comme suit: ‘ Selon des estimations,
restreinte et qui se limite aux ‘principaux’ états des
le changement climatique pourrait entrainer le déplace-
Grands Lacs, à savoir, le Burundi, le Kenya, le Rwanda, la
ment de 25 millions à un milliard de personnes dans les
Tanzanie et l’Ouganda.
quatre prochaines décennies.’
2
La troisième et dernière catégorie n’est pas moins
MOBILITÉ DES PERSONNES
problématique. Souvent décrits comme ‘migrants sans
Tandis que des urgences majeures concernant les
irrégulière’, ces déplacées représentent une autre mani-
réfugiés continuent de faire la une du discours sur les
festation de mobilité humaine contemporaine. 5
Tableau 1 Nombre des personnes déplacées internes dans la Région des Grands Lacs, 2010/11
cements forcés dans la Région des Grands Lacs, cette
papiers’, ‘ migrants irréguliers’ ou ‘ migrants en situation
Etant donné l’ensemble de sous-catégories de dépla-
Pays Burundi République démocratique du Congo Kenya Ouganda Total
Rapport d’atelier
Nombre de PDI
étude se concentre sur les deux manifestations les plus visibles et les plus durables – notamment les réfugiés et les déplacées internes. Les statistiques sur les réfugiés
100 000
et les PDI dans la région sont présentées de manière
1 700 000
à défi nir le problème soulevé dans son contexte et à
250 000 74 000 2 124 000
fournir une toile de fond pour rechercher des réponses efficaces et adaptées. Outre de révéler les tendances en matière de déplacement dans la région, les données nous permettent de déterminer la gravité de la situation par
23
Dimensions régionales des conflits dans les Grands Lacs
rapport à d’autres emplacements géographiques sur le
internes. Cependant, les défi nitions élaborées qui déter-
continent et au delà.
minent qui est considéré comme ‘réfugié’ ne devraient
De tous les cas de déplacements forcés, ‘les situations
pas être considérées comme complètes et exhaustives.
de réfugiés en attente prolongée’ (PRS) sont les plus
Il est vrai que la Convention de l’OUA de 1969 régissant
graves. Qui plus est, les données indiquent que la gravité
les aspects propres aux problèmes des réfugiés a apporté
de la situation dans la Région des Grands Lacs est parti-
un développement normatif bienvenu lorsqu’elle a défi ni
culièrement critique du fait de la taille de la population
le réfugié de manière plus libérale que la Convention
et de la durée, qui ensemble, dépassent le seuil d’une
des NU. 6 Ceci dit, il est également important de souli-
PRS. Une des hypothèses clé de cet article est qu’il existe
gner que depuis l’adoption de la Convention de l’OUA,
un lien intime entre le déplacement forcé, d’une part, et
beaucoup d’eau est passé sous les ponts. Les années
la gouvernance et le conflit armé d’autre part. La deu-
intermédiaires ont vu une hausse dans les catégories
xième hypothèse repose sur le rôle (adapté ou autre) de
de personnes demandeuses d’asile et d’assistance
la politique, des cadres institutionnels et légaux dans le
humanitaire, un problème aggravé entre autres choses
lien déplacement – confl it. Il a été conclu qu’il existe un
par ‘des flux de migration mixtes’, ‘des guerriers
lien de causalité (même s’il n’est pas direct ou linéaire)
réfugiés’, et l’émergence de l’environnement comme
entre l’incidence élevée de déplacement dans la région
principal déterminant de déplacement. Compte tenu de
et les défis en matière de gouvernance, ainsi qu’avec les
ces développements sans précédent, le bien-fondé de la
confl its vraisemblablement incessants qui ravagent la
Convention de l’OUA en tant que cadre réglementaire est
région. Les insuffi sances au niveau politique, institution-
questionnable. Non seulement les définitions actuelles
nel ou légal constituent un facteur aggravant.
ne suivent pas la réalité qui se dessine autour de la
Dans cette optique, l’étude recommande d’abord et
notion de réfugiés, mais de nouvelles formes de mobilité
avant tout qu’au lieu de traiter le déplacement comme
humaine émergeant au delà du champ des préceptes
un phénomène transitionnel, les responsables politiques
juridiques existants.
devraient commencer à élaborer des stratégies à moyen
D’une part, il y a de nombreux sous-ensembles de
et long terme qui tiennent compte de la nature durable
personnes, qui sont toutes associées d’une façon ou
du phénomène. De manière générale, le paradigme
d’une autre à la notion de ‘réfugiés’. Les plus notoires
‘migration et développement’ devrait être adapté. Plus
parmi celles-ci sont les demandeurs d’asiles dont les
précisément, l’atténuation et la perturbation du lien
applications sont soit indéterminées ou non concluantes,
déplacement – confl it semble faire appel à une attention
mais, ils demeurent cependant sous la compétence ter-
et à des ressources plus accrues dans les domaines
ritoriale de l’état concerné bien qu’aucune solution n’ait
qui suivent : retranchement d’une culture fondée sur
été trouvée. Ensuite, il y a les réfugiés de facto qui sont
des données probantes en élaborant des interventions
en désaccord avec les exigences (rigides) du pays hôte
politiques ; favorisation d’une culture de larges consul-
en matière de résidence et de papiers, mettant ainsi en
tations déterminées avec les parties prenantes dans
question leur statut de jure. Les réfugiés qui enfreignent
l’élaboration et la mise en œuvre de politiques ; garantie
ces conditions se retrouvent classés dans la catégorie
d’une mise en œuvre et une application plus ferme des
vaguement défi nie de ‘colon irrégulier’ ou de migrant
obligations de traités pertinents dans le cadre des dépla-
sans papiers.
cements forcés.
Le continuum de réfugiés comprend également ceux-là qui ont opté pour le rapatriement volontaire ou
NATURE, AMPLEUR ET TENDANCE DES DÉPLACEMENTS DANS LA RÉGION DES GRANDS LACS
la relocalisation (dans un troisième pays) et pour ce dont
Cette section essaye d’adresser les trois questions inter
continuent d’avoir véritablement besoin de protection et
reliées, à savoir, la nature, l’étendue et les tendances de
d’assistance en attendant une réintégration complète. Ce
déplacements. Elle va chercher à capturer les différentes
sont ceux connus sous le nom de ‘personnes de retour’.
manifestations objectives de la mobilité humaine qui
le processus n’est pas encore arrivé à la phase finale. Un autre et dernier sous-ensemble regroupe ces réfugiés qui ont été rapatriés et qui pour une raison ou pour une autre,
J’attire l’attention sur ces catégories essentiellement
sont d’un intérêt particulier pour l’incidence de confl its
pour souligner les différentes nuances en terme de lois,
violents. En bref, les manifestations de mobilité peuvent
procédures et institutions (locales ou autres) applicables
facilement être groupées en ‘forcé’ et ‘volontaire’ ou
avec la lourde responsabilité de s’occuper de (ou le
‘déplacement forcé’ et ‘migrants’.
mandat institutionnel sur) l’individu ou le groupe en
C’est dans le groupe ‘déplacement forcé’ que nous retrouvons aussi bien les réfugiés que les déplacées
24
question. Cette distinction est également pertinente pour le processus visant à identifier les besoins en
Institute for Security Studies
Compilé par Nyambura Githaiga
Tableau 2 Statistiques par pays sur les réfugiés de la Région des Grands Lacs, 2010 Nombre de réfugiés du pays d’origine
Nombre de réfugiés accueillis par ‘le pays d’origine’
84 004
29 365
4 766
3,50
476 693
166 336
16 631
2,52
8 602
402 905
325
9,95
Rwanda
114 836
55 398
10 906
5,21
Tanzanie
1 144
109 286
0
2,44
Ouganda
6 441
135 801
59
4,06
691 780
899 091
32 687
Origine Burundi République démocratique du Congo Kenya
Total
Nombre de réfugiés qui sont retournés dans le pays d’origine
Nombre de réfugiés pour 1 000 habitants
Source Extrait de http://www.guardian.co.uk/news/datablog/2010/jun/15/refugee-statistics-unhcr# (consulté le 30 août 2011).
matière de protection ainsi que les implications possibles
des tendances en matière de déplacement forcé confirme
en termes de sécurité pour l’(les) état(s) concerné(s). Il
une baisse au niveau des populations de réfugiés contre
va de soi que, le retard démesuré accumulé pour déter-
une forte augmentation du nombre de PDI. 8 En outre, et
miner le statut des demandes d’asile reste une source de
point particulièrement pertinent de cet article, le dépla-
stress, de fatigue, de violence généralisée et de fatalité
cement à l’intérieur du pays a invariablement été lié à
considérables pour ceux qui résident dans les centres de
des confl its particulièrement graves, que ce soit dans la
détention. Les deux autres catégories ayant un impact
Région des Grands Lacs, en Asie ou en Amérique Latine. 9
direct sur la stabilité et la sécurité sont ceux que l’on
Les responsables politiques qui abordent les ques-
désigne vaguement de ‘migrants environnementaux’
tions de mobilité et de sécurité doivent également garder
et ceux connus sous le nom de ‘réfugiés guerriers’, le
à l’esprit deux autres phénomènes qui prennent de
dernier étant associé au problème beaucoup plus vaste
l’ampleur dans la région, à savoir, la traite et le trafic des
de militarisation des camps de réfugiés.
êtres humains.
Il n’est pas possible d’ignorer le phénomène des
S’il n’est pas possible d’affi rmer que ce qui précède
déplacées internes dans la Région des Grands Lacs. On
représente une liste complète des manifestations de
s’accorde à dire que les PDI devraient être reconnues
mobilité humaine susceptibles d’avoir un impact sur la
comme un des nouveaux défis émergents autant pour
sécurité, il est possible de dire que la liste englobe les
les chercheurs, les praticiens que pour les responsables
groupes les plus importants et les plus visibles.
politiques. 7 En très peu de temps – comme illustré par
En laissant derrière la double question de la nature et
le Tableau 1, et contrairement au Tableau 2 – les PDI
de l’ampleur du déplacement dans la sous-région, nous
ont dépassé les réfugiés en devenant le constituant
nous tournons vers ces tendances dans le déplacement
le plus important et connaissant la croissance la plus
très pertinentes pour le lien déplacement – sécurité.
rapide parmi les déplacées forcées. En effet, une lecture
Il n’est pas vraiment reconnu que le déplacement
attentive des bases de données et analyses mondiales
et la migration forcés ont des racines profondes et
Tableau 3 Statistiques des réfugiés au niveau mondial par zone géographique Nombre de réfugiés originaires de la région
Nombre de réfugiés migrant vers une autre région
Nombre de réfugiés retournés dans la région d’origine
Asie
6 393 200
97 584
5 620 502
Afrique
2 805 165
149 480
2 300 062
Europe
528 245
4 319
1 628 086
Amérique Latine et Caraïbes
462 808
70
367 437
Autres
202 550
25
0
Amérique du Nord
2 467
0
444 895
Océanie
2 105
0
35 558
Source Données extrapolées de l’HCR et du site internet du Comité américain pour les réfugiés et les immigrants.
Rapport d’atelier
25
Dimensions régionales des conflits dans les Grands Lacs
omniprésentes – il en va de même pour l’implication
soient situés ‘à une distance raisonnable de la frontière
pour la mobilité humaine des systèmes économiques
du pays d’origine [du réfugié]’. En réalité, les réfugiés
régionaux, une composante clé de laquelle découle
sont souvent installés dans des zones éloignées, où les
le mouvement libre des facteurs de production. En
ressources représentent un défi et sont caractérisées
d’autres termes, la mobilité humaine est non seulement
par une présence nominale ou faible du gouvernement
inséparable de l’histoire de la région, mais elle constitue
central, mais habitées par les communautés chevau-
également une caractéristique définissant le présent et
chant une frontière internationale hautement poreuse.
un futur prévisible. 10 Deuxièmement, et comme cela a
Un profi l pareil de camps est le foyer de tension et de
été illustré dans les Tableaux 1 et 2, il existe un trajet
suspicion dans les relations entre pays hôte et d’origine.
confl ictuel entre les réfugiés d’une part et le reste des
La présence de réfugiés guerriers et la militarisation
catégories de déplacées et migrants forcés d’autre part.
des camps viennent s’ajouter aux relations tendues
Le troisième développement notable est l’incidence des ‘flux migratoires mixtes’ dont les enjeux huma-
entre les réfugiés et les communautés locales. A titre d’évaluation d’ensemble des interventions
nitaires et sécuritaires sont associés au fait qu’un
des pays hôtes, il est juste de dire qu’en dehors d’une
immense afflux transfrontalier et spontané réunisse
poignée d’approches ‘anticonformistes’, la plupart des
des personnes gouvernées par des politiques, des lois
interventions politiques tendent vers une tendance
et institutions diverses et quelquefois conflictuelles.
mondiale prédominante, qui va vers le restrictionnisme
L’afflux phénoménal du Rwanda dans le sillage de la
et s’éloigne de ce que Rutinwa et les autres ont dénommé
guerre civile et génocide de 1994 constitue un exemple
‘l’âge d’or de l’asile’, comme illustré par la ‘politique de
classique. A un moment donné, toutes les 24 heures,
la porte ouverte’ autrefois égalitaire de la Tanzanie. 14
près de 250 000 personnes, semble-t-il, traversaient la frontière avec la Tanzanie, exerçant ainsi une pression sans précédent sur la gestion transfrontalière, le contrôle des maladies, l’apport d’aide, l’approvisionne-
CADRE RÉGLEMENTAIRE GOUVERNANT LE DÉPLACEMENT
ment en eau et l’accès aux terres. 11 Il s’est rapidement
Cette étude est fondée sur l’existence d’un lien de cau-
avéré que parmi les demandeurs d’asiles se trouvaient
salité entre déplacement et conflit, mais également sur
d’anciens Interahamwe et miliciens des FAR (Forces
l’hypothèse que le bien-fondé, ou autre, du cadre régle-
Armées Rwandaises), dont certains étaient responsables
mentaire gouvernant le déplacement est une variable clé
de graves crimes contre le droit international, tels que
dans l’équation. Il existe une autre hypothèse. Un cadre
le génocide et les crimes contre l’humanité. 12 Chacun
réglementaire solide, pourrait s’avérer important pour
des six pays de la Région des Grands Lacs dont il est
vérifier les excès associés au déplacement et ce faisant,
question, constitue une terre d’asile importante et en
exclure, ou atténuer, l’incidence du conflit où il éclate.
dehors de la Tanzanie, également un pays de provenance
A l’inverse, une transformation de conflit effective et
notoire (voir Tableau 2). Dans ce cas, la région n’est pas
efficace et un système de reconstruction post-confl it
exceptionnelle, étant donné que le même scenario existe
dépendent beaucoup d’un cadre réglementaire perti-
dans d’autres régions du continent tel que la Grande
nent. C’est contre ce contexte que dans cette section,
Corne. Ce qui fait la différence avec la Région des Grands
l’attention est portée vers les directives de politique,
Lacs, cependant, est la gravité de la situation (plus de 25
les lois et institutions au cœur du cadre réglementaire
000 personnes en exil pour une période ininterrompue
spécifique au déplacement.
de plus de 12 ans) qui a amené les chercheurs et les pra-
Une question préoccupante se pose par rapport
ticiens à désigner cette situation de ‘situation de réfugiés
au degré de conformité du cadre réglementaire aux
en attente prolongée’ (PRS). 13 L’aspect pertinent de cet
standards et aux pratiques normatives internationales
article se trouve dans le lien important qui existe entre
existantes, principalement l’exactitude avec laquelle
le PRS et l’incidence de confl its violents.
on met en vigueur les obligations de traité assumées
Il vaut la peine de mentionner deux autres faits:
volontairement et en particulier, la ratification, la do-
l’emplacement des camps de réfugiés (en termes de
mestication et l’adoption d’autres mesures d’application
distance par rapport aux frontières internationales) et
de traité. Le niveau de cohérence entre les diverses
les interventions politiques face à l’incidence de dé-
composantes du cadre, à savoir, la loi, la politique et la
placement et de migration. Souvent et ça se comprend,
pratique, suscite également des préoccupations. Un bon
les camps de réfugiés sont placés à proximité de la
nombre de traités ont été signés par les états membres
frontière commune avec le pays d’origine du réfugié en
dans la région. Un problème d’un tout autre ordre
dépit de la prescription (ambivalente) de la Convention
concerne le statut de ratification, la domestication et
de l’OUA sur les réfugiés qui demande que les camps
d’autres mesures d’application et de suivi.
26
Institute for Security Studies
Compilé par Nyambura Githaiga
Graphique 1 Lien déplacement–conflit
Si la lenteur dans la conformité au traité se limitait
par une ‘guerre intraétatique’ ou ‘interétatique’). Le
aux traités mondiaux généralement applicables, tels que
terme ‘confl it’ adopte la définition articulée dans les
la Convention des Nations Unies de 1951 sur le Statut
Conventions de Genève de 1949 et plus précisément, par
des Réfugiés, il n’y aurait aucune raison de déclencher la
les Protocoles additionnels de 1977 et la jurisprudence
sonnette d’alarme. Cependant, le statut de ratification,
des tribunaux ad hoc des NU pour l’ex-Yougoslavie
la domestication et les mesures de suivi administratif
(TPIY) et pour le Rwanda (TPIR). On fait la distinction
et judiciaire constituent une source de préoccupation,
entre confl its armés internationaux et non interna-
même par rapport aux traités sous-régionaux locaux tels
tionaux. Les Conventions de Genève de 1949, elles,
que le Pacte de Nairobi de 2006 et deux de ces protocoles
défi nissent le premier comme ‘tous cas de guerre
les plus pertinents.
déclarée ou de confl its armés’ ou, ‘occupation… même
15
Il est nécessaire de souligner que le ‘Processus des
si ladite occupation ne rencontre aucune résistance’. 17
Grands Lacs’ a le potentiel de traiter de manière signifi-
L’Article 1 du Protocole II, pour sa part, défi nit le confl it
cative le dilemme apparemment incessant de déplace-
non international (en langage populaire, guerres civiles)
ment et de confl it dans la région. 16 Bien que l’origine du
comme une confrontation armée se déroulant dans les
processus remonte au niveau du Conseil de Sécurité des
limites d’un état et dressant les forces gouvernementales
NU et de l’Union Africaine, c’est une initiative locale et
contre ‘des forces armées dissidentes ou autres groupes
elle est particulière à cause de son approche holistique
armés organisés’. Il est nécessaire de souligner que la
et intégrée face aux défi s en matière de gouvernance, de
Région des Grands Lacs a dans le passé expérimenté les
stabilité et de développement dans la région.
deux catégories de conflit armé. Dans l’affaire Jean Paul Akayesu par exemple, le tribunal a caractérisé la con-
DYNAMIQUE DU LIEN DÉPLACEMENT - CONFLIT DANS LA RÉGION DES GRANDS LACS Cette section, avec l’aide du graphique 1, tente de capturer le double phénomène de déplacement et de
frontation au Rwanda au moment du génocide, comme étant ‘un confl it armé non international’. 18 De même, les confl its armés internationaux ne sont pas inconnus de la Région des Grands Lacs et ont même donné lieu à des contentieux internationaux.19 La menace de confl its violents sur la sécurité des
confl it. La première phase de la discussion sera suivie
personnes, ne laisse aucun autre choix que la fuite, qui
d’un examen des événements du milieu des années 90
par la suite prend deux principales formes – le déplace-
au Rwanda.
ment interne pour les PDI, et l’afflux transfrontalier
Tout en haut du graphique se trouve un bloc
résultant en demandeurs d’asile et en réfugiés, comme
représentant une situation existante de ‘confl it
décrit par les deux blocs situés sur la droite. Le bloc
violent’ (dont le cas le plus extrême se traduit soit
suivant, ‘tension interne’, souligne le déclin dans la
Rapport d’atelier
27
Dimensions régionales des conflits dans les Grands Lacs
stabilité et la tranquillité, occasionné par la présence
réfugiés en Tanzanie et au Zaïre. 20 Pour compliquer les
des PDI et des réfugiés.
choses, les Interahamwe et les forces armées de l’ancien
Là où aucun effort n’a été déployé pour contenir et
gouvernement (FAR) ont commencé à recruter, à se
localiser ces tensions, ou que de tels efforts se sont avérés
réarmer et à s’entrainer. Milner affi rme que les ‘préoccu-
infructueux, une escalade de tensions survient avec des
pations sécuritaires directes auxquelles sont confrontées
répercussions sur l’état voisin ou sur plusieurs états con-
la Tanzanie concernent les allégations affi rmant que les
tigus, rendant ainsi ‘régional’ ce qui à l’origine était un
éléments armés burundais reposaient dans et autour
conflit intraétatique et local. Une fois que cela se produit,
des camps [de réfugiés] et la croyance que la présence de
il est fort probable d’assister à une nouvelle vague de
réfugiés facilitaient le flux d’armes’.
déplacement (autant de PDI que de réfugiés) dans les
D’après une analyse, les milices Hutu ont créé une
pays nouvellement affectés, un développement capable
insécurité telle qu’en 1996, le gouvernement mené par le
d’exacerber le conflit d’origine et de cette manière, de
Front patriotique rwandais (FPR) a demandé à maintes
compléter le cycle vicieux de déplacement et de violence.
reprises que le gouvernement congolais démantèle les camps de réfugiés ou affronte une intervention armée
LE DÉPLACEMENT DE 1994 AU RWANDA ET LA RÉGIONALISATION DU CONFLIT
par l’Armée patriotique rwandaise (APR), l’aile armée du FPR.21 En effet, un des éléments justifiant le soutien du APR à l’Alliance anti-Mobutu des Forces démocratiques pour la Libération du Congo – Zaïre (AFDL) conduite
La Région des Grands Lacs confirme l’opinion très
par Laurent Désiré Kabila était d’éliminer la menace
répandue selon laquelle le déplacement et le confl it sont
militaire potentielle que représentent les milices hutues
intimement liés dans le sens que le confl it est souvent
dans les camps de réfugiés, qui étaient perçus par Kigali
parmi les principaux éléments ‘déclencheurs’ des dé-
comme un risque important pour la sécurité. 22Pour dire
placements forcés, et les PRS en particulier, tandis que le
les choses simplement, ce qui au départ était considéré
dernier constitue, parallèlement, une source importante
comme une question intraétatique, a mené non seule-
d’instabilité et de guerre. Un exemple classique de cette
ment à de nombreux afflux transfrontaliers du Rwanda
relation symbiotique toxique entre déplacement et
aux pays contigus de la sous-région, mais, comme le
confl it s’illustre par la situation de la Région des Grands
graphique essaye de démontrer, l’ensemble de la Région
Lacs suite à l’exode rwandais de 1994. Le génocide,
des Grands Lacs a également subi une instabilité et une
associé à la guerre civile, n’ont laissé aucune autre
insécurité qui pourraient être directement liées au conflit
alternative aux rwandais sinon que la fuite à l’intérieur
et déplacement (intraétatique) à l’intérieur du Rwanda.
du pays et à travers les frontières. Outre les déplacées
Il faut reconnaitre que le lien de causalité entre
internes, près de 2,5 millions de personnes ont cherché
déplacement et confl it ne devrait pas être vu dans le
refuge auprès des pays voisins, notamment, au Burundi,
sens où toutes situations de déplacements – y compris
puis au Zaïre, en Tanzanie et en Ouganda.
une situation de réfugiés en attente prolongée – mènent
Les implications de l’ampleur phénoménal du
inévitablement à un confl it violent. Au contraire,
déplacement pour la sécurité régionale devint en
quelque soit l’endroit où il y a un conflit violent, le
relativement peu de temps apparentes et se traduisirent
déplacement massif de populations en est le résultat
par la présence de guerriers réfugiés, la militarisation
inéluctable. Les praticiens et les chercheurs ont identifié
des camps de réfugiés, le trafic d’armes, l’expropriation
un nombre d’ingrédients ou les préconditions derrière
des ressources humanitaires par les groupes armés,
le déploiement du lien de causalité, comme c’était le
l’effondrement de l’ordre public, la capacité tronquée des
cas du déplacement rwandais. Néanmoins, il est juste
autorités gouvernementales (du pays d’asile) de mainte-
de souligner que la condition sine qua non la plus me-
nir l’ordre dans les camps de réfugiés, et la vulnérabilité
naçante semble être l’existence d’une PRS.
ouvertement accrue des pays hôtes, surtout en Tanzanie. De cette façon, ce qui aurait dû être un déplacement ‘innocent’ de population, est devenu très rapidement toxique, menaçant de déstabiliser toute la sous-région. Par exemple, les camps de réfugiés au Zaïre étaient
SITUATIONS DE RÉFUGIÉS EN ATTENTE PROLONGÉE ET QUÊTE DE SOLUTIONS DURABLES
connus à l’époque pour abriter les personnes comman-
Il a été démontré que de toutes les situations de déplace-
ditant et supervisant le génocide rwandais, à savoir, les
ment forcé des personnes, les situations de réfugiés en
génocidaires. Avec une témérité insultante, les milices
attente prolongée aurait des conséquences plus impor-
rwandaises ont répliqué les structures politiques des
tantes et de grande portée, comprenant confl it et instabil-
communes du pays de résidence au sein des camps de
ité (intra- et interétatique). La Conférence Internationale
28
Institute for Security Studies
Compilé par Nyambura Githaiga
sur la Région des Grands Lacs (CIRGL) est claire sur le fait
de Tabora et de Rukwa situées dans la partie sud-
que, très souvent, le conflit et l’instabilité perturbent le
centrale de Tanzanie, seulement 20 pourcent ont opté
développement économique et perpétuent la pauvreté. En
de retourner dans leur pays, contre 80 pourcent qui ont
d’autres termes, il est essentiel de trouver une solution
clairement signifié leur envie de s’assimiler et d’acquérir
durable aux PRS afin de garantir une paix, une stabilité et
la citoyenneté tanzanienne. Autrement, on est de plus en
un développement durables. Cependant, trouver une solu-
plus éclairé sur les mouvements de réfugiés et les migra-
tion acceptable et satisfaisante au problème de déplace-
tions en général et ceci a donné naissance à un discours
ment est plus facile à dire qu’à faire.
‘migration et développement’.27
Par exemple, il existe un bon nombre de documenta-
Le discours migration - développement est pertinent
tions sur les traditionnelles trois ‘solutions durables’ au
pour le lien déplacement- confl it (qui est la préoccupa-
problème des réfugiés, à savoir : le rapatriement, la réin-
tion première de cet article) de plusieurs façons. Tout
stallation et l’intégration locale. Les experts ont souvent
d’abord, il y a le fait que les réfugiés soient considérés
démontré les limites graves caractérisant chacune des
comme étant une composante intégrale de la migration
trois solutions, en dépit de l’unanimité par rapport à la
internationale. Deuxièmement, une stratégie clé de la
pertinence comparée du rapatriement. Etant donné la
dimension migration et développement se trouve dans
particularité du PRS, les stratégies visant à lutter contre
l’accent mis pour améliorer le régime des droits de
le fléau demandent de ‘sortir de ses sentiers battus’ et,
l’homme au niveau national, comme instrument de lutte
d’apporter au moins une innovation stratégique pour
contre la pauvreté, la mauvaise gouvernance et le conflit,
comprendre et mettre en application les traditionnelles
qui sont tous connus comme déclencheurs de déplace-
trois solutions durables. C’est pour cette raison que je
ment et de migration. 28
trouve l’approche suivie par le ‘Processus des Grands
Un principe pertinent et dans le même ordre d’idée
Lacs’, en considérant son balayage proactif, inclusif et
insiste sur le fait que la migration devrait être le
holistique, comme étant l’approche la plus prometteuse
résultat d’un choix plutôt que d’une nécessité. Selon la
dans la lutte contre les éléments déclencheurs ainsi que
Commission mondiale sur les migrations internationales
les de facteurs d’instabilité et de confl it.
(CMII), ‘femmes, hommes et enfants devraient être
Comme l’ont indiqué Milner et Loescher,23 il faut
capable de réaliser leur plein potentiel, de satisfaire leurs
faire la distinction entre PRS et situations d’urgence.
besoins, d’exercer leurs droits et de répondre à leurs
Deuxièmement, on ne perd rien à explorer le renforce-
aspirations dans leurs pays d’origine’. 29
ment mutuel possible des trois solutions durables, combiné à de nouvelles options. En effet, on pense de manière presque unanime que la relocalisation dans un troisième pays (en d’autres termes, la réinstallation) est limitée et pas très efficace. Le nombre total de personnes pouvant profiter de cette solution durable, par rapport
LA TANZANIE ET LA QUÊTE DE SOLUTIONS DURABLES AUX SITUATIONS DE RÉFUGIÉS EN ATTENTE PROLONGÉE
à ceux dans le besoin, représente une goutte d’eau dans
Si l’on chargeait quelqu’un de trouver un exemple clas-
l’océan et par conséquent, ne peut pas être considéré
sique de PRS dans la Région des Grands Lacs, sa recherche
comme contribuant de manière significative à la réduc-
inclurait la Tanzanie, si elle ne se termine pas avec elle.
tion du poids lié aux PRS des pays d’asile respectifs. Ceci
Rappelons-nous que selon les chercheurs et les praticiens,
ne devrait pas être surprenant étant donné que la réin-
on est confronté à une ‘PRS considérable’ lorsque 25 000
stallation est une question entièrement à la discrétion
réfugiés ont été en exile pendant plus de cinq ans sans
de l’état qui désire voir les réfugiés réinstallés dans son
espoir de trouver une solution durable immédiate.30
territoire à titre de séjour permanent. Une intégration
Curieusement, même le terme PRS ne capture pas vrai-
locale (impliquant la naturalisation), comme la réinstal-
ment la gravité de la situation en Tanzanie. Ceci est
lation, est une des solutions les moins populaires pour
clairement illustré dans le Tableau 4 qui indique qu’en
les responsables politiques et par conséquent, les offres
fin décembre 2006, il y avait 481 000 réfugiés du Burundi
d’intégration locale sont si rares que les pays d’asile tels
et de RDC en Tanzanie, avec une durée moyenne d’exil
que la Tanzanie s’en démarquent.
de 22,5 années. En tant que pays d’asile et de PRS par
24
25
Dans un grand nombre de documents politiques,
excellence, la quête de ‘solutions durables’ pour la popula-
le retour volontaire des réfugiés est souvent considéré
tion de réfugiés de la Tanzanie devrait figurer parmi les
comme la solution préférable parmi les autres.
sujets prioritaires pour les chercheurs, les responsables
26
Et
cependant, comme l’expérience tanzanienne l’a démontré, ce n’est pas toujours le cas. Des 218 000 réfugiés burundais, des prétendus vieux peuplements des régions
Rapport d’atelier
politiques et bien sûr, les réfugiés eux-mêmes. Les contraintes de temps et d’espace font que l’auteur se limite à une recherche de solutions durables et
29
Dimensions régionales des conflits dans les Grands Lacs
Tableau 4 Nationalités de la population de réfugiés en Tanzanie et la durée d’exil (Décembre 2006) Nationalités
Population
Durée d’exil (années))
Burundi
353 000
35,0
République démocratique du Congo
128 000
10,0
Total
481 000
22,5
Sources Tirées de l’Enquête de 2007 sur les réfugiés du monde et le Rapport statistique annuel de l’HCR de la même période.
s’abstienne de considérer les initiatives précédentes. Il
groupes: ceux d’application générale, ceux relativement
est nécessaire de rappeler qu’en 1983, le président tanza-
spécifiques et ceux de questions transitoires.
nien, Mwalimu Julius Nyerere, devint le deuxième afric-
Cinq autres questions dans ce document de politique
ain (après Sir Seretse Khama du Botswana) ayant jamais
innovant méritent notre attention. NaSCIP reconnait
reçu le Nansen Award, le plus prestigieux honneur
et implicitement entend promouvoir la possibilité de
conféré par l’HCR, pour les actions extraordinaire et
voir les personnes naturalisées se réinstaller librement
louables en faveur des réfugiés. En 2008, la Tanzanie
et spontanément dans des destinations de leur choix
était une fois encore sous les feux de la rampe. Selon le
au niveau national, mais, surtout, sans assistance
Chef de délégation de la Commission Européenne, les
fi nancière du TAMISEMI. Toutefois, selon l’estimation
autorités tanzaniennes ont posé un acte unique et sans
du gouvernement tanzanien et du HCR, cette catégorie
précédent, humanitaire et plein de générosité, en offrant
sera plus petite comparé à ceux qui auront besoin
la naturalisation aux réfugiés burundais. 32
d’assistance pour se relocaliser et s’intégrer. En partie à
L’initiative en cours fut articulée pour la première
cause de la taille du dernier groupe (qui comprend près
fois en 2007 avec la signature d’un accord sur un mé-
de 35 000 foyers) et des implications logistiques (et bien
canisme tripartite entre les gouvernements de Tanzanie
d’autres dimensions, y compris la sécurité), la relocali-
et du Burundi, ainsi qu’avec le HCR. La Troïka a lancé
sation spontanée s’est avérée ne pas être une option
le programme TANCOSS ou les Stratégies de solutions
sensible et pratique.
globales en République Unie de Tanzanie. Il est instructif
Au lieu de cela, les TNN devront se relocaliser dans un
de voir que le TANCOSS, dans son pari de ‘mettre fin avec
des 16 districts de la Tanzanie continentale. Le deuxième
dignité’ aux PRS les plus manifestes du monde, a tout
problème principal est celui du ‘soutien opérationnel’
simplement écarté l’option de ‘réinstallation’. Les réfugiés
demandé pour mettre en œuvre le NaSCIP et qui tourne
burundais qui avaient fui leur pays natal en 1972 – main-
autour de quatre sous-groupes : des prospectus distribués
tenant au nombre de 218 000, dont 82 pourcent étaient
individuellement aux TNN ; l’acquisition de terres ; le
nés en Tanzanie – se sont vu offerts une solution à double
soutien par rapport aux communautés locales (sinon, le
approche : d’une part, le rapatriement volontaire et de
‘soutien communautaire’) ; et les campagnes de mobilisa-
l’autre, l’intégration locale, impliquant la naturalisation.
tion de masse. Un troisième groupe comprend la question
L’exercice de rapatriement ayant suivi son cours et
sensible de la mobilisation des ressources. En 2010, il fut
la phase de naturalisation ayant été complétée, le pro-
estimé que l’extension du NaSCIP s’accompagnera d’un
gramme TANCOSS était parvenu à ses conclusions et il
coût estimé à près de US$144 étalé sur la période 2010-
a fait place à la dispersion des réfugiés des ‘installations
2014. Quatrièmement, les responsables politiques ont pris
de réfugiés’ et à la réintégration dans les communautés
connaissance du fait qu’en 2015, la Tanzanie tiendra ses
locales dans diverses zones du pays.
cinquièmes élections générales depuis l’avènement des
C’est à ces fi ns que la Stratégie Nationale pour le
politiques plurielles34 et par conséquent, il n’est pas sage
Programme d’Intégration Communautaire (NaSCIP) a
de laisser une question affublée de connotation politique
été adopté au début de l’an 2010. Son objectif est ‘la relo-
telle que la naturalisation de masse et la relocalisation
calisation et l’intégration locale effective des tanzaniens
des réfugiés coïncider avec une période de tension poli-
nouvellement naturalisés’ (TNN). 33 NaSCIP attribue
tique, sociale et économique au niveau national.
au bureau du Premier Ministre, le rôle primordial de - Administration régionale et Gouvernement local (PMORALG), aussi communément connu sous l’acronyme Kiswahili de TAMISEMI, avec l’aide du HCR. Une section pertinente de la NaSCIP met en place
CONCLUSION La Région des Grands Lacs continue d’être le principal point de mire dans le monde, concernant le déplacement
des principes directeurs du programme d’intégration,
et la migration. Même avec la mise en œuvre réussie
qui pourraient aisément être regroupés en trois grands
du NaSCIP, la Tanzanie aura toujours plus de 20 000
30
Institute for Security Studies
Compilé par Nyambura Githaiga
Sixièmement, il y a la capacité institutionnelle –
réfugies dans solution durable à portée de main. La question des réfugiés et en particulier celle ayant trait
surtout parmi les autorités gouvernementales – loin de
aux situations de réfugiés en attente prolongée (PRS)
faire face à la magnitude et aux complexités du prob-
dans la Région des Grands Lacs est par conséquent
lème des réfugiés. Habiliter ceux qui ont la charge de
réelle et à même de persister dans un avenir proche. Les
déterminer le statut des réfugiés et de contrôler et gérer
responsables politiques et autres acteurs régionaux sont
les mouvements aux frontières, des connaissances et
donc conseillés de garder à l’esprit cette dure réalité et
compétences spécialisées requises, demande beaucoup
d’embrasser la nécessité de stratégies à long-terme et à
plus que les ressources actuellement disponibles.
court-terme. Deuxièmement, les responsables politiques,
Enfi n, le soutien pour enseigner et obtenir un grand
les agences humanitaires et les autres acteurs ne doivent
rayon d’action permettra non seulement d’avoir un
pas oublier la singularité du déplacement de population
esprit communautaire vigilant, mais contribuera
dans la région. D’un côté, il y a le problème des ‘guerriers
egalement à établir des relations harmonieuses
réfugiés’ et la question connexe de militarisation des
entre les déplacées et leur communauté hôte. Un
camps de réfugiés, la stabilité et la sécurité internes et régionales. Et d’un autre côté, il y a les droits de l’homme et les besoins de protection légitimes des demandeurs d’asile et les autres catégories de migrants qui sont de plus en plus menacés par le ‘restrictionisme’ et la ‘sécurisation’ de l’asile. Troisièmement, il y a le problème connexe des ‘flux migratoires mixtes’ dans lesquels se trouvent, parmi les véritables demandeurs d’asile, toutes sortes de migrants irréguliers, y compris les contrebandiers et les
autre dividende important, provenant surtout de l’enseignement, de la recherche et de la publication, est l’adoption de décisions politiques fondées sur des preuves factuelles et une interrogation scientifique poussée et rigoureuse.
NOTES 1 Pour plus d’informations et un aperçu du CIRGL , aller sur http:// www.icglr.org.
trafiquants, et les autorités compétentes chargées de contrôler et de gérer les mouvements aux niveaux des
2
Lakes Region of East Africa, Oxford: James Currey, 2007, donne une
frontières, ainsi que de déterminer le statut des refugies,
explication persuasive du terme ‘Région des Grands Lacs’.
en paient les frais. Quatrièmement, il y a le cadre normatif, politique
3
Pour plus d’informations, aller sur le site web du Centre de suivi des déplacements internes (IDMC) sur http://www.internal-dis-
et institutionnel dominant gouvernant les réfugiés.
placement.org (consulté le 2 décembre 2011).
Les complications sont occasionnées par la faiblesse des états à se conformer entièrement aux obligations
Henri Médard et Shane Doyle (eds), dans Slavery in the Great
4
Norwegian Refugee Council, Future floods of refugees: a comment on climate change, conflict and forced migration, 2008, citing E
volontairement contractées en vertu du traités, comme
El-Hinnawi, Environmental refugees, New York: United Nations
par exemple sous la Convention de 1951 des NU relative
Environment Program (UNEP), 1995, http://www.nrc.no/
au Statut des réfugiés, et la Convention de l’UA, de 1969
arch/_img/9268480.pdf (consulté le 17 Mai 2012). On fait de
régissant les aspects propres aux problèmes des réfugiés,
plus en plus allusion aux ‘migrants environnementaux’ et aux
ou même, le Traité de la communauté d’Afrique de l’Est
‘déplacés environnementaux’.
de 1999, ou encore, le Pacte de Nairobi sur les Grands Lacs. Bien que l’état des signatures et ratifications soit
5
Selon l’OIM, le terme ‘migrant illégal’ qui est largement utilisé par les rédacteurs de législation nationale gouvernant l’immi-
louable, la domestication et l’adoption du traité des
gration et la résidence, a une connotation criminelle et est perçu
mesures d’application administratives et judiciaires
comme réfutant aux migrants leur humanité: voir le Glossaire
requises sont bien plus importantes.
de la Migration, 2eme éd, Genève: OIM, 2011, 54, http://joomla. corteidh.or.cr:8080/joomla/images/stories/Observaciones/11/
Cinquièmement, et connexe à ce qui a été mentionné
Anexo%205.pdf (consulté le 17 Mai 2012).
ci-dessus, il y a le besoin d’harmoniser les lois et politiques – comme prescrit par le traité de 1999 instituant
6
l’Article 1 de la Convention de 1951 défi nit un ‘réfugié’ en tant
la Communauté d’Afrique de l’Est (EAC). Il y a des diver-
qu’individu plutôt qu’en tant que membre de groupe et est
gences intraétatiques en ce qui concerne le cadre légal
particulièrement individualiste. En outre, la Convention de 1951
et politique ainsi que les pratiques relatives aux refugiés.
se limite à ‘une peur bien fondée de la persécution’ comme seul
Soit un document de politique officiel est absent (Kenya, Ouganda), soit les lois et pratiques existantes ne reflètent pas complètement le document de politique (Tanzanie). Autrement, on retrouve une multiplicité et une duplicité
Contrairement à l’Article I (2) de la Convention de l’OUA,
motif légitime de demande d’asile. 7
Au NU, le point focal est le Rapporteur spécial sur les droits de l’homme des PDI, un bureau établi en 1992. Parmi les principales institutions au monde dédiées à l’étude des déplacements
non seulement dans les institutions liées aux réfugiés,
internes, on a le Centre de suivi des déplacements internes de
mais également dans les lois (Burundi).
Genève (http://www.internal-displacement.org) et l’Institu-
Rapport d’atelier
31
Dimensions régionales des conflits dans les Grands Lacs
tion Brookings (http://www.brookings.edu) opérant depuis Washington DC. 8
En particulier, voir World Refugee Surveys of the US Committee on Refugees and Migrants and the Global Overviews of Trends, publié par le Centre de suivi des déplacements internes de Genève.
9
Le lien confl it-déplacement a été le sujet de deux conférences internationales, organisées par le Centre International de Conversion Bonn (BICC). Voir par exemple sa publication Migration and displacement in Sub-Saharan Africa: the security–migration nexus, 2008, publié par Clara Fischer et Ruth Vollmer, http:// www.bicc.de/uploads/pdf/publications/briefs/brief39/brief39. pdf (consulté le 18 Mai 2012).
10 Voir par exemple K Kamanga, The changing manifestations of forced migration: Africa in denial of its migrant history? Refugee Insights, Newsletter of the Refugee Consortium of Kenya, (12 & 13), July–December 2007.
20 Ogata, The turbulent decade, 179, par exemple, décrit de manière émouvante comment une foule de 5 000 habitants d’un camps de réfugiés en Tanzanie, se sont révoltés contre l’arrestation de l’ancien bourgmestre et suspecté génocidaire Jean-Baptiste Gatete au camp de Benaco dans le nord-ouest de la Tanzanie. 21 For details see John F Clarke (ed), The African stakes of the Congo war, Kampala: Fountain Publishers, 2003, passim, but especially in Chapter 8, by Timothy Longman, The complex reasons for Rwanda’s engagement in Congo, 129–144. 22 Ibid. 23 Milner and Loescher, Responding to protracted refugee situations, 15, 16. 24 Tout en considérant que la réinstallation a le potentiel de servir non seulement de solution durable, d’instrument de protection vital et de mécanisme international de partage de responsabilité, le Rapport annuel des statistiques du HCR pour le compte de l’année 2007 fait le sombre constat que seulement
11 Pour plus d’informations, voir Sadako Ogata, The turbulent decade: confronting the refugee crises of the 1990s, New York: Norton, 2005, 172-275. 12 En dehors d’Ogata, aucun autre livre ne capture cette horrible réalité aussi bien que celui de l’ancien commandant du MINUAR, le lieutenant général canadien Roméo Dallaire, Shake hands with the devil: the failure of humanity in Rwanda, Toronto: Random House, 2003. 13 Les travaux récents sur ce phenomena comprennent James Milner et Gil Loescher, Responding to protracted refugee situations: lessons from a decade of discussion, Oxford: Refugee Studies
1 pourcent des réfugiés dans le monde profite directement de la réinstallation. 25 Une section ulterieure discutera plus longuement de l’initiative en cours mieux connue par l’acronyme NaSCIP, c’est a dire, la Stratégie nationale pour le programme d’intégration communautaire. 26 Le Tanzania National Refugee Policy de Septembre 2003 est illustratif et il en de même pour les nombreuses directives et études liées aux politiques du HCR. 27 Parmi les plus grands meneurs de cette cause, on compte
Centre, Forced Migration Policy Briefi ng 6, January 2011, http://
l’Assemblée Générale des NU et son Dialogue de haut niveau
www.rsc.ox.ac.uk/events/launch-policy-briefi ng-6/RSCPB6-Re
sur les migrations internationale set le développement
spondingToProtractedRefugeeSituations.pdf (accessed 17 May
(HLD), la Commission mondiale sur les migrations interna-
2012).
tionales (GCIM), et le Forum mondial sur la migration et le
14 B Rutinwa, The end of asylum? The changing nature of refugee policies in Africa, New Issues in Refugee Research, Working Paper No 5, Geneva: UNHCR, May 1999, 4. See also Sreeram Chaulia, The politics of refugee hosting in Tanzania: from open door to unsustainability, insecurity and receding receptivity, Journal of Refugee Studies 16(2) (2003), 147–166. 15 En annexe au Pacte du CIRGL de 2006 sur la sécurité, la stabilité et le développement, il y a dix protocoles comprenant le Protocole sur la Protection et l’Assistance aux personnes dépla-
développement (GFMD). Par rapport à l’Afrique, il est utile de noter deux initiatives. A savoir, le Cadre stratégique de l’Union Africaine pour une politique de migrations, 2001, et Stratégie de migration et développement en Afrique(MIDA) de l’OIM 28 Global Migration Group, Mainstreaming migration into development planning: a handbook for policy-makers and practitioners, Geneva: IOM, 2010, 11. 29 Global Commission on International Migration, Migration in an
cées à l’intérieur de leur propre pays et le Protocole sur les droits
interconnected world: new directions for action, Report of the GCIM,
de propriété des personnes de retour, qui sont les protocoles les
2005, 4.
plus importants dans le contexte de cet article. Il est important de souligner qu’une poignée des onze Etats membres du CIRGL a ratifié et domestiqué ces deux protocoles. 16 Des informations sur le ‘Processus des Grands Lacs’ peuvent être trouvées sur http://www.icglr.org. 17 Article 2, commun à toutes les quatre Conventions de Genève, 1949. Ceci doit être lu parallèlement à l’Article 1 du Protocole additionnel I de 1977, qui élargi considérablement la portée des confl its armés internationaux. 18 The Prosecutor v Jean-Paul Akayesu, Case No ICTR-96-4-T, paragraph 621.
30 Milner and Loescher, Responding to protracted refugee situations, citing UN High Commissioner for Refugees, Conclusion on protracted refugee situations, 22 December 2009, No 109 (LXI), 2009, 3, http://www.unhcr.org/refworld/docid/4b30afd92.html (accessed 18 May 2012). 31 On a obtenu des données de l’Enquête mondiale de 2007 sur les réfugiés et du Rapport annuel des statistiques du HCR correspondant à la même période. Contrairement à l’année subséquente, les données de référence de 2006 ont été prises, et aucune solution durable n’a été trouvée pour les deux groupes de réfugiés.
19 In particular, Case Concerning Armed Activities on the Territory
32 En référence à l’Accord de 2008, l’UE va apporter son assistance
of the Congo (DRC v Uganda), ICJ Reports, 2005 and ICC, Prosecutor
au HCR en mettant en œuvre le processus de naturalisation des
v Germain Katanga and Mathieu Ngudjolo Chui, ICC-01/04-01/07.
réfugiés burundais à travers une subvention de £2,5 million.
32
Institute for Security Studies
Compilé par Nyambura Githaiga
33 Au cours des réunions de travail de TAMISEMI, le terme TNN
34 Le multipartisme, comme phénomène largement connu, fut
fut ultérieurement remplacé par ‘tanzaniens relocalisés’ pour
introduit formellement avec la promulgation de la loi sur les
échapper au caractère ambigu et aux potentiels stigmas qui
Parties politiques en 1992 et sur le plan politique, suite aux
pourraient très probablement accompagner le terme tanzaniens
élections générales de 1995 et l’émergence d’une ‘opposition
‘ nouvellement naturalisés’, ce qui laissait penser qu’il existe des
officielle’ au parti au pouvoir au sein du Parlement.
‘classes’ de citoyens.
Rapport d’atelier
33
Jeter des ponts dans les Grands Lacs Mise en œuvre de la dimension des droits humains de la Conférence Internationale sur la Région des Grands Lacs Dr Isabell Kempf1 Conseillère régionale pour les droits de l’homme, HCNUDH, CIRGL
HISTORIQUE DE LA CONFÉRENCE INTERNATIONALE SUR LA RÉGION DES GRANDS LACS
avec une première réunion des Coordinateurs Nationaux
L’idée d’organiser une Conférence Internationale sur
réunions que les objectifs, le calendrier, la structure et
la Région des Grands Lacs (CIRGL) a été conçue en
les thèmes principaux de la conférence ont été arrêtés.
réponse à des crises régionales dans les années 1990, en
Lors de la première réunion, les pays principaux ont,
particulier le génocide de 1994 au Rwanda. La Résolution
entre autres :
des six pays principaux initialement concernés (le Burundi, la RDC, le Kenya, le Rwanda, la Tanzanie et l’Ouganda) à Nairobi en juin 2003. C’est lors de ces
1097 du Conseil de Sécurité des Nations Unies, adoptée à l’unanimité le 18 février 1997, a constitué l’une des moti-
■
vations de ce projet demandant un règlement du conflit dans la région par le dialogue politique et la tenue d’une
Internationale sur la Région des Grands Lacs. ■
conférence internationale sur la paix et la sécurité dans
Insisté sur l’appropriation par la région de la conférence et la nécessité que toutes les réunions se
la région des Grands Lacs. De la même manière, l’envoyé spécial de l’Union européenne a exprimé à de nombreus-
Souscrit au principe de convoquer une Conférence
tiennent dans la sous-région ■
Convenu que le processus préparatoire pouvait
es occasions le besoin de trouver une approche régionale
débuter immédiatement, mais que la conférence en
aux crises multiples dans la région.
soi devrait avoir lieu une fois que les processus de paix de Arusha et Lusaka auraient atteint une étape
Notre modèle est la Conférence pour la Sécurité
avancée (c’est-à-dire une fois que le dialogue Inter-
et la Coopération en Europe, qui apporte une
Congolais aurait été achevé, que le gouvernement de
contribution fondamentale à la consolidation de
transition de la RDC serait en place et qu’un cessez-
la paix et de la stabilité sur le vieux continent.
le-feu inclusif à toutes les parties aurait été atteint au
Le but est de jeter les bases d’un nouveau parte-
Burundi)3
nariat entre les pays de la région et entre ces pays et le reste de la communauté internationale.2
Cinq pays supplémentaires ont rejoint le groupe des pays principaux en 2004, à savoir l’Angola, la République
A la fin des années 1990, l’objectif était d’amener les trois
Centrafricaine (RCA), la République du Congo, le
belligérants, la République Démocratique du Congo (RDC),
Soudan et la Zambie. En 2004, outre la réunion des
l’Ouganda et le Rwanda à signer un accord de paix. Suite
Coordinateurs Nationaux, d’autres réunions ont égale-
au refus de ces pays de se rencontrer, l’idée est née de
ment eu lieu, en l’occurrence celle des femmes à Kigali,
convoquer tous les acteurs de la sous-région impliqués
celle des jeunes à Kampala et celle de la société civile
dans la guerre à une conférence internationale, sous les
à Arusha, ainsi que la première réunion des Ministres
auspices des Nations Unies et de l’Union Africaine.
des affaires étrangères en préparation du premier
Le processus de préparation à la Conférence
Sommet des Chefs d’Etats et de Gouvernements à
Internationale sur la Région des Grands Lacs a débuté
34
Dar-es-Salaam en novembre 2006, où la Déclaration de
Institute for Security Studies
Compilé par Nyambura Githaiga
Dar-es-Salaam sur la Paix, la Sécurité, la Démocratie
ces acteurs dans les délégations nationales et de faire
et le Développement dans la Région des Grands Lacs a
en sorte que leur sagesse locale et leur expérience
été signée par les onze présidents des pays principaux.
soient prises en compte. La mise en place du Conseil
Cette volonté politique de travailler ensemble exprimée
régional des médias, avec pour objectif de contribuer à
par la région a été rapidement mise à l’épreuve quelques
la promotion d’une culture de paix et de prévenir des
jours plus tard lorsqu’une crise sécuritaire éclata entre
phénomènes tels que les médias de la haine, qui ont
le Rwanda et la RDC. Le règlement pacifique de la crise
beaucoup contribué au génocide au Rwanda, constitue
était l’œuvre des bons offices de la présidence de la con-
un cas concret des projets mis en place dans le cadre du
férence (la Tanzanie).
Pacte sur la Paix.
A l’issue du premier sommet en Tanzanie, la CIRGL
L’architecture de la conférence prend également en
a commencé à élaborer le Pacte sur la Paix, la Stabilité
compte les forces mondiales et régionales qui ont un
et le Développement sur les bases d’une structure
impact sur les communautés et la région en permettant
adoptée d’un commun accord et avec la participation
aux pays voisins de participer en tant que membres
et les partenariats internationaux (voir ci-après). Le
cooptés de la conférence, mais aussi à des acteurs in-
processus de participation à l’élaboration du Pacte sur la
ternationaux ayant un fort intérêt dans la région à faire
Paix a eu lieu en 2005, alors que la signature du Pacte a
partie de son Groupe d’Amis.
été reportée à décembre 2006, le temps de permettre la promulgation des résultats des élections de juillet 2006 en République du Congo.4 Le pacte a crée son propre
UNE APPROCHE PARTICIPATIVE
secrétariat, le Secrétariat de la CIRGL, basé à Bujumbura
L’approche participative du processus associe une large
depuis 2007, ainsi qu’un mécanisme de suivi au niveau
gamme d’acteurs. Les onze pays principaux (l’Angola,
politique (voir l’explication ci-après).
le Burundi, la République Centrafricaine, la RDC, le Kenya, la République du Congo, le Rwanda, le Soudan, la
CONSTRUIRE LA PAIX EN PARTANT DE LA BASE
Tanzanie, l’Ouganda et la Zambie) représentent ceux qui
Les théories des années 1990 sur la consolidation de la
ions, présentent leurs positions et prennent toutes les
paix reposaient sur les expériences visant à construire
décisions nécessaires. Ils sont également les signataires
une culture de la paix dans les zones de confl its armés
de la Déclaration et du Pacte sur la Paix. Chacun des
dans les guerres internes, telles que celle de l’ancienne
pays principaux disposent d’un coordinateur national
Yougoslavie. Fetherston les qualifie de projets de consoli-
et d’un Comité préparatoire national, qui ont été trans-
dation de la de paix anti-hégémoniques ou post-hégémo-
formés en Mécanisme National de Coordination au cours
niques et consistent à évoluer d’une approche externe
de la phase de mise en oeuvre du pacte.
ont été les plus affectés par les confl its dans la Région des Grands Lacs. Ces pays participent à toutes les réun-
neutre vers un partenariat avec les acteurs locaux.5 La
Le Coordinateur national est à la tête du Mécanisme
participation des acteurs locaux est considérée comme
National de Coordination et assure également la liaison
une condition préalable pour retrouver une paix durable,
entre le Secrétariat de la CIRGL et les autorités nation-
sous-tendue par le potentiel de pacification des commu-
ales sur toutes les questions relatives à la Conférence.
nautés elles-mêmes.
Son rôle consiste à assurer le suivi de la mise en œuvre
Cette approche s’avère particulièrement pertinente
des décisions de la conférence au niveau national, ce
dans une zone de confl it comme celle de la Région des
qui explique pourquoi le Coordinateur National occupe
Grands Lacs, où de nombreuses communautés ont des
normalement le poste d’ambassadeur. Les réunions
liens transfrontaliers, souvent plus forts que les liens
régulières des coordinateurs nationaux au cours du
nationaux. Les différents acteurs de la société à inclure
processus de la Conférence constituent des occasions
dans un tel cadre de consolidation de la paix à la base
importantes pour discuter et pour prendre des décisions
comprennent le secteur privé ; le ministère de la plani-
de manière collégiale et consultative.
fication et les coopératives de paysans ; les militaires,
Le Mécanisme National de Coordination est chargé
dont les soldats démobilisés, les officiers de la police et
d’élaborer un plan de travail national pour la mise en
de l’armée ; les dirigeants politiques dont les dirigeants
oeuvre du Pacte, aider à l’articulation des positions
communautaires, les parlementaires et les ministres
et des contributions nationales et mener des activités
; ainsi que les dirigeants des organisations sociales
destinées à faire participer chaque pays à la con-
tels que les représentants des groupes de jeunes et
férence de manière active. Il se compose de personnel
de femmes, les médias et les autorités religieuses. La
technique venant des différents ministères concernés
structure de la conférence a permis d’inclure tous
par les quatre thèmes de la conférence, ainsi que de
Rapport d’atelier
35
Dimensions régionales des conflits dans les Grands Lacs
représentants de la société civile et de groupes de
Région des Grands Lacs qui accompagne le processus de
jeunes et de femmes. Certains mécanismes nationaux
la CIRGL est composé de 28 pays et de dix organisations
ont également par la suite associé des représentants du
internationales et agences spécialisées. Le groupe était
secteur privé. Le mécanisme est également chargé de
co-présidé par le Canada et les Pays-Bas. Après la signa-
faire connaître le processus de la Conférence au sein
ture du Pacte en 2006, le Groupe d’Amis s’est dispersé et
du pays et partager ses résultats avec des différents
l’un des défis auxquels la CIRGL doit désormais faire face
secteurs de la population. Les pays principaux sont
consiste à ramener le Groupe d’Amis au processus et à les
responsables du fi nancement de leurs propres comités,
encourager à continuer à soutenir la région de manière
mais ont également reçu un soutien financier de la part
collective et coordonnée.
du Groupe d’Amis au cours des négociations. Le fait que le nombre de pays principaux soit passé à
La conférence considère les organisations sousrégionales existantes comme des partenaires essentiels
onze reflète l’effet de contagion du confl it dans la région.
dans le processus afi n d’éviter la duplication et de se
Un exemple de l’interconnexion entre les différents
baser sur des initiatives existantes. Le rôle des organisa-
confl its dans la région est la prise de pouvoir par le Front
tions sous-régionales consiste à contribuer aux activités
Patriotique Rwandais (FPR) en 1994 suite au génocide qui
existantes et à aider à l’élaboration de programmes et de
a eu lieu dans ce pays. Après avoir franchi la frontière
projets. Ils jouent également un rôle important dans la
vers le Zaïre (aujourd’hui la RDC) pour persécuter la
mise en oeuvre du Pacte sur la Paix.
milice Hutu responsable du génocide et accueillie par
Tout état, organisation nationale, régionale ou interna-
Mobutu Sese Seko, la présence du front dans le pays
tionale ou organisation non gouvernementale (ONG) peut
voisin a fait croître le soutien militaire en faveur de
officiellement demander le statut d’observateur. Les pays
Laurent-Désiré Kabila à l’intérieur et à l’extérieur du
principaux examinent les candidatures en se basant sur
pays (Rwanda et Ouganda), au point de fi nalement
une liste de critères et décident ensuite s’ils acceptent ou
provoquer la destitution de Mobutu. Ceci a permis à
rejettent la candidature. Les observateurs sont autorisés
José Eduardo dos Santos en Angola d’affaiblir à son tour
à participer aux comités préparatoires régionaux et aux
son opposant Jonas Savimbi de l’UNITA (União para a
sommets et à toutes les sessions plénières mais pas aux
Independência Total de Angola, l’Union nationale pour
sessions à huit clos. Ils sont autorisés à distribuer leurs
l’indépendance totale de l’Angola) qui avait auparavant
documents et ont accès aux informations générales de
été soutenu par Mobutu et a fi nalement aidé Kabila à
la conférence, mais pas aux documents de travail. Sont
chasser hors du Zaïre ses anciens alliés, à savoir les
observateurs des organisations interparlementaires telles
soldats rwandais et ougandais. Du fait de cette interac-
que l’Association des Parlementaires Européens pour
tion étroite et ce changement d’alliances, il est essentiel
l’Afrique, le Forum Amani, et d’autres ONG et organisa-
que chacun de ces acteurs dispose d’une place égale à la
tions internationales.
table des négociations.
Au cours de la phase préparatoire, des représentants
Les membres cooptés de la conférence sont les pays
des départements et agences de l’ONU concernés par les
voisins des pays principaux qui sont invités à toutes les
quatre thèmes de la conférence ont fait office de facilita-
réunions préparatoires régionales ainsi qu’à tous les
teurs et de personnes ressources à toutes les réunions.
sommets. Ils peuvent participer à toutes les sessions
Ils ont également assuré la coordination technique des
plénières et les sessions à huit clos, mais ne prennent
programmes et projets du Pacte sur la Paix. D’autres
pas part au processus de prise de décision. Les pays
agences de l’ONU ont été invitées afi n d’assurer la prise
cooptés suivent de près le processus de négociations
en compte des questions transversales dans le processus
du Pacte sur la Paix afi n de s’assurer que leurs intérêts
de la conférence et le Pacte sur la Paix lui-même. Les
sont pris en compte. A titre d’exemple, l’Egypte, a posé
agences qui ont joué un rôle actif et qui constituent tou-
sa candidature au statut de membre coopté parce que le
jours des partenaires stables du Secrétariat sont le Haut
Nil, sa principale source d’eau, prend son origine dans la
Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme
Région des Grands Lacs.
(HCNUDH), ONU Femmes pour les questions de genre, et
Le Groupe d’Amis était un groupement de pays qui soutenaient financièrement, diplomatiquement, tech-
le PNUE pour l’environnement. Les agences spécialisées dans les questions trans-
niquement et politiquement le processus de la conférence.
versales ont activement coopéré pendant le processus
Ils se sont vus accorder le statut spécial de partenaires
de la conférence, ce qui n’a pas seulement garanti
ayant le droit de participer à toutes les sessions plénières,
l’intégration des questions des droits de l’homme et
les réunions préparatoires et les sommets, ainsi que les
du genre dans le Pacte sur la paix, mais également la
sessions à huit clos auxquelles ils sont invités par les pays
participation des parties prenantes concernées comme
principaux. Depuis décembre 2003, le Groupe d’Amis de la
les femmes, les jeunes, les ONG et les observatoires des
36
Institute for Security Studies
Compilé par Nyambura Githaiga
droits de l’homme. La mise en oeuvre de la dimension
Un exemple en est la question politiquement sensible
des droits de l’homme est actuellement appuyée par un
soulevée par les experts techniques dans le groupe sur la
conseiller régional du HCNUDH qui travaille au sein du
Bonne Gouvernance et la Démocratie, à savoir le besoin
Secrétariat de la CIRGL.
de créer un observatoire régional pour superviser la situation des droits de l’homme. Bien qu’il soit normale-
ARCHITECTURE INNOVANTE DE LA CIRGL
ment très difficile d’obtenir un mandat de supervision
L’architecture de la conférence combine de manière
tels que le besoin d’un mécanisme d’alerte rapide, d’une
très innovante les niveaux technique, politique et de
coopération entre les institutions nationales des droits
prise de décision, qui sont tous importants pour la
de l’homme pour lutter contre l’impunité et d’une struc-
création d’un pacte régional sur la paix. Il a été es-
ture pour augmenter la protection sur le terrain. Ces mo-
sentiel d’associer les experts techniques des différents
tivations ont permis de constituer un groupe de pression
ministères et de la société civile afi n d’évaluer ce qui
fort, composé d’experts techniques et de membres de la
était déjà disponible, ce qui a porté fruits dans un ou
société civile en faveur de la mise en place d’un organe
plusieurs pays de la région et d’identifier les lacunes.
de surveillance régional.
De plus, les discussions techniques au sein des groupes
des droits de l’homme d’un forum gouvernemental, les experts techniques ont avancé des arguments solides,
De la même manière, le comité régional préparatoire a
techniques thématiques ont démontré qu’il est souvent
associé des acteurs de la société civile assurant ainsi leur
plus facile pour les experts techniques de travailler
participation et représentation actives, ce qui a donné une
ensemble pour identifier les problèmes afi n de les
légitimité importante au processus de la conférence. Les
résoudre d’une manière harmonieuse.
quatre groupes, à savoir les femmes, les jeunes, la société
Schéma 1 Le Mécanisme régional de suivi
Orienter la mise en œuvre du pacte Approuver les ressources budgétaires Evaluer l’état d’avancement de la mise en oeuvre du pacte Assurer la prévention des conflits et la gestion des crises
Maintien le contact avec le secrétariat de la conférence et assure la participation d’autres groupes concernés (notamment les jeunes, les femmes, les OSC, le secteur privé) à la mise en oeuvre du pacte
Source http://www.icglr.org (site consulté le 30 mai 2012).
Rapport d’atelier
37
Dimensions régionales des conflits dans les Grands Lacs
civile et le secteur privé, ont tous tenu leurs propres
de la violence post-électorale dans ce pays a entravé les
réunions dans le cadre du processus de la conférence
efforts de la Troïka dans son rôle de prévention des con-
lors desquelles ils ont élaboré leurs propres stratégies
fl its et de gestion des crises. Des enseignements doivent
et recommandations. En conséquence, ils étaient à
être tirés de cette expérience pour mieux défi nir le futur
même de les d’intégrer dans les projets et protocoles de
rôle de la Troïka.
la conférence à travers le comité régional préparatoire. C’est grâce à cette structure que le pacte est doté de fora régionaux spécifiques pour les femmes, les jeunes, la
NATURE HOLISTIQUE DU PACTE
société civile et les parlementaires, leur permettant ainsi
Les principaux programmes du pacte sont présentés
de continuer à travailler ensemble pour résoudre les prob-
dans le schéma 2.
lématiques communes. A titre d’exemple, la structure des
La conférence aborde également des questions de
négociations a permis aux acteurs de la société civile de
genre, de l’environnement, des droits de l’homme, du
faire pression pour notamment mettre en place un pro-
VIH/SIDA et des établissements humains en tant que
tocole et un projet contre la violence sexuelle et un projet
questions transversales.
visant à promouvoir l’emploi des jeunes. L’organe de décision de la conférence, le Comité
Cela montre qu’il ne s’agit pas d’un pacte traditionnel sur la paix, mais plutôt d’un programme de coopéra-
Interministériel Régional, constitue un forum important
tion régionale à l’instar de l’Acte Final de Helsinki de la
pour débattre des questions politiquement sensibles, tels
Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe
que l’exploitation illégale des ressources naturelles ou
(CSCE), signé en 1975. L’organisation pour la sécurité et
les droits à la propriété des populations rapatriées. La
la coopération en Europe (OSCE), dénommé actuel de la
création de cet organe de décision composé des ministres
CSCE, est une organisation de coopération en matière
des affaires étrangères a été nécessaire pour la prise de
de sécurité dépourvue de moyens de faire appliquer
décision sur des questions sensibles et il est d’ailleurs
ses décisions. Sa flexibilité institutionnelle et sa nature
intéressant de constater que le groupe s’est souvent
politique permettent une réaction rapide et pragmatique
montré plus progressif que les membres individuels.
face aux situations de crise.
Cela a permis de traiter dans un contexte régional des
A présent, l’OSCE remplit quatre fonctions :
sujets hautement sensibles à l’agenda politique d’un pays
premièrement, celle de la promotion des valeurs
individuel, comme le droit à la propriété des rapatriés,
partagées comme la démocratie, les droits de l’homme
grâce à la pression exercée par les pairs. En ce qui con-
et l’Etat de droit. Deuxièmement, l’OSCE constitue un
cerne les rapatriés, il convient de noter que les intérêts
forum de dialogue permanent sur des questions liées
des parties concernées ont souvent coïncidé avec ceux
à la sécurité en Europe. Elle peut lancer les débats,
des anciens pays d’accueil des réfugiés, ce qui a permis de constituer un groupe de pression pour la défense de
Schéma 2
leurs revendications. Le comité Interministériel prend des décisions importantes concernant les sujets à maintenir à l’ordre du jour et la manière de trancher sur les questions
Pacte sur la sécurité, la stabilité et le développement Déclaration de Dar-es-Salaam
à controverse. De par son processus de prise de décision collective, il a crée une atmosphère de confiance et de collégialité qui a été bénéfique pour la région à plusieurs
Le Comité Interministériel Régional fait également partie du Mécanisme de suivi, au même titre que la Troïka, comme l’indique le schéma 1 ci-dessous.
PROJETS
défense mutuelle dans la Région des Grands Lacs.
Paix et sécurité
LRA), sur la base du Protocole sur la non-agression et la
PROJETS
Resistance Army (L’armée de la résistance du seigneur,
Questions humanitaires et sociales
les FDLR (les Forces Démocratiques de Libération du Rwanda) et celle entre l’Ouganda et la RDC contre la Lord’s
Développement économique et intégration régionale
taire commune entre le Rwanda et la RDC menée contre
Démocratie et bonne gouvernance
Programmes d’action régionale
égards. Quelques exemples à soulignés sont l’action mili-
En 2008, la Troïka était composée de la présidence actuelle, la présidence sortante et la prochaine présidence
PROTOCOLES
de la CIRGL, à savoir le Kenya, la Zambie et l’Ouganda. L’appartenance du Kenya à la Troïka durant la période
38
Source http://www.icglr.org (site consulté le 30 mai 2012).
Institute for Security Studies
Compilé par Nyambura Githaiga
demander des éclaircissements aux Etats, et faciliter
de la Région des Grands Lacs a démontré que la néga-
l’adoption des réponses communes. Ce processus
tion du droit à l’autodétermination d’un groupe, ou la
contribue à la transparence et représente en elle-
négation des droits humains de certains groupes de la
même une mesure de renforcement de la confiance
société peuvent constituer une cause profonde de confl it.
et de la sécurité. Troisièmement, l’OSCE constitue un
Un autre problème structurel des droits de l’homme
forum pour le contrôle des armes et le désarmement.
dans la région concerne le manque de reconnaissance de
Les mesures de renforcement de la confiance et de
l’identité culturelle et du mode d’élevage des pasteurs,
la sécurité inscrites dans le Document de Vienne de
ce qui a provoqué des confl its à répétition dans les zones
1994 ont en effet fait l’objet d’une négociation sous
d’habitation de ces éleveurs, zones souvent négligées
les auspices de l’OSCE, qui est également chargée
par le gouvernement, comme c’est le cas à la frontière
du suivi et de la mise en oeuvre des dispositions du
au nord du Kenya avec l’Ouganda, le Soudan et l’Ethiopie
document. Quatrièmement, l’OSCE est dotée des moyens
où la sécheresse, l’absence de services publics et le
d’intervention dans les régions en proie au confl it. Le
vol du bétail demeurent des préoccupations majeures.
Haut Commissaire pour les Minorités nationales et les
L’exclusion de grandes parties de la population du
missions de diplomatie préventive de l’OSCE sont des
développement et des structures de prise de décision et
exemples des mécanismes d’alerte rapide, de prévention
la pauvreté qui en résulte, constituent de sérieuses viola-
des confl its et de gestion des crises.
tions aux droits de l’homme dans presque tous les pays
La Conférence Internationale sur la Région des Grands
de la région, et la revendication du droit à une participa-
Lacs poursuit des objectifs similaires. Le premier consiste
tion réelle aux affaires politiques a été une des causes
à créer une plateforme commune de paix et de sécurité
profondes de la guerre civile au Soudan.
durable, de stabilité politique et sociale, de croissance
Les travaux de recherche sur les questions de paix
et de développement partagés et de coopération par la
suggèrent que les violations des droits de l’homme sont
mise en oeuvre du Pacte. Le Pacte repose sur l’idée que
plus souvent liées au conflit interne qu’au conflit interéta-
la paix et le développement sont étroitement liés, comme
tique. Dans le cas de la Région des Grands Lacs, cepend-
l’a souligné des auteurs tels que Johan Galtung , et Kofi
ant, où les identités culturelles dépassent les frontières,
Annan7 dans son programme de réforme de l’ONU.
les violations des droits d’un groupe peuvent rapidement
Etant donné que le conflit est souvent lié au contrôle des
déboucher sur un conflit interétatique. En témoigne
ressources ainsi que l’accès à ces dernières, le partage de
l’exemple des Banyamulenge dans l’Est de la RDC, où le
l’accès à ces ressources et de leurs bénéfices par la mise
manque de prise en compte de l’identité et des droits des
en place de projets de développement communs et des
citoyens les a incités à rechercher des alliés parmi leur
échanges commerciaux inciteraient les populations à une
propre groupe culturel ou ethnique, les Tutsi, au Rwanda.
6
collaboration transfrontalière.
De la même manière, les éleveurs kenyans d’origine ethnique somalienne ont souvent été victimes de
LA DIMENSION DES DROITS DE L’HOMME DU PACTE
discriminations. Ils n’avaient par exemple pas droit
En termes de droits de l’homme, les pays de la région
également eu lieu dans la région et n’ont jamais fait
font face aux mêmes problèmes et défi s quant à leurs
l’objet d’enquêtes et encore aujourd’hui, les autorités de
systèmes de protection nationale. Il s’agit entre autres
l’Etat traitent souvent les éleveurs nomades comme des
d’une faible capacité institutionnelle pour rendre la
terroristes potentiels.
justice et les services publics en général ; la violence sex-
aux mêmes cartes d’identité que le reste des citoyens kenyans. Des massacres (comme celui de Wajir) ont
Etant donné le caractère universel et moral des droits
uelle, la protection des déplacées internes et les popula-
de l’homme, les droits ne devraient pas faire l’objet
tions rapatriées ; l’exploitation illégale des ressources
de négociations ou de l’arbitration, car d’un point de
naturelles ; la pauvreté et les inégalités sociales général-
vue juridique et moral, on peut difficilement faire des
isées ; le déficit de mécanismes de justice transitionnelle
compromis en matière de droits de l’homme. D’une part,
et l’impunité généralisée. L’impunité reflète l’absence
les victimes ont droit à la justice et à la réparation (des
de l’Etat de droit, d’un système judiciaire opérationnel
droits qui ne sont pas négociables), mais il est néan-
et d’un contrôle civil adéquat sur les forces de sécurité
moins important dans les situations de confl it, de réc-
dans certains pays de la région.8
oncilier les intérêts et les besoins des uns et des autres
En même temps, il se peut que les violations des
et d’être conscient de la distribution inégale de pouvoir
droits de l’homme soient plutôt la cause structurelle des
entre les parties. D’autre part, si les violations des droits
confl its dont les racines remontent bien plus loin dans le
de l’homme sont une des causes profondes du confl it,
passé que simplement le résultat de ceux-ci. L’expérience
celles-ci doivent être réglées pour trouver une solution
Rapport d’atelier
39
Dimensions régionales des conflits dans les Grands Lacs
durable. Le dilemme de choisir entre les lois d’amnistie
Régionale de lutte contre l’exploitation illégale de res-
et la lutte contre l’impunité en est un bon exemple. Si
sources naturelles
le processus de transition post-conflit ne permet pas de régler la question de l’impunité et ne rend pas justice pour les violations massives des droits de l’homme au nom d’une stabilité à court terme et du consensus, à long terme, la justice non rendue alimentera des actes de vengeance, un environnement social instable et risque d’entraîner la reprise du confl it. De récents accords de paix entre le gouvernement
CENTRE RÉGIONAL POUR LA PROMOTION DE LA DÉMOCRATIE, DE LA BONNE GOUVERNANCE, DES DROITS DE L’HOMME ET DE L’ÉDUCATION CIVIQUE Le Pacte sur la sécurité, la stabilité et le développement
de la RDC et des anciens groupes rebelles, par exemple,
dans la Région des Grands Lacs a été signé par onze
accordent une amnistie totale aux membres des anciens
Etats Membres en 2006 et est entré en vigueur en juin
groupes rebelles, dont beaucoup ont intégré les rangs de
2008. Il constitue un cadre juridique et politique impor-
l’armée ou de la police sans avoir fait l’objet d’un proces-
tant pour la promotion des politiques et des stratégies
sus d’enquête de sécurité, processus qui aurait empêché
communes en vue d’enraciner les valeurs de bonne
les criminels de guerre d’intégrer les forces de sécurité.
gouvernance et d’Etat de droit et de reconstruire une
La récente mutinerie et défection de certaines parties
région paisible et prospère.
des anciens groupes rebelles de la CNDP de l’armée con-
La mission du Centre régional pour la promotion de
golaise a provoqué une reprise des activités rebelles dans
la démocratie, de la bonne gouvernance, des droits de
l’Est de la RDC, entraînant son lot de nouvelles violations
l’homme et de l’éducation civique mis en place par le
aux droits de l’homme et de déplacement des populations.
Programme de bonne gouvernance et de démocratie du pacte est de renforcer les capacités institutionnelles
PROGRAMME DE BONNE GOUVERNANCE ET DE DÉMOCRATIE
dans les différentes domaines, à travers la recherche, la
Le programme d’Action du Pacte des Grands Lacs pour la
sociaux de la région.
promotion de la démocratie et de la bonne gouvernance
formation, le suivi et la communication, et de faciliter le dialogue et la concertation entre les acteurs politiques et Le centre accueillera un Observatoire régional sur
vise à créer une région caractérisée par l’enracinement
les droits de l’homme et un certain nombre de fora
effectif des valeurs, principes et normes de démocratie, de
liés à des institutions nationales, des observatoires et
bonne gouvernance et de respect des droits de l’homme.
la société civile dans les Etats Membres de la CIRGL.
Le programme comporte trois sous-programmes,
Le centre apporte également de la valeur ajoutée au
qui sont actuellement mis en œuvre de la manière
Secrétariat de la CIRGL quant au développement d’un
suivante :
système d’alerte rapide dans le cadre de ses efforts de
■
Sous-programme 1, concernant la promotion de l’Etat
gestion des confl its par la production de rapports analy-
de droit, la lutte contre les crimes contre l’humanité
tiques sur les situations qui méritent l’attention et une
et les droits de l’homme, qui ont permis le développe-
action préemptive et commune par les Etats Membres.
ment de deux projets : ■
Un Centre régional de promotion de la démocratie,
Les fonctions du centre régional sont énumérées dans le tableau 1.
la bonne gouvernance, les droits de l’homme et l’éducation civique à Lusaka ■
L’Initiative régionale pour la prévention des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité,
■
■
des crimes de génocide, et pour la lutte contre
Malgré les efforts internationaux et régionaux en vue de
l’impunité
promouvoir la bonne gouvernance, la démocratie et les
Sous-programme 2, intitulé Consolidation du proces-
droits de l’homme dans la Région des Grands Lacs, un
sus démocratique, qui a crée les forums régionaux
manque de coordination entre les acteurs est à signaler.
suivants :
De plus, le nombre de missions de surveillance nation-
■
Le Forum régional des parlementaires
ales pour la protection des droits de l’homme mandatées
■
Le Forum des femmes
par le Conseil des Droits de l’homme ont été drastique-
■
Le Forum régional des jeunes
ment réduits (seul le Rapporteur Spécial sur le Soudan
■
Le Forum régional de la société civile
est toujours présent dans la région).
Le sous-programme 3 concernant la ‘Gestion Rationnelle des Ressources’ a mis sur pied l’Initiative
40
OBSERVATOIRE RÉGIONAL SUR LES DROITS DE L’HOMME
L’observatoire régional aura le mandat de surveiller la situation des droits de l’homme et sera connecté à
Institute for Security Studies
Compilé par Nyambura Githaiga
Tableau 1 Fonctions du Centre régional pour la promotion de la démocratie, de la bonne gouvernance, des droits de l’homme et de l’éducation civique Stratégies
Objectifs ■
1 Renforcement des capacités
■ ■
■ ■
2 Recherche et analyse
■ ■ ■ ■
3 Promotion de la création des synergies et des réseaux
■ ■ ■
4 Lobbying et plaidoyer
■ ■ ■ ■ ■
5 Suivi et communication ■
■
6 Recueillement et dissémination des données
7 Mise en place et opération d’un système d’alerte rapide pour la Région de Grands Lacs
■ ■
■
Renforcement des institutions nationales, des organisations de la société civile, des acteurs du secteur privé et d’autres acteurs pour un engagement actif et effectif au niveau national et local en faveur de la promotion de la démocratie, de la bonne gouvernance, des droits de l’homme et de l’éducation civique Formation des formateurs des institutions nationales et des fora en matières d’instruments régionaux et internationaux et des droits de l’homme Développement d’outils de formation appropriés à l’éducation civique (manuels, guides, programmes scolaires) Collaboration entre la recherche scientifique et appliquée afin de trouver des solutions aux problèmes qui concernent la Région des Grands Lacs Entreprise et promotion de la recherche et des analyses axées sur les politiques et les actions visant à répondre aux questions qui concernent la Région des Grands Lacs Approfondissement des travaux de recherche qui abordent la problématique de la marginalisation et de l’exclusion en tant que genèse des conflits dans la Région des Grands Lacs Approfondissement des travaux de recherche sur les approches, pratiques et méthodes autochtones et traditionnelles de résolution des conflits et de consolidation de la paix Mise en place des meilleures pratiques dans tous les domaines thématiques couverts par le centre Formation des réseaux de dialogue entre l’Etat et la société civile à travers les différents fora crées par le Pacte Mise en place d’approches régionales à la recherche et à la résolution des problèmes dans la Région des Grands Lacs Mise en place des stratégies de collaboration parmi les institutions nationales et les réseaux dans la région Création d’une plateforme permettant à la société civile et d’autres parties prenantes dans la région de plaider, entre autre, pour : Le respect par l’Etat des instruments régionaux et internationaux La transformation politique (par exemple par le biais du développement et de la mise en oeuvre d’une politique régionale sur le genre) Le respect et l’application de l’Etat de droit et des droits de l’homme Promotion et suivi du respect des instruments régionaux et internationaux et des instruments, protocoles et décisions de la CIRGL Suivi de l’intégration et de la mise en œuvre des questions transversales dans les programmes et activités de la CIRGL. Celles-ci comprennent les questions liées aux droits de l’homme, au genre, à l’environnement, aux jeunes et au VIH/SIDA Mise en place et appui aux observatoires régionaux sur le genre et les droits de l’homme par un système d’alerte rapide Développement d’une base de données des réseaux des différents acteurs concernés par les thèmes couverts par le centre Développement et opérationnalisation d’un site web interactif pour le centre Appui à la traduction dans les langues locales et la dissémination des instruments régionaux et internationaux en vue de faciliter l’accès à ceux-ci et leur compréhension par les citoyens de la Région des Grands Lacs Production des rapports analytiques sur des situations méritant l’attention en vue d’une action préemptive et commune des Etats membres
un réseau d’institutions et observatoires nationaux des
missions d’établissement des faits sur le terrain et
droits de l’homme dans les Etats membres de la CIRGL,
d’informer la structure politique de la conférence des
qui serviront d’appui aux efforts du Secrétariat de la
éventuelles situations d’urgence, renforçant ainsi la
CIRGL en matière de gestion des conflits par le dévelop-
capacité de la conférence d’entreprendre des efforts de
pement de son système d’alerte rapide. Le Secrétariat
diplomatie préventive. Un tel expert pourrait à moindre
de la CIRGL nécessite un mécanisme fiable qui garantit
coût, assurer la surveillance de la situation des droits de
l’accès rapide à des informations crédibles sur des ques-
l’homme et la prévention des conflits au niveau régional
tions transfrontalières ou d’importance stratégique.
et faire des recommandations pertinentes en concertation
Une possibilité serait de mettre en place une personne indépendante provenant de la région, expert en matière
avec les autorités nationales et la société civile. Le centre régional constitue le premier projet à être
de résolution des conflits et d’alerte rapide pour la Région
financé par les Etats membres de la CIRGL par le biais du
des Grands Lacs. Cet expert sera chargé de mener des
Fonds Spécial pour la reconstruction et le développement,
Rapport d’atelier
41
Dimensions régionales des conflits dans les Grands Lacs
preuve de leur engagement en faveur de la promotion
l’homme en Ouganda et en RCA. Deux autres ateliers
et la protection des droits de l’homme et de la bonne
ont été conjointement organisés avec les responsables
gouvernance dans la région. Cet engagement envoie un
du HCNUDH présents sur le terrain et le personnel de la
signal d’encouragement clair aux autres partenaires, y
CIRGL en vue d’appuyer les Etats membres à inclure et à
compris le HCNUDH et d’autres organisations régionales
se servir des dimensions et des instruments régionaux et
à contribuer au bon fonctionnement du centre.
internationaux sur les droits de l’homme pour élaborer de nouvelles politiques et législations.
LA CIRGL : POINT D’ENTRÉE POUR LA PROMOTION ET LA PROTECTION DES DROITS DE L’HOMME DANS LA RÉGION
A travers son Conseiller Régional aux droits de l’homme et son Expert en matière des violences sexuelles, la CIRGL a participé à l’élaboration d’une nouvelle loi nationale visant à lutter contre les violences sexuelles au Burundi. Cette loi intégrera le protocole régional
Le Pacte représente une opportunité d’encourager les
sur la lutte contre les violences sexuelles. Le HCNUDH
Etats membres à ratifier les instruments internationaux
assure le fi nancement et l’assistance technique pour
et régionaux existants et d’intégrer dans la législation
l’intégration de ce protocole dans la RCA et la mise en
nationale et d’appliquer ces protocoles sur les questions
place des centres pour les victimes.
des droits de l’homme. Cela devrait être une priorité pour la région. Le Pacte constitue un cadre juridique unique sur des questions telles que les droits à la
Partenariats ONU-CIRGL
propriété des populations rapatriées ou la lutte contre
Les équipes locales de l’ONU venant du Burundi, de la
l’exploitation illégale des ressources.
RCA, de la RDC et du Rwanda ont vu leurs capacités
Les activités suivantes ont été menées en 2010 et 2011 par la CIRGL en partenariat étroit avec le HCNUDH.
renforcées afin d’intégrer la dimension des droits de l’homme dans leurs analyses, plans et programmes, avec la collaboration d’autres partenaires nationaux (dont
Formation aux droits de l’homme
des représentants de l’Etat et de la société civile) au sein
En mai 2010 en Tanzanie, la CIRGL et le HCNUDH ont
coordination de la CIRGL. Des ateliers nationaux ont eu
conjointement organisé une formation sur les droits de
lieu entre l’équipe locale de l’ONU et la CIRGL au Rwanda
l’homme et la prévention des conflits pour le Forum ré-
en mai 2010, en RCA en juillet 2010 avec la participation
gional des Jeunes de la CIRGL ainsi que des représentants
du Rapporteur spécial pour les droits des personnes dé-
des onze Etats membres et le personnel de la CIRGL. En
placées dans leur propre pays, et en RDC en août 2010 sur
partenariat avec le mécanisme national de coordination
les DESC et les ressources naturelles avec la MONUSCO.
et le Forum des Jeunes de Rwanda, la CIRGL a également
Des programmes ont été conjointement menés avec
organisé une formation aux droits de l’homme pour les
les équipes locales de l’ONU au Burundi, en RDC et au
jeunes afin d’éviter des violences électorales à l’approche
Rwanda et les mécanismes nationaux de coordination de
des élections présidentielles de 2010. Une campagne de
la CIRGL dans ces pays pour élaborer les éléments d’une
sensibilisation a également été organisée à l’intention
stratégie sous-régionale sur les droits de l’homme à être
des jeunes au Burundi pendant le processus électoral.
mise en oeuvre conjointement en 2011. Les thèmes princi-
D’autres sessions de formations et d’information ont été
paux de cette stratégie concernent les droits de l’homme
organisées pour les observateurs électoraux de la CIRGL
et la lutte contre l’exploitation illégale des ressources
au Soudan, au Burundi et en Tanzanie. Un atelier conjoint
naturelles, la prévention du génocide et la lutte contre
entre la CIRGL et le HCNUDH sur les élections et les droits
l’impunité, les élections et les droits de l’homme, ainsi
de l’homme a été organisé en partenariat avec le Centre
qu’un observatoire Régional sur les droits de l’homme.
des droits de l’homme et de la démocratie à Yaoundé en
d’un atelier conjoint avec les mécanismes nationaux de
La République du Congo a été le premier pays en
juillet 2010 pour former les responsables des organes élec-
Afrique à élaborer et adopter une loi spécifique aux
toraux et en mars 2011 pour les observateurs électoraux.
droits des populations autochtones, en collaboration étroite avec le mécanisme national de coordination, la
Intégration des protocoles de la CIRGL dans la législation nationale
CIRGL et l’Organisation internationale du Travail.
En 2010, un atelier sur l’intégration des protocoles de
Génocide, approuvé lors du Sommet des Chefs d’Etat à
la CIRGL a été organisé avec le soutien fi nancier et le
Lusaka le 15 décembre 2010. Le comité émane d’un pro-
conseil technique du Conseiller Régional aux droits de
tocole régional sur la Prévention du crime de génocide
42
Avec l’appui du HCNUDH, la CIRGL a mis en place un Comité Régional pour la Prévention du Crime de
Institute for Security Studies
Compilé par Nyambura Githaiga
qui représente un cadre juridique et politique unique
des violations des droits de l’homme qui y sont associ-
pour la prévention du crime de génocide. Le HCNUDH
ées, y compris le travail des enfants, le travail forcé et
et le Secrétariat de la CIRGL ont appuyé le comité
les violences sexuelles. En mai 2012, les représentants de
dans la constitution et l’élaboration de ses procédures
la société civile ont mis sur pied un réseau régional qui
internes et son plan de travail en septembre 2010 et ont
collabore avec la CIRGL dans la lutte contre l’exploitation
organisé une formation à l’intention des ses membres,
illégale des ressources naturelles dans la région des
avec la participation du bureau du Conseiller spécial du
Grands Lacs.
Secrétaire général des Nations Unies pour la prévention du génocide et le bureau de la CIRGL en Ouganda. Le processus de mise en place et élaboration du plan de travail de ce comité est unique en son genre, faisant de cette
Prévention des violences électorales au Burundi
Région des Grands Lacs la première région au monde à
Avec l’appui du HCNUDH, la CIRGL a surveillé sur
travailler collectivement pour la prévention du génocide.
une période de cinq mois le processus électoral au
La CIRGL et le HCNUDH ont également facilité la mise en
Burundi. Elle a veillé au respect des droits de l’homme,
place des Comités nationaux au Kenya, en République du
contribué aux programmes de sensibilisation et offert
Congo et en Tanzanie.
une formation sur les droits de l’homme à l’endroit des observateurs de la CIRGL. Sur la base des informa-
Exploitation illégale des ressources naturelles et Droits économiques, sociaux et culturels
tions fournies par le HCNUDH et en vue d’endiguer les
Les violations aux droits de l’homme liées à
pour mener des pourparlers avec le gouvernement et
l’exploitation illégale des ressources naturelles sont
l’opposition. Cet exercice de prévention du confl it a
une des causes profondes du confl it dans la Région des
en effet permis de calmer les tensions et de contenir
Grands Lacs, surtout en RDC. En dépit de sa richesse
l’escalade de la violence.
violences et le confl it qui se sont intensifiés suite au retrait de l’opposition des élections, la Région des Grands Lacs a dépêché une mission de haut niveau au Burundi
naturelle, la majeure partie de la population de la RDC vit dans la pauvreté et ne tire aucun profit des ressources naturelles. Cette situation constitue un
DÉFIS ET RISQUES
problème structurel des droits de l’homme, comme en
La promotion et la protection des droits de l’homme dans
témoigne l’insécurité et la violence qui règnent autour
la Région des Grands Lacs s’accompagnent de multiples
des sites d’exploitation minière dans l’Est de la RDC.
défis parmi lesquels la fausse juxtaposition entre la justice
Face à cette problématique, la CIRGL a développé une
et la paix. Les travaux de recherche sur les questions de
initiative régionale en faveur de la mise en place d’un
paix ont montré que les conflits internes qui n’aboutissent
système de certification des ressources naturelles pour
pas à un processus judiciaire posent le risque important
assurer qu’elles ne proviennent pas des zones de confl it
de se reproduire dans les cinq années qui suivent la fin du
et continuent d’alimenter les violations aux droits de
conflit. Les processus de justice transitionnelle exigent la
l’homme. Cette initiative régionale s’accompagnera
participation politique et l’engagement de la part de tous
d’un système d’alerte à travers lequel la population et
les acteurs politiques et sont essentiels pour amener la
la société civile peuvent dénoncer des cas d’exploitation
paix durable dans la région.
illégale des ressources naturelles afi n de contribuer au
Un autre défi est posé par l’absence ou la faiblesse
processus de traçabilité et de transparence proposé. Lors
d’institutions nationales des droits de l’homme in-
d’un Sommet extraordinaire qui s’est tenu à Lusaka le 15
dépendantes et des organisations des droits de l’homme
décembre 2010, les Chefs d’Etats de la CIRGL ont adopté
dans la région. Par conséquent, le renforcement des
cette initiative régionale en tant que Déclaration de
capacités et des institutions, ainsi que la coopération
Lusaka, et ils se sont engagés à la mettre en oeuvre.
régionale entre les acteurs des droits de l’homme sont
En préparation du Sommet, le HCNUDH et la CIRGL
essentiels pour la réussite du Pacte sur la Paix. De plus,
ont conjointement organisé un atelier sur l’exploitation
des acteurs des droits de l’homme existants, comme les
des ressources naturelles et les droits économiques,
parlements, les institutions des droits de l’homme et des
sociaux et culturels et continuent à appuyer ce proces-
organisations de la société civile, peuvent tous jouer un
sus. L’accent sera mis sur la formation des représentants
rôle essentiel dans le suivi et la mise en oeuvre du Pacte.
de la société civile et des journalistes, étant donné le
La tenue des élections dans la région et leur impact
rôle important qu’ils jouent dans la dénonciation des cas
sur la situation de sécurité et des droits de l’homme ne
d’exploitation et de commercialisation des minerais et
sont pas à sous-estimer. Les leçons tirées de la violence
Rapport d’atelier
43
Dimensions régionales des conflits dans les Grands Lacs
post-électorale au Kenya montrent que si les causes
partagent des liens historiques et familiaux au delà des
profondes du confl it politique et ethnique, telles que
frontières nationales.
les droits à la propriété et la participation politique, ne sont pas résolues, elles peuvent alimenter la violence politique. Le Protocole de la CIRGL sur la démocratie et la bonne gouvernance et son mandat d’observation élector-
NOTES 1
Isabell Kempf est l’ancienne conseillère régionale pour les droits
ale sont des outils importants pour former et renforcer
de l’homme de la CIRGL-HCNUDR pour la Région des Grands
les capacités de la société civile, des pouvoirs judiciaires
Lacs. Les opinions exprimées dans cet article sont celles de
et gouvernementaux dans leur rôle d’assurer la tenue
l’auteur et ne représentent pas celles de l’organisation.
des élections équitables, transparentes et pacifiques. La
2
ayant le mandat et la capacité de surveiller les élec-
3
Voir Report on the first meeting of national coordinators of the International Conference for the Great Lakes Region, Nairobi,
tions, comme l’Union africaine, le COMESA (le Marché
23–24 June 2003, 2–3, http://www.iss.co.za/AF/profiles/
commun de l’Afrique orientale et australe), la CEEAC (la
greatlakes/1stNCmeeting_report.pdf (consulté le 21 mai 2012).
Communauté économique des Etats de l’Afrique centrale) et l’Union européenne pour assurer des processus
Aldo Ajello, Cavalier de la paix: quelle politique européenne commune pour l’Afrique? Brussels: GRIP, 2000, 105.
CIRGL compte également sur le soutien d’autres acteurs
4
Conférence International sur la Région des Grands Lacs, Pacte sur la sécurité, la stabilité et le développement dans la Région
électoraux équitables et pacifiques.
des Grands Lacs (Pacte de Paix de Nairobi), signé à Nairobi,
La région se doit de relever le défi imminent et urgent
Kenya, le 15 et 16 décembre 2006, http://www.internal-displa-
de se doter d’une stratégie commune assortie d’une
cement.org/8025708F004BE3B1/(httpInfoFiles)/60ECE277A8ED
perspective des droits de l’homme pour affronter le prob-
A2DDC12572FB002BBDA7/$fi le/Great%20Lakes%20pact_en.pdf
lème des forces négatives qui sévissent dans la région. La
(consulté le 21 mai 2012).
réunion récente des Ministres de la Défense de la région
5
A B Fetherston, Transformative peacebuilding: peace studies in
qui s’est tenue à Kigali en septembre 2011, a souligné le
Croatia, Paper presented at the International Studies Association
besoin d’affronter conjointement le problème posé par
Annual Convention, Minneapolis, March 1998.
les FDLR et la LRA et a lancé un appel en vue d’organiser
6
ment and civilisation, London: Sage, 1996.
une réunion à laquelle tous les pays concernés par cette problématique seront conviés. Le défi à présent consiste à
7
Kofi Annan, Renewing the United Nations: a programme for reform, Report to the United Nations, A/51/950, 1997.
mettre fin aux opérations de ces groupes dans la région, sans provoquer d’autres violations aux droits de l’homme
Johan Galtung, Peace by peaceful means: peace and conflict, develop-
8
Voir Jérôme Ollandet, La Conférence Internationale sur la Région
et en évitant tout impact négatif sur la population civile, et
des Grands Lacs: quels enjeux? Le Regard Diplomatique: revue
de traduire en justice les auteurs des crimes de génocide,
congolaise d’études et de pratiques diplomatiques, Congo-Brazzaville: La Savane, 2009, pour une description des crises multiples qui
des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité.
sont à l’origine de la CIRGL.
Alors que la question soulevée en dernier s’avère être une des plus urgentes, il est également nécessaire de réfléchir aux structures à mettre en place dans la société qui, à long terme, permettront à la région de créer des opportunité sociales, politiques et économiques pour tous les secteurs de la société et de jeter des ponts pour les contacts transfrontaliers entre des peuples qui
44
9
Voir Pearson Nherere & Kumi Ansah-Koi, Human rights and confl ict resolution, In G Lindgren, P Wallensteen and K Nordquist (eds), Issues in Third World conflict resolution, Uppsala: Department of Peace and Confl ict Research, Uppsala University, 1990, 3-42.
10 Voir le Rapport du Rapporteur spécial de l’ONU sur les droits et libertés fondamentales des populations autochtones durant sa mission au Kenya, UN: A/HRC/4/32/Add.3, 2007.
Institute for Security Studies
Le rôle des organes régionaux1 dans la promotion de la paix durable dans la Région des Grands Lacs Dr Connie Mumma-Martinon Chercheur consultant
L’objectif de ce document est d’analyser le rôle de
INTRODUCTION
la Conférence Internationale sur la Région des Grands
Les conflits pausent une grave menace au développement
Lacs (CIRGL), la Communauté des Etats de l’Afrique
en Afrique à cause des pertes de vies humaines, des
de l’Est (EAC), la Communauté Economique des Etats
destructions de propriétés et des déplacements (quelques
de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), la Communauté
fois à travers des frontières internationales) qu’ils oc-
Economique des Etats de l’Afrique Centrale (CEEAC) et la
casionnent; sans oublier les détournements et mauvaises
Communauté Economique des Pays des Grands Lacs (CEPGL)
allocations des ressources initialement destinées au
dans la promotion de la paix dans la Région des Grands Lacs.
développement durable, vers l’achat d’armes et le financement d’opérations de maintien de la paix couteuses.
2
Dans cette perspective, des réponses seront apportées aux questions suivantes:
Les Grands Lacs en tant que région ne font pas exception à la règle. Ils ont fait l’objet d’attaques perpétrées
■
par des groupes armées et des communautés qui se dé-
régionaux dans la promotion de la paix dans la
placent à travers les frontières ; de contrebande ; de vols de véhicules ; de trafic de drogue ; de flux illicite d’armes
région? ■
légères ; de champs de mines ; et plus récemment, de
dans la région? ■
les rendent difficiles d’accès, les régions situées le long de ces frontières sont propices au développement des ce types d’activités.
Quelles sont les principales politiques et stratégies clé, mises en place pour l’établissement de la paix
menaces de réseaux terroristes.3 A cause des obstacles naturels sur le terrain tels que la forêt et le désert, qui
Quelle est la nature et l’envergure du rôle des organes
Quel a été leur niveau d’efficacité dans la promotion de la paix dans la région?
■
Quels défis, manquements et perspectives avenirs ont été identifiés en ce qui concerne le rôle des organes
Il est généralement admis que le maintien de la paix
régionaux dans la promotion de la paix?
est une condition primordiale au développement dans la Région des Grands Lacs. De ce fait, les organisations régionales et sous-régionales sont de plus en plus ap-
COMPRENDRE LA PAIX DURABLE
pelées à initier (de manière individuelle ou conjointe)
La paix en Afrique est mieux comprise dans le contexte
des efforts internationaux pour assurer la sécurité et la
mondial. La paix est un concept universel : Toute
gestion des confl its en Afrique.4
société la désire et nulle ne peut exister sans elle.6 John
Les organes régionaux africains ont fait des progrès
Galtung défi nit la paix comme “l’absence de violence”.7
substantiels en ce qui concerne leur responsabilité en
Le jargon technique désigne ce type de paix par le
matière de lutte contre les problèmes d’insécurité, la
terme “paix négative”, car cette conception ne traite pas
promotion et le maintien de la paix dans la région.
de comment faire face à la violence sociale et person-
5
Le rôle des ces organes est consacré à la fois dans la
nelle qui émerge de structures politiques et sociales
Charte des Nations Unies et dans l’Acte Constitutif de
inégales, répressives et oppressives aux niveaux na-
l’Union Africaine.
tional et international.8
Rapport d’atelier
45
Dimensions régionales des conflits dans les Grands Lacs
La paix positive par contre, prend en compte la
décembre 2006, qui fournit un cadre légal gouvernant les
prévention de la violence et traite des questions de
rapports entre les différents états membres (article 4).15
violence structurelle qui pourrait exister au sein d’une
La CIRGL est composée de onze pays.16
société. Les partisans de la paix positive affirment donc 9
que la paix durable nécessite une distribution équitable des ressources et la lutte contre tout ce qui pourrait compromettre l’existence fondamentale et la survie de
La Communauté des Etats de l’Afrique de l’Est
l’Homme.10 Le défi de la mondialisation a mis en exergue
La Commission Tripartite Permanente (CTP) pour la
trois valeurs importantes qui forment dorénavant le cadre
Coopération en Afrique de l’Est a été initialement établie
de poursuite des objectifs de la paix à travers le monde.
en 1967 en tant que EAC, pour être ensuite abolie en
Il s’agit du respect de la vie et de la dignité humaine, 11 la
1977 suite à des divergences politiques. Après la dissolu-
responsabilité universelle et la coopération mondiale.
tion de l’organisation, trois des anciens états membres,
12
13
Les débats contenus dans ce document adoptent comme défi nition, celle de la paix positive.
notamment le Kenya, l’Ouganda et la Tanzanie, négocièrent un Accord de Médiation pour le Partage des Actifs et Passifs ; ce dernier fut signé en 1984. L’une des
LE CADRE DE PROMOTION DE LA PAIX DES ORGANES RÉGIONAUX DANS LA RÉGION DES GRANDS LACS
provisions de l’accord de médiation stipulait que les trois
Les organes régionaux opèrent dans un environnement
l’Est, lors de leur deuxième sommet à Arusha le 29 avril
qui pourrait être considéré comme la zone de confl it la
1997, mandatèrent la CTP d’entamer le processus de
plus dangereuse du monde depuis la deuxième Guerre
transformation de l’accord établissant la CTP pour la
Mondiale. Les confl its dans cette région sont complexes,
Coopération en Afrique de l’Est, en traité.
multidimensionnels et impliquent une multitude
états devaient explorer des voies de coopération future. Tenant compte de la nécessité de consolider leur coopération régionale, les chefs d’états de l’Afrique de
Le Traité pour l’Etablissement de l’EAC fut signé à
d’acteurs avec des intérêts divers. Cela suggère donc
Arusha, le 30 novembre 1999. Il est entré en vigueur le 7
que les différents organes régionaux pourraient avoir
juillet 2000 et l’EAC fut inaugurée en janvier 2001.
des intérêts confl ictuels et des interprétations différentes de ces crises qui ont causé tant de morts et de détresse dans cette partie de l’Afrique. Bien que certains des organes régionaux étudiés ici aient initialement
La Communauté Economique des Etats de l’Afrique Centrale
été fondés dans le but de créer des opportunités de
La CEEAC est composée des états de l’ancienne Union
développement économique durable, l’expansion dans
Douanière et Économique de l’Afrique Centrale, UDEAC
le domaine de la sécurité est devenue une de leurs prin-
créée en 1966, ainsi que des états membres de la CEPGL
cipales caractéristiques.
créée en 1976 par la République Démocratique du Congo (RDC), le Burundi, le Rwanda et São Tomé et Principes.
LES ORGANES RÉGIONAUX
L’Angola a gardé un statut d’observateur dans la CEEAC
La Conférence Internationale sur la Région des Grands Lacs
à part entière. La CEEAC a commencé ses activités en
La CIRGL a été officiellement créée en juin 2003, mais
avec la Communauté Economique Africaine (CEA). Son
n’a tenu sa première réunion internationale que du 06
fonctionnement est gouverné par quatre traités, notam-
au 10 septembre 2004 à Bujumbura, au Burundi. Le
ment le Traité établissant la CEEAC, le Traité établissant
secrétariat de la CIRGL a été établi en mai 2007 et est
le Réseau des Parlementaires de la CEEAC (REPAC) ; le
devenu pleinement fonctionnel en 2008. La Déclaration de
Pacte d’Assistance Mutuelle entre les Etats Membres de la
Dar-es-Salaam sur la Paix, la Sécurité, la Démocratie et
CEEAC ; et le Protocole relatif à l’Etablissement d’un Pacte
le Développement dans la Région des Grands Lacs (Pacte
de Sécurité Mutuelle en Afrique Centrale (COPAX).
de paix) a été adoptée et signée à Dar-es-Salaam le 20 no-
jusqu’en 1999, date à laquelle elle est devenue membre 1985, mais est restée ineffective pendant les années 1990. En 1999, la communauté signa un protocole de relations
Les principaux objectifs de la CEEAC consistent à réal-
vembre 2004 et les chefs d’états de la CIRGL proclamèrent
iser une autonomie collective, rehausser le niveau de vie
leur ‘détermination collective à faire de la région des
de ses populations et maintenir la stabilité économique
Grands Lacs un espace de paix et de sécurité durable, et
à travers une coopération harmonieuse. Ses domaines
ce pour les Etats et les peuples…. » 14 Cette déclaration fut
d’action prioritaires incluent le développement de capac-
suivie par la signature du Pacte de Paix de Nairobi le 15
ités en matière de maintien de la paix, de la sécurité et
46
Institute for Security Studies
Compilé par Nyambura Githaiga
la stabilité dans la région. Elle est constituée des organes
Cette section met exergue certains de ces efforts de col-
techniques suivants:
laboration, en soulignant leurs similitudes et différences dans la réalisation des mêmes objectifs. Elle indique
■
■
Le Mécanisme d’Alerte Rapide d’Afrique Centrale
également les aspects nécessitant des améliorations dans
(MARAC), qui recueille et analyse les données pour la
les efforts de collaboration de chaque organe afin de les
détection précoce et la prévention des crises.
rendre plus effectifs et leur permettre de mieux exploiter
La Commission de Défense et de Sécurité (CDS), qui est
leurs avantages comparatifs respectifs.
en fait la réunion des chefs d’états majors des armées nationales, des commandants en chefs des polices et des forces de gendarmerie des différents états membres. Son rôle est de planifier, d’organiser et de fournir des conseils aux organes décisifs de la communauté afin d’initier des opérations militaires, en cas de nécessité. ■
La Force Multinationale d’Afrique Centrale (FOMAC), qui est une force non-permanente constituée de con-
EFFORTS COLLABORATIFS DES DIFFÉRENTS ORGANES RÉGIONAUX POUR LA PROMOTION DE LA PAIX Signature de protocoles d’accords avec d’autres organes régionaux
tingents militaires issus des différents états membres
Le 25 octobre 2010 la CIRGL, à travers son secrétaire
et dont les objectifs sont de mener à bien des missions
exécutif (Ambassadeur Liberata Malamula), et la
de paix, de sécurité et d’assistance humanitaire.
Commission de l’Union Africaine (CUA) à travers son président (Dr Jean Ping), signèrent un protocole d’accords
La CEEAC avait été désignée comme un des piliers de la
(PdA) au siège de la CUA à Addis Abeba, en Ethiopie. Ce
CEA, mais à cause de son inactivité depuis 1992, il n’y
PdA défi nit les modalités de coopération entre les deux
eut aucun contact officiel entre les deux organisations
organes dans les domaines d’appui mutuel pour la paix
jusqu’en Octobre 1997.
et la stabilité dans la région des Grands Lacs. Selon le
17
PdA, les deux parties s’engagent à renforcer les capacités de la région des Grands Lacs à anticiper, prévenir, gérer
La Communauté Economique des Pays des Grands Lacs
et résoudre les confl its; et aussi à soutenir et encourager les initiatives visant à transformer la région.
La CEPGL a été fondée par l’Accord de Gisenyi (Rwanda) le 20 septembre 1976 dans le but de promouvoir la coopération économique et l’intégration régionale. Elle est constituée du Burundi, la RDC et le Rwanda et a son
Opérations conjointes contre les rebelles et les groupes armés non-étatiques
siège se trouve à Gitega, au Burundi. Ses principaux
L’impact des activités des groupes armés non-étatiques
objectifs consistent à assurer la sécurité des états
(GANE) se fait ressentir au-delà des frontières des états
membres, favoriser la création et le développement
d’où elles proviennent. Parmi les tendances identifiées
d’activités d’intérêt public, favoriser les échanges et la
chez les GANE régionaux on compte les crises humani-
circulation des personnes et de leurs biens, et établir
taires, les violations des droits de l’Homme et l’usage
la coopération dans tous les domaines de la vie poli-
de la violence comme outil de résolution de conflits. Les
tique, économique et sociale. La CEPGL est également
GANE ont étendu l’insécurité humaine au niveau région-
constituée d’un certain nombre d’institutions. Le
al et posent de sérieux défis aux mécanismes régionaux
Sous-comité de la CEPGL pour la Défense et la Sécurité
de prévention, de gestion et de résolution de confl its.19
18
est composé des chefs ou responsables des forces de
Chaque activité perpétrée par les GANE fait appel à des
défense, la police, la sécurité nationale, les services
réponses internationales parmi lesquelles la plus commune
d’immigration, les services de renseignement militaires
est la facilitation de négociations avec les gouvernements
et de police de l’ensemble des états membres.
contre lesquels ils se battent et ceux qui les soutiennent.
POLITIQUES ET STRATÉGIES CLÉ DES DIFFÉRENTS ORGANES RÉGIONAUX
lutte contre ce problème en appelant les états membres
Il est important de noter que depuis leurs créations, les
d’un autre Etat Membre ou de tolérer sur leur territoire
organes régionaux ont chacun d’une manière ou d’une
des groupes armés ou rebelles engagés dans des confl its
autre et à différents niveaux, réalisé de grandes avancées
armés ou impliqués dans des actes de violence ou de
vers la promotion de la paix dans la Région des Grands
subversion contre le gouvernement d’un autre Etat ’
Lacs, à travers des actions collaboratives ou individuelles.
(Article 5(1) (b) du Pacte sur la Paix).
La CIRGL a joué un rôle important dans les efforts de
Rapport d’atelier
à “ à s’abstenir d’envoyer ou de soutenir des oppositions armées ou des groupes armés ou rebelles sur le territoire
47
Dimensions régionales des conflits dans les Grands Lacs
Afi n de promouvoir la paix entre les parties bel-
les capacités des états membres de la CEEAC dans le
ligérantes dans la région d’Abyei au Soudan, la CIRGL
domaine du maintien de la paix et la prévention et
fit appel aux parties concernées le 23 mars 2011, leurs
la gestion des confl its. Il représentait une application
urgeant de s’abstenir de toute action militaire qui
directe du concept Français de RECAMP (Renforcement
pourrait avoir des conséquences dévastatrices sur les
des Capacités Africaines en Maintien de la Paix).
populations civiles et menacer la paix et la sécurité dans la région. Elle en appela également aux parties de renouveler leurs efforts mutuels dans le but de s’accorder
Gestion des ressources naturelles
Paix compréhensif et autres protocoles pertinents. Elle
Le Protocole pour le Développement Durable du Bassin du Lac Victoria
urgea également les parties et la Mission des Nations au
La CEA a développé un protocole pur le développement
Soudan de protéger la population civile et s’assurer que
du Lac Victoria appelé Protocole pour le Développement
la paix et le calme sont rétablis dans la région.
Durable du Bassin du Lac Victoria, qui sert de base
sur le future statut d’Abyei, conformément à l’Accord de
En janvier 2011, les pays de la CEPGL s’engagèrent
à la coopération inter-état dans les domaines tels
également à ‘intensifier les opérations conjointes’ contre
que les ressources hydrauliques, les ressources ha-
les rebelles et dix autres groupes armés situés dans l’Est
lieutiques, l’agriculture et les pratiques d’usage de la
de la RDC. Cela permit une amélioration des rapports
terre, l’irrigation, les terres marécageuses, la faune
entre le Rwanda et la RDC, cette dernière invitant les
et l’environnement en générale. 21 Ce protocole comprend
troupes rwandaises à se joindre à elle afi n de poursuivre
plusieurs des règlements substantifs et procéduraux de
les rebelles des Forces Démocratiques de Libération du
l’ONU tels que le principe de l’utilisation équitable et de
Rwanda, dont certaines étaient impliquées dans le génocide.
l’obligation de l’état de protéger les écosystèmes aquatiques. 22 Ce protocole a également établi la Commission
Coopération inter-états De nombreuses initiatives ont émergé des efforts de
du Bassin du Lac Victoria, qui est actuellement basée à Kisumu au bord du Lac Victoria. Malgré le haut niveau de coopération entre les états
coopération inter-états initiés par la CIRGL. Parmi celles-
membres de la CEA et l’implication et engagement des
ci on compte Le Protocole de l’Afrique de l’Est sur la Libre
divers gouvernements à mettre en œuvre le Protocole,
Circulation des Personnes ; les Accords de Lusaka sur
son application a été très lente à cause de la multiplicité
le cessez le feu en RDC, qui en appela à la cessation des
des initiatives qui dilue le niveau d’engagement des dif-
hostilités, le désengagement et le désarmement des forces
férentes parties prenantes.
non signataires, l’initiation du dialogue inter-congolais et étrangères présentes en RDC. D’autres initiatives incluent
Cadre de Gestion Intégrée des Ressources Hydrauliques du Lac Kivu et du Fleuve Rusizi
le droit de poursuite transfrontalière accordé à l’Ouganda
Le Lac Kivu et le Fleuve Rusizi contribuent énormément
par le Soudan, et la demande du Rwanda à placer ses
à la génération de puissance hydro-électrique dans
troupes sous le commandement Congolais. Cependant
la région. Le Cadre fut adopté en août 2011 et vise à
le niveau de succès de ces initiatives est limité par le
protéger et gérer les ressources d’eau et promouvoir les
manque de confiance entre les états membres.20
autres aspects liés à l’eau, à la génération de la puissance
les Accords de Pretoria, qui en appela au retrait des forces
hydro-électrique, à la pêche, la navigation, la gestion des
Exercice conjoint de formation
chutes d’eau, l’irrigation et l’approvisionnement en eau,
Bien que sa priorité soit la coopération économique,
utilisateurs de ces ressources.
dans l’optique de prévenir de potentiels conflits entre les
l’EAC a la conviction qu’elle peut également jouer un rôle dans l’amélioration de la stabilité régionale. En 1998 en vue de démontrer un nouvel esprit de coopération,
Coopération en matière de sécurité
1500 soldats Kenyans, Ougandais et Tanzaniens prirent
La promotion de la coopération entre les forces de police
part à un exercice conjoint de formation dans le terrain
des pays membres a continué à travers les réunions des
désert du Nord du Kenya. Cette exercice au nom de code
chefs de police de la CEA. Des décisions ont été prises
‘Natural Fire’ (Feu naturel), dura un mois et fut réalisé
dans le but d’harmoniser les grades de police et établir
avec l’aide de l’armée Américaine.
un bureau de liaison de la police au sein de la structure
En janvier 2000, la CEEAC organisa également
du projet de la Direction de la Paix et la Sécurité, en plus
un exercice régional de maintien de la paix nommé
des partenariats bilatéraux qui existent déjà entre les
“Gabon 2000”; l’exercice avait pour objectif d’accroitre
agences de sécurité de la région. Le secrétariat a lui aussi
48
Institute for Security Studies
Compilé par Nyambura Githaiga
organisé des programmes de formation conjointes et des
l’optique de faciliter le processus de paix. Celle – ci
opérations conjointes, encouragé l’interaction sociale
soulignait un certain nombre de points d’action parmi
et l’usage collectif des outils scientifiques de gestion du
lesquels un processus de désarmement, de démobi-
crime pour améliorer la lutte contre le crime dans la
lisation et de réinsertion (DDR) 25, la libération des
région, et la surveillance des frontières.
prisonniers politiques et de guerre, l’inscription du FNL
A travers leurs chefs de services d’enquête criminelle et leurs bureaux d’enregistrement de véhicules,
comme partie politique.
les forces de l’ordre des états membres continuent de
Efficacité du processus de DDR
travailler ensemble pour mettre fi n aux activités crim-
Le DDR des anciens combattants a été lent et n’a réelle-
inelles transfrontalières. Celles-ci incluent le vol de véhi-
ment débuté que lorsque le gouvernement hollandais a
cules, la contrebande et le trafic de drogue et d’humains.
accepté d’apporter son aide à la construction d’un camp et
Les agences des forces de l’ordre ont amélioré leur
une base à Tenga, dans la périphérie Nord de Bujumbura.
coopération en matière d’échanges de renseignements,
Dès janvier 2006, un total de 19 739 anciens combattants
de restitution de biens volés et d’extradition de person-
et anciens soldats avaient été démobilisés (16 242 hommes
nes soupçonnées de crimes.
adultes, 482 femmes adultes et 3015 enfants).26 Le processus de DDR s’est fait en deux étapes : le DDR
POLITIQUES ET STRATÉGIES INDIVIDUELLES DES ORGANES RÉGIONAUX
des enfants soldats et le DDR des anciens combattants.
Politiques et stratégies clé de la CIRGL
ont été consultées et une équipe de travail spéciale
Depuis sa création, la CIRGL a réalisé d’importants
parties prenantes telles que la Banque Mondiale, le
progrès en matière de promotion de la paix dans la
Bureau Intégré des Nations Unies au Burundi, BINUB)
région et d’établissement de conditions favorables à la
et l’équipe de facilitation ont collaboré sur la mise en
sécurité, la stabilité et le développement durable entre
œuvre du processus. Le 10 août 2009, le gouvernement
les états membres, tels que proposés dans l’Article 2(c)
Burundais annonça la fi n officielle du programme de
du Pacte pour la Paix. Cette section met en exergue
DDR, déclarant que 16 948 membres du FNL avaient été
certaines des principales politiques et stratégies qui ont
démobilisés.27
Malgré quelques défis tels que le manque de ressources, la stratégie a été déployée rapidement et était plutôt effective grâce à l’approche adoptée (les deux parties
été mises en œuvre par la CIRGL.
fut créée pour faire avancer le processus). Plusieurs
Le DDR des enfants a eu lieu très rapidement, car le Fonds des Nations Unies pour l’Enfance et le Programme
Appui au processus de paix du Burundi
National sur la Démobilisation, la Réinsertion et la
En juin 2006, le Gouvernement du Burundi et le Parti
Réintégration ont travaillé énormément pour com-
pour la Libération du Peuple Hutu – Forces Nationales
piler des listes d’enfants soldats des rangs de l’armée
de Libération signèrent la Déclaration de Principes
Burundaise et des Gardiens de la Paix.28
Politiques de Dar-es-Salaam
Les états sont également sensés ‘coopérer à tous les
.23
Jusqu’en 2008, le processus de paix entre ces deux
niveaux en vue de désarmer et de démanteler les réseaux
parties était caractérisé par la méfiance, empêchant
de groupes rebelles armés existants et promouvoir la
ainsi la mise en œuvre de plusieurs résolutions
gestion conjointe et participative de la sécurité nationale
.24
Lors
du Sommet des Chefs d’Etats et de Gouvernements de
et humaine sur leurs frontières communes’ (Article 5(1)
la Région des Grands Lacs qui s’est tenu le 4 décembre
(c) du Pacte pour la Paix). C’est à travers ce Pacte que les
2009 à Pretoria, Afrique du Sud, Palipehutu–FNL renou-
forces rwandaises et Ougandaises ont lancé les opérations
vela son engagement au processus de paix. Dans une
Amani, Kimia et Lightning Thunder (Tonnerre d’éclair)
déclaration faite à cet effet, Palipehutu–FNL reconnut
pour démobiliser les groupes rebelles tels que le FDLR et
que son nom faisait en effet entrave à son processus
l’Armée de Résistance du Seigneur (LRA) en RDC.
d’inscription en tant que Parti Politique; le gouvernement
Les forces rwandaises et ougandaises ont également
du Burundi déclara à son tour qu’il était engagé à faciliter
pour objectif de mettre fin aux activités rebelles sponso-
l’intégration politique de Palipehutu-FNL en lui offrant
risées par les états. Bien que cette stratégie ait produit des
33 postes au sein du gouvernement. Cependant, malgré
résultats mitigés en ce qui concerne l’objectif de mettre
son changement de nom, l’intégration de Palipehutu–FNL
fin au sponsorship des activités de la LRA en Ouganda par
demeure un défi important.
le gouvernement Bashir, elle a considérablement permis
En janvier 2009, l’envoyé spécial dans les Grands Lacs émit une déclaration dite de Bujumbura dans
Rapport d’atelier
de réduire l’appui du gouvernement envers certains groupes rebelles opérant dans les pays voisins.29
49
Dimensions régionales des conflits dans les Grands Lacs
Création d’un système de zonage pour la sécurité des frontières
de Nairobi sur les Armes Légères et les Petits Calibres;
L’objectif principal de cette initiative est d’améliorer la
d’enregistrement des réfugiés ; et établir un groupe
sécurité des frontières dans la région à travers la créa-
de travail d’experts en défense sur les opérations et la
tion des douze zones suivantes:
formation afi n de débattre d’exercices conjoints sur les
pour établir des modalités d’un mécanisme commun
opérations de maintien de la paix, le contre-terrorisme 1. L’Ouganda, le Rwanda et la RDC
et le niveau de participation militaire dans les interven-
2. L’Ouganda, le Kenya et la Tanzanie
tions en cas de catastrophes.31
3. L’Ouganda, le Kenya, le Soudan et l’Ethiopie
Dans sa vision générale, l’EAC embrasse la création
4. Le Soudan, l’Ouganda et la RDC
future d’une fédération politique des membres (Article
5. Le Soudan, la RCA et la RDC
123(1) du Traité) et un pacte de défense commun (Article
6. La République du Congo, la RDC et la RCA
125), avec comme objectif ultime de renforcer le modèle
7. La RDC, la République du Congo et l’Angola
de l’EAC pour la paix et la sécurité régionale.
8. La RDC, la Zambie et l’Angola 10. La RDC, le Burundi et le Rwanda
Développer un mécanisme d’alerte précoce et de réponse contre les conflits
11. La Tanzanie, le Rwanda et l’Ouganda
Parmi les autres activités entreprises il y eut également
12. La Tanzanie, le Rwanda et le Burundi
le développement d’une ébauche de mécanisme d’alerte
9. La Tanzanie, la RDC, le Burundi et la Zambie
précoce et de réponse contre les conflits (MAPRC) et le
Politiques et stratégies clé de l’EAC
début de travaux relatifs à l’élaboration d’un cadre régional
Stratégie en matière de paix et de sécurité
L’EAC est également entrain de finaliser les plans de
de prévention, de gestion et de résolution de confl its.
Le Traité portant Création de la Communauté des Etats
lancement d’une stratégie de prévention de conflits et de
de l’Afrique de l’Est30 et les stratégies de développement
querelles dans la région. L’idée d’un MAPRC a émergé suite
élaborées mettent l’accent sur la défense régionale, la
à une série de visites de familiarisation aux sièges de la
paix et la sécurité comme domaines de coopération
Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest,
régionale. La quête de la paix et la sécurité régionale
de l’Autorité Intergouvernementale pour le Développement
en Afrique de l’Est est garantie par l’Article 5(3) (f)
(IGAD) et de l’UA, qui opèrent différents types de MAPRC à
dudit Traité, qui stipule que «la paix, la sécurité et la
différents niveaux. Ces initiatives ont été entreprises dans
stabilité…et le bon voisinage » dans la région font partie
l’optique d’incorporer les bonnes pratiques et proposer
des objectifs fondamentaux de la communauté. Les
un fonctionnement plus effectif de l’EAC. En s’adressant à
états membres de l’EAC ont développé un nombre de
l’assemblée pendant une séance d’ouverture d’un atelier à
stratégies afi n d’atteindre cet objectif.
Kampala en 2009, la Secrétaire Générale Adjointe de l’EAC
L’Article 124 du traité traite de la coopération en
(Fédération Politique) Béatrice Kiraso, décrit le mécanisme
matière de paix régionale et de questions de sécurité. Les
comme un important pilier pour la prévention des crises
états ont signé un PdA sur la coopération en matière de
et des conflits, et un moyen d’assurer la paix, la sécurité, la
défense et des mesures sont entrain d’être prises pour faire
stabilité et le développement régional.
face aux questions relatives à la défense, la paix et la sécurité afin de maintenir la paix et la stabilité dans la région. Un PdA sur la Coopération en matière de défense
Programmes contre le vol de bétail La nature des confl its pastoraux en Afrique de l’Est est
fut signé en Avril 1998 et révisé en 2001. Lors d’un
variée. Ils se manifestent de plusieurs façons, notam-
sommet de l’EAC sur la situation en RDC, qui eut
ment à travers des confl its entre les éleveurs et les
lieu le 18 octobre 1998 à Nairobi, les états membres
agriculteurs commerciaux, les éleveurs nomades et les
s’accordèrent à soutenir les efforts de la Communauté
agriculteurs sédentaires ; les éleveurs et les conserva-
de Développement de l’Afrique Australe (SADC), qui
teurs ; et les éleveurs et les agents de l’’état.32 Les états
étaient déjà en cours, en consultation avec l’ONU et
membres de l’EAC sont aussi membres du Projet Mifugo,
l’Organisation de l’Unité Africaine.
qui est une initiative conjointe entre Organisation
L’EAC établit un Comité Sectoriel sur la Coopération
pour la Coopération des Chefs de Polices d’Afrique de
en matière de Défense, ainsi qu’un Comité pour la
l’Est (EAPCCO) et l’Institut d’Etudes de Sécurité. Elle
Sécurité Inter-états. Au cours de l’année 2003, ces
est basée sur le Protocole sur la Prévention, la Lutte et
comités tinrent des réunions entre autres initiatives,
l’Eradication du Vol de Bétail en Afrique de l’Est.
pour échanger des informations sur la mise en œuvre d’un plan d’action national en accord avec la Déclaration
50
EAPCCO a onze membres 33 et trois des cinq membres actifs sont membres de l’EAC (Kenya, Ouganda et
Institute for Security Studies
Compilé par Nyambura Githaiga
avec d’autres parties prenantes telles que les autorités
Accord de Coopération avec les membres du Fonds de Développement des Nations Unies pour la Femme
provinciales et locales, les éleveurs locaux, les groupes
Le 19 novembre 2009, la CIRGL signa un accord de
gouvernementaux, les organisations de la société civile
coopération avec le Fonds des Nations Unies pour le
et autres acteurs dans les zones pastorales d’Afrique de
Développement de la Femme (UNIFEM) à Kigali au
l’Est affectées.
Rwanda. Cet accord réaffirma leur engagement face
Tanzanie). L’efficacité de ce projet réside dans le fait qu’en dehors des états membres, il travaille également
aux défis liés aux conflits, à la pauvreté, les migrations,
Politiques et stratégies clé de la CEEAC
les déplacements internes, la violence et la traite des
Le Conseil pour la Paix et la Sécurité en Afrique Centrale
objectifs de travailler avec et mobiliser des partenaires
Le 09 septembre 1994 les membres de la CEEAC adoptent
personnes. UNIFEM et la CIRGL ont tous les deux pour aux niveaux régional, national et local afin de promouvoir l’égalité des genres, la paix et la sécurité dans la région.36
un pacte de non-agression au terme de la cinquième réunion du Comité Consultatif des Nations Unies sur la Sécurité en Afrique Centrale, tenue à Yaoundé, Cameroun.34 Lors d’une Réunion du Comité consultatif permanent des Nations Unies chargé des questions de sécurité en Afrique central, qui eut lieu à Yaoundé du
DÉFIS, MANQUEMENTS ET PERSPECTIVES AVENIRS DES ORGANES RÉGIONAUX EN MATIÈRE DE PROMOTION DE LA PAIX
25 au 26 Février 1999, les états membres décidèrent de
La promotion de la paix durable par les organes région-
créer une organisation pour la promotion, le maintien
aux est caractérisée par un nombre d’importants défis.
et la consolidation de la paix et la sécurité en Afrique
Premièrement, les conflits dans la région des Grands Lacs
Centrale, en l’occurrence le Conseil pour la Paix et la
tout comme ailleurs en Afrique, sont intraitables et pro-
Sécurité en Afrique Centrale (COPAX).
longés. La plupart des accords de paix ne durent pas et la
En 2002, lors de la dixième session ordinaire des Chefs d’états et de Gouvernements à Malabo, en Guinée
majorité des pays replongent dans la violence.37 Les organes régionaux ne peuvent pas travailler dans
Equatoriale, le Protocole sur l’Etablissement d’un réseau de
l’isolement. Toutefois, la plupart des acteurs externes
parlementaires en Afrique Centrale, les Ordres permanents
avec lesquels ils travaillent ont tendance à s’embarquer
du Conseil pour la Commission de défense et de Sécurité,
dans des activités de promotion de la paix sans pour
la Force Multinationale d’Afrique Centrale et le Mécanisme
autant étudier les causes fondamentales de ces conflits ou
d’Alerte Précoce d’Afrique Centrale furent adoptés.
inclure les populations à la base dans leurs propositions
La CEEAC en collaboration avec l’Union Arabe
de solutions. Les concepteurs et les personnes chargées
du Maghreb et la Communauté des Etats du Sahel-
de la mise en œuvre ne rendent pas compte aux popula-
Sahara débâtèrent l’idée de la création d’une force
tions qui sont pourtant les plus touchées par ces conflits.
d’intervention pour aider la résolution des disputes
La plupart des programmes axés vers des initiatives de
frontalières entre l’Erythrée et l’Ethiopie.
paix dépendent en grande partie des bailleurs de fonds,
35
La CEEAC existe depuis un certain temps déjà, néan-
ce qui empêche leur viabilité. C’est le cas de la CEEAC par
moins elle continue de faire face à certains défi s et des
exemple, dont le défi principal est le manque de ressourc-
difficultés financières dues au non-paiement des frais de
es et une sur-dépendance envers l’aide extérieure (surtout
membre. La guerre en RDC a également occasionné des
de la France qui finance sa structure de paix et le ren-
divisions avec le Rwanda et l’Angola se battant dans des
forcement des capacités militaires des Etats de l’Afrique
camps opposés.
Centrale en matière de logistique, finance et formation).38 Cette situation est renforcée par la faible harmonisation
POLITIQUES ET STRATÉGIES CLÉ DE LA CIRGL
qui existe entre la structure et l’UA et les faibles capacités
Protocole sur la Défense et la Sécurité
beaucoup d’agents manquent des compétences adéquates,
Le 21 janvier 2011, les Ministres de la Défense du
ainsi entrave au développement d’une force régionale
Rwanda, de la RDC et du Burundi adoptèrent un pro-
intégrée de maintien de la paix.39
tocole d’accords sur une défense et sécurité mutuelles.
de gestion au Département de Paix et de Sécurité. Les procédures de prise de décision de la COPAX sont lentes et surtout au niveau de la planification stratégique, faisant
Un défi encore plus important s’est manifesté à
Cela a été fait sous les auspices du Comité de Défense et
travers le manque de capacités institutionnelles dans
de Sécurité de la CIRGL.
certains états, qui affecte négativement le travail des
Rapport d’atelier
51
Dimensions régionales des conflits dans les Grands Lacs
organes en limitant par exemple la coopération sur la
régionaux ont énormément de potentiel grâce à leur avan-
sécurité des frontières. C’est le cas des frontières des
tage comparatif dans différents domaines.
pays de la CIRGL par exemple, dans lesquels existent des forces armées négatives et de déstabilisation. Cela cause des sentiments de méfiance mutuels et un très
LEÇONS APPRISES
faible niveau de confiance entre les différents pays, ainsi
Les organes régionaux et autres organisations ont
qu’une multiplicité de structures et d’initiatives pilotées
énormément fait pour la promotion de la paix dans
de l’extérieur. Les questions de sécurité adoptent
la région des Grands Lacs. Ceci dit, afi n d’établir une
différentes formes dans les différentes parties de la
paix durable les différentes parties prenantes ont
Région des Grands Lacs, ce qui rend le développement
encore beaucoup à faire. La section ci-dessous donne
de structures régionales de gestion des frontières et
quelques conseils pratiques qui peuvent être suivis afi n
de sécurité particulièrement difficiles. La triste réalité
d’atteindre cet objectif.
dans cette région est que la plupart des conflits qui y ont
Déterminer les causes fondamentales des conflits : Les états
lieu ont très souvent un caractère international, dans
ont tendance à se focaliser sur la gestion et la prévention
le sens qu’ils démarrent souvent dans un pays mais ont
des confl its. Cependant, afi n de promouvoir une paix
des impacts négatifs sur les autres pays de la région. Le
durable, les organes régionaux doivent déterminer les
défi principal consiste à faire comprendre à chaque pays
causes fondamentales des confl its, surtout en ce qui
qu’une approche commune est immédiatement requise
concerne le contrôle des ALPC. Des questions critiques
aussitôt qu’un confl it éclate.
telles que quels sont les facteurs socio-économiques
De plus, la multitude d’organisations région-
et politiques à l’origine de la prolifération des ALPC,
ales ayant le même agenda cause un manque
doivent être pausées. Les organes régionaux doivent
d’harmonisation des activités et une absence de col-
adopter une stratégie à multiples facettes afi n d’adresser
laboration entre elles. Aucun des organes régionaux
les aspects légaux, sociaux, économiques et politiques de
n’inclut les pays de la Région des Grands Lacs, et aucun
la prolifération des armes.
40
n’a comme centre d’intérêt unique la paix et la sécurité.
Coopérer, collaborer et être tolérant: Comme l’avait dit
Que ce soit directement ou indirectement les questions
Ali Mazrui, ‘Les blancs se battent contre les noirs à cause des
de paix figurent dans les agendas de tous les organes
ressources, tandis que les noirs se battent contre les blancs pour
régionaux. Et il y a bien entendu des enchevêtrements
des raisons d’identité ».41 Les organes régionaux, à travers
et donc une duplication d’efforts et d’initiatives. Cela
leurs états membres, doivent coopérer et collaborer les
cause des problèmes de cohérence et de coordination
uns avec les autres. Au niveau individuel, les africains
auxquels les organes régionaux doivent faire face afi n
doivent apprendre à se tolérer. Un autre important
de réussir dans leur objectif de promotion de la paix et
élément nécessaire à la stabilité sur le continent africain
la sécurité dans la région.
consiste à cultiver ce trait très élusif qu’est la tolérance.
Les mécanismes nationaux de coordination existants affectent considérablement le travail des organes
La tolérance est la capacité à accepter les différences.42 Inclure toutes les parties prenantes (plus particulièrement
régionaux, surtout en l’absence d’un Etat de droit, et en
les femmes) dans les initiatives de consolidation de la paix: Les
cas de mauvaises structures de gouvernance et de déclin
femmes sont souvent en contact avec les populations à la
des services publiques. Cette situation est exacerbée
base et doivent donc être dotées des pouvoirs nécessaires
par la corruption au sein des gouvernements, une des
pour prendre des décisions dans tous les aspects de la
caractéristiques des pays en situation de post-confl it,
paix, et plus particulièrement en matière de sécurité. En
tels que la RDC.
d’autres termes, les femmes doivent être dotées de plus
L’écart considérable qui existe entre les différents
de pouvoirs dans les branches législatives et exécutives
organes réside dans le fait qu’à chaque fois qu’un
du gouvernement, et devraient être engagées en plus
conflit émerge dans un état, les autres ne sont pas
grands nombres dans les forces armées.43 En Afrique, les
enclins à intervenir malgré les nombreuses possibilités
rôles traditionnels continuent de constituer un obstacle
d’intervention existantes en tant que bloc régional, afin
à l’accès aux postes d’influence par les femmes. Allouer
d’apporter la paix dans ou entre les pays en guerre. Il n’y
des sièges aux femmes au parlement leur donnerait
a malheureusement jamais eu de cas d’intervention de
l’opportunité de prendre part et d’influencer certaines
ce genre. La crise Somalienne illustre bine cela : malgré
des questions liées à la viabilité de la paix dans la région.
l’intervention de l’Uganda et du Burundi, les autres
La Secrétaire Exécutive de la CIRGL, l’Ambassadrice
pays se sont engagés à intervenir mais l’ont fi nalement
Liberata Mulamula en est un exemple parfait.
fait avec beaucoup de réticences ou dans certains cas,
Identifier la disponibilité et la situation géographique de
n’ont pas tenu leur engagement. Les différents organes
l’eau et des pâturages aux différentes saisons: La plupart des
52
Institute for Security Studies
Compilé par Nyambura Githaiga
confl its tels que le vol de bétail sont la manifestation de
paix. Il est donc impératif que ces trois domaines soient
problèmes plus graves dans la région, car les conflits liés
analysées de manière critique afi n de déterminer pour-
à l’accès aux ressources naturelles affectent également
quoi malgré les nombreux organes régionaux qui opèrent
d’autres institutions telles que les parcs nationaux, les
dans le domaine de la paix, les conflits continuent de
réserves, les postes de patrouilles de police, les ranches
ré-émerger et continuent d’avoir un impact négatif dans
privés et les bases militaires. Par conséquent, les organes
les pays de la Région des Grands Lacs.
régionaux doivent travailler en étroite collaboration avec les communautés et les gouvernements respectifs; ils doivent également tenir compte de la disponibilité et la situation géographique de l’eau et des pâturages
NOTES 1
La Conférence internationale sur la Région des Grands
aussi bien en saison sèche qu’en saison de pluies. Les
Lacs (CIRGL), la Communauté Economique des Pays des Grands
gouvernements qui opèrent dans les régions proches des
Lacs (CEPGL), la Communauté d’Afrique de l’Est (CAE) et la
sociétés pastorales doivent également penser à investir
Communauté économique des Etats d’Afrique Centrale (CEEAC).
dans le développement des ressources hydrauliques et la
2
Albert O Isaac, Understanding peace in Africa, in David J Francis
construction des dignes et réservoirs afi n de retenir les
(ed), Peace and conflict in Africa, London/New York: Zed Books,
trop-pleins pendant les saisons de pluies et exploiter les
2008, 31.
ressources d’eau souterraines.44
3
(CIRGL), le Pacte sur la sécurité, la stabilité et le développement
Utiliser les structures traditionnelles existantes : Beaucoup
dans la Région des Grands Lacs (CIRGL Pacte de paix de Nairobi),
d’organes régionaux, organisations et institutions ont
signé à Nairobi, Kenya, les 15 et 16 décembre 2006, http://www.
tendance à marginaliser, sinon ignorer complètement
internal-displacement.org/.../Great%20Lakes%20pact_en.pdf
les stratégies traditionnelles de gestion de confl its. Afi n d’établir une paix durable les organes régionaux doivent intégrer certains des mécanismes de résolution
La Conférence internationale sur la Région des Grands Lacs
(consulté le 20 mai 2012). 4
A Schabel, Operationalizing confl ict prevention: opportunities and challenges for regional and sub regional organizations, in
de confl its traditionnels utiles et travailler en étroite
S J Lodge (ed), Sharing best practices on conflict prevention: the UN,
collaboration avec les chefs traditionnels africains,
regional and sub regional organisations, national and local actors, New
pour tirer avantage des valeurs traditionnelles qui ont
York: International Peace Academy, 2002.
contribué à la promotion de la paix durable dans ces
5
E Berman and K Sams, Peacekeeping in Africa: capabilities and
sociétés africaines. Les anciens et chefs traditionnels
culpabilities, Geneva: United Nations Institute for Disarmament
seraient très utiles dans ce contexte, car ils font face à
Research, 2000.
ce type de confl its quotidiennement. Le rôle de la com-
6
Isaac, Understanding peace in Africa, 33.
munauté international en matière d’appui aux initiatives
7
John Galtung, A structural theory of aggression, Journal of Peace
africaines encrées dans les besoins de développement de l’existence quotidienne de millions d’africains, restent par conséquent un facteur de réussite crucial et
Research 1(2) (1964) 59–119. 8
in I W Zartman (Ed), Traditional cures for modern conflicts, Boulder,
indispensable.45 Développer des directives standardises: Les organes régionaux devraient réfléchir au développement d’un modèle standard pour guider les gouvernements à s’assurer que les informations pertinentes sur les activités de promotion de la paix dans la région sont bien disponibles. Cela va aider les organes régionaux ainsi que les pays individuels à identifier les domaines qui nécessitent le plus d’efforts.
E E Uwazie, Social relations and peacekeeping among the Igbo, Colo/London: Lynne Rienner, 2000, 28.
9
J Burton, Conflict: resolution and prevention, New York: St Martin’s Press, 1999.
10 Isaac, Understanding peace in Africa, 34. 11 I M Harris, The goals of peace education, Peace Review 2(2) (1990) 4-7. 12 B Reardon, Comprehensive peace education: educating for global responsibility, New York: Teachers College Press, 1988. 13 Dietrich Fisher, A global peace service, Peace Review 8(4) (1996)
CONCLUSION Plusieurs questions ont été soulevées dans ce document sur le rôle des organes régionaux dans la promotion de la paix dans la Région des Grands Lacs, parmi lesquelles les
563-568. 14 Conférence internationale sur la Région des Grands Lacs (CIRGL), Déclaration de Dar-es-Salaam sur la paix, la sécurité, la démocratie et le développement dans la Région des Grands Lacs, adopté lors du Premier Sommet des Chefs d’Etats et Gouvernements, tenu à Dar-es-Salaam, Tanzanie, on 19–20
motifs qui ont mené à la création d’organes régionaux,
novembre 2004, article 14, http://reliefweb.int/node/411133/pdf
les fondements de la promotion de la paix dans la région
(consulté le 21 mai 2012).
et d’autres questions particulières qui doivent être prises encore afi n de réaliser cet objectif de promotion de la
Rapport d’atelier
15 Conférence internationale sur la Région des Grands Lacs (CIRGL), Déclaration sur la paix, la sécurité, la démocratie et
53
Dimensions régionales des conflits dans les Grands Lacs
le développement dans la Région des Grands Lacs, adopté en Nairobi, Kenya, les 15 et 16 décembre 2006, http://www.internaldisplacement.org/.../Great%20Lakes%20pact_en.pdf (accessed 21 May 2012). 16 Les pays sont l’Angola, le Burundi, la République Centrafricaine, la République démocratique du Congo, le Kenya, le Rwanda, le Soudan, la Tanzanie, l’Ouganda et la Zambie. 17 La CEEAC a signé le Protocole sur les Relations entre la CEA et les Communautés économiques régionales en octobre 1999. 18 Le CEPGL contrôle les institutions suivantes: la Banque de développement des états des Grands Lacs (BDEGL), basé dans la ville de Goma, en RDC, le Comité Permanent Inter-Compagnies (COPIC), l’Institut de recherches agronomiques et zootechniques (IRAZ), la Communauté économique de l’organisation des pays des
28 Ibid. 29 Okumu and Ikelegbe, Militias, rebels and Islamist militants, 455. 30 Traité pour l’établissement de la Communauté de l’Afrique de l’Est, tel que modifié le 14 décembre 2006 et le 20 aout 2007, adopté à Arusha, Tanzanie, le 30 novembre 1999, http://www. kituochakatiba.org/index.php?option=com_docman&task=cat_ view&gid=23&Itemid=36 (consulté le 21 mai 2011). 31 Union Africaine, Comités économiques régionaux, Communauté de l’Afrique de l’Est, http://www.africa-union.org/root/au/recs/ eac.htm (consulté le 21 mai 2012). 32 Augusta Muchai, Stakeholders meeting: Mifugo Project workshop report, Pretoria: Institute for Security Studies, 2008, 5. 33 Les membres de l’OCCPAE sont : Burundi, Djibouti, Eritrée,
Grands Lacs pour l’énergie (EGL), et le Centre de recherche pour
Ethiopie, Kenya, Rwanda, Seychelles, Somalie, Soudan, Tanzanie
le développement des ressources minières en Afrique Centrale
et Ouganda.
(CRDRMAC). La Communauté s’est écroulée en 1998 lorsque le confl it a éclaté entre le Rwanda et la RDC. 19 Wafula Okumu and Augustine Ikelegbe (eds), Militias, rebels
34 On est arrivé à l’adoption de ce pacte après cinq jours de réunions et de discussions entre expert-militaires et les Ministres de la Défense du Cameroun, de la République d’Afrique Centrale,
and Islamist militants: human insecurity and state crises in Africa,
de la RDC, de la Guinée équatoriale, du Gabon et de São Tomé et
Pretoria: Institute for Security Studies, 2010, 36.
Principe.
20 C Kimutai, Personal interview during a Workshop on the Viability of Preventive Diplomacy in the Eastern African Region, 15 October 2010, International Peace Training Centre. 21 Protocol for Sustainable Development for Lake Victoria Basin,
35 Alfred Nhema and Tiyambe Paul Zeleza (eds), The roots of African conflicts, Athens, Ohio: Ohio University Press, 2008, 17. 36 Barbara Albrecht, une analyste de programmes du bureau régional d’Afrique central de l’UNIFEM (barbara.albrecht@unifem.
adopted by the EAC at Arusha, Tanzania, on 29 November 2003,
org), et Donnah Kamashazi, (
[email protected])
http://www.iwlearn.net/publications/II/lakevictoria_2005.pdf
une experte en programme national au bureau régional d’Afrique
(accessed 28 August 2011).
central de l’UNIFEM.
22 Debay Tadesse Woldemichael, Climate change and transboundary water resource conflict in Africa, Workshop report, Mombasa, Kenya, 29–30 September 2009, 34. 23 L’Accord a traité de questions politiques telles que l’établissement d’une commission chargée de réécrire l’histoire du Burundi, l’immunité provisionnelle des membres du Palipehutu–FNL, la transformation du mouvement en partie politique et les modalités concernant la transformation et la modernisation des forces de sécurité et de défense du Burundi. 24 Jamila El Abdellaoui, Another crossroad for Burundi: from FNL to peaceful elections in 2010, ISS Situation Report, 19 November 2009. 25 Bujumbura Declaration, http://www.iss.co.za/cdburundipeaceagreements/No%2014%20Bujumbura%20Decleration.pdf (accessed 21 May 2012). See also, United Nations Security Council, Fifth Report of the Secretary-General on the United Nations Integrated Office in Burundi (S/2009/270), http://www.securitycouncilreport. org/atf/cf/%7B65BFCF9B-6D27-4E9C-8CD3-CF6E4FF96FF9%7D/ Burundi%20S%202009%20270.pdf (accessed 21 May 2012). 26 Ibid, 85. 27 Henri Boshoff, Waldemar Vrey and George Rautenbach, The
37 David J Francis (ed), Peace and conflict in Africa, London/New York: Zed Books, 2008, 125. 38 Cilliers, The African Standby Force, 15. 39 Ibid. 40 Exemples d’organes régionaux dont les activités sont dupliquées, comprennent, CAO, IGAD, SADC, COMESA ainsi que la Communauté Economique des Etats de L’Afrique Centrale (CEEAC), CEPGL et la Communauté Economique et Monétaire de L’Afrique Centrale (CEMAC). 41 Ali A Mazrui, Confl icts in Africa: an overview, in, Nhema and Zeleza, The roots of African conflicts, 38. 42 Susan Mendus (ed), Justifying toleration: conceptual and historical perspectives, Cambridge/New York: Cambridge University Press, 1988, 41. 43 Mazrui, Conflicts in Africa, 43. 44 Donald Anthony Mwiturubani, The real cause of cattle raids in Africa, The African.org 5, February/March 2010, 31. 45 Nana K Poku, Context of security in Africa, in David J Francis (ed), Peace and conflict in Africa, London/New York: Zed Books, 2008.
Burundi peace process: from civil war to conditional peace, ISS Monograph 171, Pretoria: Institute for Security Studies, 2010, 129.
54
Institute for Security Studies
Annexes Annexe A : programme Annnexe B : liste des participants
Annexe A
Programme Dimanche 11 Septembre 2011 Arrivée 07:00-09:00
Dîner Lundi 12 Septembre 2011 Session 1 Présidée par: Mr Francis Wairagu
08:00 – 08:30
Enregistrement Remarques d’ouverture et introductions
08:30 – 09:30
09:30 – 10:30 10:30 – 11:00
RECSA, Dr Francis Sang ISS, Mr Roba Sharamo CIRGL, Mr Nathan Byamukama
Moteurs et déclencheurs clé du conflit dans la Région des Grands Lacs Présentateur: Mr Andrews Atta Asamoah
Pause Session 2 Présidée par: Michel Kassa
11:00 – 12:00 12:00 – 13:00 13:00 – 14:00
L’impact des armes légères et de petits calibres sur les conflits dans la Région des Grands Lacs Présentateur: Mr Francis Wairagu
Analyse des groupes armés illégaux dans la Région des Grands lacs Présentateur: Mr Singo Mwachofi
Lunch Session 3 Présidé par: Mr Wilson Karamaga
14:00 – 15:00 15:00 – 16:00
Liens entre exploitation illégale des ressources naturelles et le conflit Présentateur: Ms Nyambura Githaiga
Statut des réfugiés et réinstallation dans la Région des Grands Lacs Présentateur: Dr Khoti Kamanga
16:00 – 16:30
Fin de la journée 1
18:30 – 21:30
Diner dans la brousse
Rapport d’atelier
57
Dimensions régionales des conflits dans les Grands Lacs
Tuesday 13 September 2011 Session 4 Chair: Jean Bosco Habyarimana 08:30 – 09:30 09:30 –10:30 10:30 – 11:00
Conflict and sexual and gender-based violence in the Great Lakes Region Presenter: Mr Nathan Byamukama, ICGLR
Human rights, peace and security, ICGLR and the Great Lakes Presenter: Dr Isabell Kempf
Health break Session 5 Chair: Mr Blaise Muhire
11:00 – 12:00 12:00 – 13:00 13:00 – 14:00
Regional implications of conflict in the Great Lakes Region Presenter: Mr Frank Muhereza
The Role of Regional Bodies in Promoting Sustainable Peace in the Great Lakes Region Presenter: Dr Connie Mumma-Martinon
Lunch Session 6 Facilitator: Mr Andrews Atta-Asamoah
14:00 – 15:00 15:00 – 16:00 16:00 – 16:30
58
Towards a regional strategy for sustainable peace in the Great Lakes Region Group session
Towards a regional strategy for sustainable peace in the Great Lakes Region Plenary session
Closing remarks
Institute for Security Studies
Annnexe B
Liste des participants Title/Name
Organisation
Designation
Contact Details
Rachel Acheson
Interpeace, Nairobi
Chargé de programmes, Grands Lacs
E-mail:
[email protected]
Andrews Atta-Asamoah
ISS, Bureau de Nairobi
Chercheur agréé
E-mail:
[email protected] Tel: +254202667198
Véronique Barindogo
Centre Ubuntu, Burundi
Chargé des traumatismes et de la réconciliation
E-mail:
[email protected] Tel: +25779625254
Benoit Bihamiriza
Communauté d’Afrique de l’Est
Expert en Alerte précoce de conflits
E-mail:
[email protected] Tel: +255 788 299 106
Déo Buuma
Action pour la Paix et la Concorde, Bukavu, DRC
Secrétaire Exécutif
E-mail:
[email protected] Tel: +243 997622339
Nathan Byamukama
CIRGL, Burundi
Chargé de programme, Questions transversales
E-mail:
[email protected] Tel: +2577940779
Consultant Indépendant
E-mail:
[email protected] Tel: +25779923187
Jean-Marie Gasana Nyambura Githaiga
ISS, Bureau de Nairobi
Chercheur
Email:
[email protected] Tel: +254202667198
Jean-Bosco Habyarimana
Centre de gestion des conflits, Université nationale du Rwanda
Directeur adjoint
E-mail:
[email protected] Tel: +250788452280
Oliver Hoehne
Coopération suisse à Kigali, Département Fédérale des Affaires Etrangères suisse
Conseiller politique, Département Fédéral des Affaires Etrangères suisse, Bujumbura
E-mail:
[email protected]
Dr Khoti Kamanga
Centre d’Etude sur les migrations forcées, Université de Dar-es-Salaam
Professeur
E-mail:
[email protected] Tel: +255715314478
Wilson Karamaga
Université nationale du Rwanda
Chercheur
E-mail:
[email protected] Tel: +250788531512
Michel Kassa
Initiative pour un Leadership Cohésif, Kinshasa, DRC
Directeur Exécutif
E-mail:
[email protected] Tel: +257810158789
Dr Isabell Kempf
,NU-HCDH CIRGL, Burundi
Conseiller Régional en matière de droits de l’homme
E-mail:
[email protected]
Chercheur Consultant
E-mail:
[email protected] Tel: +254202667198
Dr M J Kimani
Rapport d’atelier
59
Dimensions régionales des conflits dans les Grands Lacs
Title/Name
Organisation
Designation
Contact Details
Thomas Kimaru
Institut de politique africaine
Chercheur agréé
E-mail:
[email protected] Tel: +254718680038
Paddy Siyanga-Knudsen
Délégation de l’UE, Tanzanie
Chargé de programme Economie, gouvernance et intégration régionale
Email: paddy.knudsen-siyanga@ ec.europa.eu Tel: 255782444850
Lukas Probst Lopez
Département Fédérale des Affaires Etrangères suisse
Chargé de programme pour la Région des Grands Lacs
E-mail: lukas.probstlopez@eda. admin.ch Tel: +41794638625
Chercheur consultant
E-mail: connie_martinon@yahoo. co.uk Tel: +254736076447
Dr Connie MummaMartinon Willy Mugenzi
Conseil consultatif sur la bonne gouvernance, Rwanda
Spécialiste de la communication
Email:
[email protected] Tel: +250788357289
Frank Muhereza
Centre des recherches de base, Kampala, Ouganda
Chercheur agréé
E-mail:
[email protected] Tel: +256752422841
Blaise Muhire
Programme international d’Alerte RDC-Grands Lacs
Chargé de projet
E-mail:
[email protected] Tel: +243810104794
Singo Mwachofi
CIRGL, Burundi
Chargé de programme, Paix et sécurité
E-mail:
[email protected] Tel: +25779430790
Leo Näscher
CIRGL, Burundi
Conseiller technique, Violence basée sur le sexe et le genre
E-mail:
[email protected] Tel: +25779672739
Leonidas Ndayizeye
Centre Ubuntu, Burundi
Coordinateur de recherches
E-mail:
[email protected] Tel: +25779978229
Bonaventure Nikoyandoye
Peace House, Burundi
Secrétaire exécutif
E-mail:
[email protected] Tel: +25779937537
Dr Adams Oloo
Université de Nairobi
Professeur, Sciences Politiques
E-mail:
[email protected] Tel: 254720988233
Roba Sharamo
ISS, Bureau de Nairobi
Directeur intérimaire
E-mail:
[email protected] Tel: +254202667198
George Shitandi
ISS, Bureau de Nairobi
Assistant administratif
E-mail:
[email protected] Tel: +254202667198
Johan Svensson
Interpeace, Nairobi
Directeur régional
E-mail:
[email protected]
Assumani Théodore
Institut Supérieur Pédagogique de Bukavu, DRC
Professeur
E-mail:
[email protected] Tel: +243997766913
Angela Baiya-Wadeyua
RECSA, Kenya
Directrice de la communication et des relations publiques
E-mail:
[email protected] Tel: +254203877456
Francis K Wairagu
RECSA, Kenya
Directeur de la recherche et des questions de genre
E-mail:
[email protected] Tel: +254203876203
Siri Walt
Ambassade de Suisse, Nairobi
Chef de Mission Adjoint
E-mail:
[email protected] Tel: +254202228735
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Institute for Security Studies