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Etats-Unis d’Afrique

Préalables et perspectives d’avenir Par Umba Dindelo et Sadiki Koko

ISS Paper 141 • Juin 2007 Prix: R15.00

Introduction. Selon les analystes, l’intégration est un processus qui commence par la Zone de Libre Echange pour se terminer par l’Union Politique. Les autres étapes du processus comprennent l’Union Douanière, le Marché Commun et l’Union Economique. Selon les théoriciens de l’intégration, le passage d’une étape à une autre est déterminé par l’accomplissement de tous ou mieux de la majorité des exigences de ladite étape.

actuelles de l’intégration en Afrique; à une évaluation critique du processus d’intégration en Afrique ainsi qu’aux préalables et perspectives d’avenir pour les Etats-Unis d’Afrique.

De la théorie de l’intégration régionale.

Le caractère de la présente étude ne saurait normalement pas nous garantir suffisamment de latitude à pouvoir engager le débat sur la théorie de l’intégration régionale. Toutefois, le fait qu’elle L’Organisation de l’Unité Africaine (OUA) a été créée se veut une évaluation du processus ou mieux de la en 1963 avec comme but principal pratique de l’intégration régionale en l’intégration des pays africains. L’objectif Afrique depuis la création de l’OUA L’intégration est un nous oblige à brosser, ne fût-ce que poursuivi était de créer une union susceptible de mener au développement succinctement, ladite notion pour autant processus qui se de tout le continent par le renforcement que nos critiques sur les efforts africains réalise en étapes. entrepris dans ce sens jusqu’à ce jour ne de la coopération inter-étatique dans l’exploitation rationnelle de leurs seront fondées que si elles s’érigent sur Le passage d’une ressources. la théorie ainsi établie. Dans les points étape à une autre qui suivent, nous tentons ainsi de définir est déterminé par le concept d’intégration régionale avant En 2002, l’Union Africaine a été lancée à Durban, en Afrique du Sud. Les leaders l’accomplissement de pouvoir discuter les motivations qui africains avaient alors estimé que l’OUA poussent les Etats à s’intégrer ainsi des exigences de avait accompli sa mission de décoloniser que les différentes formes et/ou étapes les pays africains, et qu’il était donc pouvant être revêtues ou requises par ladite étape. temps d’évoluer d’un cadre purement l’intégration régionale. politique vers une organisation destinée à l’intégration économique et le développement Tentative de définition. social, lesquels sont des préalables devant conduire à l’unité politique. L’approche fédéraliste adoptée dans Selon Jens Harlov (1997, p.15), «l’intégration régionale se la mise en place des structures de l’Union Africaine définit en tant que processus à travers lequel un groupe laisse penser que l’intégration du continent africain a d’Etats-nations s’engagent volontairement et librement atteint l’étape de l’union politique, stade final dans le à s’accorder à des degrés variés accès à leurs marchés processus d’intégration. respectifs et mettent sur pied des mécanismes et techniques destinés à minimiser leurs conflits éventuels Le présent travail a comme objectif d’examiner le et à maximiser les bénéfices économiques, politiques, processus d’intégration du continent africain depuis sociaux et culturels aussi bien intérieurs qu’extérieurs 1963 afin d’évaluer, au regard de la théorie d’intégration de leurs interactions.» En ce sens, Harlov estime que régionale, si le continent africain, dans sa situation l’intégration régionale se rapproche du concept de actuelle, est prêt à passer à l’étape politique de son coopération régionale auquel il ne saurait pourtant se processus d’intégration. Cet article comprend ainsi réduire. Il définit alors la coopération régionale comme quatre parties, hormis l’introduction et la conclusion. étant un «processus à travers lequel des Etats-nations Elles sont successivement consacrées à la théorie de s’engagent à résoudre en commun leurs problèmes et l’intégration régionale; aux rétrospectives et tendances améliorent les conditions susceptibles de leur permettre

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individuellement de jouir de bénéfices économiques, politiques, sociaux et culturels intérieurs et extérieurs de leurs interactions.» Ainsi, dans la coopération, les Etats privilégient le bénéfice individuel, tandis que dans l’intégration la préférence est accordée au groupe en tant que communauté. La coopération aboutit donc à une simple consolidation de collaboration fructueuse entre entités différentes pendant que l’intégration poursuit l’objectif final de fusion institutionnelle. C’est ce qui a fait dire à Haas (cité par Harlov 1997, p.14) que «l’étude de l’intégration régionale cherche à expliquer comment et pourquoi les nations acceptent d’aliéner une partie de leur souveraineté, comment et pourquoi elles se joignent, s’allient à leurs voisins, s’amalgament avec ces derniers, perdant au passage une partie importante d’attributs de leur souveraineté tout en acquerrant bien sûr de nouvelles techniques de résolution de leurs conflits éventuels.»

et/ou politique au détriment des objectifs purement économiques et sociaux. Avec la fin de la guerre froide, le paradigme sécuritaire jadis caractérisant la période de la guerre froide a connu une évolution permettant aux regroupements régionaux d’élargir également leur conception sécuritaire vers la prise en compte de sa dimension humaine.



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Nonobstant l’influence exercée par la 2ème guerre mondiale et la guerre froide, des motivations d’ordre divers amènent les Etats à rechercher l’intégration régionale. Le professeur camerounais Jean Mfoulou (1986, p.61) estime qu’en considérant la littérature «six facteurs principaux peuvent pousser les Etats à désirer s’unir. Notamment le sentiment d’insécurité dû à un danger militaire provenant de l’extérieur; le désir d’obtenir l’indépendance de puissances étrangères; l’espoir d’obtenir des avantages économiques; une association politique antérieure; la Pour sa part, Lavergne (1997, p.2) pense que la notion proximité géographique; et des institutions politiques d’intégration régionale n’est pas seulement confondue semblables.» Pour sa part, la Commission Economique à celle de coopération régionale. Il découvre ainsi que des Nations Unies pour l’Afrique (2004, pp.10-17) situe «dans la littérature, le concept d’intégration régionale la motivation des Etats à œuvrer pour l’intégration revêt majoritairement une caractéristique régionale dans les bénéfices que purement économique au point de l’aboutissement d’un tel processus leur Des motivations se confondre avec celui d’intégration procurerait. Selon la Commission, lesdits économique. Cependant, [estime-t- diverses amènent les bénéfices comprennent les possibilités et il] l’intégration régionale ne saurait se la diversification des échanges, les effets Etats à rechercher limiter aux seuls aspects économiques; positifs de la concurrence, la croissance l’intégration de l’investissement, la délocalisation de elle couvre un éventail important la production […], l’accroissement du d’activités de secteur public comprenant régionale dont pouvoir de marchandage, la coopération, non seulement la coordination des l’objectif est de la garantie de sécurité et réduction des politiques économiques, mais aussi la tensions, l’intégration régionale ainsi sécurité régionale, les droits de l’homme, parvenir à la que la croissance collective.» Harlov l’éducation, la santé, la recherche et mise en commun (1997, p.15) estime ainsi que l’objectif la technologie ainsi que la gestion des politiques de l’intégration régionale pour les Etats des ressources naturelles. Le concept qui la poursuivent est de parvenir à la d’intégration régionale parait donc communes. mise en place des politiques communes [conclut-il] beaucoup plus large que dans des secteurs aussi variés que celui d’intégration économique.» la monnaie, le fisc, l’agriculture, la concurrence, Motivations pour l’intégration régionale. l’industrie (manufacture et services), le commerce, le mouvement des capitaux et de la main-d’œuvre, le Si l’intégration régionale peut, ainsi, être entendue social, l’environnement, le transport etc. comme le processus par lequel les Etats se joignent les uns aux autres, aliénant ainsi volontairement une partie Cependant, l’intégration régionale ne s’est pas importante de leur souveraineté, l’inévitable question poursuivie et/ou réalisée suivant un modèle unique qui en découle est celle de savoir pourquoi ils agissent à travers les temps et les espaces. Dépendant des de la sorte. objectifs prioritaires poursuivis par les Etats, l’intégration régionale revêt des formes différentes et/ou est passée Depuis la fin de la 2ème guerre mondiale, en 1945, les par des étapes variées. nations du monde se sont préoccupées de mettre sur pieds des structures supranationales (entendues dans Formes et/ou étapes d’intégration régionale. le sens d’ ‘inter-nationales’) susceptibles de dissiper les éventuelles suspicions réciproques et de promouvoir Selon la Commission Economique des Nations Unies la coopération entre elles. Cependant, les rivalités pour l’Afrique (2004, p.10), l’intégration régionale caractérisant la période d’après-guerre, communément prend une variété de formes (et/ou étapes): connue sous le nom de «guerre froide», poussèrent vite les organisations régionales et sous-régionales • La Zone d’Echange Préférentiel: Ici, les Etats à privilégier les préoccupations d’ordre sécuritaire membres appliquent des tarifs moins élevés aux Etats unis d’Afrique • page 







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importations produites par d’autres membres de la communauté par rapport à celles produites par les Etats tiers. En outre, les Etats membres de la communauté peuvent s’accorder sur un système de tarification identique à appliquer aux Etats tiers. La Zone de Libre Echange: C’est une zone d’échange préférentiel qui abolit toute tarification sur les importations provenant des Etats membres de la communauté. En outre, comme c’est le cas avec la zone d’échange préférentiel, ici aussi les Etats membres de la communauté peuvent mettre en place un tarif identique à appliquer aux importations provenant des Etats tiers. L’Union Douanière: C’est une zone de libre échange dans laquelle les membres de la communauté imposent une tarification commune et identique aux Etats tiers. Ils peuvent également, pour mieux y parvenir, céder leur souveraineté à une unique administration douanière. Le Marché Commun: C’est une union douanière avec libre circulation des facteurs de production (capital, main-d’œuvre) à travers les frontières nationales des Etats membres de la communauté. L’Union Economique: C’est un marché commun avec politique monétaire et fiscale unifiées, voire une monnaie unique. L’Union Politique: C’est l’étape ultime de l’intégration. Ici, les Etats membres de la communauté fusionnent pour devenir une nation. Les différents gouvernements nationaux cèdent leur souveraineté en matière des politiques économiques et sociales à une autorité supranationale, établissent des institutions communes ainsi que des mécanismes judiciaires et législatifs dont un parlement commun.

Selon El-Agraa (cité par la Commission 2004, p.17), «les Etats sont libres de commencer par l’une ou l’autre étape. Toutefois, en général, la plupart préfèrent commencer par la libéralisation des échanges avant d’introduire les autres mécanismes beaucoup plus larges et complexes.»

La question qui peut être posée est celle de savoir si la conception actuelle des Etats africains considère ces différentes formes comme des étapes ou des objectifs.

Intégration en Afrique: Rétrospectives et tendances actuelles. Bref aperçu. L’Organisation de l’Unité Africaine, OUA, avait été créée le 25 Mars 1963 à Addis Abéba, capitale de l’Ethiopie. A sa création, elle comptait 32 Etats africains tandis que lors de sa transformation en Union Africaine, UA, en juillet 2002 à Durban en Afrique du Sud, elle en comptait 53. Tous les Etats africains sont ainsi membres de l’Organisation, à l’exception du Maroc qui s’en était retiré en 1986 en protestation à l’admission de la République Arabe Sahraoui Démocratique ou Sahara Occidental. Bien avant même que l’OUA fût créée, les dirigeants africains s’étaient déjà divisés en deux groupes : le groupe des “radicaux” et celui des “modérés”. En ce qui concernait la nature de l’Organisation devant être créée, le groupe dit des radicaux ou de Casablanca proposa l’union politique immédiate de tous les Etats africains – du moins ceux qui avaient déjà acquis leurs indépendences – alors que les modérés en appelaient à une simple association – moins rigide – fondée sur la coopération fonctionnelle de tous les Etats. En guise de compromis, l’OUA s’est retrouvée oscillant entre les idéologies d’unité africaine et d’indépendance souveraine des Etats, quoique la balance penchait beaucoup plus du côté de la seconde tendance.

Premières années d’indépendance et l’idéologie du Panafricanisme: la création de l’OUA. La deuxième moitié des années 50 aura été significative en ce qui concerne l’effort d’intégration en Afrique. Elle symbolise l’ère du développement de la «conscience non-alignée» d’une part, et le début d’émancipation politique des Etats africains en général et plus particulièrement de ceux au sud du Sahara avec l’accession du Ghana à l’indépendance en 1957, d’autre part. Une fois indépendant, le Ghana devint le porte-flambeau aussi bien de la coopération africaine que de la libération du continent.

En conclusion, il sied de remarquer que la zone d’échange préférentiel, la zone de libre échange, l’union douanière, le marché commun, l’union économique ainsi que l’union politique sont tout à la fois des étapes dans le processus d’intégration régionale et des formes à part entière d’intégration régionale. Ainsi, par exemple, pour l’Europe, ils ont constitué des étapes à ce qui tend à être aujourd’hui une union politique européenne. Cependant, pour des associations à objectifs limités comme l’Union Douanière d’Afrique Australe (SACU) entre l’Afrique du Sud, le Swaziland, le Lesotho, le Botswana et la Namibie, l’union douanière constitue, elle seule, l’objectif final de l’association. Il en est de même avec l’Accord de Libre Echange d’Amérique du Nord (NAFTA) entre les Etats-Unis, le Canada et le Mexique qui n’envisage pas une quelconque union politique.

En effet, en avril 1958, Accra abrita la première conférence des Etats indépendants d’Afrique lesquels, à l’époque se consistaient notamment du Ghana, du Libéria, de l’Ethiopie, de l’Egypte, de la Tunisie, du Maroc, du Soudan ainsi que de la Libye.1 Cette conférence symbolisa un début de volonté de coopération sur les matières d’intérêt commun entre les Etats africains, une manifestation concrète d’une «Personnalité Africaine» (Walraven 1999, p.93). Il était



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alors convenu, à l’issue de cette conférence, d’unifier de façon fondamentale la stratégie continentale en matière des relations extérieures ainsi que de parler désormais d’une seule voix dans les forums internationaux.

b. qu’un des objectifs de l’OUA est de coordonner et d’intensifier la coopération entre Etats ainsi que leurs efforts pour offrir de meilleures conditions d’existence aux peuples d’Afrique.

Cependant, la limitation des concertations africaines Cependant, l’OUA se tourna vite en une organisation aux seuls Etats indépendants d’alors laissait augurer essentiellement politique. Plusieurs facteurs expliquent une division artificielle entre Africains, surtout que la cette tendance. Premièrement la nature des économies décolonisation du reste du continent paraissait de plus africaines (extraverties et limitées à l’exportation des en plus imminente. Ceci nécessita ainsi la convocation, matières premières minières et agricoles) réduisait les en décembre 1958 à Accra même, de la conférence possibilités de coopération économique interafricaine. de tous les peuples africains. Réservée aux seuls Deuxièmement, leurs dépendances extérieures leaders d’Etats encore sous colonisation, la conférence respectives les divisaient plus qu’elles ne les unissaient avait pour objectif principal d’étendre l’assise de en ce sens qu’elles les obligeaient à se définir par l’idéologie panafricaine et d’intensifier la lutte pour rapport aux deux blocs idéologiques en présence. l’indépendance totale du continent. Avec l’accession Troisièmement, la plupart de dirigeants devenaient, massive de ‘nouveaux’ Etats à l’indépendance au dès le lendemain des indépendances, de plus en plus courant de l’an 1960, le groupe d’Etats africains préoccupés par leur survie politique à une période indépendants s’élargit de façon très significative. Cet où les coups d’état tendaient à se généraliser sur le accroissement numérique rapide aura, entre autre, continent. Ils étaient donc, désormais, plus préoccupés comme corollaire le développement des blocs (voir d’accroître les capacités des mécanismes politiques et supra) au sein de la communauté africaine. Ces sécuritaires de leurs régimes respectifs que des objectifs divisions qui devinrent plus apparentes dès juin 19602 économiques, surtout dans les pays où l’accession à lors de la deuxième conférence des l’indépendance était directement suivie Etats indépendants d’Afrique tenue à des violences politiques et contestations L’OUA émerge donc armées. Addis Abéba en Ethiopie, ne purent Enfin, l’OUA ambitionnait d’être en 1963 comme pourtant pas empêcher les dirigeants l’unique organisation de tous les Etats africains à maintenir leur détermination africains. Le fait que certains d’entre une organisation à unifier leur continent. Ainsi, en mieux, particulièrement en Afrique australe de tous les Etats mai 1963, toute l’Afrique convergea et/ou d’expression portugaise, restaient une fois de plus à Addis Abéba en africains, affichant encore sous domination coloniale Ethiopie pour consacrer la création ou des minorités étrangères, l’OUA les apparences de l’Organisation de l’Unité Africaine, s’engageait avant tout à déployer les OUA. L’expression ‘toute l’Afrique’ se d’une structure plus efforts politiques et militaires nécessaires réfère ici à l’aspect unificateur de cette à leur émancipation la plus immédiate préoccupée de conférence inaugurale qui admit en son possible. coopération entre sein aussi bien les représentants des gouvernements des Etats africains déjà Etats indépendants. Malheureusement, alors que les régimes indépendants que les délégués – avec politiques des pays africains allaient en se qualité d’observateurs – des peuples renforçant – du fait de la généralisation encore sous colonisation.3 du système de la personnalisation du pouvoir, fut-il civil ou militaire – la situation socio-économique du Les revers des années 70 et l’adoption continent continua à se détériorer. Cette situation était du Plan d’Action de Lagos (PAL). également tributaire de plusieurs facteurs dont certains intérieurs et d’autres extérieurs au continent. Du L’OUA émerge donc en 1963 comme une organisation point de vue interne, Naldi (1999, p.240) aligne «les de tous les Etats africains, affichant les apparences programmes économiques mal conçus, le manque des d’une structure plus préoccupée de coopération entre ressources financières, les déficiences en infrastructures Etats indépendants et égaux – comme envisagé par les physiques et institutions, l’insuffisance en capacité modérés – que de fusion fédérale, comme l’auraient managériale. Tout ceci conduisant à la corruption, au souhaité les radicaux. «Dès lors que l’unité africaine développement inadéquat des ressources humaines, à est conçue dans le cadre d’une coopération entre l’instabilité politique ainsi qu’aux disparités en termes Etats indépendants, il est normal que la première de développement entre les milieux urbains et ruraux, préoccupation de ces Etats soit la défense de leur aggravées par des politiques agricoles inadaptées aux souveraineté [nouvellement conquise], leur intégrité réalités environnementales et ne tenant pas compte territoriale et leur indépendance» (Abdoul, Koffi et de la démographie galopante.» Du point de vue Fethi 1984, p.13). C’est ce que Abdoul, Koffi et Fethi extérieur, la crise économique globale des années 70 (1984, p.13) considèrent «les objectifs politiques» entraînant la baisse dans les termes d’échange en ce qui de l’OUA. Sur le plan économique et socioculturel, concerne les prix des matières premières affecta très l’article 2 de la Charte de l’OUA déclare en son alinéa négativement les économies de plusieurs pays africains

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dont la plupart déjà dépendaient de l’exportation d’un seul produit agricole ou minier. A ceci il sied d’ajouter la diminution de l’aide extérieure et les coûts liés au service de la dette extérieure. Pourtant en créant l’OUA en 1963, les leaders africains s’étaient engagés à harmoniser leurs politiques dans les domaines économique, technique et social. Toutefois, ils étaient convaincus que «le développement et la coopération économiques entre [leurs] Etats … ne devraient pas conduire à l’isolement du continent mais à son ouverture sur le monde extérieur en vue de promouvoir une coopération juste et équitable à l’échelle internationale. Seulement [ajoutaient-ils], l’Afrique devrait d’abord et avant tout coopérer avec ellemême, unifier ses énormes potentialités économiques et ses marchés, exploiter ses complémentarités en vue d’un développement économique harmonieux de tout le continent.» (Abdoul, Koffi et Fethi 1984, p.14)

rapide, il était décidé de procéder à la création des communautés économiques sous-régionales là où elles n’existaient pas et à renforcer celles qui existaient déjà. «Ces communautés devaient se créer sur base de nécessités et les Etats qui allaient les créer devaient en définir clairement les objectifs et la nature des activités mais surtout s’engager à leur fournir les assistances politique et financière nécessaires à leur fonctionnement» (OAU 1982, p.90).

La fin de la guerre froide et nouvelles responsabilités pour l’OUA. Jusqu’en 2000, année initiale de la consécration de la Communauté Economique Africaine, le Plan d’Action de Lagos n’avait toujours pas encore connu une avancée significative en termes de son opérationnalisation. Certes, les communautés économiques sous-régionales avaient été créées et couvraient toutes les cinq sousrégions du continent. Cependant, aucune d’elles n’avait encore réussi à franchir le cap de l’établissement d’un marché commun.

Finalement, en février 1979, l’OUA organisa en collaboration avec la Commission Economique (des Nations Unies) pour l’Afrique un colloque à Monrovia (Libéria) sur les «perspectives Dans un effort d’identifier les raisons de développement et de croissance ayant conduit à l’échec du Plan Par rapport à économique pour l’an 2000.» Il s’en suivit d’Action de Lagos, Makgetlaneng (2003, la théorie et l’adoption en juillet de la même année p.3) relève l’ignorance ou mieux la par l’Assemblée des Chefs d’Etat et de négligence par les dirigeants africains à la pratique Gouvernement de la ‘Résolution AHG/ST de «la pertinence de l’élément politique (XVI) Rev.I’ connue sous l’appellation de d’intégration, le Plan dans le projet d’intégration régionale.» En «Déclaration de Monrovia d’engagement son sens, les dirigeants africains avaient d’Action de Lagos des Chefs d’Etat et de Gouvernement erré en misant sur une homogénéité était censé servir de illusoire du continent et croyant qu’ils de l’Organisation de l’Unité Africaine sur les lignes directrices ainsi que guide topographique avaient tous une égale détermination les mesures pour l’auto-suffisance à réaliser l’intégration de leurs Etats. pour l’intégration nationale et collective en matière de A ce problème, il ajoute l’ignorance économique du développement économique et social expresse des masses par les dirigeants en vue de l’établissement d’un nouvel pour autant que «le Plan ne désigne pas continent. ordre économique international.» C’est clairement les agents sociaux devant cette déclaration qui balisa la voie à réaliser les objectifs arrêtés. Le Plan l’adoption, une année plus tard soit en avril 1980, n’indique aucune mesure propice à la mobilisation des du Plan d’Action de Lagos (PAL). «La grande vertu masses et à leur implication et participation à sa mise du Plan d’Action de Lagos gît dans deux aspects: il en œuvre.» En termes clairs, «le Plan d’Action de Lagos est premièrement l’expression de la volonté politique a tout simplement été une articulation collective par africaine commune; deuxièmement, il adopte une les dirigeants [africains] de leur incapacité à tenir leurs approche objective et réaliste face à une situation promesses d’indépendance. Il ne s’agissait que d’une globale nécessitant amélioration en vue d’un progrès démarche maligne pour recouvrer leur légitimité, universel véritable» (OAU 1982, iv). Par rapport à désormais en danger. Le document était donc une la théorie et à la pratique d’intégration, le PAL était tentative – par les dirigeants – de se garantir une survie censé servir de guide topographique pour l’intégration politique» (Rau 1991, p.123). économique du continent. C’est dans cette perspective qu’il envisageait la création, en étapes, d’une Faisant une auto-évaluation cinq ans plus tard, les Chefs Communauté Economique Africaine en vingt ans, d’Etat et de Gouvernement africains eux-mêmes notèrent soit en l’an 2000. Cette Communauté Economique dans leur déclaration sur la situation économique Africaine avait déjà été envisagée en juillet 1977 à en Afrique (1985) que «malgré l’acceptation par les Libreville, Gabon, faisant suite à une déclaration Etats de la philosophie, des principes et objectifs du adoptée en décembre 1976 à Kinshasa, République Plan d’Action de Lagos, il continue à se poser un Démocratique du Congo, dite ‘déclaration de principe problème de sa mise en œuvre et de la prise en sur l’établissement d’une communauté économique compte des politiques continentales dans l’élaboration africaine’. En guise de stratégie pour une intégration des politiques et programmes nationaux.» Une année

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auparavant, soit en 1984, l’Assemblée Générale des Nations Unies se disait «alarmée par la situation économique critique prévalant en Afrique.»4

économiques sous-régionales existantes. Elle doit s’étendre sur cinq ans (1994 – 1999). La deuxième étape ne doit pas dépasser huit années (1999 – 2007) et devra permettre aux communautés économiques Et, pendant que le Plan d’Action de Lagos tombait en sous-régionales de stabiliser leurs tarifs d’exportation désuétude faute de mise en œuvre, les perspectives et douaniers dans une perspective d’uniformisation. économiques du continent allaient en s’empirant, L’objectif ultime ici est d’arriver à une coordination contribuant ainsi à une marginalisation continuelle de et harmonisation entre les activités de différentes l’Afrique à une ère où non seulement la mondialisation organisations économiques sous-régionales. A la devenait la règle du jeu mais aussi où les autres parties troisième phase, chaque communauté économique du Tiers Monde, notamment le Sud-Est asiatique, sous-régionale doit arriver, pendant une période ne les Proche et Moyen Orients et l’Amérique latine, dépassant pas dix ans (2007 -2017), à établir une zone affichaient des signes convaincants de croissance de libre échange après suppression des tarifs douaniers. économique. Il sera ainsi procédé à l’établissement d’une union douanière avec adoption d’un tarif extérieur commun. La diminution de l’importance de l’Afrique dans la Deux ans plus tard, la quatrième phase (2017 -2019) géopolitique internationale était déjà apparente au consistera en l’unification des unions douanières souslendemain de la fin de la guerre froide. En effet, la fin régionales en une union douanière continentale avec un de la guerre froide avait coupé les dirigeants d’un bon tarif extérieur africain. La cinquième étape s’étendra sur nombre d’Etats africains d’une partie importante de leur quatre ans (2019 – 2023) et consacrera l’établissement assistance financière et technique. Malheureusement du Marché Commun Africain, fondé sur l’adoption des cet abandon du continent par les super-puissances politiques économiques communes, l’harmonisation et leurs alliés se produisit à une période où les des politiques monétaires, financières et fiscales ainsi Etats africains étaient confrontés à un que la libéralisation des mouvements des affaiblissement systématique et croissant sur le continent. La sixième et ... le Traité d’Abuja personnes de leurs systèmes étatiques en même dernière phase devra couvrir cinq années préconisait temps que la crise de développement (2023 – 2028) et sera le couronnement contribuait à la désarticulation de leurs du processus de l’intégration continentale l’établissement systèmes sociaux internes. en ce sens qu’elle amènera la création d’une Communauté d’une banque centrale commune et En début de la décennie 90, les dirigeants d’une monnaie continentale unique Economique africains faisaient donc face non seulement ainsi que l’établissement des structures Africaine par étapes exécutives définitives de l’Union avec aux crises politiques générées par le vent de démocratisation soufflant de l’Europe et prévoyait la mise des députés africains élus au suffrage de l’Est et symbolisé par la ‘Perestroikasur pied d’institutions universel direct. Glasnost’ mais aussi à de croissantes communes revendications sociales par des peuples De l’OUA à l’UA: Simple passage qui attendaient jouir de potentialités ou résultat d’un processus ? africaines. naturelles que regorgent leurs pays. Il découlait de ce fait que la fin de la Depuis l’entrée en vigueur du Traité guerre froide avait davantage exacerbé les difficultés d’Abuja en mai 1994, l’Organisation de l’Unité des Etats africains, contraignant leur organisation Africaine fonctionnait sur base de deux instruments continentale, l’OUA, à plus de responsabilités. juridiques, à savoir, la Charte de l’OUA et le Traité Ainsi, en juin 1991, ils signèrent à Abuja le traité d’Abuja. Il est important de rappeler que le Traité établissant la Communauté Economique Africaine. d’Abuja préconisait l’établissement d’une Communauté Parmi les objectifs à réaliser, le traité cite entre autre Economique Africaine par étapes et prévoyait la mise sur pieds d’institutions communes africaines. la libéralisation du commerce, l’établissement d’un marché commun, la libre circulation des personnes et La 4ème conférence extraordinaire du Sommet des des biens… (article 4) Chefs d’Etat et de Gouvernement de l’OUA tenue Ce traité est véritablement différent du Plan d’Action en septembre 1999 à Sirte, en Libye, avait pour but de Lagos en ce sens qu’il offre un détail schématisé d’amender la Charte de l’OUA en vue d’augmenter du processus d’intégration économique (et, par l’efficacité et l’effectivité de cette organisation. La conséquent, politique) du continent. En ce qui concerne déclaration y adoptée contribua à établir une union donc les modalités pratiques de l’établissement de africaine en conformité avec l’ultime objectif de la la Communauté Economique Africaine, le processus Charte de l’OUA et les provisions du Traité d’Abuja serait graduel comprenant six étapes avec une durée créant la Communauté Economique Africaine. de transition ne dépassant pas un total de trente quatre années au moins et quarante ans au plus. La première Le dépôt, par le Nigeria, en avril 2002, du 36e phase est réservée à la consolidation des communautés instrument de ratification de la Charte de l’Union

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Africaine adoptée à Lomé en 2000 a permis à cette nouvelle organisation continentale d’être inaugurée à Durban, en Afrique du Sud, en juillet 2002. Comme on peut le constater, le passage de l’OUA à l’Union Africaine peut être interprété, selon la volonté des Chefs d’Etats africains, comme le couronnement du Traité d’Abuja dont l’objectif ultime était la création de l’Union économique. Dès lors, la question majeure qui mérite d’être posée est celle de savoir si toutes les conditions prévues par ce Traite étaient déjà réunies pour permettre le passage à cette étape ou seulement il s’agissait de forcer les Etats à se sentir dans cette étape?

reste sujet à interrogation non seulement au regard des déficits budgétaires, mais aussi en considérant les situations des conflits sur le continent. La crise somalienne affiche encore au grand jour le manque de volonté politique d’un bon nombre de dirigeants africains. Malgré leur engagement solennel à déployer des troupes dans le pays, seul l’Ouganda a pu timidement le faire jusqu’à ce jour (quatre mois plus tard). Et, puisque la plupart d’entre eux avancent la croissante instabilité et insécurité sévissant dans le pays comme motif d’hésitation, il y a à craindre que l’Afrique finisse par adopter à l’égard de la Somalie une attitude semblable à celle que l’ONU avait prise au Rwanda en 1994.

Comme dit plus haut, l’intégration étant un processus Mais au-delà même des problèmes internes à l’Union qui est accompli par étapes, le passage à l’Union Africaine et à son fonctionnement – problèmes naguère Africaine devrait être le couronnement du succès connus par l’OUA – il importe de mesurer la tendance récolté dans les étapes antérieures et qui aurait motivé à l’intégration sur le continent depuis 2002. A ce sujet, ce passage. Or l’analyse de ces étapes semble révéler il est à reconnaître que l’Union entend s’appuyer sur que les résultats à atteindre dans chacune de ces les Communautés Economiques sous-régionales en étapes n’ont pas été obtenus. Le traité d’Abuja luivue de l’intégration continentale. Cependant, leurs même a prévu six étapes pour arriver à la mise sur fonctionnements respectifs restent inadéquats et pieds de la Communauté Economique d’énormes différences séparent certaines Africaine. Selon le chronogramme organisations (SADC, CEDEAO) des Pour les Chefs établi dans ce Traité, l’année à laquelle autres (CEEAC, UMA, IGAD). d’Etats et des était lancée l’Union Africaine (2002) est la deuxième étape qui supposait En outre, l’effort d’intégration du gouvernements que la consolidation des regroupements continent selon l’entendement de la africains, économiques existants (première étape) nouvelle Union Africaine se trouve était déjà terminée et qu’on était en train l’intégration semble contrecarré non seulement par les crises de stabiliser les tarifs d’exportations et politiques internes à certains Etats (le être perçue en douaniers de ces communautés. Soudan, la Côte d’Ivoire, le Tchad, la termes d’objectifs République Centrafricaine, la Somalie, le Pour les chefs d’Etats et des gouvernements Zimbabwe…) mais également par le jeu et non en termes africains, l’intégration semble être perçue de déstabilisation réciproque auquel se de processus en termes d’objectifs et non en termes de livrent certains Etats (cas du Soudan et processus (étapes). C’est dans ce cadre du Tchad). (étapes). que l’on comprendrait la décision de mettre sur pieds une union africaine Certes, certains diront qu’il est peut-être pendant que les étapes pouvant conduire à cette tôt de rechercher les dividendes de la transformation de ultime phase n’étaient pas encore franchies. l’OUA en UA. Mais, l’on ne saurait se voiler les visages au regard de la persistance, voire la cristallisation, des Selon eux, en prenant la place de l’OUA en 2002, maux qui ont entravé le bon fonctionnement de l’OUA L’Union Africaine devait faciliter l’accélération du sur la voie de la nouvelle organisation continentale. Il processus de mise sur pieds de la Communauté est aussi vrai que la structure institutionnelle de l’UA Economique Africaine, la réalisation de la vision (Commission, Parlement panafricain, Conseil de Paix commune d’une Afrique unie et forte et le renforcement et de Sécurité, Conseil Economique, Social et Culturel, des capacités des institutions de l’organisation en leur pour ne citer que ces quatre) permettrait à l’Union procurant les pouvoirs et ressources susceptibles de d’être beaucoup plus efficace si les Etats membres leur permettre de jouer efficacement leur rôle.5 y mettaient de toute leur volonté politique. Sans un changement radical dans ce sens, l’UA ne sera qu’une Cependant, l’analyse de cette Institution depuis sa réplique éhontée de l’OUA. création révèle qu’elle continue à faire face aux problèmes de capacité institutionnelle de ses organes; Du processus d’intégration régionale sa capacité de sanction (reconnue par l’article 23 de en Afrique: Evaluation critique. l’Acte Constitutif) demeurant généralement inopérante. Ses déficits budgétaires la maintiennent dans une A leur accession à l’indépendance à la fin de la situation de dépendance vis-à-vis de ses partenaires décennie 1950 et début de la décennie 1960, les Etats extérieurs. Et la volonté politique des dirigeants africains ne manquaient pas de raisons pouvant les

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motiver à mettre en mouvement un projet d’intégration. La dimension géographique unitaire du continent s’y prêtait tout naturellement. La peur d’un éventuel retour du colonialisme autant que celle découlant d’une conjoncture mondiale caractérisée par la bipolarisation étaient d’autres importants facteurs motivateurs. La position des économies africaines dans les échanges économiques internationaux ainsi que la ferme détermination des leaders d’indépendance à assurer l’amélioration des conditions socio-économiques de leurs peuples justifiaient également l’aspiration africaine à l’intégration régionale. Ainsi Nkrumah (1963, p.163) déclarait en 1963 : «Je ne vois aucune sécurité pour les Etats africains si des leaders comme nous-mêmes ne réalisons pas au-delà d’un quelconque doute que le salut de l’Afrique passe par l’unité. Pour que nous soyons réellement libres et puissions jouir de bénéfices réels d’énormes richesses de l’Afrique, nous devons nous unir et planifier ensemble l’exploitation de nos ressources humaines et matérielles dans l’intérêt supérieur de tous nos peuples.» 

Cependant, le constat général qui se dégage d’une tentative d’évaluation du processus d’intégration sur le continent laisse encore à désirer. Critique acerbe de l’OUA, Jean Mfoulou (1986, p.14) estime que «le projet de l’unité africaine était compromis dans le texte même de la Charte de l’OUA. Dès le préambule déjà, pense-t-il, les fondateurs de l’OUA avaient clairement affiché leur opposition à une unité véritable du continent. C’est cette opposition qui les motiva à se résoudre fermement à sauvegarder et à consolider une indépendance et une souveraineté durement conquises […], à limiter la coordination et l’harmonisation de leurs politiques générales à quelques secteurs bien définis à savoir politique et diplomatie; économie, transport et communication; éducation et culture; science et technique ainsi que défense et sécurité; à insister sur les principes de l’égalité souveraine des Etats membres, de la non-ingérence dans les affaires intérieures des Etats et du respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de chaque Etat.» Mfoulou pense en outre que ces dispositions statutaires – destinées à consolider «une Afrique des Etats ou des patries C’est cette détermination qui est restée, ne fût-ce plutôt qu’une fédération – ont d’ailleurs été renforcées que du point de vue des principes et par les différentes résolutions adoptées même des structures institutionnelles, le plus tard par les Chefs d’Etat et de fil conducteur ayant accompagné l’élite Gouvernement dans leurs conférences, ... les écueils politique africaine dans sa marche sur plus particulièrement la résolution de la voie de l’intégration régionale. A ce 1964 adoptée au Caire [Egypte] en juillet à l’intégration sujet, le Président de la Commission de 1964 sur l’intangibilité des frontières africaine ont été l’UA, Konaré, et le Secrétaire Exécutif héritées de la colonisation.» Toutefois, de la Commission Economique des les écueils à l’intégration africaine ont beaucoup plus Nations Unies pour l’Afrique, Amoako, été beaucoup plus complexes que les complexes que les simples principes fondateurs de l’OUA/ estiment que «la Charte de l’OUA et l’Acte Constitutif de l’UA définissent simples principes AU, moins encore le seul manque l’intégration régionale comme l’un de volonté politique de la part des fondateurs de de piliers de l’unité africaine. Le Plan dirigeants.    l’OUA/UA ... d’Action de Lagos et le Traité d’Abuja ont tous mis sur pieds des mécanismes Dans sa quête des raisons ayant empêché économiques, politiques et institutionnels la réalisation de l’intégration en Afrique, spécifiques en vue de la réalisation de la Commission Economique des Nations cet idéal. L’adoption du Nouveau Partenariat pour Unies pour l’Afrique (2004, pp.30-33) identifie les le Développement de L’Afrique (NEPAD) fournit un contraintes majeures ci-après: cadre global de développement du continent avec • le problème d’adhésion multiple et concurrente; l’intégration régionale comme l’un de ses objectifs-clés. • l’indisponibilité des Etats à adhérer aux programmes L’établissement de la Commission de l’Union africaine d’intégration; démontre clairement la détermination des leaders • insuffisance d’appui technique et analytique; africains à accélérer le processus d’intégration avec • des politiques nationales et macro-économiques beaucoup plus d’efficacité et d’efficience.» (Konaré & divergentes et instables; Amoako, Avant-propos, in ECA 2004, ix). • des capacités et ressources inadéquates entre les Etats et les communautés économiques régionales Au-delà de ces structures à caractère panafricain rendant ces dernières incapables de participer auxquelles Konaré et Amoako font allusion, il y a effectivement au processus d’intégration; lieu d’épingler également les diverses plateformes • le manque de cohérence et des liens entre les suscitées au niveau des sous-régions avec l’objectif programmes de coopération sectorielle et les clair d’accélérer au mieux le processus d’intégration différentes politiques macro-économiques du continent. Le désir de la part des dirigeants africains poursuivis par les communautés économiques à réaliser une plus grande intégration économique de régionales; leur continent les a amenés à créer ce que Daddich • absence ou ineffectivité des mécanismes (cité par Buthelezi 2006, xiv) qualifie «le réseau le plus d’organisation, de mise en œuvre, de contrôle, étendu d’organisations [sous-]régionales au monde.»

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d’évaluation et de révision du processus d’intégration; • absence des mécanismes nationaux de coordination, mise en œuvre et contrôle des politiques et programmes d’intégration; • incapacité des Etats à aligner les objectifs, plans et programmes d’intégration dans leurs programmes nationaux de développement respectifs.

si son objectif d’intégration devra se réaliser. Un certain nombre de préalables devra ainsi être remplis pour que le continent soit considéré comme étant entrain de mouvoir vers sa réelle intégration. Nous avons localisé lesdits préalables à tous les trois niveaux de prise des décisions en Afrique, à savoir le niveau étatique ou interne, le niveau sous-régional et le niveau régional ou continental.

Pour leur part, Asante, Nwonwu et Muzvidziwa (2001, pp.24-32) estiment que «les facteurs contraignant la réalisation d’une communauté économique africaine comprennent les politiques de prêt de la Banque Mondiale et du Fond Monétaire International, les programmes d’ajustement structurel, les guerres civiles et instabilités politiques, le fléau de VIH/SIDA, les barrières linguistiques ainsi que les calamités naturelles.»

Préalables.

En ce qui concerne les communautés économiques sous-régionales, «il y a un terrible problème de chevauchement – de 53 Etats africains, 26 sont membres de 2 communautés économiques régionales et 20 appartiennent à trois. Un pays est concurremment affilié à quatre communautés régionales pendant que seuls six pays sont membres d’une seule communauté. Ceci conduit à des duplications inutiles d’efforts, accroît les obligations et contributions pour les Etats membres et diminue les possibilités de succès collectif» (ECA 2004, x).   En guise de conclusion à notre tentative d’évaluation critique du processus d’intégration régionale en Afrique, nous voudrions faire écho d’une importante question que Jean Mfoulou (1986, p.61) se posait déjà en plein milieu de la crise de l’Organisation de l’Unité Africaine. Il écrivait: «Si […] les chemins de l’unité africaine ont été jonchés d’écueils, voire de véritables pierres d’achoppement, peut-on du moins espérer que dans les années à venir la marche de l’unité du continent ira de l’avant et culminera par l’exaltante étape du triomphe de la supranationalité?» 

Les Etats-Unis d’Afrique: préalables et perspectives d’avenir. L’intégration de l’Afrique a sans nul doute toujours été placée haut dans l’agenda des relations continentales par les différentes générations des Chefs d’Etat et de Gouvernement que l’Afrique a connues depuis les temps de sa décolonisation. C’est dans cette perspective qu’il sied de comprendre les différentes déclarations, résolutions et politiques adoptées ainsi que les autres mécanismes institutionnels mis sur pieds tout au long de la période comprise entre la création de l’OUA en 1963 et sa transformation en UA en 2002. Cependant, réfléchissant au-delà de simples aspects extérieurs de ces déclarations, résolutions, politiques ainsi que mécanismes institutionnels, il se dégage que le chemin à parcourir pour l’Afrique reste encore long

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a) Au niveau des Etats. • Stabilité politique, restauration de la légitimité de l’Etat et bonne gouvernance

S i nous devons épouser le point de vue de Makgetlaneng (voir 2ème partie) qui estime que l’intégration relève de prime abord d’un agenda politique, il y a lieu de reconnaître que la conjoncture actuelle de l’Etat en Afrique n’augure pas en faveur de l’intégration du continent. En effet, l’Etat en Afrique devra tout d’abord relever les défis politiques internes qui sont les siens avant de pouvoir bien assumer son rôle en tant qu’agent d’intégration régionale. Le 1er défi est celui du style de leadership qu’il organise en son sein. Bien sûr, l’on a pu remarquer une baisse significative en ce qui concerne les régimes dictatoriaux et personnels sur le continent dans les deux dernières décennies. Toutefois, il sied de signaler que le fait pour certains dirigeants de certains pays de s’accrocher au pouvoir et/ou de résister à toute transformation significative des régimes a conduit à des violences armées dans des Etats aussi différents que le Rwanda, le Burundi, la République Démocratique du Congo, le Soudan, le Tchad, etc. Ceci crée une situation pouvant être caractérisée de cercle vicieux d’instabilité politique sur le continent, fait de conflits armés, de vagues de déplacés intérieurs et de réfugiés, la destruction des infrastructures… Le 2ème défi, très lié au premier, est celui de la perte de légitimité de l’Etat central vis-à-vis des entités locales et des populations. Ce fait est généralement une conséquence de l’incapacité des dirigeants à satisfaire les besoins fondamentaux et essentiels des citoyens qui, à son tour, s’explique aussi bien par la mauvaise gouvernance de la classe dirigeante que par la crise économique dans laquelle bon nombre de pays se retrouvent engouffrés depuis la fin de la décennie 70. Ce défi est davantage aggravé par les pratiques d’extorsion exercées par les sphères étatiques à la base contribuant à faire de l’Etat un réel instrument de terreur aux yeux de ses populations. C’est à ce dernier fait que Grant et Söderbaum (2003, p.4) font allusion quand ils écrivent que «le modèle inter-étatique d’intégration suivant la procédure institutionnelle formelle qui a jusqu’il y a peu dominé l’analyse de l’intégration en Afrique et partout ailleurs est de plus en plus remis

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en question par la croissante perte de contrôle par les Etats sur leurs propres territoires, la prolifération des réseaux informels ainsi que l’incorporation de l’Afrique (sur des bases de sujétion) dans le nouvel ordre mondial.» En outre, les deux défis de leadership et d’insuffisance de légitimité ne permettent pas parfois à certains dirigeants d’être des interlocuteurs valables face à leurs pairs et consacrent progressivement l’existence de deux zones politiques en Afrique, une politiquement stable et l’autre, instable et en proie aux conflits internes.

à privilégier la poursuite de leur arabisme au détriment de l’Africanité. Tout en souscrivant à cette observation de Makgetlaneng, nous estimons qu’il est important de noter que malgré leurs préoccupations respectives d’arabisme, les Etats d’Afrique du nord ne sauraient pas constituer à ce jour un bloc unifié. L’Egypte, la Libye, le Soudan, la Tunisie, le Maroc et l’Algérie auxquels l’on ajouterait la Mauritanie souffrent autant de manque de cohésion que leurs correspondants au sud du Sahara. Les relations Libye-Egypte sont caractérisées par des méfiances tandis que le Maroc et l’Algérie se sont toujours tiraillés sur le statut définitif de la République Arabe Sahraoui Démocratique (RASD). Leur union sous-régionale commune, l’Union Maghreb Arabe (UMA) est à ce jour l’organisation économique sous-régionale la moins opérationnelle en Afrique. C’est dire donc que les oppositions et les différences interafricaines sont présentes même au sein des régions apparemment homogènes. Les divisions en Afrique doivent ainsi être perçues au-delà du simple clivage racial entre une Afrique arabe (au nord) et une Afrique noire (au sud du Sahara).

• Relance, croissance et diversification économiques.

L’intégration régionale n’est pas simplement endiguée par des problèmes d’ordre politique. Les crises économiques internes à la majorité de pays africains empêchent une coopération socioéconomique viable entre eux. Ceci est davantage compliqué par les inégalités économiques intrarégionales (le cas de la République d’Afrique du Sud et la plupart de pays en Afrique australe ou encore du Nigeria avec certains de ses voisins dont le Bénin et le Niger…) et inter-régionales (la SADC est, par exemple, politiquement et économiquement de loin plus viable que la CEEAC).

• Résolution du problème d’adhésion multiple et concurrente.



E n outre, les pays africains ne commercent généralement pas entre eux non pas puisqu’ils refusent sciemment de le faire, mais plutôt à cause de la nature extravertie de leurs économies. En effet, depuis la période coloniale – situation naguère changée jusqu’à ce jour, à quelques exceptions près – les Etats africains se limitent à produire les mêmes types de matières premières minières et agricoles ne pouvant être transformées qu’en dehors du continent. Cette situation les conduit même à une situation d’extrême compétition entre eux, pour autant que des économies entières d’un bon nombre d’entre eux dépendent presqu’ entièrement de la vente d’un seul produit sur le marché international.

b) Au niveau sous-régional. • Affermissement des Communautés Economiques Sous-régionales.



 ependant, un autre frein à l’intégration du continent C dérive directement de la nature conflictuelle des relations que certains pays africains entretiennent entre eux. Le cas de l’Afrique du nord est particulièrement patent à cet égard. Makgetlaneng (2003, pp.27-28) estime que «l’Afrique du nord fournit un exemple classique de division entre Etats africains.» S’inscrivant dans une perspective purement sous-régionale, Makgetlaneng fustige la tendance de la part des pays arabes d’Afrique Etats unis d’Afrique • page 10

L ’adhésion multiple et concurrente des Etats africains aux communautés économiques sous-régionales a déjà été identifiée comme facteur empêchant la concentration des efforts en vue de l’intégration rapide des sous-régions. Il est donc temps que les Etats se résolvent à éviter d’adhérer à plus d’une communauté économique sous-régionale telle que définie par l’UA, à savoir l’Union Maghreb Arabe (UMA), la Communauté Economique des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEEAO), l’Autorité Intergouvernementale pour le Développement (IGAD), la Communauté Economique des Etats d’Afrique Centrale (CEEAC) et la Communauté de Développement d’Afrique Australe (SADC). Dans cette perspective, par exemple, des Etats tels que l’Angola et la RDC devront choisir entre la CEEAC et la SADC comme leur communauté économique sous-régionale d’appartenance. En outre, l’UA devra s’assurer que les autres plateformes de coopération inter-africaine (UEMOA, CEPGL, SACU, CEMAC, CEN-SAD, COMESA…) ne rivalisent pas, en ce qui concerne leurs objectifs, les cinq communautés sous-régionales identifiées ci-haut.

• Mise sur pieds d’un mécanisme de consultation inter-sous-régionale.

Dès lors que les Africains, du moins leurs dirigeants, ont reconnu et retenu l’intégration sousrégionale comme étape intermédiaire pour parvenir à l’unité rapide du continent, il leur appartient de s’assurer que lesdites organisations sous-

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régionales ne travaillent pas en ordre dispersé. Il y a urgence qu’elles se préoccupent de rechercher la compatibilité entre leurs différents programmes et politiques, harmonisant leurs séquences évolutives et se conformant aux objectifs et délais arrêtés au niveau continental. Assurer cette collaboration étroite entre elles requiert qu’elles mettent sur pieds des mécanismes de consultation inter-sousregionaux. Le rôle de ces mécanismes qui devront fonctionner au sein de l’Union Africaine, sera de permettre la tenue des consultations régulières entre les organisations sous-régionales, rendant possible l’harmonisation de leurs programmes respectifs.

par le NEPAD lui permet de se préoccuper autant de préalables politiques et de questions de bonne gouvernance pour l’accroissement de la compétitivité des économies africaines que de problèmes économiques liés à la relance et à la croissance. Cette situation a souvent été à la base des tensions observées entre l’UA et le NEPAD. Bon nombre d’observateurs ont ainsi parlé de la duplication de l’UA par le NEPAD, avec la seule différence que, contrairement à l’UA, le NEPAD entend être un programme totalement volontariste. En ce temps où des négociations se multiplient pour une intégration totale et définitive du NEPAD dans l’UA – la dernière en date étant la signature des accords d’Alger en Algérie en février dernier – il importe de repenser la ‘clause volontariste et persuasive’ sous-tendant le NEPAD face aux préoccupations ‘d’uniformisation contraignante’ de l’UA. Une fois que l’UA aura totalement intégré le NEPAD en son sein, il lui reviendra de rendre ses processus obligatoires. Par exemple, le Mécanisme Africain d’Evaluation par les Pairs devra opérer comme un indicateur renseignant sur la gouvernance de chacun des Etats membres de l’UA, et non seulement de ceux qui y consentent. Son évaluation devra être périodique et continuelle, assortie de recommandations aux Etats en vue d’amélioration et éventuellement de sanctions contre les Etats récalcitrants.

c) Au niveau continental. • Opérationnaliser la clause des sanctions de l’Union Africaine.

En son temps déjà, l’OUA avait été critiquée sans répit au sujet du régime plus ou moins volontariste et, par conséquent, laxiste qu’il organisait en son sein. En effet, la Charte de l’OUA n’avait pas prévu un régime de sanction contre les Etats récalcitrants. Ceci peut apparemment être amputé à son insistance sur l’égalité souveraine des Etats et à l’idéologie panafricaine telle qu’articulée au lendemain de l’indépendance, i.e. localisant les ennemis de l’Afrique en dehors du continent. Cette absence de régime de sanction signifiait ainsi pour les Etats que seul leur libre arbitre les contraignait à se conformer aux principes, résolutions et décisions de l’Organisation. Cependant, l’avènement de l’UA a amené un ton différent à ce sujet, du moins en terme des principes. L’article 23 de l’Acte Constitutif de l’UA est consacré au régime des sanctions qui seront désormais imposées sur les Etats qui manqueront soit de s’acquitter dûment de leurs contributions au budget de l’organisation, soit de se conformer à ses décisions et politiques. Certes le principe d’égalité souveraine des Etats membres est encore de nature à entraver l’application de l’article 23. Cependant, il est à notre opinion temps que les Etats les plus influents de l’organisation (Egypte, Algérie, Afrique du Sud, Nigeria, Libye) prêchent par l’exemple et œuvrent à se constituer en une hégémonie collective qui se chargera de faire appliquer les décisions de l’UA.

• Résoudre le problème de la dépendance extérieure du continent.

S’il est une caractéristique majeure partagée par tous les pays africains, c’est leur forte dépendance visà-vis du monde développé en général, envers leurs métropoles ou puissances colonisatrices respectives en particulier. Cette dépendance extérieure empêche les pays africains à développer des relations politiques et socio-économiques sincères à plusieurs égards. Premièrement, elle pousse les Etats africains à être concurrent en matière d’aide au développement et d’investissement extérieur. Deuxièmement, elle apporte le problème des conditionnalités dont s’accompagne toujours l’assistance occidentale, conditionnalités qui ne convergent pas très souvent avec les intérêts des Etats africains. Troisièmement, la dépendance extérieure, surtout en terme financier, paralyse le fonctionnement des organisations panafricaines aussi bien au niveau sous-régional qu’au niveau continental.



Cependant, la minimisation de la dépendance extérieure, mieux sa rupture, nécessite une investigation en profondeur sur les causes la soustendant. Un si bref article ne saurait y parvenir. Ceci ne peut pourtant pas nous empêcher de cerner cette problématique dans ses deux aspects les plus apparents, notamment l’aspect politique et l’aspect économique. Alors que la dépendance économique

• Rendre le processus du NEPAD obligatoire.



 epuis son lancement en 2001, le NEPAD s’était défini D comme un simple programme socio-économique de l’OUA/UA. Son objectif ultime est de mettre fin à la marginalisation du continent africain dans les grands enjeux économiques internationaux. La réalisation de cet objectif est, dans l’entendement des pionniers du NEPAD, censé passer par la renaissance à la fois politique, économique, social et culturel du continent. Cependant, l’approche multidimensionnelle adoptée Etats unis d’Afrique • page 11

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peut se minimiser par la relance, la croissance ainsi que la diversification économiques [voir point 5.2.a plus haut], la rupture de la dépendance politique extérieure du continent passe, d’une part, par son auto-suffisance économique et, d’autre part, par le renforcement des mécanismes internes de légitimation des classes dirigeantes aux yeux des populations.







Embrassant la problématique des préalables à remplir en vue de la réalisation de l’intégration régionale en Afrique dans sa totalité, la Commission Economique des Nations Unies pour l’Afrique (2004, pp.33-34) identifie les défis ci-dessous: – Promouvoir une distribution équitable des coûts et bénéfices de l’intégration; – Apporter le soutien technique et financier aux programmes de l’intégration ; – Faire correspondre l’agenda de l’intégration africaine aux autres arrangements extérieurs tels que les exigences de l’Organisation Mondiale de Commerce (OMC) et des accords de Cotonou entre l’Union Européenne et l’Afrique ainsi que les pays des Caraïbes et de Pacifique; – Rechercher la compatibilité entre les différents mécanismes d’intégration régionale conformément aux objectifs de la Communauté Economique et de l’Union Africaine, éliminant au passage les incohérences découlant des affiliations sous-régionales multiples et concurrentes; – Promouvoir la collaboration entre les différentes communautés économiques régionales ainsi que les institutions de développement spécialisées; – Accorder au secteur privé un rôle central dans le processus d’intégration; – Accroître la compétitivité des communautés économiques régionales et de l’Afrique en général, aussi bien sur le plan interne que du point de vue international.

Perspectives d’avenir. Pendant qu’en 1986, Mfoulou recherchait, au regard des écueils parsemant les chemins de l’unité africaine, des raisons de croire au projet de l’instauration de la supranationalité en Afrique, Obasanjo (cité par Asante, Nwonwu et Muzvdziwa 2001, p.1) s’avouait, une année plus tard, «optimiste». Il déclarait en 1987 qu’ «il pressentait l’Afrique commencer le [21ème] siècle qui était le millénaire [à venir] politiquement beaucoup plus stable et unie; économiquement plus autonome, compétitive et auto-suffisante; socialement plus harmonieuse, plus en paix et plus sécurisée.» Cependant, loin d’être béat, l’optimisme d’Obasanjo s’accompagnait de conditions, notamment «la prise en compte des enjeux géopolitiques et économiques internationaux, l’abandon du tribalisme et du nationalisme étroit et l’articulation d’un nouveau concept de ‘territorialité continentale’.»

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Le débat ci-haut n’a pas pour finalité de nous conduire à une appréciation idéologique entre une tendance afro-pessimiste qui voit dans les contre-performances africaines passées un certain destin à l’échec et une école pan-africaniste qui cherche à percevoir des prouesses même dans les échecs les plus palpables. Dans le présent, nous nous limitons simplement à dégager quelques opportunités s’offrant au continent comme des facteurs de facilitation, de justification, voire d’accélération de son processus d’intégration. Les facteurs ci-après ont ainsi été retenus: l’émergence d’un nouveau style de leadership sur le continent, le désengagement de l’Occident, les problèmes socioéconomiques internes, la prise en compte de la société civile ainsi que la fin de grandes crises intraétatiques.

a) L’émergence d’un nouveau style de leadership sur le continent. S’il est un changement significatif s’opérant sur le continent depuis la décennie 90, c’est la disparition lente mais sûre des régimes politiques personnalisés avec des présidents à vie. Assumant tant bien que mal les exigences du système démocratique, le nouveau type de leadership émergeant désormais sur le continent se montre disposé non seulement à admettre leurs limitations internes en terme de la portée réelle de leur pouvoir, mais aussi à revoir leur appréhension sur la notion de souveraineté. La consolidation de ce nouveau système exige certes du temps; il donne pourtant l’espoir que le leadership africain à venir sera, du point de vue qualitatif, plus ‘développementaliste’ et intégrationniste que celui d’avant-1990.

b) Le désengagement de l’Occident. Depuis la fin de la guerre froide, l’Afrique a de moins en moins intéressé l’Occident (i.e. les Etats-Unis et ses alliés de l’Europe de l’Ouest, le Canada et le Japon) en terme de géostratégie internationale. La menace d’expansion communiste en Afrique ayant disparu, ils ne savaient plus justifier la nécessité de consacrer des assistances socio-économiques, politiques, militaires et sécuritaires pour des pays dont ils ne percevaient plus grand-chose en échange. Certes, ce désengagement ou abandon a, dans un premier moment, coupé les Etats africains de l’essentiel de leurs ressources (perçues sous forme d’aide). Mais à long terme, il est entrain d’enseigner aux Africains à l’auto-prise en charge, à l’autonomie ainsi qu’à l’auto dépendance. Il est aussi de nature à diminuer la dépendance extérieure du continent, poussant par le même coup les nations africaines à plus de coopération entre elles.

c) Les problèmes socio-économiques internes Si les problèmes socio-économiques internes aux pays africains les empêchent d’accélérer le processus de leur intégration, ils sont tout au moins une raison Paper 141 • Juin 2007

supplémentaire justifiant la nécessité de coopération entre eux. Avec le désengagement de l’Occident, une aide extérieure décroissante mais toujours assorties de conditions difficiles, l’alternative la plus plausible résiderait dans la coopération et l’intégration régionales.

d) La prise en compte de la société civile. Une caractéristique commune aux régimes dictatoriaux que l’Afrique a connus au cours des décennies 80 et 90 était leur dédain face à la société civile. Même là où elle était politisée, son inféodation au régime signifiait tout simplement qu’elle cessait de représenter quelques intérêts que ce soit pour servir de machine de violence structurelle sur les masses pour le compte du régime. Mais avec les libéralisations socio-politiques de deux dernières décennies, la société civile africaine a une nouvelle opportunité de se reconstituer et de se définir en tant qu’entité autonome, indépendante du régime politique. Certes, les tendances varient selon les Etats. Cependant, les dirigeants africains sont désormais convaincus qu’ils ne sont plus seuls qualifiés à tracer la voie à suivre pour le continent. Aujourd’hui, aussi bien l’UA que les communautés économiques sousrégionales non seulement s’engagent à collaborer avec la société civile mais plus encore commencent à dédier des stipulations juridiques et statutaires à cet effet.

risques de ‘désintégration-anarchie’ et les exigences d’auto-redéfinition’. En un temps où la mondialisation triomphe comme l’idéologie dominante dans la sphère politico-économique internationale, l’Afrique réalise les limites inhérentes à sa perception restrictive du concept de souveraineté. De plus en plus elle affiche sa préoccupation à se présenter comme un front uni non seulement de l’extérieur, mais aussi de l’intérieur. Pour ce faire, elle déploie divers mécanismes et cadres destinés à accélérer son processus d’intégration. Cependant, alors que des perspectives attrayantes s’offrent à la réalisation d’une entreprise aussi grandiose, c’est dans sa capacité à définir une stratégie réaliste et non complaisante que dépendra le succès de cette entreprise.

Notes. 1.

e) La fin de grandes crises intra-étatiques. Les longs conflits intra-étatiques dans des pays comme l’Angola, le Mozambique, le Liberia, la Sierra Leone, le (sud-) Soudan, le Burundi, la République Démocratique du Congo et l’Ouganda (nord) ont non seulement endigué la stabilité politique et annihilé les efforts de développement socio-économique dans les pays où ils se sont produits, mais aussi ceux du continent africain dans sa totalité. Bien que bon nombre de pays restent encore dans des situations des conflits violents ouverts (la Somalie, le Tchad, la République Centrafricaine, le Soudan-Darfur et encore dans une certaine mesure la Côte d’Ivoire), il y a lieu d’admirer la tendance à la stabilisation du continent. Sans nul doute, une fois consolidée, cette stabilité s’avérera propice à la croissance économique et à l’intégration des sousrégions et, partant, à celle du continent tout entier. Toutes ces opportunités ne sauront contribuer à la véritable intégration de l’Afrique que si l’on s’atèle à créer des espaces intégrés sous –régionaux par étapes. Les résultats atteints à chaque étape accéléreront l’intégration continentale. Sinon la mise sur pieds d’institutions continentales supranationales n’aura servi à rien si les réponses étatiques et sous-régionales à l’égard de ces institutions sont négatives.

2.

3.

4.

Conclusion. 5.

Depuis le début de la décennie 1990 l’Afrique se trouve à la croisée des chemins, écartelée entre les

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L’on se souviendra à cet égard que le Maroc est jusqu’à ce jour opposé au Front Polisario sur le statut définitif du Sahara Occidental. Le Maroc considère ce dernier comme faisant partie intégrante de son territoire national pendant que le Front Polisario s’était résolu à s’engager dans la lutte armée en vue de contraindre le Maroc à reconnaître le Sahara Occidental comme un Etat. En 1986, sur candidature du Front Polisario, le Secrétaire-Général de l’OUA de l’époque, Mr. Edem Kodjo du Togo, avait rendu possible l’admission du Sahara Occidental en tant que membre à part entière de l’organisation continentale. En réaction, le Maroc avait tout simplement décidé de se retirer. Au moment de l’éclatement de la crise congolaise, le groupe des ‘radicaux’ était constitué du Ghana, Maroc, Guinée, Algérie, Mali et Egypte. Les modérés étaient constitués du Cameroun, République Centrafricaine, Tchad, Congo-Brazzaville, Bénin, Gabon, Côte d’Ivoire, Madagascar, Mauritanie, Niger, Sénégal et Burkina Faso, auxquels se joignaient l’Ethiopie, le Liberia, la Libye, le Nigeria, le Togo, la Somalie, le Soudan et la Tunisie. La «conscience non-alignée» qui se manifesta en mouvement non-aligné avait invité en son sein à sa conférence de Bandoeng (Indonésie) certains leaders d’Etats coloniaux africains – dont le Ghanéen Kwame Nkrumah – en signe de solidarité aux peuples africains pour leur décolonisation. Le mouvement non-aligné qui regroupait les Etats dits du Tiers Monde avait pour objectif ultime de s’employer à affirmer l’autonomie du groupe qu’il représentait au regard de la bipolarisation Est – Ouest de l’époque et à s’investir à amener les deux blocs à reconsidérer un nouvel ordre politicoéconomique international qui, à la fois, apaiserait les rivalités et permettrait aux pays sous-développés de jouir d’opportunités équitables avec les nations développées sur le marché international. Lire à ce sujet Walraven, K.V., 1999. Dreams of power. The role of the Organisation of African Unity in African politics 1963 – 1993. Aldershot / Leiden: Ashgate / African Studies Centre, pp.93-95. Ces divisions sont devenues apparentes en cette période particulière à cause de la crise congolaise (RDC) et de la guerre d’indépendance en Algérie.

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6.

7. 8.

Néanmoins, il sied de signaler que le Togo avait été exclu des séances suite au coup d’Etat qui venait de s’y produire et l’assassinat de son premier Président, Sylvannus Olympio, qui en découla. Le Maroc s’absenta quant à lui en protestation à l’invitation de la Mauritanie avec laquelle il avait des différends frontaliers. UN Declaration on the Critical Economic Situation in Africa, December 1984, preamble. Voir à ce sujet le préambule de l’Acte Constitutif de l’UA, notamment les paragraphes 6, 7 et 10.

Bibliographie

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La Mission de ISS La vision de l’Institut d’Etudes de Sécurité est celle d’une Afrique stable et en paix caractérisée par le respect des droits humains, l’état de droit, la démocratie et la sécurité pour tous. Par la recherche de politique appliquée, l’Institut a une mission de conceptualiser, informer et susciter la discussion sur les questions de sécurité en Afrique.

A propos de cet article Depuis leur accession à l’indépendance politique, les Etats africains n’ont pas cessé de se préoccuper de l’intégration régionale en Afrique. Les raisons justifiant une telle inclinaison de leur part étaient légion, comprenant des domaines aussi variés que ceux du politique, de l’économique, du social et du culturel. Cependant plus de quarante années après les années d’indépendance, pas grand-chose ne semble pouvoir être jetée à l’actif de l’intégration régionale en Afrique. Cet article se veut une évaluation du processus d’intégration régionale en Afrique depuis la création de l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA) jusqu’à sa forme actuelle, l ’Union Africaine (UA). Partant de leçons qui se tirent des expériences passées en la matière, il dégage les préalables et analyse les perspectives pour la réalisation du projet des Etats-Unis d’Afrique.

A propos de l’auteur UMBA DINDELO est chercheur Associé au “Centre for International Political Studies (CiPS)” de l’Université de Pretoria en Afrique du Sud. Il a servi comme conseiller des ministres dans divers départements en République Démocratique du Congo. Il est consultant auprès de plusieurs organisations non-governementales. Ses recherches portent sur la paix et la sécurité ainsi que la démocratisation en Afrique centrale et australe. Il est titulaire d’un Master en Sciences Diplomatiques. SADIKI KOKO est un chercheur indépendant basé en Afrique du Sud. Ses domaines de recherche couvrent la politique d’identité, les politiques de démocratisation et conflits dans la région des Grands-Lacs d’Afrique. Il est porteur d’un Master en Résolution des Conflits.

Donateurs La recherche sur laquelle cet article est basé a été rendue possible par l’appui généreux de l’ambassade de Swisse en Ethiopie, l’Ambassade de Danemark en Ethiopie et le Deutsche Gesellschaft für Technische Zusammenarbeit (GTZ).

© 2007, l’Institut d’Etudes de Sécurité • ISSN: 1026-0404 Les opinions exprimées dans cet article ne reflètent pas forcément celles de l’Institut, ses Administrateurs, membres du Conseil ou donateurs. Les auteurs contribuent aux publications de l’ISS en leur capacité individuelle. Publié par l’Institut d’Etudes de Sécurité Siege principal • Boîte Postale • Brooklyn Square • 0075 • Tshwane (Pretoria) • Afrique du Sud Tél: +27-12-346-9500/2 • Fax: +27-12-460-0998 Mail: [email protected] • http://www.issafrica.org



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