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Subsidies and Depletion of World Fisheries: Case Studies,. Washington, D.C., Fond mondial pour la nature (WWF) – Etats-Unis, 1997). Comme nous soulignons ...
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Avis

Ce texte constitue la version préliminaire d’un éventuel chapitre du livre présentant un Indice de progrès véritable (IPV) pour le Québec dont l’élaboration est en cours. Il fera partie d’une série de chapitres touchant l’ensemble des secteurs du développement au Québec. Le dossier traitant de l’effondrement de la pêche à la morue est présenté ici dans une forme qui permet une lecture indépendante de cet objectif plus global, tout en fournissant le contexte et les orientations de ce travail. L’IPV est un indice synthétique élaboré depuis vingt ans par les « économistes écologiques »; ceux-ci insistent sur le fait que toute activité économique est fondée sur le milieu naturel, en termes de ressources, en termes de puits pour les rejets ou comme cadre pour l’ensemble de l’activité humaine via les systèmes géophysicochimiques qui régissent la vie sur la planète. L’objectif principal de l’IPV est de fournir un correctif au PIB lorsque ce dernier est utilisé comme indice de développement et de « progrès », comme c’est le cas généralement. L’IPV part des dépenses personnelles, la partie la plus importante du PIB, pour ensuite effectuer (i) des soustractions pour tenir compte des impacts négatifs du développement en matière sociale et environnementale et (ii) des ajouts pour tenir compte de contributions au développement qui ne figurent pas dans le PIB. Des exemples des premières sont la pollution de tous genres et l’épuisement de ressources non renouvelables, des deuxièmes, le travail non rémunéré et le bénévolat. Tous ces calculs sont faits en termes monétaires, pour rendre possible et directe la correction du PIB. L’approche constitue une reconnaissance que le « bien-être » de la population peut être associé, dans un premier temps, à son accès à des biens matériels et à des services fournis par les activités économiques, mais une reconnaissance en même temps que cet accès comporte des coûts. Le calcul de l’IPV soustrait du PIB les coûts des impacts de ces activités, c’est-à-dire les passifs que tout bilan qui se respecte devrait inclure. La plupart des IPV calculés à ce jour montrent un « développement » pendant les dernières décennies dont les bénéfices sont beaucoup moindres que ceux suggérés par le PIB. Un plafonnement dans la progression de ce développement est également constaté à partir des années 1970. La publication de l’IPV pour les États-Unis en 2006 fournit une vue globale des travaux impliqués dans cet indice synthétique global. Voir http://www.rprogress.org/sustainability_indicators/genuine_progress_indicator.htm

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La (mauvaise) gestion des ressources halieutiques en milieu marin

PRÉLIMINAIRE

Table des matières

Introduction : la morue comme espèce emblématique

1. L’évaluation du coût de l’effondrement des stocks Une première approximation à l’évaluation du coût de l’effondrement Une deuxième approximation à l’évaluation du coût de l’effondrement

2. Le coût de la surexploitation des stocks de poissons de fond – première approximation Les stocks de morue dans le golfe La valeur des stocks de morue La perte de valeur annuelle et cumulative des stocks de morue

3. Le coût de la surexploitation des stocks de poissons de fond – deuxième approximation Les prises 1986-1007 La valeur des prises 1971-2007 La perte annuelle et cumulative des bénéfices Le calcul de l’IPV pour les ressources halieutiques Comparaison des deux approximations au coût de l’effondrement des stocks de morue

Conclusion

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Introduction : la morue comme espèce emblématique Une petite partie de la population du Québec vit en bordure de la mer et en dépend pour sa subsistance. La disparition progressive des énormes ressources halieutiques présentes lors de l’arrivée des premiers Européens 1 semble peu connue, mais le plus récent épisode de mal développement de ce territoire permet d’en faire le constat, contemporain cette fois-ci. La Figure 1 montre le golfe du Saint-Laurent, le territoire des communautés des pêcheurs québécois. Figure 1

Carte du golfe du Saint-Laurent

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La confrontation à l’abondance dans un territoire loin de chez eux, jumelée à une rareté grandissante associée aux sources d’approvisionnement antérieures, a amené les Européens à éliminer progressivement dans ce nouveau territoire, et au fil des siècles, toute une série de composantes de ce qui étaient des écosystèmes complexes et hautement productifs à leur arrivée. Comme pour la forêt de feuillus (incluant les pins), l’histoire en était une d’exportations massives vers le vieux continent, pour soutenir une vie qui était déjà non soutenable à plusieurs égards. C’était le début de la période où l’exploitation des ressources des colonies a permis aux Européens de maintenir un niveau de vie somme toute trop élevé, eu égard à la dévastation occasionnée dans les régions du globe où vivaient et, surtout, allaient vivre de grandes populations d’autres races humaines.

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Voir Farley Mowat, Sea of Slaughter, Key Porter, Toronto (1984), pour une présentation captivante de cette histoire. Elle est malheureusement trop représentative d’un développement non durable qu’a connu l’Amérique du Nord presque à sa grandeur – pour ne parler que de notre continent. 2

L’Industrie de la pêche, Région du Québec : Profil socio-économique 2009, MPO, mars 2010, p.1 3

Parce que le phénomène s’est opéré « sous nos yeux », la surexploitation suivie de la disparition des stocks de morue dans le golfe du Saint-Laurent fait figure de modèle, aux yeux de la population, de nos problèmes de gestion des ressources. 3 Pendant les années 1970 et 1980, en dépit d’avertissements sans arrêt de la part des pêcheurs, et ensuite des scientifiques, les décideurs politiques ne trouvaient pas le moyen (politique) d’intervenir avec des mesures appropriées pour en assurer la sauvegarde des espèces de poissons poussées à la limite de la survie. Nous n’entrerons pas dans le débat sur les autres causes qui ont peut-être contribué à l’effondrement des stocks, comme le refroidissement des eaux de l’Atlantique du Nord-ouest. Nous ne faisons que souligner qu’il s’agit possiblement d’un cas qui montre les interrelations entre les écosystèmes planétaires et les risques que court l’ensemble de ces écosystèmes actuellement. Le déni et le refus d’action par les politiciens, en dépit des avertissements des scientifiques face à la menace des changements climatiques, comportent beaucoup de ressemblances avec l’histoire de la morue que nous traçons dans ce chapitre. L’effondrement des stocks a été désastreux pour les populations côtières qui vivaient de l’extraction de ces « ressources renouvelables » depuis quatre siècles; c’était l’aboutissement d’une longue histoire. Aujourd’hui, c’est l’extraction du pétrole qui place Terre-Neuve et Labrador parmi les provinces les plus « riches » du Canada, suivant la définition du terme « richesse » fournie par les économistes, qui n’a presque rien à voir avec le concept de bénéfices qui peuvent durer dans le temps et qui est l’objet de l’IPV. Les quelques communautés de la Côte-Nord, des Îles-de-la-Madeleine et de la Gaspésie, au Québec, sont trop peu nombreuses pour ressortir clairement dans le bilan « économique » global de la province, mais leur sort mérite qu’on s’y attarde, l’histoire du développement du Québec en étant une, pour cette première partie de l’IPV, d’occupation de différents territoires. La profonde modification des écosystèmes du golfe tracé par Mowat a pris des siècles. La disparition de certaines espèces au cours des siècles a entrainé une réorganisation des écosystèmes, essentiellement fondés sur une compétition entre les espèces pour l’espace et la nourriture. La disparition d’une espèce est due à un taux de mortalité supérieur au taux de reproduction et ce sur une période relativement longue, et dans le cas de la morue, la prédation due à la pêche a été pendant longtemps insuffisante pour mettre en danger les stocks. La notion de niches écologiques permet de comprendre un peu mieux cette capacité des écosystèmes à se réorganiser, se restructurer. Ainsi, chaque espèce ou groupes d’espèces possède sa niche dans le vaste système écologique et sa niche est définie par sa capacité de compétition pour l’espace et la nourriture. Si une espèce se retrouve en difficulté à cause de sur-prédation, comme dans le cas de la morue par une espèce qui se trouve en dehors de l’écosystème marin et

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Voir, pour un portrait très pertinent, même s’il décrit l’expérience à Terre-Neuve et Labrador, Rapport du Partenariat visant le développement durable des villages côtiers et des écosystèmes marins de Terre-Neuve et du Labrador, Stuart Smith, président, Table ronde nationale sur l’environnement et l’économie et Judith Rowell, présidente, Table ronde de Terre-Neuve et du Labrador sur l’environnement et l’économie, Table ronde nationale sur l’environnement et l’économie (1995) 4

qui n’y est donc pas assujetti, elle ne peut plus défendre sa niche, qui se trouve alors lentement envahie par les autres espèces qui en profitent pour étendre leur espace vital. Il reste que l’énorme destruction opérée dans les écosystèmes du golfe du Saint-Laurent pendant quatre siècles a éliminé de nombreuses espèces dans le haut de la chaine alimentaire et a résulté dans une simplification de ces écosystèmes. Aujourd’hui, les nouvelles menaces se posent en termes de décennies, voire d’années. C’est peut-être surtout en ce sens que le cas de la morue représente quelque chose d’important pour une évaluation de notre progrès. À cet égard, il importe de souligner que le présent travail ne porte que sur une seule espèce et sur les enjeux écologiques et économiques de cette espèce. L’organisme GPI Atlantic a travaillé sur un IPV pour les ressources marines de la province de Nouvelle-Écosse en brosse le portrait: The annual value of ecosystem services for the oceans off Nova Scotia is calculated very roughly as $US119 billion (1997 dollars). The enormity of this figure highlights the fact that the total value of ecosystem services provided by Nova Scotia’s marine environment is clearly not captured in the fishery’s GDP. Indeed the value estimated here is more than 340 times greater than Nova Scotia’s fishery GDP has ever reached. 4 Ce chapitre sur les coûts sociaux et écologiques de l’effondrement des stocks de morue utilise donc la morue comme proxy pour l’ensemble des impacts « économiques » de la mauvaise gestion des pêches dans le golfe. Cela a débuté avec l’arrivée des Européens, pour qui la question de la gestion ne se posait même pas devant le spectacle de l’abondance qu’ils voyaient. La disparition de la pêche à la morue sert peut-être mieux que tout autre élément de l’IPV à nous confronter à une rareté planétaire en termes de ressources et de milieux pour accueillir nos déchets. Cette rareté, dont nous sommes toujours plus ou moins conscients, est maintenant notre défi, après avoir vu l’exploitation à outrance des ressources du « nouveau monde » et une croissance démographique qui complique énormément toute réflexion et toute action sur les gestes à poser aujourd’hui. Il est à craindre que les courbes de l’effondrement que nous allons présenter, suivant des prises records que les indicateurs économiques ne permettaient pas de bien interpréter, soient celles qui nous guète plus généralement, alors que tous nos indicateurs économiques (en faisant abstraction de la « récession » jugée passagère des années 2007-2010) reflètent toujours l’abondance.

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GPI Atlantic, A. Charles, C. Burbidge, H. Boyd and A. Lavers. 2009. Fisheries and the Marine Environment in Nova Scotia: Searching for Sustainability and Resilience. GPI Atlantic. Halifax, Nova Scotia. Web: http://www.gpiatlantic.org/pdf/fisheries/fisheries_2008.pdf . Ce rapport est une mise à jour d’un rapport de 2002, A. Charles, H. Boyd, A Lavers, C. Benjamin, The Nova Scotia GPA, Fisheries and Marine Environment Accounts : A Preliminary Set of Ecological, Socioeconomic and Institutional Indicators for Nova Scotia’s Fisheries and Marine Environment à http://gpiatlantic.org/pdf/fisheries/fisheries.pdf . Rapport, 2002, Executive Summary, p.v 5

1. L’évaluation du coût de l’effondrement des stocks L’exploitation des ressources de la mer a été importante pour plusieurs communautés au Québec, dont le développement en dépendait. L’effondrement des stocks de poissons de fond représente une perte de potentiel de développement reliée à la dégradation du capital à la base du développement. Notre approche tiendra compte d’apparents bénéfices obtenus pendant l’effondrement, en correction des données fournies par le PIB, mais mettra un accent sur l’évaluation des services moindres fournis par la pêcherie pendant plusieurs décennies et qui continue. L’Organisation des Nations Unies pour l’Agriculture (FAO) fournit un résumé de la situation au Canada relative à la perte de ces ressources et aux liens ente ces ressources et les communautés: Les pêches de morue du nord de Terre-Neuve ont manifestement connu une période de profond marasme, vers la fin des années 1980, accompagné d’une chute des estimations des stocks de poissons. L’effondrement complet observé en 1992 a été à l’origine d’un moratoire commercial sur la pêche, maintenu à toutes fins pratiques jusqu’à ce jour. Peu de temps après, la plupart des autres stocks de poissons de fond des eaux atlantiques du Canada ont donné lieu soit à une fermeture complète de la pêche, soit à une brusque réduction de l’effort de pêche. Il en a résulté essentiellement le plus important licenciement massif de travailleurs de l’histoire canadienne. 5 Dans la foulée de ces expériences, le gouvernement fédéral a adopté la Loi sur les océans, en 1997, et cela a été suivi en 2002 par l’adoption de la Stratégie canadienne sur les océans. Ces interventions représentent clairement un effort d’améliorer la capacité de gestion des ressources des milieux marins. Il reste que les constats scientifiques ne réussissaient pas à contrer un autre indicateur critique, la valeur des prises. Celle-ci était en hausse jusqu’à l’effondrement, et même après, en raison d’une hausse de prix présumément associée, comme c’est souvent le cas, à une rareté relative des poissons sur les marchés. C’est la valeur des prises qui semble avoir été l’indicateur suivi par les décideurs, tout comme par les communautés qui dépendaient des pêches, en même temps que ces dernières constataient de visu le problème de fond. La perte des revenus provenant de la pêche constitue un indicateur qui permet de bien cerner la valeur – le coût - de la dégradation du milieu marin québécois. Nous avons choisi la disparition de la morue comme poisson à valeur commerciale comme indicateur de l’état de ce territoire. Nous faisons une évaluation similaire à celle-ci dans notre analyse de l’exploitation du territoire forestier au Québec, dans le chapitre sur cette autre composante de l’IPV. Les « stocks » de morue en termes de biomasse sont évalués régulièrement par le ministère des 5

http://www.fao.org/DOCREP/006/Y4647F/y4647f06.htm nos italiques. La FAO se fonde pour cette partie du rapport sur W.E. Schrank, “The Newfoundland Fishery: Past, Present and Future”, pp.35-70 dans S. Burns (éd.), Subsidies and Depletion of World Fisheries: Case Studies, Washington, D.C., Fond mondial pour la nature (WWF) – Etats-Unis, 1997). Comme nous soulignons dans l’Introduction de ce chapitre, l’effondrement des stocks de poissons de fond suivait l’effondrement de populations de mammifères, et le cas de la morue est loin d’être unique. 6

Pêches et des Océans du Canada (MPO), selon les différentes sections du golfe du Saint-Laurent où se font les pêches des provinces de l’Atlantique et du Québec. La Figure 2 fournit la carte de cette grande zone, où les zones de pêche sont définies par la North Atlantic Fisheries Organization (NAFO). Figure 2

Les secteurs maritimes du Québec et les zones de pêche à la morue

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Dans notre analyse, nous allons porter l’attention sur la pêche à la morue dans la zone 4S, que nous allons associer à la « morue du nord » du golfe, et la zone 4T, qui est la zone de la « morue du sud »; les pêcheurs ont également accès à d’autres zones, dont 3Pn. Lors des activités de pêche, il importe en principe de maintenir tout capital de base et de vivre sur les intérêts générés par ce capital. Les stocks de poissons représentent le capital naturel permettant l’exploitation humaine par les communautés riveraines; les prises chaque année représentent les flux générés par ce capital. Dans son suivi des ressources halieutiques du golfe 6

Source : Étude des régions côtières du Québec : Impact des programmes de rationalisation des pèches maritimes, MPO, Région du Québec (2002), p.53. La lecture de ce document montre bien l’ensemble des contraintes empêchant la résolution de la crise, et la réorientation de la pêche vers de nouvelles espèces de poissons et (surtout) de crustacées, sans que l’on ne puisse y voir de raison pour de l’optimisme quant à leur gestion. 7

du Saint-Laurent, le MPO ne met pas autant d’effort sur des connaissances fondamentales pour l’ensemble des espèces qui intègrent les différents écosystèmes que sur les espèces à intérêt commercial. Même dans un tel contexte, le travail du MPO ne lui a permis de constater que tardivement des baisses dans les stocks de morue menant à l’effondrement. La présentation de la situation en Nouvelle-Écosse par les auteurs du rapport de GPI Atlantic de 2008 présente en même temps l’expérience des autres juridictions autour du golfe du SaintLaurent : Atlantic Canada was “ground zero” for what is perhaps the most widely used example of the shortcomings of traditional economic measures in renewable resource industries; the collapse of the once lucrative groundfish fishery (for cod and similar bottom-dwelling species) in the 1990s. The stability and high value of the fishery GDP through the 1980s, along with the growing employment levels in the industry during this period, did not warn of the declining health of the groundfish stocks and the impending collapse of the fishery. 7 En dépit de l’expérience historique décrite par Mowat, la notion d’effondrement de stocks (surtout à une échelle aussi grande que le golfe) semblait rester impensable chez les gens, à tous les niveaux. Derrière les modèles du MPO, basés essentiellement sur les débarquements et sur les données concernant la taille, l’âge et la fécondité des reproducteurs obtenues par les biologistes à bord des bateaux de pêche et des bateaux de MPO, on doit soupçonner qu’il y avait une ignorance fondamentale sur le comportement des écosystèmes complexes soumis à un grand déséquilibre dû à la sur-prédation d’une espèce dominante de ces écosystèmes. La notion de niche écologique n’était pas encore bien développée, mais permet de mieux comprendre ce qui semble être la disparition définitive des énormes masses de poissons jugées, jusque aujourd’hui, impensable. Le principe de la LDD visant le maintien de la capacité de support des écosystèmes est clé pour une évaluation de cette situation, en complément au principe de l’efficacité économique qui insiste sur ce maintien. Les communautés actuelles qui souffrent de la mauvaise exploitation qui a eu lieu dans le passé représentent un cas frappant d’iniquité intergénérationnelle 8. La SGDD de 2007 ne parle de ces communautés que via ses références floues au développement régional, mais ces références sont opérationnalisées en dépit de la SGDD via la Politique de l’eau de 2002 et plusieurs de ses 54 engagements. Notre approche à l’évaluation de la diminution du potentiel de développement dans les communautés va passer par deux étapes. (i) Dans une première étape, nous utilisons les données sur la biomasse des stocks calculées par le MPO et qui existent depuis 1974; selon ces calculs, les stocks atteignaient un maximum en 1983. À partir de cette date, le MPO a constaté des baisses, mais cela n’a pas fourni le signal d’alarme nécessaire, possiblement parce que la morue du sud a connu une progression de ses stocks jusqu’en 1986. 7

Op.cit., p.3 Suivant l’analyse de la Table ronde nationale sur l’environnement et l’économie, nous sommes portés à croire que la pêche hauturière, avec des bateaux de plus en plus gros et nombreux, draguant de façon irresponsable les fonds marins, dont les lieux de fraie, et possédant des quotas de pêche tout aussi irresponsables, représente la source première de l’effondrement. 8

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(ii) À une deuxième étape, nous allons passer par une combinaison des données sur les prises et sur la valeur de celles-ci. Il s’agit de données réelles, et c’est cette approximation que nous retenons pour le calcul de l’IPV. Alors qu‘il y a deux faiblesses importantes dans la première approximation, soit les modèles utilisés par le MPO et les prix du marché, la faiblesse de la deuxième approximation réside surtout dans les prix, en raison des multiples facteurs qui les influençaient. Une première approximation à l’évaluation du coût de l’effondrement Nous prenons les données de base de 1985 comme point de départ pour le calcul du coût de l’effondrement des stocks de morue. Cette valeur est le reflet de la combinaison du prix sur le marché et de la biomasse des stocks des reproducteurs. Cette combinaison a été conçue par GPI Atlantic dans son travail de 2002 pour représenter la valeur du capital naturel en question. GPI cherche surtout à évaluer l’état des stocks par son approche. Il souligne plusieurs éléments qui permettent de lier la valeur de ce capital au suivi de la situation permis par les indicateurs économiques traditionnels, dont le PIB. Media reports on the “State of Nova Scotia’s Fishery” traditionally focus on the annual quantity of fish caught, the total fishery revenue, and the level of fish exports. All of these factors are included in the fishery’s contribution to the Gross Domestic Product (GDP), the conventional measuring stick of economic progress and prosperity. Between 1984 and 1991, the fishery GDP fluctuated between $285 and $356 million (in 1997 dollars) (NS Department of Finance, 2001). The fishery GDP declined during the early 1990s, to less than $200 million in 1995, but has since levelled out, reaching about $210 million in 1999. Overall, therefore, the fishery GDP has declined by about one-third in the last decade, and its percentage contribution to provincial GDP has declined even more as total provincial GDP continued to grow. Note that these GDP figures are affected by the overall landings in the fishery, the species mix in that catch, and the prices involved. 9 Nous soulignons que les bénéfices pour la société que nous voulons évaluer se trouvent dans les prises. 10 L’évaluation de ces prises comporte plusieurs hypothèses, dont les principales sont que la biomasse des stocks reproducteurs – venant des modèles du MPO - est en relation directe avec la biomasse des prises et que la dégradation constante des stocks reproducteurs est reflétée dans le cumul des pertes dans les prises annuelles établies en fonction du prix du marché pour les poissons. Nous allons simplifier les hypothèses en présumant que les prises représentent un certain pourcentage des stocks calculés selon les modèles du MPO. Une deuxième approximation à l’évaluation du coût de l’effondrement Pour la deuxième approximation de la (perte de) valeur des bénéfices, nous prenons la perte annuelle des services inscrite dans la valeur des prises en baisse depuis 1985 – les données 9

GPI 2002, pp.29-30

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Nous soulignons que GPI Atlantic ne fait pas le lien entre la valeur des stocks des reproducteurs et les flux pris en compte par l’IPV que nous tentons d’établir. Nous procédons ainsi pour obtenir une première approximation du coût de l’effondrement. 9

existent - comme le reflet de la baisse (la dégradation) du stock lui-même. Autrement dit, la baisse de la valeur des stocks d’une année à l’autre, du moment que le déclin a été enclenché, est présumée en lien avec la perte des bénéfices, cette baisse représentant la capacité moindre de générer des flux. D’une année à l’autre, les pertes (ou les augmentations, rares et illusoires) sont cumulatives, reflet de la baisse des stocks qui produisent de moins en moins de flux. Le coût inscrit par l’IPV représente, en partie, une « correction » du PIB pour les augmentations illusoires, mais surtout le niveau de bien-être rendu moindre en raison de l’état du capital naturel dont il dépend. Nous calculons donc le cumul des pertes de valeur des prises au fil des années, puisque la perte d’une année continue dans la suivante, où la nouvelle baisse des stocks génère une nouvelle perte qui s’ajoute à la précédente. Ces pertes comportaient un impact direct sur les communautés qui dépendaient de la pêche, et une diminution de leur bien-être et du progrès qui était recherché par l’exploitation des ressources du territoire. Puisque le prix du marché, qui montait, semblait suggérer que les choses allaient bien, la courbe de la valeur des prises est faussée comme indicateur de l’état du capital naturel en cause, pour un certain temps. Il reste que le déclin est tellement dramatique que cet indicateur finit par permettre de faire une évaluation du processus menant à l’effondrement. Il s’agit d’un des nombreux cas où l’IPV, restant dans les données fournies par les marchés pour permettre la relation au PIB, a recours à des informations qui ne sont clairement pas le reflet de l’état du capital, naturel, produit, social ou humain.

2. Le coût de la surexploitation des stocks de poissons de fond : une première approximation D’une part, et au même titre que pour les autres ressources naturelles renouvelables, les activités commerciales liées aux ressources halieutiques contribuent au PIB. Par ailleurs, les interventions gouvernementales pour soutenir les communautés affectées par cette crise ont été comptabilisées dans le PIB, par leur transformation à partir des revenus obtenus en consommation qui en découlait. D’autre part, certains phénomènes résultant souvent d’interventions anthropiques comme la surpêche, l’introduction d’espèces indésirables, les changements dans l’environnement comme le refroidissement de l’eau, l’eutrophisation et les pluies acides contribuent à réduire le capital naturel de ces ressources halieutiques. Le PIB ne tient compte de ceux-ci qu’en fonction de leur influence sur les marchés. Ce deuxième phénomène, manifesté par une diminution des services bénéfices fournis par les stocks, amène une soustraction correspondante de l’IPV et ainsi une « correction » du PIB. Notre indicateur pour cette soustraction est la valeur de la perte de la biomasse telle que celle-ci a été calculée par le MPO. Comme pour la dégradation de la forêt québécoise, que nous avons associée à un « manque à gagner » pour la société et une atteinte au « progrès » voulu, nous voyons la dégradation des stocks des poissons de fond – ici, de la morue – comme étant également une atteinte au progrès de la société.

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GPI Atlantic estime la valeur du capital naturel en cause en multipliant la biomasse du stock reproducteur par le prix du marché. Nous testons cette méthode, lorsqu’elle est appliquée à une évaluation des flux, en calculant une première approximation du coût de l’effondrement. Le stock reproducteur 11, la partie de la population qui a atteint la maturité sexuelle et est âgée d’au moins 5 ans, assure le maintien des populations et par conséquent reflète la possibilité d’une exploitation soutenue. La décision de retenir le prix établi sur les marchés pour évaluer ces stocks suit le processus fondamental de l’IPV, qui cherche à « corriger » le PIB tout en restant dans les paramètres des marchés. Comme GPI Atlantic, nous soulignons et soulignerons que ces prix sont néanmoins souvent eux-mêmes de mauvais indicateurs, augmentant alors que l’effondrement et la rareté s’approchent. Nous présentons la situation en passant des stocks à la valeur des stocks et, finalement, à la situation décrite par leur application à la valeur des flux. Nous le faisons en traitant séparément les deux stocks de morue au Québec, ce qui permet de voir les variations dans l’expérience des deux secteurs et l’impact sur les communautés qui en dépendaient. Les stocks de morue dans le golfe GPI Atlantic montre qu’en effet, suivant les données du MPO, l’état des stocks déclinait alors que la valeur des prises augmentait, une caractéristique notoire d’une situation où le PIB ne capte pas les signes d’un effondrement de stocks de différents types de capital naturel. The biomass of cod stocks off the coasts of Nova Scotia rose steadily in the years leading up to the mid-1980s, then dropped precipitously for almost a decade (the case of the ‘fishable’ biomass). Meanwhile, the price of cod (adjusted for inflation) remained essentially constant through the 1970s until around 1985, rose to a peak in 1987, then dropped temporarily before resuming a steady increase, to reach its highest recorded levels in the mid-1990s (Figure 18). Cod prices in the mid-1990s were more than twice as high as those in the early 1980s. The product of these indicators, price and biomass, produces a measure of the natural capital embodied in Nova Scotia’s cod stocks. The value of this natural capital increased between 1985 and 1988, but then exhibited a steady decline in value from 1988 to 1994, as the collapse of the cod stocks led to a historic low level of natural capital in 1994. Perhaps the most dramatic aspect of this is that the decline in natural capital occurred despite a considerable price increase. 12 Le rapport de la Table ronde nationale fait mention d’une étude commandée par la Newfoundland Inshore Fishers Association (NIFA) qui souligne la faiblesse de l’approche : [NIFA] est même allée jusqu’à commander sa propre étude. La NIFA a embauché un groupe de biologistes indépendants de l’Université Memorial chargés de mener une 11

Le MPO se penche sur les stocks globaux, sur les stocks qui peuvent être pêchés légalement (fishable stocks) et sur les stocks reproducteurs (spawning stocks) qui assurent le maintien de ces derniers. 12

GPI Atlantic, op.cit. (2002), p.35; cf. aussi pp.7-8 11

vérification technique des évaluations du MPO. En décembre 1986, elle a rendu public le rapport Keats qui concluait que les méthodes et les calculs du MOP étaient incorrects et donnaient lieu à des évaluations surestimant considérablement la taille des populations de poisson. Conséquemment, on sous-estimait largement le taux de mortalité du poisson et, en fait, on se livrait à une surpêche importante. Toutefois, en 1987 et 1988, en dépit de ces avertissements, les scientifiques du MPO ont en fait établie un TPA [allocation de prises] plus élevé.... Ce n’est qu’un 1989 que les scientifiques fédéraux se sont rendus compte qu’il y avait de sérieux écarts dans leurs évaluations. 13 Le résultat était une révision des calculs par le Comité scientifique consultatif des pêches canadiennes dans l’Atlantique; en rétrospective, l’allocation de 1989 aurait dû être 125 000 tonnes métriques plutôt que 296 000 tonnes métriques; les scientifiques du gouvernement fédéral ont ramené cela à 100 000 tonnes. C’était trop tard. Les pêches ont continué à augmenter, jusqu’à ce que « les dragueurs de Fisheries Products International ne rentrent au port entièrement vides ». 14 C’était la reconnaissance de l’effondrement, en 1992. On peut voir que l’étude de 1986 semble avoir été perspicace, manifestant la préoccupation des pêcheurs alors que les calculs officiels montraient une courbe ascendante. Nous reviendrons à cette situation dans la présentation de la deuxième approximation, en utilisant les prises réelles. Le Québec a vécu une expérience similaire, et le Tableau 1 montre l’évolution des stocks, toujours selon les modèles du MPO, où le maximum de biomasse dans les stocks est atteint en 1983 et en 1986, respectivement, pour les deux stocks, et en 1983 pour les stocks globaux. 15 Tableau 1

L’évolution des stocks reproducteurs de morue dans le golfe du Saint-Laurent 1974-2008 Stock en tonnes, morue du nord *

1971 1972 1973 1974 1975 1976

195 178 189 455 214 968

Stock en tonnes, morue du sud * 151 018 138 423 113 211 92 777 81 770 82 251

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Table ronde nationale, op.cit., pp.9-10

14

Table ronde nationale, op.cit., p.10

Stocks totaux des reproducteurs, en tonnes

287 955 271 225 297 219

15

Les données viennent des modèles d’ADAPT, du MPO, à http://www.mar.dfompo.gc.ca/science/adapt/adapt-f.html Pour établir les populations des poissons, les chercheurs utilisent des modèles en faisant des hypothèses entre autres sur le taux de mortalité naturelle. Le Tableau présente les calculs officiels du temps, et on peut comprendre qu’ils reflétaient, dès la fin des années 1980, une correction par les chercheurs de la méthode suite à l’expérience de l’effondrement des prises. GPI Atlantic utilise la biomasse totale pour calculer la valeur des stocks. Nous prenons la biomasse des stocks reproducteurs et tentons une évaluation de ces flux. 12

1977 212 937 1978 229 194 1979 256 442 1980 293 630 1981 314 781 1982 341 355 1983 378 056 1984 334 939 1985 217 932 1986 250 483 1987 162 348 1988 125 999 1989 119 849 1990 69 168 1991 41 734 1992 34 043 1993 23 143 1994 11 257 1995 14 467 1996 19 202 1997 25 946 1998 28 576 1999 36 157 2000 30 350 2001 25 365 2002 21 367 2003 20 146 2004 33 262 2005 38 828 2006 34 302 2007 37 514 2008 36 639 *selon les modèles du MPO

102 023 181 713 265 648 323 711 338 108 333 895 332 595 333 694 378 338 404 742 374 076 292 979 227 472 174 049 132 894 103 182 80 505 79 809 86 278 93 962 103 280 107 471 102 546 98 965 99 420 89 662 80 960 69 606 56 800 49 550 42 922 35 957

314 960 410 907 522 090 617 341 652 889 675 250 710 651 668 633 596 270 655 225 536 424 418 978 347 321 243 217 174 628 137 225 103 648 91 066 100 745 113 164 129 226 136 047 138 703 129 315 124 785 111 029 101 106 102 868 95 628 83 852 80 436 72 596

Après le premier moratoire en 1992, la biomasse de ce stock, tel que calculée, a atteint des abysses, comportant moins de 10 % de celle des sommets. Suite à la réouverture de la pêche en 1997, la biomasse du stock reproducteur a commencé une nouvelle chute (toujours suivant les modèles du MPO) sans signe de reprise. La Figure 3 montre graphiquement l’évolution des stocks, telle que calculée selon la méthode du MPO. Les courbes sont typiques de nombreuses autres courbes qui typifient le développement depuis soixante ans, sauf que bon nombre – et surtout les indicateurs économiques - ne montrent encore que la partie ascendante.... Figure 3

L’évolution des stocks de la morue du nord et du sud au Québec

13

*selon les modèles du MPO La valeur des stocks de morue Il est pertinent, dans un deuxième temps, de présenter les informations sur les données de base pour la valeur des stocks, suivant l’approche de GPI Atlantic, soit le produit des stocks reproducteurs multipliés par le prix établi par les marchés. Ce prix est en augmentation constante pendant toute la période. Le Tableau 2 fournit les données. Comme c’est souvent le cas, le prix semble refléter la rareté croissante avec les stocks en chute libre, ce qui n’est pas nécessairement une aide dans la gestion de stocks en difficulté. Tableau 2

1985 1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 16

L’évolution des stocks reproducteurs de morue et du prix 16 au marché (en dollars courants)

Stocks morue du nord (tm) 217 932 250 483 162 348 125 999 119 849 69 168 41 734 34 043 23 143 11 257 14 467 19 202

Prix au kg morue du nord 0,51 $ 0,60 $ 0,90 $ 0,71 $ 0,69 $ 0,73 $ 0,96 $ 1,01 $ 1,03 $ 1,38 $ 1,39 $ 1,24 $

Stocks morue du sud (tm) 378 338 404 742 374 076 292 979 227 472 174 049 132 894 103 182 80 505 79 809 86 278 93 962

Prix au kg morue du sud 0,53 $ 0,59 $ 0,90 $ 0,63 $ 0,65 $ 0,69 $ 0,93 $ 1,01 $ 1,05 $ 1,05 $ 1,42 $ 1,32 $

Source MPO, section du Québec

14

1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007

25 946 28 576 36 157 30 350 25 365 21 367 20 146 33 262 38 828 34 302 37 514

1,23 $ 1,14 $ 1,53 $ 1,50 $ 1,51 $ 1,36 $ 1,69 $ 1,51 $ 1,14 $ 1,23 $ 1,50 $

103 280 107 471 102 546 98 965 99 420 89 662 80 960 69 606 56 800 49 550 42 922

1,09 $ 1,10 $ 1,68 $ 1,62 $ 1,57 $ 1,20 $ 1,57 $ 1,61 $ 1,29 $ 1,32 $ 1,57 $

La Figure 4 reprend la courbe des stocks et ajoute celle des prix, qui va dans le sens contraire. D’une façon quelconque, semble-t-il, les acheteurs ressentaient une rareté en dépit des assurances des responsables gouvernementaux. Figure 4

Évolution du prix pour les prises (en dollars courants)

Mettant ensemble les calculs du MPO et les prix établis par les marchés, l’approche de GPI Atlantic permet un certain regard sur la question des stocks, en voyant l’évolution de la valeur que le calcul leur attribue. Le Tableau 3 fournit les informations sur l’évolution de la valeur des stocks de géniteurs.

Tableau 3

La valeur des stocks, produit du prix et de la biomasse (en dollars courants) 15

1985 1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007

Valeur des stocks reproducteurs, morue du nord 170 468 619,04 215 733 360,56 146 182 714,07 89 051 834,54 82 427 350,71 50 308 259,35 39 976 783,71 34 501 387,74 23 845 614,00 15 584 219,49 20 081 727,87 23 740 255,16 31 877 136,97 32 603 640,15 55 238 487,19 45 417 352,44 38 224 743,61 29 027 104,40 34 040 655,50 50 151 510,45 44 255 134,66 42 129 392,70 56 088 850,14

Valeur des stocks reproducteurs, morue du sud 309 951 481,56 345 520 521,47 459 033 334,54 244 874 051,76 190 742 441,80 149 897 150,15 149 425 988,56 124 504 212,31 101 237 792,92 100 120 872,60 143 461 232,51 143 003 876,97 127 207 672,31 129 797 237,36 187 737 894,46 171 743 298,99 159 277 094,15 107 606 386,01 124 128 800,46 106 464 388,55 67 816 764,92 59 170 198,52 59 460 825,15

Valeur des stocks reproducteurs totaux 480 420 100,60 561 253 882,03 605 216 048,62 333 925 886,30 273 169 792,51 200 205 409,50 189 402 772,27 159 005 600,05 125 083 406,92 115 705 092,09 163 542 960,38 166 744 132,13 159 084 809,27 162 400 877,51 242 976 381,64 217 160 651,44 197 501 837,76 136 633 490,41 158 169 455,96 156 615 899,00 112 071 899,58 101 299 591,22 115 549 675,29

La Figure 5 montre cette information graphiquement, avec des courbes qui ressemblent beaucoup à celles de la Figure 3, mais avec un retard d’environ deux ans avant que les marchés ne s’aperçoivent du problème. Finalement, la hausse du prix ne réussit pas à cacher l’effondrement des stocks, dans cette approche à une première approximation du coût de la crise.

Figure 5

La perte de valeur des stocks reproducteurs 1985-2007 (en $ 2002 constants)

16

La perte de valeur annuelle et cumulative des flux générés par les stocks de morue La troisième étape de notre calcul est l’identification des variations dans la perte de valeur annuelle, la base de notre première approximation au coût de la catastrophe. Les deux graphiques suivants (Figure 6) présentent graphiquement la perte de valeur de la biomasse des stocks, en relation avec la valeur de la perte sur une base annuelle. Cette perte annuelle donne une première indication de la perte des bénéfices; nous avons posé l’hypothèse que la valeur des stocks est en relation directe avec les bénéfices qu’ils fournissent. Après des fluctuations importantes au début de la période, résultat de l’interaction de la baisse des stocks et de la hausse du prix, les pertes annuelles se stabilisent à des niveaux assez bas, dans les deux cas; le mal a été fait. Figure 6

L’évolution de la valeur de la biomasse – morue du nord et du sud

Les pertes annuelles dans la valeur des stocks varient d’année en année; la perte maximum était de 70 M$ pour le nord, en 1987, et 214 M$ pour le sud, en 1988. La perte de valeur a été dramatique au moment de l’effondrement des stocks, pour se stabiliser par la suite, le faible niveau des stocks en permanence et un marché finalement inopérant combinant pour définir cette situation. L’impact de l’effondrement des stocks est cumulatif, chaque année marquant une situation où les pertes des stocks - normalement - des années précédentes restent et la nouvelle perte de l’année en cours s’y ajoute; les stocks ne se remettaient pas. En effet, la perte dans les stocks 17

reproducteurs continuait chaque année, pendant la période, même s’il y avait des fluctuations dans la tendance générale de leur valeur en raison de la hausse des prix et dont le suivi des pertes annuelles tient compte; les baisses des populations de relève cumulaient au fur et à mesure qu’il y avait moins de reproducteurs. Chaque année, il y avait moins de poissons disponibles pour la pêche. Nous prenons ces informations, basées sur les modèles du MPO, pour estimer une valeur des prises qui en sont obtenues et la valeur des pertes de bénéfices due à la dégradation du capital. Nous partons de la relation qui peut être établie (Figure 7) en regardant le lien entre les prises et les stocks eux-mêmes. Figure 7

La relation prises/stocks 1974-2007 17

Le graphique montre assez clairement – c’est frappant – que des prises de l’ordre de 6 % ont pu continuer pendant 15 ans de façon plutôt stable. C’est en 1992, après des prises de 9 % des stocks en 1990 et de 11 % en 1991 et 1992, que l’effondrement a eu lieu. Nous concluons que les niveaux de pêche de la période 1974-1989 auraient pu peut-être être maintenus; les responsables des allocations de prises n’ont pas du lire ces informations de la même façon. Le Tableau 4 fournit la valeur des pertes cumulatives globales des bénéfices, en fonction d’un scénario où ces pertes sont celles relatives aux bénéfices qui auraient pu être obtenus avec des prises respectant la capacité de reproduction des stocks, soit de 6 % de ceux-ci. 18 Avec quelques ajustements du PIB, les pertes annuelles cumulatives représentent une première approximation aux pertes suivies par l’IPV (la cinquième colonne), soit celles qui découlent de la perte progressive de capacité du capital naturel à fournir un flux de services annuels. Tableau 4

Pertes annuelles et cumulatives globales des stocks de morue 1986-2007 ($2002 constants)

17

Source comm. pers. François Bilodeau, MPO, pour les prises. Nous en prenons compte de façon plus complète dans la présentation de la deuxième approximation, à la section suivante. 18

Il faut le rappeler : tout le calcul est basé sur des évaluations des stocks faites par les modèles du MPO, bien faillibles, et sur le prix pour les poissons établi par les marchés, qui ne pouvait connaître l’état des stocks. 18

1985 1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007

Valeur des stocks Valeur des prises à Pertes annuelles Pertes annuelles Soustraction IPV : reproducteurs 6% des stocks cumulatives des des prises 1ère approximation** $2002 reproducteurs prises* 480 420 101 561 253 882 35 078 368 605 216 049 37 826 003 -2 747 635 0 333 925 886 20 870 368 16 955 635 16 955 635 273 169 793 17 073 112 3 797 256 20 752 891 2 747 635 200 205 410 12 512 838 4 560 274 25 313 165 19 703 270,145 189 402 772 11 837 673 675 165 25 988 330 23 500 526,007 159 005 600 9 937 850 1 899 823 27 888 153 28 060 799,945 125 083 407 7 817 713 2 120 137 30 008 290 28 735 964,772 115 705 092 7 231 568 586 145 30 594 435 30 635 788,035 163 542 960 10 221 435 -2 989 867 30 594 435 32 755 925,106 166 744 132 10 421 508 -200 073 30 594 435 33 342 069,783 159 084 809 9 942 801 478 708 31 073 142 36 331 935,783 162 400 878 10 150 055 -207 254 31 073 142 36 532 008,783 242 976 382 15 186 024 -5 035 969 31 073 142 37 010 716,461 217 160 651 13 572 541 1 613 483 32 686 626 37 307 970,461 197 501 838 12 343 865 1 228 676 33 915 301 42 343 939,461 136 633 490 8 539 593 3 804 272 37 719 573 43 957 422,599 158 169 456 9 885 591 -1 345 998 37 719 573 45 186 098,454 156 615 899 9 788 494 97 097 37 816 670 48 990 370,164 112 071 900 7 004 494 2 784 000 40 600 670 50 336 367,164 101 299 591 6 331 224 673 269 41 273 940 50 433 464,473 115 549 675 7 221 855 -890 630 41 273 940 53 217 464,437 * La colonne ne comptablise que les vraies pertes; les valeurs négatives signifient une augmentation de la valeur des prises, en dépît de l’effondrement des stocks en cours, et ne « corrigent » pas le véritable bilan. ** Les pertes annuelles cumulatives (les flux moindres) plus une correction qui soustrait du total (et du PIB) la valeur attribuée aux prises à quelques occasions pendant l’effondrement.

Le graphique de la Figure 8 illustre la dernière partie de la courbe de la Figure 7 d’une autre façon, en termes des pertes indiquées dans le Tableau 4, et montre ce que les communautés qui vivaient de la pêche à la morue connaissent depuis vingt ans. Les bénéfices sont moindres presque chaque année par rapport à l’année précédente, allant jusqu’à 17 M$ (au tout début, en 1988), mais il y a surtout un cumul de pertes qui ne cessait de s’accroître, par rapport aux « bonnes années ». Ces pertes sont la différence entre ce qui aurait été obtenus en flux provenant de l’exploitation des stocks, si ceux-ci avaient été maintenus stables, et ce qui serait passé dans les conditions de rupture de stocks en suivant le même scénario. La Figure 8 laisse l’expérience des années où les communautés connaissaient des hausses des prix (soit les « pertes négatives »), ce qui s’est finalement révélée une illusion. Nous en verrons l’importance de ceci dans la prochaine section, où il est question de la valeur des prises pendant la période. Pour le moment, il s’agit de formuler une première approximation au 19

coût pour les communautés de l’effondrement des stocks de morue; les valeurs négatives du Tableau 4, inscrites dans le PIB comme du progrès, sont soustraites, tout comme les pertes cumulatives, qui représentent la perte en augmentation annuelle du niveau de vie résultant de la dégradation du capital naturel. Figure 8

Valeurs des pertes annuelles et cumulatives des prises

3. Le coût de la surexploitation des stocks de poissons de fond – deuxième approximation La sur-prédation de la morue, par une espèce qui se trouve en dehors de l’écosystème marin et qui n’y était donc pas assujetti, a fait qu’elle n’a pas pu défendre sa niche, qui se trouvait alors lentement envahie par les autres espèces qui en profitent pour étendre leur espace vital. L’écosystème a refermé la plaie ouverte laissée par la surpêche de la morue en réduisant considérable la niche qu’occupait cette espèce historiquement. Les données du Tableau 5 viennent supporter cette conclusion, qui semble simplement logique pour un gigantesque écosystème qui obéit aux fondements du développement de la vie sur terre : survivre et se reproduire. Le tableau montre que depuis 1993 les prises ont été très faibles. Pourtant, non seulement les stocks ne se rétablissent pas mais ils continuent à diminuer à un taux de 6-7 % par année alors que le taux de prises est de 2-3 %. L’espèce ne parvient pas à récupérer sa niche. 19 Finalement, ce sont par ces diminutions des prises année après année que les pêcheurs du golfe du Saint-Laurent ont ressenti la perte de bénéfices résultant de l’effondrement des stocks. Pour déterminer la perte de flux de bénéfices, nous partons de ce qui est révélé par les prises et par la valeur de celles-ci pour établir une deuxième approximation au coût de cette catastrophe, que nous croyons plus proche de la réalité, toujours difficile à cerner. Nous faisons une transition à cette deuxième approximation en mettant en relation les stocks, clé pour la première approximation, et les données sur les prises réelles et leur valeur. La situation au Québec reflète l’expérience des communautés de pêcheurs tout autour du golfe du Saint-Laurent. En Nouvelle-Écosse, la situation a été dramatique. 19

Comm. pers. Émilien Pelletier, le 15 août 2010 20

The total weight of the catches obtained by Nova Scotian fishers increased through most of this century, peaking in 1988 at 522,000 metric tonnes. A notable decrease in total landings (by weight) occurred through the 1990s, reflecting the collapse of cod and other groundfish stocks. By 1997 the total weight of fish caught, 270 000 MT, was roughly half of what it had been in 1991 (DFO, 1999b). 20 Les prises 1986-1007 Pour situer les pertes réelles, il est pertinent de mettre les prises en relation avec les stocks tels que calculés par le MPO et déjà présenté sommairement plus haut. Le Tableau 5 fournit les données, en mettant en relation les stocks, calculés utilisant des modèles sophistiqués, et les prises réelles pendant la période. Comme nous l’avons souligné, il y a certainement une relation entre les stocks des reproducteurs et les poissons disponibles pour des prises soutenables, mais cette relation n’est pas nécessairement linéaire. Tableau 5

1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007

Stocks et prises 1986-2007

Prises en tonnes métriques 34 274 31 189 26 906 25 927 22 284 19 904 16 135 4 088 364 488 503 1 581 1 970 4 031 3 982 3 972 3 233 175 1 520 2 155 2 654 2 433

Stocks globaux en tonnes métriques 628 821 567 090 500 075 412 828 296 640 215 783 166 937 126 325 91 762 94 276 105 480 119 908 131 856 143 628 132 896 124 330 120 787 109 808 114 222 108 434 91 102 87 064

Relation Prises/Stocks 0,055 0,055 0,054 0,063 0,075 0,092 0,097 0,032 0,004 0,005 0,005 0,013 0,015 0,028 0,030 0,032 0,027 0,002 0,013 0,020 0,029 0,028

La Figure 7 (représentée plus bas) montre graphiquement la relation entre les prises et les stocks estimés, sur une assez longue période, période qui fournit un contexte pour celle couverte par le 20

GPI Atlantique, op.cit., 2002, p.29 21

Tableau 5, la période de l’effondrement à partir de 1986. Selon la lecture de la situation que nous avons présentée plus haut, le MPO n’a pas prévu l’effondrement des stocks et a permis des niveaux de pêche excessifs à la fin des années 1980 et au début des années 1990. Le graphique montre bien la situation où les prises ont augmenté, même par rapport aux stocks calculés, jusqu’en 1992 et l’effondrement. Figure 7 (bis)

Relation entre les prises et les stocks (1971-2007 et 1986-2007)

L’étude du MPO de 2002 déjà cité est très intéressante dans ce contexte. Elle porte sur la période jusqu’en 2001, mais ne mentionne qu’à la dernière page les mesures prises pour répondre aux problèmes sociaux, et cela après avoir donné de nombreuses indications que la pêche aux crustacées – prenant la place de la morue un peu partout, avec des prises suffisamment importantes qu’elles limitaient fortement l’impact ressenti suite aux moratoires - ressemble à celle du poisson de fond auparavant. Dans un univers où les concepts de conservation et de prudence dominent, qu’advient-il des principaux stocks de poisson de fond qui ont fait l’objet d’un moratoire ? Dans le cas de la morue du sud du golfe du Saint-Laurent, dans la zone 4TVn, le stock a fait l’objet d’une pêche commerciale limitée à 6 000 tonnes métriques en 1999, 2000 et 2001. De façon générale, les scientifiques parlent d’un rétablissement lent, où la biomasse du stock reproducteur ne montre pas d’amélioration importante depuis la fermeture de la pêche en 1993. Les conclusions sont semblables en ce qui a trait au stock des zones 4RS3Pn, où une pêche commerciale limitée aux engins fixes a été permise depuis 1997. On a observé des classes d’âge plus fortes, mais ce recrutement demeure bien en deçà des recrutements moyens prévalant avant les années 90. 21 Depuis la reprise de la pêche en 1998, les prises sont à un niveau bien inférieur à ceux des années prémoratoires. Les modèles du MPO ont été corrigés pour tenir compte des surestimations des populations dans les années 1980. En même temps, la reprise de la pêche est en réponse aux pressions des pêcheurs dont la vie avait été bouleversée par la crise – mais c’est une reprise peu convainquante.

21

Op.cit., pp.47-48 22

La valeur des prises 1971-2007 Un deuxième élément dans l’établissement du portrait met en relation la valeur des prises, réelle, et la valeur des stocks calculée par GPI Atlantic en utilisant les modèles du MPO. Même la hausse du prix du marché pour la morue ne permettait une hausse de la valeur des stocks que pendant deux années suite à l’effondrement. Le Tableau 6 fournit les données. 22 Tableau 6

La valeur des prises et la valeur des stocks M$2002 constants Valeur des stocks globaux

1979 1980 1981 1982 1983 1984 1985 1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007

480 420 101 561 253 882 605 216 049 333 925 886 273 169 793 200 205 410 189 402 772 159 005 600 125 083 407 115 705 092 163 542 960 166 744 132 159 084 809 162 400 878 242 976 382 217 160 651 197 501 838 136 633 490 158 169 456 156 615 899 112 071 900 101 299 591 115 549 675

Valeur des prises 5,814 6,823 10,114 9,786 9,279 9,425 11,944 11,932 17,124 11,033 11,236 10,612 12,442 11,378 2,984 0,324 0,557 0,492 1,378 1,658 5,04 4,868 5,002 3,385 0,243 2,082 2,335 3,117 3,481

22

Source : Ministère des Pêches et des Océans, comm. pers. François Bilodeau, le 5 juillet 2010 pour la valeur des prises en dollars constants 23

La Figure 9 montre graphiquement la relation entre les deux. La première partie permet de voir la montée de la valeur des prises, en relation avec la valeur des stocks, dans l’insouciance 23 qui marquait la période avant l’effondrement. Il n’y avait plus de lien entre les deux pendant quatre ou cinq ans. Figure 9

La valeur des prises en relation avec la valeur des stocks en $2002

À partir de 1986, jusqu’en 1991, on voit le maintien de la valeur des prises (un peu diminuée) alors que la valeur des stocks 24, l’indicateur développé par GPI Atlantic, est en chute libre. La grande valeur des prises, et les problèmes avec les modèles du MPO, ont permis de maintenir l’illusion d’une pêche profitable pendant quelques années. Ceci montre le phénomène d’un indicateur économique trompeur qui n’est pas relié aux sources mêmes de la valeur, le capital naturel, et qui ne permet donc pas de gérer la ressource. Encore une fois – pour le répéter – le PIB reflétait les marchés eux-mêmes et passait donc à coté de ce qui était requis pour une gestion adéquate. L’insistance sur le maintien explicite de cette relation est au cœur des interventions des économistes écologiques, concepteurs de l’IPV. La perte annuelle et cumulative des bénéfices Ce qui nous intéresse pour le calcul de l’IPV est une évaluation basée sur les données réelles. Celle-ci porte sur (i) la perte annuelle des bénéfices, à partir d’une perte maximum dans les années 1980, alors que le PIB y inscrivait à plusieurs reprises des bénéfices, et (ii) le cumul de ces pertes annuelles en bénéfices retirés de l’exploitation du capital naturel, les stocks de morue. Nous prenons la baisse des prises comme un indicateur de la perte des stocks eux-mêmes; la deuxième approximation laisse de coté les modèles du MPO sur les stocks et cherche à évaluer la relation de la valeur de ces prises avec les prises elles-mêmes, montrée à la Figure 10. Figure 10

La relation entre les prises et la valeur de ces prises (en ‘000 $2002)

23

Le recours aux nouvelles techniques de pêche, dont le recours aux dragueurs (qui continuent à faire leurs ravages encore aujourd’hui), marquait la période. Les Canadiens ont tout simplement repris les méthodes des Européens après l’établissement de la limite de 200 milles. Encore une fois, la figure montre l’incapacité de gérer les ressources dans une perspective du long terme. 24

De toute évidence, les modèles du MPO sont beaucoup plus près de la réalité à partir de 1992. 24

La grande valeur des prises, et les niveaux élevés des prises elles-mêmes – il y avait des données « réelles » pour les deux -, ne permettaient pas plus que les modèles du MPO de prévoir sur ces bases un effondrement imminent et la réduction à presque zéro de cette valeur et de ce niveau de prise. (i) Les variations annuelles sont en effet positives pendant les années 1970, et mixtes pendant les années 1980, alors que des augmentations des prises et des valeurs dans les pêcheries n’auguraient rien de mal. C’était au début des années 1990, des années après l’effondrement, que les effets de celui-ci commencent à se faire sentir au sein des communautés. Le Tableau 7 et la Figure 12 en présentent le portrait. Tableau 7

1979 1980 1981 1982 1983 1984 1985 1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992

Les variations annuelles dans la valeur des prises en M$2002 25

Valeur des prises

Perte annuelle 26

5,814 6,823 10,114 9,786 9,279 9,425 11,944 11,932 17,124 11,033 11,236 10,612 12,442 11,378

-1,010 -3,290 0,328 0,506 -0,145 -2,519 0,012 -5,191 6,091 -0,204 0,625 -1,830 1,064

25

Les valeurs négatives représentent une augmentation de la valeur des prises par rapport à l’année précédente, les valeurs positives les pertes. Pour les années où les bénéfices étaient négatifs, le PIB l’était aussi à leur égard, et il n’y a pas lieu d’effecteur une correction. Nous soustrayons seulement les « bénéfices » enregistrés depuis 1985, purement illusoires. 26

Puisqu’il s’agit de pertes, les valeurs négatives dans la colonne représentent un gain plutôt qu’une perte, en fonction de la valeur des prises sur le marché. 25

1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 Figure 11

2,984 0,324 0,557 0,492 1,378 1,658 5,040 4,868 5,002 3,385 0,243 2,082 2,335 3,117 3,481

8,394 2,660 -0,233 0,065 -0,886 -0,280 -3,382 0,171 -0,133 1,617 3,142 -1,839 -0,253 -0,782 -0,364

Les fluctuations dans la valeur des prises : les gains et les pertes annuels en ‘000 $2002

Pour le souligner encore une fois : La figure est basé sur la valeur des prises, mesurée par l’effet combiné d’une hausse du prix répondant apparemment à une rareté ressentie et le maintien de l’effort de pêche en dépit d’un effondrement qui restait caché sous la surface de la mer. La transition en 1987-1988 est frappante : 1987 1988

17,124 11,033

-5,191 6,091

La valeur des prises atteint un sommet en 1987, avec un gain également le plus important de toute la période de presque 40 ans; en même temps ceci prépare, en 1988, la perte annuelle la plus importante de toute la période, à l’exception de 1993, et une chute des prises qui annonce la fin.

26

(ii) Les pertes qui débutaient pour de bon en 1988 représentaient le reflet de l’effondrement des stocks des poissons reproducteurs et du capital naturel à la base de l’économie de la pêche. Cet effondrement, selon les experts, est marqué par une baisse permanente dans les stocks, tel que reflétée par les estimations du MPO et présentée dans la Figure 3, que nous reproduisons ici, tellement elle mérite réflexion. C’est la courbe typique des populations des Cervidés, dont l’écologie comporte une explosion démographique qui dépasse la capacité de support du milieu et un effondrement de la population par la suite; il y a lieu de craindre que l’être humain se comporte actuellement comme les Cervidés. Figure 3 (bis)

L’évolution des stocks de la morue du nord et du sud au Québec

Nous nous permettons une dernière représentation de ce phénomène dont les courbes des graphiques représentent fort possiblement la situation à l’échelle de la planète, où une série de crises, plus ou moins sournoises selon la sensibilité de l’observateur, est finalement releguée aux oubliettes tellement les indicateurs économiques pressentent une croissance continue. Nous mettons en relation la valeur des prises et l’état des stocks de poissons reproducteurs, soit les courbes pour les pics des Figures 3 et 11.

Figure 12

Les crises qui ne se voient pas 27 M$2002

27

À la place d’un graphique à deux échelles, nous avons tout simplement multiplié les stocks par 10 pour permettre de voir les tendances. Le graphique sert de frontispice pour ce livre. 27

Il y a peut-être lieu de faire un seul commentaire : la reprise limitée de la pêche en 1997 marque un élément incongru du graphique, où, après la chute dramatique des deux courbes, on voit une relance de la valeur des prises, pendant deux ou trois ans, avec une rechute à zéro très rapidement, et une autre « reprise ». On peut y voir une indication des pressions constantes exercées par les communautés (et les entreprises) représentant le déni face à la réalité. Nous avons vu – nous voyons encore - le même phénomène dans de nombreux autres secteurs, l’échec de la Conférence de Copenhague marquant la plus récente évidence de cela. Le calcul de l’IPV pour les ressources halieutiques Nous voulons donc comptabiliser cette dégradation « cachée » du capital naturel qui se répercute de façon cumulative – en dépit de relances comme celles suggérées par le graphique de la Figure 12 – sur les communautés et sur le progrès qu’elles recherchent. Il faut reconnaître ce faisant que cet indicateur, fondé sur la valeur des prises déterminée par les marchés, n’est pas tout à fait robuste – sauf lorsque nous faisons confiance aux informations fournies par les marchés. Dans l’esprit guidant tout le travail sur l’IPV, nous le mettons seulement comme, justement, une indication des pertes. Le Tableau 8 fournit les chiffres pour ce dernier exercice dans le calcul des coûts de la perte de la morue, soit les informations sur les pertes annuelles des bénéfices et sur le cumul de ces pertes, à partir de 1983, la deuxième année du déclin, prenant ainsi les données de 1982 comme point de repère. Le Tableau 8 représente donc une façon d’estimer la non prise en compte des signaux de problème; il en attribue les pertes en fonction de ce sommet pour les stocks de 1982, sommet atteint sur les marchés en 1987.

Tableau 8

1980

Les pertes annuelles et cumulatives 1983-2007 en ’000$ 2002 Perte annuelle*

Pertes cumulatives**

Soustraction IPV***

-1,010

0,000

1,010 28

1981 -3,290 0,000 4,300 1982 0,328 0,328 4,628 1983 0,506 0,834 5,134 1984 -0,145 0,834 5,280 1985 -2,519 0,834 7,799 1986 0,012 0,846 7,810 1987 -5,191 0,846 13,001 1988 6,091 6,936 19,092 1989 -0,204 6,936 19,296 1990 0,625 7,561 19,920 1991 -1,830 7,561 21,750 1992 1,064 8,625 22,814 1993 8,394 17,019 31,208 1994 2,660 19,679 33,868 1995 -0,233 19,679 34,102 1996 0,065 19,744 34,167 1997 -0,886 19,744 35,053 1998 -0,280 19,744 35,333 1999 -3,382 19,744 38,714 2000 0,171 19,916 38,886 2001 -0,133 19,916 39,019 2002 1,617 21,532 40,636 2003 3,142 24,674 43,778 2004 -1,839 24,674 45,617 2005 -0,253 24,674 45,870 2006 -0,782 24,674 46,652 2007 -0,364 24,674 47,016 * Pour les années où il y a une valeur négative dans la colonne des pertes, c’est-à-dire une augmentation dans la valeur des prises, nous soustrayons le montant pour « corriger » le fait que les indicateurs économiques normaux ne voyaient pas qu’il s’agissait véritablement d’une perte de stock. ** Nous donnons une valeur négative à la perte de services qui découle de la dégradation des stocks. *** Colonne 2 + Colonne 1 pour les années de valeur négative de cette dernière, finalement le cumul des montants de la Colonne 1 avec les valeurs négatives transformées en valeurs positives. La Figure 13 fournit une illustration graphique de ces données. Nous incluons dans l’IPV cette deuxième approximation aux coûts cumulatifs, en termes des flux annuels qui ne sont plus accessibles, en lui donnant une valeur négative. Figure 13

28

Pertes annuelles et cumulatives 28 1983-2007 en M$ 2002

Incluant les ajustements au PIB quand celui-ci était positif en dépit de la situation. 29

Comparaison des deux approximations au coût de l’effondrement des stocks de morue Nous avons déjà fait un autre exercice en partant de l’approche à la valeur des stocks utilisée par GPI Atlantic 29 pour une première approximation du coût de la catastrophe. Avec le calcul de cette deuxième approximation, nous sommes donc en mesure de comparer les deux approximations au coût de la dégradation des stocks de la morue. Le Tableau 9 présente les deux résultats. Tableau 9

1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001

Comparaison des deux alternatives 1ère approximation : Pertes annuelles cumulatives de prises

2ème approximation : Correction du PIB et pertes annuelles cumulatives de prises

2 748 19 703 23 501 28 061 28 736 30 636 32 756 33 342 36 332 36 532 37 011 37 308 42 344

7 810 13 001 19 092 19 296 19 920 21 750 22 814 31 208 33 868 34 102 34 167 35 053 35 333 38 714 38 886 39 019

29

Nous le rappelons : GPI Atlantic évalue la biomasse totale, et ne cherche pas à déterminer des flux annuels. Nous prenons les stocks reproducteurs et nous estimons la perte des flux annuels, soit les bénéfices fournis par l’exploitation du capital représenté par les stocks. 30

2002 43 957 40 636 2003 45 186 43 778 2004 48 990 45 617 2005 50 336 45 870 2006 50 434 46 652 2007 53 218 47 016 * La somme des pertes annuelles et du « manque à gagner » associé à l’effondrement des stocks L’analyse en fonction des prises réelles et de la valeur de ces prises suggère des pertes moins importantes que celle fondée sur l’estimé des stocks par le MPO et des prises de 6 % de ces stocks. En effet, même si la pêche ne pouvait plus fonctionner, il restait (du moins selon les modèles du MPO) des quantités importantes de poissons, et les prises théoriques de 6 % de ces stocks, également théoriques, donnent lieu à des pertes plus importantes que celles connues en fonction des conditions réelles des marchés. Nous prenons l’analyse via les marchés pour l’IPV halieutique pour l’IPV. La Figure 15 montre qu’il n’y a pas énormément de différence entre les deux approximations. Figure 14

Comparaison des deux approximations en ,000 $2002

Conclusion Les événements extrêmes sont à l’origine des changements à long terme des écosystèmes. Les écologistes appliquent maintenant cette notion aux changements climatiques en cours qui sont considérés comme des événements extrêmes à l’échelle de quelques décennies à quelques siècles; ils sont en train de bouleverser certains écosystèmes et en particulier ceux des zones polaires. Finalement, la surpêche des années 80-90 dans le golfe est un événement extrême dont les répercussions deviennent de plus en plus visibles maintenant, 10 à 20 plus tard. Comme nous venons de le montrer, c’était un événement extrême également pour les communautés qui dépendaient de la pêche. Le but de nos travaux sur cette question était

31

justement d’établir un lien entre l’effondrement des stocks – le capital naturel sur lequel dépendaient ces communautés – et l’effondrement de ces communautés elles-mêmes. L’effondrement des stocks de morue dans le golfe du Saint-Laurent constitue un événement marquant dans l’histoire des liens entre notre économie et ses bases écologiques. Les indicateurs économiques ne permettaient pas de voir la catastrophe imminente, même si les praticiens des lieux – les pêcheurs – savaient très bien que tout n’allait pas bien dans la demeure. Les indicateurs économiques, et la dépendance des communautés de la ressource qu’elles voulaient permanente et « durable », ont fait en sorte que les signaux informels n’ont pas été reconnus. Le reste est de l’histoire. Il est bien possible que la réorganisation des écosystèmes du golfe va générer un nouveau capital naturel. La dégradation de ces écosystèmes est permanente en termes de la disparition des espèces qui constituaient ses maillons les plus visibles, et peut-être les plus importants. Il reste que d’autres espèces sont venues et vont venir pour occuper les niches inoccupées maintenant par les mammifères marins, par les oiseaux et par les poissons qui caractérisaient ces écosystèmes à l’arrivée des Européens il y a plus de quatre cents ans. En reprenant l’idée de la niche écologique énoncée plus haut, il apparaît qu’il y a une certaine compensation par l’écosystème pour la perte en capital, un « gain de capital » qui viendrait réduire dans le temps l’impact direct. Certaines espèces qui ont une valeur commerciale ont augmenté la valeur de leur stock depuis la quasi-disparition de la morue. L’exemple qui semble le plus clair est celui de la crevette nordique. Il semblerait que la réduction très importante de la prédation par la morue sur la crevette a permis une augmentation importante du stock du nord du golfe. Suivant les travaux des économistes écologiques, dont Constanza, ce gain doit être calculé en fonction de l’ensemble des bénéfices fournis par les écosystèmes du golfe. GPI Atlantic nous a fourni une idée de ces bénéfices, et nous terminons notre travail sur la question en reprenant la citation de la page 5 plus haut : The annual value of ecosystem services for the oceans off Nova Scotia is calculated very roughly as $US119 billion (1997 dollars). The enormity of this figure highlights the fact that the total value of ecosystem services provided by Nova Scotia’s marine environment is clearly not captured in the fishery’s GDP. Indeed the value estimated here is more than 340 times greater than Nova Scotia’s fishery GDP has ever reached. 30

30

GPI Atlantic, A. Charles, C. Burbidge, H. Boyd and A. Lavers. 2009. Fisheries and the Marine Environment in Nova Scotia: Searching for Sustainability and Resilience. GPI Atlantic. Halifax, Nova Scotia. Web: http://www.gpiatlantic.org/pdf/fisheries/fisheries_2008.pdf . Ce rapport est une mise à jour d’un rapport de 2002, A. Charles, H. Boyd, A Lavers, C. Benjamin, The Nova Scotia GPA, Fisheries and Marine Environment Accounts : A Preliminary Set of Ecological, Socioeconomic and Institutional Indicators for Nova Scotia’s Fisheries and Marine Environment à http://gpiatlantic.org/pdf/fisheries/fisheries.pdf . Rapport, 2002, Executive Summary, p.v 32

En même temps, et de façon assez paradoxale, le PIB de la crevette a diminué parce que le prix au débarquement s’est pratiquement effondré et les pêcheurs refusent même de sortir, puisqu’ils dépensent plus d’argent qu’ils n’en font. L’effondrement du prix de la crevette vient de la mondialisation et d’une abondance de crevettes sur le marché à un prix très bas, notamment à cause de la crevette grise provenant de l’aquaculture et non de facteurs liés aux stocks du golfe. Nous avons essayé de faire de l’analyse de cette catastrophe écologique et sociale – qui se chiffre seulement dans les quelques dizaines de millions de dollars - un signal de la situation globale actuelle. L’ensemble des courbes représentant les différents aspects du phénomène sont tellement graphiques, montrent de façon tellement frappante ce que c’est qu’un pic, un sommet, une abysse qu’il peut servir à résumer un autre ensemble, celui des nombreuses crises qui sévissent actuellement – qui se chiffrent dans les milliards, voire dans les billions en termes de pertes potentielles. Tout comme dans le cas de la morue et des autres poissons du fond, les « tendances lourdes » indiquées par le PIB quant au caractère permanent de la croissance qui se maintient depuis 65 ans ne fournissent pas une indication adéquate de notre situation. Les nombreuses soustractions apportées par l’IPV aux données économiques standard cherchent à fournir des pistes pour une meilleure prise en compte des crises via une monétarisation des externalités négatives qu’elles représentent. C’est à nous à agir, à reconnaître la faiblesse de notre indicateur de progrès.

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